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25 novembre 2024
International
AFRIQUE DU SUD : FIN IMMINENTE DU RÈGNE DE L'ANC
Le parti au pouvoir devra aussi peser les conséquences d'un rapprochement avec l'EFF et ses revendications incendiaires comme la redistribution des terres aux noirs et la nationalisation de secteurs économiques clefs.
Le Congrès national africain (ANC), qui règne sur l'Afrique du Sud depuis trente ans, est sur le point de perdre pour la première fois sa majorité absolue au Parlement. Les résultats quasi complets des législatives ne laissent plus de place au doute.
Avec le dépouillement de 97,7% des bureaux de vote, le parti historique recueillait seulement 40,1% des voix, selon la Commission électorale.
L'ANC minoritaire
La plus grande formation d'opposition (Alliance démocratique, DA) rassemblait 21,7% des suffrages exprimés, suivi du MK de l'ex-président Jacob Zuma à 14,8%, tandis que les radicaux de gauche des Combattants pour la liberté économique restaient aux alentours de 9%.
La participation s'établit pour l'instant à 58,6% en baisse par rapport aux 66% des dernières législatives en 2019. Les résultats définitifs seront annoncés au cours du weekend.
A l'issue du scrutin, le plus disputé de l'histoire de la démocratie née dans le pays avec l'élection du premier président sud-africain noir Nelson Mandela, 400 députés seront élus. Ils désigneront le prochain président.
Plus de 14% pour le parti de Jacob Zuma
Depuis les premières élections multiraciales en 1994, l'ANC tout-puissant avait remporté chaque scrutin national avec une large majorité. Mais la désillusion des 62 millions de Sud-Africains a cette fois vaincu une loyauté jusqu'ici sans faille envers le mouvement qui a libéré le pays du joug de l'apartheid.
Trente ans après l'avènement de la démocratie, le chômage frappe un tiers de ceux en âge de travailler. La pauvreté et les inégalités vont croissant, la criminalité bat régulièrement ses propres records.
Et les coupures d'eau et d'électricité rappellent au quotidien à quel point le rêve d'une nation avec accès à l'éducation et un logement pour tous, promise par l'ANC à la libération, est encore loin d'être réalisé.
Des millions d'électeurs se sont rendus aux urnes mercredi, faisant parfois la queue jusque tard dans la nuit, pour exprimer une colère qui couvait déjà: l'ANC qui l'avait emporté avec près de 70% des voix en 2004, n'avait rassemblé que 57% des suffrages exprimés en 2019.
Ramener les dissidents au sein de la CEDEAO, une équation insoluble pour le Sénégal ? Après leur retrait, le Mali, le Burkina et le Niger semblent bien décidés à persister dans cette voie loin des "règles démocratiques" de l'organisation ouest-africaine
(SenePlus) - En visite officielle à Bamako et Ouagadougou jeudi 3 mai, le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye s'est donné pour mission de convaincre le Mali, le Burkina Faso et le Niger de revenir au sein de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao), dont ils ont annoncé leur retrait en janvier. Une tâche ardue, selon une analyse de RFI.
"Leur décision est irréversible", ont martelé à plusieurs reprises les dirigeants de ces trois pays formant l'Alliance des États du Sahel (AES). Pourtant, à l'issue de sa visite, Diomaye Faye a jugé la position malienne "rigide, mais pas totalement inflexible", espérant poursuivre ses efforts de médiation.
Mahamadou Konaté, enseignant en relations internationales à l'Université de Bamako et directeur du Bureau d'études Donko, doute du réalisme d'une telle démarche. "C'est osé ! Lui-même sait que cela va être laborieux et que rien n'est gagné d'avance", déclare-t-il à RFI.
Selon Konaté, le retrait de la Cédéao est une "stratégie qui a fort bien réussi" pour l'AES, n'ayant essuyé aucune sanction depuis son annonce. "De leur côté, on peut sentir une unité très affirmée, une détermination. De l'autre côté, malheureusement, on sent de la division et de l'hésitation", poursuit l'analyste.
"Les États du Sahel qui ont choisi de se retirer de la Cédéao l'ont fait après un calcul", rappelle Konaté. Le Mali a déjà mis en place un comité dédié, réuni une première fois en avril, tandis que la consolidation de l'AES, présentée comme alternative à la Cédéao, avance à grands pas.
"Ils ont ficelé les projets de texte qui doivent organiser la confédération de l'AES, et qui seront bientôt validés par le sommet des chefs d'État", explique Konaté. "Pour le moment, la priorité c'est l'AES. Il ne faut pas se faire d'illusions : tant que ces pays ne jugeront pas nécessaire d'organiser des élections crédibles, rien ne bougera."
En effet, revenir dans la Cédéao impliquerait d'en accepter les règles démocratiques, une perspective qui n'intéresse guère les dirigeants de l'AES pour l'heure, même en cas de réforme de l'organisation sous-régionale.
Face à la détermination apparemment inébranlable des pays du Sahel, le président Diomaye Faye semble avoir un défi de taille pour les convaincre de renoncer à leur trajectoire de consolidation de l'AES
QUAND SENGHOR A FAILLI RÉSOUDRE LE CONFLIT ISRAÉLO-PALESTINIEN
En 1971, quatre présidents africains croyaient tenir une solution au conflit. Mais le revirement d'Israël sonna comme une trahison pour le continent. Depuis, l'Afrique noire reste engagée auprès des Palestiniens
«Marche pour la Palestine au Sénégal», «L’ apartheid» d’Israël contre les Palestiniens pire qu’en Afrique du Sud, accuse Pretoria». Ces deux titres repris par la presse internationale illustrent le soutien de l’Afrique noire à la cause palestinienne. Tout commence au début des années 1970 par une mission diplomatique entreprise par 4 présidents africains menés par Léopold Sédar Senghor. Par la suite, d’autres actions fortes vont venir renforcer ce soutien à la Palestine.
En 1971, quatre présidents africains se rendent en Israël dans l’espoir de faire aboutir des efforts diplomatiques entrepris depuis la fin de la «Guerre de Six Jours» (1967). Au terme de cette guerre, la Commission Jarring est mise en place pour aboutir à un accord de paix durable entre Israël et ses voisins arabes. Les négociations calent sur la question de la rétrocession des territoires annexés par Israël : le Sinaï égyptien, le Golan syrien et la Cisjordanie. En un essai, l’Afrique allait-elle réussir là où les autres initiatives diplomatiques se sont avérées infructueuses ? C’est ce qu’espéraient Senghor (Sénégal), Ahidjo (Cameroun), Mobutu (Zaïre) et Gowon (Nigéria). Ces quatre présidents mandatés par l’Oua (Organisation de l’unité africaine) rencontrent le leader palestinien, Yasser Arafat, puis Golda Meir, la Première ministre israélienne. Ils leur font une proposition de sortie de crise acceptée par les deux parties. L’accord impliquait la création d’un Etat palestinien viable avec des frontières sûres aux côtés d’un État israélien dont le droit à l’existence sera reconnu par les pays arabes. Senghor obtient même de Golda Meir que le chef de la diplomatie israélienne évoque l’accord négocié à la tribune des Nations Unies. Malheureusement, «un quart d’heure avant de prendre la parole, Abba Eban reçut de Golda Meir, sa Première ministre, l’ordre d’enlever de son discours le passage acceptant la proposition des quatre chefs d’État africains», rapporte Abdou Diouf qui était alors Premier ministre. La raison de ce revirement n’est pas connue mais pour l’Afrique, cette initiative diplomatique était plus qu’un échec, c’était une humiliation collective. A partir de ce moment-là, le soutien à la Palestine sera constant tandis que les relations avec Israël vont s’envenimer.
L’Afrique et le Sénégal au chevet de la Palestine
Deux ans plus tard a lieu la guerre du Kippour opposant Israël à l’Egypte et à la Syrie. Sous la pression des pays arabes usant de l’arme du pétrole et par solidarité pour l’Egypte, presque tous les pays africains rompent leurs relations diplomatiques avec l’État hébreux. Au même moment, l’Afrique multiplie les gestes de soutien à la Palestine. En 1975, le Sénégal est désigné pour présider le Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien. En 1977, le Sénégal est le 1er pays d’Afrique noire à recevoir Yasser Arafat à qui fut aussi remis un passeport diplomatique sénégalais pour faciliter ses déplacements sur le continent. En 1988, c’est en Algérie que Yasser Arafat proclame l’indépendance de l’Etat palestinien. Le Sénégal est l’un des premiers pays à reconnaitre l’Etat palestinien et sera par la suite imité par une majorité de pays africains. Le Cameroun et l’Erythrée sont les seuls pays du Continent à refuser cette reconnaissance. Plus récemment en 2016, le Sénégal a parrainé à l’Onu une résolution condamnant la colonisation par Israël de territoires palestiniens.
GENOCIDE, LE MOT QUI FACHE
Le génocide a une définition simple : «Destruction méthodique d’un groupe humain». Alors, comment se fait-il que le monde ne parvienne pas à s’entendre sur la nature des horreurs perpétrées à Gaza et à Rafah ?
Le génocide a une définition simple : «Destruction méthodique d’un groupe humain». Alors, comment se fait-il que le monde ne parvienne pas à s’entendre sur la nature des horreurs perpétrées à Gaza et à Rafah ?
Des donneurs de leçons adeptes d’une indignation sélective, on a eu deux sortes de réactions : un silence gêné pour les moins indécents et un débat sur la frontière entre légitime défense et épuration ethnique pour ceux dont le sens moral est assujetti à l’intérêt personnel. «Ce qui se passe en Palestine n’est pas un génocide», assure Joe Biden. Peut-être, devons-nous attendre qu’une majorité de Gazaouis soient exterminés pour que leur martyre soit enfin élevé au rang de génocide ? Du courage, encore quelques mois de massacres de femmes et d’enfants et on y parviendra peut-être ! Comment éviter un génocide s’il faut attendre qu’il soit entièrement perpétré avant de réagir ? Le crime le plus grave serait-il le crime le plus difficile à prévenir ? Cela dépend de qui est la victime et de qui est le bourreau.
30 ans plus tôt, le génocide rwandais
Pourquoi refuser de parler de génocide ? C’est simple, d’après le droit international, le monde a l’obligation d’intervenir militairement s’il le faut, quand un génocide est en cours. L’admission d’un génocide est exclue car elle est incompatible avec la politique de l’indifférence ou de la minimisation adoptée principalement par les États-Unis.
Le génocide fait toujours penser au Rwanda. 800 000 personnes massacrées en moins de 100 jours pendant que le monde se demandait si ces tueries sont une guerre ethnique ou un massacre de masse. Il a fallu que près d’un million de Tutsis perdent la vie pour qu’on reconnaisse qu’il s’agissait bien d’un génocide. Maigre consolation pour ceux qui ont perdu la vie ou un être cher. Des génocides, il y en a eu avant le Rwanda mais on ne pensait pas qu’il y en aurait après. 1994-2024, cela fait exactement 30 ans et on a encore des débats sur ce qui relève de l’épuration ethnique. A ce jour, plus de 36 000 personnes ont été tuées à Gaza. Bien-sûr 36 000, c’est beaucoup moins que 800 000 mais pour les personnes affectées chaque victime est une tragédie incomparable.
Avec l’offensive en cours à Rafah, les pertes en vies humaines vont malheureusement continuer sans parler de la famine et de la prolifération des maladies dans un territoire où les hôpitaux sont bombardés. Quand on revoit des films ou des documentaires sur le génocide des Tutsis, on se demande comment cela a pu se produire ? Gaza nous donne la réponse. L’horreur est perpétrée en présence de deux facteurs : une majorité indignée mais impuissante face à des décideurs politiques indécis ou complices. En attendant, les enfants de Gaza se demandent quel pêché ils ont commis pour se voir déniés le simple droit à la vie.
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LA RTS DÉNONCE DES TENTATIVES D'ENTRAVER LES RÉFORMES
La RTS monte au créneau pour défendre le cap du gouvernement. Dans un plaidoyer offensif, la chaîne publique dénonce les manœuvres déstabilisatrices et réaffirme son soutien à l'agenda de changement radical promis par le nouveau pouvoir
Dans un élément diffusé ce vendredi 31 mai 2024 sur ses antennes, la RTS a dénoncé les tentatives répétées de déstabilisation visant à saper la dynamique de rupture promise par la nouvelle équipe dirigeante. Selon la chaîne dite de service public, "pour les pourfendeurs de la nouvelle équipe gouvernementale, désormais aucune occasion n'est de trop pour saper la dynamique de rupture en cours."
La RTS a pointé du doigt les efforts constants déployés "pour empêcher au chef de l'État et son premier ministre de dérouler l'agenda" de changement radical tant attendu par la population. Malgré les axes clairement définis, il a reconnu que "des lignes vont forcément bouger une fois le travail achevé", ce qui semble déranger certaines sphères.
Évoquant "le milieu politico-affairiste organisé en lobby", la RTS estime que ce dernier était "décidé à faire face" au nouveau pouvoir, arrivé aux affaires avec "un score qui frôle presque le plébiscite". Cependant, prévient la chaîne de télévision, "vouloir se poser de cette façon, c'est s'engager dans une voie sans issue, un long tunnel où l'on risque de ne jamais voir le bout."
L'exemple le plus récent de ces tentatives de déstabilisation, selon la RTS, concerne "l'affaire Mélenchon et le faux débat sur les LGDTQ+", éclipsant le discours marquant du président sur les relations Afrique-Occident lors de la visite du leader français. Un discours qui "a fait écho dans le monde car fixant les nouveaux contours qui devront désormais gouverner un partenariat qui jusque-là était en défaveur de l'Afrique et du Sénégal."
De même, la polémique autour de la nomination de l'officier général Kandé comme attaché de défense a été balayée comme "une énième tentative de détourner l'opinion publique des pas positifs posés par le gouvernement". Citant le décret du 24 mars 2024, la chaîne a rappelé que cette nomination relevait "parfaitement" des prérogatives du chef de l'État.
DIOMAYE FAYE JUGE UNE RÉCONCILIATION POSSIBLE ENTRE PAYS DU SAHEL ET CEDEAO
M. Faye a dit avoir longuement parlé de la Cedeao avec le chef de la junte malienne, le colonel Assimi Goïta. La position malienne, "quoique rigide, n'est pas totalement inflexible", a-t-il dit à la presse au côté du colonel Goïta.
Le nouveau président du Sénégal Bassirou Diomaye Faye a jugé possible jeudi à Bamako et Ouagadougou une réconciliation entre la Communauté des Etats ouest-africains et les trois pays du Sahel qui ont rompu avec la Cedeao sous la conduite des juntes qui les dirigent.
M. Faye, investi en avril, s'est rendu jeudi chez le voisin malien avant d'atterrir au Burkina Faso, effectuant sa première visite dans deux des trois États qui, avec le Niger, ont annoncé en janvier leur sortie de la Cedeao, l'accusant d'être inféodée à l'ancienne puissance coloniale française et de ne pas les avoir assez soutenus contre le jihadisme.
M. Faye a dit avoir longuement parlé de la Cedeao avec le chef de la junte malienne, le colonel Assimi Goïta. La position malienne, "quoique rigide, n'est pas totalement inflexible", a-t-il dit à la presse au côté du colonel Goïta. La Cedeao est "très malmenée", mais "nous ne devons pas nous résigner et dire qu'on ne peut plus rien faire. Il y a des difficultés, il faut parler aux uns et aux autres et les comprendre et à partir du niveau de compréhension et des écarts de position, voir ce qu'il est possible de bâtir à partir du socle qui est existant", a-t-il dit.
"Je ne désespère pas de voir la Cedeao repartir sur des bases nouvelles qui nous évitent la situation que nous traversons aujourd'hui", a-t-il dit sans préciser la forme d'une éventuelle réconciliation. Il avait dit vouloir faire revenir au sein de la Cedeao ces trois pays.
M. Faye a cependant assuré ne pas être venu à Bamako en tant que "médiateur de la Cedeao", mais pour une "prise de contact" qui l'a conduit dans plusieurs autres pays ouest-africains auparavant. "Je ne suis mandaté par aucune instance de la Cedeao", a-t-il insisté.
Arrivé au Burkina dans l'après-midi, M. Faye a été accueilli à Ouagadougou par le chef du pouvoir militaire, le capitaine Ibrahim Traoré. Les relations entre ce pays et la Cedeao ont également été évoquées. "Je comprends aujourd’hui que les positions soient quelque peu figées, mais je perçois dans chacune de ces positions une fenêtre d’ouverture qui permet de nouer un fil de dialogue", a déclaré le président sénégalais, cité dans un communiqué du pouvoir burkinabè.
Selon la même source, M. Faye a affirmé "l'engagement" de son pays "aux côtés" du Burkina. Les deux États souhaitent "raffermir" leurs "relations", notamment sur "le plan commercial", selon ce texte.
Bassirou Diomaye Faye a été élu en promettant la rupture avec l'ancien système. Le chef de l'État prêche le panafricanisme et le souverainisme qui sont aussi des mots d'ordre des régimes militaires qui ont pris le pouvoir lors de putschs successifs au Mali, au Burkina et au Niger depuis 2020.
Le Sénégal partage des centaines de kilomètres de frontières avec le Mali et entretient avec lui d'importantes relations commerciales et humaines. La situation sécuritaire au Mali et au Sahel et le risque de propagation au Sénégal réputé pour sa stabilité sont de longue date une préoccupation forte à Dakar.
LE PERSONNEL POLITIQUE EN CHARGE DU DOSSIER CALÉDONIEN FAIT MINE D’IGNORER LE POIDS DE L’HISTOIRE
Nous sommes en effet dans une situation extrêmement grave. Ce qui se passe peut être interprété comme une logique de recolonisation.
De fortes mobilisations et émeutes ébranlent Nouméa depuis l’adoption par le Sénat d’un projet de loide réforme du corps électoral. Les événements ont déjà fait six morts et l’état d’urgence a été décrété le mercredi 15 mai dernier. Isabelle Merle, spécialiste de l’histoire coloniale des territoires du Pacifique, revient sur une situation explosive.
Vos travaux sur l’histoire de la Nouvelle-Calédonie montrent des moments de tensions particulièrement saillants qu’il parait difficile d’ignorer. Or, la réponse politique aux événements semble les minorer. Comment l’expliquer ?
Isabelle Merle : Il faut insister sur le fait que l’histoire résonne très fort avec ce qui se passe actuellement. Le personnel politique en charge du dossier fait mine de l’ignorer, qu’il s’agisse du ministre de l’Outre Mer, du ministre de la Justice ou du président Macron lui-même.
Cette dimension est pleinement inscrite dans l’histoire coloniale de la France et au cœur de la fabrique même de la nation. C’est pour cela qu’il est aussi au cœur de la crise : c’est une histoire coloniale singulière.
Cette vision prévaut encore en 1972 dans le discours de Pierre Messmer, alors Premier ministre, qui déclarait qu’il fallait « faire du blanc ». On imagine la Nouvelle-Calédonie comme une « petite France australe », à l’image idéalisée de la France hexagonale de l’époque.
Bagnards à Nouméa, arasement de la butte Conneau, vers 1875. Serge Kakou/Actes Sud
Ce projet de peuplement se construit au détriment de la population kanake qui subit jusqu’à la Première Guerre une brutale chute démographique. Les Kanak sont refoulés dans des réserves indigènes, cas unique dans l’Empire français, et soumis au régime de l’indigénat entre 1887 et 1946. La peur d’être diluée et de devenir invisible est donc très ancrée chez les Kanak.
C’est seulement au tournant des années 80 qu’est évoquée l’idée de construire ensemble une histoire, une « communauté de destins » et « un réveil kanak » comme l’écrit David Chappell. Les travaux sur cette histoire et ses figures, comme nous l’avons évoqué avec mon collègue Adrian Muckle parmi d’autres recherches, en témoignent.
« Tjibaou, la parole assassinée », Gilles Dganeau (1998).
C’est dans ce contexte que l’Accord de Nouméa a eu lieu, en 1998. Ce dernier constitue un compromis politique remarquable d’intelligence collective. Il a permis la création d’institutions nouvelles, les Provinces, le Congrès du territoire, le gouvernement collégial et un massif transfert de compétences. La citoyenneté calédonienne en est le principe, fondée sur un corps électoral restreint.
La réforme constitutionnelle d’élargissement de ce corps électoral provincial, que le gouvernement actuel tente d’imposer en force, est considérée comme illégitime. Elle rompt avec une logique politique forgée avec beaucoup de vigilance et de compréhension de l’histoire. C’est comme si les acteurs politiques actuels, dont Emmanuel Macron, trop jeunes à l’époque des évènements de 1984-1988, méconnaissaient cette histoire. Ils ont choisi de s’appuyer sur les figures de la droite locale la plus radicale.
Or cette histoire est profondément inscrite dans la mémoire de la jeunesse qui s’insurge aujourd’hui, à l’instar d’autres mobilisations récentes.
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Est-on arrivé à une impasse politique, telle que vous la redoutiez en 2022, lors du précédent referendum ?
I.M : Nous sommes en effet dans une situation extrêmement grave. Ce qui se passe peut être interprété comme une logique de recolonisation. Je parlerais peut-être plus du « retour du refoulé » impérial ou colonial dans le cas présent. Un peu comme si la France n’avait jamais rompu avec l’idéal ou l’amour de la « plus grande France ».
Les discours d’Emmanuel Macron sur la région Indo-Pacifique indiquent d’ailleurs une volonté d’inscrire la puissance française – contre la Chine, l’Australie, etc. – à travers ses anciens territoires coloniaux.
Or cette politique imposée unilatéralement par l’État n’est plus tolérée par la majorité des Kanak mais aussi par une partie des Calédoniens. À cela s’ajoutent des inégalités sociales et économiques profondes, ce qui rend la situation explosive, notamment auprès d’une grande partie de la jeunesse. D’après l’Institut statistique et des études économiques de Nouvelle-Calédonie, en 2020, un Calédonien sur cinq se trouve en situation de pauvreté monétaire.
Pourtant, l’Accord de Nouméa et la gestion du territoire depuis plus de 30 ans ont montré qu’un compromis politique était possible dans une situation très singulière de l’histoire coloniale française.
La Nouvelle-Calédonie est en effet l’un des seuls territoires colonisés où il y avait une forte population autochtone, contrairement aux Antilles par exemple ou la Guyane. De ce fait, les députés d’autres territoires ultra-marins scrutent avec attention la situation et s’en émeuvent, de même que l’ONU et plusieurs pays du Pacifique.
Vous évoquez une jeunesse « laissée sur le bord du chemin », prenant fortement part aux mobilisations et appelée d’ailleurs, à « rentrer » à la maison. Comment la situation de ces jeunes souligne-t-elle un manque de compréhension des spécificités de la société calédonienne par le gouvernement ?
Le processus de décolonisation interne est resté à la peine : les populations locales, Kanak mais aussi Wallisiens ou Futuniens, sont confrontées à de profondes disparités, et ce dès le plus jeune âge. Le décrochage scolaire est édifiant, de même que les difficultés d’accès à l’emploi ou aux ressources.
Une expression kanake dit d’ailleurs que les enfants ne sont « pas bien assis chez eux » : l’école ne leur enseigne pas ou trop peu leur propre histoire et ils sont mal préparés au futur dessiné par des responsables et des enjeux qui se situent très loin d’eux, aussi bien physiquement que symboliquement. Donc c’est compréhensible qu’aujourd’hui de nombreux jeunes expriment leur colère.
Mais, et il faut le souligner, aucune atteinte à la personne à ce jour a été à déplorer de la part des jeunes incriminés. Certains au contraire sont victimes de tirs venant de « particuliers » armés qui les visent délibérément. Trois jeunes Kanak sont d’ailleurs décédés.
Comment appréhender l’apaisement ? Vous évoquez des solutions qui pourraient venir des marges ou bien de nouveaux modèles à concevoir. Qu’en est-il ?
I.M : : Pour cela il faut d’abord immédiatement cesser une lecture uniquement répressive de la jeunesse kanake. Le déploiement de l’armée devrait se cantonner à de la logistique car son intervention rappellerait les sinistres souvenirs de la grotte d’Ouvéa. L’État d’urgence devrait surtout permettre de réquisitionner toutes les armes en circulation et ce, dans toutes les communautés. Et, martelons-le, en aucun cas la peur ne peut justifier le crime.
Mais comment prendre en compte la composante politique kanake quand le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin qualifie la Cellule de coordination des actions sur le terrain (CCAT) – qui est une union d’associations, de syndicalistes et d’indépendantistes kanak – de « mafieuse » ? Citons aussi le Haut-Commissaire qui évoquait encore récemment le risque d’une guerre civile, jetant ainsi l’huile sur le feu au lieu de rassurer la population avec des paroles d’apaisement.
Pourtant, il existe des solutions qui viennent du territoire lui-même. Nouméa est particulièrement affectée par les violences mais ailleurs en Province Nord, à Bourail par exemple, pourtant à majorité loyaliste, la situation est plus apaisée car il existe notamment un habitus du vivre ensemble.
Peut-être que la séquence politique actuelle permettra cependant de remettre sur la table les problématiques de fond, l’histoire coloniale, les inégalités, l’importance de prendre en compte le poids politique des Calédoniens afin de dessiner un autre modèle. On pense ainsi à la notion d’un État associé – état souverain mais librement associé à une ancienne puissance colonisatrice par exemple – qui prévaut dans les îles Cook, Niue, les États fédérés de Micronésie, les îles Marshall et les Palaos, cinq territoires insulaires du Pacifique Sud.
Mais pour l’instant il s’agit d’un impensé politique à l’échelle du gouvernement d’Emmanuel Macron. Or il ne peut y avoir de sortie de crise si l’appréhension de cette dernière n’est ni juste ni équilibrée.
Isabelle Merle, Directrice de recherche au CNRS (CNRS, CREDO, UMR 7308), histoire de la colonisation, histoire du Pacifique et de la Nouvelle-Calédonie,, Aix-Marseille Université (AMU)
Il est déclaré coupable de toutes les charges dans l'affaire du paiement à Stormy Daniels. Une première historique pour un ancien président américain. Trump a immédiatement dénoncé un "jour de honte" promettant le "vrai verdict" à la présidentielle
(SenePlus) - L'ex-président américain Donald Trump a été déclaré coupable hier par un jury new-yorkais de toutes les charges pour lesquelles il était poursuivi, à savoir 34 chefs d'accusation de falsification volontaire de documents comptables dans le but d'influencer l'élection présidentielle de 2016.
Après cinq semaines de procès et moins de deux jours de délibérations, les 12 jurés du tribunal de Manhattan ont reconnu la culpabilité de Donald Trump. Le juge Merchan a annoncé que la peine de l'ancien président serait prononcée le 11 juillet prochain.
Dans sa réaction rapportée par Le Point Afrique, Trump n'a pas caché sa colère face à ce jugement. "« Guilty ! » Quel jour de honte... Le vrai verdict sera le 5 novembre", a-t-il dénoncé selon Le Point Afrique, faisant référence à la prochaine élection présidentielle où il pourrait être de nouveau candidat.
Selon l'accusation, Donald Trump aurait versé 130 000 dollars en 2016 à l'avocat Michael Cohen afin de couvrir les dépenses liées au paiement effectué par ce dernier pour acheter le silence de l'actrice pornographique Stormy Daniels, avec qui Trump aurait eu une liaison en 2006. Ces remboursements, qualifiés de "dépenses juridiques" dans les comptes, constitueraient une falsification destinée à influencer le résultat du scrutin présidentiel.
En théorie, le principal intéressé risque jusqu'à 4 ans de prison pour ce délit. Toutefois, comme le souligne Le Point Afrique, "de nombreux experts doutent qu'il soit condamné à de la prison ferme", compte tenu du fait qu'il s'agit d'une première condamnation pour un crime non-violent.
Ce procès new-yorkais était considéré comme le moins solide des 4 procédures judiciaires en cours contre Donald Trump. Les 3 autres, liés aux documents classifiés stockés à Mar-a-Lago, aux tentatives de renversement des résultats de la présidentielle 2020 ou encore à des pressions sur les autorités de Géorgie, ne devraient pas être jugés avant le scrutin de novembre 2024.
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YORO DIA TANCE LE NOUVEAU POUVOIR ET DÉNONCE UNE PERTE DE TEMPS SUR LA JUSTICE
Le "schéma anglais" dénoncé, des décisions "contre-productives", l'arrêt des travaux sur la corniche pointé du doigt... Dans une longue tirade, l'ancien porte-parole de la présidence sous Macky Sall a passé au crible le pouvoir naissant de Diomaye
Dans une intervention remarquée sur le plateau de l'émission "Soir d'info" de la TFM, Yoro Dia, journaliste et ancien ministre porte-parole du président Macky Sall, n'a pas mâché ses mots. Face au présentateur Pape Abdoulaye Der, il a vivement exprimé les récentes assises de la justice initiées par le nouveau chef de l'État Bassirou Diomaye Faye, le qualifiant de "perte de temps".
Selon l'ancien poids lourd du régime de Macky Sall, le Sénégal ne souffre pas d'un problème judiciaire mais bien d'une urgence économique critique. "Le seul risque politique que court le Sénégal aujourd'hui, c'est une perte de temps. L'État est solide, la République est debout et la démocratie fonctionne", a-t-il martelé, appelant à se concentrer sur la création de richesses et d'emplois plutôt que de s'enliser dans des débats stériles.
Yoro Dia s'est également attaqué au "schéma anglais" dans lequel semble s'installer la nouvelle configuration politique. Un schéma où le président Diomaye Faye accepte d'être cantonné à un rôle honorifique tandis que son premier ministre Ousmane Sonko mène une diplomatie parallèle, qui selon l'ancien ministre, la fascine au point de tisser des liens avec des "pays putschistes".
L'ex-porte-parole présidentiel a ensuite dénoncé avec véhémence l'affectation du général Kandé en tant qu'attaché militaire en Inde, y voyant un très mauvais signal pour ce « valeureux » officier qui a contribué à éviter la partition du pays. "C'est comme si à la veille de la guerre de Sécession, vous nommiez Patton attaché militaire", a-t-il lancé, déplorant une décision qu'il juge contre-productive pour la lutte antiterroriste.
Sur le plan économique, Yoro Dia a pointé du doigt l'arrêt "arbitraire" des travaux sur la corniche, décidé par les nouvelles autorités. Selon lui, cette décision nuit gravement à la sécurité juridique indispensable pour attirer les investisseurs.
L'ancien journaliste a par ailleurs salué la politique d'aide à la presse menée par Macky Sall via l'effacement régulier des dettes fiscales. Tout en reconnaissant que le nouveau pouvoir est libre de perpétuer ou non cette tradition, il a rappelé l'importance d'une presse forte pour la vitalité démocratique.
Dans cette intervention musclée, Yoro Dia semble ainsi tracer une ligne de démarcation ferme avec la nouvelle équipe dirigeante, n'hésitant pas à remettre en cause certains de ses choix dès les premiers mois d'exercice du pouvoir. Un contre-feu politique qui pourrait bien annoncer d’autres passes d’armes à venir.
DES SOLUTIONS AUTRES QUE MILITAIRES A LA CRISE DU SAHEL
La culture permet de poser sur l’autre un regard qui n’est pas nécessairement placé sous le sceau de l’hostilité, mais plutôt sous celui de la fraternité.
AfricaPresse |
Propos recueillis par notre envoyé spécial à Bamako (Mali), Bruno FANUCCHI pour AfricaPresse.Paris (APP) |
Publication 30/05/2024
Membre du Comité scientifique du Forum de Bamako, qui vient de tenir sa XXIVe édition du 23 au 25 mai dans la capitale malienne, le Professeur Alioune SALL est assurément l’un des esprits les plus brillants du Continent. Aux termes de trois jours de débats consacrés à la Culture « facteur de Réconciliation, Paix et Développement », il résume et analyse pour nous les travaux de ce Forum à nul autre pareil en Afrique. Entretien exclusif.
AfricaPresse.Paris (APP) – Professeur, n’êtes-vous pas une figure historique du Forum de Bamako dont vous prononcez toujours la Conférence inaugurale avant de faire la synthèse des travaux ?
Alioune SALL – Cela fait maintenant deux décennies que je participe au Forum de Bamako et je dois cette participation active qui perdure à l’amitié de Abdoullah COULIBALY, qui en est le fondateur et gentiment m’invite toujours à ces rencontres. C’est également à son amitié que je dois d’être choisi pour me livrer à deux exercices, périlleux par moments mais toujours intéressants, consistant à donner le ton aux travaux par le biais de ce que l’on appelle bien pompeusement une conférence inaugurale, qui n’est en réalité rien d’autre qu’un recadrage de la problématique de chaque édition. La synthèse des travaux est un exercice encore plus périlleux : bien souvent pris par le temps, nous n’avons pas le recul nécessaire pour tirer toute la substantifique moelle des entretiens et débats toujours fort riches, et il y a donc un aspect subjectif dans ces recommandations.
APP – Dans la grave situation que connaît le Mali et pratiquement tout le Sahel, n’est-ce pas un petit exploit ?
Alioune SALL – C’est parfaitement exact. Évoquer la réconciliation dans une région qui est aujourd’hui caractérisée par la conflictualité constitue un double pari. C’est faire le pari que la situation actuelle n’a rien d’une fatalité à laquelle nous serions condamnés en permanence et qu’il est donc possible de sortir de la conflictualité et d’aller vers la réconciliation. Le second pari, c’est que la culture – et non les armes – peut être le pont vers la réconciliation. Il y a donc des solutions autres que militaires à la crise que connaît le Sahel. La culture peut être le remède à la crise. C’est un double pari ambitieux et qui ne manque pas de fondements.
« La culture peut être le remède car il n’y a pas de fatalité historique »
APP – La culture peut donc être un réel « facteur de Réconciliation, de Paix et de Développement », selon le thème retenu pour ces trois jours de travaux ?
Alioune SALL – Je le crois, en effet. On a pu voir durant nos travaux que la culture – aussi bien dans ses dimensions anthologiques qu’instrumentales – permet de gérer les différences. Or, un conflit naît toujours de la difficulté à gérer les différences et quand celles-ci sont mal gérées elles évoluent et deviennent des différends. La culture est précisément ce qui devrait permettre d’empêcher la transformation de ces différences en différends. Car la culture permet de poser sur l’autre un regard qui n’est pas nécessairement placé sous le sceau de l’hostilité, mais plutôt sous celui de la fraternité.
APP – Quels furent les principaux temps forts de ce Forum ?
Alioune SALL – À tout seigneur, tout honneur, je pense bien évidemment au discours d’ouverture emprunt d’émotion du Président Abdoullah CCOULIBALY. Il a su avec une très grande éloquence exprimer le sentiment très répandu aujourd’hui selon lequel il faut avoir l’audace de nous regarder pour avoir l’audace d’aller vers l’avenir. C’est quelque chose d’important et qui est – quand on y réfléchit bien – l’essence même de la culture : c’est ce qui nous permet de nous relier à un passé, de nous insérer dans le présent et surtout nous pousse à nous projeter dans l’avenir.
Un autre temps fort aura été constitué par la diversité des perspectives dégagées quant à ce que pouvait être la culture, dans un contexte de fragmentation qui est celui de l’Afrique et – au delà de l’Afrique – du monde qui continue d’être divisé, abîmé, menacé. Mais le message fort de Bamako, c’est qu’il n’y a pas de fatalité historique pour qu’il en soit ainsi. C’est un peu le fil d’Ariane qui a traversé tous les débats et tous les panels sur la valorisation des biens culturels et la question de leur retour, les industries créatives, etc.
Sur tous ces sujets qui auraient pu faire l’objet d’un examen purement technique, le Forum a été l’occasion d’aller au-delà de la froide analyse et d’envisager des réponses pratiques qui pourraient permettre de valoriser la culture.
APP – Des Prix d’excellence ont d’ailleurs été décernés lors de la cérémonie de clôture...
Alioune SALL – Je crois en effet que l’un des temps forts aura également été la reconnaissance par le Forum de figures iconiques telles que le créateur Alphadi ou l’historienne Adam Ba Konaré, qui se sont vus décerner des Prix d’excellence. Sans oublier aussi la reconnaissance d’acteurs qui – sans avoir la même aura – sont au quotidien confrontés à des problèmes auxquels ils essaient de trouver des solutions dont certaines s’appuient sur la culture. C’est le cas de ces jeunes boursiers d’une compagnie privée qui leur a permis de s’équiper sur le plan intellectuel en entrant à l’IHEM (Institut des Hautes Études en Management) ou ceux du Think tank marocain Policy Center for the New South, qui est celle de proposer un autre type de partenariat entre l’Afrique et le monde.