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27 novembre 2024
Opinions
par Oumou Wane
NON, NON ET NON
EXVLUSIF SENEPLUS - Comment nos côtes peuvent-elles être si perméables que ces embarcations, apparemment sans fin, continuent de charger, transporter et vider notre nation de sa jeunesse ?
Face à l'ampleur accablante des réalités les plus cruelles, de nombreux éditorialistes ont momentanément délaissé leur plume. Non pas par manque de choses à dire, mais parce qu'il y a tant à dire que cela dépasse l'entendement.
Nous sommes submergés par une déferlante de faits si terribles qu'il nous est impossible de faire un tri dans la misère qui se déroule sous nos yeux, chaque événement étant plus tragique que le précédent.
La véritable horreur réside dans la nécessité de choisir, telle une priorisation de patients dans une salle d'attente d'un hôpital : qu'est-ce qui peut attendre, qu'est-ce qui est urgent, et ce qui signifie qu'une vie est en jeu ?
Ce n'est pas le moment de critiquer ceux qui nous alertent sur ces tragédies, mais plutôt le moment de reprendre la plume, non pas pour chercher des éloges, mais pour que l'histoire se souvienne de notre témoignage. Nous ne sommes pas là pour obtenir des médailles, mais pour déclarer haut et fort que nous avons été les témoins de ces tragédies humaines en 2023.
Ces maux sociaux constituent déjà une encyclopédie en soi, chaque page suffisant à inspirer un drame épique et à donner le vertige. Ouvrons un de ces chapitres sur la souffrance infinie !
Commençons par l'immigration clandestine.
Des embarcations surpeuplées bravent les mers impitoyables à la recherche d'une vie meilleure, un pari désespéré contre les vagues pour atteindre les terres promises. C'est un exode massif de notre jeunesse, de femmes, d'enfants, et même de nourrissons, tous entassés comme du bétail, affamés et désespérés, les yeux vides de tout espoir. Ces âmes perdues hantent nos côtes, elles interrogent non seulement sur les raisons pour lesquelles les pays d'accueil se montrent indifférents, mais aussi sur la manière dont les pays d'origine peuvent permettre cette fuite massive de leurs jeunes. Nos pays, pourtant si riches en ressources, semblent s'évaporer dans l'océan, engloutissant nos espoirs et nos rêves.
Oui, comment nos côtes peuvent-elles être si perméables que ces embarcations, apparemment sans fin, continuent de charger, transporter et vider notre nation de sa jeunesse ?
Bien sûr, si toutes ces embarcations atteignaient leurs destinations prévues, nous pourrions nous en réjouir, mais en cas de tragédie en mer, une terre de nulle part, ou plutôt, une mer de nulle terre, pourrait réclamer de nombreuses vies ; des vies qui rêvaient d'un avenir meilleur périront, sans même un mémorial pour marquer leur passage.
Ne pas aborder cette question n'est pas de l'indifférence de la part de l'État. Non, c'est plus complexe. L'État, ou plus précisément, le Chef de l'État, doit s'attaquer à cette question. L'État, parfois, semble dépassé, trop absorbé par la résolution de questions politiques secondaires. Mais l'État ne doit pas simplement se réfugier dans des sujets secondaires, car des vies sont en jeu. Macky, où es-tu ? Abandonnes-tu tes responsabilités ? Comme le disait feu Hamidou Dia, il n’y a point de destins forclos, il n’y a que des responsabilités désertées !
Revenons à la vie, unissons-nous pour empêcher la mort de nos concitoyens dans l'indifférence générale.
Par Madiambal DIAGNE
QU’IL EST SI TRISTE DE LES VOIR PARTIR AINSI AU … NICARAGUA !
Le hall de l’Aéroport international Blaise Diagne de Diass est noir de monde, ce soir du samedi 4 novembre 2023.
Le hall de l’Aéroport international Blaise Diagne de Diass est noir de monde, ce soir du samedi 4 novembre 2023. Des centaines de jeunes gens, tous âgés entre 20 et 35 ans, sont dans de longues files d’attente, pour les formalités d’enregistrement dans le vol AT 500 de la Royal Air Maroc en partance, dans quelques heures, pour Casablanca. Le spectacle laisserait croire à ces foules observées à l’occasion de départs de grands groupes de supporters de l’Equipe nationale de football, pour aller assister à une compétition internationale. Mais la différence est que le silence qui gagne ces lieux, pourtant bondés de monde, est surprenant, étonnant, inquiétant même. Pas un murmure, tout le monde attend tranquillement son tour, comme pris en quelque sorte par une anxiété, une angoisse ! C’est vraiment inhabituel de voir cet ordre, cette discipline chez des Sénégalais, de surcroît à l’aéroport de Dakar. Je chuchote la question à une dame au comptoir : «Qu’est-ce qui se passe ?» Elle me répond : «Ils vont au Nicaragua.» Je me retourne, interloqué, pour mesurer l’immensité de la foule. Mon interlocutrice ajoute : «C’est comme cela depuis longtemps et tous les soirs, sur tous les vols qui vont au Maroc ou en Espagne.» Je suis interpellé par un adjudant de police, au moment où je me dirige vers le poste pour les formalités de police pour le départ. Une discussion s’engage sur ce phénomène et il m’avoue à son tour : «On ne peut compter le nombre des départs. Le pays se vide de ses jeunes.» Au niveau du filtre des bagages en cabine, les agents sortent des talismans et des bouteilles remplies d’eau bénite, des affaires de nombreux voyageurs. La consigne de ne pas emporter dans ses bagages des liquides est martelée, à tuetête, mais rien à faire. Un jeune homme tient, comme à sa vie, à une petite bouteille. La dame, préposée à la fouille des bagages, finit par faire montre de mansuétude et lui laisse la bouteille. Elle se tourne vers moi pour me demander ma destination. Je lui réponds. «Je vais au Nicaragua.» Elle rétorque avec une certitude amusée : «Non, Monsieur Diagne, je regrette ! Ceux qui vont au Nicaragua n’ont pas de trolley, ils ont juste un sac à dos comme tout bagage !»
C’est en salle d’embarquement qu’une autre voyageuse vient m’apostropher, l’air décontracté : «Je crois vous reconnaître !», me lance-t-elle. «En êtesvous sûre Madame ?» Elle n’est du tout décontenancée et répond : «Si, si. Je vous vois à la télé.» Je remarque son sac à dos et lui demande : «Ne me dites pas que vous aussi allez au Nicaragua !» A. Sambe, c’est son nom, semble trouver ma question loufoque : «Bien sûr que je vais au Nicaragua. De toute façon, vous n’aurez plus personne pour voter en 2024», taquine-telle. Je suis sidéré par son attitude faite d’une certaine nonchalance mais aussi paradoxalement, elle apparaît déterminée. Je lui dis ma tristesse de la voir ainsi que tous ces jeunes gens, partir de la sorte vers une aventure des plus incertaines. Le débat s’engage. A. Sambe est persuadée qu’elle n’a plus rien à espérer dans ce Sénégal et qu’elle doit tenter sa chance dans un autre pays. Elle veut se convaincre que plus rien ne marche dans le pays, que le Sénégal est le pire des pays de toute la terre et il est impossible d’y réussir une vie. Je suis désappointé. J’insiste : «Pensez-vous que la situation sera meilleure là où vous comptez aller et mesurez-vous les dangers et risques qui vous attendent sur votre itinéraire ? Je crois que si vous arrivez à économiser quelque six millions de francs pour vous payer ce voyage jusqu’aux Etats-Unis et avec autant de difficultés, c’est la bonne preuve que vous pouvez bien vous en sortir ici, chez vous.» Elle reste imperturbable : «L’argent est le fruit de contributions de toute ma famille. Je vais travailler et revenir dans cinq ans. Et puis la situation ne sera pas pire qu’elle ne l’est ici, où on n’a même plus le droit de dire ses opinions», veut-elle croire. Je ne sais pas si c’est de la sidération ou de l’énervement, mais je lui réplique : «Franchement, vous cherchez à vous donner bonne conscience, mais ce que vous dites ne repose sur aucune objectivité. Si votre famille s’est cotisée pour rassembler cette somme, ce n’est pas pour vous permettre d’aller vivre dans un pays où vous auriez une plus grande liberté d’opinion ! Savez-vous que sur le chemin du Nicaragua jusqu’aux EtatsUnis, votre destination finale, vous trouverez des milliers de personnes provenant d’autres pays. Ce ne sont pas les Sénégalais seuls qui prennent ce chemin d’exode.» Elle a une seule et même réponse à tout : «Je sais, mais la situation est devenue impossible au Sénégal. Et puis celui qui est ma raison de vivre est emprisonné. Laissez-nous partir ailleurs», dit-elle dans un rire. Elle se dit une partisane de Ousmane Sonko, l’opposant politique emprisonné pour appels à l’insurrection et à la violence. Le discours qu’elle compte servir aux agents de la police des frontières à l’entrée sur le sol américain est déjà bien élaboré. «Quitter le pays ne permettra pas pour autant à Ousmane Sonko de sortir de prison !» En effet, mais elle reste ferme dans sa conviction de devoir partir. Elle part, se disant être une victime d’une persécution politique dans son pays. Je lui montre des images qui viennent de tomber sur mon téléphone, de plus de huit cents migrants dont leurs pirogues ont échoué, le jour même, sur les côtes mauritaniennes, précisément à Nouadhibou. Elle consent à dire : «Prendre les pirogues équivaut simplement à un suicide. C’est de la folie.» Elle ne réalise pas les risques qui jalonnent son propre itinéraire jusqu’à la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique. Elle promet néanmoins de me donner de ses nouvelles.
I. Wagué claque tout son business pour partir lui aussi
Nous finissons d’embarquer. Un jeune est assis au siège jumeau du mien. Il se nomme I. Wagué. Il va lui aussi au Nicaragua. Il a trente-deux ans. Il s’est marié en 2021 et vient de baptiser son premier bébé. I. Wagué possède un commerce de quincaillerie qui semble bien marcher. «Je suis établi à Keur Massar. Si vous venez là-bas, la plupart des personnes qui bâtissent dans le quartier achètent du ciment et du fer au niveau de mon commerce. Ma quincaillerie est très connue. C’est Wagué Quincaillerie. Si vous venez làbas, vous demanderez.» Néanmoins, il décide de partir à l’aventure. «J’ai payé le voyage pour mon jeune frère, Mbaye, qui est déjà à Atlanta depuis un mois.» Il montre des vidéos de son jeune frère qui se présente à son avantage au pays de l’Oncle Sam. Wagué regarde les vidéos, tout satisfait et envieux. Il détaille les frais du voyage : «J’ai versé quatre millions cinq cent mille francs à un démarcheur à Dakar. Il est établi vers le Port de Dakar. Il fait ce business et s’occupe de toutes les démarches (il cite le nom de la personne). Il a tout arrangé jusqu’au Nicaragua, et une fois au Nicaragua, j’ai le contact d’une autre personne qui prendra le relais. J’aurai à payer mille dollars à partir de Madrid (Espagne) pour pouvoir embarquer pour le Salvador. Les autorités de ce pays ont instauré une nouvelle taxe payable par les passagers en transit, pour financer les travaux de modernisation de leur aéroport. Je suis avec deux autres de mes amis. Nous avons acheté des billets en Classe Affaires du fait qu’il n’y a plus une place de disponible en Classe économique. Après Madrid, nous prendrons un vol de la compagnie Avianca pour Bogota (Colombie), ensuite pour San Salvador (Salvador) et un autre pour Managua (Nicaragua). C’est la compagnie Avianca qui fait tout ce trajet à partir de Madrid. C’est au Nicaragua que des passeurs nous prendront en charge pour nous conduire par bus jusqu’à Mexico City, moyennant environ deux mille dollars. La taxe à l’aéroport de Managua est de cent-soixante dollars. D’autres passeurs prendront le relais pour la somme de deux mille dollars, pour nous acheminer de Mexico jusqu’à la frontière américaine, et nous pourrons aller dans un des camps. Il existe plusieurs camps. Nous allons au Camp Reynosa. C’est mieux d’aller dans les camps où les policiers américains vous traitent bien et vous permettent, après quelques jours d’attente, de pouvoir passer et entrer dans leur pays. Par contre, les migrants qui cherchent à franchir illégalement les frontières en escaladant les murs ou barrières sont maltraités et expulsés.» En définitive, le voyage coûte la bagatelle de six millions et demi de francs Cfa, sans compter les dépenses nécessaires pour la nourriture. Le voyage dure une quinzaine de jours de tribulations. I. Wagué est déterminé à aller jusqu’au bout. Quid de son florissant commerce qui lui a permis de rassembler les sommes nécessaires pour financer deux voyages, le sien et celui de son jeune frère ? «Je l’ai laissé entre les mains d’un de mes oncles.» Ironie du sort, cet oncle était émigré aux Etats-Unis où il a passé plus de trente ans : «Lui n’était pas parti par la voie que nous empruntons maintenant. Il avait un visa.» Qu’à cela ne tienne ! N’est-ce pas qu’après trente bonnes années, cet oncle est revenu pour ne s’occuper que du commerce que vous abandonnez ? I. Wagué n’en démord pas : «C’est vrai tout ça, qu’il n’a pas réussi là-bas, mais les gens n’ont pas les mêmes chances. Je vais tenter ma chance. Faut juste prier pour nous, tonton. Ça va aller.» Honnêtement, je suis désarmé. Nous arrivons à Casablanca. Un autre compatriote, O. Fall, qui va lui aussi en France pour son travail, ne décolère pas devant cette absurdité qui fait que des jeunes personnes se lancent ainsi en masse sur le chemin du Nicaragua. Des groupes aussi nombreux de jeunes provenant de différents pays africains et d’Asie sont également en transit à l’aéroport Mohammed V. Ils dorment à même le sol, dans les couloirs de l’aéroport, en attendant leurs vols de continuation. Visiblement, ils ont eux aussi pour destination le Nicaragua, leurs sacs à dos l’indiquent. Seulement, O. Fall a une compassion, une grosse tristesse même, qui finit par le révolter, de voir une autre jeune dame sénégalaise, portant péniblement un bébé de moins d’un an et qui fait partie du groupe des partants pour l’aventure du Nicaragua. Mais se résigne-t-il : «Que peut-on faire ? Ils sont obstinés et ne veulent rien entendre !» I. Wagué promet lui aussi de donner de ses nouvelles. Nos routes se séparent à Casablanca. Nous sommes tous tristes.
Par Ndiaga SYLLA
CHER PROFESSEUR, L’ELECTEUR A BIEN LE DROIT DE PARTICIPER AU COMMERCE JURIDIQUE
Cher professeur, Il me plaît de répondre à votre réaction à la suite de ma décision d’attaquer le décret n*2023-2152 portant nomination des membres de la Commission Electorale Nationale Autonome (CENA) du fait de son irrégularité.
«Cher Professeur, Il me plaît de répondre à votre réaction à la suite de ma décision d’attaquer le décret n*2023-2152 portant nomination des membres de la Commission Electorale Nationale Autonome (CENA) du fait de son irrégularité.
C’est un immense honneur que m’accorde le constitutionnaliste en se prononçant sur mon initiative. Je ne retiens, pour le moment, que la portée qui consiste à nourrir la réflexion citoyenne et la vitalité du débat. Cher Professeur,
En signant votre post, est-ce que vous vous adressez à moi en votre qualité de citoyen ou d’acteur politique engagé ? Je vous pose cette question parce que je n’ai vu nulle part votre qualité d’universitaire (professeur) sur la signature (vous avez mentionné simplement Ismaila Madior Fall).
Pourquoi est-ce que vous remettez en cause mon intérêt et ma qualité à agir?
Je vous rappelle que la CENA a été créée en tant que structure permanente et indépendante afin d’assurer qu’une seule chose : la libre expression du droit de suffrage, le droit de vote. La CENA en tant qu’organe de contrôle et de supervision a un rôle important dans la conduite des processus électoraux au Sénégal.
Toute décision qui viole les règles relatives à sa composition, son organisation et son fonctionnement est de nature à porter atteinte à l’intégrité dudit processus. Une telle violation compromet nécessairement l’expression libre et sincère du droit de suffrage, donc du droit de l’électeur. Une telle violation si elle est le fait d’un décret ne saurait se résumer à un acte administratif individuel ou collectif qui ne porterait grief qu’aux personnes qu’il concerne.
Le décret illégal pris par le président de la République dépasse les seuls intérêts particuliers que sont ceux des membres de la CENA.
Le respect de la loi et des principes du droit constitue le fondement de l’Etat de droit. En relisant mon cours sur le contentieux administratif, il m’est apparu que sur l’intérêt à agir, le juge procède à une interprétation plus ou moins rigoureuse et que la jurisprudence exige également une certaine individualisation de cet intérêt. Toutefois, les regroupements sont autorisés à recourir en excès de pouvoir à la condition de justifier un intérêt collectif en rapport avec leur objet cf. CS, 23 juillet 1975, Souleymane Sidibé et amicale des administrateurs civils du Sénégal. A titre de rappel, le processus électoral est préparé et organisé dans un seul but : l’expression libre du droit de vote. Le vote appartient à l’électeur et j’en suis un. Voilà ce qui fonde ma qualité et mon intérêt à agir. Je tiens à faire observer que je ne suis pas dans le clivage de la dualité ou de la bataille politique entre le président M. SALL et l’opposant O. SONKO. Je ne défends que l’intégrité du processus.
Il convient de noter que la CENA apparaît comme une autorité autonome garante de l’intégrité, l’équité, la crédibilité du processus électoral. En outre, la procédure de nomination de ses membres par le président de la République procède d’une compétence liée.
Vous ne devez pas affirmer de manière péremptoire que nous n’avons pas qualité et intérêt à quereller l’acte administratif. Tout citoyen doit veiller à ce que son vote ne soit pas détourné. Auriez-vous méconnu le fondement juridique de la création de la CENA rappelé dans le rapport de présentation du décret portant application : « Le contrôle et la supervision des opérations électorales et référendaires qui constituent un gage de la sincérité et de la transparence des élections ont conduit à la création, par consensus, de la Commission Electorale Nationale Autonome, CENA, par la loi n° 2005.07 du 11 mai 2005 »
La capacité juridique de l’électeur dans le cadre des élections départementales et municipales que vous avez invoquée concerne particulièrement le contentieux des opérations électorales et de l’élection du bureau des Conseils départemental et municipal.
L’éminent professeur ne devrait s’égarer dans un domaine qui lui est inconnu !
Ce n’est pas la première fois que j’attaque des décrets pris par le président de la République dans le cadre du processus électoral. Est-il besoin de vous rappeler qu’en 2014, j’avais amené le président de la République, sous vos conseils, à fondre les trois décrets fixant le nombre de conseillers à élire dans les départements, villes et communes; ce qui jusque-là était inconnu du jargon juridique au point que la Cour suprême ait mis entre guillemets le terme « fondus ».
Nous avons les arguments pour déconstruire les vôtres. Par conséquent, la justice nous édifiera.
Enfin, je ne me suis jamais autoproclamé expert électoral. C’est une réalité et vous le savez. Est-il besoin de vous le rappeler ? J’assume ma position d’expert électoral international reconnu par le ministère de l’Intérieur, la société civile sénégalaise, la presse nationale et celle internationale ainsi que les organismes internationaux.
Je vais juste vous donner une illustration : voir lettre annexée. Sachez que ce contentieux dépasse le citoyen O. Sonko ; il s’agit d’un combat pour la préservation de la démocratie et de l’Etat de droit. Je ne fais point partie de ces gens-là de tous bords qui envisagent un avenir sombre à partir de mars 2024. Je défie vos experts non autoproclamés à me rejoindre dans un débat public en la matière électorale, et ce, en attendant que le juge veuille bien se prononcer».
PAR Alioune Tine
ORGANISER LE DIALOGUE LA DERNIERE CHANCE
La solution salvatrice c’est le dialogue de la dernière chance. Aujourd’hui, le président de la République Macky Sall doit absolument créer les conditions d’une présidentielle transparente
Il faut absolument s’arrêter, décrisper, apaiser et organiser le dialogue de la dernière chance pour apurer pacifiquement avec lucidité et responsabilité les contentieux pré-électoraux qui agitent en permanence le champ politique et social sénégalais et qui risquent d’entrainer un processus électoral toxique de la présidentielle de 2024.
Les Sénégalais n’ont jamais vécu un processus présidentiel, si tendu, si violent et si marqué de façon continue par la série noire des contentieux sur l’éligibilité, depuis mars 2021.
Le seul point positif qui permet encore de croire à la possibilité d’une résilience démocratique, c’est la focalisation sur le débat juridique, le dynamisme du débat politique par sa diversité, sa force et sa pertinence : c’est une forme d’évaluation critique de la démocratie, de l’Etat de droit et du suffrage universel.
Le droit, la justice et la régulation électorale n’arrivent plus à régler les contentieux, les malentendus, les divergences politiques profondes qu’on a tendance à réguler par la violence et par la force (violence d’Etat vs violence de la rue), qui ne règlent rien dans la durée sinon installer le pays dans le surplace, la régression et le régime de l’incertain, dans un contexte géopolitique mondial et régional marqué par les conflits et le désordre.
La solution salvatrice c’est le dialogue de la dernière chance. Aujourd’hui, le président de la République Macky Sall doit absolument créer les conditions d’une présidentielle transparente, apaisée et inclusive en prenant des initiatives inédites sur le processus électoral en cours car le président doit imprimer sa marque et sa sortie par des initiatives démocratiques hardies en continuité de l’évolution de l’histoire politique et démocratique du Sénégal. Il est temps de rassurer le Sénégal et l’Afrique sur les capacités de résilience politique et démocratique du pays et d’éviter le basculement vers l’indignité que tout le monde créé en ce moment. Il est temps de mettre un terme sur les controverses sans fin sur processus électoral de la présidentielle de 2024.
Il faut absolument apaiser, décrisper et créer les conditions de succès du dialogue de la dernière chance par des mesures politiques audacieuses qui permettent de réconcilier les sénégalais avec la politique et avec leur Président.
L’autre décision pour apaiser et restaurer la confiance en l’Etat et aux autorités, c’est de traiter sans délai et avec lucidité la défiance de la jeunesse par rapport aux capacités du pays à leur offrir un rêve, un avenir au Sénégal en dépit des promesses de prospérité du pétrole et du gaz.
L’Etat semble tétanisé et impuissant face au phénomène de l’exode massif des jeunes vers l’Europe et les USA, ce qui nous interpelle en tant qu’Etat, citoyens et parents. En aucun cas, cette situation ne doit être politisée car c’est par une réflexion collective, lucide et sereine qu’on pourrait la régler.
Pour la stabilité du pays dans la durée et pour sortir des impasses, et traverser et résoudre les difficultés ensemble afin de montrer que le Sénégal n’a rien perdu de ses capacités de résilience, de ressaisissement, de remise en question, d’introspection, de prospection, de capacité de restauration de la dignité nationale, de la confiance et de la concorde nationale, envisager sans délai un dialogue de la dernière chance pour nous prémunir des menaces complexes et souvent imprévisibles auxquelles il faut faire face en se serrant les coudes : faire nation et faire humanité.
Par Thierno BOCOUM
ISRAËL-PALESTINE : LA POSTURE COMPLICE ET HONTEUSE DU SENEGAL
Que le Sénégal se décharge de la présidence du Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien à l’ONU s’il est incapable d’avoir une position claire sur la situation dans la bande de Gaza.
Bés Bi le Jour |
Thierno BOCOUM |
Publication 04/11/2023
Que le Sénégal se décharge de la présidence du Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien à l’ONU s’il est incapable d’avoir une position claire sur la situation dans la bande de Gaza.
Depuis le communiqué du ministère des affaires étrangères et des sénégalais de l’extérieur du 8 octobre dernier condamnant les attaques du Hamas aucune autre réaction n’a été notée au moment où d’innocents civils, enfants, femmes et vieillards sont massacrés dans la bande de Gaza par des centaines de milliers de missiles de l’armée israélienne. Le gouvernement de la République du Sénégal a condamné «les attaques à l'origine de cette nouvelle spirale de la violence» mais reste muet face aux violations élémentaires du droit international humanitaire par les autorités Israéliennes. Par sa posture légendaire et son histoire, le Sénégal doit s’activer pour que le génocide en cours dans la bande de Gaza s’arrête. Il ne doit pas exclure d’initier une démarche diplomatique pour mettre en place une coalition internationale pour la défense des droits inaliénables du peuple palestinien qui sont foulés aux pieds par des autorités israéliennes qui ne respectent ni les résolutions de l’ONU ni les règles sacrosaintes du droit international humanitaire.
Aujourd’hui le Sénégal semble plutôt s’aligner honteusement à la France en refusant d’autoriser une manifestation pro-palestinienne. Une France qui nage dans une marée de contradictions et qui s’éloigne des principes d’équité et de justice. Une France qui s’inscrit dans la condamnation sélective, dans le renforcement des positions des autorités israéliennes. Des autorités françaises qui ont décidé d’intimider sur le territoire français, les soutiens au peuple palestinien, d’être les représentants d’Israël au sein de la Nation française. Le Président Macky Sall et son candidat premier ministre qui se concentre sur sa tournée politique doivent mesurer la responsabilité du Sénégal dans cette crise. Le Sénégal ne peut pas se permettre de mimer le comportement honteux des donneurs d’ordre au moment où les droits des populations palestiniens dont il est l’un des garants sont bafoués. Le Sénégal est à la tête du Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien qui avait déjà dans son premier rapport, soumis au Conseil de sécurité en juin 1976, demandé, entre autres, instamment au Conseil de promouvoir la recherche d’une solution juste, compte tenu de tous les pouvoirs qui lui étaient conférés par la Charte des Nations Unies. Il sollicitait un calendrier de retrait des forces israéliennes des territoires occupés, avec la participation, au besoin, de forces temporaires de maintien de la paix pour faciliter le processus ; l’arrêt des implantations de colonies de peuplement ; la reconnaissance du droit naturel des Palestiniens à l’autodétermination, à l’indépendance nationale et à la souveraineté en Palestine…
47 ans après ce rapport, rien n’a changé et c’est le cas depuis 56 ans. Israël continue à tisser sa toile en imposant le courbage d’échine de dirigeants du monde accrocs à ses offres et craintives de ses lobbys d’influence. Dans son dernier rapport en date du 1er septembre 2023, le comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien avait souligné un aspect qui peut autoriser d’affirmer une préméditation de l’attaque de la bande de Gaza et de la volonté d’opérer un génocide de ces populations de la part des autorités extrémistes d’Israël. Dans ce rapport soumis en application de la résolution 77/22 de l’Assemblée générale, adoptée le 30 novembre 2022, il a été mentionné : «Le nouveau gouvernement de coalition d’Israël, considéré comme le plus extrémiste de l’histoire du pays, a accentué la rhétorique anti-palestinienne, les mesures discriminatoires à l’égard du peuple palestinien et les actes hostiles envers l’Autorité palestinienne. Des membres du Gouvernement israélien ont ouvertement plaidé pour le nettoyage ethnique du Territoire palestinien occupé et ont encouragé les attaques de représailles contre les Palestiniens, appelant même à la destruction de quartiers entiers.»
Ce présent conflit donne une occasion aux autorités israéliennes d’exécuter une promesse électorale visant un nettoyage ethnique. Le Sénégal doit prendre ses responsabilités et honorer sa posture légendaire dans le combat pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien.
Thierno BOCOUM
Président AGIR
Par Ndiaga SYLLA
DE LA COMPETENCE DE GESTION DU FICHIER ELECTORAL PAR LES SERVICES CENTRAUX
Mais l’organe de contrôle et de supervision dispose-t-elle réellement de moyens et de mécanismes pour mettre en branle l’exercice de ses pouvoirs de substitution, de dessaisissement et de sanction sans une saine et franche collaboration du Ministre
Bés Bi le Jour |
Ndiaga SYLLA |
Publication 04/11/2023
En vertu des articles L. premier et L.2 du Code électoral, les compétences en matière de préparation et d’organisation des élections sont dévolues au Ministère chargé des Élections ainsi que la gestion et la tenue du fichier électoral. L'article L.3 dispose que : «sous l’autorité du Ministre, les services centraux en relation avec les autorités administratives assurent la mise en œuvre des prérogatives indiquées dans les articles premier et 2 du présent Code». A titre de rappel, ce n’est qu’à partir de 2011 que les services centraux ont été intégrés dans le code électoral avec des compétences propres. La Direction Générale des Élections (DGE), créée en 1998 à la suite des travaux de la commission d’évaluation et de réforme du système électoral et d’une mission de l’Inspection Générale d’Etat, est chargée, entre autres, de l’établissement et la révision des listes électorales en relation avec la Direction de l’Automatisation des Fichiers (DAF) du Ministère de l’Intérieur, la tenue des fichiers électoraux ; l’organisation et le suivi de la distribution des cartes d’électeur ; les campagnes de sensibilisation et d’information civique ; l’élaboration et la gestion de la carte électorale.
Il convient de préciser que dans le cas O. SONKO, on est en face d’une radiation d’office qui est intervenue après la publication des listes provisoires. Donc, la radiation a été intentée, pendant la phase de consolidation du fichier, par les services centraux. Une telle procédure, récemment clarifiée dans la partie législative du Code électoral - sur recommandation des Missions d’Audit du fichier électoral et d’Evaluation du processus électoral commises en 2021- est régie par principalement par les articles L.40, L.41 et R.43. Ainsi, le Président du Tribunal d’instance de Ziguinchor, saisi d’un recours, a annulé la radiation de M. Sonko et ordonné aux services centraux du Ministère de l’Intérieur de le réintégrer sur la liste électorale de Ziguinchor et dans le fichier électoral. Par la suite, le juge a notifié sa décision dans les deux (2) jours à l’intéressé et au préfet conformément aux procédures spéciales en matière de contentieux de l’inscription sur les listes électorales.
Il y a lieu de noter que les services centraux en question sont la DGE et la DAF. Toutefois, au vu des attributions de ces services, il apparaît que la DGE est principalement responsable de la gestion des listes électorales. C’est donc à bon droit que la CENA a enjoint au DGE d’appliquer, en rapport avec tout service concerné, la décision rendue par le Juge de Ziguinchor et de remettre les fiches de parrainage et autres pièces y relatives. Le DGE n’est pas fondé à invoquer l’Ordonnance de référé liberté rendue par le Premier Président de la chambre administrative de la Cour suprême puisque celle-ci n’a pas vocation à trancher des questions de fond encore que le contentieux de l’inscription sur les listes électorales a été traiter en dernier ressort bien après par le Président du Tribunal d’instance de Ziguinchor. Or, si tel que souligné dans son communiqué, la Direction Générale des Elections n’a de compétence en matière de gestion du fichier électoral, pourquoi alors elle a mis dans son site internet de telles compétences ? https://dge.sn/fr/direction_g%C3%A9n%C3%A9ral 1
A présent, il revient à la CENA de tirer les conséquences face au refus de la DGE de se soumettre à son injonction. Mais l’organe de contrôle et de supervision dispose-t-elle réellement de moyens et de mécanismes pour mettre en branle l’exercice de ses pouvoirs de substitution, de dessaisissement et de sanction sans une saine et franche collaboration du Ministre des Elections.
QUAND ON (RE)PECHE DES PÊCHEURS
Quand on commence à (re)pêcher ceux qui pêchaient, il y a de quoi craindre le naufrage de la Pêche ! Il faut chercher le péché. Voilà qui peut remettre en cause les données de l’Ansd. On ne dit pas que c’est un «recense-mensonge».
Quand on commence à (re)pêcher ceux qui pêchaient, il y a de quoi craindre le naufrage de la Pêche ! Il faut chercher le péché. Voilà qui peut remettre en cause les données de l’Ansd. On ne dit pas que c’est un «recense-mensonge». Mais il y a lieu de vérifier combien sont partis entre l’Espagne et les Etats-Unis via Nicaragua… Parce que beaucoup de ces jeunes ont abandonné. Ils quittent au rythme d’une randonnée. Comment leur redonner espoir au milieu de ces vagues qui bourdonnent dans leurs oreilles ?
par Mohamed Mbougar Sarr
QUI A BRÛLÉ LE CADAVRE DE C.F. ?
EXCLUSIF SENEPLUS - Déterrer, brûler un cadavre, c'est la négation de l’humanité. Celle de l’autre, mais aussi la sienne propre. Le cadavre de C.F. n’a pas été profané à Léona Niassène : il a commencé à être déterré et brûlé longtemps avant
Une odieuse vidéo circule depuis quelques jours en provenance du Sénégal : on y voit une foule en cercle et, en son centre, l’intense flamboiement d’un bûcher. Entre une obscure jubilation et le frisson d’une crainte, entre les injures, les rires, les invocations divines, les convocations diaboliques, les hommes, les femmes, les enfants de la foule regardent ce qui brûle ; et ce qui brûle est le cadavre d’un homme que l’on vient de déterrer d’un cimetière – mais qui est ce on ? Cet homme s’appelait C.F. (je ne garde les initiales que par pudeur ou respect pour sa famille, mais je dis intérieurement son nom). On le soupçonnait d’être homosexuel – c’est le crime. Pour cette raison, parce que la contre-nature présumée de son cadavre menaçait de souiller le cimetière, on l’a déterré et brûlé en place publique – voilà le châtiment.
Je ne me fais aucune illusion : aussi répugnants soient-ils, des faits de cette nature se reproduiront. J’aurais aimé ajouter à cette dernière phrase une subordonnée conditionnelle, quelque chose comme « tant qu’on n’aura pas appris à protéger toutes les minorités, tous les maudits, et à se demander quelle est, chez ces personnes, la part d’humanité sacrée que nous portons aussi ». Oui : j’aurais aimé adoucir ma conviction par une incise d’espoir. Le fait est que je n’en ai plus. Ce qui s’est passé à Léona Niassène s’est malheureusement déjà produit et, hélas, se reproduira.
Il y a quinze ans, en 2008, je voyais une vidéo presque similaire. Les images qui s’y déployaient m’ont hanté une décade, si profondément, avec un tel pouvoir de destruction (ce que cette vidéo m’a pris, une part d’insouciance, ne me sera jamais rendu, et tant mieux en un sens : le monde broie tous les insouciants), que j’ai décidé pour leur échapper, les exorciser, les comprendre, d’écrire un roman. Ce fut De purs hommes, en 2018. Le livre s’ouvre par une scène où, décrivant l’exhumation d’un cadavre, j’essayais d’être à la hauteur de l’effroi que m’avait inspiré la vidéo de 2008. Évidemment, j’y ai échoué : quelque violent soit-il, un roman est toujours en-deçà de la brutalité du réel.
Et voici qu’en 2023 une nouvelle vidéo macabre apparaît, montrant à peu près les mêmes sinistres faits. Des lecteurs pensent à De purs hommes. Citations, analogies, mentions, interpellations, rappels. Selon quelques-uns, j’aurais vu ce qui venait. Ce n’est pas le cas : un romancier ne voit pas : un poète peut voir ; un prophète voit sûrement ; mais un romancier ne voit pas : il regarde. Plus précisément : il regarde vers le passé où, parfois, le temps entier est concentré, et sa signification, métaphorisée. Je n'ai vu qu’une chose : la vidéo de 2008. D’une certaine manière, elle contenait déjà celle de 2023. Entre les deux, il y a eu De purs hommes, mais il y a surtout eu d’autres faits atroces, d’autres exhumations de corps maudits ou indésirables, d’autres viols de femmes et d’enfants, d’autres injures, d’autres exclusions, d’autres meurtres, d’autres C.F. et d’autres présumés homosexuels opprimés. Tout cela relève de la même violence.
C’est avec une amère ironie que je constate que certaines personnes qui m’ont traîné dans toutes les boues, qui m’ont même accusé d’avoir inventé la scène inaugurale de De purs hommes, qui ont vu dans le roman une propagande LGBT financée par quelque lobby ou une attaque contre la culture, qui ont fait semblant de ne pas voir la violence sourde dont ce roman cherchait à comprendre le ressort, sont parfois les mêmes qui s’émeuvent aujourd’hui devant la vidéo du bûcher. Il est vrai qu’il ne s’agit pas ici d’un roman, petite chose jaillie de l’esprit d’un éventuel dégénéré, toujours facile à mépriser. Ce qu’il est aisé de faire avec un écrivain - le suspecter, l’injurier, déformer son propos, ne pas le lire et pourtant le juger - il est impossible de le faire avec le réel lorsqu’il coïncide avec une vérité nue. Le miroir se dresse devant nous ; tout un chacun doit le regarder, donc s’y regarder.
Je vois, de toutes parts, s’élever des condamnations : des sphères religieuse, politique, intellectuelle, médiatique, on s’indigne. Tout cela a le mérite d’être, bien qu’il soit permis de se demander si ce n’est pas quelquefois le degré zéro du confort et l’achat rapide et accessible d’une conscience immaculée, d’autant plus pratique qu’elle n'engage ni une action future ni autocritique sur une possible responsabilité personnelle et/ou collective.
Ce qui s’est passé n’a peut-être rien de spécifiquement sénégalais. La violence sociale, sociétale et symbolique se rencontre partout, et les temps que nous vivons en fournissent en d’autres lieux de la planète, sous des formes ignobles, des témoignages éloquents. Mais si la violence s’éploie partout, sous des natures différentes et à des degrés divers, relativiser celle qui prolifère au Sénégal ne la rendra pas moins sénégalaise. L’obscur feu de joie du cadavre de C.F. s’est embrasé chez nous, dans notre pays que nous aimons tant. Enterrer ses morts, donner une sépulture aux disparus, signe hautement notre humanité. Il se peut même que ce soit la seule chose qui distingue notre humanité dans la nature. Que peut alors bien signifier déterrer et brûler un cadavre ? La réponse est évidente : la négation de l’humanité, non seulement celle de l’autre qu’on exhume, mais la sienne propre, qu’on avilit. Cette inhumanité a eu lieu ici. Tous les détours, subtilités, relativisations, atténuations, justifications, légitimations apparaissent comme des ruses de la barbarie. Ou comme le vrai visage, bien hideux, de la civilisation.
Et donc : qui a brûlé le cadavre de C.F. ? Qui a déterré son cadavre ? Des individus, paraît-il, ont été arrêtés. Ils feront face à la justice, je l’espère, si la justice a encore un sens dans ce pays - elle en a beaucoup perdu, récemment. Mais en la matière, je ne suis pas sûr que les individus soient le fond du problème. Par-delà eux, se dresse quelque chose - appelons cette chose culture, tradition, identité, valeurs, foi, préjugés, qu’importe au fond - qui aveugle régulièrement tout sens de la dignité. Il y a surtout chacun de nous. Le cadavre de C.F. n’a pas été profané à Léona Niassène : il a commencé à être déterré et brûlé longtemps avant : dans une rumeur mauvaise qu’on - ce on signifie : chacun de nous - a colportée, une violence verbale ou physique qu’on a commise contre un(e) humilié(e), une inhumanité qu’on a portée, acceptée, encouragée, légitimée, justifiée.
En réalité, C.F., son cadavre, ses cadavres, brûlent depuis toujours ; car depuis toujours trop d’Hommes, dans ce pays, se prennent provisoirement pour Dieu, et parlent pour Lui, et jugent pour Lui. Je le répète : je n’ai plus aucun espoir, mais c’est désespéré qu’on lutte le mieux, parfois.
J’espère que C.F., enfin, est en paix.
Par Ndiaga SYLLA
QUAND LA TUTELLE TIENT L’ADMINISTRATION ELECTORALE
On ne sait plus qui fait quoi ! Le président de la république aurait-il la compétence d’intégrer ou non un électeur radié des listes électorales ?
Bés Bi le Jour |
Ndiaga SYLLA |
Publication 02/11/2023
La DGE persiste dans son refus d’exécuter l’ordonnance du juge et l’injonction de la CENA. Plus triste quand notre administration électorale joue au dilatoire dans l’espoir d’une décision de la Cour suprême qui justifierait son acte illégal. Il suffisait que le Ministre de l’Intérieur, chargé des Élections, commande pour que les services centraux (DGE et DAF), qui ont précédé à la radiation d’office intègre automatiquement l’électeur concerné. Non ! On ne sait plus qui fait quoi ! Le Président de la république aurait-il la compétence d’intégrer ou non un électeur radié des listes électorales ?
Cette situation, née du contentieux de l’inscription sur les listes électorales qui du reste est pourtant bien encadré par la loi électorale, révèle les limites de notre modèle de gestion électorale. Alors que le Sénégal a connu avec son modèle mixte deux alternances politiques pacifiques, il ne serait pas insensé de prédire un recul démocratique de 30 ans. En tout état de cause, cela présage un mauvais signe quant à la neutralité de l'administration électorale tant vantée.
Par Ibou FALL
SORTEZ LES CHAPELETS, UN SALAFISTE AU PALAIS !
Le 2 avril 2024, on y est : c’est un salafiste qui s’installe au Palais. Sa barbiche coupée au cordeau ainsi que le point noir sur le front, qui atteste de son assiduité aux prières, rassurent les électeurs
Le 2 avril 2024, on y est : c’est un salafiste qui s’installe au Palais. Sa barbiche coupée au cordeau ainsi que le point noir sur le front, qui atteste de son assiduité aux prières, rassurent les électeurs. Son éternel sabador étriqué, son pantalon un peu court et ses marakiss élimées laissent certes planer des doutes.
Non, il n’est pas pauvre, juste économe.
Le gaspillage, ça ne le connaît pas : nos deniers seront entre de bonnes mains. D’ailleurs, dans son quartier, les témoignages sont unanimes : jamais un trou suspect dans la caisse de la mosquée sous sa comptabilité sourcilleuse…
Comme directeur de campagne, histoire de rassurer les bonnes vieilles cent familles wolofes qui font le Sénégal, Oustaz Candidat a le bon goût d’exhiber un père de famille qui présente une tête d’avis de décès : ce monsieur est des leurs.
Depuis plus d’un demi-siècle, El Hadj directeur de campagne, un charmant mouskalaf obtus et madré, pourfend le vice, chante la vertu, casse de l’animatrice dépravée, censure du cinéaste impudent, sermonne du chanteur canaille…
Le gardien de nos authentiques valeurs, en résumé, ouvre les portes, essuie le fauteuil, cire les marakiss, rajuste le sabador d’Oustaz Candidat.
Si ça ne tient qu’à lui, sur terre, il n’y aura que des mâles impuissants et des femelles frigides : ça vous simplifie le monde.
Rien que de s’afficher avec «Monsieur la Vertu Incarnée» de ce dernier quart de siècle, Oustaz Candidat gagne une place au deuxième tour devant toutes sortes de vendeurs de miracles.
Les électeurs se font une religion lorsqu’Oustaz Candidat, lors de son meeting de clôture, exhibe quatre épouses en rangs disciplinés, couvertes de la tête aux pieds. On ne saura jamais vraiment qui il y a en dessous…
Oustaz Candidat est surtout le symbole de l’autorité, de la virilité, de l’opulence.
Au deuxième tour, le peuple des analphabètes frustes, qui compose la large majorité de nos concitoyens, le préfère de loin au p’tit fonctionnaire qui n’ose ni ramener la peine de mort ni condamner l’homosexualité.
C’est lors de leur face-à-face que tout se décide, devant les caméras des télévisions locales et des sites internet.
Oustaz Candidat ne cherche pas ses mots : les homos, comme les francs-maçons, il faut les pendre haut et court, les découper en morceaux, les jeter dans un trou, y mettre de l’essence et gratter une allumette…
La France ? Qu’elle dégage avec sa langue officielle, ses costumes et ses cravates ! Le porc, l’alcool et les capotes seront interdits de séjour s’il s’installe au Palais.
Etudier le latin et le grec deviennent, sous son mandat, des crimes passibles de bastonnades et d’emprisonnement, tandis que les lauréats du Concours général auront des bourses d’excellence pour parfaire leur savoir islamique au Caire.
L’hymne national et le drapeau, promis, ils vont aux poubelles. A la place, une belle chanson d’Oum Kalthoum, «Le Rossignol du Nil», pour chanter le Sénégal, et une étoffe verte avec une lune au milieu pour nos équipes nationales qui n’iront plus nulle part : il y a des affaires plus urgentes dans la vie que le foot et le basket.
Et le premier ministre des Sports qui lui parle de lutte avec ou sans frappe est déjà un homme mort !
Son adversaire, quant à lui, se glorifie des chiffres de la Banque mondiale et du Fmi, se gargarise des taux de croissance à trois chiffres qu’il promet, de ponts et autoroutes dont il présente les maquettes en trois D, de financements non remboursables pour les femmes et les enfants, de sécurité sociale et autres combines bassement humaines.
Son costume est huilé, ses godasses cirées et sa crinière gominée : les Sénégalais croient voir un extraterrestre suspect en face d’Oustaz Candidat qui, lui, veut, pour sa jeunesse, non seulement de la droiture sur terre mais une place au Paradis dans l’Au-Delà.
Y’a des propositions qu’on ne peut pas refuser… Bien entendu, ce sont les savants perses et égyptiens qui seront au programme dans l’enseignement supérieur dont la première année consacrée à la biographie de l’Imam Khomeyni et la deuxième à celle de Oussama Ben Laden…
A compter de son élection, le Blue jean, comme tout ce qui vient d’Amérique, n’entre plus chez nous. Les télés remplaceront les programmes de variétés musicales par des sermons et Dj Boubs ira à la retraite, malgré son serment de ne désormais promouvoir que des musiques sacrées.
Youssou Ndour, qui a plus d’un album dans son sac, refera cent fois des remix de son album «Allah», en précisant sur la couverture l’année de sa diffusion et effacera sa consécration aux sataniques Grammy Awards.
On a beau tenter de le lui rappeler, il ne se souvient plus de ce fameux… Grammy quoi ? Le centre du monde se déplaçant de l’Ouest à l’Est, inutile de préciser que l’ambassadeur israélien quittera le territoire sénégalais vingt-quatre heures après la prestation de serment d’Oustaz Président qui, la main sur un Coran, jure devant Dieu et les musulmans de protéger la foi, la vertu et la propagation des principes de l’islam…
Son excellente mémoire, qui ne le trahit jamais, sera là, durant tout son premier quinquennat, pour lui rappeler que les khalifes des confréries, pendant les élections, sont restés neutres, ayant même l’air de préférer le défenseur de l’hypocrite laïcité.
Au bout de quatre années de nettoyage de la morale nationale à grands renforts de ses sermons les vendredis, synchronisés sur toutes les chaînes et sites, d’exécutions et de lapidations publiques, quand Oustaz Président propose par voie référendaire que la présidence de la République, suprême manifestation de la volonté divine, devienne une fonction à vie, les Sénégalais y adhèrent à cent cinquante pour cent.
Il y en a qui voteront deux fois pour qu’Oustaz Président ne doute pas une seconde de leur loyauté…
Que veut de plus le Peuple ? Dites, désormais, Al Oustaz Président illa yaw mi dîni !