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24 novembre 2024
International
par Babacar Mbaye
AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT : LA FRANCE LOIN DEVANT LA CHINE, LA RUSSIE AUX ABONNÉS ABSENTS
Alors que la rhétorique russo-chinoise plaide pour un renouveau des relations avec les pays africains, les actes ne sont pas à la hauteur des discours, du moins en ce qui concerne l'aide publique au Sénégal
En début de semaine, un déploiement diplomatique, à la fois, des russes et des chinois en direction du Sénégal a été observé. En effet, l’ambassadeur de la Chine à Dakar Xiao Han a accordé, lundi 8 juillet, un entretien au site Dakaractu dans lequel il vante les promesses de la coopération sino-sénégalaise en matière de nouvelles énergies. Le lendemain, Moscou a envoyé à Dakar son vice-ministre des Affaires étrangères Mikhail Bogdanov. Au menu des échanges avec les autorités sénégalaises : les orientations de la coopération bilatérale.
L’un des éléments importants de cette coopération sur lequel Dakar s’appuie pour dérouler une partie de sa politique économique reste l’aide publique au développement. Et sur ce point, malgré la rhétorique russo-chinoise sur un nouveau type de partenariat avec nos Etats et les attaques contre les partenaires traditionnels tels que la France, ce dernier pays a un apport de loin plus consistant.
Selon les chiffres du ministère des Finances et du Budget publiés en 2020 et qui suivent la même tendance sur les années suivantes, la répartition de l’aide publique au développement par partenaires dans la coopération bilatérale positionne la France loin devant la Chine et montre que la Russie est aux abonnés absents.
La France, à travers ses différentes agences donatrices à savoir l’Agence Française de Développement, la Banque Française pour le Commerce extérieur et la Coopération française, assure à elle seule 25% de l’Aide publique au développement du Sénégal. Là où la Chine est à 4% et la Russie même pas répertoriée au tableau des donateurs.
Ainsi en 2020, sur un total de 663 milliards de francs CFA (plus d’1 milliard d’euros) la France a contribué à hauteur de 174 milliards de francs CFA (265 millions d’euros), la Chine a décaissé 27 milliards de francs CFA et la Russie a eu donc une contribution insignifiante.
Pour rappel, selon la définition du Comité d’Aide au Développement (CAD) de l’Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE), on comprend par Aide publique au développement « l’ensemble des dons et prêts accordés à des conditions très favorables (nets desremboursements en capital) par des organismes publics à des pays et territoires, dans le but depromouvoir leur développement économique et social ».
Si l’on intègre à la fois les partenaires bilatéraux et multilatéraux, le classement des onze (11) premiers partenaires du Sénégal par volume des décaissements se présente comme suit : Banque mondiale (16,08%), France (14,39%), Commission européenne (11,91%), Banque africaine de développement (11,19%), Allemagne (7,86%), BOAD (7,41%), Japon (6,08%), Etats-Unis d’Amérique (5,53%), BID (5,43%), Nations unies (2,88%), Chine (2,25%).
L’Aide publique au développement permet a l’Etat du Sénégal de réaliser des investissements dans des secteurs tels que l’agriculture, l’élevage, la pêche, l’hydraulique, les eaux et forêts, la recherche, les mines-industrie-énergie, le tourisme, les transports, les télécoms, l’appui institutionnel.
Babacar Mbaye est expert en politique publique.
L'ÉQUATION DES NOMINATIONS
Le rythme des nominations dans le nouveau régime de Diomaye et Sonko suscite bien des interrogations. Entre les urgences à gérer et les attentes pressantes, le duo au pouvoir semble prendre son temps, provoquant l'impatience de certains alliés
Entre les urgences, les militants et sympathisants qui sont pressés et qui pensent que le duo au pouvoir est très lent dans le remplacement de certains dirigeants de l’ancien régime, ceux qui veulent plus de rigueur dans le choix des profils, Diomaye et Sonko ne semblent nullement perturbés.
C’est devenu la grande attraction dans les communiqués successifs du Conseil des ministres. Chaque mercredi, quand Amadou Moustapha Ndieck Sarré, porte-parole du gouvernement, partage le fameux document, beaucoup se ruent directement vers le bas pour voir qui sont les nouveaux nommés du régime Diomaye-Sonko. Dans les minutes qui suivent, l’info barre la une de plusieurs sites d’informations avec souvent le même titre : ‘’Les nominations du Conseil des ministres.’’ Ainsi en est-il depuis avril 2024.
Certes, beaucoup de nominations ont été faites, mais le rythme est jugé très, voire trop lent par beaucoup d’observateurs, y compris même parmi des soutiens du régime. Interpellé, ce militant de Pastef précise : ‘’J’avoue que certains s’impatientent un peu. Ils pensent que les choses ne vont pas très vite et ça peut s’entendre. Mais je pense qu’il faut aussi relativiser. Nous avons trouvé sur place des urgences qu’il fallait gérer : les tensions de trésorerie, les audits qu’il faut gérer…’’
Dans le même sillage, notre interlocuteur met en exergue la volonté presque obsessionnelle du régime à faire les meilleurs choix possibles dans la plupart des postes. ‘’Je sais, souligne-t-il, que le régime tient à faire des choix basés sur l’expertise et la compétence. Il ne s’agit pas seulement d’enlever X ou Y pour y mettre un militant. Nous avons promis de gouverner autrement et la compétence sera de mise…’’
À ce propos, il faut noter que le Pastef avait proposé bien mieux. Il avait préconisé de passer par l’appel à candidatures pour nommer à certains postes. À ce jour, en dehors des appels à candidatures traditionnels, qui se faisaient bien avant la troisième alternance, il y a très peu, pour ne pas dire aucun appel à candidatures. Ce qui aurait dû faire gagner beaucoup de temps.
Mais voilà plus de trois mois que le régime peine à désigner des personnes, politiques ou non politiques, à certains postes.
Un soutien de Pastef invoque les urgences qu’il fallait gérer : tensions de trésorerie, audits…
Résultat, Diomaye et Sonko continuent de gouverner dans bien des secteurs avec d’anciens détracteurs. Si ce n’était que des fonctionnaires qui sont à leurs postes de par leurs seules compétences, cela aurait pu se comprendre. Mais parmi ces gens, ils sont nombreux à être politiquement très marqués. On pourrait en citer Mamadou Lamine Sall, ancien serviteur de Wade puis de Macky Sall et pendant plus de deux mois encore de Diomaye. Il y a quelques jours, celui qui était jusque-là le PCA de l’Office national de la formation professionnelle (ONFP) a pris la décision de jeter l’éponge, non sans tirer à boulets rouges sur le régime.
Il peste : ‘’Je ne peux pas continuer de garder le silence face aux souffrances que ce régime inflige aux populations. Si quelqu’un pense me neutraliser en me laissant à mon poste pour martyriser les Sénégalais, il se trompe. Moi, je mettrai toujours la patrie au-dessus de toutes les considérations. Je préfère rester avec ces gens que de continuer de profiter d’un salaire. C’est pourquoi j’ai décidé, à partir d’aujourd’hui, de démissionner de mon poste.’’
Avant lui, le directeur général de l’Agence nationale de la maison de l’outil (Anamo) avait lui aussi, après plus de deux mois à son poste sans être démis, choisi de rendre lui-même le tablier. ‘’J’ai le privilège, disait-il dans une lettre publiée dans la presse le vendredi 14 juin, de vous informer que je me suis volontairement déchargé de mes fonctions de directeur général de l’Agence nationale de la maison de l’outil (Anamo), par courrier n°00002 /ANAMO/DG/Conf/ en date du mercredi 12 juin 2024 adressée sous couvert de la voie hiérarchique à Son Excellence Bassirou Diomaye Diakhar Faye, président de la République du Sénégal’’.
Dans la même logique, précisait-il, il dit vouloir rendre le même jour son passeport diplomatique, pour se consacrer à son organisation, le Groupe d’initiative pour une médiation à l’Africaine (Gima).
Bien avant eux, le journaliste Abdoulaye Bamba Diallo avait démissionné de son poste de PCA du quotidien national ‘’Le Soleil’’ pour mettre à l’aise le successeur du président Sall qui l’avait nommé. Il disait de manière claire : ‘’… C’est Macky Sall qui m’avait nommé ; il est parti. Bassirou Diomaye Faye a gagné, il doit s’installer avec ses hommes. Pour moi, c’est la règle du jeu. Je lui souhaite vraiment plein succès pour sa brillante victoire. Mais je crois que pour moi, ma cohérence est qu’il ne m’avait pas désigné, bon je n’ai pas à l’encombrer.’’
Quand d’anciens collaborateurs de Sall préfèrent se démettre avant d’être démis
Pendant ce temps, ils sont encore assez nombreux à continuer de jouir des privilèges dans le nouveau régime, comme ils l’ont fait dans le régime déchu du président Macky Sall. Certains n’hésitant même pas à aller quémander de direction en direction leur maintien en poste, malgré le changement de régime.
Pastef est-il en manque de cadres pour occuper certains postes de responsabilité ? Pourquoi Diomaye et Sonko ne vont pas chercher les compétences au-delà des frontières de leurs militants et alliés, si Pastef en manque ? Plusieurs questions qui se posent au rythme des conseils des ministres.
Mais le grief qui revient le plus, c’est la concentration de tout entre les mains du PR et de son PM. ‘’À mon humble avis, le PR et le PM doivent confier certains dossiers à des hommes de confiance ; ils ne peuvent pas tout faire. On sait qu’ils veulent surtout bien faire, mais le travail est immense, avec de nombreux dossiers à gérer. Il faut qu’ils délèguent certaines tâches’’, confie un de nos interlocuteurs.
D’autres indexent la concentration du pouvoir de nomination entre Diomaye et Sonko, et demandent une décentralisation
Quand ce n’est pas les lenteurs dans les nominations qui posent problème, c’est tout simplement la promotion de profils qui sont loin de faire l’unanimité. Dans une lettre ouverte publiée intitulée ‘’Les 100 jours du gouvernement de rupture : point de vue d’un modeste citoyen’’, le doyen Mody Niang, jusque-là considéré par beaucoup comme ‘’proche’’ des nouvelles autorités, alerte sur certaines décisions.
‘’… J'ai parfois des problèmes devant certaines nominations. L'exemple qui retient mon attention parmi tant d'autres, c'est la récente nomination d’un compatriote comme PCA de l’Apix. Mon frère Alla Kane m'a envoyé une vidéo que j’ai transférée à Amadou Ba (responsable à Pastef). Elle nous rappelle qui est réellement ce nouveau promu ou qui il était. Quand j’ai écouté la vidéo, j’ai failli tomber à la renverse. J’ai envoyé d'ailleurs un court message à Alla Kane, que j’ai ensuite transféré à Amadou Ba.’’
Monsieur Niang ne se prive pas de livrer le contenu de la lettre envoyée à Alla Kane et qu’il a transféré à Amadou Ba. ‘’Mon frère, disait-il à Alla Kane, toi qui es plus près d’eux, tu dois leur suggérer de faire davantage attention au passé de ceux et celles qu’ils nomment. Cette nomination doit faire mal aux vrais patriotes qui ont porté le Projet Pastef pendant plusieurs années et dont le profil n’a vraiment rien à envier à celui dont la vidéo nous présente un certain passé’’.
Alors que beaucoup de Sénégalais s’interrogent sur les lenteurs, le doyen, lui, invite à être plus regardant. ‘’Les nouveaux gouvernants doivent s'attarder encore plus sur le passé des gens avant de les nommer à quelque poste que ce soit. Aujourd'hui, de plus en plus de compatriotes se posent légitimement des questions sur le népotisme qui serait à la base des actes de nominations de certains ministres et surtout de deux d’entre eux. Leurs ministères seraient devenus finalement pour eux comme une famille, avec d’anciens membres de l’APR bien connus. J'ai employé le conditionnel, ne disposant pas de preuves que les informations agitées çà et là sont avérées. Je ne le fais d’ailleurs que par sagesse’’.
lettres d'amérique, Par Rama YADE
DES RIVALITÉS QUI CHANGENT LA DONNE EN AFRIQUE
Après les Etats-Unis, la Chine et la Russie qui rivalisent en Afrique, des puissances dites moyennes comme la Turquie, les Emirats Arabes Unis, le Qatar, l’Arabie Saoudite, l’Iran, l’Indonésie, la Malaisie y font une percée de plus en plus remarquable
Alors que tous les regards sont tournés vers les Etats-Unis, la Chine et la Russie, ces grandes puissances qui rivalisent en Afrique, des puissances dites moyennes comme la Turquie, les Emirats Arabes Unis, le Qatar, l’Arabie Saoudite, l’Iran, l’Indonésie, la Malaisie y font une percée de plus en plus remarquable.
Ces acteurs -pas toujours nouveaux- profitent d’un théâtre africain aujourd’hui caractérisé par trois bouleversements majeurs. D’abord, après la Chine et l’Inde, l’Afrique sera le prochain champion démographique. Elle a déjà engagé un doublement de sa population d’ici 2050. Ensuite, les opinions publiques y sont tenaillées par un fort désir de souveraineté, qu’elles soient issues de régimes autoritaires comme les pays sahéliens ou démocratiques comme le Sénégal. Ce tropisme néo-souverainiste se décline dans tous les secteurs, de la défense (avec la remise en cause des accords militaires avec les Occidentaux) à la monnaie (avec le refus croissant du F Cfa). Enfin, l’Afrique d’aujourd’hui veut prendre le tournant de la transformation industrielle avec le souci de contrôler ses ressources minières, en mettant en avant l’impératif de la création de valeur et d’emplois. Dans ce contexte qui change profondément l’Afrique et les Africains, les puissances moyennes jouent une carte décomplexée, profitant de la diversification des partenariats.
Si on sait ce qu’elles ne sont pas (elles ne sont ni des superpuissances, comme les Etats-Unis et l’Urss de la Guerre froide, ni des puissances mondiales, comme les Etats-Unis, «première puissance mondiale de l’histoire» selon Zbigniew Brzeziński, et sans doute la Chine d’aujourd’hui), les puissances moyennes se définissent par quatre traits : 1) elles font des démonstrations de puissance comme lorsque l’Afrique du Sud saisit la Cour internationale de justice en mai 2024 contre Israël pour «risque de génocide» 2) elles exercent une influence régionale ou/et sectorielle à l’instar de la Corée du Sud qui a organisé, en juin 2024, un Sommet Afrique auquel ont participé 48 délégations africaines 3) leur influence est toutefois contenue car elles font partie d’un système d’influence plus global comme la Turquie, qui a beau étendre sa diplomatie en Afrique, n’en est pas moins limitée par son appartenance à l’Otan 4) Résultat : les puissances moyennes sont contraintes de déployer des techniques indirectes de persuasion sur le terrain, par exemple des influences religieuses : la Turquie a ainsi obtenu, en 2017, du Sénégal, la fermeture d’écoles liées à Fethullah Gülen, accusé par Ankara d’être à l’origine de la tentative de coup d’Etat en 2016.
Deux cas restent incertains. La Russie cherche à passer d’une puissance moyenne eurasiatique, intégrée dans la Communauté des Etats indépendants et protégeant ses intérêts régionaux en Ukraine et en Géorgie, à une puissance mondiale qui se déploie au sein de l’Organisation de coopération de Shanghai jusqu’en Afrique avec Wagner, devenu Afrika Corps, qui y relaie des opérations de propagande. Egalement, l’Inde, pays le plus peuplé du monde et 3ème puissance économique mondiale, a su se projeter en Afrique grâce à la longue présence de sa diaspora à l’Est du continent et l’héritage idéologique du mouvement des non-alignés. L’incertitude de la position de la Russie et de l’Inde tient au fait qu’elles ont davantage d’impact que les puissances moyennes, mais moins que les puissances mondiales. Elles ont des caractéristiques des deux groupes. Le temps nous dira où elles tomberont.
De fait, les puissances moyennes se répartissent en trois groupes, selon la profondeur de leur engagement en Afrique : Emirats Arabes Unis, Inde, Brésil, Turquie (Niveau 1), Iran, Indonésie, Arabie Saoudite, Qatar (Niveau 2) et Corée du Sud, Japon, Malaisie, Israël, Allemagne (Niveau 3). Leur montée en puissance tient essentiellement au retrait des anciennes puissances coloniales en Afrique dont l’expression la plus éclatante a été celle de la France au Sahel. Il faut aussi relever l’affaiblissement relatif des superpuissances en Afrique mesuré récemment par l’institut Gallup, qui montre que la Chine dépasse désormais les Etats-Unis en popularité sur le continent en 2023. La position dominante chinoise elle-même n’est plus si assurée : si, depuis 2000, la valeur des échanges Chine-Afrique a été multipliée par près de trente, pour atteindre 282 milliards de dollars, faisant de la Chine le premier partenaire commercial de l’Afrique, les prêts officiels chinois, de plus en plus frappés de suspicion, atteignent en 2022 moins d’1 milliard de dollars pour la première fois en 18 ans, selon l’Initiative mondiale pour la Chine de l’Université de Boston. Lorsque les puissances mondiales sont moins impliquées, il y a un vide que les puissances moyennes se sont empressées de combler et de… cristalliser par la création de groupements régionaux dont le plus emblématique est les Brics, rejoints désormais par trois pays africains, l’Afrique du Sud, l’Ethiopie et l’Egypte.
De toutes les façons, les outils d’influence que les puissances moyennes déploient en Afrique sont différents de ceux des puissances classiques. Ainsi, ils ne se limitent pas aux outils militaires privilégiés par la Russie, premier fournisseur d’armes du continent. Ils couvrent une palette très diversifiée d’initiatives. Au niveau des investissements, les Emirats Arabes Unis se sont imposés en devenant le troisième investisseur en Afrique au cours de la dernière décennie, derrière la Chine et les Etats-Unis, avec Dubaï Ports World, l’un des plus grands opérateurs portuaires du monde, en tête de pont. Plus méconnue, l’influence culturelle des puissances régionales a été déterminante ces dernières années. Ainsi, les investissements de l’Arabie Saoudite dans les systèmes éducatifs d’Afrique de l’Ouest ont fait progresser l’usage de la langue arabe. Les diasporas indiennes ont servi de point d’appui efficace à la stratégie indienne dont les films qui ont fait le succès de Bollywood participent, d’une certaine manière, à la guerre de l’information. La chaîne qatarie Al Jazeera et l’agence de presse turque Anadolu couvrent efficacement le continent. Bon nombre de puissances moyennes diffusent leurs messages dans les langues locales africaines, à l’image des programmes turcs Trt et Natural Tv, qui proposent des émissions en haoussa et en swahili, et des séries télévisées populaires dans de nombreux pays. Le Brésil dont la moitié de la population est originaire d’Afrique, a multiplié les ouvertures d’ambassades sous Lula.
Dans ces conditions, ces puissances moyennes ont considérablement gagné en influence politique. Ainsi, l’Inde a tiré profit de sa présidence du G20 en septembre 2023 pour pousser et revendiquer l’entrée de l’Union africaine au sein de cette instance comme membre permanent. En 2015, le Niger, le Tchad et la Mauritanie ont rejoint la «Coalition sunnite contre le terrorisme», créée par l’Arabie Saoudite.
Si aucune de ces puissances moyennes n’a été en mesure de remplacer les puissances mondiales traditionnelles que sont les Etats-Unis et la Chine en termes de volumes d’engagement, leur influence croissante sur le continent les met en position de tailler des croupières à celles-ci. Mais la compétition ne profitera pas à tout le monde à long terme, de la même manière. Sans doute l’avenir appartient aux puissances qui sauront exploiter les recompositions en cours en formant des alliances complémentaires et gagnantes. Sans doute est-ce la raison pour laquelle des rapprochements se font entre les Etats-Unis et l’Inde ou encore entre la Russie et l’Iran. D’autres puissances régionales devront sans doute clarifier leurs intentions vis-à-vis de l’Afrique à l’instar des Emirats Arabes Unis, dans la guerre civile sanglante du Soudan, pour préserver leur avantage comparatif vis-à-vis d’opinions publiques africaines informées et conscientisées sur ce qui se passe chez elles. Du côté de l’Afrique, au regard de ces mêmes aspirations néo-souverainistes, elle ne saurait se contenter d’être l’objet de convoitises. Pourtant, du côté des puissances moyennes locales, aucun des champions économiques africains, l’Afrique du Sud, l’Egypte ou le Nigeria, n’a été en mesure jusqu’à présent de mener à bien un projet panafricain susceptible d’emporter la conviction du continent.
Sur le papier, bien que l’Afrique du Sud, pays de Nelson Mandela, ait des atouts, sa politique étrangère ambiguë et le souvenir des attaques xénophobes contre les immigrés nigérians en 2020-2022 font que Pretoria peine à jouer ce rôle. Deuxième économie d’Afrique en 2023, l’Egypte n’a jamais convaincu quant à son engagement sur le continent, comme l’ont prouvé la conflictualité entretenue avec l’Ethiopie ou sa présidence décevante de l’Union africaine en 2019, où elle avait été incapable de jouer un rôle de médiateur en Libye. Certaines attitudes, comme la plainte d’officiels égyptiens au sujet de la représentation d’une Cléopâtre noire sur Netflix en avril 2023, nuisent également à sa réputation. Enfin, le Nigeria, première population d’Afrique et grand producteur de pétrole africain, doit encore réussir à prendre en charge certains défis continentaux qui dépendent beaucoup de lui à l’instar de la nouvelle monnaie Eco, la Zone de libre-échange continentale africaine et la Cedeao qu’elle préside actuellement.
Après le siège permanent au sein du G20, les Africains ne pourront pas éluder cette question plus longtemps s’ils veulent atteindre leur prochain objectif -un ou plusieurs sièges permanents au Conseil de sécurité des Nations unies. Il appartiendra alors au Nigeria, à l’Afrique du Sud ou, pourquoi pas, au Senegal qui en avait aussi exprimé la volonté, de s’élever au rang de puissance régionale africaine, primus inter pares.
Rama Yade est Directrice Afrique Atlantic Council.
PLUS DE 1000 CIVILS TUÉS DEPUIS OCTOBRE EN RDC
Les Forces démocratiques alliées (ADF), affiliées à l’Etat islamique, mènent des attaques contre les forces armées régulières et les civils. Elles auront tué plus de 1000 personnes depuis octobre 2023, selon un rapport transmis à APA.
Les Forces démocratiques alliées (ADF), affiliées à l’Etat islamique, mènent des attaques contre les forces armées régulières et les civils. Elles auront tué plus de 1000 personnes depuis octobre 2023, selon un rapport transmis à APA.
Le rapport du Groupe d’experts des Nations Unies sur la situation sécuritaire en République démocratique du Congo (RD Congo) du 4 juin, met en lumière l’intensification des opérations militaires des Forces démocratiques alliées (ADF), affiliées à l’organisation jihadiste, Etat islamique, depuis octobre 2023, en particulier dans le nord du territoire de Beni et le sud de la province de l’Ituri. Selon ce rapport de 299 pages auquel APA a eu accès, « les ADF restent le groupe armé le plus meurtrier en RD Congo en 2023, ayant tué plus de 1 000 personnes, principalement des civils ».
Le rapport exprime une vive inquiétude quant à la stratégie des ADF. Depuis le début de l’opération Shuja, une offensive militaire menée conjointement par les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et les Forces de défense populaires de l’Ouganda (UPDF), en novembre 2021, note le document, « les ADF ont réduit leurs attaques contre les acteurs de la sécurité mais ont augmenté les meurtres de civils, une stratégie visant à se venger des opérations militaires menées contre elles ». Les insurgés islamistes ont évité les contacts directs avec les FARDC et les UPDF, ce qui a entraîné une diminution des attaques contre les acteurs de la sécurité. Cependant, « cette mobilité a eu des répercussions négatives sur la population, qui subit systématiquement des attaques lors des déplacements des ADF, provoquant panique et déplacements massifs », indiquent les experts onusiens.
Aussi, il a été noté que les jihadistes ont mené plusieurs attaques meurtrières contre des centres urbains densément peuplés, notamment autour des zones de Mavivi et de Beni. « Ces attaques ont entraîné des déplacements importants de populations vers la périphérie de Beni, où les camps de déplacés ont été attaqués à plusieurs reprises par les ADF sous prétexte qu’ils abritaient des éléments Wazalendo (une milice pro-gouvernementale », explique le rapport, soulignant que les insurgés ont également « visé des centres urbains pour détourner l’attention de l’opération Shuja, se concentrant sur les bastions des ADF dans la province de l’Ituri ».
En Ouganda voisin, les experts onusiens rapportent que les ADF ont continué leurs opérations avec des attaques contre des civils et des tentatives d’attentats à la bombe, bien que ces attaques aient diminué après que les UPDF ont tué et arrêté plusieurs combattants en fin 2023. Le rapport note également que « les ADF continuent de dépendre de collaborateurs pour le réapprovisionnement, y compris en nourriture, et pour la pose d’engins explosifs improvisés, certains collaborateurs ayant été recrutés de force ».
Les ADF ont profité de la présence fragmentée des entités de sécurité en Ituri et de la mobilisation de l’opération Shuja sur une large zone d’opérations pour influencer la dynamique et les opérations d’autres groupes armés. En réponse, les Maï-Maï et d’autres groupes armés ont intensifié leurs activités, « utilisant l’étiquette ‘Wazalendo’ pour justifier leur expansion ».
Le rapport souligne également que « les ADF ont connu des difficultés financières, bien qu’elles aient continué à dépendre d’un réseau de collaborateurs pour leur réapprovisionnement ». Si les experts onusiens n’ont pas donné les raisons de ces difficultés, elles peuvent être attribuées à la mort de l’un de leurs principaux financiers, Suhayl Salim Mohamed Abdelrahman alias Bilal al-Soudani, tué en janvier 2023 par les Etats-Unis dans une opération en Somalie. Dans son rapport de juin 2023, le groupe d’experts détaillait comment ce jihadiste tanzanien, les approvisionnait, via un système financier mis en place depuis 2019, impliquant plusieurs individus dans différents pays du continent, partant de la Somalie et passant par l’Afrique du sud et l’Ouganda. Le défunt jihadiste était le nœud de ce système, sous les ordres du fondateur de l’Etat islamique en Somalie, Yusuf Abdulqadir Mumin.
Cependant, les jihadistes sont restés résilients comptant sur des collaborateurs à Butembo. Ils ont aussi étendu leur réseau en Ituri, « s’appuyant sur les réseaux Nande (l’un des plus influents groupes ethniques de l’est de la RDC) d’hommes d’affaires et de notables du Grand Nord ». Ces collaborations ont facilité l’expansion et le réapprovisionnement du groupe dans le sud d’Irumu, à Mambasa et à Bunia, où les réseaux Nande exercent une forte influence économique et politique.
Ces réseaux ont permis aux ADF de se réapprovisionner et de s’étendre dans le sud d’Irumu, à Mambasa et à Bunia, où les réseaux Nande ont une forte influence économique et politique. « Les difficultés financières des ADF sont un point crucial, car elles montrent la dépendance croissante du groupe sur ces réseaux pour survivre et continuer leurs opérations », explique le rapport.
Le document relève que les réseaux des ADF dans les prisons ont été particulièrement actifs, notamment à Kinshasa, où des détenus importants avaient été transférés après l’évasion de la prison de Kangbayi, dans l’Est, en octobre 2020. Les détenus des ADF ont continué à recruter et à former des combattants et des collaborateurs, souvent en passant par les liens familiaux ou amicaux, principalement dans le Grand Nord. « Ils ont reçu des transferts d’argent mobile de la part des dirigeants des ADF et redistribué ces fonds pour le recrutement et la mobilisation », alertent les experts onusiens.
Créées en 1995 en Ouganda par Jamil Mukulu sous le nom du Mouvement des combattants ougandais pour la liberté, les ADF se sont progressivement installées dans l’Est de la RDC sous la pression de Kampala. Depuis 2019, le groupe, sous la direction Musa Baluku a prêté allégeance à l’Etat islamique dont il est la province en Afrique centrale.
PÉNURIE DE CARBURANT À L’AÉROPORT DE BAMAKO
L’aéroport international Modibo Keïta de Bamako fait face à une pénurie de carburant qui perturbe sévèrement les opérations des compagnies aériennes. Cette situation est due à des travaux d’entretien sur les cuves de stockage de carburant Jet A1
Les opérations aéroportuaires à Senou-Bamako sont perturbées en raison de problèmes d’approvisionnement en carburant, affectant les activités de plusieurs compagnies aériennes.
L’aéroport international Modibo Keïta de Bamako fait face à une pénurie de carburant qui perturbe sévèrement les opérations des compagnies aériennes. Cette situation est due à des travaux d’entretien sur les cuves de stockage de carburant Jet A1, réduisant ainsi la capacité de stockage et affectant l’approvisionnement en carburant nécessaire pour les vols.
La compagnie aérienne malienne Sky Mali a informé ses passagers de cette situation par un communiqué. En raison de cette pénurie, les opérations sont grandement perturbées et des mesures sont prises pour minimiser les désagréments pour les voyageurs. Sky Mali a également indiqué qu’elle collaborait étroitement avec les autorités aéroportuaires pour trouver des solutions alternatives.
Par ailleurs, Kangala Air Express a annulé tous ses vols. Le directeur général de Kangala Air Express, Baba Maiga, a présenté ses excuses aux passagers pour les inconvénients causés et a remercié les clients pour leur compréhension.
Les autorités ont indiqué que cette situation pourrait se prolonger jusqu’au 15 juillet, date prévue pour la fin des travaux d’entretien des cuves. Pendant ce temps, l’Agence Nationale de l’Aviation Civile (ANAC) a informé les compagnies aériennes et les pilotes afin qu’ils prennent les mesures nécessaires pour éviter de nouvelles perturbations.
Les passagers, bien que compréhensifs face à cette situation exceptionnelle, ont exprimé leur frustration. Beaucoup d’entre eux ont dû reporter ou annuler leurs voyages, entraînant des complications personnelles et professionnelles. « C’est vraiment difficile pour nous, mais nous espérons que la situation sera résolue rapidement », a déclaré un passager affecté.
En attendant un retour à la normale, les compagnies aériennes tentent de réorganiser leurs vols et de trouver des alternatives pour limiter les annulations.
Depuis un certain temps, la gestion du carburant au Mali est devenue un véritable casse-tête pour les autorités. Cela contribue grandement à la crise énergétique aiguë à laquelle le pays est confronté, sans solution à court terme en vue.
Des promesses de fourniture de carburant ont été faites par des pays comme la Russie et récemment le Niger. Cependant, ces promesses tardent à se concrétiser, exacerbant davantage la crise énergétique que le pays traverse.
Par Mamadou DIOUF
MOMAR COUMBA DIOP, UN DÉFRICHEUR DE SOURCES ET DE RESSOURCES DOCUMENTAIRES
Il appartient à mon passé, mon présent et bien sûr mon futur. Je le croyais fermement. Diabel comme il signait parfois ses messages, c’est le bourdonnement quotidien à mes oreilles, de celui qui s’était assigné le rôle de l’aîné d’un cadet sans discipline
On m’a annoncé la mort de Momar Coumba, j’étais assis à l’aéroport John F. Kennedy, en train d’attendre mon vol pour Toronto et Ottawa. J’étais en route, ironie de l’histoire, pour le XXIIe Congrès International des Sociologues de Langue Française. Le thème retenu : « Sciences, Savoirs et Sociétés ». La violente collision entre cette invitation qui semble destinée à Momar et l’annonce de sa disparition m’a proprement bouleversé. Un retournement qui a ramassé les souvenirs, les éclats de rire et les querelles dans les vents tourbillonnants de la bourrasque. Je n’arrivais pas à m’y faire. Je ne pouvais conjuguer Momar au passé. En effet, il appartient à mon passé, à mon présent et bien sûr à mon futur. Je le croyais fermement. Diabel comme il signait parfois ses messages, c’est le bourdonnement quotidien à mes oreilles, de celui qui s’était assigné un rôle, celui de l’aîné d’un cadet sans discipline, espiègle et plutôt rebelle. Je lui ai très tôt concédé ce statut, tout en me moquant de sa rigueur rugueuse, toujours à propos, solidement documentée et puisée aux meilleures sources. Il était un lecteur vorace. Une passion que nous partagions. Livres et journaux, tracts et pamphlets étaient l’objet d’un traitement minutieux. Momar ne se contentait pas de les lire et de les exploiter pour ses travaux, il les archivait et les ouvrait à la consultation, notamment des jeunes chercheurs.
Ses opinions étaient toujours informées. Il avait toujours un projet de recherche, un livre ou un article à produire, des relectures à faire et des commentaires sur les écrits de collègues, les mémoires de politiciens et de syndicalistes. N’a-t-il pas inauguré la publication des autobiographies et récits de vie des politiciens avec les ouvrages du politicien sénégalais de son terroir, Linguère, Magatte Lo, L’Heure du choix (1986) ; Sénégal : syndicalisme et participation responsable (1987) et Sénégal, le temps du souvenir (1991). A la suite de ce travail, sa méticulosité, son expertise de bibliothécaire et la qualité des soins apportée aux références, en termes de présentation et de précision ont fait de Momar l’éditeur technique formel et substantiel des œuvres de la bibliothèque politique sénégalaise.
Pourtant la chronique du décès de Momar était annoncée. J’ai refusé d’y accorder une quelconque crédibilité. Il avait été malade mais sa vaillance et sa discipline lui avait permis de triompher de cette terrible maladie. Cette incroyable victoire était portée par une énergie créatrice. En attestent les ouvrages qu’il a dirigés, les articles écrits ou co-écrits. En revanche, la maladie lui a volé son enseignement et l’encadrement d’étudiants qui avaient été accompagnés par l’ouverture de nouvelles pistes pour la recherche sociologique. L’interruption de nos messages quotidiens – Momar m’envoyait des informations, des journaux, sénégalais et français, ses jugements péremptoires, ses indignations, ses appréciations plaisantes et ses mises en garde, au quotidien - m’avait inquiété. J’ai contacté son neveu Mor. Il a eu la décence de me dire qu’il était malade et m’a suggéré de contacter sa fille, Isseu Majiguène. Elle m’a dit l’état dans lequel se trouvait son père. Je demeurais convaincu qu’il allait encore s’en sortir. Le sourire entendu au coin des lèvres. Sa pause préférée.
Je ne sais pas comment j’ai rencontré Momar, au début des années 1980. Une rencontre qui a eu lieu à l’Université de Dakar, probablement dans la « cafétéria » de Kane, à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines. C’est probablement Mohamed Mbodj Inge et feu Salif Diop qui avaient fréquenté avec lui, le lycée Blaise Diagne qui ont facilité le contact. Progressivement une amitié à toute épreuve s’est établie entre le Jolof-Jolof et l’enfant des comptoirs. Elle est devenue la ressource principale de notre collaboration intellectuelle. Celle-ci a été alimentée par les héritages multiples, sociaux, politiques, religieux et disciplinaires. Les legs de Momar s’ancrent dans les traditions familiales du Jolof, les engagements islamiques confrériques et politiques ainsi que les turpitudes du quartier des HLM et du lycée Blaise Diagne. Sa maladie avait accentué la posture sereine et la tranquille assurance qu’il affichait.
Momar était, avec ma mère, l’autre personne qui m’appelait Modou. Pourquoi m’appelait-il ainsi restera une énigme. Une énigme pour moi parce que le nom se logeait dans la géographie de son intimité et de ses relations qui lui étaient propres : des territoires bien délimités, les amis, la famille, les collègues. D’une loyauté à toute épreuve, il choisissait minutieusement ses amis. Il était intransigeant et sélectif. Son sacerdoce, c’était sa famille, ses frères et ses sœurs, ses neveux, ses oncles., ses enfants. Parfois, il en faisait une sociologie pleine d’humour et d’amour. Je voudrais spécialement mentionner son neveu Mor et son défunt cousin, El Hadj Lo. Ses enfants étaient sa fierté. Il ne s’est pas sacrifié pour eux. Il les a accompagnés et éprouvait un grand plaisir à leur réussite. Un père présent et irremplaçable pour Ada, Mamy et Gnilane qui l’émerveillaient.
Installé au carrefour de plusieurs héritages, Momar est devenu l’aiguilleur des humanités et des sciences humaines sénégalaises. Nul chercheur autre que lui n’est parvenu à créer des réseaux de chercheurs, assurer une coordination et une évaluation systématique des contributions qui dévoilent avec minutie, les trajectoires de la société et de l’État au Sénégal. Au moins deux générations de chercheurs venant de différents horizons disciplinaires et thématiques ont été mobilisées dans les entreprises épistémologiques de Momar. Il était un guide, un défricheur de sources et de ressources documentaires. Il savait polir les chapitres des autres et identifier les dispositifs autour desquels s’élaborent des pensées et se mobilisent des pratiques, à l’usage des jeunes chercheurs. L’extraordinaire hommage à la contribution incomparable de Momar Coumba Diop aux opérations de la sociologie sénégalaise et plus généralement aux humanités et sciences humaines a été brillamment mis en valeur par ses collègues qu’il a mobilisé dans toutes ses entreprises éditoriales, dans Comprendre le Sénégal et l’Afrique aujourd’hui. Mélanges offerts à Momar Coumba Diop (2023). Sa maitrise parfaite des leçons qu’il tirait de sa fréquentation assidue des travaux d‘Abdoulaye Bara Diop, de Boubacar Ly, de René Girard, de Jean Copans, de Donal Cruise O’Brien, de Boubacar Barry, Abdoulaye Bathily et d’Amady Aly Dieng avait poussé le sociologue Momar Coumba Diop sur les pistes de l’histoire, de l’anthropologie et de la psychologie. Son braconnage théorique sans frontière, ni terrains interdits est la raison pour laquelle, Amady Aly Dieng nous avait qualifié de « néo wébériens », à la sortie du Sénégal sous Abdou Diouf (1990). Un penseur libre et sans tabous politiques, il enjambait allègrement les frontières idéologiques et épistémologiques. Un rebelle dont la seule cause était la clarté de l’argument, la rigueur de l’argumentation et les preuves qui les alimentent.
Les Mélanges offerts à Momar dessinent une lumineuse cartographie de sa production intellectuelle. Je me contenterai de suivre une trajectoire avec des points d’incandescence qui illustrent, sans conteste son rôle pionnier. A la suite de Donal Cruise O’Brien, The Mourides of Senegal (1971), Saints and Politicians (1975), de Jean Copans, Philippe Couty, Jean Roch et Guy Rocheteau, Maintenance sociale et changement économique au Sénégal : 1- La doctrine du travail chez les Mourides (1972), de Philippe Couty, Les Mourides et l’arachide (1982), de Jean Copans, Les marabouts de l’arachide (1985), il inaugure avec sa thèse de troisième cycle, La confrérie mouride : organisation politique et mode d’implantation urbaine (1980), les fonctions et activités des dahiras urbains. Un travail suivi par son essai, La littérature mouride : essai d’interprétation thématique (1980). Il commence à suivre à la trace, l’émergence des mourides dans le secteur informel, les métamorphoses organisationnelles, politiques et vestimentaires et leurs effets sur la ville et le pays. Momar ouvre de nouveaux chantiers qui aujourd’hui dominent les études mourides.
On peut reconstituer assez facilement le travail archéologique auquel se dévoue Momar Coumba Diop à l’entame de sa carrière, avec sa thèse et son essai sur la littérature mouride. Non seulement il nous offrait une lecture très serrée des travaux de ces prédécesseurs, il précisait les figures multiples, variées et instables de l’économie politique et imaginaire des paysanneries, de leurs relations avec les appareils confrériques et avec l’État. Un détour qui circonscrivait le territoire de sa contribution la plus décisive aux études sénégalaises, les manifestations urbaines du mouridisme et les imaginations qui leur sont adjointes. Il participait ainsi aux débats qui ont secoué les études africaines autour du (néo) patrimonialisme, du « soutien mercenaire » et les tours et détours des stratégies des entrepreneurs politiques et sociaux.
La sociologie de l’État et des élites prolonge son travail sur les paysanneries. Un registre qui est inauguré par le premier volume dont il assure la direction, Sénégal, Trajectoires d’un État (1990). Un ouvrage qui établit l’agenda des études sénégalaises Tet met à l’affiche une nouvelle génération de chercheurs, solidement établis dans leurs disciplines et comme lui, plutôt iconoclastes. Je pense à François Boye et à Paul Ndiaye. Suivent, Le Sénégal et ses voisins (1994) à la révision de laquelle il s’était attelé ces dernières années ; Les successions légales en Afrique. Les mécanismes de transfert du pouvoir en Afrique (1990) ; Les figures du politique en Afrique. Des victoires héritées aux pouvoirs élus (1999), un essai et un livre qui mettent à l’épreuve les usages politiques et théories relatives au Sénégal en situations africaines. Il ne quitte pas, pour autant, durant cette première période le terrain sénégalais, publiant, Le Sénégal sous Abdou Diouf. État et Société (1990), avec D. Cruise O’Brien et M. Diouf, La construction de l’État au Sénégal (2002) qui revient sur les débats et controverses ouverts par les thèses de Cruise O’Brien relatives au « contrat social sénégalais », à la « success story » et aux leaders confrériques considérés comme la société civile sénégalaise. Un écho des plus importants des études urbaines mourides initiées par Momar sont les travaux de Cheikh Anta Babou, de Mansour Tall sur les migrations, le travail et les opérations économiques des membres de la confrérie.
La symphonie majeure, plutôt le xassaid majeur – Momar adorait les xassaid des Hizbut Tarqiyyah dont il m’envoyait régulièrement des copies – sont, Le Sénégal contemporain (2002), Le Sénégal à l’heure de l’information - technologies et société (2003), La société sénégalaise entre le local et le global (2003), Gouverner le Sénégal - entre ajustement structurel et développement durable (2004) et Le Sénégal sous Abdoulaye Wade - le sopi à l’épreuve du pouvoir(2013). Elle assure une présence de Momar qui continuera de nous sommer de continuer à creuser le sillon. Il nous contraint à relever le défi qui a animé son projet intellectuel, l’établissement ferme des humanités et des sciences sociales sénégalaises.
Repose en paix jeune homme !
Que nos prières t’accompagnent.
MARINE LE PEN DANS LE VISEUR DE LA JUSTICE FRANCAISE
Les investigations ont été lancées à la suite d'un signalement de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), a indiqué mardi le parquet de Paris, confirmant une information de la chaîne de télévision BFMTV.
Les investigations ont été lancées à la suite d'un signalement de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), a indiqué mardi le parquet de Paris, confirmant une information de la chaîne de télévision BFMTV. Après une enquête préliminaire, une information judiciaire a été ouverte le 2 juillet pour « prêt d'une personne morale à un candidat en campagne électorale, acceptation par un candidat en campagne de prêt d'une personne morale, détournement de biens par des personnes exerçant une fonction publique, escroquerie commise au préjudice d'une personne publique, faux et usage de faux », a détaillé le parquet.
Les investigations, confiées à la brigade financière de la police judiciaire parisienne, « se poursuivent donc désormais sous la direction d'un magistrat instructeur », a-t-il ajouté.
La commission chargée de contrôler la régularité des dépenses des candidats - qui sont plafonnées et dont une partie est remboursée par l'État français - avait adressé ce signalement en 2023. Aucun détail n'a été donné sur la nature des soupçons.
« Ma cliente n'a jamais été entendue à quelque titre que ce soit sur aucun fait en lien avec ce reproche général, a réagi dans un communiqué l'avocat de Marine Le Pen, maître Rodolphe Bosselut. Elle fait face aujourd'hui à une campagne médiatique à laquelle elle ne peut même pas répondre, ni se défendre, à défaut de griefs précis portés à sa connaissance qui pourraient faire l'objet d'une réponse circonstanciée », a-t-il ajouté. Il a précisé avoir demandé « en vain » des précisions au parquet.
De son vrai nom Stellio Gilles Robert Capo Chichi, cette figure clivante de l'afro-activisme est accusé d'être un « relais de la propagande russe » et de servir « une puissance étrangère »
(SenePlus) - Le militant panafricaniste controversé Kémi Seba a officiellement été déchu de la nationalité française, selon un décret paru mardi 9 juillet au Journal officiel et rapporté par l'AFP. Cette décision vient sanctionner le passé trouble de celui qui est de son vrai nom Stellio Gilles Robert Capo Chichi, 42 ans, condamné à plusieurs reprises en France pour incitation à la haine raciale.
Membre fondateur du groupuscule dissout la Tribu Ka dans les années 2000, dont le discours antisémite assumé prônait la séparation des Noirs et des Blancs, Kémi Seba a écopé de sa première condamnation pour incitation à la discrimination raciale en 2006. Depuis, ses prises de positions virulentes et hostiles à l'Occident lors de conférences et manifestations en France et en Afrique lui ont valu d'autres sanctions judiciaires.
Plus récemment, en mars dernier, la préfecture de l'Essonne avait tenté d'interdire une de ses conférences, alors qu'une procédure de déchéance de nationalité était déjà en cours à son encontre, décision temporairement suspendue par le tribunal administratif. Furieux, Kémi Seba avait publié une vidéo où il brûlait symboliquement son passeport français, selon le journal L'Essor de la gendarmerie national.
Aujourd'hui à la tête du collectif Urgences panafricanistes, très actif sur les réseaux sociaux, Kémi Seba reste une figure controversée de la nébuleuse décoloniale en France. Ses prises de position hostiles au franc CFA en Afrique lui ont valu maintes altercations avec les autorités de pays comme la Côte d'Ivoire, le Sénégal ou la Guinée, où il a régulièrement été expulsé ou refoulé. En 2021, le député Renaissance Thomas Gassilloud l'avait même accusé de "relayer la propagande russe" et de "servir une puissance étrangère".
LES PAYS DE L'AES MAINTIENNENT LEUR RUPTURE AVEC LA CEDEAO
En dépit de la main tendue de l'organisation ouest-africaine, le ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, a été on ne peut plus clair : ce départ est acté de façon "irréversible"
(SenePlus) - Selon une déclaration du ministre malien des Affaires étrangères Abdoulaye Diop à l’ORTM lundi soir, le départ des trois pays d’Afrique de l’Ouest de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) est désormais acté de manière irréversible. Cette annonce intervient au lendemain d’un sommet de la Cédéao qui a désigné les présidents sénégalais et togolais comme médiateurs dans les discussions à venir avec les trois États.
Les régimes militaires au pouvoir au Mali, au Burkina Faso et au Niger avaient en effet annoncé en janvier leur retrait de l'organisation ouest-africaine aux 15 membres qu’ils accusent d’être manipulée par la France et de ne pas les soutenir suffisamment dans leur lutte contre le jihadisme. Ils reprochent notamment à la Cédéao les sanctions économiques et diplomatiques qu’elle avait imposées face aux coups d'État tout en concédant aujourd'hui qu'elles ont largement été levées.
"Nos chefs d'État ont été très clairs à Niamey en indiquant que le retrait des trois pays de la Cédéao est irrévocable et a été fait sans délai", a ainsi rappelé Abdoulaye Diop cité par l'AFP, affirmant qu’il faut désormais "cesser de regarder dans le rétroviseur". Si le Mali reste ouvert à une coopération avec ses voisins et d'autres organisations régionales, le ministre a assuré que "le chemin qui est engagé n'est pas réversible".
Cette détermination à sortir définitivement de la Cédéao fait écho aux craintes soulevées par le départ des trois États, notamment quant aux conséquences sur la circulation des personnes et des biens au sein de l'espace communautaire ouest-africain. Abdoulaye Diop a d'ailleurs fustigé l’éventualité de voir des visas rétablis pour les ressortissants maliens, burkinabè et nigériens se rendant dans les autres pays membres, y voyant "des méthodes de faire peur aux populations".
Par Penda MBOW
MOMAR COUMBA DIOP, L’ARISTOCRATE DE LA PENSÉE
La dimension intellectuelle de l’individu primait chez ce grand penseur. Sociologue de renommée internationale, mentor passionné, il a consacré sa vie aux savoirs et à la production de connaissances sur le Sénégal et l'Afrique
Momar Coumba Diop, devant la profondeur de la pensée d’Achille Mbembe, le surnommait l’aristocrate de la pensée. Mais faisant face au côté prolixe des travaux de Momar, sa perspicacité, sa domination des sciences sociales, ses multiples initiatives, il nous revient de déceler en lui, le véritable aristocrate de la pensée. Un homme de savoir, féru de culture mais d’une humilité et générosité extrêmes.
En vrai esthète, il aimait l’art, le beau, les habits raffinés et pouvait chanter la beauté de la femme sénégalaise. Rien n’échappait à l’oeil de l’érudit qu’il était ! Nous venons de perdre un véritable frère. Au moment, où nous aurions commenté les résultats des élections législatives françaises, tel un couperet, la nouvelle tomba : Momar Coumba Diop, le grand sociologue est décédé ! Dès que l’appel de son frère Yabsa s’afficha sur l’écran de mon portable- il était 18H 45- nous comprîmes tout de suite que le pire était arrivé car vers 13h, nous avions parlé à sa fille Mamy qui veillait à son chevet à Paris. Cela fait plus d’une semaine que nous le savions aux soins palliatifs mais nous refusions obstinément la réalité : Momar ne pouvait pas mourir comme ça; nous en avions perdu notre énergie. Il est parti un peu trop tôt car il avait encore des chantiers à achever . Par exemple celui de la réédition de cet ouvrage collectif si important : « le Sénégal et ses voisins ou encore l’histoire de l’Université de Dakar».
La vie de Momar se résumait à la production scientifique sur le Sénégal contemporain, l’édition chez Khartala et la relecture sans complaisance des textes de ses collègues, des jeunes chercheurs. Nous concernant, il fut un formateur en permanence, tel un mentor de la jeune assistante au département d’Histoire à partir de 1986. Dans les années 90, Momar, avec insistance nous orienta vers le CODESRIA . « Tu iras aux études sur le genre et Aminata Diaw vers la gouvernance ».
D’ailleurs nous finîmes par y diriger deux gender Institute. Il veillait aussi sur nos lectures d’honnête citoyenne. ‘As- tu lu, Penda les travaux d’Abdoulaye Ly par exemple, le premier docteur d’Etat en Histoire? interrogea t-il. Sachant que notre période d’études et d’enseignement est le Moyen âge et ayant une vocation « politique », il nous suggéra d’étudier continuellement selon sa perspective, celle de la période contemporaine. Parfois, il s’agit d’auteur qui sort complètement de notre champ intellectuel comme le philosophe italien Domenico Losurdo. Ce dernier est aussi historien.
En tant que communiste, il a produit une contre histoire du libéralisme remarquable! Momar appelait affectueusement ses collègues ; Mamadou Diouf devenait Modou, Djibril Samb Djiby, Mamadou Mbodji , Mamaadou, Mahtar Diouf, Abdoulaye Bathily, Boubacar Barry, Charles Becker, Mouhammed Mbodj , Ebrima Sall ou encore Ibou Diallo…
La dimension intellectuelle de l’individu primait chez ce grand penseur. Pour lui, par exemple Aminata Diaw , philosophe fut forte, même Abdoulaye Ly l’avait écrit soulignait-il. Il aimait Gaye Daffé avec lequel, il a entretenu une relation de complicité et qui le qualifiait d’intellectuel passionné et discret. Il aimait travailler avec Francois Boye, Alfred Inis Ndiaye, etc. Ibrahima Thioub fit une remarque fort appropriée après son départ à la retraite en 2015. « L’évaluation des nombreuses contributions reçues a confirmé l’existence d’une véritable famille intellectuelle qui s’est créée durant les trois décennies au cours desquelles Momar Coumba Diop , en puissant inspirateur de recherches, a impulsé sans relâche la production des savoirs sur le Sénégal et l’Afrique».
Momar fut le premier à avoir attiré notre attention sur les travaux de l’anthropologue et activiste sud africain Archie Mafeje de l’Ougandais Mahmoud Mamdani, penseur de la liberté académique ou encore de notre regretté Sam Moyo du Zimbabwe, qui nous fit saisir l’enjeu de la terre , Afrique australe.
Momar vouait une grande admiration pour Tandika Mkandawere, un des plus grands secrétaires exécutif du CODESRIA Nous échangions beaucoup sur la vie politique au Sénégal et l’ouvrage qu’il a co-publié avec Mamadou Diouf, le Sénégal sous Abdou Diouf, en 1992 est un incontournable pour comprendre les mutations rapides de la société sénégalaise on encore, l’ouvrage collectif qu’il a dirigé le Sénégal, trajectoire d’un Etat. Il a beaucoup aidé le Ministère de l’Economie avec plusieurs études prospectives, des analyses, etc. Momar Coumba, un esthète qui aimait le beau, l’art, le raffinement. Il a inculqué à ses enfants , Mamy , Gnilane, Ada, une excellente éducation. Il aimait beaucoup sa famille, ses frères et sœurs. Il vouait à feu son père , El hadj Nieul Diop et sa mère Madjiguène Diop, un respect quasi religieux. Une grande complicité le liait à son oncle feu Maguatte Lo, grand homme politique et ministre sous LS Senghor. Il a étroitement travaillé avec ce dernier au moment où il rédigeait ses mémoires. Momar va nous manquer et j’espère que l’Etat du Sénégal lui décerner à titre posthume, l’ordre national du Lion. Décoration méritée et qu’il a tant attendue.