Après les États-Unis, la France et la Russie, c’est au tour de la Corée du Sud d’organiser son propre sommet avec les pays africains. La première édition de ce sommet s’ouvre ce mardi 4 juin sous le thème « L’Avenir que nous construisons ensemble : Croissance partagée, Durabilité et Solidarité », avec la participation des chefs d’États africains et des responsables d’organisations internationales liées à l’Afrique. Le mercredi 5 juin, Séoul accueillera également le Sommet des affaires Corée-Afrique 2024, réunissant les chefs d’États ainsi que des entrepreneurs africains et coréens.
Ce sommet fait suite à l’annonce officielle du 23 novembre 2022, où la Corée du Sud avait exprimé son intention d’organiser cet événement, démontrant ainsi son engagement à renforcer la coopération avec l’Afrique. « Fondée sur la vision de la Corée de devenir un État pivot mondial et la vision de l’Union africaine (UA) pour l’Agenda 2063, l’Afrique et la Corée travailleront à établir un partenariat stratégique mutuellement bénéfique et orienté vers l’avenir », a déclaré le gouvernement coréen.
La coopération entre la Corée et l’Afrique s’est intensifiée dans divers secteurs, notamment le commerce, l’investissement, les infrastructures, les minéraux et l’énergie, la défense, l’e-gouvernement, ainsi que les technologies de l’information et du numérique. Ce partenariat vise à maximiser les avantages réciproques pour les deux régions, en mettant l’accent sur la croissance partagée, la durabilité et la solidarité.
L’édition inaugurale du Sommet Corée-Afrique en 2024 est perçue comme un tournant majeur. « En tant que partenaires égaux, l’Afrique et la Corée s’engagent à créer un avenir ensemble, axé sur la croissance partagée, la durabilité et la solidarité », ont souligné les organisateurs du sommet.
Ce sommet marque une nouvelle étape dans les relations internationales, soulignant l’importance croissante de l’Afrique sur la scène mondiale et la volonté de la Corée du Sud de jouer un rôle central dans le développement et la croissance économique du continent africain.
LE FRANC CFA, UN BOULET POUR L'AFRIQUE SELON DUPONT-AIGNAN
La position de la France se dégrade dangereusement en Afrique à cause du franc CFA. C'est l'avertissement lancé par le député, qui voit dans cette monnaie le symbole d'une tutelle postcoloniale désormais rejetée par les peuples africains
Lors d'une table ronde à l'Assemblée nationale sur la souveraineté monétaire en Afrique le 29 mai, le député Nicolas Dupont-Aignan a appelé à une refonte complète du système monétaire entre la France et ses anciennes colonies, jugeant que le franc CFA est désormais vu comme "le maintien d'un lien ancien" dont il faut se défaire.
S'exprimant devant la Commission des Affaires étrangères, le président de Debout la France a estimé que "la dégradation de la position de la France en Afrique est catastrophique" en raison notamment du franc CFA. "Si nous continuons comme cela, nous aurons un sérieux problème", a-t-il mis en garde.
"Il n'y a pas de souveraineté nationale sans souveraineté monétaire", a asséné M. Dupont-Aignan, ajoutant: "Moi je comprends totalement la volonté des peuples africains de retrouver leur liberté monétaire qui est indissociable de la construction de leur avenir."
Dénonçant "un contre-sens total que la France s'arqueboute sur cette zone franc CFA", il a jugé que Paris "en devient le bouc émissaire et nous sommes en train de nous fâcher avec toute l'Afrique à cause de cela."
Sur le plan économique, le député souverainiste a plaidé pour que les pays africains puissent ajuster leur taux de change, actuellement arrimé à l'euro au sein de la zone franc. "Quand on a une monnaie trop chère, on ne peut pas se développer", a-t-il tranché, citant l'exemple du Sénégal qui "importe tout".
"C'est quand même incroyable de voir que tous les pays ont utilisé la dévaluation pour se développer et qu'on le nie à ces pays", a-t-il poursuivi, appelant à s'inspirer des stratégies monétaires menées par Singapour, l'Asie et les États-Unis.
M. Dupont-Aignan a donc plaidé pour "un retour à des monnaies nationales dans les pays qui le peuvent, Sénégal, Côte d'Ivoire, etc." Reconnaissant les défis pour les États les plus fragiles, il a souligné que "la difficulté est énorme" mais qu'une "vraie formation à la gestion d'une monnaie nationale" permettra d'y arriver.
Cette prise de position intervient sur fond de critiques grandissantes en Afrique sur le franc CFA, vu comme un symbole du néo-colonialisme français. Plusieurs pays ont déjà engagé une réforme, mais M. Dupont-Aignan appelle à aller plus loin pour rompre définitivement avec "le maintien d'un lien ancien".
L'ENFER DES PÈLERINS D'AIR SÉNÉGAL
Alors que de nombreux pèlerins attendaient déjà un vol retardé, la compagnie nationale a de nouveau déçu en annulant un vol prévu ce weekend. Depuis, près de 300 personnes sont bloquées à l'aéroport, sans informations fiables
Décidément, Air Sénégal est en train de devenir un fleuron à problèmes. Alors que sa responsabilité est engagée dans le retard d’un jour du vol A 1B devant transporter 290 pèlerins, la compagnie nationale a récidivé. En effet, les passagers du vol HC7023 de Air Sénégal dont le départ était prévu le samedi 1er juin à 06 40 à l’Aéroportinternational Blaise Diagne (Aibd) sont toujours cloués à Dakar.
Convoqués le vendredi 31 mai à 23 heures, les pèlerins ont déjà fait les enregistrements. Sauf qu’à l’heure de l’embarquement, Air Sénégal leur a dit qu’il n’y a pas de vol. Ils sont restés désemparés à l’aéroport. Non seulement, ils n’ont pas pu voyager à l’heure indiquée mais Air Sénégal les a fait attendre toute la journée au sein de l’aéroport, sans aucune information. C’est finalement vers 17 heures qu’Air Sénégal les a acheminés dans trois hôtels différents à Dakar notamment à Pullman, Novotel et Onomo. Jusqu’à hier, dans la soirée, les pèlerins étaient dans ces hôtels à attendre leur vol alors qu’ils ont payé leurs billets d’avion et fait leurs réservations d’hôtel à Médine.
Parmi les pèlerins de vol toujours cloués à Dakar à cause de Air Sénégal, il y en a qui sont pris en compte par les voyagistes privés. Le voyagiste privé Unacois Yoonu Maka dont au moins 98 pèlerins sont concernés attendent dans des hôtels de Dakar alors que l’Agence a payé les billets et rempli toutes les formalités du pèlerinage à La Mecque.
Il faut rappeler que ce vol annulé ce samedi faute d’avion est différent de celui du jeudi qui devait transporter 290 pèlerins. Finalement, après un retard d’un jour, ils ont pu trouver un vol dans la journée du samedi. Cheikh Bamba Dièye, directeur général de Aibd : «nous reconnaissons le tort qu’Air Sénégal vous a causé».
Malgré la polémique, il faut noter qu’Air Sénégal n’a fait aucune communication pour s’expliquer. Mais dans une vidéo disponible sur les réseaux sociaux, le Directeur général de l’AIBD s’est expliqué devant des pèlerins sur la situation. Sans donner les raisons de ces retards de vol enregistrés, Cheikh Bamba Dièye s’est contenté de reconnaître le désagrément causé par la compagnie nationale aux pèlerins. «Nous reconnaissons le tort et le désagrément qu’Air Sénégal vous a causé. Nous reconnaissons et assumons nos responsabilités dans ce retard. Nous allons prendre toutes nos responsabilités pour vous chercher un avion. Nous n’allons pas vous donner de fausses informations», a reconnu le Directeur de l’Aibd S.A non sans ajouter : «Il n’y a pas de solution possible. On ne peut pas vous mettre sur d’autres vols, c’est pourquoi on vous prie d’attendre, ne serait-ce qu’un jour, le temps de nous permettre de nous organiser et de vous convoyer.»
LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT DE CAPITAUX : LES RÉSULTATS PEU RELUISANTS DE LA CEDEAO SELON LE GIABA
Il est temps que les membres du Comité interministériel prenne l’initiative d’assurer l’efficacité des cadres juridiques et de la législation sur la lutte…
Les résultats obtenus par les 15 États membres de la CEDEAO dans la lutte contre le blanchiment de capitaux, sont peu reluisants, a révélé, Edwin Harris, directeur général du Groupe intergouvernemental d’action contre le blanchiment d’argent en Afrique de l’Ouest (GIABA).
”Alors que nous achevons le second cycle des évaluations mutuelles en novembre 2024, les résultats obtenus par les 15 États membres de la CEDEAO renvoient une image peu reluisante de notre région et soulignent la nécessité pour nous tous de redoubler d’efforts et de travailler plus ardument afin de changer la réalité des choses“, a-t-il dit, lors de la 28-ème réunion du comité ministériel du GIABA.
”La plupart de nos États membres évalués à date, ont obtenu des résultats faibles dans les volets relatifs à l’efficacité de leur évaluation mutuelle“, a rapporté l’officiel.
Parmi les organismes d’évaluation, a poursuivi Harris, ”le GIABA a enregistré 138 notes faibles en matière d’efficacité, tandis que cinq de nos pays ont obtenu de faibles notes au titre de l’efficacité dans tous les 11 résultats immédiats“.
Il estime qu’ “il est temps que les membres du Comité interministériel prenne l’initiative d’assurer l’efficacité de nos cadres juridiques et de notre législation sur la lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la prolifération, ce qui renforcera le niveau d’efficacité en vue du prochain cycle“.
La 28-ème réunion du comité ministériel se tient après la 41-ème réunion de la Commission technique plénière du GIABA.
Après que l’organe technique s’est penché sur certaines questions et a fait des suggestions, le comité ministériel, s’est retrouvé à Pointe Sarène (Mbour, Ouest) pour valider lesdites suggestions et s’assurer de l’existence de moyens d’améliorer la situation, a expliqué Prince Lateef Fagbemi, président du 28-ème Comité ministériel du GIABA, par ailleurs procureur général et ministre de la Justice de la République fédérale du Nigéria.
Pour sa part, le ministre de la Justice et Garde des sceaux, Ousmane Diagne, a assuré le Comité de l’engagement de son département ”à mettre en œuvre toutes les recommandations relatives à la prévention, à la détection, aux poursuites, aux condamnations et recouvrement des avoirs, sur la base d’une large coopération internationale“.
Il a rappelé par ailleurs que les nouvelles autorités sénégalaises accordent un intérêt particulier à la lutte contre le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme et la prolifération des armes, un des piliers majeurs d’une politique de bonne gouvernance viable.
LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT DE CAPITAUX : LES RÉSULTATS PEU RELUISANTS DE LA CEDEAO SELON LE GIABA
Il est temps que les membres du Comité interministériel prenne l’initiative d’assurer l’efficacité des cadres juridiques et de la législation sur la lutte…
Les résultats obtenus par les 15 États membres de la CEDEAO dans la lutte contre le blanchiment de capitaux, sont peu reluisants, a révélé, Edwin Harris, directeur général du Groupe intergouvernemental d’action contre le blanchiment d’argent en Afrique de l’Ouest (GIABA).
”Alors que nous achevons le second cycle des évaluations mutuelles en novembre 2024, les résultats obtenus par les 15 États membres de la CEDEAO renvoient une image peu reluisante de notre région et soulignent la nécessité pour nous tous de redoubler d’efforts et de travailler plus ardument afin de changer la réalité des choses“, a-t-il dit, lors de la 28-ème réunion du comité ministériel du GIABA.
”La plupart de nos États membres évalués à date, ont obtenu des résultats faibles dans les volets relatifs à l’efficacité de leur évaluation mutuelle“, a rapporté l’officiel.
Parmi les organismes d’évaluation, a poursuivi Harris, ”le GIABA a enregistré 138 notes faibles en matière d’efficacité, tandis que cinq de nos pays ont obtenu de faibles notes au titre de l’efficacité dans tous les 11 résultats immédiats“.
Il estime qu’ “il est temps que les membres du Comité interministériel prenne l’initiative d’assurer l’efficacité de nos cadres juridiques et de notre législation sur la lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la prolifération, ce qui renforcera le niveau d’efficacité en vue du prochain cycle“.
La 28-ème réunion du comité ministériel se tient après la 41-ème réunion de la Commission technique plénière du GIABA.
Après que l’organe technique s’est penché sur certaines questions et a fait des suggestions, le comité ministériel, s’est retrouvé à Pointe Sarène (Mbour, Ouest) pour valider lesdites suggestions et s’assurer de l’existence de moyens d’améliorer la situation, a expliqué Prince Lateef Fagbemi, président du 28-ème Comité ministériel du GIABA, par ailleurs procureur général et ministre de la Justice de la République fédérale du Nigéria.
Pour sa part, le ministre de la Justice et Garde des sceaux, Ousmane Diagne, a assuré le Comité de l’engagement de son département ”à mettre en œuvre toutes les recommandations relatives à la prévention, à la détection, aux poursuites, aux condamnations et recouvrement des avoirs, sur la base d’une large coopération internationale“.
Il a rappelé par ailleurs que les nouvelles autorités sénégalaises accordent un intérêt particulier à la lutte contre le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme et la prolifération des armes, un des piliers majeurs d’une politique de bonne gouvernance viable.
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UNE NÉCESSAIRE REFONDATION MORALE
Rompre avec le passé, punir les fautes, réformer et rassembler : l'universitaire Mamadou Diouf détaille les chantiers titanesques qui attendent le nouveau pouvoir afin de transformer durablement le pays
Pour l'éminent historien et professeur à Columbia University, Mamadou Diouf, l'avènement du duo Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko à la tête du Sénégal représente une formidable opportunité de "transformer en profondeur le système politique et institutionnel hérité depuis l'indépendance". C'est le message fort qu'il a livré dans l'émission "Objection" de Sud FM.
Analysant la rupture induite par cette nouvelle équipe dirigeante, le Professeur Diouf a relevé "leur organisation politique novatrice, leur capacité à se constituer en force autonome sans passer par les réseaux confrériques traditionnels". Un vent de fraîcheur et d'indépendance pour "permettre une véritable déconstruction du système clientéliste et néo-patrimonial".
Selon lui, les défis à relever sont immenses pour ces nouveaux leaders: "Non seulement rompre avec les pratiques antérieures, réformer en profondeur, mais aussi punir les fautes, tout en portant un projet rassembleur de reconstruction nationale et morale". Un chantier titanesque pour "recréer une citoyenneté dynamique" et "restaurer le rêve et le bonheur des jeunes sénégalais".
Pour y parvenir, Diouf a conseillé de puiser dans l'héritage de Senghor, "en s'appuyant sur le modèle des 'petites patries', où s'enracinent les solidarités communautaires". Un projet d'"enraciner le nouveau dans l'ancien" pour asseoir une véritable légitimité populaire.
Cependant, l'universitaire a également insisté sur le rôle crucial d'une opposition forte, entretenant "un dialogue permanent avec le peuple, seul détenteur légitime du pouvoir". Contrôler, mais aussi contribuer dans un esprit de "construction citoyenne".
Face aux immenses attentes, l'invité de Baye Omar Gueye a rappelé qu'"ils ne pourront relever les défis qu'avec les Sénégalais et en accord avec eux". Un chemin semé d'embûches, mais une perspective historique de changement véritable pour ce pays qui, selon lui, a urgemment besoin d'une "refondation morale globale".
LE SAHEL, UN ENFER POUR LES VOIX DISSIDENTES
Au Mali, au Burkina et au Niger, les juntes ont instauré un régime de terreur. Exils forcés, enlèvements, emprisonnements arbitraires... Telle est la cruelle réalité pour ceux qui osent s'élever contre la férule des nouveaux maîtres de la région
(SenePlus) - Depuis les coups d'État militaires au Mali, au Burkina Faso et au Niger entre 2020 et 2023, les juntes au pouvoir ont muselé toute opposition, traquant sans relâche les voix critiques. Hommes politiques, acteurs de la société civile et militaires sortis du rang se voient contraints à l'exil, au silence forcé ou à la prison, comme le rapporte une analyse du journal Le Monde.
L'avocat Guy Hervé Kam, figure de la contestation burkinabè, en a fait l'amère expérience fin mai. Brièvement libéré après son enlèvement en janvier, il a été de nouveau kidnappé le soir même par des hommes armés. Même traitement pour le lieutenant-colonel Emmanuel Zoungrana, ex-chef des redoutables "Mambas verts", incarcéré à plusieurs reprises depuis 2022.
Au Burkina, le régime du capitaine Traoré s'est "transformé en machine répressive infernale". L'ancien ministre Ablassé Ouedraogo, 70 ans, arrêté en décembre, a été envoyé 3 mois au front avant d'être libéré et de s'exiler au Canada. La junte a récemment prolongé son pouvoir de 5 ans sans ses opposants.
Au Mali voisin, Boubacar Karamoko Traoré, critique de la junte, a été arrêté lundi pour "atteinte au crédit de l'État". Oumar Mariko, vétéran de l'opposition, en exil à Paris, raconte sa fuite en mai 2022 pour "échapper à la traque des putschistes" après avoir dénoncé un massacre de civils imputé à l'armée et aux mercenaires russes de Wagner.
"A partir de ce moment-là, je ne suis plus retourné chez moi et suis entré en clandestinité", confie-t-il, fuyant d'abord vers la Côte d'Ivoire avant de rejoindre la France, d'où il organise des réunions en ligne avec ses militants.
Face à l'horizon démocratique bouché, des exilés ont formé samedi un "gouvernement civil de transition symbolique" pour diriger le Mali, appelant à manifester le 7 juin contre la vie chère. Mais seuls les pro-juntes peuvent désormais manifester librement à Bamako, Ouagadougou et Niamey.
"La vie politique s'est repliée sur les réseaux sociaux car il est désormais interdit d'exprimer des opinions contraires", déplore Chékaraou Barou Ange, ex-conseiller du président nigérien déchu, Mohamed Bazoum, détenu avec son épouse.
Un ancien ministre en exil estime que "le changement ne viendra pas des politiques mais de l'armée" face à la répression des juntes. "Il faut attendre que des militaires plus raisonnables viennent mettre un terme à leur pouvoir", espère-t-il, dans une région où la démocratie semble aujourd'hui une chimère.
par Patrick Chamoiseau
IL N'Y A PAS D'ULTRAMARINS, IL N'Y A QUE DES PEUPLES-NATIONS ENCORE SANS ÉTAT
La Kanaky (convulsive sous le mépris, la violence et la mort) offre à la vieille République française une occasion de se moderniser. Sa revendication exige une autre vision du monde. Elle demande un réexamen de ce qui se « crie » tristement « Outre-mer »
La Kanaky (maintenant convulsive sous le mépris, la violence et la mort) offre à la vieille République française une occasion de se moderniser. Sa juste revendication exige une autre vision du monde. Elle demande aussi un réexamen de ce qui se « crie » tristement « Outre-mer ». Cette estampille ténébreuse camoufle ensemble un système et un syndrome.
Système, parce que, depuis des décennies (déjouant les mannes européennes et les paternalistes plans de développement), tous les indicateurs mortifères attestent d'une évidence : ces situations humaines demeurent largement en dessous du niveau de bienêtre humain que l'on pourrait attendre de terres dites « françaises ». Syndrome, parce que dans ces pays-là, les signes pathologiques d'assistanat, de dépendance ou de déresponsabilisation sont les mêmes et sévissent de concert.
La mondialité
Via la Kanaky, ces pays méprisés par la France offrent à la compréhension du monde une réalité encore inaperçue. Celle-ci ne peut se percevoir par l'unique prisme du « colonial », comme le pensent encore les activistes décoloniaux. Le fait (ou mé-fait) colonial n'est qu'une donnée parmi d'autres. Il nous faut sortir de la prégnance occidentale (seule aujourd'hui à raconter le monde), et entreprendre d'inventorier, une à une, toutes les forces visibles et invisibles qui ont œuvré à l'accouchement de notre époque. En attendant, commençons par ouvrir notre focale à la mondialité.
Le poète Édouard Glissant appelait ainsi la résultante d'un tourbillon complexe. On y trouve enchevêtrées, les évolutions impénétrables du Vivant, les emmêlées des peuples, cultures et civilisations, résultant des chocs coloniaux, du broiement des empires, puis du capitalisme protéiforme. Une des résultantes cruciales de ce chaosmos : l'individuation. Cette force a éjecté des millions d'individus des vieux corsets communautaires pour précipiter leurs combats, leurs rêves, leurs idéaux, vers des accomplissements imprévisibles dans la matière du monde. Les individus les plus accomplis (ceux qui, de par leurs divers engagements, habitent sinon des communautés mais des multitudes de « Nous ») forment aujourd'hui une matière noire du monde bien plus décisive que celle des communautés archaïques ou des vieux États-nations. Dès lors, si la mondialisation économique est un standard barbare, la mondialité est une matrice vivante ; un en-commun infra-planétaire où les « Nous » s'entremêlent et relient par des agentivités créatives tout ce qui se trouvait séparé. C'est de cette matrice encore invisible à nos yeux que va surgir, tôt ou tard, un autre monde, encore imprédictible.
La relation
Cette mondialité peut nous aider à comprendre la Kanaky, et à mesurer combien la Constitution française est maintenant obsolète. Surtout inacceptable. Elle verrouille (sous une fiction absurde de « départements », « régions », « collectivités » ou « territoires » d'Outre-mer) des complexités territoriales, historiques et humaines qui lui sont étrangères. Ce ne sont pas des choses « ultramarines ». Ce sont des peuples-nations, encore dépourvus de structures étatiques ! Ils ont surgi d'une alchimie que les anthropologues reconnaissent maintenant comme étant une « créolisation ». Ce terme souligne ce qui se produit quand, de manière immédiate, massive et brutale, des peuples, des civilisations, des individus (mais aussi des interactions amplifiées entre les écosystèmes, biotopes et biocénoses) imposent aux existences une entité globale de référence : celle de Gaïa qu'aimait Bruno Latour, de cette Mère-patrie dont parle Edgar Morin, ou de ce chaosmos poétique que Glissant nomme Tout-monde.
Cet entremêlement inextricable du Vivant et des Hommes se serait inévitablement produit car notre planète est ronde et parce que le vivant est avant tout une mobilité. Prenons, la traite des Africains, l'esclavage de type américain, le système des plantations et des extractions massives. Ajoutons-y, la colonisation, le capitalisme, la prolifération urbaine et les systémies technoscientifiques, on aura alors à peine esquissé le plus visible d'un processus insondable : celui de la Relation. Cette notion du tout relié à tout dans des fluidités inter-rétro-actives constitue le principe actif de la créolisation. C'est d'elle qu'ont surgi ces peuples-nations que la Constitution française ne comprend pas. Elle les verrouille sous un effarouchement « indivisible » et fonde sa cinquième République sur un aussi fictif que monolithique « peuple français ». Elle réduit ainsi à de simples « populations » les entités humaines formidables que son bond colonial et son histoire relationnelle ont rendu solidaires de sa présence au monde.
Peuples ataviques et peuples composites
Mais le plus important, c'est ceci : dans la Relation, dessous le couvercle « Outre-mer », il y a aujourd'hui deux types de peuples : les peuples ataviques et les peuples composites. Les peuples ataviques (mélanésiens de Kanaky ; polynésiens ; mahorais ; peuples originels de Guyane…) disposent d'une antériorité multimillénaire sur l'emprise du mé-fait colonial.
Les peuples composites (Martinique, Guadeloupe, Réunion...) sont des surgissements (des créolités) de la créolisation. Complètement nouveaux, ils sont les derniers peuples de l'aventure humaine à être apparus sur cette terre. Ils n'ont pas d'antériorité qui se perd dans la nuit des temps. Ils sont nés dans le vortex relationnel où se retrouvent les communautés fracassées et les individuations. Ils mélangent presque toutes les présences anthropiques planétaires. La conscience qu'ils ont désormais d'eux-mêmes en fait de véritables nations qui attendent d'être reconnues comme telles — ce que ne nul ne sait faire, à commencer par les politiciens français qui distinguent encore à peine les peuples ataviques et rechignent à comprendre leur revendication d'une existence au monde.
La Martinique, la Guadeloupe ont vécu la « désapparition »2 de leurs peuples ataviques. En Kanaky, le peuple atavique des Kanaks a traversé héroïquement les exterminations. Il constitue une part déterminante du peuplement actuel qui, avec les diverses migrations et le choc colonial, est dorénavant une entité post-atavique. Car le mé-fait colonial et ses fluidités migrantes collatérales ont installé des complexités anthropologiques désormais inextricables. Elles obligent les peuples ataviques à composer avec des implantations nées de la colonisation et des mouvements relationnels du vivant. C'est la beauté de Nelson Mandela d'avoir su admettre la présence blanche dans le devenir de l'Afrique du Sud alors qu'il avait le pouvoir de la frapper. C'est la beauté de Mahmoud Darwich et des grands politiques palestiniens confrontés à l'irréversible implantation des Juifs. C'est surtout la beauté de Jean-Marie Tjibaou d'avoir accepté l'hybridation caldoche alors que cette dernière avait (conserve encore) de son sang sur les mains… L'agentivité de ces hommes ne s'est pas laissée enfermer dans un imaginaire communautaire ancien ou dans les frappes et contres-frappes coloniales : elles les ont dépassés pour deviner la mondialité et pour donner une âme fraternelle à la Relation. Ces hommes ont maintenu ainsi — pour tous, au nom de tous — une espérance.
L'éthique d'un nouveau vivre-ensemble
Dès lors, une éthique de la Relation s'impose. Quand le peuple atavique subsiste dans une sédimentation composite, la bienséance du nouveau vivre-ensemble exige de lui remettre la prééminence sur le devenir de son pays : nul ne saurait démanteler ce qui l'unit à sa terre, laquelle est toujours faite (comme le disait Jean Guiart) du sang noble de ses morts.
Quand le composite est entièrement fondateur d'un nouveau peuple, il faut — non pas ignorer son existence (comme cela se fait actuellement en France pour la Guadeloupe ou pour la Martinique), mais considérer qu'il y a là une entité nouvelle, qui n'est réductible à aucune de ses composantes, qu'elle soit dominée, qu'elle soit dominante, et qui détient une autorité légitime sur le devenir de sa terre.
Le devenir des peuples ataviques est d'être post-atavique, et progressivement composite, dans l'énergie relationnelle du vivant. Celui des peuples d'emblée composites, est d'aller de la manière la plus haute, la plus humaine, la plus poétiquement ouverte et fraternelle, aux fastes de la Relation.
C'est cet imaginaire de la Relation qui nous donnera le goût de la diversité qui est au principe du vivant, d'en percevoir la profonde unité qui n'a rien à voir avec l'Universel occidental, et d'en goûter l'inépuisable diversité dont le trésor est cette insaisissable unité qui ne vit, ne s'accomplit, que dans son évolutive diversité.
Une Kanaky Kanak
Cette éthique oblige donc que le corps électoral de Kanaky n'autorise aux votes déterminants que les Kanaks. Que s'y adjoignent ceux qui, venus d'ailleurs, ont été identifiés par les accords de Nouméa (1988,1998). C'est l'autorité à venir, à prépondérance kanake, qui seule pourra décider des évolutions de son système électoral.
Kanaka signifiait : être humain. Kanak signifie pour nous, pour tous, l'espérance possible d'un nouvel humanisme. Restituée à son imaginaire kanak, la Kanaky disposera de toutes les chances pour trouver un nouvel espace-temps, échapper à la gravité morbide du trou noir capitaliste, réenchanter notre rapport au vivant, et habiter enfin poétiquement la terre selon le vœu de ce cher Hölderlin.
Quant à la modernisation relationnelle de la Constitution française, elle est très simple : il suffit de proclamer une sixième République ; de la rendre capable d'accueillir en pleine autorité tous les peuples-nations (peuples nouveaux de la Relation) qui le voudraient ; d'inaugurer ainsi le pacte républicain ouvert qu'exige la nouvelle réalité (post-coloniale, postcapitaliste, post-occidentale) qu'annonce notre mondialité.
L'exploitation du nickel, le domaine maritime, la biodiversité, l'activité spatiale ou le souci géostratégique doivent désormais s'inscrire dans le respect des peuples concernés. Nous avons rendez-vous là où les océans se rencontrent, disait mystérieusement Glissant. Que disparaisse dans cette rencontre l'Outre-mer de la France !
Patrick Chamoiseau, poète, romancier, essayiste, a construit une œuvre protéiforme couronnée de nombreuses distinctions (Prix Carbet de la Caraïbe, Prix Goncourt, Gallimard,1992, Prix marguerite Yourcenar en 2023…) et traduite dans le monde entier. Son esthétique explore la créolisation et les poétiques relationnelles du monde contemporain. Il est aujourd’hui une des présences littéraires les plus importantes de la Caraïbe.
Ce texte a paru en version réduite dans le Libération du 24 mai.
ISLANDE: UNE FEMME D'AFFAIRES DEVRAIT ÊTRE LA PROCHAINE PRÉSIDENTE
Pays de 380.000 habitants, les candidats se présentent traditionnellement en indépendants à cette élection, sans affiliation à un parti. Tout citoyen rassemblant 1.500 signatures peut se présenter.
La femme d'affaires Halla Tomasdottir est bien placée dimanche pour devenir la prochaine présidente de l'Islande, selon des résultats officiels, supplantant l'ancienne Première ministre Katrin Jakobsdottir qui a dû se défendre de critiques la jugeant trop politique pour ce poste.
Mme Jakobsdottir, 48 ans, a concédé sa défaite tôt dimanche, félicitant Mme Tomasdottir, 55 ans.
Fondatrice d'Audur Capital, une société d'investissement créée en 2007 pour promouvoir les valeurs féminines dans le secteur financier, Mme Tomasdottir est la directrice générale de The B Team, une organisation à but non lucratif fondée par le milliardaire britannique Richard Branson pour promouvoir dans les affaires des pratiques respectueuses des valeurs humanitaires et du climat.
Elle sera la deuxième femme à occuper la fonction de présidente en Islande. En 1980, Vigdis Finnbogadottir est devenue la première femme élue démocratiquement dans le monde au poste de cheffe d'Etat.
Le président occupe une fonction largement honorifique en Islande, république parlementaire, mais il est le garant du respect de la Constitution et de l'unité nationale.
Il ou elle a un droit de veto sur les textes parlementaires et peut les soumettre à un référendum.
Mme Tomasdottir se voyait créditée de 34,6% des votes dimanche, avec 71,6% des bulletins dépouillés, contre 25% pour Mme Jakobsdottir qui avait démissionné en avril de son poste de Premier ministre d'un gouvernement gauche-droite pour se présenter au scrutin présidentiel.
Ces résultats dotent Mme Tomasdottir d'un soutien plus fort que prévu par les sondages qui donnaient les deux candidates coude à coude.
"Il me semble que Halla Tomasdottir va devenir la prochaine présidente de l'Islande", a déclaré Mme Jakobsdottir à la télévision nationale RUV. "Je la félicite et je sais qu'elle sera une bonne présidente".
Mme Tomasdottir a pour sa part déclaré au quotidien Morgunbladid qu'elle "essayait juste de respirer", ajoutant: "je me sens incroyablement bien. Je sais que ce n'est pas fini tant que ce n'est pas fini. Donc j'essaie juste de rester calme et de respirer".
Aucune thématique n'a percé lors de la campagne. En Islande, pays de 380.000 habitants, les candidats se présentent traditionnellement en indépendants à cette élection, sans affiliation à un parti. Tout citoyen rassemblant 1.500 signatures peut se présenter.
Mme Jakobsdottir a été perçue un temps comme la favorite parmi les 13 candidats à l'élection de samedi.
Mme Tomasdottir succèdera au très populaire Gudni Johannesson, en poste depuis 2016, qui ne se représentait pas.
MEXIQUE: CLAUDIA SHEINBAUM DONNÉE GRANDE FAVORITE DU SCRUTIN
La lutte contre la violence des cartels, des gangs et des bandes sera le premier défi de la future présidente...
La candidate de la gauche Claudia Sheinbaum est donnée avec 17 points d'avance dans les intentions de vote. Près de 100 millions de Mexicains sont attendus dans les bureaux de vote ce dimanche 2 juin en ce jour d'élection.
Un moment inédit dans un pays marqué par les féminicides. Le Mexique s'apprête à élire pour la première fois ce dimanche 2 juin une femme comme présidente, deux candidates étant données comme nettement favorites à la victoire finale.
Près de 100 millions d'électeurs sont attendus dans les bureaux de vote du plus grand pays hispanique au monde, où l'Organisation des nations unies (ONU) recense 9 à 10 féminicides par jour.
Les premiers bureaux de vote ouvriront à 8 heures, heure locale, soit 16 heures, heure de Paris, ce dimanche, à Yucatan, dans l'est du pays, puis une heure plus tard dans le centre du Mexique.
La candidate de gauche donnée avec 17 points d'avance
La grande favorite est la candidate de la gauche au pouvoir, Claudia Sheinbaum, du Mouvement pour la régénération nationale (Morena).
En trois mois de campagne, l'ex-maire de Mexico (2018-2023) a régulièrement devancé de 17 points en moyenne dans les sondages sa rivale de centre-droit Xochitl Galvez, soutenue par une coalition de trois partis.
Outre ces deux candidates, Jorge Maynez, 38 ans, représentant du minoritaire Mouvement citoyen, se présentera en outsider.
"C'est le temps des femmes"
"Nous allons entrer dans l'histoire", a proclamé Claudia Sheinbaum, 61 ans, portée par la popularité du président sortant Andres Manuel Lopez Obrador, 70 ans.
"C'est le temps des femmes et de la transformation", a-t-elle lancé à l'adresse des Mexicaines, qui dénoncent à l'unisson une société machiste.
"Cela veut dire vivre sans peur et être libres de violences", a ajouté Claudia Sheinbaum. "Chaque jour, une moyenne de neuf à dix femmes sont assassinées (au Mexique)", selon l'ONU Femmes.