Par leur insigne trivialité, les violences xénophobes d’Afrique du Sud incitent à une lecture manichéenne, voire caricaturale : dans un pays africain, des Noirs, perçus comme les seuls étrangers, sont traqués et massacrés sous le regard narquois de leurs concitoyens Blancs naguère accusés de tous les maux. Ces derniers, ravis, rient sous cape et leur mutisme n’empêche personne d’entendre, hauts et clairs, les mots qui se bousculent dans leur crâne : «Nous vous l’avions bien dit, ils ne connaissent que la trique !», «Ce sont de grands enfants», etc.
Sur les réseaux sociaux, des millions d’Africains se déchaînent et voient dans ces malheureux événements une nouvelle preuve d’on ne sait quelle antique malédiction. Et dans le flot des commentaires il est parfois suggéré, à mi-voix ou entre les lignes, qu’au lieu de s’en prendre à leurs «frères», les émeutiers auraient dû découper les Blancs à la machette et vandaliser leurs luxueuses propriétés.
La question sud-africaine est beaucoup trop importante pour s’accommoder d’un simplisme aussi puéril. On ne peut pas dire aux criminels des townships d’Alexandra et Isipingo : «Vous avez bien raison de tout détruire sur votre passage, vous vous êtes juste trompés de cible !»
Dans le monde où nous vivons, personne n’a le droit de prendre prétexte de ses difficultés pour piller, voler, violer et tuer ses semblables, parfois avec une indicible cruauté. Cela s’appelle la loi de la jungle et la cautionner reviendrait à faire croire à ces jeunes désœuvrés qu’ils sont- si on ose s’exprimer ainsi- une race à part. Le moins qu’on puisse dire est que leur comportement est aux antipodes de l’enseignement de Mandela. Il faut toutefois s’empresser d’ajouter que, contrairement aux apparences, des millions d’autres exclus de la société sud-africaine- «la plus inégalitaire du monde», selon les experts- s’investissent sans relâche, depuis deux décennies, dans des luttes civilisées et intelligentes pour améliorer leurs conditions d’existence. Comme partout ailleurs…
Cela signifie que les manieurs de machettes ivres de haine sont, ainsi que l’ont du reste souligné nombre d’observateurs, une infime minorité.
Un tel constat ne doit cependant pas empêcher de se demander pourquoi leur singulier mode de protestation sociale ne s’est systématisé qu’en Afrique du Sud et pourquoi il y est à l’œuvre depuis si longtemps.
On ne le sait peut-être pas assez mais le rejet des Négro-africains ne date pas, en Afrique du Sud, de la fin de l’apartheid. Les dirigeants de l’ANC qui accèdent au pouvoir en 1994 grâce, notamment, à l’aide du Zimbabwe, de la Zambie et du Mozambique savent bien que les ressortissants de ces Etats voisins- et plus largement tous les étrangers noirs- sont très mal vus dans les townships où on les appelle les Makwerekwere. Le mot, dont l’étymologie reste assez controversée, désignait semble-t-il au départ, de manière plutôt neutre, les migrants originaires du continent. Il est peu à peu devenu profondément méprisant et, selon un article de 2008 du Mail and Guardian, l’hebdo de référence de Johannesburg, il a à voir avec l’idée que ces Africains-là, dont la peau est vue comme trèssombre, sentiraient également mauvais. C’est difficile à croire mais il en est malheureusement ainsi.
Trois siècles d’apartheid, cela ne s’efface pas d’un trait de plume et, comme nous l’enseigne l’histoire humaine, ce que l’on croit être la haine de l’Autre n’est presque toujours que la haine de soi-même.
On aurait pu espérer qu’une fois leur liberté reconquise, les Sud-Africains allaient avoir un regard diffèrent sur les étrangers à la peau noire. En fait, les dures réalités économiques ont pesé davantage que les scrupules éthiques. Au fil des désillusions et de tensions sociales de plus en plus vives, les Makwerekwere sont devenus de commodes bouc-émissaires. On trouve des traces de cette détestation dans «Jerusalema», ambitieux film de Ralph Ziman, qui brosse un portrait très peu flatteur de Nigérians au centre du crime organisé à Johannesburg.
L’élite dirigeante noire, bien contente de rendre d’autres responsables de sa propre faillite, détourne les yeux et même, dans certains cas, théorise avec moult contorsions mentales cette forme primaire de xénophobie. Ici aussi, il faudrait se garder de toute généralisation abusive puisque des figures politiques comme Thabo Mbeki ou le légendaire Ahmed Kathrada- pour ne citer qu’eux- n’ont jamais voulu manger de ce pain-là.
Reste la question qui fâche, à savoir si au-delà de l’incapacité de la direction de l’ANC à se hisser à la hauteur d’enjeux historiques cruciaux, on ne devrait pas indexer la population sud-africaine tout entière pour sa passivité quasi bienveillante à l’égard des bandes xénophobes. Après tout, les tueries de ce mois d’avril ne sont pas une première. Elles se sont simplement accélérées à partir de 1994 et, si deux Sénégalais ont été jetés d’un train en marche en septembre 98, on doit surtout se souvenir qu’avec ses 62 morts, mai-2008 a été une sanglante apothéose. Le supplice du Mozambicain Ernesto Nhamuave, brûlé vif en pleine rue, en reste l’image emblématique.
Si ces crimes n’ont jamais réellement perturbé l’opinion sud-africaine, c’est aussi parce que la stigmatisation des Makwerekwere a pour corollaire une mentalité terriblement isolationniste, fruit d’une histoire particulière et n’épargnant aucune couche sociale. J’ai moi-même fait plusieurs fois l’expérience de ce sentiment typiquement sud-africain d’être soit en dehors du continent soit une grandiose exception en son sein. Je me souviens par exemple d’avoir demandé à ma voisine au cours d’un dîner dans le quartier de Kensington, à Johannesburg, si elle s’était déjà rendue au Sénégal. «Non, m’a-t-elle aussitôt répondu, je n’en ai pas encore eu l’occasion et d’ailleurs je ne suis jamais allée en Afrique !» A mon air stupéfait, elle a réalisé sa bourde et nous en avons beaucoup ri. Je me suis alors interrogé dans mon for intérieur pour savoir si un Noir aurait pu avoir la même réaction. Je crois bien que oui, même si un lapsus aussi peu ambigu était tout à fait exceptionnel.
D’ailleurs, quelques jours plus tard, j’ai entendu un monsieur passablement énervé appeler une émission de radio interactive pour faire sa petite mise au point : «Arrêtons donc de dire que l’Afrique a réussi sa Coupe du Monde, si ça a marché aussi brillamment, c’est parce qu’elle a été organisée par l’Afrique du Sud !» Dans la foulée, cet ardent patriote avait même cité quelque pays africains où, à l’en croire, cela aurait été un désastre total… J’ai vu dans ces propos la confirmation des remarques désabusées d’un cinéaste mozambicain m’assurant que «pour les Sud-Africains, tout ce qui est au nord du Limpopo appartient pratiquement à une autre planète…» Et d’ajouter en souriant : «Ce monde étrange et inconnu, eh bien, ça commence chez moi, à Maputo, à quelques petites heures de route de Johannesburg.»
Il est difficile d’éviter le pire lorsque, sur ce véritable autisme national, viennent se greffer les misères et frustrations du quotidien. Nous parlons ici d’un pays où le taux officiel de chômage, d’ailleurs largement sous-évalué aux dires des spécialistes, oscille entre 25 et 30%. Et le fait qu’il atteigne plus de 50% chez les jeunes Noirs ne peut évidemment pas rester sans conséquences sur la paix sociale. Un chiffre encore plus surprenant est celui des requérants d’asile : autour de 220.000 en 2009, c’est-à-dire le plus élevé au monde, devant les Etats-Unis et l’Allemagne, même s’il est retombé à 62.500 trois ans plus tard. Ces statistiques sont celles du HCR qui constate une nouvelle flambée des demandes puisqu’en janvier 2015 on en était déjà à 246.000.
Avec cinq millions d’étrangers, en majorité africains- soit exactement le dixième de sa population globale- l’Afrique du Sud a vite fait de juger intolérable la pression migratoire. Les exclus du système post-apartheid l’ont particulièrement mal vécue, estimant que les nouveaux venus, plus qualifiés ou plus entreprenants- parce que ne comptant en rien sur l’Etat- leur enlevaient littéralement le pain de la bouche.
Tous les ingrédients d’une situation explosive étaient en quelque sorte en place et chacun s’était plus ou moins résigné à des pogroms cycliques, perpétrés en toute tranquillité.
Il semble pourtant s’être passé quelque chose d’exceptionnel au pays de Nelson Mandela après les tueries de ces derniers jours.
De nombreux signaux donnent à penser que pour les bandes de criminels xénophobes la fin de l’impunité est proche. La vraie bonne nouvelle, c’est que les 7 morts de Durban et Johannesburg ont suscité plus de colère que les 62 victimes de 2008. En vérité, le monde entier en est arrivé à la conclusion que «Trop, c’est trop». On ne peut arguer de sa faim pour s’approvisionner, armes à la main, en miches de pain et caisses de bière dans les magasins d’autrui. Pour le dire franchement, une aussi embarrassante bestialité blesse en nous l’humain et on comprend qu’elle ait enfin été condamnée avec fermeté, y compris cette fois-ci en Afrique du Sud même.
L’on ne s’en est pas tenu, fort heureusement, à de simples invectives contre le régime de Jacob Zuma. Le Nigeria, le Malawi, le Zimbabwe et le Mozambique ont décidé de marquer vigoureusement le coup. Certains gouvernements ont commencé à rapatrier leurs ressortissants et les Sud-Africains travaillant dans ces pays se sont pour la première fois sentis en danger. Ont été aussi rappelées à qui de droit les notions très simples, mais apparemment jamais prises en compte par Pretoria, d’interdépendance et de réciprocité.
L’économie sud-africaine doit beaucoup aux migrants à qui l’on fait tant de misères et Terry Bell faisait remarquer récemment sur la BBC que si les Zimbabwéens s’en allaient, le secteur bancaire de son pays ne pourrait sans doute pas rester à son niveau actuel. Il est vrai qu’on fait grief aux petits commerçants somaliens ou éthiopiens de casser les prix. Est-ce une raison pour raser leurs boutiques et leur faire subir le supplice du collier ?
Il faut en outre savoir que ceux à qui on reproche de piquer aux Sud-Africains leur job créent souvent, au contraire, des emplois, si modestes soient-ils. Un de nos compatriotes, S. Sall, originaire de Thiès, est de ceux-là : dans la petite ville de Simonstown, à moins d’une heure de Cape Town, où les pingouins attirent des milliers de touristes par an, son business d’objets artisanaux marchait si bien en 2010 qu’il employait six ou sept jeunes Sud-Africaines plutôt contentes de travailler avec lui.
Au final, ceux qui rêvaient d’un splendide isolement de l’Afrique du Sud se sont vite aperçus avec frayeur que ce serait, à tous points de vue, le pire des scenarios. Les reculades ont été à la mesure du choc. C’est tout d’abord le Roi des Zoulous Goodwill Zwelithini qui, toute honte bue, ravale ses propos irresponsables et improvise une conférence de presse pour appeler au calme ; c’est ensuite Jacob Zuma qui annule une visite d’Etat en Indonésie et se rend dans le camp de Chatsworth auprès de quelques-uns des milliers de déplacés ; pour une fois, la classe politique unanime condamne les violences et dans un tel contexte les médias et la société civile ont eu beaucoup moins de mal à se faire entendre que par le passé.
A la modeste échelle sud-africaine, tout cela équivaut à un «Plus jamais ça» dont le principal mérite sera de faire de la xénophobie, qui tendait à devenir routinière, une déviance morale rejetée avec dégoût par les femmes et les hommes de bonne volonté de tout un pays. Sans avoir la candeur de croire que les étrangers noirs d’Afrique du Sud vont désormais vivre dans le meilleur des mondes, on peut supposer que les bandes de voyous, moins assurés de la complicité tacite d’une grande partie de l’opinion, n’oseront plus les agresser ouvertement.
Le mal est cependant profond et il se pourrait bien que la criminalité ordinaire cible encore plus qu’auparavant, et selon des schémas nouveaux, les migrants étrangers, hélas si vulnérables. Ce qui rend l’affaire inextricable, c’est que parmi ces derniers beaucoup sont en situation irrégulière. Dans sa réponse à la «Lettre ouverte» de l’écrivain mozambicain Mia Couto, le président Zuma a insisté sur ce point précis, lui faisant remarquer qu’il faut aussi prendre en compte les plaintes légitimes des Sud-Africains eux-mêmes. Jacob Zuma n’est pas le seul à penser ainsi : nombre de ses concitoyens tout à fait raisonnables, qui ne savent même pas ce qu’être xénophobe veut dire, sont de cet avis. C’est un point de vue que l’on peut entendre. La contrepartie à l’hospitalité et à la sécurité que l’on attend d’un pays d’accueil, c’est le respect scrupuleux de ses lois.
En dépit de toutes les craintes, il y a encore de sérieuses raisons d’espérer. A la fin des fins, ces événements ont obligé la majorité silencieuse à donner de la voix, projetant ainsi une autre image, moins repoussante, de l’Afrique du Sud. Le symbole de ce sursaut moral a été la marche contre la xénophobie ayant réuni le 23 avril à Johannesburg une foule immense sous le slogan «Nous sommes tous Sud-Africains». Et à cette occasion, la dette morale de la «Nation arc-en-ciel» à l’égard du reste du continent a été souvent évoquée. Jamais rappel n’a été aussi opportun. La victoire contre l’apartheid a été une des rares, ou peut-être même la seule, success story de l’Afrique indépendante. Les pays de la «ligne de front» ont payé au prix fort leur soutien aux camarades de Mandela et ici même au Sénégal des générations d’écoliers ont eu chaque jour devant leurs yeux, écrite au-dessus du tableau noir, la fameuse phrase : «L’apartheid est un crime contre l’humanité» Par ailleurs, partout sur le continent, les artistes, et singulièrement les musiciens, ont efficacement joué leur partition.
Voilà pourquoi les violences xénophobes en Afrique du Sud sont autant des crimes contre les corps et les biens que contre la mémoire. Nous nous plaignons souvent, nous autres Africains, de l’indifférence du monde à nos tragédies. Si nous savions nous souvenir un peu plus souvent du formidable élan de solidarité qui a fini par terrasser le puissant régime raciste sud-africain, nous n’en serions pas à quémander en toutes circonstances la compassion des autres.
La marche prévue à Dakar le 17 avril dernier en hommage aux 147 étudiants victimes du carnage de Garissa, procédait en un sens du louable désir de réactiver cette mémoire. A la surprise générale, le peuple sénégalais a été interdit de solidarité avec le peuple kenyan. Quoi qu’on dise, ce n’est pas un simple préfet de Dakar qui s’est opposé à cette marche mais bien le gouvernement de la République du Sénégal. Le même gouvernement qui, silencieux sur l’éventuel sort de nos compatriotes en Méditerranée et en Afrique du Sud, est sur le point d’envoyer 2000 de nos soldats servir de chair à canon sur les lointaines terres d’Arabie. Presque personne n’est d’accord avec la présence de troupes sénégalaises au Yémen. Si cela venait à se faire, ce serait particulièrement dommageable pour notre amour-propre. Ce serait surtout la décision la plus mystérieuse et la plus folle jamais prise dans ce pays et elle ne tarderait pas à faire oublier les erreurs, crimes et errements des trois devanciers de Macky Sall au palais présidentiel.
Macky Sall a fait preuve de reniement d’un principe qui a présidé au choix des électeurs qui l’ont installé au pouvoir le 25 mars 2012. Il s’agit de l’éthique et de la morale qui récusent la transhumance
Saliou Guèye, Éditorialiste de SenePlus |
Publication 18/04/2015
Dans l’émission Perspectives 2012 de Walf TV, Pierre Edouard Faye, accompagné de Georges Nesta Diop, demandait au candidat de Bennoo Bokk Yaakaar et de Macky 2012, si son appel aux autres forces politiques pour assurer la victoire au second tour, ne favorisait pas déjà la transhumance. Macky Sall répondait sans circonlocution en ces termes : «Ce n’est pas la transhumance dès l’instant que des gens viennent avant la victoire. On a tendance à dire, très souvent, que lorsque les rats quittent le navire, c’est que le naufrage est imminent. Les gens qui viendront avant la victoire, qui vont se battre, seront accueillis. Certes ils sont venus tardivement mais ils sont venus, même si c’est à la 25e heure. Mais je les respecte. Ce qui est déplorable, c’est le fait que certains attendent que d’autres se battent et gagnent pour venir les bousculer. Cela est inacceptable. La porte ne leur sera pas fermée, mais ils seront derrière, à la queue. Ils attendront le temps que cela nécessitera pour faire leur parcours de combattant dans les rangs. On ne peut continuer à faire la transhumance telle qu’elle se fait aujourd’hui. Il faut mettre de l’éthique dans tout cela. Il faut que les gens reviennent aux valeurs. Nous ne pouvons pas changer positivement notre pays dans le ‘boul falé, le masla’ où chacun fait ce qu’il veut et après on tapote entre camarades et c’est fini. »
Cinq jours après la victoire de Macky Sall à la présidentielle de 2012, Alioune Tine, l’alors coordonnateur de la Raddho, a félicité vivement le Président nouvellement élu en lui rappelant qu’au chapitre des pratiques politiques récusées par l’éthique, la morale, et dénoncées par l’ensemble des parties prenantes aux Assises nationales ou au M23, et par l’opinion publique sénégalaise, figure en bonne et due place «la transhumance». Et cette pathologie politique y est définie comme une «abomination politique, un acte opportuniste de lâcheté politique pour ceux qui s’y adonnent et, surtout, un acte de complaisance coupable pour ceux qui l’acceptent et qui accueillent ses auteurs». C’était pour lui signifier qu’il faut bannir, durant son magistère, cette pratique politique abjecte de nos mœurs politiques.
En recevant les journalistes des groupes de presse GFM, D-Média et la RTS à la fin de sa tournée politico-économique à Kaffrine, le 16 avril, le chef de l’Etat a fait preuve de reniement d’un principe fondamental qui a présidé au choix des électeurs qui l’ont installé au pouvoir le 25 mars 2012. Il s’agit de l’éthique et de la morale qui récusent les mauvaises pratiques en politique telle que le changement d’allégeance partisane, trivialement appelé transhumance.
Interrogé sur la transhumance à outrance qui s’opère depuis un certain temps au sein de l’Alliance pour la République (Apr), le président Macky Sall, courroucé, a plaidé pour le respect de la dignité des transhumants. Sauf que ces éternels bergers ayant une boussole à la main et une calculatrice dans la tête et allant de pâturage en pâturage pour brouter n’ont pas de dignité. Sauf que ces adeptes de reniements, de revirements, de ralliements qui trahissent les idéaux de leur parti pour rejoindre la mouvance présidentielle avec l’espoir de paître dans ses pâturages plus fertiles constituent des anti-modèles, des parangons de contre-vertus.
Trois ans après le flétrissement sans aménités de la transhumance, le candidat devenu président semble amnésique au point de faire l’apologie de la transhumance. En quelque sorte, le pourfendeur de cette transmutation élève au rang de valeur cette prostitution politique qui détonne avec l’éthique républicaine, et bénit ce cancer qui se métastase dans le corps politique sénégalais. Mais l’ordure ne deviendra jamais de l’or à moins que le chef de l’Etat, alchimiste, dispose d’une pierre philosophale pour transmuer les déchets politiques en modèles politiques vertueux. Jamais en politique, la vertu ne deviendra pathologie et jamais la pathologie ne deviendra vertu. Ainsi soutenir que la transhumance ne sied pas à ses nouveaux ralliés, c’est ramer à contre-courant des valeurs qui fondent l’action politique.
Les grands principes, l’attachement idéologique, les convictions politiques demeurent toujours la pierre angulaire de l’action politique. La probité, l’honnêteté scrupuleuse et le désintéressement le plus total sont bien le minimum attendu de ceux qui détiennent le pouvoir ou s’opposent au nom du peuple. L’intérêt des politiciens transhumants dépourvus de morale n’est pas dans la défense des idéaux qu’ils prétendent porter mais dans la satisfaction de leurs instincts bassement alimentaires. Ainsi on voit un tel grand responsable politique renier sa profession de foi et déchirer ses oripeaux idéologiques pour aller se jeter dans les bras souvent du parti au pouvoir prébendier pour jouir de strapontin ou de maroquin ou pour échapper au glaive de la justice.
Ainsi un transhumant-transmutant libéral comme Adama Bâ, sans faire les rangs, comme énoncé par Macky Sall dans l’entre-deux tours, a brûlé les étapes et a été récompensé respectivement du poste de président du conseil d’orientation de la plateforme de Diamniadio. Awa Ndiaye, au prix de sa transhumance, échappe au glaive de la justice et bénéficie d’un non-lieu alors qu’un rapport de la Cour des comptes avait épinglée sa gestion lorsqu’elle était ministre de la Femme et de la Famille. Il ne serait pas surprenant que les néo-transhumants, en l’occurrence Abdou Fall, Bécaye Diop, Sitor Ndour, prennent part très prochainement au festin présidentiel.
Pour cette race de politiciens, il faut toujours être là où il y a à manger à satiété et à boire à suffisance. Evidemment, pour les transhumants, il faut toujours aller là où il fait bon vivre, se mettre en sécurité en restant du côté du pouvoir en place. La faim des transhumants justifiant leurs moyens peu orthodoxes, diantre pourquoi s’embarrassent-ils de convictions idéologiques superfétatoires ?
Ces hommes ou femmes politiques, toujours prêts à tenir des discours lénifiants, thuriféraires pour entrer dans les bonnes grâces du Prince. Leur posture est toujours une imposture parce qu’ils sont toujours prêts à un retournement de veste dès qu’un changement de régime intervient. Ils n’hésitent pas à adorer ce qu’ils abhorraient hier.
Avec tous les qualificatifs dévalorisants de la transhumance, le président de la République, obnubilé par la massification de son parti, peint ceux qui ont troqué leurs convictions politiques pour des passe-droits sous la même couleur que ces hommes et femmes politiques qui sont restés dignes, dans le pouvoir comme dans l’opposition, et qui ont fait de l’éthique et de la morale, les principes sacro-saints de l’action politique.
Les transhumants trainent une maladie incurable, une tare congénitale qui ne trouvent leurs sédatifs que dans la jouissance et les ors du pouvoir qui les plongent dans le nirvana. Dès lors vouloir lustrer et l’élever à l’échelle des valeurs qui régissent les partis la transhumance devient une opération démagogique et sisyphéenne.
Les Marocains, conscients du danger de la pratique malsaine du nomadisme politique, ont constitutionnalisé son interdiction en son article 61. Au Sénégal, c’est le même modus operandi. L’article 60 de la Constitution de la République ainsi que l’article 7 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale stipulent que «tout député qui démissionne de son parti en cours de législature est automatiquement déchu de son mandat». Suffisant pour que le président de la République, clé de voûte des institutions, soit à l’avant-garde de ceux qui combattent ce cancer qui continue de défigurer notre corps politique.
Mandela a démontré que pour être libre, il faut avoir la foi en un idéal et combattre ses démons intérieurs. C’est le cheminement de tout être humain qui veut mener une vie sereine, joyeuse et réussie
L’Afrique du Sud célèbre, ce 19 décembre (Ndlr : hier), le premier anniversaire de la mort de Nelson Mandela, le géant ayant mis à genoux le système de l’apartheid. Ce lion a rugi 27 ans durant pour faire prendre conscience à ces concitoyens et au monde entier qu’on ne peut éternellement opprimer tout un peuple du fait de sa couleur. Par son intégrité morale, sa loyauté à son idéal et son courage exceptionnel, il a permis à des millions de Sud-Africains de retrouver leur dignité d’être humain à part entière.
Ce géant, par l’ampleur de son acte de vérité et de justice, a touché les cœurs au-delà des mers, soulevé des foules blanches en Occident contre l’apartheid, ce système inique d’une rare perversité qui prônait l’asservissement et la séparation des hommes du fait de leur race.
En ce jour, me revient en mémoire ce pèlerinage à Robben Island, guidé par un des vieux compagnons de Mandela, le Sud-Africain-Indien, son petit frère Ahmed Kathrada, qui avait fait aussi plus de 20 ans de prison.
C’était un mois de juillet, en plein hiver austral. Nous prenons le ferry de Cape Town pour Robben Island, emmitouflés dans nos vestes coupe-vent qui nous tenaient chauds et bloquaient le vent glacial qui nous fouettait le visage. Nous étions tous tendus, concentrés et, pour ceux qui effectuaient ce voyage pour la première fois, très émus ! Robben Island, île devenue mythique depuis qu’un certain Mandela y a vécu pratiquement 18 années de sa vie.
En accostant, ces murs gris, figés sur une terre aride, rocailleuse et sans âme, vous étreignent la gorge. Alors, nous entrâmes dans cette prison comme dans une cathédrale : sur la pointe des pieds, dans le recueillement. Ces grilles, ce couloir sombre, puis... la cellule, la fameuse 46664.
Lors de ma première venue, je n’avais pu pénétrer dans l’enceinte de la prison, mais cette fois-ci, en visite officielle, je découvre avec effroi cette petite pièce où Mandela a survécu tant d’années. Je m’approche de la fenêtre, juste pour apercevoir un bout de ciel. J’imagine que c’est durant ces moments de contemplation qu’il rêvait de cette Afrique future libérée de l’oppression et des inégalités.
Dans cette cellule grisâtre encore pleine de l’âme de Mandela, on se demande comment il faisait pour ne pas déprimer durant l’hiver austral où, la lumière du jour durait si peu et où les nuits étaient si longues...
La mélancolie gagnait le groupe ; il fallait s’éloigner des lieux. Et notre célèbre accompagnateur nous expliqua comment les militants de l’Anc avaient trouvé le moyen d’organiser un système de formation au nez et à la barbe des gardiens. Ainsi, chacun selon ses compétences devenait enseignant dans la cours, durant les repas, dans les carrières, partout où le contact était possible.
Et lorsque la discipline se durcissait, ils utilisaient le papier cigarette ou toute autre surface pour écrire. Ces missives s’échangeaient dans la cour où dans les carrières. Un collègue sud-africain présent et qui a séjourné à Robben Island avec Mandela, suite à une grève estudiantine, l’a confirmé en précisant que c’est par ce système sophistiqué qu’il s’est préparé à terminer ses études à sa sortie. Aujourd’hui, il est Ceo d’une grande compagnie privée.
Ensuite, nous sommes allés visiter les Carrières. En descendant du bus, nous étions éblouis par les éclats des reflets de la pierre. Nous clignotons, puis fermons les yeux. Comment, pendant toutes ces années, chaque jour, Mandela et ses camarades ont pu supporter cette luminosité si agressive ? Je regarde notre accompagnateur qui avait vite échangé ses lunettes de vue contre d’autres très sombres.
Et le souvenir de Mandela, toujours avec des verres fumés, me remontent. Oui, tous ont subi les affres du soleil. Devant ces cailloux blancs scintillants sous le ciel, je sens une rage folle sourdre dans mes entrailles.
Comment tant de vies ont-elles pu être détruites ! Car j’imagine le tac-tac de la pioche sur la roche qui vous prend la tête, les doigts des mains éraillées, coupées et qui saignent, tac, tac, tac, ce bruit lancinant qui poignarde nos consciences ! 5 ans, 10 ans, 15 ans ..., le même bruit, le même soleil.
Et notre guide d’enfoncer le couteau dans la plaie en égrenant toutes les souffrances endurées, les humiliations, les dépressions, les décès, les supplices divers qu’on leur infligeait, le sadisme des gardes chiourmes qui voulaient les déstabiliser, les amener à trahir leur idéal, leurs camarades, leur parti. Stop !
Nous n’en pouvions plus. Des larmes coulent doucement sur les joues, des sanglots trompent le silence lugubre qui s’est imposé à nous tous... Lentement, le groupe se dirige vers le bus ; il faut partir. A ce moment, on n’a qu’une envie, celle de vomir ce système inique !
Le reste de la visite n’a plus de sens, les explications non plus. Tout ce que nous voulions, c’est de partir, partir, partir, s’éloigner de ce lieu de la mort.
Mais notre guide qui, comme Mandela, a appris à pardonner, nous dit de sa voix suave : «Vous ne pouvez quitter cet endroit dans cet état, je vais vous montrer une dernière chose».
Nous retournâmes à la prison où il nous montra une petite cour intérieure, sans âme, mais, pour lui, «un havre de paix». C’était là qu’ils avaient bâti un «jardin» qu’ils bichonnaient. Mandela, dit-il, aimait particulièrement ce bout de terre. C’était son rayon de soleil, car au travers de ces plantes, il redonnait la vie, il refaçonnait sa terre natale, il créait l’espérance.
Alors, la lumière emplit mon esprit, car je comprenais enfin d’où venait l’extraordinaire sagesse de Mandela qui a émerveillé le monde entier.
Dans ces murs gris et hostiles, avec patience, il a restauré son âme et il s’est renouvelé. Il s’est forgé une mentalité nouvelle. Dans ce jardin perdu, il avait appris à dominer ses pulsions et ses colères. Il avait vécu une initiation. Parce que Mandela n’était pas un Saint et il a dû lutter contre tous les démons en lui : la peur, le ressentiment, la haine, la colère, les humiliations, les frustrations, la violence... Tout ce qui fait de l’être humain un esclave de ses sens.
Il a fait un travail sur lui-même pour dominer ses émotions négatives, les transformer en force vitale qui lui a permis de s’élever au-dessus du lot. Sa colère est devenue sérénité, la haine des Blancs et des geôliers est devenue compassion.
Pour l’amour des siens, pour son idéal de justice, il est devenu un homme libre d’où émanent l’harmonie, la lumière, la paix, la bonté, le courage et la détermination. Il était capable alors d’être le leader du changement du cours de l’histoire. Il pouvait mener son peuple vers la victoire, pour des lendemains meilleurs.
La prison lui avait fait de comprendre la nécessité de bâtir une nation «arc- en-ciel». Ce temps si long, loin de tout, lui a permis de réaliser que pour vaincre, il fallait comprendre ses adversaires, leur donner une marge de manœuvre, les rassurer et leur pardonner pour anticiper tous leurs mouvements.
Au contact de cette nature qui, grâce à ses soins, renaissait à chaque saison, il a vaincu aussi la perversité de ces bourreaux, il s’est élevé au-dessus d’eux. Il s’est libéré de toutes ses chaines physiques et mentales, il est devenu l’homme de la réconciliation !
Et j’ai alors compris cette douceur, cette patience, en un mot cette sérénité qui émanait de lui, lorsque je l’avais rencontré à Cape Town, puis à Genève. Sa voix était pleine d’empathie. Il aimait vraiment les gens. Ses yeux pétillaient de bonté et d’une infinie patience lorsqu’il donnait des poignées de mains.
Dans toutes les photos qu’il avait prises avec nous, qui voulions immortaliser cet instant, il fallait à chaque fois l’extraire de la foule ! Cet homme avait vraiment pardonné, et il était au-dessus de la mêlée. Il pouvait donc transcender tous les facteurs qui s’opposaient à l’unité des Sud-Africains. Au de-là des races et des classes sociales, il avait donné naissance à cette nation arc-en-ciel.
Il me revient alors cette exclamation d’un ministre algérien à la fin de la visite. «Il a réussi ce que nous n’avons pas été capable de comprendre en Algérie après les accords de paix d’Evian, et il a fallu en payer le prix fort par tant d’années de violences...»
C’est ce long calvaire d’un homme à l’assaut de la liberté qui a fait de Mandela une icône mondiale, source d’inspiration. Il a démontré que pour être libre, il faut avoir la foi en un idéal et combattre ses démons intérieurs. C’est le cheminement de tout être humain qui veut mener une vie sereine, joyeuse et réussie. Qu’il soit chef d’Etat ou simple citoyen !
Un dirigeant doit pouvoir s’élever, dominer ses instincts, se mettre au service de son peuple, pratiquer la justice, donner le bon exemple et connaitre les véritables attentes de ses citoyens.
Nous avons alors quitté Robben Island le cœur en paix, parce que nous avions compris que ces souffrances avaient enfanté une espérance encore plus grande !
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AFRIQUE DU SUD: PREMIER ANNIVERSAIRE DE LA MORT DE MANDELA
Les Sud-Africains marquent le premier anniversaire de la mort de Nelson Mandela avec une prière interconfessionnelle en l'honneur du père de l'Afrique du Sud démocratique.
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PRIÈRES POUR LE 1ER ANNIVERSAIRE DE LA MORT DE MANDELA
L'Afrique du Sud communiait vendredi dans le souvenir de l'ancien président Nelson Mandela décédé il y a un an, prières, incantations aux ancêtres, discours se succédant dans une longue journée d'hommage, tandis que la parole critique commence aussi à se libérer.
LE PROGRAMME "WASHINGTON FELLOWS" SERA REBAPTISE EN HOMMAGE A MANDELA
Dakar, 28 juil (APS) - Le Programme Washington Fellows pour les jeunes leaders africains va changer de nom, pour devenir le Programme Mandela Washington Fellows, en hommage à l’ancien président sud-africain décédé le 5 décembre dernier, à l’âge de 95 ans, a-t-on appris lundi.
"Aujourd’hui, devant 500 jeunes leaders d’exception, le président Barack Obama annoncera que le Programme Washington Fellows pour les jeunes leaders africains est rebaptisé en hommage à Nelson Mandela", indique un communiqué de presse de l’ambassade des Etats-Unis d'Amérique au Sénégal.
Selon le texte, M. Obama "annoncera également que les Etats-Unis souhaitent doubler le nombre annuel des participants au Programme Mandela Washington Fellows, pour le porter à mille, à l’été 2016".
"Le Programme Mandela Washington Fellows, explique la même source, est le programme phare de l’Initiative en faveur des jeunes leaders africains (Young African Leaders Initiative, YALI), et il incarne la volonté du président Obama d’investir dans l’avenir de l’Afrique."
La première promotion des Mandela Washington Fellows séjourne aux Etats-Unis d'Amérique depuis juin 2014 "pour six semaines intensives de stage de leadership, de constitution de réseaux et de développement de leurs compétences".
"Cette initiative permet à des jeunes leaders africains d’acquérir les connaissances et les contacts dont ils ont besoin pour faire évoluer leur plan de carrière et participer de manière plus énergique à la consolidation des institutions démocratiques, au développement de la croissance économique et au renforcement de la paix et de la sécurité en Afrique."
Cette année, les bénéficiaires, sélectionnés parmi près de 50 000 candidats, sont au nombre de 500. Ils sont décrits comme incarnant "l’extraordinaire promesse d’une génération émergente de chefs d’entreprises, de militants et de fonctionnaires".
Agés de 25 à 35 ans, ils sont considérés comme ayant "déjà fait la preuve de leurs capacités de leaders au sein d’organismes privés, publics ou civiques".
Ils "ont manifesté une forte volonté de mettre leurs compétences et leurs talents au service de leurs concitoyens, afin de renforcer le lien social".
"La première promotion de Fellows comprend des représentants de 49 pays d’Afrique subsaharienne et respecte la parité hommes-femmes. Malgré leur jeunesse, plus de 75 % d’entre eux occupent déjà des postes de cadres moyens ou supérieurs, et 48 % ont un diplôme universitaire", souligne le communiqué.
Il indique que 25 % d'entre eux travaillent dans un organisme non gouvernemental, et 39 % dirigent leur propre entreprise.
Ils ont "suivi un cursus dans 20 grandes universités américaines", dans le cadre d’un stage de "six semaines comprenant des cours théoriques et une formation pratique".
"En lien avec des entreprises, des administrations et des ONG, le gouvernement américain s’efforce de mettre en place un suivi concernant les perspectives professionnelles et des structures pérennes de soutien aux jeunes leaders à leur retour chez eux", affirme l'ambassade des Etats-Unis d'Amérique au Sénégal.
LA LITTÉRATURE PHILOSOPHIQUE DANS LES LANGUES AFRICAINES
Dakar, 2 mai (APS) - Le philosophe sénégalais Souleymane Bachir Diagne a révélé avoir récemment écrit "un texte sur le vrai et le faux", paru dans un livre édité par un de ses anciens étudiants, dans le but d'administrer la preuve que les philosophes n'ont "plus besoin de s'épuiser sur ces a priori absurdes de langues qui seraient concrètes ou abstraites", en allusion à celles africaines qui ne permettraient pas d'enseigner la philosophie.
"L'histoire prouve qu'il existe déjà une littérature philosophique dans les langues africaines : certains manuscrits de Tombouctou dits ajami sont écrits dans ces langues, transcrites en caractères arabes", a-t-il déclaré dans une interview avec le site d'informations dédié à l'actualité africaine par l'hebdomadaire français Le Point.
"Les philosophes n'ont plus besoin de s'épuiser sur ces a priori absurdes de langues qui seraient concrètes ou abstraites", a répondu Souleymane Bachir Diagne, professeur à Columbia University, à New York (Etats-Unis), à la question de savoir si la philosophie pourrait un jour s'écrire et s'enseigner en langues africaines.
"J'ai récemment écrit dans ma langue maternelle, le wolof, un texte sur le vrai et le faux paru dans un livre manifeste Listening to ourselves, édité par un de mes anciens étudiants, Chike Jeffers, professeur à Halifax au Canada, réunissant les essais, écrits dans leur langue maternelle, d'une dizaine de philosophes africains vivant aux États-Unis, avec traduction en anglais en vis-à-vis", a-t-il fait savoir.
Parlant de l'apport des philosophies africaines à l'histoire de la pensée universelle, il a notamment cité un livre de Jean-Godefroy Bidima sur le concept moderne de la palabre, associé par l’auteur "à la recherche du consensus si indispensable en cas d'affrontements politiques, qui vont jusqu'à déchirer le tissu social".
"Je citerais aussi le concept d'ubuntu universalisé aussi bien par Mandela que par Desmond Tutu. Pour dépasser la situation la plus conflictuelle qu'on puisse imaginer, l'Apartheid, cette notion d'ubuntu qu'on pourrait traduire par ‘faire humanité ensemble’ a trouvé son application dans la société", a ajouté le philosophe sénégalais.
"La justice transactionnelle, qui cherche la vérité non pas nécessairement pour punir mais pour guérir, doit beaucoup à l'humanisme porteur d'avenir que contient ce concept", a relevé Souleymane Bachir Diagne, qui vient de publier "L'encre des savants". Un "précis" publié aux éditions Présence africaine qui cherche à montrer "comment les questions de l'ontologie, du temps, de l'oralité et de la politique sont pensées par les Africains".
"L'objection que l'on fait toujours à l'activité philosophique en Afrique est la suivante : une civilisation essentiellement orale ne peut pas être une civilisation de l'esprit critique", a-t-il fait observer, avant d'ajouter : "Mon collègue sénégalais Mamoussé Diagne, dans son livre Critique de la raison orale (Éditions Karthala), a brillamment démontré que la tradition orale ne cesse de s'autocritiquer".
"Bien des textes oraux, si l'on excuse cette expression paradoxale, ne peuvent se lire qu'à la lumière de contenus précédents qu'ils remettent en question", a-t-il fait valoir. "Avec l'islamisation d'une bonne partie de l'Afrique à partir du IXe siècle, a-t-il poursuivi, toute une tradition érudite écrite, nourrie de ce que le monde islamique avait lui-même reçu du monde grec, est arrivée dans des centres de savoir comme à Tombouctou, Djenné au Mali actuel, ou Coki du côté du Sénégal".
"Et des textes importants y apparaissent surtout après le XIVe siècle, dont un superbe ouvrage, emblématique de ce que fut Tombouctou, où Ahmed Baba rappelle cette tradition prophétique selon laquelle l'encre des savants est plus précieuse que le sang des martyrs. J'ai emprunté le titre de mon livre à cette parole parce que nous vivons à une époque où il faut rappeler cela", a-t-il signalé.
L’avocat franco-libanais, obsédé par la Françafrique, a encore une fois décidé de revêtir sa tunique de Nessus. Mais cette fois, ce n’est pas pour revenir sur les «mallettes de la République» dont le but savamment orchestré était d’écarter un certain Dominique De Villepin de la course à la présidentielle française de 2012 et d’enfoncer Jacques Chirac.
Ce n’est pas non plus pour revenir sur les accusations jugées «calomnieuses» et «mensongères» contre cinq chefs d’État africains, Abdoulaye Wade (Sénégal), Blaise Compaoré (Burkina Faso), Laurent Gbagbo (Côte d'Ivoire), Denis Sassou Nguesso (Congo-Brazzaville) et Feu Omar Bongo (Gabon) pour avoir versé environ 10 millions de dollars pour la campagne de Chirac de 2002. Mais, c’est plutôt pour demander la libération de Karim Wade.
Voilà la nouvelle trouvaille de ce chasseur de primes pour rester dans les bonnes grâces présidentielles au Sénégal. Sans gêne, il étale sur la place publique (interview sur France 24) des confidences que le président Macky Sall lui aurait faites avant même que Karim Wade ne soit inculpé pour enrichissement illicite ; il fait de l’admonition à Ali Bongo à qui, il conseille de maintenir les méthodes de son père (Omar) qu’il n’a pourtant pas hésité à vouer aux gémonies.
Tout en reconnaissant que les «choses ne peuvent pas rester figées», le «Monsieur Afrique» de Nicolas Sarkozy, estime que «le tort qu’il (Ali Bongo Odimba, Ndlr) a eu, depuis deux ans, c’est de laisser sur le bord de la route tous ceux qui ont accompagné son père pendant des décennies, qui lui ont été fidèles, qui l’ont servi et qui ont également servi Ali Bongo et qui ont permis son élection». Et de conclure qu’«il y a manière et manière d’agir. Il ne faut pas transformer un allié, un ami en adversaire, et aujourd’hui c’est le cas».
On a bien compris, il prêche pour sa chapelle. L’émergence du Gabon, il n’en a cure. Celui du Sénégal non plus. Telle une girouette, ce mercenaire change au gré de ses intérêts. Il n’hésite pas à porter de fausses accusations pour entrer dans de bonnes grâces. Et aussitôt se dédire.
Qui ne se souvient de cette information du journal Le Pays, selon laquelle, l’ancien Premier ministre, Idrissa Seck aurait accepté une mallette de 100 millions de francs CFA (1,5 million d’euros) remise à Robert Bourgi en 1999 par Jacques Chirac, pour «trahir» Abdoulaye Wade.
Répondant par l’ironie, le maire de Thiès avait déclaré ce qui suit : «J’ai aussitôt appelé Robert Bourgi pour lui dire de me remettre mon argent. Et, il a rigolé (…)». Pour Idy, c’est un «ridicule incroyable, un mensonge plat» dans la campagne mise en place par l’ancien régime pour le salir et détruire son image aux yeux de l’opinion. Soit !
Mais, ce qui est du reste constant, c’est l’évocation de Robert Bourgi dans tous les coups tordus sur le continent. Et c’est justement, une des raisons pour lesquelles, les Sénégalais ont porté leur choix sur Macky Sall au soir du 25 mars 2012. Ils veulent rompre d’avec certaines pratiques occultes sur lesquelles repose la Françafrique.
Aucune entrave pour la bonne marche de la justice sénégalaise ne saurait cependant être tolérée. Aussi bien dans le dossier Karim Wade que dans un autre, quand bien-même personne ne devrait être retenu en prison pour des raisons purement politiciennes, la reddition des comptes est plus qu’une nécessité, c’est une demande sociale.
GRAÇA RENONCE À LA MOITIÉ DE L'HÉRITAGE DE MANDELA
JOHANNESBURG, 25 mars 2014 (AFP) - La veuve de Nelson Mandela, Graça Machel, a formellement renoncé à la moitié du patrimoine du héros de la lutte anti-apartheid, estimé à 46 millions de rands (3,1 millions d'euros), à laquelle elle aurait pu prétendre, a indiqué mardi l'un de ses exécuteurs testamentaires.
Le Prix Nobel de la Paix 1993, décédé le 5 décembre à 95 ans, avait laissé plusieurs biens à la veuve de l'ancien président mozambicain Samora Machel, qu'il avait épousée en troisièmes noces le jour de ses 80 ans, à condition qu'elle renonce à la moitié de l'héritage auquel elle avait théoriquement droit.
"Mme Machel a formellement et par écrit accepté les biens qui lui ont été légués par le dernier testament de l'ancien président M. NR Mandela", a indiqué à l'agence Sapa le juge constitutionnel Dikgang Moseneke.
C'était une formalité, mais Graça Machel aurait pu revendiquer la moitié de biens de Nelson Mandela et remettre en cause le partage fait par feu son époux, le couple ayant été marié sous le régime de la communauté de biens. Elle avait toujours dit qu'elle n'en ferait rien.
Graça Machel, 68 ans, recevra notamment quatre propriétés au Mozambique, des voitures, des oeuvres d'art et des bijoux, acquis par le couple depuis leur mariage.
Nelson Mandela a laissé de l'argent à ses enfants et petits-enfants --mais pas à son ex-femme Winnie--, à ceux de Graça, à ses anciens collaborateurs, à différents établissements scolaires et au Congrès national africain (ANC), le parti dont il a été le plus célèbre militant.
Nelson Mandela avait passé vingt-sept ans dans les prisons du régime raciste de l'apartheid qu'il combattait. Il a réussi après sa libération à calmer les tensions entre Noirs et Blancs en Afrique du Sud, devenant un champion de la réconciliation dans le pays dont il a été le premier président noir de 1994 à 1999, et plus généralement dans le monde entier.
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BRÉSIL: HOMMAGE À NELSON MANDELA ET TRIPLÉ DE NEYMAR FACE À L'AFRIQUE DU SUD
Le Brésil a largement réussi son dernier match avant l'annonce de sa liste pour le Mondial-2014 en s'imposant 5-0 contre l'Afrique du Sud, en amical mercredi à Johannesburg, sous l'impulsion de sa star Neymar, auteur d'un triplé.
Le résultat et la manière, même si ce n'est pas encore une splendeur de "jogo bonito" (beau jeu): la Seleçao a poursuivi son plan de route avec une septième victoire consécutive, après sa Coupe des Confédérations 2013 (3-0 contre l'Espagne en finale), de bon augure pour elle avant le match d'ouverture du Mondial contre la Croatie.
Ce sera bien ce rendez-vous qui donnera le ton, après les deux matches de préparation (Panama et Serbie les 6 et 9 juin) et au vu de la faiblesse des Sud-Africains. Leurs défenseurs ont affiché une naïveté extrême face à des Brésiliens aussi techniques que puissants.
Et c'est peut-être ça la marque "Felipao": une pression d'enfer d'entrée et une agressivité qui ne se relâchent qu'une fois le score et le temps avancés.
Après l'ouverture du score d'Oscar (10e), Neymar a signé son deuxième triplé en équipe nationale: une frappe puissante entre les jambes du gardien (41e), un lob (46e) et un but de renard (90e+1), pour un total de 30 buts en 47 sélections.
Outre le résultat, le match a aussi, voire surtout, permis à "Felipao" d'effectuer plusieurs tests.
Ainsi, la Seleçao est passée de son 4-2-3-1 préférentiel en première période à un 4-4-2 en seconde, avec Neymar venant épauler Fred.
Fred, de retour en sélection après ses multiples blessures depuis août, était dans le bon rythme, mais ne s'est guère créé d'occasions. Il s'est néanmoins distingué par une passe décisive, tout comme son remplaçant Jô.
- Hommage à Nelson Mandela -
Toujours au rayon des joueurs, Rafinha et Fernandinho, les deux essayés, ont rendu une copie propre.
Fernandinho a rempli son rôle de milieu défensif, sachant que son binôme Paulinho se projetait davantage vers l'avant. Mais la seule fois où Fernandinho s'est approché de la surface de réparation, il a fait mouche, d'une frappe splendide en lucarne (79e).
Dani Alves a remplacé Marcelo dans le couloir gauche à l'heure de jeu, ce qui pourrait signifier que le sélectionneur ne compte pas prendre d'autre pur arrière gauche dans le groupe mondialiste, une mauvaise nouvelle pour Maxwell ou Filipe Luis.
Le gardien Julio Cesar, qui ne joue plus en club depuis neuf mois et ne retrouvera les terrains qu'à la mi-mars avec Toronto, n'a eu qu'un arrêt à faire, mais l'a bien fait (63e).
Scolari n'a emmené que 19 joueurs à Johannesburg. Il reste deux places pour des joueurs de champ. Les spéculations: Kaka, Robinho, Lucas, Hernanes, Marquinhos?... Ronaldinho?
Sur le plan symbolique, le match était placé sous l'égide de Nelson Mandela, 20 ans après son élection à la présidence de la République sud-africaine. Les Bafana Bafana arboraient sur le maillot le numéro 46.664, celui du prisonnier Mandela à Robben Island. Les Brésiliens avaient ce numéro sur un brassard noir en seconde période. Ils ont aussi changé de maillot à la pause, troquant la tunique jaune pour la bleue.