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2 avril 2025
Opinions
par Alioune Dione
COMMENT L’ÉTAT SPECTACLE MET EN SCÈNE LA FABRIQUE SOCIALE
L’inertie sur les réformes de la justice, la réduction du coût de la vie qui est non opérationnelle au niveau bottom-up et le retard dans la renégociation des contrats pétroliers montrent que gouverner c’est aussi se dédire
Le meilleur moyen de gouverner sans être contraint de produire des résultats à court terme est de faire de l'attribution externe une idéologie des masses. Dramatiser le social, jouer sur les peurs, instaurer le désespoir, disqualifier les élites et nul ne sera obligé de vous demander des résultats dans l'immédiat. L'idéologie en question, comme l'affirmait Naomi Klein, est un caméléon qui change sans cesse de nom et d'identité. La stratégie de choc employée par ce nouveau gouvernement, dont l'exclamation et la lamentation constituent les principes directeurs pour édulcorer la ferveur des promesses entrevues, est un aveu d'incapacité.
Le sentier de la gouvernance sobre et vertueuse tant promu semble beaucoup plus long qu'annoncé, beaucoup plus rude que prévu. Les illusions vendues par une prétendue rupture systémique se confrontent aujourd'hui à une réalité qui impose de maîtriser l'optique sociale. L'État, dans sa complexité multiple, met en exergue toute impuissance qui ne peut être palliée par une démagogie politique quelconque. La stratégie de choc peut déresponsabiliser, mais elle ne masque en rien les véritables problèmes auxquels la nation fait face.
L’inertie sur les réformes de la justice, la réduction du coût de la vie qui est non opérationnelle au niveau bottom-up et le retard dans la renégociation des contrats pétroliers montrent que gouverner c’est aussi se dédire. Se dédire des engagements éthiques irréalistes promus, se dédire des gages populistes donnés pour la capture de l’aspiration des masses, se dédire de la séparation des pouvoirs entre l’exécutif et le judiciaire. Mais, les urgences n’attendent pas le temps de la planification à long terme, elles mettent tout gouvernement face à ses responsabilités politico-sociales.
À présent, la société subit le supplice tantale d’un État suffisant et autiste qui prend toute critique comme une haine viscérale à l’encontre de son fameux projet. Un projet farfelu qui ne se matérialise qu’en slogans, très loin de la réalité sociale vécue. Il faut comprendre qu’une nation ne peut point se construire dans une vision singulière basée sur l’idolâtrie d’un leader. Elle se construit par un ensemble de visions à la fois cohérentes et contradictoires. Harmoniser les contradictions, diagnostiquer les politiques déclinées et critiquer la posture des gouvernants est un principe sine qua non pour faire émerger le pays dans ses dimensions sociales et économiques.
En effet, l'économie sénégalaise sombre et le constat est un truisme, l'insécurité économique nous guette mais nous préférons attribuer les causes sans chercher des mesures urgentes pour redresser le pays. La rupture tant promue se transfigure juste en un nouvel État-système en marche avec des ambitions débordantes pour des moyens limités. Une politique d'intention idyllique qui, dans la pratique, ne se matérialise nulle part. Un contre-système qui est dans un processus de remplacement de personnes et non d'une transformation profonde des institutions étatiques.
Ces dernières perdurent toujours avec leurs rouages et mécanismes qui restent inchangés. Actuellement, le seul changement qui s'opère au sein du système est la présence de nouveaux leaders aux compétences moindres et aux capacités de lamentation incommensurables. De loin, les solutions étaient prédites comme des effets miracles, mais une fois le pouvoir acquis, la stérilité dans l'action pragmatique se voit de manière évidente. Nous sommes face à un État dont les marges de manœuvre sont limitées et qui préfère souvent se donner en spectacle.
La théâtralisation de la gouvernance par les sorties médiatiques des gouvernants, qui ne changent en rien la providence sociale, montre le niveau de relativisation de leur charge à l'égard du pays qu'ils disent trouver en ruine. Une ruine que le bas peuple ressent douloureusement, mais non les nouveaux bourgeois. Les privilèges restent maintenus, le monisme dans la pensée se pérennise aussi par les moyens de contrôle coercitif sur les opinions. Le projet tant annoncé, et dont la réalisation demande un don de soi que les nouveaux bourgeois imposent aux peuples mais s'abstiennent d'opérer, est la preuve qu'il n'y a aucune configuration nouvelle au sein du système de gouvernance étatique.
L'exigence du développement demande des sacrifices collectifs et non partiels. Malheureusement, ce projet initié pour un progrès à la fois endogène et souverainiste exige plus que les mesures mises en place pour accompagner son impulsion. Au niveau macro de l'État, tout paraît bien fait, bien pensé et bien structuré, alors qu'au niveau micro de la société rien n'est encore opérant et tout demeure intact, ou du moins en involution criarde.
La vision du développement se brouille dans une incertitude croissante pour l'avenir du pays qui, en quelques mois, est en décadence libre dans sa diplomatie et son ouverture universelle. Une nation ne se construit pas sur une vision unique esseulée par une orthodoxie sacrée d'un hyper-individualisme jamais réfutable. Elle se conçoit dans sa garantie de débats publics et des contradictions qui mettent en mouvement la marche sociale. Ce mouvement sans achèvement brusque fait le progrès des nations et leur impulsion dans l’histoire universelle.
par l'éditorialiste de seneplus, alymana bathily
VERS UN NOUVEAU DEAL SOCIAL ?
EXCLUSIF SENEPLUS - Il s’agit pour le gouvernement de ne plus chercher à imposer son hégémonie sur ses partenaires sociaux, de ne plus prendre auprès d’eux des engagements qu’il ne sait ne pas pouvoir tenir
Alymana Bathily de SenePlus |
Publication 11/03/2025
La rencontre au Grand Théâtre de Dakar le 27 février 2025 entre le premier ministre Ousmane Sonko, entouré de l’ensemble de son gouvernement, des syndicats et du patronat, fera date. Le premier ministre a en effet proposé aux partenaires sociaux un « nouveau deal » social.
« Personne ne souhaite une confrontation. On a besoin de stabilité. Aucun pays n’a décollé sans un consensus fort. Les pays qui ont décollé ces dernières années, c’est des pays ou les libertés publiques ont été réduites. Regardez les pays asiatiques, les pays arabes…Nous on est une démocratie et c’est tant mieux… ».
« Il faut mettre de côté pendant un temps les grèves et les manifestations dans la rue » …« Personne ne souhaite la confrontation sociale, parce que personne n’y gagne. Nous devons tous éviter de nous pousser mutuellement vers la radicalisation », a-t-il ajouté.
Et de proposer aux syndicats un dialogue social « sincère », « transparent », qui se « fera dans la vérité et la justice sociale » afin d’aboutir à un « pacte de dialogue social ».
Puis de proposer la signature dès le 1er mai, d’un Pacte de Solidarité Sociale formulé à travers un dialogue social incluant les différents secteurs, pour rétablir la justice sociale et éviter « la confrontation sociale ». De plaider ensuite pour une suspension des grèves, le temps de redresser la situation financière « catastrophique » du pays, héritée du régime Macky Sall.
« Construisons d’abord une économie, créons les conditions de notre souveraineté. Nous devons travailler à nous réapproprier toutes nos ressources pour développer notre pays dans quelques années ».
Le modèle Sonko d’un tripartisme sénégalais
Le premier ministre Ousmane Sonko a, à n’en pas douter, à l’esprit le modèle de dialogue social, dit tripartite, qui a été mis en place à travers toute l’Europe occidentale, des pays nordiques, à l’Allemagne et à la France, ainsi qu’au Japon et à Singapour après la 2eme Guerre Mondiale. C’était à l’initiative d’hommes d’état comme Olof Palme en Suéde, De Gaulle et Jean Monnet en France, Konrad Adenauer en Allemagne, les premiers ministres japonais Shigeru Yoshida et Eisaku Sato et le premier ministre de Singapour Lee Kwan Yeew notamment.
Ce modèle est généralement considéré comme l’un des principaux facteurs du redressement spectaculaire de l’Europe et du Japon ainsi que du développement fulgurant de Singapour.
Il a permis d’améliorer les conditions de travail, d’augmenter la productivité des travailleurs, de produire de la richesse et d’établir un système de justice et de sécurité sociale pour l’ensemble des travailleurs et leurs familles.
Le tripartisme ne nie pas la lutte des classes mais postule que, au moins pendant une phase historique donnée, les intérêts des uns et des autres, des travailleurs, des patrons et de l’Etat sont conciliables et doivent être conciliés.
Sénégal : du tripartisme en théorie au syndicat unique, de la « participation responsable » au « Comité national du dialogue social » et au Haut Conseil du Dialogue Social
Cette idée de dialogue social, de coopération, gouvernement, patronat et travailleurs est ancienne au Sénégal et a une histoire singulière dont il convient de tirer les enseignements.
Le premier président de la République du Sénégal l’avait théorisée déjà en 1963. "Il ne s'agit plus de défendre les travailleurs contre un étranger ; il s'agit maintenant d'accroître le revenu national, d'assurer la répartition plus équitable de ce revenu par la protection de tous conformément au marxisme "à chacun selon son travail", écrira-t-il.
Cette idée sera cependant rattrapée par « les événements de Mai 1968 » et la logique du parti unique s’est imposée au président de la République, Secrétaire général de l’Union Progressiste Sénégalaise (UPS), parti unique de fait à l’époque
La « participation responsable » sera alors instituée : pour assurer "l'association du mouvement syndical à l'élaboration, à l'exécution et au contrôle de l'exécution des plans de développement économique et social (ce qui) doit se traduire par la représentation des travailleurs désignés par les organisations syndicales, à la commission nationale du plan, au Conseil économique ainsi qu'aux délibérations des missions ou instances du parti traitant des questions économiques et sociales et aux conseils d'administration des sociétés para étatiques à but économique et social… »
Le syndicat bénéficie dès lors d’un quota de la liste des députés à l’Assemblée nationale, de plusieurs sièges au Conseil Economique et Social, contrôle les institutions de représentations et même détient un ou deux ministères.
Le régime du président Abdoulaye Wade va tenter lui d’asseoir son hégémonie sur le mouvement syndical en suscitant la création d’une dizaine de nouveaux syndicats, souvent issus des flancs d’anciennes organisations, dont certaines sous l’égide de responsables du PDS avant de mettre en place une « Charte nationale sur le dialogue social » puis un « Comité national du dialogue social » censé servir de cadre au dit dialogue.
Pourtant, le « front social » ne se pacifie pas pour autant. Malgré toutes ses tentatives, notamment en proposant le port de brassage par les travailleurs pour signaler leurs revendications au lieu de recourir à la grève et malgré l’institution d’un « Comité national du dialogue social » et ses relais au sein des syndicats, son régime sera confronté à des grèves régulières.
Le régime de Macky Sall quant à lui institue le « Pacte national de stabilité sociale et d’émergence économique » censé permettre la mise en œuvre du « Plan Sénégal émergent » et substitue au « Comité national du dialogue social » le Haut Conseil du Dialogue Social. Il n’empêche : les grèves notamment dans les secteurs de l’éducation et de la santé restent régulières.
Pourquoi le tripartisme n’a pas marché au Sénégal ?
De Senghor à Macky Sall, chaque régime a pris en compte à sa manière le fait syndical dans sa gouvernance, soit en établissant son hégémonie sur les syndicats soit en les combattant frontalement soit en prenant en compte leurs revendications pour ne les satisfaire que parcimonieusement, après avoir subi grèves après grèves.
Aucun n’a réussi à établir une collaboration durable avec « les partenaires sociaux ». De 1960 à nos jours, le « front social », (l’expression est significative) est constamment en « ébullition » : quand ce ne sont pas les écoles primaires qui sont fermées, ce sont les universités qui le sont ou encore les hôpitaux quand ce ne sont pas les transports publics qui sont paralysés.
Quand on considère la longue histoire du syndicalisme sénégalais qui date du début du XXème siècle, quand on sait que la liberté syndicale instaurée depuis l’indépendance du pays (loi 61-34 du 15 juin 1061) n’a jamais été remise en cause et qu’un cadre juridique et institutionnel approprié avec la « Charte nationale sur le dialogue social » et le « Comité national du dialogue social », a été mis en place il y’a près de vingt ans déjà, on peut s’étonner que le tripartisme n’ait pas fonctionné au Sénégal.
Est-ce parce que chaque régime, de Senghor à Macky Sall, a voulu asseoir son hégémonie sur le mouvement syndical ?
Est-ce la « politisation » des syndicalistes dont toute une génération de dirigeants sont issus de chapelles politiques, du Parti Socialiste, PDS ou de partis de gauche, dont ils ont gardé le « formatage » même quand ils en sont séparés politiquement et idéologiquement depuis longtemps ?
Est-ce le corporatisme exacerbé des dirigeants des syndicats qui les rend insensibles aux considérations autres que les intérêts stricts de leurs corporations ?
Est-ce cette attitude des responsables successifs de l’Etat, de Senghor à Macky Sall, à promettre tout ce que les syndicalistes veulent juste pour qu’ils arrêtent la grève alors que l’Etat n’a pas les moyens de tenir ces promesses ?
Est-ce la nature du patronat, comprador et nationaliste à la fois, éclaté dans de trop nombreuses organisations, qui la rendu jusqu’à présent faible et incapable d’assumer un rôle social significatif ?
Les défis du régime Pastef
Dans ces conditions, l’offre de « new deal » social du premier ministre Ousmane Sonko peut-elle fonctionner ?
Or le pays qui est en proie à une profonde crise économique et financière et doit s’imposer une période d’austérité, n’a pas les moyens de faire face à tous les engagements, souvent inconsidérés que l’ancien régime a pris à l’endroit des syndicats.
Pourtant le premier ministre a donné des instructions pour ‘’la liquidation des points de revendications pouvant faire l’objet de mise en œuvre immédiate, du chantier de l’équité salariale, de la seconde phase des mesures de réduction du coût de la vie sans impact budgétaire’’.
Il s’est engagé d’autre part à épurer la dette intérieure ce qui devrait permettre de relancer financièrement les entreprises locales et leur permettre notamment de sécuriser les emplois.
Côté patronat, la Confédération nationale des employeurs du Sénégal (CNES) et le Conseil national du patronat (CNP), les deux principales organisations annoncé leur prochaine fusion, ce qui devrait renforcer la voix du patronat dans le dialogue.
Il s’agit pour le gouvernement de ne plus chercher à imposer son hégémonie sur ses partenaires sociaux, de ne plus prendre auprès d’eux des engagements qu’il ne sait ne pas pouvoir tenir
Les uns et les autres doivent se convaincre que l’échec du projet dont le premier ministre propose le lancement le 1er avril 2025, ne sera pas seulement un coup porté à la Vision Sénégal 2050 du président Bassirou Diomaye Faye mais risque d’être fatal à la démocratie et au développement économique rapide promis par le nouveau régime.
Aussi serait il indiqué que le consensus tripartite soit porté solennellement à la connaissance du peuple pour qu’il en soit garant. Sa signature pourrait se faire dans le cadre d’Assises Sociales qui regrouperaient les représentants de toutes les forces vives du pays ainsi que toutes les autorités religieuses et coutumières.
PAR SIDY DIOP
L’ÈRE DE LA POST-VÉRITÉ
Il fut un temps où la vérité, bien que souvent disputée, finissait par triompher. On pouvait la traquer, l’exiger, la démontrer, et si elle dérangeait, elle imposait néanmoins son autorité. Mais aujourd’hui, ce socle vacille
Il fut un temps où la vérité, bien que souvent disputée, finissait par triompher. On pouvait la traquer, l’exiger, la démontrer, et si elle dérangeait, elle imposait néanmoins son autorité. Mais aujourd’hui, ce socle vacille.
Nous ne sommes plus à l’époque où l’on cherchait à s’approcher du réel par la raison et les faits établis, mais dans un monde où la vérité se négocie, se façonne selon les désirs de chacun. L’ère de la post-vérité n’est plus une hypothèse ou un concept abstrait : elle est devenue l’air du temps, un climat où la perception l’emporte sur la démonstration, où l’émotion supplante le raisonnement. Le terme « post-vérité » a fait son entrée dans le vocabulaire politique et médiatique au début des années 2010. Il désigne une époque où les faits objectifs pèsent moins dans l’opinion publique que les émotions et les croyances personnelles. Autrement dit, ce qui est ressenti comme vrai l’emporte sur ce qui peut être prouvé.
Ce glissement ne s’est pas fait du jour au lendemain. Il est le fruit d’un long processus où la défiance envers les institutions, la multiplication des sources d’information et l’omniprésence des réseaux sociaux ont contribué à brouiller la frontière entre vérité et fiction. Prenons l’exemple de la politique. Jadis, un scandale documenté pouvait suffire à précipiter la chute d’un responsable. Un mensonge avéré, une contradiction manifeste, et c’était l’opprobre. Aujourd’hui, ces règles semblent obsolètes. Un responsable mis en cause n’a plus besoin de démontrer son innocence : il lui suffit de semer le doute, d’inverser les rôles, de dénoncer un complot ourdi par ses adversaires. L’important n’est plus de prouver qu’une information est fausse, mais d’affirmer qu’elle fait partie d’une grande manipulation. Peu importe la solidité des faits : ce qui compte, c’est la force avec laquelle on martèle un contre-récit.
Ainsi naissent des vérités parallèles, imperméables aux preuves, aux enquêtes, aux rectifications. Les réseaux sociaux ont joué un rôle clé dans cette transformation. Jadis, la diffusion de l’information était filtrée par des médias soumis à des règles de vérification. Aujourd’hui, tout le monde peut devenir émetteur d’information. Un mensonge bien tourné, une rumeur alléchante, et l’illusion se propage à la vitesse de l’éclair. Les algorithmes favorisent les contenus qui suscitent l’indignation et l’émotion, amplifiant ainsi les discours les plus spectaculaires au détriment des analyses nuancées. Pire encore, les démentis arrivent toujours trop tard. Une fois qu’une idée s’est ancrée dans l’esprit du public, il est presque impossible de l’en déloger. Un mensonge efficace continue de vivre, même après avoir été largement réfuté. Mais la post-vérité ne se limite pas à la sphère politique. Elle contamine également la science, la santé, l’histoire.
Les controverses autour du changement climatique ou des vaccins en sont des illustrations frappantes. Face à une expertise jugée opaque ou arrogante, beaucoup préfèrent les récits alternatifs, ceux qui flattent leur méfiance instinctive plutôt que ceux qui exigent une réflexion rigoureuse. Dans ce monde où chacun peut choisir sa propre vérité, le savoir lui-même devient suspect. On en vient à remettre en question des évidences établies de longue date, simplement parce qu’elles déplaisent ou qu’elles ne correspondent pas aux attentes d’un groupe. Sommes-nous définitivement condamnés à ce règne du flou ? Peut-être pas. Mais il faut reconnaître que la lutte pour la vérité est devenue plus difficile.
À une époque où l’opinion se forme en quelques secondes, où l’information est consommée comme un divertissement, il ne suffit plus de démontrer : il faut convaincre. La vérité ne peut plus s’imposer d’elle-même, elle doit être défendue avec autant d’habileté que ceux qui la travestissent. Cela suppose un effort collectif : réapprendre à vérifier, à douter de ce qui nous arrange, à accepter la complexité. Dans un monde saturé de récits contradictoires, la pensée critique est devenue une nécessité vitale. Car à trop nous laisser bercer par les illusions de la post-vérité, nous risquons d’oublier que la réalité, elle, finit toujours par nous rattraper.
Par Francis Mureithi
POUR FINANCER DURABLEMENT LES SYSTEMES AGROALIMENTAIRES, NOUS DEVONS INNOVER
Le mois dernier, les chefs d'État et de gouvernement de l'Union africaine ont adopté une nouvelle politique et stratégie décennale de développement des systèmes agroalimentaires, appelée Déclaration de Kampala, visant à assurer la sécurité alimentaire...
Le mois dernier, les chefs d'État et de gouvernement de l'Union africaine ont adopté une nouvelle politique et stratégie décennale de développement des systèmes agroalimentaires, appelée Déclaration de Kampala, visant à assurer la sécurité alimentaire du continent et à transformer les entreprises, les vies et les personnes travaillant dans l'agriculture d'ici 2035. Seeds of Gold s'est entretenu avec Boaz Blackie Keizire, directeur de l'AGRA (Alliance pour une révolution verte en Afrique) pour la politique et la capacité de l'État, sur les derniers engagements de l'UA et sur la question du financement durable des systèmes agroalimentaires
Boaz Blackie Keizire - Directeur de l’AGRA en charge des politiques et des capacités de l’État au Kenya.
Boaz Blackie Keizire - Directeur de l’AGRA en charge des politiques et des capacités de l’État au Kenya.
Evaluation de la déclaration de Malabo
La déclaration de Malabo a constitué une étape décisive, s'appuyant sur les leçons tirées des engagements pris à Maputo en 2003, qui mettaient l'accent sur la mobilisation des ressources publiques, en particulier les 10 % de dépenses publiques consacrées à l'agriculture. Ce qui a changé la donne à Malabo, c'est l'introduction de la responsabilité mutuelle et d'un mécanisme d'examen par les pairs, qui a incité les pays à suivre les progrès, à apprendre les uns des autres et à renforcer les plans d'investissement dans l'agriculture. Bien qu'il ait stimulé la concurrence et l'engagement, des défis échappant au contrôle national, tels que les chocs climatiques (El Niño en Afrique australe, sécheresse dans la Corne de l'Afrique) et les perturbations des chaînes d'approvisionnement en intrants (COVID-19), ont empêché la pleine réalisation de ses objectifs. Néanmoins, des progrès significatifs ont été réalisés.
Le rôle de l’Agra dans la déclaration de Malabo
L'AGRA (Alliance pour une révolution verte en Afrique) a contribué à faire avancer la déclaration de Malabo en soutenant l'Union africaine dans l'élaboration des processus d'examen bisannuels. Nous avons renforcé les systèmes semenciers nationaux, défendu les réformes politiques visant à libéraliser les industries des semences et des engrais, et amélioré les marchés transfrontaliers en nous attaquant aux barrières non tarifaires, aux barrages routiers et aux interdictions d'exportation. En outre, nous avons travaillé avec les gouvernements pour réduire l'imprévisibilité des politiques, inciter les agriculteurs et rationaliser l'enregistrement des agriculteurs afin d'améliorer l'efficacité de la distribution des engrais.
Accès des femmes et des jeunes aux financements
Les barrières culturelles et historiques empêchent souvent les femmes et les jeunes d'accéder au financement, à la terre et à d'autres ressources essentielles, ce qui limite leur engagement dans l'agriculture. Pour y remédier, l'AGRA a élaboré la Stratégie pour l'agro-industrie des jeunes, un cadre politique continental, et a aidé les États membres de l'UA à mobiliser des ressources. Nous aidons également à concevoir des politiques et des stratégies qui facilitent l'accès à la terre et au financement, en créant intentionnellement des incitations pour attirer les jeunes dans l'agriculture - en particulier en tirant parti des outils numériques pour les intégrer dans les chaînes de valeur.
La différence entre la déclaration de Kampala et celles de Malabo et Maputo
La Déclaration de Kampala maintient l'engagement de 10 % de dépenses publiques pris à Maputo et à Malabo, mais va plus loin en explorant de nouveaux modèles de financement, tels que les financements mixtes et les fonds de pension, pour stimuler les systèmes agroalimentaires. L'outil « Financing Flows to Food Systems » (3FS), qui permet de suivre l'affectation des ressources entre les différents éléments des systèmes alimentaires, constitue une innovation majeure. Cette approche fondée sur les données aide les gouvernements à prendre des décisions éclairées sur les priorités de financement et l'optimisation des investissements.
Rôle de l’Agra dans la mise en œuvre de la déclaration de Kampala
L'AGRA s'est engagée à soutenir la Déclaration de Kampala en tirant parti de son expertise en matière de systèmes semenciers, d'agriculture durable, d'agriculture régénérative, de livraison au dernier kilomètre, de services de vulgarisation et d'application d'engrais. Nous aiderons les pays à concevoir des programmes phares et des plans d'investissement bancables afin d'attirer les financements des secteurs public et privé. En outre, nous avons renforcé nos programmes en faveur de la jeunesse et de l'égalité des sexes pour garantir l'inclusivité, en créant des initiatives ciblées qui intègrent les jeunes et les femmes dans les chaînes de valeur agricoles. Au-delà de l'élaboration des politiques, l'AGRA investit dans la domestication de ces politiques afin de susciter un véritable changement au niveau des exploitations agricoles - en augmentant les revenus des agriculteurs, en créant des emplois pour les jeunes et en garantissant la participation des femmes dans le secteur.
La déclaration de Kampala promet mieux
Je suis très optimiste quant au fait que la déclaration de Kampala s'appuiera sur les enseignements de Malabo pour avoir un impact plus important. Nous sommes à l'ère du numérique, les jeunes constituent le groupe démographique le plus important, et la technologie offre de nouvelles possibilités de transformation. Les solutions numériques peuvent améliorer l'accès des agriculteurs aux intrants, à l'information sur les marchés et à la précision grâce à l'imagerie satellitaire et à des informations fondées sur des données.
En ce qui concerne la mobilisation des ressources, on observe un engagement croissant en faveur de financements innovants, en tirant parti des fonds de pension, des investissements des banques commerciales et des modèles de financement mixtes. Pour débloquer ces opportunités, des incitations politiques fortes et un leadership éclairé seront essentiels pour garantir un investissement et un impact durables.
L'importance du prochain dialogue sur le financement des systèmes agroalimentaires (FINAS) 2025
Le dialogue FINAS 2025 est une plateforme cruciale pour faire progresser le financement durable des systèmes agroalimentaires africains. Il fournira des solutions fondées sur des données et des preuves aux questions clés : Comment attirer de nouveaux investissements ? Comment pouvons-nous tirer parti des innovations émergentes, y compris les financements verts et liés au climat ? Quels enseignements pouvons-nous tirer des instruments financiers existants et quels nouveaux modèles devrions-nous explorer ?
FINAS représente donc une opportunité majeure pour les pays et toutes les parties prenantes d'apprendre à investir et à financer durablement les systèmes agroalimentaires.
Du respect des gouvernements de leur engagement de 10 %
Je suis très optimiste. Le défi n'a pas été le refus mais les priorités concurrentes. Si nous pouvons clairement démontrer aux ministères des finances que l'investissement dans les systèmes agroalimentaires stimule la croissance économique, la création d'emplois et la transformation numérique, ils seront plus enclins à allouer davantage de ressources.
Au-delà du respect de l'engagement de 10 %, les gouvernements peuvent également adopter des outils de financement innovants pour réduire la dépendance à l'égard des emprunts et garantir un investissement durable dans le secteur.
Par Khady GADIAGA
DE L'EQUILIBRE DE LA STRUCTURATION MEME DU CHAMP POLITIQUE
Dans un contexte où la société fait face à des crises profondes qui ont entamé le premier espace de production du citoyen qu’est la famille, il est opportun de poser le débat public pour faire avancer la cause de la famille et de la femme ...
Dans un contexte où la société fait face à des crises profondes qui ont entamé le premier espace de production du citoyen qu’est la famille, il est opportun de poser le débat public pour faire avancer la cause de la famille et de la femme par rapport aux objectifs de développement de notre pays.
Ce magistère du Président Bassirou Diomaye Faye axé sur un leadership transformationnel doit nécessairement prendre en compte son engagement sur cette question fondamentale.
L'émergence d’un leadership féminin qui se pose à nous appelle deux questions essentielles :
- Quels moyens mettre en œuvre pour équilibrer la structuration même du champ politique fondée sur un modèle de domination symbolique exercée par les hommes afin d’atteindre une optimisation de la présence des femmes dans les hautes sphères politiques ?
- Quelles réflexions et quelles actions faudrait-il mener pour consolider les acquis engrangés par la lutte des femmes, en vue de faire émerger en masse un leadership ou un commandement politique féminin capable d’exercer une influence sur le rôle et le statut des femmes sénégalaises dans la sphère politique ?
En Afrique, les femmes ont encore de nombreux défis à relever, d’ordre stratégique : l’absence d’un mouvement social fort, l’isolement, la faible capacité prospective et le manque d’anticipation. La construction d’un mouvement fort passe par deux types d’alliance. D’abord, entre les femmes politiques et les organisations à caractère économique, car les premières n’ont pas les moyens matériels de leur ambition, et les secondes n’ont pas la conscience politique. Ensuite, entre les femmes politiques et les organisations de la société civile, car lorsque les premières sont combattues dans l’espace politique et que la pression devient trop forte, elles ont besoin d’un espace de repli. Il y a des moments où, pour s’imposer dans leurs partis, les femmes ont besoin d’être soutenues par d’autres forces organisées.
Sortir les organisations de femmes de la ghettoïsation...
L’approche fragmentée et cloisonnée de la question de la femme a mis en évidence son inefficacité. Pour sortir de la ghettoïsation, les organisations de femmes doivent inscrire leurs luttes dans des enjeux qui préoccupent la société dans sa globalité, car la question des femmes ne peut être traitée indépendamment des autres défis. Les femmes doivent aussi rester vigilantes car, malgré les acquis, elles ne sont pas à l’abri de reculs. Elles doivent affronter à la fois des hommes hostiles à la parité, mais aussi des religieux hostiles à l’égalité entre hommes et femmes. Avec la montée de l’intégrisme religieux, tend à se développer une parole publique préconisant l’enfermement des femmes dans l’espace privé.
Cela exige davantage de vigilance, mais surtout une capacité d’anticipation pour nouer des alliances stratégiques avec des acteurs clés, tels que les organisations des droits de l’homme et les familles religieuses traditionnelles. Les droits des femmes sont des droits humains, et ces organisations constituent une force dans la société, détenant un réel pouvoir de pression sur le pouvoir politique. Il devient donc urgent d’utiliser les plages de convergence existantes pour bâtir une alliance durable. Quant à l’islam confrérique, il est le meilleur allié des femmes, dans un pays où les foyers religieux traditionnels prônent un islam ouvert, un islam de paix et de tolérance.
Maintenir le cap de l’engagement
Des évolutions encourageantes et perceptibles interviennent depuis peu dans le paysage politique sénégalais, quant à une plus grande implication de la femme dans la vie politique nationale. Mais il serait souhaitable que cette dynamique s’inscrive dans la permanence et la durée et ne se limite pas au seul contexte électoral. Le défi est immense et requiert par conséquent une synergie d’actions des Pouvoirs Publics, de la société civile, des bailleurs de fonds et des femmes elles-mêmes.
Il est également nécessaire de déterminer l’influence de l’égalité politique sur les progrès de l’égalité sociale. Et il ne suffit pas que des femmes s’engagent en politique pour que la condition de toutes les femmes s’en trouve révolutionnée. Encore faut-il que ces femmes politiques soient féministes, l’assument et le revendiquent. Il est donc indispensable de tirer des leçons d’un passé marqué par des ruptures. Le lien a manqué entre les femmes qui ont mené des luttes pour l’indépendance et la génération de celles engagées dans les partis de gauche, apparues après 1968 (Dia, 1995). De même, aujourd’hui, il ne semble pas y avoir de relève aux femmes qui ont mené le combat pour la parité. À chaque rupture historique, il a fallu un certain temps, car il a manqué une pensée politique liée à la lutte des femmes (Sarr, 2010).
Repenser en des termes radicalement nouveaux les constructions ontologiques de l’identité
On peut s'offusquer également du fait qu'à part les féministes convaincues, les femmes se mettent rarement en ordre de bataille pour l'affirmation de leurs droits.
On comprend dès lors le désarroi des activistes et autres influenceurs face au déni organisé et à l'apathie des femmes car il est quasi vain de se battre pour qui n'a pas conscience de son combat existentiel.
Dans la pratique politique féministe, il paraît nécessaire de repenser en des termes radicalement nouveaux les constructions ontologiques de l’identité afin de formuler une politique de représentation qui puisse faire revivre le féminisme sur d’autres bases.
Par ailleurs, peut-être est-il temps de concevoir une critique radicale qui cherche à libérer la théorie féministe de la nécessité d’avoir à construire une base unique ou permanente, une base vouée à être sans cesse contestée à partir des positions identitaires ou anti-identitaires qui en sont inévitablement exclues.
Les pratiques d’exclusion qui fondent la théorie féministe dans une notion des « femmes » en tant que sujet ne sabotent-elles pas paradoxalement les ambitions féministes d’en élargir « la représentation ».
Il convient également de formater les esprits des plus jeunes à la masculinité positive en mettant en place d'avantage de campagnes de sensibilisation et de prévention, en développant notamment dès l'école, des classes, qui éduquent les enfants au respect de l'autre et à la sexualité, s'il on veut pouvoir espérer réduire l'exclusion et les violences faites aux femmes.
C'est le combat à mener. Convertir le patriarcat et nos gouvernants aux valeurs humanistes du féminisme ou à la masculinité positive et le tour est joué. Voilà le processus !
Par Mamadou Makhtar Mbacké LEYE
VIOLENCES SEXUELLES A L’ENCONTRE DES FEMMES ET DES FILLES AU SENEGAL : PISTES DE SOLUTIONS
Inscrire les «traumatismes et violences» comme un problème prioritaire de santé dans le prochain Plan national de développement sanitaire et social (Pndss) est une démarche importante pour une lutte efficace contre les violences sexuelles
Les violences sexuelles sont des violations flagrantes des droits des femmes et des filles au sein de la société. Le renforcement de la lutte passera par la mise en œuvre de ces recommandations : mettre en place un programme national de lutte contre les traumatismes intentionnels et non intentionnels, renforcer la communication sur les conséquences néfastes des violences sexuelles, l’éducation à la sexualité, la formation en matière d’établissement et de délivrance de certificats médicaux, l’accessibilité financière aux certificats médicaux, des tests de diagnostic (tests Adn…) et l’autonomisation économique des femmes.
Eriger le Bureau de prévention de la violence et des traumatismes du Msas en programme national de lutte contre les traumatismes intentionnels et non intentionnels
Inscrire les «traumatismes et violences» comme un problème prioritaire de santé dans le prochain Plan national de développement sanitaire et social (Pndss) est une démarche importante pour une lutte efficace contre les violences sexuelles qui menacent la vie des personnes, surtout celles vulnérables (femmes et filles). Avec ce programme, un plan stratégique quinquennal sera élaboré, prenant en compte la prévention et la prise en charge des violences, avec la pleine participation des ministères, du Parlement, de l’université, des collectivités locales, de la Société civile (organisations communautaires), des Ong internationales de lutte contre les violences. Il sera un document de référence de toutes les stratégies planifiées à mettre en œuvre pour les 5 prochaines années.
Elaborer et mettre en œuvre un plan national de communication sur les violences faites aux femmes et aux filles
La mise en œuvre du plan de communication permettra de mener des activités de plaidoyer auprès des ministères en charge de la Santé, de la Famille et de la Justice, et des partenaires pour un financement conséquent des activités de lutte contre les violences. Au niveau de la communauté, il faut cibler les autorités religieuses et coutumières pour les amener à cerner la place de la femme au sein de la société et les méfaits de la violence sur leur état de santé. Les agents communautaires peuvent diffuser les messages auprès des différentes couches de la population au cours des causeries, lors des journées de mobilisation sociale. La mobilisation sociale doit être massive, répétitive, intensive et persistante. L’utilisation des mass médias reste un moyen efficace pour faire passer des spots publicitaires et des débats sur la lutte contre les violences en langues nationales. Les messages vont permettre d’informer, de créer des attitudes favorables et de susciter des actions.
Affecter au moins dans chaque établissement public de santé de niveau 2, un psychologue clinicien
L’Etat devra intégrer le corps des psychologues cliniciens dans la nomenclature de la Fonction publique afin que ces derniers soient recrutés. En fait, actuellement, leur non-intégration dans la Fonction publique les pousse à s’installer dans les structures sanitaires privées inaccessibles financièrement pour la majeure partie des populations. Ainsi, les victimes sont obligées de se prendre en charge auprès des psychiatres, vu que ces derniers ont une certaine compétence dans ce domaine. Malheureusement, ces psychiatres sont inégalement répartis sur le territoire national. Le ministère en charge la Santé doit mettre à la disposition de chaque Eps 2, une unité de veille et de prise en charge psychosociale avec un psychologue et un assistant social. Il doit aussi collaborer avec la Faculté de Médecine, de pharmacie et d’odontologie de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar et les Unités de formation et de recherche (Ufr) santé des universités des régions pour la mise en place d’un Diplôme d’études spécialisées (Des) en psychologie médicale car n’étant pas encore disponible au Sénégal.
Renforcer les capacités des médecins du secteur public comme privé en matière d’établissement et de délivrance de certificats médicaux
Le certificat médical doit être rédigé après examen du malade. Le contenu doit être lisible, clair et compréhensible. L’exactitude des données renseignées sur le certificat médical permet de qualifier certaines formes de violences. C’est un acte médical qui n’est pas spécifiquement corrélé à un spécialiste dans le domaine de la médecine, mais il est préférable que le gynécologue fasse le certificat de constatation de viol si possible. Au cas où le certificat médical ne satisferait pas la plaignante ou le présumé agresseur, le juge peut saisir l’Ordre des médecins qui propose un expert. Le juge fait une ordonnance de désignation de l’expert. Ce dernier signe le serment et s’engage à travailler dans la transparence, l’honnêteté et l’impartialité. Ainsi, le certificat de constatation de viol est déterminant pour la sanction judiciaire des agresseurs. Il doit être délivré en mains propres à l’intéressée qui est ici la victime. Si elle est mineure, son tuteur légal est le seul habilité à disposer de son certificat médical. Certains praticiens, inconscients des risques encourus, continuent de délivrer des certificats médicaux dit de «complaisance» alors qu’ils ne sont nullement tenus de les fournir. En général, les demandeurs de ces certificats ont comme motifs d’échapper à la Justice ou de causer du tort au présumé agresseur. Les médecins des secteurs privé et public doivent bénéficier d’un renforcement de capacités en matière de certificats médicaux.
Appliquer la loi relative à la criminalisation du viol
La criminalisation des actes de viol et de pédophilie entraîne un surpeuplement des prisons car la durée de détention provisoire des présumés coupables n’est pas encadrée par des délais en cas de crime. Cette situation doit encourager les autorités judiciaires à appliquer la loi n02020-28 du 07 juillet 2020 consacrant le placement sous surveillance électronique comme mode d’aménagement des peines1. L’application de la loi vise à désencombrer les prisons et à maintenir les liens familiaux de la personne concernée. Au cours de son placement sous surveillance électronique, le juge mène son enquête. Ce dernier reste confronté parfois à des difficultés pour apporter des preuves permettant d’incriminer le présumé coupable. Parmi ces preuves, le test Adn reste crucial, mais il n’est pas accessible financièrement pour la majeure partie des populations et n’est disponible qu’à Dakar, au niveau du Centre de diagnostic et de recherche en médecine moléculaire (Cdrmm) et de l’Institut de recherche en santé, de surveillance épidémiologique et de formation (Iressef). Pour y apporter des solutions, l’Etat doit renforcer les capacités diagnostiques et techniques en biologie moléculaire au niveau de la Police scientifique et des établissements publics de santé de niveau 2 et 3.
Renforcer l’éducation à la sexualité en milieu scolaire
L’éducation complète à la sexualité reste une stratégie importante pour préparer les jeunes à une vie saine et productive. Le milieu scolaire est un bon cadre pour connaître les avantages d’une éducation à la sexualité de qualité basée sur les programmes scolaires. Le milieu scolaire est un grand apport pour éduquer les élèves à la sexualité. Ainsi, il est important de réviser les curricula de formation en introduisant des modules de formation sur l’éducation à la sexualité ciblant les adolescents, notamment durant les cycles moyen et secondaire. Pour une meilleure appropriation, ce processus de révision devra impliquer toutes les parties prenantes du secteur éducatif, notamment les associations de parents d’élèves, les représentants des élèves, les syndicats des enseignants, les directeurs, principaux et proviseurs, les Ong et les représentants du ministère de l’Education nationale. Ce processus devra impérativement s’adosser au respect strict de nos principes et valeurs culturelles.
Promouvoir l’autonomisation économique des femmes
L’autonomisation des femmes passe par l’éducation qui leur permettra de sortir du monde de l’ignorance. L’Etat doit mettre à la disposition des associations féminines, des spécialistes dans leurs domaines d’activités en vue de les encadrer à toutes les étapes, de la production à l’écoulement de leurs produits de qualité sur le marché. Ces activités encadrées leur permettront de générer des bénéfices qui vont servir à rembourser les prêts auprès des structures décentralisées de l’Etat, à assurer les dépenses de production, notamment les charges en ressources humaines et matérielles.
L’autonomisation économique exige un accès aux ressources et une capacité des femmes à les contrôler et à les utiliser, d’où la nécessité de renforcer leurs compétences. Elle donne aux femmes plus de pouvoir de décision leur permettant de prendre des mesures émancipatrices, notamment la revendication de leurs droits au sein de la société. Les femmes doivent occuper des postes de responsabilité comme les hommes au sein du secteur public comme privé. Ainsi, elles peuvent devenir des gestionnaires de programmes et être capables de prendre des décisions.
Mamadou Makhtar Mbacké LEYE Professeur Titulaire des Universités Médecin – Spécialiste en Santé Publique Directeur des études de l’Ised / Ucad 1 Journal officiel de la République du Sénégal, N0 7342, Lundi 27 juillet 2020
Par Mohamed GUEYE
LE GOUVERNEMENT EN GUERRE CONTRE L’EMPLOI
C’est comme si les nouveaux dirigeants au pouvoir se sont donné pour mission de mettre les travailleurs au chômage pour les remplacer par des hommes liges. Une fois la tâche entamée dans le secteur public, ils s’attaquent maintenant au secteur privé
Le chômage n’est pas une recette pour le développement. Tout au contraire, tous les pays, toutes les économies du monde, quelles que soient leur nature et leur forme de gouvernement, ont depuis longtemps compris que l’on ne peut produire de la croissance qu’en mettant au travail sa population, que c’est le travail qui est l’une des clés du développement de la société et de l’épanouissement de ses citoyens. Une illustration de l’importance du travail est ce conseil prêté à l’un des maîtres de l’économie moderne, John Maynard Keynes. Il est dit qu’il avait conseillé au Président américain Franklin Delano Roosevelt, de remettre ses concitoyens au travail pour relancer l’économie après la récession née du krach boursier de 1929. «S’il faut embaucher 10 mille personnes à creuser des trous que 10 mille autres seront chargés de boucher, ce sera du travail», lui aurait-il dit. Ce conseil a donné le fameux New Deal, qui a permis aux Etats-Unis de sortir de la récession née du krach boursier de Wall Street en 1929.
La même recette a fonctionné aussi dans les pays communistes. L’Urss de Staline et la Chine de Mao Tsé-Toung ont mis leurs populations au travail -de force, à en croire les théoriciens capitalistes, ou par l’apologie du zèle au travail. A l’époque de Staline, les propagandistes soviétiques vantaient les qualités de Alexei Stakhanov, ce mineur du Donetz qui n’hésitait pas à dépasser les normes de production pour permettre à son pays de produire le charbon dont les Soviets avaient tant besoin. Plus près de nous, on a vu en 1975, le «révolutionnaire» Thomas Sankara lancer la «Bataille du rail». Il s’agissait de construire un nouveau chemin de fer qui devait permettre de relier la capitale du Burkina, Ouagadougou, à des localités du Nord du pays, et faciliter, incidemment, l’exploitation de plusieurs minerais précieux. Faute d’argent, le régime étant privé de capitaux par le système financier capitaliste occidental, Sankara a mobilisé l’énergie de sa population, en appelant chacun à donner ce qu’il pouvait. Ceux qui n’avaient pas de ressources financières ont donné de leurs muscles. Un journal en ligne, lefaso.net, relate le début de l’aventure : «Les partenaires financiers du moment, notamment la Banque mondiale, ont refusé de financer le projet. Mais le régime militaire, convaincu que seul le Peuple est le véritable acteur de son développement, se lança dans l’aventure avec ses propres moyens. Les révolutionnaires étaient convaincus de la force de leurs bras.
Le 1er février 1985, le Capitaine Thomas Sankara, chef de la révolution, lance le projet sous la dénomination : «La Bataille du rail». Ce sont les ressources propres du pays qui ont servi pour l’achat de matériel estimé à environ un milliard de francs Cfa à la fin du régime du Cnr. Les ouvriers, c’est le Peuple à travers ses composantes ! Femmes, jeunes, personnes âgées, élèves… ont participé à la pose des rails, bénévolement, jour férié ou non.»
Si l’aventure du rail a tourné court au Burkina, au moins, le besoin de faire travailler son Peuple, en particulier sa jeunesse, n’a jamais quitté le pouvoir burkinabè, tous régimes confondus. Au Sénégal, même à l’époque de Sankara, on avait compris que l’oisiveté pouvait être la cause de tous les vices pour la jeunesse. Ceux qui ont la cinquantaine actuellement, se souviennent de ces mots qui ont achevé de couper tous les ponts entre le Président Abdou Diouf et la jeunesse de son pays, qu’il avait traitée de «jeunesse malsaine» en 1988. Or, comme son adversaire l’avait compris, le problème de ladite jeunesse était le chômage. Wade n’avait-il pas battu campagne en 2000 en promettant de régler le problème de l’emploi dans le pays ? Car, malgré les dures conditions des programmes d’ajustement structurel, Abdou Diouf avait tenté de lancer une initiative pour l’entreprenariat des «Maîtrisards chômeurs». Si certains ont réussi, plus nombreux encore ont échoué, n’ayant pas été préparés à la gestion d’entreprises.
Abdoulaye Wade, au début, a voulu se donner les moyens de tenir sa promesse de trouver de l’emploi aux jeunes. Il a mis en place le Fonds national pour la promotion de la jeunesse (Fnpj) et l’Agence nationale pour l’emploi des jeunes (Anej), deux organismes destinés à promouvoir l’emploi et l’entreprenariat auprès de la jeunesse. Ils seront renforcés après quelque temps, et pour des raisons politiques, par l’Agence pour l’emploi des jeunes de la banlieue
Toutes ces structures ont absorbé plusieurs milliards, aussi bien en budget de fonctionnement qu’en financement de projets, plus ou moins fictifs. Au point que, faute de statistiques fiables, l’opinion a toujours eu l’impression que le chômage des jeunes a encore plus augmenté durant la gouvernance de Me Abdoulaye Wade. Le chômage a conduit au rejet total des politiques menées par les dirigeants politiques. Comme le disent les économistes marocains Soulaimane Laghzaoui et Mounia Sliman, le chômage des jeunes «est un phénomène qui contribue à l’isolement et à un sentiment de frustration, pouvant exposer les jeunes à différents risques, notamment la délinquance, l’extrémisme, l’émigration et la fuite des cerveaux». Parallèlement, c’est vers cette époque que le Sénégal a vu s’amplifier le phénomène «Barça wala barsakh», qui voyait des gens de toutes conditions affronter les vagues de la mer pour gagner les îles espagnoles des Canaries
Macky Sall et les 500 mille emplois
C’est dans ces circonstances que Macky Sall, briguant la présidence de la République, a promis de créer 500 mille emplois par an. Dans une volonté d’efficacité, il a commencé par fondre les multiples agences mises en place par son prédécesseur, pour créer l’Anpej (Agence nationale pour la promotion de l’emploi des jeunes). L’inertie de l’Anpej a conduit à la création de nombreux autres offices dédiés à la promotion de l’emploi des jeunes. Si personne ne peut nier le dynamisme du Président Macky Sall dans ce domaine, on doit tout de même noter qu’il n’a jamais pu emporter l’adhésion de son secteur privé national pour la création d’emplois. Même les promesses de financements liés au Plan Sénégal émergent (Pse) et les milliards de Cfa qui en étaient attachés, n’ont pas incité les entrepreneurs privés à créer des emplois.
De guerre lasse, le chef de l’Etat a voulu tenter la carte de l’entreprenariat des jeunes et des femmes avec la Der/Fj. L’irruption de la fronde Sonko sur la scène politique, et son discours qui a enflammé la jeunesse, l’a poussé à finir son mandat avec le programme Xëyu ndaw ñi (emploi des jeunes, en wolof). Sans doute que l’actuel pouvoir fera bientôt le bilan de ce programme, et l’on peut s’attendre à apprendre qu’il nous aura coûté plusieurs milliards, pour un résultat proche du négatif.
Licenciements massifs, à défaut d’embaucher
Est-ce la somme de ces expériences malheureuses qui a confiné l’actuel pouvoir au mutisme s’agissant de la question de l’emploi ? Cette question est assez accessoire, quand on se rend compte que, loin de vouloir produire des emplois, les actuels dirigeants se sont mis à supprimer des postes. Comme s’ils étaient en guerre contre l’emploi, pour des gens qui avaient été élus afin de mettre fin à ce fléau. Plusieurs entreprises publiques ou parapubliques ont déjà commencé à déflater. Tout le monde a lu la note envoyée par le Dg de la Caisse des dépôts et consignations (Cdc) à ses travailleurs. On a vu aussi la sortie du Dg de l’Aibd qui a annoncé un nettoyage à grande eau de l’aéroport, comme à la Lonase, à Dakar Dem Dikk, au ministère des Mines, et à plusieurs autres entreprises dont les dirigeants ont annoncé les renvois de personnels. Le Dg du Port, trop occupé à se mirer sur sa page Facebook, n’a pas eu la courtoisie de prévenir la plus d’une centaine d’employés qu’il a contraints à prendre la porte.
C’est comme si les nouveaux dirigeants au pouvoir se sont donné pour mission de mettre les travailleurs au chômage pour les remplacer par des hommes liges. Une fois la tâche entamée dans le secteur public, ils s’attaquent maintenant au secteur privé. Ils ont commencé par paralyser les entreprises, en les contraignant, d’abord à ne pas produire, mais surtout, si elles le peuvent, à produire à perte
Au tour des industriels
Le secteur des Btp a lancé un appel qui n’a laissé personne indifférent. Le marasme là-bas a touché jusqu’aux cimenteries du pays dont le chiffre d’affaires a baissé, et qui a entamé de réduire sa voilure. Dans l’agroalimentaire aussi, des dirigeants se désolent de devoir produire à perte, comme les minoteries. Le prix du blé sur le marché international est tel en ce moment que le prix de la farine ne pourrait qu’augmenter. Or, faute de solution économique, les dirigeants politiques imposent une baisse artificielle à nos opérateurs. D’autres secteurs sont aussi concernés, comme l’huile ou le sucre. Dépassées sans doute par leurs promesses électorales de réduire les prix des produits de première nécessité, les autorités ne cessent de vouloir contraindre les industriels à appliquer des prix en dessous de la vérité du marché. Il ne s’agit pas seulement pour eux de réduire leurs marges bénéficiaires, mais plutôt de perdre toute compétitivité.
Plusieurs entreprises ont fortement réduit leurs importations, d’où la baisse des rotations et du trafic enregistrée au Port de Dakar, qui aura des conséquences multiples sur les emplois. Comme si tout cela ne suffisait pas, certains ne semblent pas se rendre compte que, déjà paralysée par l’arrivée massive du sucre de contrebande favorisée par la délivrance des Dipa, la Compagnie sucrière de Richard-Toll ne pourrait se permettre de baisser ses tarifs pour satisfaire les lubies de nos fiscalistes. De plus, sa fonction sociale est telle que la Css pourrait difficilement se mettre à licencier. Cela pourrait provoquer des drames sociaux de grande ampleur dans le Walo, où des entreprises aussi emblématiques que la Soca ont été sabotées par des politiques publiques mal pensées et mal appliquées. Le Premier ministre n’a pas caché sa volonté de faire signer à ses partenaires sociaux un «Pacte de stabilité sociale» qui permettrait au pouvoir mettre le pays au travail, sans aucune perturbation sociale. Il va sans doute obtenir son pacte. Reste à savoir si, en encourageant les mises en chômage d’importantes franges de travailleurs, il aura la stabilité sociale. Dans ce pays, un salaire fait vivre en moyenne 10 personnes, même le gouvernement le sait.
Par Henriette Niang KANDE
LA FRANCE DÉGAGE ET ... INDEMNISE
Le slogan « France Dégage » devrait être enterré définitivement car c’est à nous de montrer que nous nous soucions des Sénégalais en situation d’incertitude consécutive à la perte de la dignité de l’emploi
Le Président Bassirou Diomaye Faye a demandé le départ des troupes françaises du Sénégal dans le cadre d’un nouveau positionnement souverainiste dicté par la trajectoire du Pastef. Chose non négligeable, la requête sénégalaise est concomitante à celle du Tchad, pourtant allié historique de la France en Afrique.
Il faut dire que les Français étaient déjà dans une reconfiguration de leur présence stratégique en Afrique, notamment dans le cadre du rapport Jean-Marie Bockel et après les affronts au Mali, au Burkina et au Niger où les troupes ont été sommées de partir sans ménagement, par les dirigeants putschistes de ces pays. Emmanuel Macron voulait réduire la voilure et passer pour les Éléments Français au Sénégal de 350 à moins de 100 hommes sur les 5 emprises au total.
Si le départ des troupes françaises du pays, dans le cadre de la réorganisation de la présence militaire hexagonale, qui est un événement marquant sur le plan politique, a fait l’objet de commentaires divers et variés, il en est un autre qui mérite également d’être mis en lumière. Il s’agit de l’impact du départ des Éléments français sur le personnel sénégalais qui était jusque-là à leur service.
En effet, près de 162 employés civils vont se retrouver au chômage pour un motif qui relève de la seule et unique coquetterie diplomatique. Il n’y a en vérité aucune corrélation entre souveraineté et présence militaire étrangère. Surtout que les bénéfices pour les capacités opérationnelles de nos armées sont sans équivoque.
Quoi qu’il en soit, la France a décidé d’indemniser dignement ses employés sénégalais, après la décision brutale de la faire partir. Ainsi, dès l’annonce effective du retrait, les EFS ont saisi l’inspection du Travail pour organiser les licenciements. Les concernés ont été indemnisés décemment avec rigueur et méthode. Il convient ici de souligner le geste de solidarité et de respect qui s’est manifesté à travers le traitement réservé aux employés sénégalais.
Ce départ, plutôt qu’une simple rupture de contrat ou un simple règlement de comptes administratifs, s’est transformé en une réelle reconnaissance de la valeur des employés sénégalais dont certains servent les EFS depuis plus de trente ans.
En plus des indemnisations, les EFS ont voulu accompagner la transition des personnes désormais au chômage, en vue de leur permettre de rebondir là où les autorités sénégalaises ont brillé par leur absence. Ainsi, les EFS ont organisé le 6 mars 2025, un forum des métiers au Quartier Geille avec la présence de près de 70 entreprises venues trouver la perle parmi les nouveaux demandeurs d’emplois. La démarche selon les concernés, s’est avérée être une marque de respect envers ceux qui ont contribué, souvent pendant des années, au succès de ces entreprises.
Les soldats français ont décidé de partir non seulement en apportant un soutien fiLA «FRANCE DÉGAGE» ET ... INDEMNISE nancier à leurs collaborateurs, mais aussi en leur garantissant une indemnisation adéquate, dans le respect des droits du travail, avec égard et décence. Contrairement aux usages qui deviennent récurrents dans notre pays.
Depuis avril 2024, des milliers de personnes sont licenciées sans aucune base légale. Parfois des employés disposant même de CDI et accusés ou soupçonnés d’être de l’ancienne majorité présidentielle sont brusquement licenciés ou voient leur contrat suspendu du jour au lendemain, si ce n’est une proposition de départ « volontaire », qu’on demande de signer de force, sans préavis, ni indemnités. Les raisons officielles avancées sont les difficultés budgétaires et la nécessité d'assainir les finances publiques. Mais, une politique d’austérité peut-elle justifier une telle brutalité et une telle mise à l’écart des règles fondamentales de protection sociale ?
Le traitement désastreux des personnels licenciés dans les entreprises publiques fait l’actualité depuis plusieurs mois, sans qu’aucune solution durable, dans le respect de la dignité humaine, ne soit envisagée.
Le contraste entre les deux situations pose une question fondamentale sur la gouvernance et la gestion des affaires publiques. Le respect des travailleurs ne devrait pas être un privilège accordé par des puissances étrangères, mais un principe intégré au cœur des politiques nationales. Le souci de justice semble cependant échapper aux nouvelles autorités sénégalaises., qui procèdent à des vagues de licenciements massifs dans la fonction publique. Derrière ces décisions, ce sont des familles entières qui se retrouvent du jour au lendemain sans ressources, sans accompagnement, sans alternative. Le droit du travail, qui garantit normalement une protection minimale aux employés, est allègrement bafoué. Or la rupture et la « transformation systémique » appellent les auteurs du slogan, à une prise en charge effective des notions de justice sociale, d’équité et de solidarité.
La contradiction est flagrante. La gestion du personnel licencié des EFS est symptomatique d’un respect qui contraste avec la peinture d’une France « pilleuse et inhumaine » qu’il faudrait bannir et à qui il faudrait dire « Dégage ». Les EFS ont montré la voie à l’État. Si licencier est obligatoire, accompagner devrait aussi l’être en vue de permettre une transition en douceur.
Pourquoi ne pas étendre cette pratique des EFS aux entreprises publiques et privées ? Pourquoi ne pas faire de cette indemnisation décente un modèle de bonne gouvernance au Sénégal ? Si l’État français, accusé et pointé du doigt depuis des années au nom du souverainisme, a su faire preuve de responsabilité, il serait peut-être temps pour les autorités locales de garantir des conditions de travail ou des indemnisations décentes et respectueuses de la dignité des employés.
Le slogan « France Dégage » devrait être enterré définitivement car c’est à nous de montrer que nous nous soucions des Sénégalais en situation d’incertitude consécutive à la perte de la dignité de l’emploi…En effet, quid de nous autres vis-à-vis de nous-mêmes ?
par Boubacar Mohamed Sy
LA FEMME AU CENTRE DE LA STRATÉGIE POUR L’ÉDUCATION DES MASSES
Le tollé qu’a suscité la note de service du Directeur Général du Port Autonome de Dakar aménageant les horaires de travail en faveur des femmes et pour le Ramadan mérite une attention particulière, tant il renseigne sur la complexité de notre société
Amkoullel, l’enfant peulh : « Un enfant peut désobéir à son père mais jamais à sa mère ».
Le tollé qu’a suscité la note de service du Directeur Général du Port Autonome de Dakar aménageant les horaires de travail en faveur des femmes et pour le Ramadan mérite une attention particulière, tant il renseigne sur la complexité de notre société.
Mieux, il renseigne sur une certaine difficulté à mettre sur la besace à idées quelques problématiques de fond dont le traitement permettrait de combattre quelques freins au développement.
Par exemple : en tant qu’écrivain et intellectuel qui se nourrit de controverses scientifiques, je suis (excusez l'emploi du je) déjà très en avance aussi bien dans la réflexion que dans la rédaction d’un essai politique qui traitait de la place de la femme dans notre société.
Le titre choisi, assez complexe, est le suivant : La place de la femme dans la société sénégalaise : entre conformisme ou modernité. (Titre qui pourrait évoluer)
Il reste évident, au demeurant, que traiter le présent sujet serait comme se positionner sur une ligne de crête surtout quand, subséquemment, on veut réfléchir sur ce qui pourrait concourir à une vraie éducation des masses, au Sénégal. Problématique ; à savoir précisément l’absence d’éducation des masses, qui demeure un parmi d’autres des vrais obstacles au développement du Sénégal.
La solution, à cet effet, pourrait être de replacer la femme au centre même de la stratégie pour aboutir à une société ou l’éducation est socle de toute démarche des membres qui la composent.
En vérité, superficiellement, il est difficile pour un pays de se développer avec une grande partie de la population mal éduquée, mal instruite et qui considère l’argent comme la seule valeur à considérer.
Cela justifie l’expansion et la puissance du paraitre outrageusement soigné à « ndoumbelane » et érigé en passe-droit un peu partout.
Venons-en à l’absence d’éducation des masses.
Manifestation de l’absence d’éducation comme frein au développement
L’absence d’éducation dans la société a engendré au Sénégal beaucoup de tares. Lesquelles appréciées aussi bien au niveau des citoyens que des hommes politiques.
En effet, le Sénégal est un pays où chacun peut faire ce qu’il veut. C’est un pays où le respect est mort malgré les discours moralisateurs, à longueur de journée, sur la politesse et sur tout ce qui s’y apparente.
Un pays ou celles et ceux qui essaient de rester sur le droit chemin et qui font preuve de rectitude dans la démarche dérangent. Il est une société où le mensonge est généralisé et banalisé, où la corruption est un recours usité insolemment.
Le mensonge, l’impolitesse, la ruse et la corruption sont-ils devenus les arguments du citoyen qui ne se gêne plus d’en user abondamment dans sa vie courante ?
Le citoyen sénégalais pense que la voie de la réussite passe par l’emprunt des voies de contournement et non par le travail. Ainsi, est-il noté le point de départ de la course, sans règles établies et par toutes sortes de pratiques, vers l’obtention de la richesse.
Ce qu’il y a lieu de comprendre, en réalité, est que tous les problèmes liés au développement comme la mal gouvernance, la gabegie, le népotisme ou l’utilisation à des fins politiques de l’administration découlent ou s’expliquent par une mauvaise éducation.
Il est évident qu’une personne qui a vécu dans des valeurs de partage, de solidarité, de respect du bien d’autrui, du « Ngor, diom et fouleu » aura toujours un comportement exemplaire.
La personne qui reste dans les valeurs constitue une référence absolue et un exemple pour tous. C’est à ce niveau de responsabilité que sont appréciées éducation et instruction. L’éducation est un travail de base sur la personnalité de l’enfant. C’est cela qui subsiste pour dire vrai.
Prenons l’exemple des débats politiques au Sénégal. Le débat politique qui devait être civilisé et didactique n’est qu’étalage, la majeure partie du temps, de médiocrité et d’indiscipline.
Combien de fois, au Sénégal, des militants de partis politiques, du pouvoir comme de l’opposition, se sont montrés en exemple de la pire des manières en ne s’écoutant pas, en s’insultant, au pire, copieusement sur les réseaux sociaux et même ailleurs ? On ne se gêne pas de s’insulter pour exprimer nos désaccords.
Restons toujours sur les réseaux sociaux. Aucune possibilité de débat contradictoire. Des discussions viles et sans réel contenu. Le constat d’une attraction pour les débats sur les personnes, sur la nudité, sur la vie d’autrui, et quelques fois par le fait de quelques presses en ligne, constituant une violation du droit à la vie privée et frisant la majeure partie du temps une atteinte illégale à l’honneur et à la réputation de tiers distingués. Quant aux débats scientifiques, ils sont sanctionnés par leur audience quasi inexistante.
Sur un autre aspect, la vérité « Mbedoum-Bour » est l’expression la plus parlante et la plus évidente d’une conception rétrograde de la société.
Elle témoigne, par ailleurs, d’une absence d’éducation et d’inculture réelles dans notre société. Comment considérer la rue comme un dépotoir d’ordures pour n’importe lequel sénégalais s’il est suivi le sens très précis du “Mbedoum-Bour”.
Un autre exemple des plus illustratifs pour comprendre l’indiscipline au Sénégal reste l’irrespect total du code de la route et l’intolérance sur la route entre chauffeurs. Il suffit d’observer la circulation pour se donner une idée du Sénégal et de ses pathologies impossibles à dissimuler.
Pour terminer sur les manifestations de l’absence d’éducation des masses, chacun peut constater aujourd’hui que l’insulte est banalisée. Le discours racé et policé est de moins en moins constaté contrairement aux années 60 ou il était l’apanage du plus grand nombre.
Quelle décadence !
Quelles sont les causes de cette absence d’éducation des masses ? Les causes de la situation étant multiples. On peut citer, entre autres : la pauvreté, la désertion des parents (mari comme femme) du foyer conjugal pour une quête de vie quotidienne meilleure, la désagrégation de l’enseignement public, la télé et la presse qui font plus du marketing et du busines en offrant plus que du ludisme que du didactique. Le ludisme, en ce sens, est devenu l’opium du peuple.
Jadis, l’éducation et l’instruction des masses étaient un travail communautaire. Elles étaient partagées par différents acteurs à savoir les parents, la famille élargie, les voisins, l’Etat à travers les écoles et pour finir le monde de l’audiovisuel et de la presse.
Il faut revenir, en conséquence, aux fondamentaux à savoir une société normalisée ou chacun jouera traditionnellement son rôle. C’est là où le sujet traité est intéressant puisqu’il insiste sur une mission essentielle dévolue à la femme à savoir l’éducation d’une nation.
Revenons aux causes de la désertion des parents, mari comme femme, du domicile familial. Ce qui traditionnellement fait obstacle à la tâche d’assurer l’éducation des enfants.
Le constat qu’il est possible de faire est que, désormais, homme comme femme se rendent au travail. Cela n’est pas sans conséquence sur la construction de la personnalité de l’enfant dont la responsabilité incombe aux parents.
Plusieurs causes, d’une inégale importance, expliquent la nouvelle situation qui devient une règle. Parmi ces causes, deux des plus significatives restent la dure réalité dans les ménages qui fait que l’homme ne peut plus lui seul, conformément aux préceptes de l’islam et à la vérité culturelle, assurer la dépense quotidienne mais aussi, et dans bien des cas, le mimétisme qui amène la femme africaine à se comporter comme la femme occidentale. Il s’y ajoute le manque d’éducation citoyenne qui fait de l’argent la seule valeur à considérer.
La vérité retient, aussi bien dans les traditions africaines que dans les civilisations islamiques, que jusqu’à un certain âge bien défini, sept ans pour les uns, douze ans pour les autres, l’éducation de l’enfant relève de la femme qui doit lui inculquer les valeurs de base de la famille ainsi que celles de la société.
Pour ce faire, il est vrai, la femme est appuyée par la totalité des membres de la maison y compris les parents proches, les voisins. Quant au père, bien que souvent absent, il n’est jamais exempté de contribuer drastiquement à l’éducation des enfants. La base de l’éducation reposait sur un travail communautaire.
Au terme de l’âge requis, l’enfant est placé entre les mains de l’école qui assurait sa réelle mission. Par ailleurs, au plan historique, en France, la famille appartenait au père qui en détenait la responsabilité.
La raison de la généralisation du travail des femmes en Europe est à chercher dans les effets et conséquences des deux guerres mondiales qui ont décimé l’essentiel de la population jeune qui constituait les soldats.
À la fin de la Seconde Guerre mondiale, les femmes, veuves pour la grande majorité d’entre-elles, se sont vues dans l’obligation de sortir pour travailler, nourrir leurs enfants en bas âge et se nourrir.
Il s’agit d’une situation objective pour répondre à un besoin réel de survie. D’ailleurs, il ne faut pas oublier que le droit de vote accordé aux femmes n’est intervenu que récemment en France.
Dans ce pays, alors que les hommes ont obtenu le droit de vote universel en 1848, il s’est écoulé presque un siècle pour que les femmes obtiennent ce droit. C’est en 1944 qu’elles l’ont eu et n’ont pu, finalement, l’exercer qu’en 1945, juste après la Seconde Guerre mondiale.
La réalité vécue par les femmes africaines est tout autre et fort différente. Elle mérite d’être connue pour faire ressortir la position appréciable et très enviable que l’Islam et les traditions africaines offrent à la femme.
Pour illustration, le proverbe africain ne dit-il pas que « Les pantalons exécutent le jour ce que les foulards ont décidé la nuit » ? Ainsi, la place accordée à la femme, dans ces civilisations, est-elle d’importance.
En vérité, la femme est au centre de tout. Elle est, à la limite et à juste raison, vénérée. Proverbe = Sagesse des nations. Ce que les nations ont sécrété pour en faire vérité.
Aussi, accentuer ce mimétisme alors même que les vécus sont différents, pour affirmer que la femme doit forcément travailler et le faire comme à l’européenne, peut-il se traduire au résultat, par des effets pas si favorables que cela au développement de l’Afrique.
Il est, soit dit en passant, possible d’alerter sur la loi sur la parité qui doit être revue. Elle doit faire l’objet d’une étude sérieuse pour en déterminer les résultats, notamment en termes d’effet et d’impact sur le développement du pays.
Pour terminer avec la France où on a importé presque tout au mépris de nos vérités traditionnelles et sans recours à la tropicalisation, la parité, quoique semblablement obligatoire, reste optionnelle pour les formations politiques.
Au Sénégal, par exemple, même les conseils municipaux ont l’obligation de respecter intégralement la parité. Ce qui sape quelques fois à l’établissement d’un conseil performant.
La question à trouver réponse est de savoir comment les femmes sénégalaises puissent-elles s’épanouir intellectuellement tout en continuant à jouer pleinement leur rôle dans le foyer et notamment celui d’inculquer à l’enfant une éducation de base la plus solide qui passe même plus important que les considérations de préparation de ndogou ?
NB : L’insertion professionnelle des femmes ne répond plus contextuellement à leur seul désir d’épanouissement intellectuel ou à une volonté de contribution significative et incontestable au développement du pays mais une nécessité, pour beaucoup d’entre elles et au même titre que les hommes, de contribuer financièrement dans la maison pour une vie plus aisée. Elle n’est donc et ne sera jamais remise en question.
En définitive, la réponse à la question permettrait de bâtir et de mettre en pratique une politique d'éducation répondant à nos valeurs culturelles et cultuelles.
Boubacar Mohamed Sy est Juriste spécialisé en droit du numérique, des technologies avancées et de la cybersécurité, Conseiller Municipal / Commune de Patte d’oie.
PAR SIDY DIOP
MANSOUR, TOI AUSSI
On le croyait parti, loin des tumultes du pouvoir, sirotant un jus de bissap en méditant sur son legs. Mais non ! Macky Sall est toujours là, dans l’ombre, prêt à voler au secours de son pays, tel un super héros qu’on n’a pas encore appris à regretter
On le croyait parti, loin des tumultes du pouvoir, sirotant un jus de bissap en méditant sur son legs. Mais non ! Macky Sall est toujours là, dans l’ombre, prêt à voler au secours de son pays, tel un super héros qu’on n’a pas encore appris à regretter.
C’est son beau-frère, Mansour Faye, qui sonne l’alerte : la situation économique se dégrade, il faut agir ! La solution ? Mettre Ousmane Sonko à la porte et supplier Macky de revenir. Après tout, en douze ans, il a « mis le Sénégal sur les rails de l’émergence » ! Détail amusant : à peine Macky parti, voilà que ces fameux rails semblent s’effondrer comme un château de cartes. Soit il était le seul à savoir où allait le train, soit il a oublié de livrer le manuel d’instruction.
Et puis, quelle modestie ! Macky, homme de sacrifice, accepterait sûrement de revenir en sage bienveillant. On imagine déjà la scène : Bassirou Diomaye Faye, la mine contrite, frappant à sa porte. « Macky, reviens ! » Et lui, le regard lointain, répondant d’une voix grave : « Je ne voulais pas… mais pour mon pays… » On en pleurerait presque. De rire.