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28 novembre 2024
Femmes
NGONE NDOUR, LA BOSS DES PLATINES
La directrice de Prince Arts a compris très tôt que la réussite, la reconnaissance et surtout le respect dans son métier se conquièrent. Elle ne s’est jamais contentée d’être la sœur de Youssou Ndour, pour espérer mériter quoi que ce soit dans la vie
Drapée dans une jolie djellaba bleue de nuit, la tête entièrement couverte d’un foulard noir, Ngoné Ndour attire par sa simplicité. Ce mercredi 4 mars, à notre arrivée à Prince Arts, c’est elle en personne qui nous ouvre la porte avec un sourire qui nous met à l’aise. Salamalecs chaleureux, comme de vieilles connaissances. La voix un peu grave et dans un français parfait, l’ingénieure du son nous entretient de son riche parcours, son amour pour les enfants, son attachement à la religion.
La directrice de Prince Arts a compris très tôt que la réussite, la reconnaissance et surtout le respect dans son métier se conquièrent. Elle ne s’est jamais contentée d’être la sœur de Youssou Ndour, pour espérer mériter quoi que ce soit dans la vie. À l’image de son frère, devenu star planétaire à force d’exceller et persévérer dans son métier, Ngoné est une bosseuse qui croit fermement à l’adage qui dit que la réussite est au bout de l’effort. Le féminisme et les privilèges dues à la femme la laissent de marbre. ‘’Je ne suis pas féministe pour beaucoup de raisons. Je me dis que la femme a sa place dans la société comme l’homme. Je pense que si on considère le côté professionnel, on ne doit pas parler de genre. Ce n’est pas parce qu’on est femme qu’on doit être privilégiée. On doit parler de l’individu et se baser sur la compétence de la personne pour lui donner un poste. Je crois plus au mérite. Je ne suis pas féministe, mais je défends l’intérêt de la femme. Pour moi, défendre l’intérêt de la femme n’est pas pareil au féminisme. Je ne veux pas qu’on violente les femmes, mais je ne suis pas obnubilée par cela’’, tranche-t-elle.
Convaincue que c’est par l’effort et le travail bien fait que l’on gagne le respect, Ngoné a fait du mérite son credo. Ses anciens collègues ainsi que tous ceux qui ont eu à travailler avec elle sont unanimes. Ngoné est une bosseuse et maitrise bien son domaine. ‘’Je n’ai jamais vu une bosseuse comme Ngoné. Elle aime travailler et fait tout pour avoir de bons rapports avec tout le monde. Elle est ouverte et demande conseil à tout le monde. Elle est correcte, polie et très pieuse. C’est une travailleuse hors pair’’, témoigne une de ses collaboratrices à la Sodav.
Née et grandie à Dakar, Mme Ndour a aussi fait ses humanités dans la capitale sénégalaise. Après une première partie de son cursus à Dakar, elle prend la destination de Londres pour poursuivre ses études. Influencée par son frère de chanteur, elle choisit d’évoluer dans le domaine de la culture, mais loin des micros et des scènes. A la place, elle travaille et manie le son en faisant des études en ingénierie de son. Un domaine qui était, jusqu’à-là, réservé aux hommes. ‘’C’est une influence que j’ai reçue de mon frère. J’ai toujours été passionnée par la musique et quand je grandissais, j’ai vu que sa carrière se développait un peu et j’ai eu une très grande influence venant de lui. Comme je ne savais pas chanter, quand je suis partie en Angleterre, j’ai eu à faire une connaissance qui m’a informée de l’école de formation d’ingénierie de son. J’aimais beaucoup les métiers d’homme et je n’avais jamais entendu parler d’un ingénieur de son femme en Afrique. J’ai décidé de suivre cette formation pour intégrer le secteur de la musique’’, se rappelle-t-elle.
Ses diplômes en poche, elle retourne au bercail pour exercer son métier. Faute de studio de production musicale à Dakar, à l’époque, elle se voit obliger de délaisser son métier d’ingénieur de son pour intégrer l’entreprise de son frère évoluant toujours dans le domaine de la musique. De simple secrétaire, puis chef de projet, en passant par la direction de l’usine de fabrication de cassettes, ensuite de Jololi, elle a su gravir les échelons pour arriver, grâce à sa hargne et à son savoir-faire, au sommet et devenir la directrice générale de Prince Arts.
Aux commandes de cette société de production de musique et d’organisation de spectacles, depuis sa création en 2007, cette belle dame, élancée au teint d’ébène et à la mine rayonnante, fait vibrer beaucoup d’amateurs de la belle musique. ‘’Le grand bal’’, les éditions du ‘’Grand bégué’’, les somptueuses soirées de spectacle de Youssou Ndour au King Fahd Palace sont ses œuvres. La ravissante petite sœur assure la direction artistique de la plupart des albums de son frère, Roi du mbalax. Elle manage également les spectacles de promotion et dirige la distribution des cassettes.
L’expérience ‘’Sen Petit Gallé’’ et ‘’Sen Petit Génie’’
Très ambitieuse et créative, elle ne se limite pas à la promotion des albums de Youssou Ndour. Cultivée et passionnée de culture, Ngoné Ndour est aussi dans la production de contenus pour le Groupe Futurs Médias. A l’ère du copier-coller des médias, elle innove et fournit à la TFM des émissions créatives. C’est l’exemple de ‘’Sen Petit Gallé’’ ou encore de ‘’Sen Petit Génie’’, deux émissions culturelles destinées essentiellement aux enfants.
En effet, très attachée aux chérubins, cette mère d’un unique fils a voulu, à travers son métier, faire sourire autant que faire se peut les petits bouts de chou. Ainsi, partie du constat que le paysage médiatique sénégalais manque de contenus pour ces mômes, elle crée deux émissions qui ont pour but de montrer le talent des enfants. ‘’Il y a une émission que je suivais sur la chaine Africable qui s’appelait «Mini-star» que j’adorais vraiment et je prenais tout mon temps pour la regarder. J’avais aussi constaté qu’au niveau du paysage culturel, il n’existait pas d’émissions du genre ou de projets pendant les vacances, pour montrer le talent des enfants. C’est pour cela qu’on a monté «Sen Petit Gallé», en nous inspirant certes de «Mini-star», mais en apportant des modifications pour y mettre notre touche personnelle. Ainsi, on a intégré beaucoup de choses que «Mini-star» n’avait pas’’, indique-t-elle.
Créé en 2013, ce concours est devenu le rendez-vous des grandes vacances à ne pas manquer. Et il n’est pas suivi que par les enfants. Bien d’adultes ne ratent pas les diffusions à la télé. Toutefois, il y a des gens qui n’ont pas adhéré au concept. En effet, des Sénégalais reprochent à l’émission de promouvoir le divertissement à la place de l’éducation pour les enfants. Mais pour l’initiatrice, loin de la décourager, ces critiques lui permettent plutôt d’améliorer la production. Consciente que la perfection n’est pas de ce monde, elle prend les critiques positivement pour pouvoir évoluer. ‘’Je vis positivement les critiques, parce que je me dis que nous sommes tous différents par rapport à notre perception du monde. J’aime les enfants et le milieu de la culture me passionne et j’ai pensé que, de par mon métier, je peux développer un volet enfant. Je pense que la culture peut beaucoup contribuer et contribue beaucoup à l’éducation’’, estime-t-elle. Encore que, disons que ceux qui ne se retrouvent pas dans ‘’Sen Petit Gallé’’ le seront forcément dans ‘’Sen Petit Génie’’.
En effet, toujours dans le souci de participer à l’épanouissement des enfants, la directrice de Prince Arts a mis en place, en collaboration avec la Coalition des organisations en synergie pour la défense de l'éducation publique (Cosydep) ‘’Sen Petit Génie’’. Une émission éducative. Un concours pour génies en herbe destiné aux élèves des classes de CM1. Outre la culture générale des enfants, l’émission permet d’équiper les écoles en salle informatique. En effet, pour chaque édition, l’école championne a droit à une salle informatique entièrement équipée. Et depuis sa création, sept écoles en ont bénéficié.
Malgré son âge et son allure de grande dame, Ngoné Ndour dit pourtant se sentir toujours gamine. Cela, parce que toujours passionnée et très attachée aux enfants avec qui elle entretient des relations très particulières. ‘’Je me suis dit que je suis restée enfant dans ma tête, car je suis beaucoup plus sensible et en sécurité avec les enfants qu’avec les adultes. J’ai toujours été comme ça. Pour moi, il n’y a pas plus génial que d’avoir des enfants. Ils sont purs. Avec eux, il n’y a pas de mensonge, ni de trahison. Je me sens plus à l’aise quand je suis avec eux qu’avec les adultes, parce que dans le monde des adultes, il y a beaucoup de rivalité, de jalousie, d’hypocrisie et de problèmes’’, considère-t-elle. Sa meilleure amie n’a pas 10 ans, dit-on.
Le respect des droits d’auteur, son autre combat
En plus d’être directrice de Prince Arts, Ngoné Ndour est aussi la présidente du Conseil d’administration de la Sénégalaise du droit d’auteur et des droits voisins (Sodav). Une société des artistes née d’une longue lutte des acteurs culturels pour le respect des droits d’auteur et des droits voisins. Faisant partie du comité de pilotage de la loi 2008 sur les droits d’auteur et droits voisins, après la mise en place de la Sodav, elle a postulé pour la présidence du conseil d’administration. Mais elle a perdu, lors de l’élection, contre Angèle Diabang. Deux ans après son élection, la réalisatrice a jeté l’éponge. Ngoné Ndour a, cette fois-ci, été élue en assemblée générale, en 2016, pour conduire les destinées de la première société civile des acteurs culturels sénégalais.
Très au fait de ce qui se passe dans le milieu culturel, elle fait tout pour contribuer au développement du secteur. Elle fait du combat pour le respect des droits d’auteur au Sénégal une affaire personnelle. Son objectif, aujourd’hui, est de faire en sorte que l’artiste se nourrisse de son art et que la Sodav assure sa mission de protection de leurs droits à tous les égards. En remplaçant le BSDA, la Sodav a étendu ses compétences aux droits voisins, incluant les interprètes. Cela va donc du musicien au danseur, en passant par le comédien ou encore le producteur audiovisuel et phonographique.
Un autre combat qui tient à cœur l’actuelle PCA, est le respect de la copie privée. Il s’agit des supports importés qui sont assujettis à la redevance appelée rémunération de propriété privée. ‘’La copie privée est l’un des plus importants droits économiques pour les sociétés de gestion collective. Cette redevance est reversée au niveau de la Sodav pour les partager aux ayants droit, à savoir les auteurs, les artistes interprètes et les producteurs. C’est une manne financière importante, parce qu’il s’agit des supports comme les téléphones portables, les clés USB, les disques durs, c’est-à-dire tout ce qui peut enregistrer une image ou un son et qui est importé. Il y a une redevance fixée dessus et que la Sodav pourrait récupérer pour reverser aux ayants droit. Cette copie privée est tellement importante pour la survie de la Sodav’’, explique-t-elle.
Femme de culture et de religion
Les évènements malheureux peuvent parfois nous ouvrir les yeux pour peser davantage sur le sens de notre vie. C’est ce qui est arrivé à Ngoné Ndour. La perte de son mari, il y a 4 ans, fut un évènement qui l’a assez marquée et l’a rapprochée davantage de la religion. Restée veuve depuis lors, elle a complètement changé de style vestimentaire. Le voile, les habits décents sont devenus de rigueur chez elle. Cet épisode douloureux de sa vie a renforcé sa foi.
‘’Depuis 4 ans, je porte le voile pour des raisons que tout le monde sait. J’avais perdu mon mari et durant mon veuvage, j’ai eu à beaucoup lire et à apprendre la religion, parce que j’avais beaucoup plus de temps pour me concentrer. Depuis, je porte le voile, parce que Dieu nous a dit ça. C’est ce que j’ai lu, compris et c’est ce que je fais. Ce n’est pas pour la mode. Qui me connait, sait que je ne badine pas avec ma religion. Je porte le voile, parce que c’est une recommandation divine. Avant, je portais tout, mais j’étais attachée à la religion. Pour moi, en matière de religion, il ne doit pas y avoir de «thiakhaane». Perdre un mari est très difficile et cela m’a permis de me ressaisir’’, laisse-t-elle entendre sur un ton assez ferme.
LE DUR QUOTIDIEN DES "MÈRES-PÈRES"
Elles sont instruites ou analphabètes, citadines ou campagnardes. Elles sont simplement femmes, mères, mais aussi… pères, en l’absence des ex-conjoints qui ont décidé tout bonnement de fuir leurs responsabilités. Elles ont accepté de partager leur vécu
Elles sont instruites ou analphabètes. Elles sont citadines ou campagnardes. Elles sont simplement femmes, mères, mais aussi… pères. En l’absence des ex-conjoints qui ont décidé tout bonnement de fuir leurs responsabilités, elles assurent seules. Ces braves dames prennent en charge toutes les dépenses de la famille. Cela va de la scolarité à la prise en charge médicale des enfants, en passant par la dépense quotidienne. Trois d’entre elles ont accepté de partager leur vécu avec ‘’EnQuête’’.
Les souvenirs restent vivaces dans la tête d’Aida Faye. Elle les aborde péniblement et peine à aligner correctement des phrases. Si la naissance d’un enfant est, pour beaucoup de couples, un évènement heureux, pour elle, les circonstances de la venue au monde de sa fille cadette, en 2018, sont pénibles et inoubliables.
‘’J’ai travaillé comme lavandière durant toute ma grossesse, pour payer mes ordonnances et les échographies’’, se remémore-t-elle, le regard vide, un brin de tristesse dans la voix.
Et pourtant Aida était toujours dans les liens du mariage, mais ne ressentait nullement la présence de son époux qui s’est détourné d’elle et de ses enfants. ‘’Mon mari disait qu’il n’avait pas les moyens de subvenir à nos besoins, alors que c’était faux. Il était toujours absent, durant mes grossesses, particulièrement les deux dernières. Je continuais à travailler et à garder un peu d’argent de côté pour les frais d’accouchement et les petites dépenses qui l’accompagnent’’.
Le coup a été encore plus dur à encaisser, après la naissance de sa fille. La mère de 3 enfants gardait encore l’espoir de célébrer cet évènement heureux auprès de son époux. Elle attendra en vain… ‘’Il n’est même pas venu au baptême et n’a rien donné pour les préparatifs. Il a juste délégué une de ses sœurs’’, regrette-t-elle.
Cet épisode était comme un halo de lumière. Elle a décidé de ne plus continuer à vivre dans ce ménage qui n’en était que de nom. Elle a demandé le divorce et continué à prendre en charge sa famille, comme elle le faisait si bien jusque-là. ‘’C’est difficile de supporter seule tous les frais. Je prends en charge la scolarité, les fournitures, je prévois l’argent pour les fêtes et, quelquefois, des ordonnances ne manquent pas’’. Elle est encore lavandière et se désole que l’argent qu’elle gagne couvre à peine ses nombreuses charges. Elle a d’ailleurs décidé, depuis quelque temps, de s’investir dans un petit business de produits cosmétiques et autres literies.
Mais le manque d’argent n’est qu’une partie des problèmes que cette mère-père rencontre. C’est la croix et la bannière, quand il s’agit d’obtenir des papiers pour ses enfants. ‘’Mon deuxième enfant n’a pas eu d’extrait de naissance, jusqu’en classe de 6e. A chaque fois que je demandais à son père de lui en faire, puisque, juridiquement, il est le seul apte à le faire, il refusait. Il disait que les enfants ne vivaient pas sous son toit, donc il n’avait aucune obligation envers eux’’, se souvient-elle.
Vêtue d’une taille-basse en brodé marron, un voile sur la tête, Aida enchaine son récit teinté de déceptions et d’amertumes. ‘’Pour se donner bonne conscience, mon ex disait à qui voulait l’entendre que j’ai toujours refusé son aide, ce qui n’est pas vrai. Il se targue même de m’offrir à chaque Tabaski la somme de 10 000 F et un gigot, alors que j’ai trois enfants en charge. Ce geste ne représente rien pour moi’’, clame la jeune dame.
‘’Un jour, vos enfants essuieront vos larmes’’
La situation d’Aida Faye n’est pas un cas isolé. Elle est le quotidien de plusieurs femmes sénégalaises qui, en l’absence d’un ex-mari, prennent seules en charge leurs enfants. Sur Facebook, elles se signalent, dans l’anonymat, à travers de tristes témoignages dans des groupes exclusivement réservés à des femmes. Si d’aucunes, en quête de soutiens, racontent leur calvaire, d’autres se vantent d’avoir traversé le désert, seules, en assurant une éducation exemplaire à leurs enfants. ‘’Courage aux femmes qui sont obligées de jouer aussi le rôle du père. Croyez-moi, un jour, vos enfants essuieront vos larmes’’, avait posté une dame dans un groupe de femmes, en guise de réconfort.
D’après les juristes, ces femmes sont dans ce qu’on appelle ‘’une famille monoparentale’’. Au Sénégal, ces femmes ont décidé de se battre pour que leurs enfants aient un minimum de bien-être. C’est le cas de Bineta Diallo, la maman d’une jeune fille de 15 ans. Elle l’élève seule, depuis sa naissance. Elle, au moins, a un salaire net qu’elle perçoit tous les mois. La quarantaine bien sonnée, Bineta est enseignante.
‘’Je n’ai pas demandé à naitre. Le jour qu’on t’annoncera ma mort…’’
Dans cette matinée du 27 février, Bineta Diallo nous reçoit dans l’école où elle sert. Son syndicat est en débrayage et elle a suivi le mot d’ordre. Dans une robe en tissu voile de couleur blanche aux motifs multicolores, un large sourire aux lèvres, elle explique fièrement à ses collègues la raison de notre visite. ‘’Elle est venue pour un entretien dans le cadre du 8 Mars. C’est pour parler du statut des femmes-mères, femmes-pères’’, lance-t-elle sur un ton taquin. Dans le bureau de la directrice où elle nous invite, Mme Diallo est très à l’aise pour revenir sur son histoire.
Si Aida Faye pose surtout le problème financier, Bineta est, quant à elle, plus préoccupée par la présence d’une autorité masculine pour l’éducation de sa fille.
‘’Le père a plus de rigueur dans l’éducation, alors qu’entre la mère et l’enfant, il y a de la complicité et de la compassion. Les femmes sont dociles. Au plan financier, je n’ai pas de problème, même s’il faut reconnaître quand même que, quand on est deux, il est plus facile de joindre les deux bouts. Je suis obligée de me sacrifier pour faire plaisir à ma fille et la mettre à l’abri du besoin. Une manière pour moi de l’aider à ne pas ressentir l’absence de son père’’, confie-t-elle.
Mais l’argent ne peut nullement remplacer l’affection d’un père. Malgré tous les efforts de Bineta, sa fille paraît être en manque de quelque chose. ‘’C’est à travers ses comportements que je peux lire sa tristesse. Elle essaye peut-être de m’épargner ses états émotionnels, mais c’est perceptible’’, se désole l’institutrice au teint clair.
Pis, dit-elle, la jeune fille envoie quelquefois des messages pas des plus gentils à son père pour se plaindre de cette distance. Ce dernier, dit-elle, n’appelle même pas pour prendre de ses nouvelles. ‘’Sa fille lui envoie des messages, des fois, pour se plaindre. Elle lui dit : «Pourtant, je n’ai pas demandé à naitre. Je suis sûre que mes frères sont dans de bonnes conditions. Est-ce que tu te soucies de mon existence ? On risque de t’appeler un jour pour te dire que ta fille est morte et là tu ne sauras pas quoi dire», raconte la maman désespérée par l’attitude de sa fille.
Face à cette situation, le papa rejette la faute sur son ex-femme qu’elle soupçonne de monter sa fille contre lui. Après son divorce, Bineta Diallo n’a pas voulu aller au tribunal pour faire au moins bénéficier à sa fille d’une pension alimentaire. Elle ne voulait compter que sur elle-même. Seulement, la mère de famille ne pensait pas que son ex-mari allait définitivement tourner le dos à sa fille, qui n’a jamais connu l’amour d’un père.
Mery Badiane : ‘’Je sens qu’il lui manque quelque chose que je ne peux lui donner’’
Il en est de même pour les deux jeunes garçons de Mery Badiane. Le plus âgé a 14 ans et l’autre 11 ans. Ce dernier ne connaît pas son père qui pourtant vit à Dakar comme lui. Le père étant absent depuis sa naissance, il n’appelle que de très rares fois. Mery croit que son ex-mari lui en veut, parce qu’il ne voulait pas divorcer, mais ne comprend pas qu’il tourne le dos à ses fils.
‘’Je vis avec mes enfants chez ma mère. Mon père étant décédé, il n’y a pas de figure paternelle à la maison. Il n’est pas facile, pour une femme, de devoir éduquer seule deux garçons. Mais j’y arrive tant bien que mal. Quand j’ai des problèmes, des fois, pour les corriger, j’appelle mon frère. Ils l’écoutent et font ce qu’il leur demande souvent’’, partage-t-elle. ‘’J’ai une chance que beaucoup de femmes vivant dans des familles monoparentales n’ont pas. J’ai pu avoir, avant mon divorce, la puissance maternelle. Je suis celle qui, légalement, décide de tout pour mes enfants. S’ils doivent voyager ou avoir un passeport, je n’ai pas besoin d’aller voir le père. C’est moi qui leur donne les autorisations’’, se réjouit-elle.
‘’Mon seul problème, aujourd’hui, et que je ne peux résoudre, est cette affection qui leur manque. Je remarque souvent que le plus petit de mes deux fils semble absent. Même son maître à l’école l’a remarqué. Je sens qu’il lui manque quelque chose que je ne peux lui donner, mais je n’y peux rien’’, se désole-t-elle.
Lors du divorce, devant le juge, elle n’a pas voulu d’une pension alimentaire pour ses enfants. Malgré tout, le juge a décidé d’une somme que le père devait verser. Jusque-là, l’ex-époux de Mery Badiane ne s’en est jamais acquitté.
Qu’elle s’appelle Aida, Bineta, Mery ou autre, le plus important, pour ces femmes qui élèvent des enfants dans la monoparentalité, est leur bien-être. Elles disent s’acquitter de leur devoir sans s’occuper du reste. Les pères fuyards, le tribunal de l’histoire jugera leur comportement. Elles appréhendent l’avenir différemment, mais restent toutes marquées par leur vécu.
‘’Je prendrai ma revanche’’
L’on se demande où sont les familles de ces pères déserteurs. Bineta Diallo considère que la famille de son ex-mari est complice des agissements de ce dernier. ‘’Le jour où ma fille devra se marier, je prendrai ma revanche sur sa famille paternelle qui devait être là, en l’absence du père. Elle saura que j’ai été seule à prendre soin d’elle’’, promet-elle.
Mery Badiane, elle, attend juste que ses enfants grandissent et réussissent. ‘’C’est là que je prendrai ma revanche. Leur père et sa famille sauront que, dans la vie, il faut toujours penser à ce qui va arriver demain. Je suis certaine qu’un jour, ils voudront renouer avec ses enfants qu’ils ignorent aujourd’hui’’.
Pendant ce temps, Aida Faye a choisi de mettre une croix sur tous les hommes. Son vécu ne l’encourage guère à contracter un nouveau mariage. Elle a été déçue et touchée dans son amour-propre. ‘’Je ne vais pas souffrir dans mon coin. J’ai choisi plutôt de continuer à vivre et à travailler pour mes enfants. Je considère que cela faisait partie de mon destin et qu’il me fallait le vivre’’, relativise la jeune dame, le sourire au coin.
Mais comme dit le slameur français Grand Corps Malade dans un de ses morceaux contenu dans son album ‘’Enfants de la ville’’, ‘’Pères et mères’’ : ‘’Il y a des pères nuls et des mères extra. Or, dix mères ne valent pas un père.’’
Ainsi, la présence d’un père est importante. Mais, quoi qu’il en soit, ‘’si la mère tue l’amertume, la magie s’éveille’’, assure Grand Corps Malade.
"UNE SURPRISE AGRÉABLE’’, SELON LE COACH
La victoire du Sénégal dans le tournoi de la zone ouest A de l’Union des fédérations ouest-africaines de football (UFOA) est une ‘’surprise agréable’’, a réagi aux médias l’entraîneur Mame Moussa Cissé.
Dakar, 8 mars (APS) – La victoire du Sénégal dans le tournoi de la zone ouest A de l’Union des fédérations ouest-africaines de football (UFOA) est une ‘’surprise agréable’’, a réagi aux médias l’entraîneur Mame Moussa Cissé.
‘’Beaucoup de satisfaction avec ce groupe avec lequel nous avons commencé à travailler voilà quatre mois, donc nous n’étions pas supposés venir gagner ce tournoi’’, a expliqué le technicien sénégalais, après la victoire 3-0 contre le Mali.
Les filles ont travaillé dur et méritent donc cette victoire, s’est-il félicité, précisant que ce groupe est en phase de reconstruction.
Il a souligné que ‘’ce tournoi est un prétexte pour préparer les éliminatoires de la CAN féminine’’ et salué la mentalité et le caractère dont les filles ont fait montre.
Après la demi-finale, les Lionnes y ont cru et ce samedi contre le Mali, avec une belle pelouse, elles ont joué leur va-tout, a-t-il ajouté.
‘’Nous avons bien étudié l’adversaire que tout le monde craignait et qui, avant cette rencontre, n’avait encaissé aucun but’’, a-t-il confié, se félicitant du
professionnalisme des joueuses.
En plus du titre zonal, Téning Sène a été sacrée meilleure gardienne du tournoi et Mama Diop, meilleure joueuse.
En match de classement, le Liberia a battu le Cap Vert 1-0.
"J’EN AI RAS-LE-BOL DE CES 8 MARS..."
Ce dimanche, les femmes sont à l’honneur, avec la célébration du 8 mars, qui marque la journée internationale des droits des femmes. Mais au Sénégal, toutes ne fêtent pas. À l’instar de Fatou Sow Sarr, directrice de l’institut des Genres et de la Famille
Ce dimanche, les femmes sont à l’honneur, avec la célébration du 8 mars, qui marque la journée internationale des droits des femmes. Mais, au Sénégal, toutes ne fêtent pas. À l’instar de Fatou Sow Sarr, directrice de l’institut des Genres et de la Famille. Cette dernière est à la tête du combat pour que l’acte posé par les femmes de « Nder », il y a deux cents ans soit inscrit dans l’agenda officiel du Sénégal. Et c’est depuis 2008 qu’elle a commencé à organiser des manifestations pour célébrer la journée « Talatay Nder ».
« Je ne célèbrerai plus le 8 mars... »
« Je ne suis pas contre le 8 mars mais je dis, je ne célèbrerai plus le 8 mars au Sénégal tant que l’Etat n’aura pas intégré le 7 mars dans son calendrier républicain. Parce que, le 8 mars, c’est les femmes du textile de New York. Je trouve que les femmes de « Nder » se sont sacrifiées pour leur patrie et je pense que cette symbolique est encore beaucoup plus puissante. J’ai toujours dit que la France n’est pas ma référence. Nos références sont nos propres valeurs, nos cultures », a expliqué Fatou Sow Sarr.
Avant d’ajouter « Nous voulons que le 7 mars soit inscrit dans l’agenda officiel. Ça fait 12 ans qu’on se bat pour cela. Le 8 mars n’est pas ma fête. J’en ai ras-le-bol de ces 8 mars où chaque année on vous sort une thématique et un an après personne ne se souvient de ce qui a été discuté ».
VIDEO
QUEL FÉMINISME EN AFRIQUE ?
Ndèye Fatou Kane, écrivaine et chercheuse en études sur le Genre à l'EHESS, parle de la condition des femmes aujourd'hui sur le continent et des combats à mener pour l'améliorer
À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, le 8 mars, nous vous proposons une émission spéciale d'Afrique Hebdo. Ndèye Fatou Kane, écrivaine et chercheuse en études sur le Genre à l'EHESS, nous parle de la condition des femmes aujourd'hui sur le continent et des combats à mener pour l'améliorer.
Auteure notamment de l'essai "Vous avez dit féministe ?", elle nous explique pourquoi le féminisme dérange aujourd'hui. Cette lectrice d’Awa Thiam a aussi lancé le hashtag #BalancetonSaï-Saï pour dénoncer le silence trop présent sur les violences faites aux femmes.
LES MINISTRES ASSOME AMINATA DIATTA ET ZAHRA IYANE THIAM FONT L’ETAT DES LIEUX
Occupant des ministères stratégiques pour l’autonomisation des femmes, Aminata Assome Diatta (Commerce et Pme) et Zahra Iyane Thiam (Microfinance) font le point sur les avancées et les défis relatifs
Occupant des ministères stratégiques pour l’autonomisation des femmes, Aminata Assome Diatta (Commerce et Pme) et Zahra Iyane Thiam (Microfinance) font le point sur les avancées et les défis relatifs à l’autonomisation des femmes aux Sénégal. Elles se sont prêtées à ce jeu en prélude à la célébration de la journée mondiale de la femme prévue ce 8 Mars.
L’As : Comment appréciez-vous l’évolution de la lutte pour le respect des droits des femmes ?
AMINATA ASOMME DIATTA ministre du Commerce et des Pme :
«Pour parler de l’émergence des femmes, il faut remonter à 10 ans avec les différentes lois votées pour donner à la femme plus de prérogatives sur le plan politique mais aussi sur différents aspects. Mais parler de la femme, c’est parler aussi du rôle de la femme dans la société sénégalaise. Je crois que demain, nous allons fêter (aujourd’hui) le bicentenaire des femmes de Nder. Des femmes qui se sont illustrées par leur courage, leur abnégation, leur sens de l’honneur et leur sens de la dignité. Je pense donc que les femmes sénégalaises se sont toujours illustrées. C’est peut-être du point de vue politique tel qu’on le fait aujourd’hui que nous voulons plus de place pour les femmes. Et avec les différentes lois, elles sont en train de gravir des échelons, d’autant qu’il y a de cela quelques années, les femmes ministres, c’était très rare. Les femmes leaders aussi. Mais nous avons noté en 2019 qu’il y avait des femmes qui avaient des prétentions présidentielles. C’est vraiment une nouvelle dynamique qui est en train de se dégager. Maintenant, ce qu’il faut retenir, c’est que les changements ne se font pas d’un coup mais de façon progressive. Par ailleurs, les femmes oublient souvent qu’elles sont fortes mais par notre éducation, elles sont habituées à taire leurs ambitions au profit des hommes. Et aujourd’hui, nous sommes en train de changer. Heureusement dans notre histoire, nous pouvons quand même nous référer à des personnes comme Aline Sitoé Diatta. Et c’est à nous de nous réapproprier notre personnalité, notre pouvoir de persuasion et notre force. Aujourd’hui, toutes les femmes sont, soit dans des mouvements de promotion féminine, soit dans des groupements d’intérêt économique. En réalité, le pays est en avance pour la promotion des femmes. Quand on entend le concept de parité, c’est en réalité un concept importé. Parce que je prends par exemple l’ethnie diola dont je fait partie, c’est un concept que nous avons depuis toujours car dans cette ethnie, aussi bien les hommes que les femmes, chacun a sa partition à jouer pour la bonne marche de la société. Il n’est pas dit qu’on a forcément les mêmes rôles, mais il n’est pas dit aussi que tel rôle est strictement réservé à telle ou telle personne. De tout temps, les femmes jouent un rôle. Si nous revisitons bien nos traditions, nous nous rendons compte que la femme a toujours occupé une place importante même si avec la colonisation et certaines idées reçues, on peut finalement oublier ce que nous étions »
ZAHRA IYANE THIAM, ministre de la Microfinance
«La place des femmes est centrale. Elle est centrale d’abord parce que nous constituons vraiment une masse dans la composante même de notre population avec un peu plus de la moitié. Mais également, la place de la femme est importante parce qu’elle s’active plus dans le secteur informel et nous savons que le secteur informel est un secteur très important au Sénégal. Et donc, juste pour ces deux éléments-là, il faut renforcer les capacités de cette couche pour lui permettre de jouer pleinement son rôle. Mais au-delà, c’est elle qui gère la famille et la famille, c’est la première cellule dans laquelle tout commence. Donc, c’est dire que l’importance de la femme ne se discute plus mais sa place peut être améliorée. Nous avons quelques textes qui encadrent cela comme la loi sur la parité. Nous avons également d’autres textes qui vont dans le sens de protéger les femmes à l’image de la loi criminalisant le viol. En contrepartie également, il faut que des journées comme celles du 8 mars soient un moment pour les femmes de faire des diagnostics et des perspectives : regarder d’où nous venons et où est-ce que nous allons, sur la base de possibilités de l’heure.
Comme vous appréciez l’autonomisation des femmes au Sénégal ?
Aminata Assome Diatta
«L’Etat a mis en place beaucoup de choses pour l’autonomisation des femmes. Et l’outil le plus récent, c’est la DER qui est là pour financer l’activité économique des femmes. Il y a beaucoup d’initiatives qui sont prises mais en plus, le président de la République a pu permettre à la femme rurale de jouer un rôle crucial en allégeant ses travaux. Puisqu’on sait que la dureté des travaux dans les campagnes a conduit souvent les filles à abandonner l’école pour aider leurs mères dans ses travaux. C’est pourquoi le PUDC a permis de doter beaucoup de villages de machines, d’infrastructures, de forages et ça a permis aux femmes rurales d’avoir beaucoup plus de temps libre pour pouvoir se consacrer à des activités économiques pour que le bien-être de la famille soit assuré. Nous avons fait beaucoup de progrès en termes d’autonomisation des femmes. Maintenant, il appartient aux femmes d’être véritablement conscientes de toutes ces opportunités et également tous les mécanismes qui sont mis en place pour elles. Jusqu’à présent, elles saisissent les opportunités mais assez faiblement. C’est pourquoi il est intéressant de les capaciter car souvent, elles ne vont pas vers l’information, surtout les femmes rurales. C’est pourquoi dans mon département, nous avons lancé un projet qui va permettre de mettre à la disposition de ces femmes des jeunes qui sont diplômés pour qu’ils puissent les capaciter. Certes il y a des dispositifs d’accompagnement avec l’ADPME mais c’est un accompagnement un peu lointain et il faut que la femme vienne demander cet accompagnement. Alors que pour ces jeunes, ils vont vers ces femmes pour un accompagnement technique. Le commerce international est aussi une activité qui est propice aux femmes mais il faut une meilleure organisation. La politique de l’Etat, c’est l’accès au financement car on s’est rendu compte que pour accéder aux financements, c’était très difficile. Avant de parler de commerce international, il faut parler déjà de l’accès aux financements, mais aussi des produits de qualité puisque pour pouvoir exporter, il faut au préalable pouvoir présenter sur le marché international qui est très exigeant des produits de qualité. Mais pour importer aussi des produits, il faudrait connaître le marché et cette disponibilité de l’information fait défaut».
Zahra Iyane Thiam :
«Aujourd’hui, nous avons une deuxième mandature placée sous le sceau des accès universels, de l’inclusion économique et sociale, et de l’employabilité. Donc c’est dire que nous avons un environnement favorable à un meilleur épanouissement des femmes. Nous devons donc saisir toutes les opportunités que nous offre le contexte du moment, mais également toutes les opportunités que l’Etat offre aux femmes en termes de promotion, en termes d’épanouissement et en termes de bien-être. La Journée de la femme est une journée solennelle mais toutes les journées doivent être dédies aux femmes. Parce que tous les jours doivent être des occasions d’introspection, de diagnostic pour mieux avancer. Le 8 mars, c’est la symbolique mais le plus important, c’est la réflexion, le partage. Ça peut se faire sous d’autres formes mais le plus important, c’est qu’il y ait les avancées que nous avons notées. D’abord, tout ce qui est fait comme allègement des travaux des femmes. Tout ce que nous voyons en termes d’avancées positives dans les politiques publiques, la réglementation qui devient plus coercitive pour protéger les femmes, les programmes qui sont dédiés aux femmes pour renforcer leurs capacités et asseoir leurs compétences et leur permettre de s’épanouir. Mais aussi dans la perspective que nous pouvons avoir comme les questions qui tournent autour de l’autorité parentale, l’accès au foncier. Il y a plusieurs questions qui sont débattues et nous échangeons pour trouver des solutions».
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PLAIDOYER POUR LA SAUVEGARDE DU LITTORAL
EXCLUSIF SENEPLUS - Désencombrement, nettoyage, aménagement... L'édile de Dakar, Soham El Wardini, fait le point des initiatives entreprises par la mairie pour permettre à la capitale de mieux respirer
Boubacar Badji et Youssouf Ba |
Publication 04/03/2020
"Un Sénégal vert, c'est possible. Un Sénégal propre, c'est possible". Pour la maire de la ville de Dakar, Soham El Wardini, les populations ont pris conscience de l'importance de préserver leur cadre de vie, grâce aux différentes séances de nettoiement qui s'organisent de plus en plus. Elle livre au micro de SenePlus, quelques actions de la mairie pour permettre à la capitale de retrouver sa verdure.
LA CHRONIQUE HEBDO D'ELGAS
AMINATA L. MBENGUE, LE SEXE LIBRE COMME L'ÈRE
EXCLUSIF SENEPLUS - Rafraichissante et avenante, la psychologue clinicienne de formation souffle un vent de légèreté dans le combat féministe, en assumant son tropisme de l’épanouissement et du plaisir - INVENTAIRE DES IDOLES
Symbole de l’arrivée d’une nouvelle vague de féministes sur la scène nationale, Aminata Mbengue, 33 ans, psychologue clinicienne de formation, est sur tous les fronts. Le handicap, la détresse des migrants, les talibés, les droits des femmes, la liberté sexuelle. Rafraichissante et avenante, elle souffle un vent de légèreté dans le combat féministe, en assumant son tropisme de l’épanouissement et du plaisir. Portrait.
Son combat a pour terrain un vaste espace indéfini. En pointillé, en la suivant, s’esquisse une carte des rues du Sénégal, pas n’importe lesquelles : celles, réceptacles de la détresse et de toutes les expressions de la misère dans le pays. Sur ces sentiers-repères, à Dakar comme en province, pour celle qui les sillonne, tantôt en actrice tantôt en promeneuse, ce qui surprend et marque, c’est « l’invibilisitation », et à termes, le « déni ». Un poil de fatalisme dans l’air. Le flot quotidien passe et repasse, arpente la rue, sans rien voir de la détresse qui y a élu domicile, souvent de façon déchirante. Pour Aminata Mbengue, c’est une scène parmi mille, qui la hante et la travaille. Elle qui a vu les trottoirs de Dakar, les bouts de villes conquis par les mendiants, les dortoirs de fortune, tant de plaies au cœur de la ville, c’est au pont de Hann, dans la capitale, qu’un jour, son chemin se fige : une mère accompagne sa fille handicapée motrice, dans un fauteuil roulant. La petite est accablée par sa mère, frappée. A l’incompréhension succède un mélange de colère et de retenue. La scène est la fois un cauchemar et un questionnement, tant il ne semble n’y avoir de bourreau évident et de victime entre mère et fille, mais seulement des données de l’amour familial chahutées par la question du dénuement. Se pose presque une question philosophique pour elle devant cette violence : celle du handicap, son traitement, son acceptation dans la société et les mesures prises pour inclure les sujets fragiles. C’est ultimement, la question du soin, du devoir de solidarité, envers les personnes vivant avec un handicap, qui se révèle être au cœur du destin de la jeune femme, dont les combats émergent pluriels et urgents.
Le handicap, un impensé national
Côtoyer quotidiennement ces rudesses prépare-t-il la jeune femme de 33 ans à supporter mieux l’éprouvant spectacle qu’elle doit endurer ? Aminata Mbengue a maintenant de l’expérience et une énergie à affoler la catastrophe pour reprendre Hugo. Psychologue clinicienne de formation, elle a déjà eu le temps de se confronter à la détresse et aux situations délicates. D’abord à Paris, où dans les Hauts-de-Seine, à Suresnes, elle a appris à s’occuper dans son premier travail, des enfants autistes pendant deux ans. Leur inclusion, leur insertion, dans un environnement scolaire qui n’offre pas encore des conditions idoines, a été l’une de ses premières missions. De quoi se tanner le cuir, apprendre la patience au front. En s’installant au Sénégal en 2014, la réalité la rattrape. La question du Handicap est une question « taboue », reléguée, à tel point, qu’il semble ne point exister. Si elle liste des établissements comme l’hôpital Fann ou Diamniadio qui offre un espace, rien en revanche pour offrir une « vie sociale aux personnes vivant avec un handicap », note-t-elle. Les écoles publiques ne sont pas équipées. Seules les rares familles aisées, peuvent se permettre des dépenses pour trouver l’idéal pour leur enfant. Elle qui était spécialiste du « handicap physique », découvre l’autre champ aussi du « handicap mental ». Les problèmes sont les mêmes : rien dans l’arsenal et l’offre de l’Etat, n’inclut suffisamment les malades, marginalisés, qui finissent par être adoptés par la seule rue, et les pratiques occultes, qui s’affirment comme seules thérapies à leur portée. Des cas psychiatriques qui font de la santé mentale, le grand absent des débats, où la démission semble collective entre les familles, les responsables, laissant au front, les seules associations, comme l'Association sénégalaise pour le suivi et l'assistance aux malades mentaux (Assamm).
Une vocation naturelle
De fil en aiguille, se tisse chez la jeune femme, comme vocation tardive, ce grand élan d’empathie, bâti sur des piliers de solidarité dans la famille, pour elle qui a perdu son père à 13 ans et son frère plus tard. Lors d’une première expérience au Cegid (centre de guidance infantile et familiale) à Dakar, la question de la détresse des femmes, devient aussi la sienne comme par évidence. Avec des équipes de gendarmes, de sagefemme, elle s’occupe de fournir conseils aux demandeuses. Chez elle, rien ne semble écrit d’avance. Tout se fait naturellement, au gré des rencontres et des opportunités. Née à Pikine, en banlieue de Dakar, elle se dit « pikinoise historique parmi les premiers habitants ». Elle grandit dans une famille polygame. Son père, professeur d’arabe, féru de culture, est un grand lecteur. La bibliothèque de la maison est fournie. Un premier rêve l’anime, celui de devenir enseignant, poursuivre la lignée. Après son Bac au lycée Limamoulaye, elle fait une pige en socio, à l’UCAD avant de poser ses bagages à Poitiers, en France, pour suivre des études de Psychologie. Le choix en désarçonne plus d’un, tant les études de psycho n’ont pas la côte, souvent perçues comme synonyme de la paresse et de feignantise. Pourquoi de la psycho ? Elle ne sait « vraiment pas pourquoi ». Peut-être pour répondre à des questionnements personnels demeurés irrésolus ? Rien n’arrive par hasard, pourrait-on avancer, en faisant de la psychologie de bazar. L’inconscient trace-t-il le fil rouge discret de sa trajectoire ? On ne se risquera toujours pas à trancher. Toujours est-il que la jeune femme décroche son diplôme et la voilà, psychologue clinicienne. Aujourd’hui, elle collabore avec une grande agence internationale pour aider les migrants et dégage du temps personnel pour militer sur le plan associatif, pour défendre le droit des personnes vivant avec un handicap et de plus en plus, celui des femmes. Les deux questions communiquent. Si rien ne la prédestinait à développer une fibre de féministe, voilà, qu’elle l’est devenue pleinement, sans l’air d’y toucher, sans forcer son destin, jusqu’à incarner l’image de la nouvelle génération féministe, prise entre les feux de la question des conflits générationnel et culturel.
Les rencontres décisives
Quand on creuse, c’est par la lecture que sa vocation s’est affinée. Virginie Despentes a des allures de mentor pour elle. L’icône trash, autrice des célèbres Baise-moi, ou encore King Kong théorie, laisse un souvenir formidable à la jeune femme. Elle découvre (ou confirme) dans la liberté de ton et le féminisme cru de l’écrivaine française, des échos à des tendances internes. Il y a aussi Leila Slimani, la romancière franco-marocaine, dans les modèles. La misère sexuelle que l’auteur dépeint au sujet du Maroc, fait écho à ce qu’elle découvre elle-même au Sénégal. Le sexe entravé, libère peu les esprits, encore moins les corps. La fibre gagne en épaisseur, à côté du handicap, la nouvelle cause se dessine plus nettement. Au niveau national, elle découvre les travaux de Fatou Kiné Camara, juriste et grand nom du féminisme sénégalais, c’est alors le grand « coup de foudre » pour cette enseignante-chercheure. Elle est « subjuguée » par ses séminaires et interventions. Et par cette entremise, elle découvre une riche et ancienne histoire féministe dans le pays, dont la professeure Fatou Sow, est l’une des autres égéries les plus connues. Il n’y a guère plus de doutes, elle a trouvé un chemin. En réalité, longtemps matriarcal, le pays n’a cessé d’avoir une histoire de lutte pour l’émancipation dont les vestiges peuplent les manuels d’histoires. Si les travaux sociologiques ont du mal à infuser dans la société, c’est à cause de leur nature trop technique, emprisonnés dans les sphères d’initiés. Mais la littérature nationale a consacré des destins épiques, et on ne compte plus le nombre d’ouvrages, fiction ou essai, qui traitent de la question. Même à l’échelle des femmes au foyer, sans ressources intellectuelles, la lutte oscillait entre intégration des codes de domination et révolte. C’est justement sur ce front, que le sujet se complexifie : l’ennemi des féministes, c’est bien souvent, en plus des hommes, des femmes. Conditionnées par un discours qui les soumet et les relègue tout en les sacralisant de façade, elles finissent pour certaines, par s’approprier cette infériorisation, comme une part de leur condition.
Aminata Mbengue n’est pas dupe de la manœuvre car il semble se produire actuellement, un regain dans le combat féministe dont les échos, avec le combat anti-raciste, étendent un champ vaste dit intersectionnel. Les épisodes, « meeto », « balancetonporc », « balancetonsaïsaï », ont réveillé de leur torpeur d’anciennes colères qui remontent désormais en surface. La féministe cite dans le mouvement, l’impact considérable de la sérieMaîtresse d’un homme marié, dont le succès international, a permis de redécouvrir, la question de la liberté et de la libération des femmes. Aminata tresse des lauriers à Khadija Sy, la scénariste de la série. En revisitant les canaux de diffusion du message féministe, ce que la série réussit, mille ouvrages sociologiques ne sauraient y parvenir : le message est direct, l’identification immédiate, et les codes modernes du feuilleton, donnent une esthétique et un suspense qui démocratisent l’audience. Le pari est gagné, la série fait un carton et montre l’arrière-cuisine de ces réalités qui réinstituent les femmes, au cœur d’une société où elles sont exclues du pouvoir. A côté de Khadija Sy, Aminata Mbengue cite des alliées générationnelles comme Fatou Kiné Diop, cadre chez Amnesty International, Ndèye Fatou Kane, écrivaine féministe et doctorante à L’EHESS, Régina Sambou journaliste culturelle…. Tout un beau monde à l’assaut des bastions du privilège masculin, au risque de se faire traiter de tous les noms dans une société pas prête à faire sa mue.
Une nouvelle vague ?
La psychologue rappelle pour se défendre de toute radicalité, que l’ennemi, c’est le « privilège », pas le mâle. Elle cite Fatou Sow : « le pays est désespéramment masculin. ». Pour elle, tout ce qui est vu comme « une menace de cet équilibre », est « étiqueté » en vue de le disqualifier. Elle est étiquetée nouvelle « dëm » (sorcière). Par ce processus de « bannissement des féministes », on cherche selon elle, à les « faire taire ». Attaquer l’ordre social, c’est s’exposer. Elle en fait les frais et dégaine, pro-domo, la grille affolante des inégalités de salaires dans le pays. Une étude de l’agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD), en 2018, indique qu’à poste égal, les femmes gagnent 600 000 francs CFA lors que les hommes en gagnent 900 000. Un tiers de différence qui montre encore la longueur du chemin. On pourrait à loisir citer la question des viols, de la violence conjugale, du harcèlement, des mutilations génitales, parmi les sujets historiques d’un féminisme qui doit affronter les pesanteurs traditionnelles et religieuses… Son féminisme n’est ni hargneux, ni vengeur. Constructif, il lui a valu un texte de France info, qui met en lumière son combat pour la criminalisation viol, qui a débouché sur une loi nouvelle sur le plan national. Elle s’appuie sur des données factuelles, sans verser dans l’aigreur que l’on prête bien souvent aux féministes. D’ailleurs, elle en veut pour preuve, avoir grandi dans une famille polygame, d’y avoir connu « le bonheur en tant que privilégiée ». Aujourd’hui, elle milite pour la liberté de chacune de choisir ; à ce titre, elle ne condamne pas la polygamie, même si elle ne l’encourage pas.
Le tropisme du plaisir sexuel : ode au clitoris
Là où elle se distingue de toutes les autres, c’est par une fraicheur de ton, et une effronterie quand elle aborde le sujet sexuel. Si les féministes ont toujours lutté au Sénégal, peu d’entre elles, ont abordé la question de la liberté sexuelle, avec autant d’allégresse, de gourmandise, au risque de choquer ou d’intimider les hommes. Avec elle, c’est le retour du clitoris au cœur de la pièce. Longtemps organe maudit, associée à la mutilation, elle lui redonne sa splendeur. A Aminata Mbengue, lectrice assidue de Maïa Mazaurette, la papesse sexe du « Monde », on n’a jamais dit que « le clitoris était dédié au plaisir, et que c’était sa fonction unique ». Cette redécouverte est un miracle chez la jeune hédoniste qui se fait promotrice du « cunnilingus » sur les réseaux dans un mélange de jeu et de conviction. Même des proches sont désorientées par son audace et sa liberté. C’est la valse des reproches dans ses messages mais aussi des soutiens. La jeune femme assume. « Le sexe n’a jamais été tabou au Sénégal pour elle ; le plaisir féminin oui », tranche-t-elle nettement. De ce qu’elle lit, voit, observe, c’est une grande blessure, que cette misère sexuelle dont elle mesure les ravages. Partout le sexe est diffusé mais uniquement pour le bénéfice des mâles. « Les femmes rivalisent d’astuces pour combler leurs maris ou amants, sans la réciproque. » En atteste, cette remarquable anthropologie des atours féminins, discutés lors des assemblées de femmes, explorée par Ismaël Moya. Un plaisir égoïste qui laisse, frustrées, nombres de femmes qui se le confient, sans oser ébruiter le manque sur la place publique. Aminata Mbengue, à dose homéopathiques, vole à leur rescousse.
Le sujet est épineux et casse-gueule. Elle est doublement étiquetée par des détracteurs mais elle ne veut perdre le sens de son combat féministe : « en fait, précise-t-elle, je veux pouvoir parler de sexualité pour reprendre ma place du sujet, pour inciter à la connaissance de son corps, de son désir ». Le dessein est noble, mais prête le flanc au détournement facile. « Les féministes ont déserté le sujet à la longue de peur d’être caricaturées », remarque-t-elle. Elle, ne se démonte pas et se laisse à peine déstabiliser. Elle souhaite regagner le droit d’être « autorisée » à parler du clitoris, en légitime protagoniste. Plus généralement, les femmes libres ont de tout temps fait peur. Elles terrorisent davantage les hommes pas sûrs de leur virilité, pour reprendre Simone de Beauvoir. Elle œuvre donc elle pour une éducation sexuelle précoce. Si le pays a produit de nombreuses figures féministes, il y a eu souvent une forme d’injonction au respect, à la prudence, à la pudeur, qui a souvent bridé les énergies. Dans Mes hommes à moi, entre autres, Ken Bugul, a donné à voir cette liberté sexuelle souvent taxée de nymphomanie, car bien souvent la libido des femmes est niée et pathologisée quand elle défie celle des hommes. La jeune fille sait donc à quoi s’attendre, la pente est savonneuse. Pour la passionnée de « marche », hédoniste qui croque à pleine dent dans la vie, cette initiation au plaisir, pourrait être une carte maitresse dans l’élévation du niveau de bonheur national. La critique, on la voit d’ici débouler, et l’accuser, de contrarier le calendrier, entre autres passions puritaines, de l’association, Jamra, gardienne des mœurs nationales. Son insouciance la protège, sa sincérité l’immunise. Elle s’est installée, en peu de temps, comme une figure de la nouvelle ère, qui a sa page à écrire, avec tous les défis inhérents à la cause. Un genre et un sexe, libres comme une vague naissante, qui appellent à la révolution sans jeter les flammes hostiles de la guerre des genres car là n’est ni le sujet, ni l’enjeu. Au bout du compte, de ce profil humaniste total, ce qu’on lui souhaite c’est de l’énergie. De la ténacité aussi à cette belle jeune femme, avec ses rastas, son regard presque moqueur, et sa voix claire. Une femme qui vous veut du bien, car le féminisme est bien souvent comme l’amour, il faut être deux, Hommes et femmes, pour en écrire les victoires. Regarder dans la même direction malgré toutes les grivoiseries et sarcasmes.
Si elles peuvent aujourd’hui espérer accéder au perchoir, les femmes doivent en revanche redoubler d’efforts pour prendre la présidence, tout aussi stratégique, des commissions parlementaires
Jamais, depuis les décolonisations, autant de femmes n’avaient été à la tête du pouvoir législatif en Afrique. Sur un continent qui compte pas moins de 75 entités législatives, elles sont 16, selon l’Union interparlementaire, à occuper un perchoir en ce début de 2020 (en RD Congo, au Gabon, en Gambie, en Guinée équatoriale, en Eswatini, en Éthiopie, au Liberia, au Lesotho, à Madagascar, au Malawi, au Mozambique, en Ouganda, au Rwanda, en Afrique du Sud, au Togo et au Zimbabwe). Sur ce terrain, l’Afrique fait ainsi presque jeu égal avec l’Europe, avec ses 17 présidentes pour 70 chambres, dépasse largement les pays asiatiques, où huit femmes occupent un tel poste, et surtout le monde arabe, qui ne compte que deux cheffes d’Assemblée, à Bahreïn et aux Émirats arabes unis.
La percée de ces femmes découle d’un changement de mentalité: elles sont en effet de plus en plus nombreuses à oser présenter leur candidature, malgré les difficultés à lever des fonds pour mener leurs campagnes et le climat parfois sexiste dans lequel celles-ci se déroulent. Et les citoyens leur font enfin confiance : selon une enquête de l’Afrobaromètre, 66 % des Africains interrogés approuvent aujourd’hui l’idée que les femmes soient des dirigeantes politiques. Enfin, les députés semblent également prêts, une fois passées les législatives, à désigner une femme pour les diriger pour la législature à venir.
Une présidente d’Assemblée est davantage qu’un symbole: depuis le perchoir, elle pèse en effet sur la vie politique de son pays. En tant que speaker, elle définit l’ordre du jour et modère les débats, un rôle essentiel dans le processus d’élaboration des lois. Dans un certain nombre de cas, comme au Togo ou au Gabon, cette position fait même d’elle le dauphin constitutionnel du chef de l’État, amené à prendre sa succession par intérim en cas de décès.
Kigali à l’avant-garde
Surtout, le fait que des femmes occupent ces postes à forte responsabilité a eu un impact sur la qualité des lois votées. Une étude menée auprès de 800 élues parlementaires en Afrique subsaharienne a révélé qu’elles avaient tendance à défendre les droits des femmes bien plus que les citoyennes ellesmêmes, se plaçant ainsi à l’avant-garde du changement. Au sommet du classement mondial de la représentativité des femmes, avec pas moins de 61 % de députées au sein de son Assemblée nationale, le Rwanda a fait passer ces dernières décennies plusieurs textes clés. Il a ainsi établi l’égalité des droits fonciers entre les sexes ou encore la transmission à parts égales de l’héritage entre hommes et femmes.
Troisième pays d’Afrique dans ce domaine, avec 41,8 % de femmes au sein de son Parlement, le Sénégal a pour sa part fait passer une loi historique criminalisant le viol et la pédophilie en décembre dernier.
Si le continent a pu devenir le théâtre de ces changements, c’est en bonne partie grâce à des dispositifs innovants, mis en place principalement en Afrique australe et en Afrique orientale, où l’on retrouve aujourd’hui la plupart des présidentes de Parlement du continent. Dans les années 1990, au sein de ces régions, un certain nombre d’Assemblées ont fait passer des lois réservant entre 20 % et 30 % des sièges parlementaires aux femmes. Ces hémicycles ont soit réservé des circonscriptions aux candidates de sexe féminin, soit accordé aux partis politiques un nombre de sièges à attribuer obligatoirement à des femmes, proportionnel à leur score lors des élections. Treize Parlements africains ont mis en place de tels mécanismes. Le Kenya a également innové : il a imposé un plafond de deux tiers de membres du même sexe au sein d’une même institution. En Namibie, le parti au pouvoir, la Swapo, imitée par plusieurs formations de l’opposition, a de son côté instauré un « zebra system » imposant un colistier du sexe opposé à tout candidat à un scrutin.
Une bonne partie de ces mesures se sont même étendues au-delà des Parlements et s’appliquent également aux gouvernements, aux municipalités et à d’autres institutions. Et cela fonctionne : dès 2015, le continent africain a dépassé la moyenne mondiale d’élues au sein des hémicycles, avec 22,3 %, contre 9,8 % vingt ans plus tôt.
Pas de mission régalienne
Mais ces bons résultats enregistrés dans certains pays ne doivent pas faire oublier les disparités qui persistent à l’échelle du continent. Ainsi, les Parlements ouest-africains sont dans leur écrasante majorité présidés par des hommes et affichent parfois des scores très bas de représentativité des femmes. Le Nigeria ne compte par exemple que 3 % de femmes au sein de sa Chambre basse, quand elles ne sont que 7 % dans celle du Bénin voisin et 9,5 % dans celle du Mali. La tendance est néanmoins à la hausse: sur les vingt dernières années, le pourcentage de députées est passé de 3,6 % à 17 % au sein de l’Assemblée du Niger et de 5 % à 16,5 % dans l’hémicycle togolais. Même sans l’instauration de quotas, les femmes progressent.
Pour les soutenir, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) a adopté un plan d’action quinquennal (2017-2022) visant à offrir aux candidates en campagne un encadrement dans les domaines du leadership, de l’engagement politique et des techniques de communication. Elle met également à leur disposition des financements spéciaux pour garantir l’égalité avec leurs concurrents sur ce terrain.
Mais la présence de femmes à la tête des Assemblées ne doit pas être l’arbre cachant la forêt de défis qui attend « l’autre moitié de l’humanité ». Si elles peuvent aujourd’hui espérer accéder au perchoir, les femmes doivent en revanche redoubler d’efforts pour prendre la présidence, tout aussi stratégique, des commissions parlementaires.
Les élues sont souvent écartées des commissions considérées comme régaliennes, prestigieuses et influentes, comme celles qui t o u c h e n t a u x finance s ou à la défense. Elles ont encore tendance à être reléguées à des commissions perçues comme étant d e s e c o n d p l a n , comme celles liées aux affaires sociales, à la famille ou encore à l’éducation. Les nominations sont en effet toujours l’apanage des partis politiques et des groupes parlementaires, qui n’ont pas systématiquement mis en place de politiques en matière d’égalité des genres en leur sein. Une femme speaker ne garantit pas nécessairement un Parlement féministe.
Préséance de l’exécutif
Enfin, le poids réel qu’auront ces élues est intrinsèquement lié à celui des Parlements dans les débats publics africains. Les institutions législatives demeurent souvent dans l’ombre de l’exécutif, dont les pouvoirs se sont accrus dans un certain nombre de pays à la faveur de révisions constitutionnelles contestées ou contestables.
Malgré certaines exceptions notables – l’Afrique du Sud a par exemple nommé son premier gouvernement totalement paritaire en mai 2019 –, ces exécutifs, et principalement les ministères régaliens, restent largement dominés par les hommes.
En attendant que les gouvernements se décident à puiser dans le vivier formé par le nombre croiss a n t d e f e m m e s parlementaires lors des remaniements m i n i s té r i e l s , d e s actions concrètes peuvent être entreprises. Et c’est ici que les femmes qui siègent déjà dans les Parlements ont un rôle à jouer : dans toute démocratie, le pouvoir législatif a pour mission fondamentale de contrôler l’action du gouvernement. Aux élues d’auditionner les ministres et de leur demander des comptes sur leur action en faveur de l’égalité des sexes. À elles de proposer des lois – encore trop souvent soumises par l’exécutif dans la plupart des pays africains – améliorant leur représentativité et leurs conditions de vie dans toutes les sphères de la société. Aux femmes, enfin, de s’unir entre elles mais aussi avec tous les hommes de bonne volonté afin qu’elles soient de plus en plus nombreuses à se présenter aux élections. Les sociétés en sortiront grandies. Car, comme le dit le proverbe éthiopien: « Quand une femme règne, les cours d’eau montent. »
Nayé Anna Bathily est Responsable de l’engagement parlementaire global au sein du Groupe de la Banque mondiale, diplômée de Havard.
LA CHRONIQUE HEBDO DE PAAP SEEN
BULLETIN DU CLANDO (ÉPISODE 2)
EXCLUSIF SENEPLUS - La femme doit reprendre le pouvoir, laissé entre les mains d’hommes jusque-là impuissants à faire évoluer la société, et sortir notre pays de “la longue nuit” - Le patriarcat ne marche pas au Sénégal, il faut l’abolir
Vendredi 28 février 2020. Le clando, après un détour kamikaze, où il a failli écraser un scooter et son conducteur, rejoint la file de voitures. Le chauffeur s’impatiente et klaxonne. Il n’y a pourtant rien à faire. A ce moment de la journée, la circulation est bloquée. C’est l'heure de pointe. En plus, c'est la fin de semaine. Et le mois se termine. Je n’arrive pas à comprendre l’empressement de certains chauffeurs de clando. Parfois, leurs agissements sont dangereux et frôlent l’inconscience. A l’arrêt dit “Butigu naar”, la voiture s’immobilise. Plusieurs coxeurs rameutent des passagers. Deux “kàrapid” sont positionnés devant le clando.
Une femme profite de l’arrêt pour monter dans l’automobile. Elle s’assied d’abord à l’entrée du clando. Apparemment, la place est inconfortable. Elle rouspète contre l’apprenti. Un passager lui indique un siège, juste en face de moi. Elle se lève et change de place. La manœuvre est délicate. Il y a très peu d’espace à l’intérieur du clando. En s’asseyant, elle piétine mon pied gauche. Elle ne s’en rend pas compte. Je ne proteste pas. Elle prend son temps, refait son habit plissé en l’étirant avec le pouce et l’index de chaque main, accroche son sac sous le bras droit, pour étaler son charme. L’odeur sucrée de son parfum se répand à l’intérieur de la voiture.
Je l’ai observée. Un petit moment. C’est une femme de moins de 30 ans. Elle porte une robe africaine, taille basse, bleu majorelle. Un petit foulard, assorti à sa tenue, attache les longues tresses qui descendent jusqu’à ses épaules. Des boucles d’oreilles rondes, couleur or, pendent au bout de ses lobes. Son poignet est paré d’un bracelet en spirale. Dans sa main gauche, elle tient un Iphone, protégé par une coque rose. L’apprenti est taquin. Il lui demande si elle est bien à l’aise. Elle ne semble pas avoir entendu, ou peut-être qu’elle fait semblant. Elle a une moue boudeuse.
Le fond de teint, imprimé sur son visage, n’est pas totalement unifié. Mais sa peau, d’un noir éclatant et naturel, ne laisse transparaître aucune imperfection. Elle a appliqué discrètement du rouge à lèvre autour de sa bouche. Un trait noir, tracé au crayon, se confond avec ses minces sourcils. Ses cils supérieurs sont légèrement rehaussés. Son nez est semi-long, un peu épaté. Elle a des yeux communs. Un regard souverain et savoureux. L’harmonie de ce visage, presque parfait, est gâchée par les Airpods blancs enfilés dans ses oreilles.
La Dakaroise est délicieuse. De beauté et de charisme. Ce qui interpelle le plus, c’est ce style flamboyant, qui appelle le grand air du large. Comme si elle était ivre d’une liberté absolue, encore insaisissable. Elle est encore d’une splendeur rare, lorsqu’elle est vêtue en robe africaine. Si j’avais manqué de pudeur et de retenue, j'aurais dévisagé cette femme. Elle était belle, d’une beauté sophistiquée et en même temps innée. Telle une œuvre majestueuse, qui renferme plusieurs significations paradoxales, et qu’on est obligé de contempler pour non pas essayer de saisir les caractères fondamentales de sa forme ou de faire un jugement de goût, mais pour se laisser bercer par un ravissement tendre.
Le vendredi est un jour béni, où l’on assiste à un défilé sublime de fin de semaine. Juste à l’abribus qui est en face d’Auchan, à Mermoz, elle a demandé d’une voix ferme et mélodieuse à l’apprenti de marquer l’arrêt. La commande validée, elle a saisi délicatement son sac, a redressé son habit, et s’est faufilée entre les quatre passagers assis à côté de la porte. Elle est descendue prestement. Je l’ai vue marcher sur le trottoir, sans précipitation, en se dandinant légèrement. Le corps souple et fluide. Tout dans son mouvement était altier. Sa silhouette étalait une élégance généreuse. Elle avait cette assurance naturelle qui est l’ADN de la femme sénégalaise. Sans même faire exprès, je l’ai contemplée jusqu’à ce que la voiture s’élance. J’étais accaparé par une sorte d’éblouissement résigné.
La femme sénégalaise, c’est l’histoire d’un grand mélange. Elle est la quintessence de la coquetterie et de l’indépendance de caractère héritées de l’ancien modèle social matriarcal, du système phallocratique actuellement dominant, et de la modernité occidentale. Elle n’a pas de valeurs uniques. Tout au plus, elle négocie avec un patrimoine multiple et en sort le meilleur. Elle est un alliage complexe forgé par l'histoire sociale et politique. Elle sera la source principale de la vitalité future de notre pays. Car elle incarne, le plus, l’esprit de résilience et d’ouverture. Ce sera à elle d’éclairer l’avenir de notre nation. C’est pourquoi elle doit reprendre le pouvoir, laissé entre les mains d’hommes jusque-là impuissants à faire évoluer la société, et sortir notre pays de “la longue nuit”. Comment ? En revendiquant sa place prééminente dans le jeu social. En luttant sans concession pour inverser le rapport de domination, imposé par les forces d’inertie. Le patriarcat ne marche pas au Sénégal. Il faut l’abolir. C’est d’abord le combat des femmes ! Les hommes sensés le mèneront avec elles.