SenePlus | La Une | l'actualité, sport, politique et plus au Sénégal
28 novembre 2024
Femmes
16 FEMMES TUEES DANS DES CONDITIONS ATROCES DEPUIS JANVIER 2019
S’il arrivait aux âmes sensibles de pleurnicher juste en regardant des films où des femmes étaient violentées ou sexuellement agressées, aujourd’hui au Sénégal, la fiction dépasse parfois la réalité
16 femmes, (14 en 2019 et deux en janvier 2020) ont été tuées dans notre pays ces 13 derniers mois. Ce sous différents motifs. Qu’il s’agisse de violences conjugales, d’agressions ou de banales disputes, ces femmes succombent sans défense. Le témoin a fait le décompte de ces féminicides
Un, deux, trois, quatre, cinq, six etc. le compte n’y est pas ! il faut aller jusqu’au chiffre 16 pour y poser le petit doigt car c’est le bon. Eh oui ! Depuis janvier 2019, 16 femmes ont été tuées au Sénégal dont deux au cours de l’année qui vient de commencer, c’est-à-dire 2020. Aujourd’hui, comme des feuilles mortes, les cadavres de femmes se ramassent à la pelle. Ces pauvres personnes du sexe dit faible sont retrouvées mortes soit dans des bâtiments en construction soit dans la cour de leur propre maison, à l’hôpital où elles succombent suite à des blessures infligées par des agresseurs, ou encore en pleine brousse comme la malheureuse dame de Kolda tuée il y a quelques jours.
S’il arrivait aux âmes sensibles de pleurnicher juste en regardant des films où des femmes étaient violentées ou sexuellement agressées, aujourd’hui, dans notre pays, la fiction dépasse parfois la réalité. les victimes de ces féminicides sont souvent très jeunes. Parmi ces femmes victimes de meurtres, il n’y a que quelque deux à trois femmes qui dépassent la trentaine. leur tranche d’âge tourne entre 20 et 30 ans !
Mis à part, bien sûr, les deux à trois mineures âgées entre 10 et 15 ans dont fait état la synergie des organisations de la société civile pour l’élimination des violences basées sur le genre. a part donc ces cas, une cohorte d’organisations a recensé environ 14 cas de crimes commis sur des femmes entre janvier et novembre 2019. Des chiffres qui n’intègrent pas les deux meurtres enregistrés en ce début d’année. il s’agit d’abord de celui de la jeune Ndioba Seck, 25 ans, et dont le corps sans vie a été retrouvé à Guinaw rail en face de la mosquée Sips dans la commune de Thiaroye-sur-mer. la malheureuse laisse derrière elle une fillette de 2 ans. le deuxième, survenu exactement le 16 janvier 2020, est celui de Yoba Baldé qui a été égorgée à Sare Yoro Diao dans le département de Kolda, et sa tête emportée. un crime barbare qui laissait penser à un sacrifice à quelques mois des locales avant que l’enquête ne se dirige vers l’époux de la défunte. C’est lui qui aurait massacré son épouse dans un accès de colère quand celle-ci lui a exigé le divorce. a côté de ces deux cas fraichement enregistrés, 14 autres cas ont été recensés par les organisations féminines et/ou féministes dont certaines, à l’image du collectif « Dafa Doy » — « ça suffit » — sont montées au créneau, début juin 2019, à la place de la nation sise à Colobane, pour dénoncer cette vague d’agressions mortelles dirigées contre le sexe dit faible. les manifestantes de l’ex-place de l’obélisque étaient venues pleurer la mort de deux femmes.
D’abord, l’assassinat à Tambacounda de la fille du directeur de l’agence du développement local (adl), Bineta Camara, tout juste âgée de 23 ans. en plein mois béni du ramadan, la pauvre fille a été étranglée à mort, le 18 mai 2019, par un habitué de la maison. autre meurtre, celui de la nommée Khady Sèye, qui, elle, a été poignardée à mort le 02 novembre 2019 à Touba par son colocataire. ce, alors qu’elle n’avait que 30 ans et était enceinte de trois à quatre mois. Dans la même semaine où Bineta Camara et Khady sèye avaient perdu la vie, une autre femme était tuée à Thiès. Presque au même moment, le corps d’une femme dénudée, et qui habite à Pout, précisément au lieudit Khodaba, était retrouvé le 21 mai à Ouakam, Dakar. Des faits ignobles qui avaient, au cours du mois de mai 2019, fait réagir le ministère en charge de la femme et du Genre qui, dans un communiqué, dénonçait la « recrudescence des violences faites aux femmes et aux filles ». mais comme si les tueurs ne peuvent plus contrôler ce que le sociologue Djiby Diakhaté appelle cette « partie animalière » qui dort en eux, 12 jours plus tard, exactement le 14 novembre, Aminata Kâ, âgée d’une vingtaine d’années et enceinte de quatre mois, était arrachée à l’affection de ses parents à Malika, dans la banlieue dakaroise, par son mari.
Toutes ces femmes ont été assassinées dans des conditions atroces et inhumaines. l’un des meurtres les plus ignobles de cette série reste celui de Aminata Ka, 22 ans et enceinte de trois mois, qui a succombé à ses blessures suite à une banale dispute avec son mari. les deux conjoints s’étaient mariés au mois d’août 2019. c’est dire que le ménage n’a duré que quelques mois avant de se terminer par un drame… rien qu’au mois de mai 2019, les vies de trois femmes ont été écourtées en l’espace d’une semaine. et deux autres femmes ont été tuées en octobre 2019. alors qu’on n’avait pas fini d’épiloguer sur le cas de cette femme âgée d’une quarantaine d’années retrouvée morte le 1er octobre 2019 dans un bassin, sur le site du technopole, survenait le meurtre de Yacine Sané, le 23 octobre 2019, dans la banlieue dakaroise. Plus précisément à Diamaguène.
Yacine Sané était une brave jeune dame de 30 ans qui se rendait à son lieu travail aux environs de 6 heures. Elle avait été agressée à mort d’un car rapide et avait chuté mortellement. Cette série noire concernant des femmes tuées n’est sans doute pas exhaustive. Elle explique en tout cas le plaidoyer lancé par la présidente du réseau « Siggil Jigeen », Mme Safiatou Diop, qui demande de corser les peines sanctionnant les féminicides…
LA CHRONIQUE HEBDO D'ELGAS
PENDA MBOW, À LA RECHERCHE D’UNE SOCIÉTÉ CIVILISÉE
EXCLUSIF SENEPLUS - Ses récentes prises de position sur la question du voile lui ont valu de vives critiques. Retour sur le parcours d’une progressiste forcenée, témoin de la grande Histoire sénégalaise récente - INVENTAIRE DES IDOLES
Historienne, militante, citoyenne, Penda Mbow est l’une des plus grandes figures de la société civile sénégalaise. Ses récentes prises de position, notamment sur la question du voile, lui ont valu de vives critiques, qui ont attaqué jusqu’à sa réputation. Retour sur le parcours d’une progressiste forcenée, témoin de la grande Histoire sénégalaise récente. Portrait.
La scène remonte aux treize ans de Penda Mbow et quand elle la raconte, la précision du détail est frappante et le tonus dans la voix encore perceptible. Flash-back dans les années 60. Elle est envoyée par sa mère pour apporter un plat de courtoisie à un dignitaire religieux à Dakar. Enthousiaste, elle arrive et souhaite serrer la main du clerc. Son bras sera le seul tendu jusqu’à ce que, quelques secondes plus tard, sans un égard pour elle, la femme de ce dernier ne la reprenne : « il ne serre pas la main aux femmes ». La déception vire vite à l’affront ; son enthousiasme douché. L’adolescente fond alors en larmes, jette le bol et rebrousse chemin, l’amertume vive. C’est sa naïveté qu’on lui arrache sans la prévenir d’un coup sec. Cette anecdote est-elle fondatrice de quelque chose ? En tout cas, c’est celle que raconte l’intéressée presqu’un demi-siècle plus tard, suggérant y avoir forgé des marques de son tempérament, sinon son destin tout entier. L’épisode a-t-il à voir quelque chose avec la soutenance de sa thèse bien des années plus tard, en 86, à Aix-en-Provence ? Dessinait-il les contours de la future figure d’icône du féminisme national ? Imprimait-il son attrait pour la spiritualité religieuse, en particulier le soufisme ; ou encore son discours progressiste sur la religion au Sénégal ? Annonçait-il les différents honneurs institutionnels reçus, au cours d’une carrière riche de celle que certains considèrent, avec son volontiers consentement, comme une réplique de Simone Veil au Sénégal ? Le risque pourrait être pris, tant s’enfoncer dans les archives personnelles de Penda Mbow, c’est plonger dans l’histoire récente du Sénégal, de ses grands hommes, de ses grands sujets, de ses dates majeures, grand maelström dont elle fut sinon témoin, grande actrice.
Impossibilité d’un débat serein sur l’islam
Première halte à Tivaouane. Ville intéressante à double titre chez Penda Mbow. L’histoire de la ville religieuse, fief de la Tijaniyya locale, a donné au Sénégal de grands hommes mais aussi une petite fille. Elle en garde l’empreinte et une part de sa spiritualité, inculquée par un père mécanicien et une mère ménagère, qui en sont originaires. Native de Dakar, la ville sainte près de Thiès reste pourtant le bastion où, régulièrement, en compagnie de son mari Saliou Mbaye, paléographe, elle va puiser une énergie pour tous les fronts où elle mène son combat. Récemment encore, elle en a eu besoin, pendant l’affaire dite du voile du lycée Jeanne D’arc. L’institution privée catholique avait interdit le port du signe religieux et créé l’émoi dans un vif débat national. Penda Mbow s’était alors fendue d’un avis, peu commun, qui lui avait valu une volée de bois vert. En prenant la défense de l’école et en pointant des dérives liées à l’abus de religiosité, la spécialiste de la civilisation musulmane s’était exposée jusqu’à susciter la défiance. Sa foi questionnée, ses intérêts jugés duplices, sa légitimité contestée, elle finit par un texte sur l’impossibilité du débat serein sur la religion au Sénégal, avec une pointe de déception. J’ai mal pour le Sénégal, titre de son adresse, commence par ce propos amer : « je suis bien malheureuse car je vois dans mon pays, une certaine forme de régression du débat intellectuel et le terrorisme verbal finit par s’incruster… » et s’achève sur une note résignée : « notre société devient tellement intolérante et anti-intellectuelle qu’on se demande s’il est nécessaire de partager et de débattre ». Le texte n’émeut pas tellement ses détracteurs. Sur cette période, elle revient généreusement, recourt au besoin à ses études en tant qu’arabisante, sur la technicité des notions de Hijab (voile) et de Himar (châle), et la compatibilité à ses yeux entre foi et raison. Pour preuve, le Himar, ce châle traditionnel, est plus « culturel que cultuel », selon elle. Elle en appelle à adopter l’islam sans « subir les influences arabes » en voyant dans le voile « le symbole d’une propagation d’un certain islam peu souhaitable ». Consternation dans une bonne frange de la population qui ne partage pas cette vision et même dans une partie du féminisme islamique qui a trouvé des accommodements avec la religion. Elle revendique pourtant, en guise de défense que sa piété va au-delà, éprouvant même de la sensibilité pour toute forme de spiritualité, juive ou catholique, se souvenant de tous les séjours dans ces endroits mystiques où elle a tiré une part de son identité. Elle a d’ailleurs reçu le prix Jean Paul II, en 2011, décerné par le Vatican. Dans son texte inquiet et savant, Penda Mbow a fait l’économie de recourir à ses études, à son background évoqué rapidement comme pour rappeler sa légitimité, mais le texte baigne dans une émotion contrariée. Pour elle qui a enseigné la tradition intellectuelle islamique longtemps, le raidissement de l’opinion sur ces sujets est préoccupant.
Pourquoi semble-t-il si difficile d’en discuter de manière apaisée ? La féministe tente une réponse. L’islam sénégalais a longtemps été un « islam civil » pour elle. Les dignitaires religieux, les grands fondateurs de confréries, avaient à cœur « l’éducation, la transmission ». Cette voie spirituelle était selon elle une singularité sénégalaise dans l’histoire de la religion dans la sous-région. Pour preuve, cet islam civil, s’opposait à un « islam politique », dans le califat de Sokoto par exemple. La fragmentation géopolitique, ainsi les changements générationnels dans les dynasties religieuses, ont « produit » cette politisation plus marquée de l’islam au Sénégal, aux dépens de la spiritualité. Un détour dans la littérature actuelle et ancienne, sur le djihadisme, les luttes de conquêtes ou de libération, dans le continent, contribue à accréditer cette scission. A la querelle habituelle, sur l’opposition entre soufisme et djihadisme, elle émet cette nuance capitale, préférant parler de « civil et de politique » et d’une convergence sous l’effet de la mondialisation de cette cristallisation néo-puritaine. Cette uniformisation et la perte des singularités l’émeuvent, d’autant plus que toute sa carrière, elle a enseigné « le fait religieux », et mené un combat pour une émancipation des dogmes.
Des mentors prestigieux et un éveil précoce à la chose politique
La polémique du voile a presque fait oublier la richesse du parcours de Penda Mbow. Un cheminement a commencé très tôt. De tous les marqueurs de sa carrière, ce qui frappe chez Penda Mbow, c’est un sens de l’histoire, au figuré comme au propre. Pensionnaire de l’école primaire des filles de la Médina, elle décroche, « en étant la seule », son entrée en 6ème, durant la fameuse grève de 68. En 72 c’est le BEPC, l’ancêtre du BFEM, et ensuite le Bac en 75, au lycée Van Vollenhoven. A l’école, la passion pour l’histoire s’affirme comme une évidence. « Une soif d’apprendre », dit-elle. Elle est « fascinée par le Coran », « l’histoire ancienne et récente et l’ébullition historique postindépendance ». La vocation est alors écrite, elle s’inscrit en histoire à l’université Cheikh Anta Diop. Pourtant, c’est surtout hors de l’école que la jeune fille dégourdie, engageante et effrontée, va aussi accrocher les premiers faits marquants à son tableau de conquête. D’abord en curieuse, convoyée par sa mère par habitude à diverses réunions politiques, dans un Dakar qui balbutie sa démocratie et goute à l’effervescence intellectuelle. Le contexte voit l’éclosion ou l’affirmation de plusieurs intellectuels de premier plan : Lamine Gueye, Babacar Sine, Cheikh Anta Diop, Senghor, Pathé Diagne, Amadou-Mahtar Mbow. Coïncidence ou miracle, avec tous ces glorieux précités, Penda Mbow a quasiment une histoire personnelle ; elle n’est pas en manque de mentors et d’anecdotes. Comme ce long après-midi, passé dans le bureau de son idole Cheikh Anta Diop, de « 16h à 20 » - elle est précise - où elle boit les paroles du maître de l’Ifan et sa bienveillance à l’endroit de la jeune admiratrice. Senghor aussi, dont elle sera la filleule symbolique, qui lui fait envoyer via le père de Rama Yade, ses ouvrages dédicacés ; Amadou-Mahtar Mbow, dont elle reçoit des sous pour des virées culturelles pendant ses séjours parisiens. Hors du Sénégal, les historiens Ki Zerbo, burkinabè, ou encore Ibrahima Baba Kaké, guinéen, jusqu’au sanctuaire de Présence Africaine. Une nostalgie enraye sa voix quand elle évoque ce passé. Mesure-t-elle la chance de cet alignement des étoiles ? C’est un « oui » catégorique, d’autant plus qu’ainsi couvée, elle a été aux premières loges pour vivre et éprouver l’Histoire, comme sa discipline et comme grand cours.
Aux origines d’un combat civique
De tout ceci, Penda Mbow fait son miel et soutient une thèse à Aix-en-Provence en 86 sur la société militaire des Mamelouks, ces esclaves affranchis reconvertis dans la défense des souverains. Elle milite précocement, dès la deuxième année d’histoire, sur les questions de l’eau, d’assainissement, de droits des femmes, et des castes. Elle consacre, dans le journal des africanistes, un texte remarqué à cette délicate question qu’elle achève avec ce vœu « disons en guise de conclusion que militer en faveur de la suppression des castes, est un principe élémentaire pour les droits de l’Homme ». Le texte, très riche, constelle les plus belles références sur la question, du pionnier Abdoulaye Bara Diop spécialiste de la société wolof, à Cheikh Anta Diop, Abdoulaye Bathily, Landing Savané, en passant par Senghor, dont certains verbatims valent le détour : « je nomme les castés à des postes de responsabilité, car ils sont plus intelligents que la moyenne, et je donne mes nièces en mariage a des castés bien éduqués. » Sans rappeler le contexte, le propos du poète peut paraitre brutal mais il dit la réalité d’une époque. Tous ces combats de Penda Mbow sont consignés dans des textes, articles et interviews, de celle qui s’impose comme l’égérie principale de la société civile, dont l’avatar le plus prestigieux, sera les Assises nationales. Elle crée le mouvement citoyen. En 2011, le temps fort contre les tentations antidémocratiques de Wade revivifie le front civil. Société civile, comme une marque déposée, poursuivra la femme combattive. Elle est de tous les combats, au risque de se perdre et de laisser des ressources en route.
Ecrasée dans un débat politique qui n’a cessé de s’appauvrir, peu sollicitée par un univers médiatique occupé par sa survie, la société civile s’est déclinée, à mesure du temps, comme un vaste ensemble hétéroclite qui sert de variable d’ajustement, et sur lequel divers pouvoirs s’appuient pour gagner en sursis et en tranquillité. Si les syndicats, les restes des grands bastions politiques et intellectuels, le monde universitaire, la masse non partisane, les initiatives transversales, les nouvelles vigies démocratiques, les mobilisations citoyennes des jeunes générations comme Y’en à marre, sont venus redonner un autre contenu à la société civile, elle reste fragmentée, plus que jamais utile, et vit une recomposition. Comment dans ce grand chamboulement, garder encore des traces de cette histoire qui l’a forgée, sans la trahir ? Tenir encore les rênes ? Rester fidèle à des idées qui ne sont plus forcément populaires, percutées par les clivages générationnels, les nouvelles donnes technologiques ? Est-elle larguée ? Penda Mbow déporte le combat sans tout à fait renoncer, avec un poil de regrets et de déceptions mêlés. Elle aimerait « se rendre utile », « offrir son expérience » mais pour l’heure, rien de consistant. Elle a encore un cours à l’université qu’elle dispense et un titre honorifique de représentant du chef de l’Etat auprès de la francophonie qui barre sa carte aux couleurs de la république. Des titres pour voiler son aplomb et l’anesthésier ? L’ensevelir sous les honneurs pour la dépolitiser ? Ça en a tout l’air. Cette retraite précoce ne convient pas à cette femme qui reste énergique, la voix maternelle et la confession généreuse. Elle a gardé sur le visage, des airs mutins malgré la grande chaleur pouponne.
Des honneurs et des horizons de luttes intacts
Les titres justement, elle croule dessous. Elle a reçu plusieurs bourses dans les années 80 de différentes fondations. Elle a dirigé en 1998 le Gender Institute du prestigieux CODESRIA. D’autres honneurs ? Elle est commandeur de l’Ordre national du mérite, chevalier de la Légion d’Honneur française. Aux quatre coins du monde, on la célèbre, Docteur Honoris Causa de l’université d’Uppsala (Suède) de Cluj (Roumanie). Ses discours de réception sont autant d’occasions pour prêcher cette parole d’historienne, avec une pénétration scientifique et une coloration politique progressiste. De sa fascination pour le soufisme, à ses études et lectures, notamment son grand respect pour Souleymane Bachir Diagne autre fin connaisseur de la tradition de la pensée dans l’islam, Penda Mbow n’a pas renoncé aux lumières intellectuelles. Si elle semble en retrait, elle empile les convictions sous de savantes réflexions. Le paradigme décolonial actuel la séduit-elle ? Elle y trouve « un grand intérêt » mais pousse le bouchon plus loin en revendiquant sa très grande affinité avec Boubacar Boris Diop. Elle désire une authenticité plus marquée, libérée de toutes les hégémonies. Le « discours de Dakar » a été pour elle, « révélateur » de quelque chose. Alors qu’on la conviait à répondre à Sarkozy, elle refusa, préférant se préoccuper du sort « des locaux et de leur survie ». D’ailleurs, elle en veut « aux africanistes depuis Paris, qui disent la météo politique de l’Afrique » …Elle croit même se voir dans le texte très controversé d’Axelle Kabou (Et si l’Afrique refusait le développement, 1991) qui la cite de façon détournée à l’en croire, et dont elle reprend certains arguments. Mais son constat le plus terrible, c’est que « l’école n’est plus le référentiel de promotion » au niveau national. Cette « désacralisation de l’école » est le problème central, croit-elle. Elle ose même une analyse sur l’existence d’un « centre » et d’une « périphérie », entre, respectivement, un centre géographique, du bassin arachidier à la capitale, qui a dévalué l’école et une périphérie provinciale qui la sanctifie encore comme mode d’ascension sociale. La réflexion peut prêter le flanc, face à des détracteurs de ce régionalisme inversé. Mais elle persiste et voit en Ousmane Sonko un ou le symbole de cette géographie de l’attachement à l’école plus marqué hors du centre du pays.
Du parcours, émerge clairement une fibre politique, intellectuelle et spirituelle. Une stature grignotée par des coups inhérents à la vie politique. Si Penda Mbow a milité quelques années au RND (le rassemblement national démocratique) fondé par Cheikh Anta Diop, et plus tard côtoyé de façon éphémère Abdoulaye Wade président, comme ministre de la culture au début des années 2000, c’est surtout une femme intellectuelle dont les combats historiques, jadis évidents comme voix unique de l’émancipation, entrent en zone de turbulence dans une période de destitution des idoles et de leurs héritages. Edifier une société civile, mieux, une société civilisée, où l’affrontement des idées serait encore possible sans l’hostilité, le débat sans anathèmes, la radicalité sans la violence, est la nouvelle quête de Penda Mbow. Une nostalgie et un rêve. Un art de la conversation. La croyance en la possibilité d’un dialogue toujours vainqueur comme marque de l’intelligence de toute une société. Ce n’est qu’un pari. Civilisation ou barbarie ? La société est appelée à faire son choix, pressée par une de ses filles.
LA BANQUE MONDIALE A LA RESCOUSSE DES FEMMES ENTREPRENEUSES
Afin de faciliter l'accès des Pme gérées par les femmes (Pmef) à la commande publique, la Banque mondiale, Onu Femmes et le ministère de la Femme ont officiellement lancé hier le Projet Wefi Sénégal.
Afin de faciliter l'accès des Pme gérées par les femmes (Pmef) à la commande publique, la Banque mondiale, Onu Femmes et le ministère de la Femme ont officiellement lancé hier le Projet Wefi Sénégal. Selon les initiateurs de ce projet, les femmes sont confrontées à des difficultés pour accéder à la commande publique. Ainsi, le Wefi permettra de développer les capacités des Pmef à répondre aux opportunités conséquentes sur le marché public
Le Wefi (qui signifie en français l'initiative de financement en faveur des femmes entrepreneurs) est une collaboration mondiale entre plusieurs gouvernements et banques multilatérales de développement dont l’objectif est «d’alléger les contraintes financières et non financières auxquelles sont confrontées les Pme dirigées par ou appartenant à des femmes», de l’avis de la représentante de la Banque Mondiale, Me Sophie Naudeau.
Au Sénégal, la Banque mondiale, en tant que partenaire d’exécution du We-Fi, pilote un projet visant à établir un lien entre la commande publique et les Pme appartenant à des femmes, ou Pmef.
En collaboration avec ONU Femmes au Sénégal, ce projet vise à stimuler la croissance des Pmef en facilitant leur accès aux marchés publics et au renforcement des capacités. «La Banque mondiale met l’accent sur l’entrepreneuriat féminin du fait que, selon l’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie (Ansd), 33% des entrepreneurs sénégalais sont des femmes.
Vu que les Pme qui comprennent les entreprenants – représentent la quasi-totalité des entreprises au Sénégal, cela implique une contribution importante des femmes au tissu économique du pays». Or, les femmes sont souvent disproportionnellement confrontées à des contraintes qui freinent la croissance de leurs entreprises, y compris leur accès aux marchés. Dès lors, pour Mme Naudeau, il est temps que les Pmef profitent aussi des opportunités conséquentes. Cette discrimination entre les hommes et les femmes sur l'accès de la commande publique est due, selon le Directeur Général de l'Armp, Saer Niang, au fait que les Pmef n’ont souvent même pas connaissance des marchés publics. «Au plan technique, les femmes ne sont pas toujours outillées pour pouvoir compétir dans la commande publique. 80% des entreprises qui gagnent la commande publique savent comment organiser leurs dossiers», soutient le directeur général de l'Armp, Saër Niang.
Ainsi, selon lui, le projet WeFi vient à son heure. Car il a pour objectif de développer les capacités des Pmef à répondre aux opportunités conséquentes sur le marché public. Pour le conseiller technique au ministère de la Femme, Mouhamed Ndiaye, dans une population constituée à 50% de femmes, le budget de la commande publique devrait être répartie à due concurrence. Malheureusement pour lui, les femmes sont de loin derrière les hommes sur un certain nombre de considérations. «Elles ont quatre fois moins accès au système bancaire que les hommes. Nous constatons que dans notre économie au Sénégal, quatre secteurs ont une forte présence des femmes, l'agriculture, l'élevage, l'halieutique et l'artisanat. Mais les métiers du futur sont dépourvus de femmes.
Or nous souhaitons que les femmes accèdent à la commande publique», dit-il. Mais «ces problématiques ont été prises en compte dans une nouvelle stratégie que l'Etat du Sénégal vient de mettre en place et qui est en cours de validation. Elle est initiée par le ministère de la Femme sous le nom de : «Stratégie Nationale pour l'Autonomisation des femmes et des filles. Avec un programme d'actions prioritaires 2020-2024, qui embarque 20 projets prioritaires budgétisés à hauteur de 199 milliards Fcfa», a-t-il indiqué.
LE JUGE DOIT CREUSER L'AFFAIRE
La famille de Fatoumata Makhtar Ndiaye réclame la comparution de Awa Niang et compagnie
Les travaux forcés à perpétuité et une amende de 350 millions FCFA à verser aux parties civiles pour Samba Sow, reconnu coupable du meurtre de Fatoumata Mactar Ndiaye. Le juge a rejeté les exceptions soulevées par la défense avant de disqualifier les faits d’assassinat initialement retenus contre l’accusé en tentative de vol avec effraction et usage d’arme, violence ayant entrainé la mort.
L’accusé est également reconnu coupable de tentative d’assassinat contre Adama Ba, fils de la défunte. Malgré cette décision, la famille de Fatoumata Matar Ndiaye reste insatisfaite du verdict. « Nous ne sommes pas satisfaits de cette décision. Quelqu’un qui a tué et on le condamne aux travaux forcés à perpétuité, cela n’a pas de sens. Il va continuer à vivre. Même si on l’avait exécuté, cela ne nous aurait également pas satisfait », a déclaré Amadou Mactar Ndiaye dit Ciré, frère de la défunte.
Il estime que les personnes qui ont été indexées comme étant les commanditaires devraient être jugées. « Depuis trois ans, il y a deux personnes qui sont citées dans cette affaire comme étant les commanditaires : Il s’agit de Fatou Sow, tante de l’accusé et la député Awa Niang. Pourquoi la justice ne les appelle pas pour éclaircir ces zones d’ombres. Dans un pays sérieux, même si une personne ment, on doit démontrer la vérité. Nous attendons cela de notre justice », soutient-il.
Poursuivant, il indique que la famille ne percevra pas les dommages et intérêts d’autant que l’accusé ne dispose pas de ce montant. « 200 et 150 millions où est-ce que Samba Sow va trouver cet argent pour nous le payer », s’interroge le frère de la défunte qui sollicite la comparution des personnes citées pour édifier l’opinion. Car, précise-t-il, tant que cela n’est pas fait, ces deux personnes seront toujours soupçonnées d’être les commanditaires même si elles ne sont pas mêlées. « Le juge d’instruction doit creuser l’affaire », martèle-t-il.
Me Abdou Dialy Kane : « La thèse de la commande criminelle ne tient pas »
Contrairement à la famille de la défunte, Me Abdou Dialy Kane s’est dit satisfait de la décision qui a été rendue par la chambre criminelle de Dakar. « J’apprécie cette décision positivement. C’est une décision qui ne me surprend pas dans la mesure où je l’avais dit comme lors de ma plaidoirie. L’accusé avait fait preuve d’une barbarie spéciale qui a emporté la vie d’une femme », a réagi Me Kane.
Pour lui, cette affaire doit amener les autorités à réfléchir sur la suppression de la peine mort. L’avocat estime que l’abolition de la peine de mort a été fait sans consulter le peuple. « Aujourd’hui, le gros du peuple est contre la suppression de la peine de mort parce que le Sénégal, de plus en plus, devient un pays violent. Chaque jour, vous voyez un enfant égorgé, une femme violée, un homme tué à chaque coin de rue. Vous pensez que cela peut continuer », s’interroge Me Abdou Dialy Kane.
Qui rejette catégoriquement la thèse de la commande criminelle. « La chambre criminelle a compris qu’elle avait en face d’elle non seulement un criminel mais également un manipulateur parce que l’accusé a essayé de manipuler les juges et l’opinion en faisant croire que ce crime était consécutif à une commande criminelle qui aurait été faite par Fatou Sow et Awa Niang et, tout le monde a compris que c’était un faux alibi. S’il avait une commande criminelle de la part de ces dames pourquoi le criminel ne s’est pas limité à la dame Fatoumata Matar Ndiaye. Mais, il a failli tuer son fils. C’est pourquoi cette thèse de la commande criminelle ne tient pas », défend la robe noire.
SAMBA SOW CONDAMNÉ À PERPÉTUITÉ
La sentence est tombée. Sans clémence et encore moins de surprise, le juge de la chambre criminelle n’a donné aucune chance à Samba Sow.
La sentence est tombée. Sans clémence et encore moins de surprise, le juge de la chambre criminelle n’a donné aucune chance à Samba Sow. Il a été reconnu coupable du meurtre de la 5e vice-présidente du Conseil Economique social et environnemental, tentative de vol avec violence, usage d’arme sans autorisation.
Ol a été condamné à la peine de travaux forcés à perpétuité, à payer 200 millions à la famille de Fatoumata Mactar Ndiaye et 150 millions à son fils. Concernant le cas de ce dernier, Adama Ba, Samba Sow a été retenu coupable pour tentative d’assassinat.
Le juge a ainsi suivi à la lettre le réquisitoire du représentant du parquet, Saliou Ngom. Celui, faisant un réquisitoire de feu lors du procès, n’avait pas caché son désir de voir l’accusé croupir en prison suite à son acte cruel.
« Il l’a égorgée comme s’il égorgeait une brebis. Ce sont des faits d’une cruauté sans commune mesure. Cet individu est un danger pour la société. Je ne peux pas requérir la peine de mort mais ce qu’il mérite c’est la chaise électrique, ce qu’il mérite c’est la pendaison, ce qu’il mérite c’est la guillotine », avait plaidé le substitut du procureur.
Lors du procès, l’accusé, sur la défensive, avait fait des révélations fracassantes en indexant sa tante et la député Awa Niang comme étant les commanditaires de ce crime. Il avait, en outre, devant le prétoire, un comportement répréhensible qui avait fini par outrer le juge.
L’enquête renseigne que c’est la dame Aminata Ba qui a découvert le corps, le 19 novembre 2016, baignant dans une mare de sang. Sur ces entrefaites, les éléments de la police du commissariat ont été informés. Ils ont rappliqué dare-dare sur les lieux. Ils avaient ainsi constaté que la véranda et le rez-de-chaussée étaient souillés de sang.
Pis, ils ont trouvé Fatoumata Mactar Ndiaye couchée sur le dos, la tête inclinée vers la droite. Également, les limiers ont constaté que la gorge était totalement tranchée.
Retour sur le film du crime
Entendu sur procès-verbal, l’accusé avait reconnu les faits. Il disait avoir commis son acte parce qu’il était très fâché contre sa patronne qui était revenue sur l’autorisation de se rendre à Touba au motif qu’il y avait trop d’accidents sur la route. Et, cette dernière menaçait de le licencier s’il ne venait pas travailler.
Toujours donnant sa version des faits aux éléments enquêteurs, il déclarait que cette dernière l’avait traité d’imbécile et quand il a répliqué, elle l’avait repoussé sur la coiffeuse.
Ainsi, en se rebellant et d’un geste brusque, il s’était retourné, avait pris le couteau avant de la poignarder. « Je l’ai poignardée à trois reprises avant de l’égorger en appuyant sa tête contre le sol », avait reconnu l’accusé à l’enquête préliminaire.
par Yaye Fatou Sarr
QUELQUES MOTS AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
Il faudra commencer par rétablir une justice équitable car un violeur, de même qu’un pédophile, devra peu importe sa renommée être puni comme tel mais, les accusés ne devront pas aller surpeupler Rebeuss en attente de jugement
Excellence, suite au post fait récemment sur votre page Facebook, je souhaiterais vous faire parvenir ces mots.
Monsieur le président, je porte un grand intérêt au débat portant sur le viol et la pédophilie et donc à la loi modifiant celle n° 65-60 du 21 juillet 1965 qui faisait considérer le viol au Sénégal comme un simple délit, passible de cinq à dix ans de prison. Laquelle loi n’a pas empêché de compter plusieurs cas de viol. Parmi les plus récents, ceux notés entre 2017 et 2018. En effet 706 femmes et filles ont été victimes de viol conduisant à la mort selon les statistiques de la cellule de traitement des affaires criminelles du ministère de la Justice et les chiffres en 2019 nous montrent que 14 femmes ont été tuées suite à un viol, dont 3 mineures en état de grossesse.
Monsieur le président, cette loi laissait encore une brèche qu’avait dénoncé l’AJS en ces termes : «Dans le projet de loi, le viol en lui-même, n’est pas criminalisé dans les domaines de la pédophilie puisque les peines qui s’appliquent aux crimes ne l’ont pas été. On en reste juste au même stade que la loi de 1999, à savoir que le viol est puni d’une peine de 5 à 10 ans d’emprisonnement. Il s’est juste ajouté à la peine, une amende de 500.000 à 5.000.000 de F CFA. Pour la pédophilie, c’est la même chose: 10 ans d’emprisonnement alors que les peines, en matière criminelle, c’est la réclusion criminelle à perpétuité, la réclusion criminelle à temps, la détention criminelle à temps dans le cadre politique». J’ose espérer que leur amendement a été pris en compte.
De quoi vous demander, monsieur, que cela ne soit pas politisée et que les ministères concernés fassent leur travail. Cependant, je tenais à attirer votre attention sur la nécessité de mettre en place des mesures d’accompagnement, d’encadrer cette loi. Il faudra commencer par rétablir une justice équitable car un violeur, de même qu’un pédophile, devra peu importe sa renommée être puni comme tel mais, les accusés ne devront pas aller surpeupler Rebeuss en attente de jugement. Le mot devra être mis dans son contexte afin qu’une tierce personne ne puisse l’utiliser pour détruire une réputation et enfin monsieur, avec des mesures préventives telles que le renforcement de la sécurité dans certaines localités, l’éducation des enfants et des jeunes filles, la restauration de l’éducation à la vie familiale dans les écoles qui devraient être prises au sérieux.
Par ailleurs monsieur le président, dans votre publication vous avez oublié de donner une place à la pédophilie, certainement à l’image de notre société qui en parle si peu mais sachez monsieur qu’elle n’est pas négligeable et que sa criminalisation est aussi importante que celle du viol.
Force à toutes ces personnes et organisations qui ont porté ce combat !
Dans le cadre du projet RECOLTEHA visant à former les journalistes sur la traite des êtres humains, Jean- Paul Ndour et Ndatté Diop ont effectué deux missions à Kédougou pour un grand reportage inédit sur la traite des prostitués étrangères dans les sites d'orpaillages à Kédougou notamment à Bantaco et Tenkoto.
UNE DECENNIE CONJUGUEE AU FEMININ
Parité, acquisition de la nationalité, criminalisation du viol entre 2010-2020
La loi sur la criminalisation du viol et de la pédophilie récemment promulguée par le président de la république est saluée par la quasi-totalité des acteurs politiques, membres de la société civile et associations féminines. Même si certains pensent que le législateur a cédé à la pression des femmes activistes, force est de constater pour autant que cette loi n’est que l’ultime acte d’une décennie où les femmes ont gagné des batailles pour leur émancipation.
Vendredi 14 mai 2010. Malgré les rigueurs de la chaleur, des milliers de femmes, tout de blanc vêtues, ont marché de l’Assemblée nationale à l’avenue Léopold Sedar Senghor pour rendre hommage au président de la République de l’époque, Me Abdoulaye Wade. Et dans le comité d’organisation, il y avait les personnalités (féminines) des partis politiques toutes obédiences confondues comme Aminata Mbengue Ndiaye du Parti Socialiste et Mata Sy Diallo de l’Afp. Et malgré les divergences de son parti avec Me Abdoulaye Wade, l’ancienne progressiste lâche une phrase qui en dit long sur la solennité du moment : «Merci Président et c’est Mata Sy Diallo qui dit ça».
L’enjeu en valait certainement les lauriers tressés au pape du Sopi. En effet, l’ancienne parlementaire et les défenseurs des droits des femmes venaient de gagner une bataille historique avec le vote de la loi sur la parité à l’Assemblée nationale. Historique parce que cette loi est l’aboutissement de plusieurs années de lutte pour l’émancipation de la femme sénégalaise. Au milieu d’une foule aux effluves féminines, le Président Abdoulaye Wade déclare : «C’est un combat qui prend ses racines dans les profondeurs du Sénégal, mais les autres n’ont pas eu l’heur de l’achever. Et il se trouve par la grâce de Dieu que c’est aujourd’hui que cette conquête a abouti et il faut en féliciter les femmes de l’opposition et de la société civile.»
Dans un phrasé empreint de lyrisme et plein d’espoir, le chantre du Sopi ajoute avec enthousiasme : «Faisons de cette parité un outil de cohésion sociale, un outil de respect mutuel, un outil de solidarité et un outil de travail pour faire progresser le Sénégal.» Mettant en garde certains oiseaux de mauvais augure, il avait soutenu que cette loi ne devait pas créer des problèmes entre les hommes et les femmes. Mais elle doit être un élément qui stimule le travail des uns et des autres et entraîne le respect mutuel de l’homme et de la femme. Cette loi est le fruit d’âpres luttes menées par des associations féminines comme le Caucus ou encore l’Association des juristes du Sénégal. Le processus de la loi pour la parité initiée en 2010 par le président de la République Abdoulaye Wade, se rappelait Pr Fatou Sow Sarr dans un article qu’elle avait publié, a duré deux ans. Il a été marqué par d’intenses activités du Caucus, une organisation regroupant les Femmes leaders pour le soutien de la loi sur la parité, qui s’est attelée à la sensibilisation et au plaidoyer pour construire le consensus national, avec des activités de renforcement des capacités des candidates aux élections législatives de 2012. Une révolution qui a fait bouger les lignes. Et en 2012, le Sénégal a fait encore un pas important sur le chemin de l’égalité en portant le nombre de femmes à l’Assemblée de 33 à 64 députées. Aujourd’hui, avec la treizième législature, ce nombre est passé à 70 même si le taux reste toujours inégalitaire (42%). Même si pour la sociologue Fatou Sow Sarr, les «femmes qui ont été portées à l’Assemblée jusqu’ici ne semblent pas être prêtes à poursuivre le combat car elles se sentent plus redevables à leurs partis.
Entre la fidélité au combat des femmes et la loyauté à leur parti, elles ont choisi leur camp». Et de rappeler : «Les femmes ne doivent jamais oublier qu’elles ne sont pas à l’abri de reculs de l’histoire, car l’histoire nous enseigne que les révolutions connaissent des moments de flux et de reflux, et la bataille pour la parité et l’égalité ne sera pas une exception.» Après cette loi sur la parité, une autre anomalie relative à l’acquisition de la nationalité sénégalaise qui lésait la femme sera réglée en 2013. La réforme modifiant la loi N° 61-10 du 7 mars 1961 sur la nationalité a permis à la femme sénégalaise d’octroyer la nationalité sénégalaise à son conjoint et à ses enfants de nationalité étrangère, dans les mêmes conditions que l’homme sénégalais. Ce qui tranche avec ce qui existait auparavant. Cette possibilité n’était reconnue qu’au père et à la mère veuve qui ont acquis la nationalité. Ainsi le Sénégal faisait un pas de plus vers une égalité effective homme-femme et concrétisant dans la foulée une promesse de campagne tenue par le Président Macky Sall.
PARITE INSTITUTIONNELLE
Le régime du Président Macky Sall a fait aussi des efforts allant dans le sens de mettre en application la loi sur la parité votée en 2010 avec la promotion des femmes dans les hautes instances de décision du pays. L’actuelle présidente du Conseil Economique, Social et Environnemental(Cese), Aminata Touré, qui devient dans la foulée la quatrième personnalité de l’Etat, est la deuxième femme à occuper le poste de Premier ministre. La police a eu pour la première fois une patronne femme en la personne d’Anna Sémou Faye. La très tenace Nafi Ngom Keita a été portée à la tête de l'Office National de Lutte contre la Fraude et la Corruption (Ofnac). Le Cese a été dirigé pendant de longues années par Aminata Tall avant que cette dernière ne cède la place à l’ancienne ministre de la Justice Aminata Touré. Et pour parachever l’égalité entre homme et femme dans les quatre institutions de la République, Aminata Mbengue Ndiaye est promue présidente du Haut Conseil des Collectivités Territoriales (Hcct) après le décès de Ousmane Tanor Dieng.
L’influence des femmes se ressent aussi dans les lois visant la protection des femmes. A la fin de l’année 2019, la loi sur le viol a été durcie avec une criminalisation allant maintenant de 10 à 30 ans et une possibilité d’être condamné à perpétuité s’il y a des circonstances aggravantes. Même si la loi est impersonnelle par définition, celle-ci vise plus à protéger les femmes et les enfants. Ce qui a poussé certains observateurs à tirer sur le gouvernement en lui reprochant d’avoir cédé au «chantage» des associations féminines du pays. Quoi qu’il en soit, sous l’impulsion des Présidents Abdoulaye Wade et Macky Sall, d’importantes étapes ont été franchies dans l’émancipation féminine, même s’il reste beaucoup à faire avec la pauvreté parfois beaucoup plus ressentie par les femmes et le taux de scolarisation qui reste faible. Mais surtout la maturation citoyenne des femmes engagées en politique.
Présentes dans l’espace politique depuis 1963 avec Caroline Diop qui est la première femme à être députée à l’Assemblée nationale, certains leaders de la cause féminine regrettent que la présence des femmes dans les instances de décision n’ait pas amélioré la qualité des débats sur la question des droits des femmes. ‘’La loi sur la parité, ce n’est pas tout de mettre des femmes à l’Assemblée : il faut surtout qu’elles puissent changer les choses. La parité n’est utile que si elle permet d’accéder à une transformation en profondeur de la société’’, faisait remarquer il y a quelques mois l’historienne Penda Mbow, même si le Sénégal est hissé à la 11e place mondiale, selon une étude récente publiée par ONU Femmes et l’Union interparlementaire (UIP).
TOUJOURS DANS LE COULOIR DE LA MORT
Condamnée à mort depuis plus de 3 ans en Arabie Saoudite, Mbayang Diop serait gravement malade et espère que son appel sera entendu par le gouvernement.
Condamnée à mort depuis plus de 3 ans en Arabie Saoudite, Mbayang Diop serait gravement malade et espère que son appel sera entendu par le gouvernement.
«Gravement malade, Mbayang Diop préfère déjà mourir que de continuer à souffrir.» Ce sont les sentiments de la dame rendus public par Horizon sans frontières (Hsf). Boubacar Sèye insiste : «D’après les informations reçues par Horizon sans frontières, désespérée dans sa souffrance, elle aurait préféré mourir que de continuer à vivre dans ces conditions de détention. Notre cri du cœur en tant qu’organisation de défense des migrants est une interpellation des autorités face à ce désarroi.»
En tout cas, il s’interroge sur l’attitude de l’Etat : «Le Sénégal doit-il resté inerte devant la situation de sa fille qui vit un calvaire infernal ? Que doit faire l’Etat pour la sauver face à cette urgence ?» Il suggère aux autorités de se battre pour «que cette peine de mort soit commuée à une peine de prison à perpétuité pour que Mbayang puisse venir finir ses jours Sénégal».
Il compte sur les relations «séculaires qui nous unissent à l’Arabie saoudite» pour pousser le Sénégal à introduire «une demande de grâce à titre humanitaire pour la faire sortir de ce bourbier» tout en exigeant de lui «des preuves attestant que la jeune dame est encore en vie et en bonne santé».
Condamnée à la peine de mort depuis avril 2017 par la justice saoudienne qui l’accuse d’avoir tué son employeur, Mbayang Diop attend dans le couloir de la mort depuis quasiment 3 ans. Une douloureuse situation qui étreint la famille de cette compatriote, détenue à la prison des femmes de Fayçaliyah de Damman, située à 450 km de Riyad. Jusque-là encore, sa sentence ne peut être exécutée parce que ses enfants sont encore mineurs.
Par conséquent, Mme Diop va rester en détention pour encore quelques années avant que la justice saoudienne n’ordonne son exécution. Elle survit grâce à cet insignifiant espoir qui constitue peut-être une torture. C’est une maigre consolation pour sa famille si l’on sait que cette décision est définitive.
A moins que les discussions dans les couloirs diplomatiques ne l’extirpent du couloir de la mort. Dans le cadre de l’assistance habituelle que la diplomatie sénégalaise apporte à ses ressortissants en situation de détresse, les autorités ont toujours tenté de gérer ce dossier avec beaucoup de tact.
Tout en sachant évidemment que la justice saoudienne souveraine allait continuer à mener ses investigations pour tirer cette affaire au clair. Riyad avait dépêché à Dakar son ministre des Affaires étrangères en août 2016 pour essayer de dissiper les nuages entre les deux pays après l’arrestation de cette sénégalaise, partie en Arabie Saoudite pour gagner sa vie.
Désormais, elle risque de la perdre. Il faut savoir que cette monarchie absolue de droit divin, dirigée par le Roi Salman Ben Abdelaziz Al Saoud, fait partie des quatre «champions» du monde des exécutions dénoncées par les défenseurs des droits humains, en compagnie de la Chine, de l’Iran et de l’Irak . Meurtre, viol, vol à main armée, apostasie ou encore trafic de drogue sont aussi passibles de la peine capitale dans ce royaume sunnite ultra-conservateur.
LE CALVAIRE DE LA DÉLIVRANCE
Des femmes en travail font le tour des structures sanitaires, espérant trouver un point de chute, afin de mettre au monde leurs nouveau-nés. Une longue chevauchée… au bout de l’angoisse. Reportage
Pour une femme enceinte, l’angoisse est une compagne quotidienne. Actuellement, au Sénégal, il faut y ajouter le calvaire de l’accouchement, du fait de la faible capacité de prise en charge des structures hospitalières. Des femmes en travail font le tour des structures sanitaires, espérant trouver un point de chute, afin de mettre au monde leurs nouveau-nés. Une longue chevauchée… au bout de l’angoisse. Reportage.
La jeune dame n’arrive pas à fermer l’œil, dans la salle post-natale du centre de santé Philippe Maguilène Senghor. Sa voix mélancolique perce le silence de la nuit. Elle se remémore. Elle culpabilise. Et elle regrette. Anta vient de mettre au monde un mort-né. Ce, après avoir fait le tour des structures sanitaires pour son accouchement. La jeune dame a été, tour à tour, renvoyée à cause d’un manque d’espace, lui a-t-on servi, à chaque fois. ‘’Si on nous avait admis très tôt dans les précédents hôpitaux, le bébé serait sûrement né sain et sauf’’, dit-elle avec amertume à son mari, son seul accompagnant.
Pour la soulager, ce dernier, apparemment meurtri et affligé, évoque la volonté divine et s’en remet à Dieu. ‘’Cela devait certainement se passer comme ça. Alors gardons la foi’’, dit-il. Cette dame voit ainsi neuf mois d’attente réduits à néant.
Son histoire rejoint celle d’Aicha. Contrairement à la susnommée, l’habitante de Grand-Yoff a eu la chance de mettre au monde son fils. Mais à quel prix ! 22 h, dans ce quartier populeux, Aicha, en état de grossesse très avancée, profite de la pénombre pour se rendre furtivement dans le district sanitaire de la zone. Habillée d’une robe multicolore ample, son mouchoir de tête solidement nouée, la jeune dame essaye tant bien que mal de cacher sa souffrance. Les contractions ne lui laissent pas de répit. Elle grimace de temps à autre et gémit quelquefois pour exprimer sa douleur. A bord d’un taxi, elle s’impatiente. Son gros ventre, elle l’a recouvert avec un large foulard pour se protéger des regards indiscrets. Une fois dans la structure sanitaire nichée dans la municipalité du ministre de la Santé Abdoulaye Diouf Sarr, la dame se rend compte qu’elle n’est pas au bout de ses supplices.
Dans un long couloir qui ne finit pas de s’étirer, est installé un banc pour les malades et leurs accompagnants. Ici, on se croirait en plein jour, car les va-et-vient sont incessants. On est devant la salle de consultation de la maternité ; une bâtisse aux murs verts-blancs. Un passage obligatoire, avant d’admettre les patientes en salle d’accouchement. Aicha rejoint la file et patiente. Très vite, elle oublie sa douleur qui laisse place à l’angoisse. Puisqu’après un passage à la salle de consultation, on lui notifie qu’il est impossible de la garder dans les lieux, à cause d’un manque de place. Aicha ne sera pas admise en salle d’accouchement. La déception se lit sur le visage ; elle fait signe à ses accompagnants de quitter les lieux. ‘’Elle (la sage-femme) dit que je dois être en observation, alors qu’il n’y a pas assez de places dans cette hôpital. Elle m’a orientée dans une autre structure (Abass Ndao) et m’a même remis une note pour cela’’, tente-t-elle de se rassurer.
Alors, commence son marathon. Elle choisit de se rendre au centre de santé Nabil Choucair de la Patte d’Oie. Ici, la préposée au service d’accueil de la maternité est momentanément absente. De retour, la dame à la blouse rose anéantit une nouvelle fois l’espoir d’Aicha. ‘’Madame, nous n’avons pas de place ; allez voir à l’hôpital Philippe Senghor’’, sert-elle à la patiente, alors que les contractions s’accentuent. Aicha et ses accompagnants ne savent plus à quel saint se vouer. Et pourquoi ne pas essayer de voir le privé pour un meilleur salut ? Cette perspective sera vite rangée aux oubliettes, face aux assertions d’une patiente qui a également fait le tour des hôpitaux et même des cliniques, sans succès. Affalée sur une chaise dans la salle d’attente, le teint noir, la jeune femme doit accoucher d’un prématuré de 7 mois. Par conséquent, elle aura besoin de crèche pour son futur bébé.
‘’A chaque fois, on me renvoie pour défaut de place’’
‘’J’ai quitté chez moi dans la matinée, vers 10 h. Depuis lors, je suis à la recherche d’une structure sanitaire. A chaque fois, on me renvoie pour défaut de place. J’ai même été à une clinique où on m’a exigé une forte somme, avant mon admission. Je leur ai demandé de me laisser jusqu’à demain pour apporter l’argent, car je ne l’ai pas avec moi, mais ils n’ont pas voulu m’admettre. Nabil Choucair est la deuxième structure sanitaire où je me suis rendue depuis ce matin’’, narre-t-elle d’un trait.
Devant ces propos, Aicha reste bouche-bée, et la peur se lit sur son visage déjà recouvert du masque de la grossesse.
Le salut, pour la jeune dame, viendra d’un voisin dont le frère travaille à Gaspard Camara. En effet, devant la tournure des événements, l’un des accompagnants a pris son téléphone pour appeler le voisin qui, aussitôt, a câblé son frère qui n’était pas de garde cette nuit-là. Mais ce dernier a pris la peine d’appeler à l’hôpital et expliquer que sa nièce allait venir accoucher là-bas. C’est ainsi qu’elle a pu retrouver le sourire et connaître les joies de la maternité.
La circulaire du ministre, le sauf-conduit
La maternité est le rêve de toutes les femmes. Un rêve qui est en passe de se transformer en cauchemar pour nombre de femmes au Sénégal. En plus des douleurs de l’accouchement, les femmes doivent, depuis un bon bout de temps, composer avec le manque d’espace dans les structures publiques. Avant d’entendre les cris de leurs nourrissons, elles vivent un véritable calvaire. C’est dans ce contexte qu’intervient la circulaire du ministre de la Santé relative à la prise en charge des urgences. Dans sa note, Abdoulaye Diouf Sarr demande aux directeurs d’hôpitaux que ‘’tout patient qui arrive en situation d’urgence doit être prioritairement pris en charge. (…) Faute de place ou de conditions optimales de prise en charge, il doit organiser sa référence avec la structure où il sera orienté ou le faire en collaboration avec le Samu (…)’’.
Il faut dire, cependant, que le Sénégal n’est pas prêt encore à résoudre le problème des urgences. En effet, une femme a perdu la vie à Thiès, durant le premier weekend du mois de janvier, après avoir mis au monde des jumeaux. La nouvelle maman a, d’après les informations, succombé au cours de son évacuation à l’hôpital régional de Thiès. Dans le même sillage, Coumba se remémore encore de l’accouchement difficile de sa nièce, renvoyée par plusieurs hôpitaux et créant ainsi beaucoup d’inquiétude dans sa famille. ‘’Personne n’a fermé l’œil, cette nuit-là, à la maison. On se demandait si son cas n’était pas trop critique, vu les multiples renvois. C’est une clinique qui l’a finalement accueillie et elle a accouché par césarienne, à cause de son long périple. Ma nièce garde toujours en mémoire la mésaventure de cette soirée’’, explique-t-elle.
Avec cette circulaire du ministre, les femmes sénégalaises peuvent garder un brin d’espoir, quant à l’accueil qui leur sera réservé dans les structures sanitaires.