La sentence est tombée. Sans clémence et encore moins de surprise, le juge de la chambre criminelle n’a donné aucune chance à Samba Sow. Il a été reconnu coupable du meurtre de la 5e vice-présidente du Conseil Economique social et environnemental, tentative de vol avec violence, usage d’arme sans autorisation.
Ol a été condamné à la peine de travaux forcés à perpétuité, à payer 200 millions à la famille de Fatoumata Mactar Ndiaye et 150 millions à son fils. Concernant le cas de ce dernier, Adama Ba, Samba Sow a été retenu coupable pour tentative d’assassinat.
Le juge a ainsi suivi à la lettre le réquisitoire du représentant du parquet, Saliou Ngom. Celui, faisant un réquisitoire de feu lors du procès, n’avait pas caché son désir de voir l’accusé croupir en prison suite à son acte cruel.
« Il l’a égorgée comme s’il égorgeait une brebis. Ce sont des faits d’une cruauté sans commune mesure. Cet individu est un danger pour la société. Je ne peux pas requérir la peine de mort mais ce qu’il mérite c’est la chaise électrique, ce qu’il mérite c’est la pendaison, ce qu’il mérite c’est la guillotine », avait plaidé le substitut du procureur.
Lors du procès, l’accusé, sur la défensive, avait fait des révélations fracassantes en indexant sa tante et la député Awa Niang comme étant les commanditaires de ce crime. Il avait, en outre, devant le prétoire, un comportement répréhensible qui avait fini par outrer le juge.
L’enquête renseigne que c’est la dame Aminata Ba qui a découvert le corps, le 19 novembre 2016, baignant dans une mare de sang. Sur ces entrefaites, les éléments de la police du commissariat ont été informés. Ils ont rappliqué dare-dare sur les lieux. Ils avaient ainsi constaté que la véranda et le rez-de-chaussée étaient souillés de sang.
Pis, ils ont trouvé Fatoumata Mactar Ndiaye couchée sur le dos, la tête inclinée vers la droite. Également, les limiers ont constaté que la gorge était totalement tranchée.
Retour sur le film du crime
Entendu sur procès-verbal, l’accusé avait reconnu les faits. Il disait avoir commis son acte parce qu’il était très fâché contre sa patronne qui était revenue sur l’autorisation de se rendre à Touba au motif qu’il y avait trop d’accidents sur la route. Et, cette dernière menaçait de le licencier s’il ne venait pas travailler.
Toujours donnant sa version des faits aux éléments enquêteurs, il déclarait que cette dernière l’avait traité d’imbécile et quand il a répliqué, elle l’avait repoussé sur la coiffeuse.
Ainsi, en se rebellant et d’un geste brusque, il s’était retourné, avait pris le couteau avant de la poignarder. « Je l’ai poignardée à trois reprises avant de l’égorger en appuyant sa tête contre le sol », avait reconnu l’accusé à l’enquête préliminaire.
par Yaye Fatou Sarr
QUELQUES MOTS AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
Il faudra commencer par rétablir une justice équitable car un violeur, de même qu’un pédophile, devra peu importe sa renommée être puni comme tel mais, les accusés ne devront pas aller surpeupler Rebeuss en attente de jugement
Excellence, suite au post fait récemment sur votre page Facebook, je souhaiterais vous faire parvenir ces mots.
Monsieur le président, je porte un grand intérêt au débat portant sur le viol et la pédophilie et donc à la loi modifiant celle n° 65-60 du 21 juillet 1965 qui faisait considérer le viol au Sénégal comme un simple délit, passible de cinq à dix ans de prison. Laquelle loi n’a pas empêché de compter plusieurs cas de viol. Parmi les plus récents, ceux notés entre 2017 et 2018. En effet 706 femmes et filles ont été victimes de viol conduisant à la mort selon les statistiques de la cellule de traitement des affaires criminelles du ministère de la Justice et les chiffres en 2019 nous montrent que 14 femmes ont été tuées suite à un viol, dont 3 mineures en état de grossesse.
Monsieur le président, cette loi laissait encore une brèche qu’avait dénoncé l’AJS en ces termes : «Dans le projet de loi, le viol en lui-même, n’est pas criminalisé dans les domaines de la pédophilie puisque les peines qui s’appliquent aux crimes ne l’ont pas été. On en reste juste au même stade que la loi de 1999, à savoir que le viol est puni d’une peine de 5 à 10 ans d’emprisonnement. Il s’est juste ajouté à la peine, une amende de 500.000 à 5.000.000 de F CFA. Pour la pédophilie, c’est la même chose: 10 ans d’emprisonnement alors que les peines, en matière criminelle, c’est la réclusion criminelle à perpétuité, la réclusion criminelle à temps, la détention criminelle à temps dans le cadre politique». J’ose espérer que leur amendement a été pris en compte.
De quoi vous demander, monsieur, que cela ne soit pas politisée et que les ministères concernés fassent leur travail. Cependant, je tenais à attirer votre attention sur la nécessité de mettre en place des mesures d’accompagnement, d’encadrer cette loi. Il faudra commencer par rétablir une justice équitable car un violeur, de même qu’un pédophile, devra peu importe sa renommée être puni comme tel mais, les accusés ne devront pas aller surpeupler Rebeuss en attente de jugement. Le mot devra être mis dans son contexte afin qu’une tierce personne ne puisse l’utiliser pour détruire une réputation et enfin monsieur, avec des mesures préventives telles que le renforcement de la sécurité dans certaines localités, l’éducation des enfants et des jeunes filles, la restauration de l’éducation à la vie familiale dans les écoles qui devraient être prises au sérieux.
Par ailleurs monsieur le président, dans votre publication vous avez oublié de donner une place à la pédophilie, certainement à l’image de notre société qui en parle si peu mais sachez monsieur qu’elle n’est pas négligeable et que sa criminalisation est aussi importante que celle du viol.
Force à toutes ces personnes et organisations qui ont porté ce combat !
Dans le cadre du projet RECOLTEHA visant à former les journalistes sur la traite des êtres humains, Jean- Paul Ndour et Ndatté Diop ont effectué deux missions à Kédougou pour un grand reportage inédit sur la traite des prostitués étrangères dans les sites d'orpaillages à Kédougou notamment à Bantaco et Tenkoto.
UNE DECENNIE CONJUGUEE AU FEMININ
Parité, acquisition de la nationalité, criminalisation du viol entre 2010-2020
La loi sur la criminalisation du viol et de la pédophilie récemment promulguée par le président de la république est saluée par la quasi-totalité des acteurs politiques, membres de la société civile et associations féminines. Même si certains pensent que le législateur a cédé à la pression des femmes activistes, force est de constater pour autant que cette loi n’est que l’ultime acte d’une décennie où les femmes ont gagné des batailles pour leur émancipation.
Vendredi 14 mai 2010. Malgré les rigueurs de la chaleur, des milliers de femmes, tout de blanc vêtues, ont marché de l’Assemblée nationale à l’avenue Léopold Sedar Senghor pour rendre hommage au président de la République de l’époque, Me Abdoulaye Wade. Et dans le comité d’organisation, il y avait les personnalités (féminines) des partis politiques toutes obédiences confondues comme Aminata Mbengue Ndiaye du Parti Socialiste et Mata Sy Diallo de l’Afp. Et malgré les divergences de son parti avec Me Abdoulaye Wade, l’ancienne progressiste lâche une phrase qui en dit long sur la solennité du moment : «Merci Président et c’est Mata Sy Diallo qui dit ça».
L’enjeu en valait certainement les lauriers tressés au pape du Sopi. En effet, l’ancienne parlementaire et les défenseurs des droits des femmes venaient de gagner une bataille historique avec le vote de la loi sur la parité à l’Assemblée nationale. Historique parce que cette loi est l’aboutissement de plusieurs années de lutte pour l’émancipation de la femme sénégalaise. Au milieu d’une foule aux effluves féminines, le Président Abdoulaye Wade déclare : «C’est un combat qui prend ses racines dans les profondeurs du Sénégal, mais les autres n’ont pas eu l’heur de l’achever. Et il se trouve par la grâce de Dieu que c’est aujourd’hui que cette conquête a abouti et il faut en féliciter les femmes de l’opposition et de la société civile.»
Dans un phrasé empreint de lyrisme et plein d’espoir, le chantre du Sopi ajoute avec enthousiasme : «Faisons de cette parité un outil de cohésion sociale, un outil de respect mutuel, un outil de solidarité et un outil de travail pour faire progresser le Sénégal.» Mettant en garde certains oiseaux de mauvais augure, il avait soutenu que cette loi ne devait pas créer des problèmes entre les hommes et les femmes. Mais elle doit être un élément qui stimule le travail des uns et des autres et entraîne le respect mutuel de l’homme et de la femme. Cette loi est le fruit d’âpres luttes menées par des associations féminines comme le Caucus ou encore l’Association des juristes du Sénégal. Le processus de la loi pour la parité initiée en 2010 par le président de la République Abdoulaye Wade, se rappelait Pr Fatou Sow Sarr dans un article qu’elle avait publié, a duré deux ans. Il a été marqué par d’intenses activités du Caucus, une organisation regroupant les Femmes leaders pour le soutien de la loi sur la parité, qui s’est attelée à la sensibilisation et au plaidoyer pour construire le consensus national, avec des activités de renforcement des capacités des candidates aux élections législatives de 2012. Une révolution qui a fait bouger les lignes. Et en 2012, le Sénégal a fait encore un pas important sur le chemin de l’égalité en portant le nombre de femmes à l’Assemblée de 33 à 64 députées. Aujourd’hui, avec la treizième législature, ce nombre est passé à 70 même si le taux reste toujours inégalitaire (42%). Même si pour la sociologue Fatou Sow Sarr, les «femmes qui ont été portées à l’Assemblée jusqu’ici ne semblent pas être prêtes à poursuivre le combat car elles se sentent plus redevables à leurs partis.
Entre la fidélité au combat des femmes et la loyauté à leur parti, elles ont choisi leur camp». Et de rappeler : «Les femmes ne doivent jamais oublier qu’elles ne sont pas à l’abri de reculs de l’histoire, car l’histoire nous enseigne que les révolutions connaissent des moments de flux et de reflux, et la bataille pour la parité et l’égalité ne sera pas une exception.» Après cette loi sur la parité, une autre anomalie relative à l’acquisition de la nationalité sénégalaise qui lésait la femme sera réglée en 2013. La réforme modifiant la loi N° 61-10 du 7 mars 1961 sur la nationalité a permis à la femme sénégalaise d’octroyer la nationalité sénégalaise à son conjoint et à ses enfants de nationalité étrangère, dans les mêmes conditions que l’homme sénégalais. Ce qui tranche avec ce qui existait auparavant. Cette possibilité n’était reconnue qu’au père et à la mère veuve qui ont acquis la nationalité. Ainsi le Sénégal faisait un pas de plus vers une égalité effective homme-femme et concrétisant dans la foulée une promesse de campagne tenue par le Président Macky Sall.
PARITE INSTITUTIONNELLE
Le régime du Président Macky Sall a fait aussi des efforts allant dans le sens de mettre en application la loi sur la parité votée en 2010 avec la promotion des femmes dans les hautes instances de décision du pays. L’actuelle présidente du Conseil Economique, Social et Environnemental(Cese), Aminata Touré, qui devient dans la foulée la quatrième personnalité de l’Etat, est la deuxième femme à occuper le poste de Premier ministre. La police a eu pour la première fois une patronne femme en la personne d’Anna Sémou Faye. La très tenace Nafi Ngom Keita a été portée à la tête de l'Office National de Lutte contre la Fraude et la Corruption (Ofnac). Le Cese a été dirigé pendant de longues années par Aminata Tall avant que cette dernière ne cède la place à l’ancienne ministre de la Justice Aminata Touré. Et pour parachever l’égalité entre homme et femme dans les quatre institutions de la République, Aminata Mbengue Ndiaye est promue présidente du Haut Conseil des Collectivités Territoriales (Hcct) après le décès de Ousmane Tanor Dieng.
L’influence des femmes se ressent aussi dans les lois visant la protection des femmes. A la fin de l’année 2019, la loi sur le viol a été durcie avec une criminalisation allant maintenant de 10 à 30 ans et une possibilité d’être condamné à perpétuité s’il y a des circonstances aggravantes. Même si la loi est impersonnelle par définition, celle-ci vise plus à protéger les femmes et les enfants. Ce qui a poussé certains observateurs à tirer sur le gouvernement en lui reprochant d’avoir cédé au «chantage» des associations féminines du pays. Quoi qu’il en soit, sous l’impulsion des Présidents Abdoulaye Wade et Macky Sall, d’importantes étapes ont été franchies dans l’émancipation féminine, même s’il reste beaucoup à faire avec la pauvreté parfois beaucoup plus ressentie par les femmes et le taux de scolarisation qui reste faible. Mais surtout la maturation citoyenne des femmes engagées en politique.
Présentes dans l’espace politique depuis 1963 avec Caroline Diop qui est la première femme à être députée à l’Assemblée nationale, certains leaders de la cause féminine regrettent que la présence des femmes dans les instances de décision n’ait pas amélioré la qualité des débats sur la question des droits des femmes. ‘’La loi sur la parité, ce n’est pas tout de mettre des femmes à l’Assemblée : il faut surtout qu’elles puissent changer les choses. La parité n’est utile que si elle permet d’accéder à une transformation en profondeur de la société’’, faisait remarquer il y a quelques mois l’historienne Penda Mbow, même si le Sénégal est hissé à la 11e place mondiale, selon une étude récente publiée par ONU Femmes et l’Union interparlementaire (UIP).
TOUJOURS DANS LE COULOIR DE LA MORT
Condamnée à mort depuis plus de 3 ans en Arabie Saoudite, Mbayang Diop serait gravement malade et espère que son appel sera entendu par le gouvernement.
Condamnée à mort depuis plus de 3 ans en Arabie Saoudite, Mbayang Diop serait gravement malade et espère que son appel sera entendu par le gouvernement.
«Gravement malade, Mbayang Diop préfère déjà mourir que de continuer à souffrir.» Ce sont les sentiments de la dame rendus public par Horizon sans frontières (Hsf). Boubacar Sèye insiste : «D’après les informations reçues par Horizon sans frontières, désespérée dans sa souffrance, elle aurait préféré mourir que de continuer à vivre dans ces conditions de détention. Notre cri du cœur en tant qu’organisation de défense des migrants est une interpellation des autorités face à ce désarroi.»
En tout cas, il s’interroge sur l’attitude de l’Etat : «Le Sénégal doit-il resté inerte devant la situation de sa fille qui vit un calvaire infernal ? Que doit faire l’Etat pour la sauver face à cette urgence ?» Il suggère aux autorités de se battre pour «que cette peine de mort soit commuée à une peine de prison à perpétuité pour que Mbayang puisse venir finir ses jours Sénégal».
Il compte sur les relations «séculaires qui nous unissent à l’Arabie saoudite» pour pousser le Sénégal à introduire «une demande de grâce à titre humanitaire pour la faire sortir de ce bourbier» tout en exigeant de lui «des preuves attestant que la jeune dame est encore en vie et en bonne santé».
Condamnée à la peine de mort depuis avril 2017 par la justice saoudienne qui l’accuse d’avoir tué son employeur, Mbayang Diop attend dans le couloir de la mort depuis quasiment 3 ans. Une douloureuse situation qui étreint la famille de cette compatriote, détenue à la prison des femmes de Fayçaliyah de Damman, située à 450 km de Riyad. Jusque-là encore, sa sentence ne peut être exécutée parce que ses enfants sont encore mineurs.
Par conséquent, Mme Diop va rester en détention pour encore quelques années avant que la justice saoudienne n’ordonne son exécution. Elle survit grâce à cet insignifiant espoir qui constitue peut-être une torture. C’est une maigre consolation pour sa famille si l’on sait que cette décision est définitive.
A moins que les discussions dans les couloirs diplomatiques ne l’extirpent du couloir de la mort. Dans le cadre de l’assistance habituelle que la diplomatie sénégalaise apporte à ses ressortissants en situation de détresse, les autorités ont toujours tenté de gérer ce dossier avec beaucoup de tact.
Tout en sachant évidemment que la justice saoudienne souveraine allait continuer à mener ses investigations pour tirer cette affaire au clair. Riyad avait dépêché à Dakar son ministre des Affaires étrangères en août 2016 pour essayer de dissiper les nuages entre les deux pays après l’arrestation de cette sénégalaise, partie en Arabie Saoudite pour gagner sa vie.
Désormais, elle risque de la perdre. Il faut savoir que cette monarchie absolue de droit divin, dirigée par le Roi Salman Ben Abdelaziz Al Saoud, fait partie des quatre «champions» du monde des exécutions dénoncées par les défenseurs des droits humains, en compagnie de la Chine, de l’Iran et de l’Irak . Meurtre, viol, vol à main armée, apostasie ou encore trafic de drogue sont aussi passibles de la peine capitale dans ce royaume sunnite ultra-conservateur.
LE CALVAIRE DE LA DÉLIVRANCE
Des femmes en travail font le tour des structures sanitaires, espérant trouver un point de chute, afin de mettre au monde leurs nouveau-nés. Une longue chevauchée… au bout de l’angoisse. Reportage
Pour une femme enceinte, l’angoisse est une compagne quotidienne. Actuellement, au Sénégal, il faut y ajouter le calvaire de l’accouchement, du fait de la faible capacité de prise en charge des structures hospitalières. Des femmes en travail font le tour des structures sanitaires, espérant trouver un point de chute, afin de mettre au monde leurs nouveau-nés. Une longue chevauchée… au bout de l’angoisse. Reportage.
La jeune dame n’arrive pas à fermer l’œil, dans la salle post-natale du centre de santé Philippe Maguilène Senghor. Sa voix mélancolique perce le silence de la nuit. Elle se remémore. Elle culpabilise. Et elle regrette. Anta vient de mettre au monde un mort-né. Ce, après avoir fait le tour des structures sanitaires pour son accouchement. La jeune dame a été, tour à tour, renvoyée à cause d’un manque d’espace, lui a-t-on servi, à chaque fois. ‘’Si on nous avait admis très tôt dans les précédents hôpitaux, le bébé serait sûrement né sain et sauf’’, dit-elle avec amertume à son mari, son seul accompagnant.
Pour la soulager, ce dernier, apparemment meurtri et affligé, évoque la volonté divine et s’en remet à Dieu. ‘’Cela devait certainement se passer comme ça. Alors gardons la foi’’, dit-il. Cette dame voit ainsi neuf mois d’attente réduits à néant.
Son histoire rejoint celle d’Aicha. Contrairement à la susnommée, l’habitante de Grand-Yoff a eu la chance de mettre au monde son fils. Mais à quel prix ! 22 h, dans ce quartier populeux, Aicha, en état de grossesse très avancée, profite de la pénombre pour se rendre furtivement dans le district sanitaire de la zone. Habillée d’une robe multicolore ample, son mouchoir de tête solidement nouée, la jeune dame essaye tant bien que mal de cacher sa souffrance. Les contractions ne lui laissent pas de répit. Elle grimace de temps à autre et gémit quelquefois pour exprimer sa douleur. A bord d’un taxi, elle s’impatiente. Son gros ventre, elle l’a recouvert avec un large foulard pour se protéger des regards indiscrets. Une fois dans la structure sanitaire nichée dans la municipalité du ministre de la Santé Abdoulaye Diouf Sarr, la dame se rend compte qu’elle n’est pas au bout de ses supplices.
Dans un long couloir qui ne finit pas de s’étirer, est installé un banc pour les malades et leurs accompagnants. Ici, on se croirait en plein jour, car les va-et-vient sont incessants. On est devant la salle de consultation de la maternité ; une bâtisse aux murs verts-blancs. Un passage obligatoire, avant d’admettre les patientes en salle d’accouchement. Aicha rejoint la file et patiente. Très vite, elle oublie sa douleur qui laisse place à l’angoisse. Puisqu’après un passage à la salle de consultation, on lui notifie qu’il est impossible de la garder dans les lieux, à cause d’un manque de place. Aicha ne sera pas admise en salle d’accouchement. La déception se lit sur le visage ; elle fait signe à ses accompagnants de quitter les lieux. ‘’Elle (la sage-femme) dit que je dois être en observation, alors qu’il n’y a pas assez de places dans cette hôpital. Elle m’a orientée dans une autre structure (Abass Ndao) et m’a même remis une note pour cela’’, tente-t-elle de se rassurer.
Alors, commence son marathon. Elle choisit de se rendre au centre de santé Nabil Choucair de la Patte d’Oie. Ici, la préposée au service d’accueil de la maternité est momentanément absente. De retour, la dame à la blouse rose anéantit une nouvelle fois l’espoir d’Aicha. ‘’Madame, nous n’avons pas de place ; allez voir à l’hôpital Philippe Senghor’’, sert-elle à la patiente, alors que les contractions s’accentuent. Aicha et ses accompagnants ne savent plus à quel saint se vouer. Et pourquoi ne pas essayer de voir le privé pour un meilleur salut ? Cette perspective sera vite rangée aux oubliettes, face aux assertions d’une patiente qui a également fait le tour des hôpitaux et même des cliniques, sans succès. Affalée sur une chaise dans la salle d’attente, le teint noir, la jeune femme doit accoucher d’un prématuré de 7 mois. Par conséquent, elle aura besoin de crèche pour son futur bébé.
‘’A chaque fois, on me renvoie pour défaut de place’’
‘’J’ai quitté chez moi dans la matinée, vers 10 h. Depuis lors, je suis à la recherche d’une structure sanitaire. A chaque fois, on me renvoie pour défaut de place. J’ai même été à une clinique où on m’a exigé une forte somme, avant mon admission. Je leur ai demandé de me laisser jusqu’à demain pour apporter l’argent, car je ne l’ai pas avec moi, mais ils n’ont pas voulu m’admettre. Nabil Choucair est la deuxième structure sanitaire où je me suis rendue depuis ce matin’’, narre-t-elle d’un trait.
Devant ces propos, Aicha reste bouche-bée, et la peur se lit sur son visage déjà recouvert du masque de la grossesse.
Le salut, pour la jeune dame, viendra d’un voisin dont le frère travaille à Gaspard Camara. En effet, devant la tournure des événements, l’un des accompagnants a pris son téléphone pour appeler le voisin qui, aussitôt, a câblé son frère qui n’était pas de garde cette nuit-là. Mais ce dernier a pris la peine d’appeler à l’hôpital et expliquer que sa nièce allait venir accoucher là-bas. C’est ainsi qu’elle a pu retrouver le sourire et connaître les joies de la maternité.
La circulaire du ministre, le sauf-conduit
La maternité est le rêve de toutes les femmes. Un rêve qui est en passe de se transformer en cauchemar pour nombre de femmes au Sénégal. En plus des douleurs de l’accouchement, les femmes doivent, depuis un bon bout de temps, composer avec le manque d’espace dans les structures publiques. Avant d’entendre les cris de leurs nourrissons, elles vivent un véritable calvaire. C’est dans ce contexte qu’intervient la circulaire du ministre de la Santé relative à la prise en charge des urgences. Dans sa note, Abdoulaye Diouf Sarr demande aux directeurs d’hôpitaux que ‘’tout patient qui arrive en situation d’urgence doit être prioritairement pris en charge. (…) Faute de place ou de conditions optimales de prise en charge, il doit organiser sa référence avec la structure où il sera orienté ou le faire en collaboration avec le Samu (…)’’.
Il faut dire, cependant, que le Sénégal n’est pas prêt encore à résoudre le problème des urgences. En effet, une femme a perdu la vie à Thiès, durant le premier weekend du mois de janvier, après avoir mis au monde des jumeaux. La nouvelle maman a, d’après les informations, succombé au cours de son évacuation à l’hôpital régional de Thiès. Dans le même sillage, Coumba se remémore encore de l’accouchement difficile de sa nièce, renvoyée par plusieurs hôpitaux et créant ainsi beaucoup d’inquiétude dans sa famille. ‘’Personne n’a fermé l’œil, cette nuit-là, à la maison. On se demandait si son cas n’était pas trop critique, vu les multiples renvois. C’est une clinique qui l’a finalement accueillie et elle a accouché par césarienne, à cause de son long périple. Ma nièce garde toujours en mémoire la mésaventure de cette soirée’’, explique-t-elle.
Avec cette circulaire du ministre, les femmes sénégalaises peuvent garder un brin d’espoir, quant à l’accueil qui leur sera réservé dans les structures sanitaires.
J'AI VOULU PORTER UN COMBAT CONTRE LES VIOLENCES FAITES AUX FEMMES
Mbaye Thiam Babacar est ratrappé par l’écriture qui l’avait conduit au journalisme avant que son premier roman ne le ramène à ses premières amours. «L’agnelle du sacrifice», qui vient de paraître.
On l'a connu comme l’une des plumes du journal Le Populaire, Mbaye Thiam Babacar revient avec son premier roman «L’agnelle du sacrifice». Natif de Dakar, il est ratrappé par l’écriture qui l’avait conduit au journalisme avant que son premier roman ne le ramène à ses premières amours. «L’agnelle du sacrifice», qui vient de paraître aux éditions L’Harmattan Sénégal, est une œuvre engagée.
Vous venez de publier votre premier roman L’agnelle du sacrifice. Com ment êtes-vous passé du journalisme à l’écriture ?
Je pense que chez moi l’écriture a précédé mon entrée dans la presse. J’ai toujours aimé écrire, car enfant, je lisais beaucoup sous l’influence d’un père militaire, féru de romans policiers. Cette passion de la plume guidera mes pas vers le journalisme. En classe de quatrième, j’ai écrit une petite chronique et je suis parti la proposer à un journal, Info 7. Une journaliste du nom de Salimata Dieng l’a vue et m’a fait appeler. Elle ne croyait pas trop que c’était moi qui avais écrit ça. Quand elle en fut persuadée, elle me présenta à son directeur de publication qui était M. Pape Samba Kane avec qui je garde aujourd’hui encore d’excellentes relations.
Je peux dire que je lui dois mon amour pour le journalisme. Donc écrire m’a mené au journalisme et je dois beaucoup à la presse sénégalaise, surtout à l’école de formation qui s’appelle Populaire devenu Vox Populi. J’y ai été reporter au Desk économie et j’en ai surtout profité pour affiner mon style sous le regard avisé de grands noms de la presse comme Daouda Diarra et Harouna Dème.
Pourquoi avoir choisi une femme comme héroïne de votre œuvre ?
Ça s’est fait tout seul. La femme c’est la vie. En tant qu’homme, je suis très touché par ce que notre société fait vivre aux femmes. Quand j’ai voulu écrire un roman, j’ai voulu porter un combat contre les violences faites aux femmes en particulier et de la condition féminine en général.
Aujourd’hui encore, les femmes continuent de subir des violences à la maison comme dans la rue, en temps de guerre comme en temps de paix, aussi bien dans l’espace public que dans la sphère privée.C’est un sujet d’actualité qui ne doit laisser personne insensible. J’évoque beaucoup de sujets comme les violences conjugales, le mariage précoce, l’émigration, la polygamie, l’adultère et la justice.
Y a-t-il une part autobiographique dans le roman ou toute cette histoire est une fiction ?
Je pense qu’il n’y a pas plus autobiographique qu’un roman écrit à la troisième personne Quand on crée un personnage, on peut lui faire dire tout ce que l’on veut. On se sent couvert et là on se lâche. Alors, oui il y a une partie de moi dans le parcours de Tabara. Je n’ai pas pu m’en empêcher.
Vous évoquez également les conditions de la vie carcérale dans le pays. Avez-vous rencontré des gens qui sont passés par là ou vous faites seulement parler votre imagination ?
Oui, la partie de la prison m’a pris beaucoup de temps. Je voulais parler des dures conditions de vie carcérale au Sénégal. Cependant, je ne pouvais pas me limiter à mon imagination, surtout que je n’ai jamais fait la prison. Alors, je me suis rapproché d’une ex détenue et elle m’a raconté ce qu’on peut lire dans le roman.
Je pense que même mon récit ne résume pas assez ce qui se passe réellement derrière les murs des prisons sénégalaises, surtout celles accueillant des femmes. Mon ouvrage est un prétexte pour interpeller l’Etat et l’opinion sur ce que vivent les détenues.
Malheureusement peu d’efforts sont consentis. Et ce qui crève le cœur, c’est que sur dix femmes qui se retrouvent en prison, huit y sont par la cause d’un homme qui, le plus souvent, est libre. Pourquoi avoir choisi de terminer l’histoire par un drame ? Je commence à le regretter (rires). Beaucoup de personnes qui ont lu le roman me demandent pourquoi une telle fin.
Malheureusement, c’est une histoire qui montre que parfois la vie peut être très brutale. Il ne faut pas oublier que je raconte une histoire qui, en réalité, dure quelques secondes. C’est surtout l’histoire d’une mourante. Et qui, à la fin, n’a pas survécu à l’accident qui a tué ses deux enfants et son mari.
Dans le roman, on se rend compte que Tabara est sortie de prison sans jugement, mais grâce à l’intervention d’une femme influente qui a fait jouer ses relations. Est-ce une façon de dé noncer une justice à deux vitesses dans le pays ?
Peu de personnes l’ont remarqué, mais Tabara sort de prison sans procès. Oui, elle était innocente. Cependant, c’était à un juge de le confirmer. Mais Adja Fatim étant une femme très puissante, très resautée, va faire de sorte que Tabara recouvre la liberté sans passer par le Tribunal.
C’est dire que dans notre pays il y a deux types de citoyens. On a beau le nier, mais on vous traite différemment selon que vous soyez riche ou pauvre, selon que vous connaissiez quelqu’un ou pas. Il reste qu’il y a toujours des laissées-pourcompte et ça crée des frustrations. Nous avons des juges formidables et des officiers de justice chevronnés, mais les trafics d’influence ne cesseront pas pour autant.
Etes-vous féministe finalement ?
La définition que je garde du féminisme est la suivante : «Mouvement social qui a pour objet l’émancipation de la femme, l’extension de ses droits en vue d’égaliser son statut avec celui de l’homme, en particulier dans le domaine juridique, politique, économique.» Tant qu’on s’en tient à cette définition, je suis féministe à cent pour cent.
Mais je ne suis plus féministe quand on prône l’égalité homme femme dans la sphère religieuse. Je pense que Dieu a déjà bien prévu les choses. Nous devons respect, amour et protection aux femmes. Qu’on s’en tienne là ! Chacun a un rôle bien déterminé, il serait bien qu’il le respecte pour le bien de toute la communauté. Voilà pourquoi je reste dans l’humanisme
A-t-il été facile pour vous de faire éditer votre roman ?
En toute sincérité, non. Je n’ai pas eu beaucoup de problèmes à me faire publier. J’ai proposé mon manuscrit à L’Harmattan Sénégal et quelques semaines plus tard, on m’appelait pour me dire qu’il avait été accepté. J’en profite pour remercier le directeur M. Diallo qui fait beaucoup d’efforts pour faciliter aux jeunes auteurs l’accès à l’édition. Cependant, de façon générale, se faire éditer reste très cher au Sénégal.
Les éditeurs sont obligés de vendre cher le roman pour pouvoir rentrer dans leurs fonds. Et le prix élevé des œuvres décourage les Sénégalais qui, pour la plupart, ont un faible niveau de revenu. Finalement, personne n’y gagne. Ni l’éditeur ni l’auteur et ni le lecteur qui se retrouve privé du produit.
Vous avez choisi une écriture assez simple.Pourquoi ?
C’est purement politique et c’est voulu. Nous nous plaignons tous du fait que les jeunes ne lisent plus. La trouvaille que j’ai découverte pour tenter de réconcilier les gens à la lecture, c’est d’écrire simple. Je cherche à captiver mon lecteur et que pour lui, me lire ne nécessite pas d’aller chercher un dictionnaire toutes les trois pages. C’est pourquoi j’écris très simplement, car je vise tous les publics. Du grand intellectuel à l’élève de Ce2.
Le plus important pour moi reste le message que je cherche à faire passer. Je pense que nous jeunes auteurs devons porter ce combat de réconcilier les jeunes avec la lecture. Le marché est là, il suffit juste d’adapter le produit au nouveau type de consommateurs qui existent. Cela n’empêche pas de parler un bon français et de chercher quelquefois à enrichir le vocabulaire des lecteurs.
Un prochain roman ?
J’écris tous les jours et je pense que des choses à dire ne manquent pas au Sénégal. Nous traversons un moment délicat où nous nous surprenons à nous demander ce qui nous arrive. Je pense que le rôle d’un écrivain est de conscientiser son époque et de s’engager pour sa société. Cependant, pour le moment, je me consacre à la promotion de L’agnelle du sacrifice afin de le faire connaître au grand public avant de penser à un deuxième roman.
AU-DELA D’UNE SIMPLE INTERDICTION DE LA PUBLICITÉ DES PRODUITS DÉPIGMENTANTS
Combattre le phénomène de la dépigmentation dans les communautés noires appelle, de l’avis du sociologue Innocent Laïson, à aller au-delà d’une simple interdiction de la publicité des produits dépigmentant.
Combattre le phénomène de la dépigmentation dans les communautés noires appelle, de l’avis du sociologue Innocent Laïson, à aller au-delà d’une simple interdiction de la publicité des produits dépigmentant. Ce combat exige une sincère réconciliation avec soi. Collectivement, il nécessite de la part du sociologue une repensée et une rééducation portant sur les normes et valeurs symbolisant la beauté noire africaine.
La mise en demeure adressée par le Conseil national de régularisation de l’audiovisuel (CNRA) à plusieurs organes de presse pour diffusion de produits dépigmentant et la sanction appliquée à Sen TV par l’arrêt de ses programmes pour sept jours (du 31 décembre 2019 au 6 janvier 2020) remettent au goût du jour, selon le sociologue Innocent Laïson, la question fondamentale de notre rapport au Noir. Car « il s’agit bien d’interroger les motivations profondes des hommes et des femmes noires à se dépigmenter ».
A quoi répond cette tendance à s’éclaircir la peau ? Notre source convoque d’emblée Frantz Fanon qui, en 1952 dans Peau noire, masques blancs, au chapitre 3 consacré à L’homme de couleur et la Blanche, avançait ceci : « De la partie la plus noire de mon âme, à travers la zone hachurée me monte ce désir d’être tout à coup blanc. Je ne veux pas être reconnu comme Noir, mais comme Blanc. ».
Pour soigner ce trouble de la personnalité, le Noir part à la conquête de la Blanche. Et Fanon de dire : « Son amour m’ouvre l’illustre couloir qui mène à la prégnance totale… J’épouse la culture blanche, la beauté blanche, la blancheur blanche. Dans ces seins blancs que mes mains ubiquitaires caressent, c’est la civilisation et la dignité blanches que je fais miennes. » On en est encore à ce stade, se désole le sociologue. Qui soutient que le traumatisme vécu pendant les siècles d’esclave et les années de colonisation a pour séquelles chez le Noir un déni de soi-même, un sentiment d’infériorité face au Blanc.
« La dépigmentation cosmétique est considérée comme une mue (renouvellement du plumage) et procède d’une thérapie qui apaise ce trouble de la personnalité » poursuit-il. Comme la fille noire du « test de la poupée » du couple de psychologues américains Kenneth et Mamie Clark, « nous attribuons sans hésitation la sagesse, la gentillesse, l’intelligence et la supériorité dans tous les domaines à la poupée pâle et refusons obstinément de ressembler à la poupée brune ». Il faut à tout prix se débarrasser de cette couleur qui fait tache…sombre. « On se souvient des joueurs de l’équipe du Zaïre qui s’étaient dépigmentés pour ‘’exprimer leur égalité’’ aux autres joueurs européens participant à la coupe du monde de 1974. Aujourd’hui, il est courant de voir des enfants que les parents dépigmentent, à leur insu, prétextant leur ‘’offrir plus d’opportunités dans la vie’’ en améliorant leur paraître », explique de diplômé de l’Université Gaston Berger de Saint Louis. Malgré les complications médicales connues et les coûts économiques onéreux qui en découlent, la dépigmentation est encouragée, selon lui, par le diktat des canaux de beauté dits modernes occidentaux. La beauté est blanche. Et nous l’acceptons intérieurement.
Et de s’interroger : « Combien sommes-nous à exhiber avec fierté notre compagne ou compagnon à peau blanche ou claire, voire xessalisée ? » Bien nombreux.
Ainsi, abstraction faite de quelques résistants, principalement idéalistes prônant une certaine authenticité africaine par la préservation de la peau noire, « un bon nombre a déjà fini de conquérir sa peau blanche ». Combattre le phénomène de la dépigmentation dans les communautés noires appelle, de l’avis du sociologue, à aller au-delà d’une simple interdiction de la publicité des produits dépigmentant.
« Ce combat exige, individuellement, une profonde introspection et une sincère réconciliation avec soi ; collectivement, une repensée et une rééducation portant sur les normes et valeurs symbolisant la beauté noire africaine ».
par Oumou Wane
MESDAMES, LA RÉPUBLIQUE VOUS PROTÈGE !
Je crois en nous, en notre avenir et en notre président. Il doit gouverner dans la transparence et la clarté, tel est l’enjeu. Rien ne doit être caché des difficultés auxquelles nous sommes confrontés
Parce qu'il faut en finir avec les violences faites aux femmes et à l’enfance, aujourd’hui, je suis fière d’être Sénégalaise. Lors de son discours de vœux à la nation, le président Macky Sall s’est félicité de l’adoption ce lundi 30 décembre du projet de loi qu’il avait lui-même soumis à l’Assemblée nationale, qui criminalise désormais les actes de viol et de pédophilie. Pour le chef de l’État : « la protection de la condition féminine et de l’enfance reste un défi de notre temps » et il a raison. Dire stop aux violences faites aux femmes et à l’enfance, c’est contribuer à éradiquer ce fléau qui court partout dans le monde et continue de sévir ici en Afrique et au Sénégal.
Souvenons-nous, encore en mai dernier, le corps de Bineta Camara, 23 ans, retrouvé à son domicile de Tambacounda. La jeune femme avait péri lors d’une tentative de viol.
« Les femmes, les filles, sont nos mères, nos épouses, nos enfants. Elles constituent l’autre moitié sans laquelle notre tissu social est incomplet et méconnaissable. Dès lors, violenter une femme, violenter un enfant, c’est froisser et abîmer notre tissu social », déclarait Macky Sall dans son discours de vœux à la Nation. C’est pourquoi, a-t-il dit, "les peines applicables à ces actes ont été considérablement alourdies, sans possibilité de sursis".
Jusqu'ici, le viol était considéré au Sénégal comme un simple délit, passible de cinq à dix ans de prison. Désormais, avec la loi votée à l'Assemblée nationale, les auteurs de ces crimes peuvent écoper de peines allant jusqu'à la perpétuité.
Fière d’être Sénégalaise, quand j’entend également Macky Sall réaffirmer son ambition de faire de l’éradication du « Fléau des Enfants-Talibés » une cause nationale : « je suis tout autant déterminé à poursuivre la lutte contre le phénomène des enfants de la rue et leur maltraitance », a t-il souligné lors de son adresse à la nation.
Un discours globalement placé sous le signe du dialogue, de la paix et de la protection des populations. Le chef de l’Etat a renouvelé mardi soir les "sentiments fraternels de solidarité et de compassion" du peuple sénégalais aux pays de la sous-région durement éprouvés par les attaques terroristes meurtrières. Selon le chef de l’Etat, "la violence qui secoue le monde doit constamment nous rappeler la chance que nous avons de vivre en paix, et la responsabilité qui nous incombe de la préserver".
Sans oublier personne, présentant à chacun ses vœux de paix, de bonne santé, de bien-être et de réussite, Macky Sall a réitéré son engagement à nous servir, sans manquer d’énoncer les résultats de l’effort de transformation du pays pour le rendre plus fort et plus juste.
Il ne s’agit pas ici de rendre justice au meilleur des présidents possibles dans le meilleur des mondes possibles, non, il convient d’être juste et cohérent avec notre président.
Oui, je crois en nous, en notre avenir et en notre président. Il doit gouverner dans la transparence et la clarté, tel est l’enjeu. Rien ne doit être caché des difficultés auxquelles nous sommes confrontés. Ne pas éluder les problèmes. Laisser libre court aux louanges et aux critiques de la presse, des opposants ou des observateurs.
Voilà ce en quoi je crois. Une campagne d’adhésion de la population à l’effort de la nation pour la réussite du projet « émergence 2035 ».
Pour cela, nous ne pouvons plus compter que sur les seuls politiques, nous devons compter sur nous-mêmes, citoyens et société civile. Remontons nos manches pour redresser le pays. Mobilisation générale, y-compris de la diaspora pour trouver les voies et des partenariats qui permettront de retrouver des marges de manœuvre et d’assurer le redressement.
Les femmes, mieux protégées et soutenues par la République prendront toute leur place dans ce dessein. Je souhaite que la jeunesse, majoritaire dans notre pays, joue aussi tout son rôle dans la décennie qui s’ouvre à nous.
« Nous sommes les hommes de la danse, dont les pieds reprennent vigueur en frappant le sol » - Léopold Sédar Senghor.
LE TABOU DE L'AVORTEMENT
Face à la loi et à la religion, qui bannissent l’interruption volontaire de grossesse (IVG) au Sénégal, les femmes entrent dans la clandestinité
Malgré les nombreux cas d’avortement et d’infanticide, la dépénalisation de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) tarde toujours à se faire au Sénégal. La situation reste bloquée. Les femmes sont contraintes à avorter dans des conditions médicales dramatiques, à cause des lois très restrictives interdisant cette pratique. «L’Obs» a mené une enquête, non pas pour prendre position, mais pour voir s’il est aujourd’hui nécessaire de légaliser l’avortement, ne serait-ce que dans les cas de viol, d’inceste ou encore si la santé de la mère est menacée. Mais face à la loi et à la religion, qui bannissent l’avortement au Sénégal, les femmes entrent dans la clandestinité.
Pour Mame Awa Thiam, la vie semble s’être arrêtée. Attraite le mardi 17 décembre 2019 à la barre de la chambre criminelle de Dakar, la jeune dame n’a que ses larmes pour exprimer ses regrets. Son geste infâme a abrégé la vie de son nouveau-né, qui n’a commis que le seul tort d’être né hors des liens du mariage. Enceinte de huit mois, Mame Awa Thiam, 29 ans, avait décidé de se débarrasser de cette grossesse en buvant un sirop. Quelques jours après, elle accouche d’un mort-né, qu’elle met dans un sachet, avant de l’enterrer en cachette.
Les motivations de Mame Awa Thiam pour mettre un terme à sa grossesse sont le refus de la honte. Craignant l’opprobre de son entourage, après être tombée enceinte «par accident» de son petit ami, Mame Awa décide d’avorter. D’une voix basse que même les juges peinaient à décortiquer, elle raconte : «Je ne voulais pas que ma famille sache que j’étais enceinte et j’avais honte. C’est pour cela que j’ai agi de la sorte.» Des regrets, elle en a aujourd’hui. Pour un acte qu’elle avait commis en avril 2015, Mame Awa a payé le prix. Malgré les multiples tentatives de son avocat pour la tirer des griffes de Dame Justice, la jeune maman a été finalement envoyée en prison pour 7 ans de travaux forcés.
A l’image de Mame Awa Thiam, elles sont aujourd’hui plus d’une trentaine de femmes à croupir en prison pour des faits d’infanticide et/ou d’avortement clandestins. Les motivations invoquées par les femmes qui optent pour cette solution radicale sont principalement les souffrances liées au viol, à l’inceste et des relations difficiles avec le conjoint. Les mariages forcés, la pauvreté, l’ignorance ou la négligence des méthodes contraceptives, renforcent la tentation de l’infanticide, avec comme catalyseurs communs, la pression sociale et le refus de la honte. Me Ousmane Thiam, membre de l’Association des jeunes avocats sénégalais (Ajas), connaît bien les dossiers de ces femmes.
C’est vers son organisation que celles qui sont accusées d’avortement ou d’infanticide sont renvoyées le plus souvent. La robe noire explique ce phénomène par la recrudescence des viols dans certaines régions du Sénégal, mais également l’absence prolongée d’un mari, souvent émigré, pour les femmes mariées. «Ce sont des avortements faits de manière clandestine, qui échouent, qui sont souvent déférés devant le tribunal. La plupart du temps, l’homme ne veut pas prendre ses responsabilités. La femme est obligée, si elle est mariée, de cacher la grossesse jusqu’à terme ou de tuer le bébé. Même si parfois le gars décide de prendre ses responsabilités, il y a les pesanteurs sociales. Moralement, elle ne peut pas garder cet enfant. Ce sont ces deux circonstances qui poussent les femmes à recourir à l’avortement clandestin ou à l’infanticide», explique Me Thiam.
Entre 2017 et 2018, 35 cas d’infanticides jugés par les tribunaux au Sénégal
Des cadavres de bébés retrouvés dans des sacs en plastique dans des garages ou des dépotoirs d’ordures… Régulièrement, la presse se fait l’écho de ces découvertes macabres devenues au fil des années un fléau d’envergure au Sénégal. D’après l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (Ansd), les procès de mères incriminées représentaient 25 % des affaires jugées dans les Chambres criminelles en 2012.
Pour le moment, face à ce crime, la prison reste la seule réponse apportée par la société. Le nombre de cas d’infanticides au Sénégal est alarmant, bien que cette pratique soit punie par la loi avec des peines de travaux forcés à perpétuité. Parce que l’infanticide est considéré comme un crime, donc elles prennent de lourdes peines. Les femmes qui ont recours ou ont tenté de recourir à des avortements clandestins risquent également jusqu’à deux ans de prison et une amende. Même chose pour le personnel médical. Les avortements clandestins et les infanticides constitueraient aujourd’hui 38% des causes de détention des femmes. Aujourd’hui, elles sont plus d’une trentaine à croupir dans la maison d’arrêt pour femmes de Liberté 6 à Dakar ou dans celle de Rufisque. En attendant que peut-être, un jour, la loi sur l’interruption volontaire de grossesse (Ivg) évolue. «Nous avions fait un maillage national.
Entre 2017 et 2018, on avait traité plus d’une trentaine de cas sur les 35 qui ont été jugés. Les 90% étaient des peines qui étaient déjà couvertes. Parfois ce n’est plus l’infanticide qui a été retenu, mais l’infraction qui concerne la violation de la loi sur l’inhumation. Parce que l’enquête a permis de voir que le bébé était venu au monde mort-né et que la femme l’enterré sans que les gens le sachent», révèle Me Ousmane Thiam. Malgré cette interdiction de l’IVG, le taux d’avortement au Sénégal est très important. Beaucoup de femmes avortent clandestinement dans des conditions risquées. Les lois les plus répressives n’empêchent pas les femmes d’avoir recours à l’avortement, mais cela les pousse à recourir à des procédures dangereuses (médicaments, solutions toxiques, introduction d’objets dans l’utérus…), qui peuvent entraîner la mort. Dans le même rapport, l’on indique qu’environ 51 500 avortements ont été provoqués au Sénégal en 2012, selon les estimations, soit un taux de 17 avortements pour 1 000 femmes âgées de 15 à 44 ans.
La plupart des avortements ont été pratiqués clandestinement et dans des environnements non médicalisés. Ces femmes sont issues de couches sociales défavorisées et le géniteur n’assume pas son rôle. Cela aboutit à l’avortement ou à l’abandon du nouveau-né pour s’éviter des problèmes plus tard. Elles peuvent appartenir aussi à des familles religieuses où le fait de tomber enceinte est considéré comme un sacrilège, ou encore ce sont des grossesses issues d’incestes. Président du Groupe parlementaire Bennoo Bokk Yaakaar (Bby), Moustapha Diakhaté était favorable à une loi autorisant l’avortement médicalisé, pour éviter la prison aux victimes. Ou la mort. «Pour éviter à la femme victime de relations incestueuses ou victime d’un viol suivi de grossesse, la prison ou le cimetière, il faut à notre pays une loi permettant de subir un avortement médicalisé. D’autant plus que le Sénégal a signé des conventions internationales dans ce sens qui sont supérieures aux lois nationales. Il doit donc respecter sa signature en adoptant une loi qui autorise l’avortement médicalisé, conformément au protocole de Maputo», défend-il.
L’ancien parlementaire s’était joint à l’Association des femmes juristes du Sénégal (Ajs) et avait invité, à l’époque, ses collègues députés, les membres de la société civile, à porter le combat. Il ajoute : «C’est le gouvernement, à mon avis, qui ne veut pas aller à l’encontre de la volonté de certains lobbys religieux. On refuse de légaliser l’avortement médicalisé, en ce moment, des centaines de femmes meurent du fait de l’avortement clandestin. C’est ça le drame. Les dégâts sont terribles. On pratique l’avortement dans des conditions extrêmement dangereuses.»
Seuls quatre pays africains ont légalisé l’avortement
Sur cette même lancée, l’Association des femmes de juristes du Sénégal (Ajs) poursuit les discussions avec les populations et les parlementaires. Selon Amy Sakho, responsable de la communication de l’Ajs, les femmes juristes font de leur mieux pour faire adhérer au projet de loi le maximum de personnes possibles.
«Il y a des femmes parlementaires qui soutiennent ce projet et avec qui nous avons pu discuter, mais elles sont divisées sur cette question. Il faut trouver un consensus, notamment avec les religieux. Mais les députés sont d’accord sur le fait qu’il faut plus d’actions de sensibilisation auprès de la population», révèle-t-elle. Amy Sakho garde espoir. Parce qu’au début de leur campagne de sensibilisation sur l’avortement, les gens étaient très réticents. Mais ils ont compris au fil des mois, l’intérêt de leur plaidoyer. Et de poursuivre : «L’avortement est un besoin. Même s’il est interdit au Sénégal, les gens le font clandestinement. Les populations et les décideurs vont comprendre que ce projet de loi doit être voté. Je respecte l’avis des religieux. Ils ont leurs convictions. Mais notre plaidoyer est logique, fondé juridiquement sur le protocole de Maputo.» Malheureusement, l’Afrique traine encore le pas pour la légalisation de l’avortement. Seuls quatre pays africains ont promulgué la loi pour l’autoriser. Après la Tunisie, l’Afrique du Sud et le Cap-Vert, le Mozambique est le quatrième pays africain où l’avortement volontaire est légalisé.
L’IVG, un enjeu de santé publique
Pour mettre fin à l’avortement clandestin et à l’infanticide, l’Association des juristes sénégalaises (Ajs) ouvre le débat sur l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Le Code pénal, en son article 305, interdit l’avortement, sauf si la vie de la mère est en danger. «Il y a ce qu’on appelle le protocole de Maputo, qui a été ratifié par le Sénégal. Et ce protocole prévoit le recours à l’avortement médicalisé. Mais malheureusement, ce protocole n’est pas appliqué. Parce que le code pénal, en son article 305, réprime toujours l’avortement, que ce soit médicalisé ou pas», confie Me Ousmane Thiam.
Le Sénégal a ratifié plusieurs chartes relatives aux droits des femmes et à leur santé sexuelle, dont le Protocole de Maputo en 2003, qui impose aux États de garantir le droit à l’avortement médicalisé en cas de viol, d’inceste ou de danger pour la santé de la mère. Pourtant, le chemin vers l’avortement est encore long. Un comité a été mis en place par le ministère de la Santé du Sénégal pour travailler sur un projet de loi sur la légalisation de l’avortement médicalisé. En novembre 2014, il n’avait pas encore été adopté par le Conseil des ministres. Le gouvernement ne s’est pas non plus encore prononcé clairement sur son soutien à cette réforme, qui connaît toujours les réticences des autorités religieuses. Mais selon l’Ajs, l’accès à un avortement médicalisé est devenu un enjeu de santé publique et la pénalisation de l’IVG a des conséquences dramatiques sur la santé sexuelle et reproductive des femmes.
L’association mène donc une campagne pour la légalisation de l’avortement médicalisé en cas de viol ou d’inceste. Et rappelle que l’État sénégalais a ratifié sans réserve le protocole de Maputo, qui en son article 14, invite les États africains à autoriser l’avortement médicalisé en cas d’agression sexuelle, de viol, d’inceste et lorsque la grossesse met en danger la santé mentale ou physique de la mère. «Le plus important est la modification de l’article 305 du Code pénal, qui interdit l’avortement, sauf en cas de danger pour la mère. Nous recevons dans nos boutiques de droit des jeunes filles de 11, 12, 16 ans, enceintes suite à des viols et qui morphologiquement, ne peuvent pas porter ces grossesses normalement. Elles sont aussi perturbées psychologiquement, puisqu’elles ne peuvent plus aller à l’école. On ne doit pas obliger une personne à porter une grossesse imposée. On ne peut pas parler de grossesse non désirée dans ce type de cas. Les mineures n’ont pas demandé à avoir d’enfants, c’est leur violeur qui leur a imposé cela. Il y a donc urgence à légaliser l’avortement médicalisé dans les cas que nous avons plaidés : inceste, viol et mise en danger de la mère», explique Mme Sakho. En attendant, des femmes continuent à mourir suite aux complications liées aux avortements non médicalisés. Tandis que d’autres, sous la pression sociale, commettent encore des crimes d’infanticide. Le débat est posé…