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28 novembre 2024
Femmes
QUE DIT LA TRADITION CORANIQUE SUR LE VOILE ?
La tradition musulmane fait-elle obligation aux croyantes de se couvrir d’un voile ? A cette question, beaucoup de celles qui le portent répondent oui. Qu’en disent les textes et la tradition ?
Le Monde Afrique |
Cécile Chambraud |
Publication 28/10/2019
Dans le Coran, les versets cités à l’appui du port du voile se trouvent dans deux sourates, qui n’évoquent pas directement la chevelure.
La tradition musulmane fait-elle obligation aux croyantes de se couvrir d’un voile ? A cette question, beaucoup de celles qui le portent répondent oui. Pour elles, seuls les non-musulmans mettent en doute cette interprétation. C’est aussi l’avis de beaucoup d’autorités religieuses. Qu’en disent les textes et la tradition ?
Dans le Coran, les versets cités à l’appui de cette pratique se trouvent dans deux sourates (les 24 et 33). Dans la première, les versets 30 et 31 indiquent : « Dis aux croyants qu’ils baissent leurs regards et gardent leur chasteté.C’est plus pur pour eux. (…) Et dis aux croyantes qu’elles baissent leurs regards, qu’elles gardent leur chasteté, et qu’elles ne montrent de leurs parures que ce qui en paraît, et qu’elles rabattent leur voile sur leur poitrine ; et qu’elles ne montrent leurs parures qu’à leur mari, ou à leur père (…) » ou à des familiers énumérés par le texte.
La sourate 33 professe, au verset 59 : « O Prophète ! Dis à tes épouses, et à tes filles, et aux femmes des croyants de ramener sur elles leurs grands voiles ; elles en seront plus vite reconnues et exemptes de peine. »
Comment faut-il comprendre ces versets, dont aucun n’évoque la chevelure ? La tradition s’est interrogée sur ce que désignent « les parures ». Certains y voient une allusion aux cheveux, d’autres aux mains, au visage ou encore aux bijoux : « Il y a pléthore de lectures », explique l’islamologue Rachid Benzine.
« En adéquation avec les règles de la société au VIIesiècle »
Selon lui, « ces textes sont en adéquation avec les règles qui prévalaient dans cette société au VIIe siècle. Elles n’introduisent pas de nouveauté majeure. La culture légale du Coran est commune avec celle de la Bible hébraïque et des Evangiles. »
L’islamologue en veut pour preuve la parenté entre ces lignes coraniques et les recommandations d’un texte chrétien du début du IIIe siècle, la Didascalie des apôtres : « Toi qui es chrétienne, (…) si tu veux être fidèle, ne plais qu’à ton mari, et quand tu marches sur la place publique, couvre-toi la tête avec ton habit, afin que le voile cache ta grande beauté, n’orne pas la face de tes yeux, mais baisse les yeux et marche voilée. »
Pour Rachid Benzine, les indications vestimentaires du Coran ne sont donc pas d’ordre religieux, mais social. Les recommandations faites aux femmes de se couvrir lorsqu’elles sortent ne seraient pas « un signe de distinction des musulmanes ». « Selon les exégètes, explique-t-il, elles s’adresseraient aux femmes de condition libre pour qu’elles ne soient pas confondues avec des esclaves » et, parmi elles, à celles qui sont en âge de procréer. En effet, le verset 60 de la sourate 24 permet aux femmes ménopausées de « déposer leurs étoffes, mais pas de se faire voir en parures ».
PLAIDOYER POUR L’INTERDICTION DE LA VENTE DE PRODUITS COSMÉTIQUES DÉPIGMENTANTS
Le présidente de l’Association internationale d’information sur la dépigmentation artificielle (AIIDA), le professeur Fatoumata Ly, a plaidé samedi pour l’interdiction de la vente des produits cosmétiques dépigmentants afin d’éradiquer le phénomène croiss
Dakar, 26 oct (APS) – Le présidente de l’Association internationale d’information sur la dépigmentation artificielle (AIIDA), le professeur Fatoumata Ly, a plaidé samedi pour l’interdiction de la vente des produits cosmétiques dépigmentants afin d’éradiquer le phénomène croissant de ’’la dépigmentation cosmétique volontaire (DCV)’’ notée au Sénégal.
’’Des mesures doivent être prises par les plus hautes autorités étatiques pour interdire la commercialisation de ces produits cosmétiques dépigmentants pour éradiquer ce fléau’’, a-t-elle déclaré.
Le professeur Fatoumata Ly s’exprimait ainsi à l’occasion du panel sur la dépigmentation, organisé par l’AIIDA et axé sur le thème : ’’quelles mesures pour une politique nationale de prévention de la dépigmentation cosmétique volontaire’’.
Selon elle, la problématique de la dépigmentation, pratique consistant à utiliser des produits dont les propriétés dépigmentantes sont clairement établies dans le but d’obtenir une clarté de peau, un éclaircissement du teint, ’’est avant tout économique’’.
A l’en croire, ‘’si depuis les années cinquante ce problème reste entier, cela est dû principalement aux dizaines de milliards brassés tous les ans par ce commerce lucratif’’.
‘’Il faut que l’Etat prenne à bras le corps ce problème et sache qu’aujourd’hui on gagne peut-être sur la vente des produits dépigmentants, mais demain, ce sera une population malade et il en faudra plus, compte tenu de nos ressources limitées, pour y faire face’’, a-t-elle soutenu.
‘’il y a trop de laisser-aller car on ne peut pas dans un pays comme le Sénégal où le président poète Léopold Sédar Senghor a chanté la femme noire, que l’on accepte que les femmes, inconsciemment, s’autodétruisent en créant un problème de santé majeur’’, a pour sa part, indiqué, la sociologue, Marie Angélique Savané, membre d’honneur d’AIIDA.
Pour la maire de la ville de Dakar, Soham El Wardini, ‘’le mal est profond quand on voit le nombre d’intellectuelles qui s’adonnent à cette pratique (....)’’.
’’Il s’agit d’un phénomène social mondial essentiellement féminin en particulier chez les femmes originaires d’Afrique sub-saharienne avec des prévalences qui varient de 25 à 80%’’, a fait savoir le professeur Ibrahima Wone, lors de sa présentation sur l’épidémiologie de la DCV au Sénégal.
Selon des études transversales descriptives sur des échantillons représentatifs de femmes à Dakar en 2004 et en 2008 à Kaffrine et aux Parcelles-Assainies, à Dakar, le phénomène dont la prévalance dépasse les 50%, ’’touche principalement les femmes mariées, analphabètes ou peu instruites, et travailleuses’’, a-t-il renseigné.
Il concerne surtout, a-t-il dit, ’’les femmes entre 18 et 35 ans, et les femmes sans revenus fixes’’.
’’La première conséquence de cette pratique est naturellement la destruction de la mélanine, cette couche qui protège la peau noire contre les effets des rayons ultra-violets du soleil’’, a souligné docteur Amadou Ndour, dans une présentation sur les complications endocriniennes de la DCV.
Il a également fait état d’autres ’’complications secondaires’’ dangereuses telles que les cancers, le diabète, l’hypertension artérielle, des maladies à soins couteux qi engendrent de lourds impacts sur le plan financier.
’’Aujourd’hui, les proportions du recours à la DCV dans certaines zones ou localités du pays augurent la recrudescence des maladies précitées au Sénégal au cours des prochaines années’’, a ainsi alerté le conseiller technique numéro deux du ministre de la Santé et de l’Action sociale, docteur Bernabé Gning.
C’est pourquoi, ’’des stratégies multisectorielles et novatrices sont nécessaires pour lutter contre ce phénomène’’, a-til reconnu, après avoir reçu au nom du ministre, un mémorandum de dix-neuf association féminines, déclinant les grandes actions à mettre en œuvre pour juguler ce mal.
PAR Jean-Baptiste Placca
BLACK IS BEAUTIFUL !
Tous les discours sur la négritude, toutes les chansons sur la fierté d'être noir ne font qu'une chanson, que l'on voudrait tant dédier aux femmes sénégalaises qui vivent dans le doute sur elles-mêmes
Tous les discours sur la négritude, toutes les chansons sur la fierté d'être noir et toutes les odes à la beauté de la peau noire ne font qu'une chanson, que l'on voudrait tant dédier aux femmes sénégalaises qui vivent dans le doute sur elles-mêmes...
En préambule, vous souhaitez ouvrir une petite parenthèse qui nous ramènera, dites-vous, au cœur de votre éditorial. Sur quel sujet porte cette parenthèse ?
Sur le phénomène des femmes sénégalaises qui s’éclaircissent la peau, et qui a fait l’objet, sur RFI, d’un excellent dossier réalisé par Charlotte Idrac, vendredi, depuis Dakar. Durant mes jeunes années dans ce métier, j’avais consacré à ce phénomène un article intitulé « Le reporter et la femme serpent ». Je m’étais alors mis à dos toutes les femmes du secrétariat de rédaction de Jeune Afrique, qui estimaient que j’étais allé trop loin. Mais, comment ne pas aller trop loin, lorsque l’on voit des Africaines se déteindre la peau, pour l’éclaircir, soi-disant ! Mais c’est un peu la faute aux hommes. Aux hommes sénégalais, qui ont des exigences déraisonnables, puisqu’en 1985 déjà, ce drame était à la mode, au Sénégal. Si un homme noir veut une femme blanche, il ferait mieux d’aller en chercher une authentique où il peut. Le jour où les hommes sauront rejeter les femmes qui s’adonnent à cette pratique, les femmes y renonceront.
Venons-en aux 70 ans de Présence africaine.
La venue de Wole Soyinka à cet anniversaire est une forme de réconciliation, qui illustre tout ce que l’Afrique a perdu en de vaines confrontations idéologiques (ou d'idées) depuis six décennies. On saluera, outre la présence du Nigérian, prix Nobel de littérature, celle d’un autre monstre sacré de la littérature africaine, le Kényan Ngugi wa Thiong’o, qui aurait tout autant mérité le Nobel. Et d’ailleurs, il n’est pas trop tard, même si l’horloge avance…
Présence africaine a vu le jour au moment où la plupart des peuples du continent s’apprêtaient à accéder à la souveraineté internationale. À Paris, Alioune Diop, Aimé Césaire, Léopold Sédar Senghor et les nombreux autres intellectuels africains qui les accompagnaient revendiquaient, au-delà de la capacité des peuples à s’assumer comme nations, l’africanité de l’homme noir.
Mais, dans l’ex-empire britannique en Afrique, chanter la négritude pouvait paraître incongru, puisque le mode de colonisation qu’avaient subi ces peuples ne voulait pas les assimiler et leur avait laissé un petit espace pour exister par eux-mêmes. D’où le jugement, très sévère, à l’époque, de Wole Soyinka, qui rétorqua textuellement ceci aux chantres de la négritude : « Le tigre ne parle pas de sa tigritude : il bondit sur sa proie et la dévore ». Comprenez que rien qu’à le voir dévorer sa proie, on devine qu’il est bien un tigre. Aux nègres de la négritude, il suggérait donc de s’assumer, plutôt que de chercher à se justifier d’être ce qu’ils sont. Six décennies plus tard, on réalise que tous auraient mieux aidé l’Afrique en conjuguant leurs différences, plutôt que de s’affronter, ou même de s’ignorer.
Ce ne sont donc que les anglophones qui ne comprenaient pas la négritude.
Non. Il est aussi des francophones qui, au fil du temps, se sont détournés de la négritude, telle qu’elle évoluait. À l’instar de Stanislas Spero Adotévi, qui publiera un essai remarqué, très critique, « Négritude et Négrologues », reprochant notamment à Senghor d’avoir fait de la négritude « un essentialisme au service du néocolonialisme ».
L’Afrique, ne l’oublions pas, était à peine libre, et la décolonisation était encore toute théorique, dans certains pays. Et le néocolonialisme était en action, pour arracher aux nations des pans entiers de la liberté qu’elles venaient de conquérir, par des biais plus ou moins perfides, comme en témoigneront plus tard les écrits sur la Françafrique.
De l'autre côté de l'Atlantique, que disaient les Noirs américains de la négritude ?
Le mouvement des droits civiques, aux États-Unis, chantait le même refrain, mais en dièse. Tandis que James Brown affirmait : « I’m Black and proud »1, d’autres, en écho, fredonnaient : « Black is beautiful »2.
C’était un beau slogan en tout cas…
Ce n’était pas qu’un slogan… Vers le début de l’été 1978, ma promotion, à l’école de journalisme, avait été déportée en voyage d’études de Montréal à New York, pour un contact palpable avec les institutions des Nations unies et ce qui était (et est peut-être encore aujourd’hui) la plus grande école de journalisme au monde : l’école de journalisme de Columbia University. Une nuit, sur un trottoir, nous croisons une jeune fille noire. Le camarade béninois à mes côtés s’écria, en mina, (ma langue maternelle, qui est aussi celle d’une partie du peuple béninois) : « Quelle beauté ! Comment est-ce possible que Dieu ait pu créer une femme aussi belle ! ». Ce dieu dont il parlait est sans doute le plus grand artiste qui ait jamais existé, parce qu’elle était d’une sublime beauté, en effet : une œuvre d’art, en chair et en os ! Quelques années plus tard, un ingénieur mauritanien, noir, me dira que c’est à Washington, où il avait fait ses études, qu’étaient les plus belles femmes noires de la terre. Je n’ai pas pris le temps d’aller vérifier. Mais, croyez-moi, des êtres qui vivent avec des telles créatures ne pouvaient pas être dans le slogan, lorsqu’ils chantaient que « Black is beautiful ».
(1) « Je suis fier d’être Noir »
(2) « Le Noir est beau »
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AUX ORIGINES DES VIOLENCES FAITES AUX FEMMES
''C'est une conséquence des inégalités sociales et économiques. Et au Sénégal, entre 60 et 70% des femmes et filles sont victimes de violences de toutes sortes'', révèle Ndioro Ndiaye, coordonnatrice du réseau francophone pour l'égalité femme-homme
Aminata Diallo et Youssouf Ba |
Publication 26/10/2019
"Le problème des violences faites aux femmes est une conséquence des inégalités sociales et économiques. Et au Sénégal entre 60 et 70% des femmes et filles sont victimes de violences de toutes sortes. On se demande une telle ampleur'', s'est interrogé Ndioro Ndiaye lors d'un atelier de sensibilisation des femmes et jeunes filles sur toutes les formes de violences faites aux femmes dans la société sénégalaise.
L'atelier s'est tenu le 24 septembre 2019 au Cices.
"PAYER AVANT D'ACCOUCHER EST LA PREMIÈRE VIOLENCE FAITE AUX FEMMES"
Négligée pendant des années, l’expérience vécue par les femmes dans les établissements de santé lors de leur accouchement devient une préoccupation en Afrique de l’Ouest
L’Afrique, ses mères et ses enfants en ont assez de souffrir à l’hôpital (2/5). Depuis le 21 octobre à Dakar, chercheurs et professionnels de la santé maternelle échangent sur les violences subies par les femmes lors de l’accouchement en milieu sanitaire.
Négligée pendant des années, l’expérience vécue par les femmes dans les établissements de santé lors de leur accouchement devient une préoccupation en Afrique de l’Ouest. En 1994, une première étude montre qu’elles sont souvent, et dans de nombreux pays, victimes de différentes formes de violences, au point que les centres où les femmes devraient se sentir écoutées et en sécurité sont en fait les lieux de traumatismes parfois sévères.
Médecin béninois spécialisé en santé publique et chercheur affilié au Centre de recherche en reproduction humaine et en démographie (Cerrhud) de Cotonou, Jean-Paul Dossou donne les clés de compréhension en s’appuyant sur ses observations dans une quinzaine de centres à travers le Bénin.
Quelles violences peuvent vivre les femmes dans les établissements de santé ?
D’abord, il faut s’entendre sur le vocabulaire. La violence obstétricale et la maltraitance ont des enjeux légaux et pénaux. L’irrespect et les abus sont plutôt de l’ordre du comportement. D’ailleurs, le concept de « soins respectueux » est de plus en plus utilisé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour sa connotation plus positive.
L’OMS a identifié sept catégories de maltraitances que peuvent expérimenter les femmes dans les formations de soins : la violence physique (recours à la force), sexuelle ou verbale (menaces, railleries), la discrimination et la stigmatisation (fondées sur le genre, l’ethnie, l’âge, etc.), le non-respect des standards professionnels (négligence, violation de la confidentialité), la mauvaise relation soignants/soignés, et enfin les contraintes liées au système de santé, comme le manque de matériel fondamental qui contribue à déshumaniser le vécu des femmes dans cet environnement.
Comment expliquer ces violences au sein même de centres où les futures mères vont justement chercher aide et réconfort ?
Le Cerrhud travaille sur cette problématique depuis 1995 avec d’autres institutions comme la London School of Hygiene and Tropical Medicine et l’Institut de médecine tropicale d’Anvers. Les données récoltées permettent d’établir une théorie plausible, qui invoque la notion de « capital », tel que le définit le sociologue français Pierre Bourdieu.
Le mécanisme primordial qui peut expliquer les violences subies, c’est la différence systématique de « capital culturel » et de « capital symbolique » entre les soignants et les soignés. Et plus ce différentiel est grand, plus il y a de risque que la patiente subisse des violences. Qu’elle soit riche ou pauvre, très entourée ou non.
Pouvez-vous préciser ?
Celui qui détient la connaissance sur l’accouchement, c’est le soignant. Que ce capital soit fondé sur des connaissances réelles ou des données qui ne sont pas internationalement reconnues, seule sa voix porte. Il dispose donc d’un capital culturel largement supérieur.
Ensuite, nos sociétés accordent une valeur symbolique très forte aux prestataires. Le médecin est considéré comme un demi-dieu. En épouser un ou une est perçu comme un élément de prestige social. La femme qui arrive à l’hôpital, au contraire, confesse d’emblée sa vulnérabilité. Dans un pays comme le Bénin, où il y a 397 décès maternels pour 100 000 naissances vivantes selon les chiffres de 2017, le risque inhérent à la grossesse et à l’accouchement imprègne profondément les mentalités.
Il est donc très courant d’entendre dire d’une femme pendant la période d’accouchement qu’elle a un pied dans la tombe. Il faut bien se rendre compte qu’il est près de cent cinquante fois plus probable pour une femme à partir de l’âge de 15 ans de mourir à cause d’une grossesse ou lors de l’accouchement au Bénin qu’en France. La femme s’abandonne donc au soignant. Du point de vue culturel et symbolique, le rapport entre les soignants et les soignées est très déséquilibré. C’est dans ce déséquilibre que s’installe la violence.
Les femmes sont-elles toujours passives face à ces violences ?
Non, pas toutes. Au Bénin, en milieu urbain, la libéralisation de l’information médicale a construit des « patientes expertes ». Mais encore faut-il que la voix de la femme soit écoutée. Ensuite, les femmes ne sont pas des murs dans lesquels on tape sans qu’il ne réagisse. La stratégie que l’on a pu observer consiste à minimiser le plus possible la violence tout en optimisant le résultat des soins. Elles réagissent simplement à des degrés divers selon leurs ressources. Les plus touchées par les violences sont les « naïves », qui ignorent les règles. Elles vont être des cibles « faciles ».
C’est aussi compliqué pour celles qui, certes connaissent les règles, mais ne peuvent les respecter. Une femme qui sait qu’elle doit payer pour pouvoir être bien suivie lors de son accouchement, sans avoir l’argent nécessaire, va essayer de négocier. Mais elle s’expose tout de même aux railleries, à la honte. D’autres encore connaissent les règles et savent qu’elles les ont respectées, ce qui leur permet d’être plus exigeantes en termes de qualité des soins.
Depuis la publication des premières études, des mesures ont-elles été prises ?
Les travaux ne nous permettent pas de quantifier la maltraitance, mais nous savons qu’elle perdure. En 2017, le gouvernement béninois a commencé à mettre en place une série d’actions pour moraliser les pratiques des soins. Il y a des efforts explicites pour fermer des formations sanitaires considérées comme illégales, introduire des sanctions. Une ligne verte a été créée pour que les comportements abusifs puissent être dénoncés. Mais nous avons besoin de plus de recul pour mesurer les effets de ces stratégies.
Quels sont les obstacles majeurs au changement ?
Le plus net au Bénin, c’est l’absence de redevabilité. Les soignants n’ont pas de compte à rendre. Cette réalité s’appuie sur la perception du médecin tout-puissant, le secret médical, la technicité du jargon médical qui le rend inaccessible à tout un chacun. Il faudrait une justice spécialisée sur le système de santé et le parcours médical du patient devrait être documenté pour donner de la transparence. L’autre obstacle majeur réside dans l’absence d’une politique de financement de la santé qui prenne le sujet dans sa globalité et donne place à l’usager des services de santé.
La violence médicale se limite-t-elle à la femme et l’accouchement ?
Homme ou femme, le capital symbolique du malade est faible. Il est plus souvent déterminé par la nature de la maladie que par le sexe. Mais je n’exclus pas que ce qu’il se passe dans l’environnement de soins soit aussi accentué par l’auto-vulnérabilisation des femmes dans la société. Je trouve, par exemple, qu’exiger de la femme qu’elle paie avant d’accoucher, qu’elle en sorte vivante ou non, elle et son enfant, est une violence de genre inadmissible. Cette exigence n’est pas spécifique à la femme mais là, en l’occurrence, c’est elle qui en subit les conséquences. Et peut le payer de sa vie.
Faudrait-il alors que les soins de maternité deviennent gratuits ?
Depuis 2009, la césarienne est gratuite au Bénin. Mais cela n’a pas fait disparaître les violences. D’autres ont surgi. Quand c’est gratuit pour la femme qui va accoucher, c’est que la société paie pour elle. On va donc penser qu’elle est bien chanceuse et qu’elle n’a pas à revendiquer quoi que ce soit. Son capital symbolique s’en trouve encore plus réduit. En plus, un soignant aura moins de scrupule à lui extorquer de l’argent…
Que faire alors ?
Il faut mieux étudier la question en se décentrant de la personne soignée, considérer les accompagnants, et ne pas oublier que les auteurs de violences ne sont pas seulement le médecin ou la sage-femme. Cuisinières ou gardiens peuvent aussi exercer des violences, verbales par exemple. Ensuite, il faut réduire le différentiel entre patiente et soignant en valorisant la femme qui donne la vie. Les cérémonies officielles doivent leur rendre hommage.
Enfin, les soignants doivent eux-mêmes être soignés. Ils sont constamment exposés à la mort et on sait peu de cas de leur état psychologique. Les chercheurs doivent se demander comment la banalisation de la mort, indispensable à la survie psychologique du soignant, dans un environnement où la mortalité est très élevée, peut conduire à la violence dans les soins.
48% DES JEUNES FILLES CIBLÉES VACCINÉES À MBOUR
Quarante-huit pour cent des jeunes filles de 9-12 ans représentant la cible annuelle du district de Mbour ont été vaccinés contre le cancer du col de l’utérus dans le cadre de la campagne de gratuité instaurée par les pouvoirs publics sénégalais
Quarante-huit pour cent des jeunes filles de 9-12 ans représentant la cible annuelle du district de Mbour ont été vaccinés contre le cancer du col de l’utérus dans le cadre de la campagne de gratuité instaurée par les pouvoirs publics sénégalais, a indiqué Nacka Seck Diawara, superviseur du Programme élargi de vaccination (PEV) pour le compte dudit district.
"Sur une cible annuelle de 5380, nous avons eu à vacciner les 48%. C’est un bilan positif, parce que depuis l’introduction du vaccin contre le col de l’utérus et l’effectivité de sa gratuité pour les filles âgées de 9 ans, nous avons, d’abord, commencé par la formation des acteurs et autres parties prenantes, notamment les enseignants, les acteurs communautaires, pour un succès total de cette opération", a-t-elle dit dans un entretien avec l’APS.
Il y a ensuite que la disponibilité du vaccin contre le papillomavirus humain (HPV), "a permis de bien démarrer la vaccination au niveau de tous les points de prestation des services’’, d’où les "résultats satisfaisants" obtenus par le district sanitaire de Mbour, selon Ndack Seck Diawara.
Même si les responsables du district sanitaire de Mbour ont obtenu des résultats jugé positifs, il n’en demeure pas moins que "des obstacles" ont été notés durant ces vaccinations de routine, à cause de "rumeurs" ayant précédé le démarrage de ces activités, a dit Mme Diawara, également responsable de la surveillance des maladies à potentiel transmissible.
"Nous sommes parvenus à surmonter ces obstacles, parce que nous avons sollicité l’appui des enseignants pour enrôler le maximum de jeunes filles. Pour ce faire, nos équipes se déplacent au niveau des établissements scolaires pour mieux atteindre les filles-cibles de cette vaccination", a-t-elle expliqué.
Pour arriver à ses objectifs, le district sanitaire compte "utiliser le canal communautaire, notamment les communicateurs traditionnels, les journalistes et autres professionnels des médias, les Associations sportives et culturelles (ASC) qui ont été impliquées dès le début", a-t-elle indiqué.
Cela devrait "nous permettre d’atteindre les filles même en dehors des salles de classe, parce que toutes les filles-cibles ne sont pas à l’école", a noté le superviseur du PEV pour le compte du district sanitaire de Mbour.
Selon Ibrahima Bodian, responsable de l’éducation, de l’information et de la communication du district sanitaire de Mbour au moment du lancement officiel de la campagne de vaccination contre le cancer du col de l’utérus, l’an dernier, "cette maladie est une réalité au Sénégal et tout le monde doit s’y mettre pour son éradication".
Il note que grâce à ses partenaires étrangers, le district sanitaire de Mbour dispose désormais d’un bâtiment et d’une colposcopie pour des examens du col de l’utérus, du vagin et de la vulve, permettant de détecter les lésions précancéreuses et cancéreuses.
"Si le cancer du col de l’utérus est une réalité dans ce pays et que le vaccin est disponible pour prévenir cette maladie, il est du devoir de tout chef de famille de faire en sorte que les jeunes filles âgées de neuf ans soient vaccinées", a dit Bodian, actuellement à la retraite.
De la prévention d’éventuels cas à la prise en charge du cancer du col de l’utérus, le district sanitaire de Mbour "est bien outillé. A partir même des postes de santé, le vaccin est disponible", a-t-il assuré.
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BATTLE DE BREAKDANCE AU SÉNÉGAL
Le groupe sénégalais Power Crew a remporté en 2018 le titre de meilleure vidéo lors de la Battle of the Year, évènement annuel avec les meilleurs groupes de breakdance. Reportage à Dakar.
Au sommaire de l'émission BBC Sport Afrique du 7 octobre 2019 :
- Sujet de la semaine : confessions d'un footballeur nigérian hermaphrodite qui est passé du foot féminin au foot masculin
- Entretien : première recordman du monde africaine du marathon, la Kényane Tegla Loroupe dédie désormais sa vie aux réfugiés
- Reportage : le groupe sénégalais Power Crew a remporté en 2018 le titrede meilleure vidéo lors de la Battle of the Year, évènement annuel avec les meilleurs groupes de breakdance. Reportage à Dakar.
- L'inspiration : Leon Manyisa (17 ans) est déjà international A dans l'équipe nationale de football d’Eswatini, l'ex-Swaziland. Il rêve de marcher sur les traces de son idole Cristiano Ronaldo.
Présentation : Babacar Diarra (@BabsDiarra)
Invitée : Mbalia Touré, médecin en charge de l'équipe nationale de football du Sénégal
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LA VÉRITÉ SUR LA MORT INTRIGANTE DE ADJA CAMARA AU TECHNOPOLE.
On en sait un peu plus sur l’histoire de la mort intrigante de Adja Camara, dont le corps sans vie a été découvert , dans l’un des bassins du technopole. Selon des parents de la victime rencontrés à la morgue de Dantec, cette dernière n’a pas été tué
On en sait un peu plus sur l’histoire de la mort intrigante de Adja Camara, dont le corps sans vie a été découvert mardi dernier à 15h, dans l’un des bassins du technopole. Selon des parents de la victime rencontrés à la morgue de l’hôpital Aristide Le Dantec, cette dernière n’a pas été tuée ni agressée.
« D’après le rapport de l’autopsie, Adja Camara est morte noyée. Depuis un certain temps, elle était sujette à des troubles mentales caractérisées par des fugues du domicile familial. », a confié l’oncle de la victime.
PAR LA CHRONIQUEUSE DE SENEPLUS, RAMA SALLA DIENG
LES COULEURS DE L'ÉCRIVAIN
EXCLUSIF SENEPLUS - L’afropolitanisme, le féminisme, l’exploration intérieure, ses motivations, la France et les étudiants étrangers... Entretien avec Mohamed Mbougar Sarr, auteur entre autres, de "Silence du Choeur"
Rama : Est-ce que le terme “Afropolitain” a une résonance chez vous Mbougar ? Pourquoi pas ?
Mbougar : S’il en a une, celle-ci serait purement intellectuelle. La notion m’intéresse dans la mesure où elle interroge une identité tendue entre deux pôles au moins : un pôle africain et un autre, généralement occidental. C’est une situation, voire une condition proche de la mienne, en apparence ; mais lorsque je creuse le terme, que je vois l’acception qu’en donne Achille Mbembe ou Taiye Selasie, par exemple, je ne me définirais pas exactement comme tel. La compréhension que j’ai du terme est celle d’une identité plurielle bien sûr (mais toute identité l’est), mais aussi circulatoire, peut-être même revendiquée dans la multiplicité d’ancrages culturels entre lesquels on navigue. Mon ancrage culturel profond, même si j’en ai désormais d’autres auxquels je tiens, demeure profondément africain. Comme écrivain, comme homme tout simplement, j’ai l’impression que l’enfance est fondamentale dans la substance et la texture de l’imaginaire. Mon enfance est profondément sénégalaise. Je me sens sénégalais, africain, et je connais mieux cette identité première. Je suis heureux qu’elle ait rencontré d’autres identités, d’autres espaces, et qu’elle ait évolué à leur contact. Mais je ne pense pas être dans une quête d’identité. Je ne ressens pas cette tension. Ce qui m’intéresse, ce sont les Hommes, comment ils se rapportent les uns aux autres, d’où qu’ils viennent. Ce qu’ils apportent. Ce qu’ils disent. C’est finalement cela qui dit le plus d’eux. Je trouve, dans mon cas particulier, qu’Afropolitain est un pléonasme, une redondance. Je suis Africain, donc du monde entier, naturellement. Cette sorte d’esthétique et d’éthique de l’ici et du là-bas, du proche et du lointain, est juste. Mais je ne veux pas la prouver. Je trouve parfois étrange que « l’Africain » doive encore devoir préciser qu’il est de facto (pas toujours de jure, hélas, mais c’est sur ce point qu’il faut travailler) du monde. J’interroge tous les suffixes qu’on accole à « Afro », de façon générale. Mais j’admets que les trajectoires et expériences diffèrent. Je n’ignore pas non plus les rapports de force politiques. Il faut aussi avoir les moyens d’être afropolitain.
Rama : Pourquoi écrivez-vous ?
Mbougar : Redoutable question. Ses raisons d’écrire n’apparaissent pas toujours clairement à un écrivain, sans oublier qu’elles peuvent changer avec le temps, l’âge, la situation... Mais aujourd’hui, je crois que les raisons que j’ai d’écrire sont les mêmes que celles qui me font lire : pour, d’une part, atténuer provisoirement la solitude fondamentale que je crois être au cœur de notre condition ; et, d’autre part, pour tenter d’aller plus loin dans la compréhension de l’expérience humaine sous toutes ses formes. Mais je pourrais, plus lapidairement, dire, tel Beckett : « bon qu’à ça ! »
Rama : Diriez-vous que votre location, et votre genre, ont une influence sur vos choix artistiques ?
Mbougar : Je ne peux pas être aveugle au fait qu’écrire comme homme, noir, à partir de la France, est tout autre chose qu’écrire comme femme, blanche, installée dans le Sine-Saloum. Avoir conscience de cette configuration, du lieu d’où on parle comme on dit, est important. Mais cela ne signifie pas que je m’astreigne à ce que la société, ou l’air du temps, attend de la « structure identitaire » qui est la mienne. Je crois, comme écrivain, qu’il faut toujours aller à la source de l’universel, de ce qui fait de nous des êtres humains par-delà nos particularités. Or la source de l’universel n’est jamais qu’au fond de la singularité. C’est donc dans cette singularité qu’il faut forer pour l’atteindre. Le travail de l’imaginaire et de la fiction me permet de me projeter dans des singularités qui ne sont pas précisément les miennes. Je me mets dans la tête de femmes, dans la peau de travestis, dans le cœur de bisexuelles, dans le regard de bourreaux djihadistes. Ce sont des points de vue desquels je cherche une seule chose : la condition humaine.
Rama : Justement la condition humaine que vous racontez avec réalisme et nuances à travers les voix des ragazzi dans Silence du Chœur(Présence Africaine, 2017). Vous êtes venu en France étudiant, que vous inspirent la hausse des frais d’inscription universitaire dans ce pays, la surprenante décision de l’Angleterre d’étendre le visa étudiant à 2 ans (au lieu de 4 mois) en plein contexte de Brexit, l’état de l’éducation et l’enseignement supérieur au Sénégal ?
Mbougar: Il y aurait tant à dire sur cette hausse des frais d’inscription des étudiants étrangers (hors UE) en France ! Je la trouve scandaleuse, discriminatoire, cynique, bête, triste. Mais elle ne fait que confirmer la terrible et sauvage puissance du libéralisme, qui règne aujourd’hui jusqu’au cœur de l’université publique française. Tout son honneur était jusqu’ici de mettre le savoir à la portée de tous. Par cette mesure, elle promeut une inégalité devant le savoir, une inégalité économique, créée, pensée, voulue, soutenue par une politique. Je trouve cela affreux. J’ai l’impression que la France, parfois, oublie que son rayonnement, son soft-power, passe aussi par tous les étudiants qui se sont formés dans ses universités et qui promeuvent sa formation dans d’autres pays. La Grande-Bretagne semble, elle, avoir compris que les étudiants étrangers représentaient presque toujours une opportunité pour le pays, qu’ils y restent ou partent après leurs études. Quant à l’enseignement supérieur du Sénégal, j’ai longtemps été très critique à son égard. Je le suis toujours, mais je comprends aussi qu’il traîne un problème structurel de trente ans. Et ce problème est simple : les enseignants n’arrivent plus à enseigner ; ils sont quasiment devenus des assistants sociaux. J’ai l’impression qu’ils sont un peu laissés à eux-mêmes. Et dans ces conditions, la stimulation intellectuelle qui doit être l’atmosphère naturelle de l’université ne me semble pas possible : enseignants comme étudiants n’ont pas la tête à l’entretenir, si même les conditions matérielles élémentaires de travail peinent à être réunies.
Rama : Votre premier (Terre Ceinte, Présence Africaine, 2015) comme votre dernier roman (De Purs Hommes, Philippe Rey, 2018), explorent des thèmes que d’aucuns pourraient qualifier de féministes : le droit à l’autodétermination et aux libertés individuelles, sexuelles (deux jeunes condamnées pour adultère et pour leurs idées d’une part et de l’autre d’autres inquiétés pour leurs pratiques sexuelles et leurs convictions personnelles). Mais bien plus que cela, vos romans posent la question : qu’est ce qu’être un Homme (au delà de notre genre) ? Qu’est-ce qu’être un intellectuel et quels en sont les périls ? etc. Êtes-vous un féministe Mbougar ? Ou avez-vous juste écrit des romans féministes ?
Mbougar : Je réfléchis beaucoup à cette question : qu’est-ce qu’être un intellectuel ? Je ne pense pas, comme certains, que ce soit une question dépassée ou sans importance. Il y a des jours où je me demande si un écrivain peut être considéré comme un intellectuel. Cela dépend, je crois, de la forme et du cadre de sa production, de l’ordre de son discours, en quelque sorte. Un écrivain qui commet un roman peut faire réfléchir, réfléchir lui-même sur une question donnée, mais je ne l’appellerais pas intellectuel. Pour moi le roman doit aussi être un lieu de pensée, mais la pensée du roman est très différente de la pensée philosophique, ou sociologique, ou historique, dont la forme canonique est l’essai. Mais un écrivain peut intervenir, hors-roman, dans le débat public, par un essai, une tribune, un entretien. A ce moment-là, il a des prétentions intellectuelles, et il doit les assumer. Tout ce que je dis là donne en creux ma définition toute personnelle de l’intellectuel : tout individu qui, à partir d’une discipline ou d’un champ de la connaissance, participe par l’écrit ou l’oral, dans le cadre universitaire ou non, à l’intelligence d’un sujet collectif. Cela veut dire trois choses à mes yeux : premièrement, que la parole d’un intellectuel est un peu plus dense et recherchée qu’une simple opinion de marché hebdomadaire ; deuxièmement - c’est l’évidence- qu’il y a plusieurs types d’intellectuels et d’interventions en tant qu’intellectuel (je renvoie là aux réflexions de Foucault sur la question) ; enfin, que la parole d’un intellectuel l’engage tout entier, et seul, sur le chemin de la recherche de la vérité -ce qui est le but ultime. Les périls qui le guettent, à partir de là, sont ceux auxquels expose toute quête de vérité : avoir des adversaires et parfois des ennemis, avoir quelques amis mais être le plus souvent seul, douter, être démenti (mais ce n’est pas exactement un péril), être incompris. Mais être prêt à tout cela fait partie du « courage de la vérité ».
Je serai plus bref quant à votre deuxième question : oui, je suis féministe, c’est-à-dire que j’estime (attention, je vais enfoncer des portes ouvertes) que les femmes sont des êtres humains à part entière, et comme telles, ont droit à la même dignité, à la même liberté, aux mêmes droits. Cette définition minimale du féminisme telle que je le vois se retrouve dans mes romans. J’essaie en tout cas d’y mettre des femmes qui ont choisi de suivre leur désir, où qu’il les mène. Comme écrivain, ma réflexion sur le féminisme évolue : au départ, je croyais que cela signifiait toujours construire des personnages féminins positifs, presque idéals. Ce n’est plus le cas : je crois qu’il faut donner à voir des personnages féminins libres d’aller à rebours des figures idéales (qui sont souvent des figures idéales telles que les hommes en rêvent). J’essaie désormais de peindre des figures féminines plus complexes, plus mêlées, moins stéréotypées. Je cherche ainsi leur humanité profonde. C’est aussi cela, je crois, être féministe.
Rama : La parenté et la parentalité occupent aussi une place centrale dans vos écrits. Est-ce une fascination pour vous ?
Mbougar : Je n’ai pas d’enfants. Mes réflexions ou hypothèses sur le fait d’être parent viennent donc surtout de mon observation, pas d’une expérience personnelle. J’ai beaucoup observé mes parents dans la manière qu’ils avaient d’assumer ce statut. Et plus généralement, à travers la question de la parentalité, c’est surtout celle de la transmission qui m’intéresse. Je ne suis pas toujours sûr de savoir ce qu’un parent doit transmettre (les parents eux-mêmes le savent-ils vraiment ?). Quelle est la limite entre transmettre des valeurs et se projeter en un être qu’on peut être tenté d’éduquer en songeant non à sa vie, mais aux regrets de la nôtre ? Quelle liberté laisse-t-on à l’enfant de ne pas recevoir notre legs, ou de l’utiliser contre nous ? On utilise parfois le verbe « se reproduire ». Au sens littéral, je trouve l’expression parfois effrayante : ai-je envie de me « reproduire » ? Cela m’interroge, même si je suis convaincu que c’est une expérience qui peut aussi être très heureuse et harmonieuse.
Rama : Que vous inspirent les féminismes contemporains ? Les notions de « masculinité », « féminité » ? « Genre » ?
Mbougar : L’essentiel pour moi est qu’il ne s’agisse pas de chapelles dogmatiques, ou de termes figés abstraits derrière lesquels il n’y a que des théories. Je crois que tout discours sur le genre, quelle que soit sa situation, doit d’abord partir du réel, du réel et de l’expérience, des expériences. Il n’y a qu’ainsi, à mon avis que l’on peut garder une pertinence et une vitalité à ces débats : en acceptant qu’ils sont complexes, non systématiquement transposables, structurels, mouvants, et longs à prendre racine dans les esprits et les imaginaires. Toutes ces notions (masculinité, féminité, genre), à mon avis, mettent moins en jeu la question de l’identité que celle du pouvoir. Est-ce qu’une domination (économique, physique, symbolique) s’exerce sur un être humain, est-ce que cet être humain est rabaissé parce qu’il est une femme, parce qu’il ne correspond pas à ce qu’on attend d’un homme, parce que son orientation sexuelle n’est pas hétérosexuelle ? Je trouve qu’on gagnerait beaucoup à avoir une approche plus sensible de ces questions, en partant de la vulnérabilité, ou de la fragilisation. Mais j’ai l’impression qu’on se rue parfois sur des discours politiques guerriers et à prétention englobante. On en oublierait presque qu’aucune vie sensible ne correspond à un slogan. Mais nous vivons à une époque où les slogans sont plus efficaces que l’exploration d’une vie sensible.
Rama : Si les thèmes choisis semblent suggérer que vous êtes un écrivain engagé, dans vos écrits, vous semblez faire le choix de laisser toutes les voix résonner à intensité égale. Sans jugement. Sans parti-pris. Êtes-vous de ceux qui pensent que la couleur de l’écrivainest de n’en avoir aucune ? Pourquoi ?
Mbougar : Je vais prendre prétexte de cette question pour revenir à la pensée du roman, que j’évoquais plus haut. Je suis romancier. Et pour moi, un romancier, dans son œuvre, doit toujours essayer de suspendre son jugement -en particulier son jugement moral- ce qui ne veut pas dire qu’il n’en a pas. Mais l’espace romanesque doit d’abord à mes yeux être un espace ouvert, où, hypothétiquement, tous les choix sont possibles, se croisent, s’affrontent, cheminent, se séparent. Je crois que tout l’art du romancier est là, dans sa capacité à être non pas forcément absent, mais effacé, ambigu. La fiction doit donner plusieurs pistes, ouvrir plusieurs chemins (à travers personnages, situations, dialogues, réflexions), et laisser le lecteur les arpenter et se faire sa propre idée des choses. A des questions, le romancier en rajoute d’autres. Et il doit pouvoir, pour cela, être en mesure de faire entendre avec force des idées opposées aux siennes, que nul d’ailleurs, ne lui demande. Je renverserai donc votre proposition : la couleur de l’écrivain est de pouvoir les avoir toutes. Dans son œuvre, en tout cas.
Rama : Quelle place accordez-vous à l’exploration intérieure dans vos écrits académiques ?
Mbougar : Mes écrits académiques sont orientés vers la littérature, ou la théorie littéraire, plus justement, même s’ils dialoguent beaucoup avec les grandes disciplines des sciences humaines et sociales. L’université ne laisse pas toujours, hormis dans quelques disciplines, la latitude de s’impliquer intérieurement plus profondément que les règles académiques ne le permettent. Cela change tout lentement, cependant. J’ai toujours pensé qu’aborder la littérature par la recherche était approfondir sa manière de lire les textes. Rien n’est plus personnel. Lire un texte, c’est le laisser déployer en soi plusieurs sens. La polysémie d’un texte n’apparaît jamais en soi ; elle a toujours besoin d’une subjectivité qui la révèle. Lire, interpréter, restent des gestes d’abord personnels. C’est ce que j’essaie de mettre en avant, en respectant les bases universitaires, naturellement. C’est cet équilibre qui est compliqué. Mais le fait d’être en même temps romancier m’aide beaucoup dans la lecture d’autres auteurs. Je sens une connivence plus profonde, je suis plus attentif aux mouvements même de l’écriture. Enfin, dans ma propre écriture universitaire, j’essaie de plus en plus d’être écrivain. D’avoir une sorte « d’érotique de l’écriture » qui signifie simplement ceci : ne pas oublier le plaisir du texte, la sensualité de l’écriture, qui est une composante du plaisir de la connaissance.
(Je ne suis pas sûr que c’était le sens de votre question, mais enfin, je l’ai interprétée ainsi…)
Rama : Quelle femme a eu le plus d’impact sur vous, et pour quelle raison ?
Mbougar : Réponse simple et classique : ma mère. On parlait tout à l’heure de transmission. Elle m’a transmis une de ses qualités, précieuse et indispensable quand on est écrivain : la patience. Mais il y a une autre raison : c’est en l’observant que j’ai commencé à avoir mes premières réflexions sur ce que signifiait être une femme dans la société sénégalaise.
Rama : Si vous étiez une femme, qui seriez-vous ?
Mbougar : Il y en a énormément. Je garde secrètes la plupart d’entre elles, par pure jalousie.
Mais j’en donne volontiers quelques-unes, des héroïnes de la littérature, comme écrivaines ou personnages : Antigone, Ken Bugul, La Marquise de Merteuil, La Grande Royale, Nedjma, Anaïs Nin, La Sanseverrina, Anna Karénine, Marie-Vieux Chauvet, Foedora de Malicante, Madame de Mortsauf. J’aurais aussi beaucoup aimé être Nina Simone, qui est romanesque à souhait. Et Toni Morrison, la grande et regrettée Toni Morrison qui nous manquera. Et Angela Davis aussi. S’il reste une petite place, elle est pour Suzanne Césaire.
Rama Salla Dieng, Lecturer in Africa and International Development School of Political and Social Science, Université d’Edimbourg
Horreur au Technopole de Dakar. Une femme a été retrouvée morte, les yeux arrachés, rapporte Vox Populi. Selon le journal, la dépouille a été repêchée dans un bassin. La victime, la quarantaine, habiterait Cambérène.
Le corps a été retrouvé dans un piteux état et il y avait des traces visibles de violence sur la dépouille. La jeune dame était vêtue d’une robe de couleur bleue et portait une bague sur laquelle il est mentionné Adjara, rapporte le journal.
Ce sont des mécaniciens alertés par les aboiements des chiens errants qui ont découvert le corps de la victime. Ce sont eux qui ont par la suite alerté les sapeurs pompiers.
Selon les services des eaux et forêts, il ne s’agit pas d’un cas isolé puisque quatre autres cas similaires ont été découverts sur le même site ces derniers temps. Une enquête est en cours.