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22 novembre 2024
Opinions
par Alioune Diop
DE L’URGENCE D’ASSAINIR LE DÉBAT SUR LES ÉTRANGERS AU SÉNÉGAL
Alors que la plupart des pays d'Afrique de l'Ouest ont créé des agences spécialisées pour la gestion des identités, le Sénégal reste attaché à un système traditionnel confié à la Police. Les protocoles de la CEDEAO offrent pourtant un cadre de régulation
C’est au cours d’une de leurs longues et agréables visites du week-end qu’un groupe de neveux que j’appelle affectueusement «les réguliers», m’a posé encore une fois cette question qui semble être une réelle préoccupation pour eux : «Tonton, vous qui avez travaillé avec les Nations unies et la Cedeao, est-ce que l’exigence d’une carte de séjour pour les nombreux étrangers ne devient pas une obligation désormais ?»
En fait, voilà plus de trois mois que les thèmes qu’ils abordent lors de nos échanges et qui exacerbent leurs frustrations, ont trait respectivement :
Au nombre de jeunes citoyens sénégalais victimes d’usurpation de pièces d’identité nationale, celles-ci étant attribuées très souvent, disent-ils, à des personnes d’origine étrangère ;
A l’exhibition sur les réseaux sociaux de passeports sénégalais par des émigrants étrangers qui les déchirent dès leur arrivée au Nicaragua ;
Au nombre important de citoyens étrangers venus s’établir définitivement au Sénégal, particulièrement d’origine guinéenne, et prêts à envahir plusieurs créneaux de travail disponibles pour la jeunesse nationale tels qu’ouvriers sur les grands chantiers, livreurs, conducteurs de mototaxi ou employés dans les grandes surfaces, etc.
Après quelques semaines de recherches pour bien asseoir notre réponse sur des textes communautaires et bonnes pratiques en vigueur dans le monde, eu égard à l’appartenance du Sénégal à des organisations internationales comme l’Onu, l’Union africaine, la Cedeao et l’Uemoa, il a été possible de partager avec eux les considérations suivantes.
Premièrement, en ce qui concerne les passeports et cartes nationales d’identité, les bonnes pratiques de la gouvernance des identités biométriques recommandent aux Etats d’appliquer le principe sacro-saint qui stipule que le service qui délivre doit être totalement différent de l’autorité responsable du contrôle quotidien des pièces d’identité ou de passeport.
A cet effet, certains Etats de la région, ayant noté la récurrence d’accusations de corruption ou de malversations effectives, ont mis en place des agences ou offices uniquement dédiés à la gestion des cartes nationales d’identité et de résident temporaire ou définitif, alors que les Forces de défense et de sécurité conservent leur rôle de contrôle sur le terrain avec accès aux terminaux digitaux de l’agence concernée. C’est le cas avec :
L’Oneci (Office national de l’état civil et de l’identification) en Côte d’Ivoire, accessible au site : www.oneci.ci ;
La Nia au Ghana (National Identification Authority/Autorité nationale de l’identification), accessible à : https://nia.gov.gh ;
L’Anip (Agence nationale d’identification) au Bénin, accessible au site : www.anip.bj ;
La Nimc (National Identity Management Commission au Nigeria), accessible au site : www.nimc.gov.ng ;
L’Anid au Togo (Agence nationale de l’identification), accessible au site : www.anid.gouv.tg.
Ainsi, les seuls pays francophones de la région qui ont encore maintenu la tradition de confier la gestion et le contrôle des pièces d’identité à la Police nationale sont le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Sénégal.
Pour les passeports, les options varient entre, d’une part, les services chargés de l’immigration et, d’autre part, le recours à une société privée nationale comme Snedai, qui a déjà opéré au Sénégal, et ce dans une vision de préférence nationale avec un champion national.
Deuxièmement, pour le séjour des étrangers, il faut prendre en compte :
Les originaires de pays membres de la Cedeao ;
Les originaires de pays non membres de la Cedeao ;
Les originaires de pays hors du continent.
Pour les étrangers originaires de la Cedeao, les Etats membres ont adopté respectivement, et depuis 1979 :
Le document fondamental du Protocole sur la libre circulation des personnels, le droit de résidence et d’établissement (Dakar 1979) dont «l’article (1) exige de tout citoyen désirant entrer sur le territoire d’un pays membre de posséder un document de voyage et des certificats internationaux de vaccination en cours de validation», alors que l’article (2) précise bien que «tout citoyen désirant séjourner dans un Etat membre pour une durée max, obtenir une autorisation délivrée par les autorités compétentes» ;
En mai 1990 à Banjul, les Etats membres adoptent le Protocole additionnel A/SP2/5/90 relatif à l’exécution de la troisième étape (droit d’établissement du protocole sur la libre circulation des personnes, le droit de résidence et d’établissement) dont l’article (1) précise respectivement :
La «Carte de Résident» ou «Permis de Résident» comme le titre ou le permis de résidence délivré par les autorités compétentes accordant le droit de résidence sur le territoire d’un Etat membre ;
Le statut de Résident comme tout citoyen, ressortissant d’un Etat membre auquel est conféré le droit de résidence.
Dans le même article, les Etats membres se sont entendus sur les différents statuts disponibles, en matière de travail, pour les citoyens venant chercher du travail dans un Etat membre, à savoir :
«Travailleur migrant ou migrant» ;
«Travailleurs frontaliers» ;
«Travailleurs saisonniers» ;
«Travailleurs itinérants» ;
«Personnes exerçant dans des organisations internationales».
Les détails sont précisés dans le document accessible sur internet.
Et enfin, avec l’adoption quasi généralisée de la biométrie, lors de la 70e session ordinaire du Conseil des ministres tenue à Abidjan du 20 au 21 juin 2013, les Etats membres ont adopté le «Règlement C/REG.15/06/13 relatif aux aspects sécuritaire et institutionnel de la mise en œuvre du Protocole sur la libre circulation des personnes et des biens et le droit de résidence», en demandant la mise en place :
Du profilage biométrique des passagers internationaux dans les aéroports et frontières terrestres ;
L’installation de guichets d’immigration spécifiquement destinés aux citoyens de la Cedeao.
Troisièmement, les Etats membres de la Cedeao dont certains sont confrontés au terrorisme, à l’extrémisme violent, aux activités illicites transnationales, à de fréquentes incursions dans les zones frontalières des pays côtiers, ont mis en place les protocoles et règlements qui permettent à chaque Etat membre d’assurer un enregistrement et un suivi permanent de tous les étrangers qui accèdent à leur territoire.
La carte de résident, et non carte de séjour, est un document qui justifie la présence de tout citoyen de la Cedeao dans un territoire d’un pays membre !
Pour conclure, la première des souverainetés est celle d’assurer la sécurité de son territoire et la protection de ses citoyens et de leur identité : la négligence ou le manque d’intérêt des gouvernants a trop duré pour causer aujourd’hui paroles, faits et gestes qui risquent de perturber notre cohésion nationale et nos relations fraternelles avec nos voisins dont les Etats ont adopté ces textes comme le nôtre !
Les nouvelles autorités du pays doivent pouvoir régler ce problème sans heurt ! La responsabilité incombe à chaque Etat, la Cedeao ayant déjà fait sa part et défini le cadre accepté par tous les Etats membres.
Je ne saurais conclure sans vous recommander, pour votre gouverne personnelle ou d’autres actions ultérieures, de visiter les sites annoncés plus haut, et particulièrement celui de l’Oneci de la Côte d’Ivoire qui délivre même des Cartes de Résident Temporaire, avant le délai de 90 jours exigé par les protocoles de la Cedeao.
Colonel (Er) Alioune Diop est ancien Conseiller Sécurité des Nations Unies, Secrétaire général de l’Association Pour la Promotion de la Sécurité Humaine (Aprosh) aldiop30@gmail.com
Les belles feuilles de notre littérature par Amadou Elimane Kane
LE SILENCE DU TOTEM OU LA RESTITUTION DE L’ESTHETIQUE AFRICAINE
EXCLUSIF SENEPLUS - À travers le personnage de Sitoé Iman Diouf, anthropologue confrontée à son héritage sérère dans les sous-sols d'un musée parisien, Fatoumata Sissi Ngom explore les multiples facettes de la spoliation culturelle
Notre patrimoine littéraire est un espace dense de créativité et de beauté. La littérature est un art qui trouve sa place dans une époque, un contexte historique, un espace culturel, tout en révélant des vérités cachées de la réalité. La littérature est une alchimie entre esthétique et idées. C’est par la littérature que nous construisons notre récit qui s’inscrit dans la mémoire. Ainsi, la littérature africaine existe par sa singularité, son histoire et sa narration particulière. Les belles feuilles de notre littérature ont pour vocation de nous donner rendez-vous avec les créateurs du verbe et de leurs œuvres qui entrent en fusion avec nos talents et nos intelligences.
« Le roman, [...] est la seule forme d'art qui cherche à nous faire croire qu'elle donne un rapport complet et véridique de la vie d'une personne réelle » - Virginia Woolf.
La reconstruction minutieuse d’un récit, à travers l’écriture et l’imaginaire, est un élément fondateur de l’architecture du roman. Le genre du roman est cette représentation du réel qui oscille entre données objectives et données subjectives. Mais par sa structure narrative et esthétique, le roman peut parfois transcender la réalité à tel point qu’une autre matérialité est possible. Au seul moyen de la fiction, le récit romanesque peut prendre l’allure d’une vraisemblance troublante. Le roman est une convention littéraire ancrée dans l’existant et dans ce qui n’a pas encore été révélé.
Le roman Le silence du totem de Fatoumata Sissi Ngom est un récit qui pose la question de l’histoire revisitée par l’imaginaire, tout en remodelant l’édifice du patrimoine africain. Car le cœur du récit tient un équilibre juste entre un schéma romanesque qui sert de tableau et celui de raconter la véritable histoire du pillage des œuvres d’art en Afrique, au moment de la colonisation et des missionnaires européens, toujours en quête de puissance. Par le prisme du roman, Fatoumata Sissi Ngom pose la problématique de la restitution des œuvres d’art qui est un enjeu majeur du XXIe siècle pour la reconnaissance du patrimoine africain.
Sitoé Iman Diouf, dont les parents sont d’origine sérère, communauté du Sénégal, est une brillante anthropologue qui travaille au Musée du Quai Branly à Paris. Elle se voit confier une troublante mission, celle d’exposer des œuvres africaines, restées cachées aux yeux du grand public dans les sous-sols du musée, pour permettre à un oligarque russe d'acheter une pièce à prix d’or. Dans les profondeurs de ce trésor secret, Sitoé découvre rapidement une statue Pangool, originaire du Khalambass, région de sa propre famille et dont le symbole protecteur appartient au peuple sérère. Cette statue de bois somptueuse représente un guerrier avec un corps d’homme et une tête de serpent avec d’immenses yeux jaunes, l’animal totem du peuple sérère. Ainsi Sitoé, dont le prénom est emblématique de la culture sénégalaise, clin d’oeil à Aline Site Diatta qui fut une héroïne de la résistance à la colonisation, est chargée d’une double mission, celle de mettre en lumière les œuvres dormantes et surtout de faire en sorte de les restituer à la terre des origines.
Car au-delà du tissu narratif du roman qui navigue entre le récit d’enquête, le conte, le roman d’exploration et le surnaturel, créant ainsi une tension littéraire remarquable, l’auteure met en scène tous les enjeux qui existent pour la restitution de l’art africain et de l’éthique qui doit l’accompagner. Révéler l’existence du patrimoine africain en lui donnant un sens anthropologique est une manière fondatrice de rendre le récit africain tangible et légitime. Car l’art, sous toutes ses formes, et la symbolique de son esthétique sont au cœur de la narration africaine qui peut permettre sa réhabilitation.
Poser la problématique de l’histoire africaine, dévoyée par la colonisation, s’inscrit dans un ensemble plus vaste qui est celui de parler de l’importance de matérialiser les arts africains pour rendre visible l’esthétique africaine dans une démarche historique, patrimoniale et artistique.
Fatoumata Sissi Ngom écrit ici un livre incontournable pour comprendre ce que signifie, dans toute sa symbolique, la restitution des arts en Afrique. Il ne s’agit ni de folklore, ni de marchandisation, mais vraiment de faire parler les arts africains pour constituer un patrimoine enrichi de la vérité et qui sert à ressouder le puzzle de la culture africaine.
De plus, ce roman écrit en 2018, procède par anticipation car le programme de restitution des œuvres d’art africaines proposé par Emmanuel Macron a été annoncé en France en 2020. Avec le ministère de la Culture, le président français a même fait une proposition de loi seulement en février 2023, une nouvelle législation en faveur des pays propriétaires mais non encore promulguée. Ainsi, Fatoumata Sissi Ngom fait œuvre visionnaire en proposant ce récit car la problématique du patrimoine africain est centrale dans la reconstruction identitaire et dans l’émergence de la renaissance bâtie sur l’idée que la culture africaine est multiple et que l’art y a inscrit ses symboles ancestraux.
Le vrai roman, c'est celui dont la signification dépasse l'anecdote, la transcende, fonde une vérité humaine profonde, une morale ou une métaphysique.
C’est pourquoi je pense qu’il est plus que nécessaire de lire Le Silence du totem car celui-ci nous offre, à travers le genre romanesque, de nous approprier de notre patrimoine africain. Tout Africain, tout humaniste devrait lire ce livre car la vérité se cache dans les interstices de l’histoire, un mythe qui a été élaboré par d’autres et des légendes qu’il convient toujours de remettre en cause toujours dans la reconstruction de notre mémoire culturelle et de notre patrimoine historique.
Amadou Elimane Kane est écrivain poète.
Le silence du totem, Fatoumata Sissi Ngom, éditions L’Harmattan, collection Écrire l’Afrique, Paris 2018.
par Ciré Clédor Ly
BILLET POUR LA SOUVERAINETÉ
Sans une majorité très largement qualifiée, les complices intérieurs des ennemis du pays paralyseront l'action gouvernementale et créeront des troubles sociaux. Sans une Assemblée de rupture, le projet qui a coûté tant de sacrifices serait un mirage
Le Sénégal a vécu des moments difficiles et sa jeunesse, épaulée par les panafricanistes révolutionnaires, a su faire face et résister.
Comme un seul homme, le peuple sénégalais martyr a osé suivre une personne pétillante et resplendissante de jeunesse, dont le discours osé et tranchant était une invariable croisade contre l'exploitation et la domination étrangère, pour la justice sociale, pour la souveraineté et la liberté, pour la redéfinition et la réciprocité des traitements dans les relations internationales, pour l'unité africaine pressante.
Cet homme mûr nommé Ousmane a cru et misé sur son courage et sa foi ancrée dans la religion musulmane. Il a pu avec aisance se forger une redoutable armure qui devint sa carapace, la jeunesse.
Et lorsqu'on parle de jeunesse, il ne s'agit point de la seule jeunesse sénégalaise. Ousmane Sonko a pu alpaguer, séduire, rassembler et emballer toute la jeunesse africaine autour de l'idéal possible de rupture intégrale, d'indépendance réelle, de souveraineté. C'est pourquoi il est tenu de réussir.
Le défi d’Ousmane était suicidaire car les adversaires au pays n'étaient qu'une façade qui cachait des enjeux internationaux énormes, mais sans hommes capables de ce sacrifice pour un intérêt collectif, il n'y aura jamais de guide ou de timonier.
Les organisations et institutions internationales qui boudent ou menacent ont déjà pris la pleine dimension de la rupture radicale qui est déjà en œuvre et sans compromis possible.
Des élites africaines ont toujours compris que le colonisateur a toujours utilisé des Africains au prix d'avantages matériels et de privilèges éphémères de pouvoir, pour continuer la domination étrangère.
Des Sénégalais ont été activés pour saborder la lutte mais la détermination des jeunes et l'enchevêtrement des pinceaux institutionnels qui avait créé une atmosphère de sauve-qui-peut, avait permis au Sénégal de réussir une révolution finalement apaisée, mais le scorpion venimeux est toujours là d'où vigilance !
L'élection du jeune président de la République du Sénégal, Bassirou Diomaye Diakhar Faye, est donc le résultat du sacrifice d'une jeunesse qui est restée fidèle et soudée autour de son leader Ousmane Sonko qui demeure la seule cible des déchus.
Les vautours qui faisaient l'apologie du crime, magnifiaient la violence et appelaient au meurtre d’Ousmane Sonko impunément, restent encore forts, forts de leurs fortunes illicites qui peuvent acheter les simples d'esprit ou les arrivistes, forts de leurs commanditaires étrangers qui se sont empressés de se diluer dans la masse des tueurs encagoulés qui ont battu campagne.
Désormais tout le monde est convaincu de la détermination d’Ousmane Sonko de bouleverser les données coloniales et c'est pourquoi des discours sournois sur la démocratie et la liberté d'expression pour pousser à une déstabilisation font foison mais ce n'est que l'œuvre d'une partie de l'occident qui ne rêve pas encore de vivre sans domination et sans exploitation de peuples.
Tout ce qui n'a jamais été osé depuis les pseudo-indépendances ou dans un État, a été osé depuis la première apparition du président de la République et a été toléré, avec l'espérance que ce n'étaient que des dérives excusables et conjoncturelles, mais il est désormais clair et établi, que toutes ces provocations, barbarie de campagne, insultes sans gants, ports d'armes visibles à dessein et sans autorisation, convergent sur un seul objectif de trouble pouvant justifier la liquidation physique de toutes les figures convaincues de rupture et de révolution.
Ceux qui taxent de populisme le Premier ministre sont ceux-là mêmes qui essaient de faire croire à une mésentente au sommet de l'État et titillent avec dextérité l'orgueil des uns et des autres pour faire échouer le projet qui toujours a été le ciment des deux hommes.
Il n'existe aucune divergence ou la plus petite mésintelligence intellectuelle entre le président de la République Bassirou Diomaye Diakhar Faye et le Premier ministre Ousmane Sonko.
Tout ce que le peuple doit savoir est que sans une majorité très largement qualifiée, les complices intérieurs des ennemis du pays paralyseront l'action gouvernementale et créeront des troubles sociaux.
Le peuple doit aussi savoir que toute cassure est traumatique mais la cassure qui permet de donner les moyens de sa souveraineté intégrale vaut l'endurance de toute souffrance que nécessite l'objectif poursuivi.
Le peuple doit savoir que ceux qui devront rendre des comptes de leurs gestions, de leur serment trahi, ceux qui devront justifier l'origine de leurs fortunes, des dérives autoritaires avec l'utilisation des mécanismes déviés de l'État, ceux qui ont commis des actes de banditisme d'État pour perpétuer un système; les pays et capitalistes étrangers qui perdront leurs privilèges, continueront de fragiliser le pouvoir et n'ont pas exclu de perpétuer sur la jeunesse des crimes odieux.
Le peuple doit savoir que sans institutions fortes et d'hommes courageux et vertueux, nous les Africains ne nous affranchirons jamais de certaines institutions internationales qui perpétuent la domination et une assemblée compétente et audacieuse est nécessaire pour couper les cordons avec tous les instruments de domination étrangère.
Il faudra être vigilant et éviter toute provocation à la violence la journée du 17 novembre et les jours suivants.
Il faudra s'abstenir de diffuser tout propos simplement belliqueux et tenir comme fausse nouvelle tout appel nuisible à la paix sociale.
Les commentaires insidieux et tentatives de faire naître dans les esprits une mésentente entre le président de la République et son Premier Ministre participent d'un vaste programme de déstabilisation future et ne sont que chimères et commérages.
Voter pour le Pastef c'est donner au président de la République les moyens de faire réaliser la politique pour laquelle il a été élu, et à son Premier ministre Ousmane Sonko de réaliser la politique de rupture sans compromission pour laquelle le peuple sénégalais croit en son génie et l'Afrique en sa constance.
Sans une Assemblée de rupture, le projet qui a coûté tant de sacrifices serait un mirage.
Par Mansour Gueye
LE VOTE DE RAISON ET UTILE, C'EST LE VOTE PASTEF
Les enjeux dépassent largement le simple renouvellement de l'Assemblée nationale : c'est tout un modèle de gouvernance qui est en jeu
Demain, jour d'élections législatives anticipées au Sénégal, les sénégalais sont appelés à élire les 165 députés de la 15 ème législature.
C'est un tournant décisif de la vie politique de Sénégal, depuis les indépendances.
Les 3 semaines de campagne électorale ont été rudes avec beaucoup d'invectives et de menaces qui nous ont éloignés de l'essentiel :
Quel programme politique, économique et social faut-il mettre en oeuvre au Sénégal durant les 5 prochaines années, pour mettre définitivement le pays sur la voie du développement ?
Au delà des meetings et des caravanes classiques, les spots télévisuels ont permis aux sénégalais d'avoir un aperçu sur les programmes proposés par les différents leaders et leurs colistiers.
Aujourd’hui nous sommes à l'heure du choix.
Le vote de demain dimanche 17 novembre 2024, sera crucial et determinant pour le Sénégal.
Les douze années passées avec Macky Sall ont finit par éclairer les sénégalais, des effets négatifs de l'hyper-presidentialisme.
En signant le Pacte de gouvernance démocratique proposé par Sursaut Citoyen et d'autres organisations de la société civile, le président Bassirou Diomaye Faye comme treize autres candidats sur les dix neuf qui étaient en compétition lors des dernières présidentielles, s'est engagé à appliquer les conclusions des Assises nationales du Sénégal (ANS) et celles de la Commission Nationale de Réforme des institutions (CNRI) présidées par feu Amadou Mahtar Mbow.
Demain, j'appelle les sénégalais et les sénégalaises à voter massivement pour les listes Pastef, afin de rester cohérent par rapport aux résultats des dernières élections présidentielles du 24 mars 2024.
En donnant au président Diomaye Faye, une majorité claire qui lui permetta d'appliquer sa politique et d'honorer, les engagements pris devant le peuple sénégalais.
Le Sénégal est à la croisée des chemins.
Aucun des différents régimes politiques qui se sont succédés depuis les indépendances, n'a réussi à éliminer le système de prédation des deniers publics par les tenants du pouvoir et des hauts fonctionnaires véreux.
Le président Diomaye, avec son slogan politique Jub Jubal Jubanti, nous propose de mettre de l'ordre dans tout ça.
Demain, en votant pour les listes Pastef, ayons un apriori favorable pour le président Diomaye et faisons lui confiance, pour les cinq prochaines années,
Néanmoins la prochaine législature, toutes tendances confondues, devra être vigilante et exiger du gouvernement, la prise en compte des priorités du pays qui sont :
- des réformes institutionnelles courageuses basées sur les conclusions des ANS et de la CNRI.
- une politique de développement économique ambitieuse basée sur la réappropriation de nos leviers de souveraineté ressources naturelles.
- la réforme du système éducatif en introduisant nos langues nationales et en donnant en exemple nos grands hommes et femmes qui représentent la conscience historique du Sénégal.
- la formation professionnelle et l'apprentissage pour donner à la jeunesse un métier.
- des investissements massifs dans l’agriculture, l’élevage, la pêche.
- l’amélioration du cadre de vie.
- la communication pour les changements positifs de comportement.
- la culture pour redonner confiance à notre jeunesse fascinée par l'Occident et prête à mourir dans les océans pour un eldorado incertain.
Donc pour espèrer la mise en œuvre d'un tel programme volontariste,
Votons utile, votons avec raison, votons en faveur des listes Pastef.
Par Moussa Diallo
LE SENS DU VOTE
Si l’on cherche la voix d’un sénégalais pour se percher au sommet du pouvoir, il faudra le moment venu se souvenir qu’on l’a sollicité et que lui mérite que l’on pense à ses besoins singuliers. Ces besoins sont d’ordre économique, culturel, politique etc.
La campagne est terminée. Demain les sénégalais iront aux urnes. Ce sont ces mêmes sénégalais qui ont été sollicités pendant une vingtaine de jours dans les coins et les recoins du pays.
Ainsi donc, tout le monde doit être convaincu qu’il n’existe pas de vrais citoyens sénégalais à côté d’autres qui seraient leurs invités. Dès lors, tout ce que l’on pense bon pour un sénégalais doit l’être pour tous les sénégalais sans exclusive.
Si l’on cherche la voix d’un sénégalais pour se percher au sommet du pouvoir, il faudra le moment venu se souvenir qu’on l’a sollicité et que lui mérite que l’on pense à ses besoins singuliers. Ces besoins sont d’ordre économique, culturel, politique, linguistique etc.
Il ne faut pas qu’au motif d’une certaine homogénéité recherchée on le phagocyte et mette entre parenthèses ses intérêts.
Tout sénégalais compte. C’est la somme de nos différences infimes soient-elles qui représente notre nation entière.
Vive le Sénégal pluriel
Vive le Sénégal uni
Moussa Diallo
Ziguinchor
Par Boubacar CAMARA
ANATOMIE D’UNE RÉÉLECTION : SPECTRES DES ÉTATS-UNIS
En écrivant ce texte je n’ai cessé de penser à la déclaration de Matthew Miller porte-parole du département d’État des États-Unis le 03 juin 2023 sincèrement « préoccupés et attristés » par les coups portés à la démocratie sénégalaise.
En écrivant ce texte je n’ai cessé de penser à la déclaration de Matthew Miller porte-parole du département d’État des États-Unis le 03 juin 2023 sincèrement « préoccupés et attristés » par les coups portés à la démocratie sénégalaise. On ne peut, au pire des cas, que rendre sa sollicitude inquiète à l’Ami, le moment venu.
Le sentiment qui saisit le monde au matin du 06/11/2024 est un mélange mystérieux de honte, de culpabilité, d’incrédulité et d’angoisse de l’ordre de celui qu’éprouva Paul Valéry devant la fragilité de la civilisation industrielle de son époque. De prime abord une œuvre comme Rhinocéros de Eugène Ionesco peut sembler excessive : Qu’est-ce que cette histoire fantastique d’hommes paisibles vaquant sagement à leurs occupations quotidiennes, se distrayant, par des routines, d’on ne sait quelle sourde et innommable angoisse et qui se transforment subitement en brutes épaisses ? Qu’est-ce, aussi, que cette affaire improbable, relatée par Kafka, d’un Gregor Samsa qui se métamorphose sans crier gare, un beau matin, en un monstrueux insecte ? Cela semble invraisemblable jusqu’à ce qu’il y ait la stupeur de ce matin du 06/11/2024, jusqu’à ce qu’il y ait ce quelque chose d’aussi fantastique, d’aussi « incalculable » (Derrida) aux ÉtatsUnis. Quelque chose liée à on ne sait à quoi : À la haine des autres qui envahiraient comme des zombies (Stéphen King) ? Au mépris profond de la femme ? À la haine de l’intelligence jugée trop sophistiquée ? Au triomphe des instincts et des besoins primaires ? Cet événement, se dit-on, a lieu aux États-Unis, dans la belle Amérique, dans l’hospitalière Amérique !!! En Afrique, coutumière du fait, dit-on, ça passe. Mais au pays d’Abraham Lincoln, au berceau de la démocratie moderne !? Quelque chose donc de politiquement imprévisible mais, après coup, c’était un événement structuralement inéluctable.
En ces tristes matins historiques une Nation prend soudain conscience qu’une forme de vie a failli. Forme de vie qui a émergé lentement, sûrement et douloureusement, forme de vie exceptionnelle (Norbert Elias), efficace, malgré tout, et dont l’humanité est fière dans la mesure où elle a su fixer des limites éthiques à tout pouvoir politique. Cette nation prend soudain conscience, sans avoir vu venir, que quelque chose d’extrêmement grave s’est produit ou, à tout le moins, est en train de se produire. Lorsque le processus démocratique réputé le plus robuste produit une aberration, trahit l’irrationalité des acteurs politiques, c’est l’idée même de démocratie, la confiance qui fonde la démocratie, le contrat fiduciaire qui la constitue qui s’écroule libérant un sentiment d’insécurité sans nom. Lorsque qu’un vote est le symptôme d’un processus auto-immune (Derrida) c’est la politique telle qu’on l’entend, telle qu’elle nous met en accord, malgré tout, telle qu’elle crée des liens lorsque son concept est réalisé, qui est menacée. Du coup c’est notre être (fondamentalement politique) qui est exposé au vertige du vide, de l’arbitraire du loup (« si ce n’est pas toi c’est un des tiens »), qui est exposé au vertige de l’irrationnel, de la violence épaisse, de la haine, de l’impuissance de l’appareil judiciaire, de l’injustice, de l’abstraction, de l’insécurité politique radicale. Cette « Cité de la peur » fait penser à l’atmosphère de l’Oran de Camus soumis aux caprices d’une peste qui suspend le cours normal de la vie et sape, comme toute bonne épidémie, les fondements même du vivre. Elle fait penser à l’univers oppressant de Hannah Arendt, à la déréliction des royaumes et administrations de Franz Kafka. Elle fait craindre le règne terrifiant de l’imprévisible roi-enfant Joffrey Baratheon dans les saisons 1, 2, 3, et 4 de Games of thrones. Elle annonce la fin prématurée de toute politique du care : de tout souci de l’humain.
Lorsqu’elle est abasourdie, sidérée par de tels événements, la Raison, à travers les hommes au matin du 06/11/2024, perd en général la voix ayant honte de la prendre pour tenter d’expliquer l’inexplicable. Ces situations sont des « épreuves »-limites (Boltanski & Thévenot). Arrivé à un certain degré de contradiction, ses protagonistes disqualifiés, mouillés jusqu’au cou, au moins par un silence coupable, une telle impasse ne peut être résolue qu’à laisser les choses reconfigurer la donne politique. Ces matins sont donc faussement calmes : ils sont comme des orages qui couvent. Déchiffrant dans sa conférence du 7 mars 1854 au Tabernacle de New York (« La loi sur les esclaves fugitifs »), l’acte posé par M. Webster durcissant les lois contre les esclaves fugitifs et renforçant du coup la politique esclavagiste, Ralph Waldo Emerson (1803-1882) pose un diagnostic effrayant : « La façon dont le pays a été amené à donner son consentement à cela , et la défection désastreuse (au cri lamentable qu’il fallait préserver l’union) des hommes de lettres, des universités, des hommes instruits et même de quelques prédicateurs de la religion, -- fut le passage le plus sombre de cette histoire. Cela montra, que notre prospérité nous avait fait du tort et que le crime ne pouvait plus nous scandaliser. Cela montra que l’ancienne religion et l’instinct de ce qui est juste s’étaient effacés jusqu’à disparaître complètement ; qu’alors que nous estimions être une nation hautement cultivée, nos ventres avaient pris le dessus sur nos cerveaux, et que les principes de la culture et du progrès n’avaient pas d’existence. » (in CAVELL, 1993, p. 535).
Mais le symptôme du 06/11/20224 est plus grave, plus terrifiant, dépassant de simples questions de survie, menaçant les choses les plus essentielles, sonnant peut-être le glas de conquêtes ayant fondé la démocratie à une époque trop inquiétante où l’humanité tout court est à la croisée des chemins. Époque trop exposée pour les puissances de destruction et d’humiliation en jeu, pour les souffrances qu’elle peut générer, pour les forces maléfiques en cause. Époque où l’exigence de responsabilité historiale est plus que jamais d’actualité. Les deux guerres mondiales se sont soldées par des millions de morts (18,6 pour la 1e et 50 à 85 pour la seconde), une autre guerre pourrait se solder par l’extinction de l’humanité et au « mieux » par une quantité inimaginable de souffrances inutiles. Qu’autant de forces de destruction puissent être entre les mains de quelques individus qui ne se fixent aucune limite et qui sont produits et maintenus par la démocratie a de quoi effrayer. Oui la situation est différente de celle de 1854. Ce qui se joue ici ce ne sont pas des problèmes matériels, c’est quelque chose de plus profond, qui, peut-être, touche au fondement de l’humain. Le mal en question engendre des événements de l’ordre de la métamorphose, de la catastrophe, de la bifurcation anthropologique parce que proportionnel à la « disruption » (STIEGLER : 2016) qui fournit des méthodes de dé-struction « dévastatrices » (Michel Déguy).
Force est de constater que la qualité du débat politique s’est transformée. On n’a cure de « l’impératif de la justification » (BOLTANSKI & THEVENOT, 2022, p. 36 et sq) et non plus, par conséquent, du souci de l’accord et de l’ajustement des libertés (p. 58). S’affaiblit dangereusement le souci de rationalité des arguments qui soumet tout propos politique au crible du Logos. Les pires approximations et contradictions qui ont des conséquences terribles dans la vie des gens au quotidien n’indignent quasiment plus. Ce n’est pas au fond grave qu’une personne qui prétend diriger quelque chose d’aussi sérieux qu’une Cité, fût-il le plus petit, ne puisse soutenir un débat cohérent n’alerte pas. Ce n’est pas important que ses mœurs, sa réputation (son ethos) ne soient pas bonnes. Ce ne sont pas les pathè, les passions rhétoriques, qui par leurs noblesses, leurs humanités posent des limites démocratiques qui sont convoqués mais les passions les plus noires, les plus archaïques. Tout ce que la grammaire politique traditionnelle excluait, tout ce qu’il y a de plus sombre dans le discours devient force argumentative, signe d’élection.
Que certains discours puissent fonctionner dans les États-Unis d’aujourd’hui est un symptôme inédit dans l’histoire du monde. C’est que ces « discours » ubuesques, qui ne sont pas allergiques à l’incohérence, à l’excessif, au grotesque et au grossier, opèrent sur fond de fascination pour des puissances archaïques, violentes, obscures bref rhinocériques. On s’identifie inconsciemment (car il est des choses qu’au plus profond de la perversion on ne saurait revendiquer) à l’autre de la liberté que la démocratie contient tant bien que mal malgré la faiblesse du mode de calcul de la majorité qui misait jusqu’ici heureusement sur la foi en la raison chez les hommes.
Le matin du 06/11/2024 est le terme d’un silencieux effondrement stupéfait dont l’origine visible peut être daté, avec Jacques Derrida et Jürgen Habermas, dans le calendrier, un certain 11 septembre 2001. En un certain sens, ce matin n’est qu’imprévisible dans la mesure où on en ignore uniquement la forme et le moment (en termes aristotéliciens le où ? le comment (la cause formelle) ? le quand (la circonstance de Michel Déguy) ?) Mais cette suite (comme au cinéma) du 11 septembre était justement pensable. C’est pourquoi nous la pensons à partir d’une origine invisible. Avant la démocratie, dans l’émergence même de la démocratie, dans la configuration conflictuelle de la démocratie il y a toujours eu un 11 septembre avant la lettre. La énième crise que nous vivons était programmée « dans le « nouage » même de la démocratie, dans « le système politique occidental [qui] résulte du nouage de deux éléments hétérogènes, qui se légitiment et se donnent mutuellement consistance : une rationalité politico-juridique et une rationalité économico-gouvernementale, une « forme de constitution » et une « forme de gouvernement » » (Agamben, 2009, p. 12). Cette crise, sauf qu’elle est particulièrement inquiétante, surprenant les mécanismes immunitaires d’une démocratie aussi robuste, est récurrente dans le concept des États-Unis qui, nous le rappelle Ralph Waldo Emerson, est le nom de l’Utopie d’une terre pensée comme le lieu d’une hospitalité inconditionnelle : fédération, terre-refuge… À ce titre, ce lieu de rêve secrète et contient difficilement et donc ingénieusement son autre, ses démons, ses spectres grâce à la « fiction [américaine] destinée à dissimuler le fait que le centre de la machine est vide, qu’il n’y a entre les deux rationalités, aucune articulation possible. Et que c’est de leur désarticulation qu’il s’agit justement de faire émerger cet ingouvernable, qui est à la fois la source et le point de fuite de toute politique » (Agamben, 2009, p. 12).
Pour l’expérience américaine la tâche proprement démocratique, répondant au type de défi que pose la disruption contemporaine, consiste à penser rigoureusement et méthodiquement l’inconscient impérialiste qui opère secrètement. Sous cet inconscient on visera parmi d’autres possibles : 1) le moment patriarcal, 2) le moment conquête-croisade, 3) le moment traite négrière, et 4) le moment croisades. Dans l’imaginaire qui naît de cette archive on peut facilement percevoir le jeu des oppositions homme/femme, Cow Boy/Indien, chrétien/musulman et maître/esclave. Toute la tâche d’une politique américaine répondant au concept des États-Unisest de déconstruire ces hiérarchies archaïques. Cette tâche est toujours rejouée dans les débats politiques et lors des élections.
Or depuis le 11 septembre, qui est un événement affectant la crédibilité et l’efficacité du discours politique tout court (donc un événement méta-discursif), la parole politique occidentale vit une crise extrême. Elle s’est comme vidée de sa substance justificative et rhétorique qui la définit. Certes l’assiette discursive du politicien contemporain est étroite laissant peu de place à une révolution. On comprend que, de bonne foi, les programmes, en ces temps de « récession », se résument à des promesses impossibles à tenir. Certes les chefs d’États occidentaux sont dans des situations dramatiques, tiraillés qu’ils sont entre des injonctions contradictoires venues de gauche et de droite. Certes on leur demande de réussir la mission impossible consistant à concilier deux grandeurs contraires. Il demeure que la parole politique démocratique exige de ce courage propre à la solitude des hommes d’État dont parle Ralph Wado Emerson pour réaliser son essence. Essence qui veut que cette parole, adossée au courage, au sens élevé de la responsabilité infinie, soit organisée, structurée par un souci de rationalité, un impératif de justification, un souci de l’humain et du non-humain, du prochain, le sens de l’objectivité, de la vérité, de la complexité, de la justice et de la lucidité. Essence qui veut que l’épreuve par excellence de la démocratie, notamment de la magnifique expérience américaine, c’est l’épreuve de l’hospitalité inconditionnelle.
Ces valeurs qui ont enrichi le concept de démocratie avec les leçons tirées de la 2de Guerre Mondiale ont permis d’installer la prudence (à travers les principes de précaution et de responsabilité) au centre de l’agir politique.
La corruption de la démocratie était maintenue à la marge mais elle s’est propagée dans tous les secteurs. On devait s’attendre à ce que la légèreté avec laquelle on traitait des affaires concernant les minorités finissent par se généraliser, par devenir (ces raisonnements expéditifs, ces raccourcis simplistes, ces synecdoques (si ce n’est pas toi c’est un des tiens) faciles) le langage de presque toute une nation. Un peuple inquiétant, métamorphosé, surgi de nulle part. Dans les comportements grégaires rappelant des scènes de Walking dead on pressent de la fureur et du mystère.
Il ne faut pas jouer avec le feu. Il ne faut pas jouer avec les principes sacrés de la démocratie. Il ne faut pas prendre à la légère ces arguments (peur, haine, égocentrisme, nationalisme, xénophobie…) qui ont été difficilement emprisonnés dans une boîte de Pandore après la 2de Guerre mondiale.
Cette légèreté politique et éthique dans l’événement discursif produit par le 11 septembre a dénaturé le discours politique, en a sapé les ressorts fiduciaires. Cet événement a libéré la terreur. D’où la stupeur dans un silence terrifié en ce matin de 06 novembre 2024.
Heureusement que « Là où croît le péril, croît aussi ce qui sauve » (Hölderlin). Le moins que l’on puisse, c’est qu’avec cette énième crise la configuration du Smonde est complètement bouleversée. Les cartes sont redistribuées. Les conditions subtiles d’une rupture radicale de l’équilibre du monde sont créées. À l’Afrique d’en profiter pour davantage grandir, faire entendre sa voix, affirmer sa personnalité, cultiver la confiance en soi, enrichir le monde de son sens de l’humain et du spirituel. Elle doit pouvoir adapter le concept d’hospitalité inconditionnelle dans sa forme africaine voire proposer son idée du politique.
AGAMBEN (G.) et al., Démocratie dans quel état,, La Fabrique, 2009
BOLTANSKI (L.) & THEÉVENOT (L.), De la justification, Gallimard, 2022
CAVELL (S.), Qu’est-ce que la philosophie américaine ? De Wittgenstein à Emerson, Gallimard, 1993
CHAR (R.), Fureur et mystère, Gallimard, 1948
DERRIDA (J.), De l’hospitalité (avec Anne Dufourmantelle), Calman-Lévy, 1997
DERRIDA (J.), Le « concept » du 11 septembre. Dialogue à New York avec Jürgen Habermas, Galilée, 2004
HABERMAS (J.), Théorie de l’agir communicationnel, Fayard, 1987
KING (S.), Anatomie de l’horreur, Albin Michel, 2018
STIEGLER (B.), Dans la disruption. Comment ne pas devenir fou, Les liens qui libèrent, 2016 VALERY (P.), « La crise de l’esprit » in NRF, n 71, 1919.
par Babacar Mbow
LE SÉNÉGAL ET LA RESTITUTION
EXCLUSIF SENEPLUS - Quand Bachir Diagne cite Amadou Makhtar Mbow pour suggérer une acceptation de l'exil des œuvres africaines, il fait un tour de passe-passe intellectuel troublant. Car la position de Mbow sur la question n'a jamais été équivoque
Il y a des esprits parmi les esprits ! Des esprits tellement sophistiqués qu'ils peuvent reconfigurer la pensée radicale en une pensée conformiste.
Ces esprits, dans leur rayonnement, leur éclat, peuvent nous amener à adopter l’ivrai pour le vrai, et le fallacieux pour le substantiel. Cependant, nul ne collera cette épithèque au Professeur Bachir Diagne, Hasbounallah ! Cependant !
Les récentes déclarations du Professeur Diagne citant Amadou Makhtar Mbow : « Ces peuples [les peuples africains] savent bien que la destination de l’art est universelle […] Ils sont conscients que cet art qui parle de leur histoire, de leur vérité, ne s’adresse pas seulement à eux […], qu’ils se réjouissent que d’autres hommes et d’autres femmes ailleurs aient pu étudier et admirer l’œuvre de leurs ancêtres… », dans « Objets africains « mutants »et la question de la restitution », Musée d’Ethnographie de Genève, 3 mai 2024 (https://www.meg.ch/en/expositions/remembering). Hic ! Et, « … à la fin des années 1970, [Mbow] a lancé un fervent plaidoyer en faveur de la restitution du patrimoine des anciennes colonies, tout en reconnaissant que ce patrimoine avait pris racine dans sa terre d’emprunt. » Restitutions d’œuvres : « Les objets d’Afrique sont chez eux au Louvre », 13/10/2024 (http ://www.la-croix.com/culture/restitutions-d-œuvres-les-objets-venus-d’Afrique-sont-chez-eux-au-Louvre-20241013). Ces déclarations appellent une clarification pour restituer Mbow dans le discours de la restitution.
Dans les déclarations ci-dessus, « l'esprit non sophistiqué » peut percevoir Mbow comme un accommodant aux positions suprématistes occidentales sur la restitution. Il y a donc lieu de clarifier les choses, surtout après la conférence inaugurale de Mbow au département des Études de l’Afrique du Nouveau Monde de l’Université internationale de la Floride de Miami en 2015, qui est peut-être sa dernière déclaration publique sur le sujet. Mbow est venu à Miami accompagné de sa fille, la Dr. Marie Amie Mbow. Par ces moyens, nous nous éloignons de toute controverse ou querelle pour restituer Mbow dans les débats.
La Dr. Joan Cartwright de l’Université Southeastern de Nova, lors des questions et réponses qui ont suivi la conférence de Mbow, demanda : « Il y a eu des cas où vous avez semblé atténuer votre demande de restitution des objets africains volés. Pouvez-vous clarifier votre position pour la Diaspora africaine » ?
La réponse de Mbow, qui reflétait exactement sa déclaration de 1989 à la résidence du Professeur John Henry Clark à Harlem, New York, visite organisée par Seydina Senghor, est claire et précise : « Le retour des objets africains est fondamental pour que l’Afrique se reconnecte à son passé dans la construction de son avenir. » Mbow a réitéré ce message de reconnexion pendant la semaine de son séjour à Miami aux flux de visiteurs haïtiens et afro-américains dans mon arrière-cour.
Là encore, l’esprit sophistiqué a des manières de sublimer les faits pour servir les intérêts d’un agenda. Loin de moi l’idée de coller cette caractéristique au Professseur Diagne. Mais comment les jeunes intellectuels doivent-ils comprendre ses prédilections à brouiller la clarté de ces intellectuels noirs ? Prédilections qui semblent émerger de « l’antre des alchimistes », à travers lequel nous sommes désormais appelés à faire abstraction des pensées et des pratiques intellectuelles radicales noires ?
L’émergence de discours qui semblent reterritorialiser l’Afrique dans les entrailles de la suprématie occidentale devient un fardeau très lourd à porter. Ainsi, dans un article sur SenePlus paru le 7 mai 2024, Amadou Lamine Sall appelle à la privatisation de la Biennale de Dakar à travers une « Fondation Art Mécénat International ».
Sall cite Jean Loup Pivin : « … La survie de la Biennale ne viendra que dans son externalisation vers une structure tierce […] avec un État qui [doit] cesser de faire semblant de savoir le faire… » Le Sénégal ne capitalise pas sur cet engouement formidable, mais, au contraire, le détruit. Sa gestion étatique remet en cause sa crédibilité et interdit toute autre forme de financement. » Mon Dieu ! Jean Loup Pivin est désormais le bwana en matière de souveraineté culturelle africaine que la biennale de Dakar est appelée à incarner. On en a la nausée !
J’ai entendu exactement les mêmes arguments de la part d’autres Sénégalais à la Foire 154 de Marrakech, au Maroc, l’année dernière. Que des Sénégalais puissent s'asseoir autour d'une table avec des Français engagés dans la démolition de la République, et que tout ce qu'ils puissent dire, soit « Ça fait mal, mais c'est la vérité », était si méprisable que nous avons décidé de ne plus rejoindre leur soi-disant « groupe multiculturel » à Marrakech.
Le paradoxe est que lorsque le gouvernement néocolonial de Macky Sall tuait et mutilait la jeunesse sénégalaise, lorsque la dissidence était réprimée par l'emprisonnement, et que la corruption rampante gangrenait à la fois l'État et les organismes sociaux, ces « voix de leur maître » étaient silencieuses, incapables de comprendre la possibilité d'une « Afrotopia ».
Replaçons Mbow dans son contexte discursif afin que l’on ne méprenne pas la carte pour le territoire. Les formations raciales sont un phénomène esthétique et les pratiques esthétiques sont des structures racialisées. « Les Africains se réjouissent que d’autres hommes et femmes étudient et admirent l’œuvre de leur ancêtre ?» Ainsi, tenter de séparer l’esthétique de la politique revient à méconnaître les conditions mutuelles qui soutiennent les pratiques de représentation. La vivacité et l’esthétique de l’être est l’esthétique comme forme de vie, l’esthétique comme schéma pour considérer la vivacité du phénomène et le phénomène de vivacité, la qualité de la lumière par laquelle nous scrutons nos vies. En alliant l’esthétique à la vivacité, comme dans « culture et développement » le thème de la lecture inaugurale de 2015, Mbow nous invitait à nous tourner vers les capacités d’animation évidentes dans l’objet d’art pour un appel à une politique antiraciste qui va au-delà de la dialectique réactive et des stratégies de représentation des tenants d’une universalité occidentale vers autre chose, expérimentant la durée, la sensation, la résonance et l’affect – un engagement envers la sensibilité africaine. Aucun peuple ne peut se réjouir qu’un autre lui dérobe ses potentialités.
Que la jeunesse sénégalaise sache que l’efficacité d’un peuple oppressé dans le combat intellectuel, soit en tant que diffuseur ou en tant que récepteur dans les systèmes influencés par cette hiérarchie épistémologique, dépend de sa compréhension de l’obsolescence de toute contestation de la nature de la vérité au profit de la contestation du contrôle de la vérité. Parce qu’en fin de compte, « nul autre que nous-mêmes ne pourra libérer notre esprit ». Laissons Mbow transiter vers les ancêtres ! Les morts sont muets.
Babacar Mbow est Directeur exécutif du Consortium des Études Africana de la Floride, Miami.
Par Babacar P. Mbaye
LE MONUMENT DE REIMS, L'HISTOIRE OUBLIEE DES TIRAILLEURS SENEGALAIS
Quand Reims célèbre la mémoire des Tirailleurs, c'est toute une histoire d'héroïsme et de liens humains qui ressurgit. De la défense de 1918 aux mariages mixtes pendant l'occupation nazie, la ville a tissé une relation unique avec ces soldats africains
A partir du 19 novembre à la gare de Reims, et ce pour un mois, les Chemins de fer français vont organiser une exposition sur l’engagement des soldats africains pour la France. Ceci dans le cadre notamment des commémorations des festivités de la Libération et du 80ème anniversaire du massacre de Thiaroye.
Le choix de la ville de mettre à l’honneur les Tirailleurs sénégalais ayant combattu pour la France a une grande importance mémorielle. Car en 1918, les bataillons de Tirailleurs sénégalais ont défendu et sauvé la ville de l’offensive allemande. Ce souvenir marque encore les habitants de cette ville de l’Est du pays. Pour leur rendre hommage, les Rémois se sont donc cotisés pour financer ensemble un monument « Aux héros de l’armée noire », inauguré sous l’ovation générale en 1924. La même année, une réplique du monument est érigée à Bamako, symbole du lien qui unit la France aux tirailleurs ayant combattu au péril de leur vie au cours des grandes guerres.
En 1940, la tragédie reprend ses droits. Les nazis occupent la France, détruisent et imposent aux prisonniers africains un traitement d’une rare cruauté, avant de les orienter dans les travaux des usines de la ville où ils se sont mêlés aux habitants créant ainsi des liens entre Africains et Rémois.
Soutenues par un souvenir commun, ces interactions de plus en plus fréquentes avec la population rémoise ont finalement favorisé la restauration de liens anciens. Dans une logique de cohésion et de partage, Rémois et tirailleurs se sont ainsi engagés dans une relation renouvelée, à la faveur d’un apprentissage du français, de la lecture et de l’écriture, la population rémoise aidant aussi ces soldats à se nourrir et s’habiller. Bien des mariages ont ainsi fleuri dans cette période étrange où tous s’unirent dans le désespoir commun de l’occupation. C’est au détour de tels événements que les Tirailleurs sénégalais ont si profondément entremêlé leur histoire à celle des habitants de l’ancienne métropole. Une fois n’est pas coutume, quelques années plus tard les soldats sénégalais contribuaient à nouveau à la libération de la France, en investissant cette fois-ci leur bravoure dans le débarquement de juin 1944 dont le Sénégal, par une délégation dirigée par le ministre Biram Diop, est allé célébrer le 80ème anniversaire en Provence. Mais au même moment, une nouvelle déchirure se formait encore dans le secret des villes anciennement occupées. Les ex-prisonniers africains ayant noué des liens jusqu’à matrimoniaux avec la population française, se voyaient ouvrir la possibilité de retrouver leur pays. D’ailleurs, à ce sujet, Amadou Mahtar Mbow, décédé récemment, racontait que la gendarmerie française est venue lui demander de rentrer au Sénégal après la Guerre. Il avait répondu : « Donc pour faire la guerre, je suis le bienvenu en France, mais après je dois rentrer chez moi. Je ne vais nulle part, je reste en France pour reprendre mes études ! »
Mais certains n’ont pas eu son cran et sont repartis dans leurs pays respectifs. Des Français se sont ainsi mobilisés pour que leur départ ne soit pas synonyme d’oubli. C’est dans cadre qu’un travail mémoriel est mis en œuvre par des associations, des institutions et des personnalités. Ce travail mémoriel a vocation à rendre hommage aux Tirailleurs sénégalais, à honorer leur mémoire et à souligner leur courage pendant leurs combats au nom d’une cause qui leur est parfois inconnue au fond.
En octobre 1963, un nouveau monument est inauguré à Reims pour honorer la résistance de la ville. Une plaque y figure et témoigne de la reconnaissance rémoise envers les Tirailleurs sénégalais. Acteurs d’une partie l’histoire, il s’agit de perpétuer le souvenir de ces anciens combattants dans la mémoire collective loin des anathèmes, des raccourcis faciles et des jugements a postériori toujours périlleux.
A l’approche du centenaire de la Première Guerre mondiale, en 2014, l’idée de restituer le monument initial et de raviver le souvenir de cette histoire a émergé de nouveau dans la capitale de la Champagne. Le 6 novembre 2018, dans le cadre des célébrations du centenaire de l'Armistice de 1918, le président français Emmanuel Macron et feu Ibrahim Boubacar Keïta ont présidé la cérémonie d'inauguration de ce monument qui trône désormais au cœur de la ville, rappelant l barbarie de la guerre mais honorant la mémoire de cette armée africaine qui a risqué sa vie pour une nation étrangère et permettant sa libération du joug du nazisme. Ce monument aux héros, reconstruit sur le modèle du monument de Bamako, symbolise la mémoire des Tirailleurs sénégalais. Récemment une experte de cette question soulignait que le monument était l’emblème d’une reconnaissance sans borne, pour des soldats à qui il était demandé de se battre sur un sol étranger, contre un ennemi inconnu. Le 19 novembre prochain, c’est donc un retour sur toute cette histoire chargée d’émotion qu’organise la ville de Reims, via la mobilisation de nombreuses archives photos et témoignages de tirailleurs, prêtés par l’Office nationale des combattants et victimes de guerre. Point d’orgue de la journée, une séquence de projection du film Tirailleurs dans lequel notre compatriote Omar Sy est l’acteur principal, est programmée dans un petit cinéma de la ville. Elle sera suivie d’une table-ronde, réunissant spectateurs, étudiants et universitaires spécialistes de la question mémorielle. L’historien sénégalais Cheick Sacko sera notamment à l’honneur et évoquera son travail de plusieurs années sur les monuments français rendant hommage aux soldats africains qui fleurissent et honorent tout le territoire.
Nous espérons que le Sénégal sera représenté à cet évènement pour rappeler le sens du sacrifice de ces héros dont nous commémorons une partie à Thiaroye le 1er décembre prochain. Aussi, cette histoire méconnue du souvenir des Tirailleurs sénégalais à Reims devra être mise en exergue et racontée dans les écoles en France et au Sénégal.
par Sadibou Sow
IMAM BACHIR, LE PRECURSEUR À LA VOIX DOUCE, EST PARTI
C'est l'histoire d'un homme qui a su apporter la lumière dans les heures sombres de l'université de Saint-Louis. Sa capacité à allier profondeur spirituelle et joie de vivre en a fait un modèle pour toute une génération
C’était dans les années 90. L’université de Saint-Louis commençait déjà à perdre sa belle réputation de havre de paix où n’entraient que quelques élus parmi la crème de l’école sénégalaise. À la session unique d’octobre 1993 succéda l’année invalidée de 1994 où les étudiants durent vider le campus presque à la sauvette. Quelle humiliation ! 1994, c’était aussi l’année de la fameuse dévaluation du Franc cfa avec la misère économique qu’elle causa dans tout le Sénégal. À la rentrée universitaire suivante, les conditions de vie sur le campus s’étaient tellement détériorées que certains étudiants en arrivaient à abandonner tout bonnement Sanar (comme on appelle familièrement cette université plantée à 14 km à l’est de Saint-Louis) pour retourner chez eux. L’affaissement des repères moraux suintait aussi bien dans les discours politiques que dans les productions artistiques. Les chants et les danses servaient de plus en plus d’exutoire pour défier les codes moraux comme si une nouvelle génération cherchait à faire un doigt d’honneur à tous les repères.
Dans cette atmosphère de démoralisation qui semait le doute dans les cœurs et les esprits, il y avait, parmi cette jeunesse estudiantine, quelques individus qui trouvaient leur réconfort dans la spiritualité. Dans les chambres et dans les espaces aménagés pour servir de salle de prière, on se rencontrait souvent entre amis, camarades de classe ou de « village » (comme on désignait les résidences universitaires) pour parler de religion, notamment de l’islam.
C’est dans ce contexte que les frères Diop débarquèrent à Sanar. D’abord il y avait Mouhamed Diop, l’imam-étudiant qui psalmodiait le Quraan d’une voix à la fois si forte et belle que tu lui en voulais presque quand il récitait des sourates courtes à l’aube ou la nuit. Ensuite arriva Bachir. Avec ce dernier, la première chose que je retiens, c’est une sorte d’évolution/révolution dans les sermons du vendredi. Devenu imam de la mosquée de l’UGB, il aimait choisir des sujets plus pragmatiques et axés sur la vie quotidienne des jeunes sénégalais, en général, et des étudiants en particulier. Comme son frère Mouhamed, Imam Bachir (c’est ainsi qu’on l’appelait déjà), était d’autant plus à même de comprendre son contexte social qu’il menait une vie estudiantine intense: il jouait dans les équipes de foot, faisait des arts martiaux, assistait aux séances de thé où on discutait à bâtons rompus, aidait parfois à vendre à une des boutiques privées du campus, et surtout, en tant que Diop, il ne ratait pas l’occasion de chambrer les Ndiayes, ses parents à plaisanterie ; le sens de l’humeur, c’était son affaire. Imam Bachir avait ce sourire radieux qui accompagnait cette voix douce.
Sur ce campus où cohabitaient une diversité de courants religieux, imam Bachir Diop aimait trouver des compromis sans se compromettre. Sa simplicité, sa sincérité, sa patience, sa droiture faisaient de lui un homme affable et accessible à qui les étudiants qui éprouvaient des difficultés dans leur cheminement spirituel n’avaient pas peur de se confier. Car ils trouvaient en lui une oreille attentive et un cœur apaisé enclins à tendre une perche salvatrice plutôt qu’à servir un jugement moral écrasant.
Imam Bachir, tu as été un précurseur et une excellente nouvelle pour Sanar. Qu’Allah, dans Sa Rahma infinie, t’accueille au Firdaws majestueux et qu’il veille sur ta famille jusqu’à ce qu’elle te retrouve en compagnie du sceau des prophètes, notre Habib (Sallallaahu a’leyhi wa Sallah) au sourire sublime.
Aamiin.
Ton frère en Allah.
par Doudou Ka
AN NOM DE L’HONNEUR DE MAMADOU MOUSTAPHA BA, MON BINÔME DE L’AVENUE CARDE
L'heure est venue de rendre à "Grand Moustapha" l'hommage qu'il mérite, loin des polémiques stériles. Sa vie entière dédiée au service public témoigne d'une grandeur qui transcende les clivages politiques. Son legs mérite d'être préservé et honoré
C’est un seigneur des finances publiques qui s’en est allé. C’est la disparition d’une incarnation de la méritocratie sénégalaise. C’est une stature qui nous a quittés, un repère qui s’est effacé, une boussole humaine qui a cessé de nous indiquer la direction.
Ceux qui n’ont pas croisé son chemin ne peuvent avoir aucune idée de qui était l’ancien ministre de l’Économie, des Finances et du Plan. Mais Mamadou Moustapha Ba était tout cela à la fois.
Le Sénégal perd incontestablement un de ses plus illustres serviteurs. Un authentique sénégalais, un acteur majeur de la vie publique nationale dont les 30 ans d’impact sur la marche de la République seront à jamais incalculables.
D’une compétence égale à son intelligence et à son éloquence, ce digne fils du Nioro du Rip a passé toute sa vie professionnelle à veiller au bon fonctionnement de la machine économique et financière de l’administration sénégalaise.
La vague de louanges, la surenchère de témoignages et la pluie d’hommages depuis l’annonce de sa disparition, sont la démonstration que « Grand Moustapha », comme j’aimais affectueusement l’appeler, était également un ministre du « consensus et de la cordialité », tant son sens du dialogue, de l’écoute et du compromis transcendaient les clivages. Il était la sémantique de la civilité et de l’humilité. C’était « la méthode Moustapha ». Tout le contraire du patron bulldozer ou du dirigeant implacable.
Mamadou Moustapha Ba a fait son entrée dans l’administration économique et financière en admission externe. Stratège de sa propre carrière, et évoluant sans tambour ni trompette, il a gravi les échelons un à un. Sa nomination, le 17 novembre 2022, par le président Macky Sall, à la tête du ministère des Finances et du Budget a constitué la consécration d’une carrière professionnelle exemplaire.
Il était capable, avec la précision d’un scientifique et une prestance hypnotique, de vous décrypter n’importe quel chiffre des finances publiques sénégalaises depuis les indépendances.
Cerveau budgétaire de l’appareil d’État, inflexible régulateur des finances publiques et inépuisable fantassin des intérêts supérieurs de la Nation, « Grand Moustapha » a toujours défendu l'idée que le respect de nos engagements envers nos partenaires techniques et financiers, en particulier le remboursement du service de la dette et le paiement des salaires, devaient rester les premières priorités de la trésorerie nationale.
Dans l’architecture de ses décisions, c’est le Sénégal, la qualité de sa signature et le bien-être des populations qui dictaient toujours l’orientation à prendre. Il était cet intraitable souverainiste économique qui a constamment refusé de se laisser dicter la manière de présenter les chiffres complexes et les résultats de notre économie nationale.
Il faudra certainement un jour, faire une étude rétrospective de tous les grands dossiers traités par Mamadou Moustapha Ba, pour prendre la pleine mesure de l’ampleur du bilan de l’enfant de Nioro dans la haute administration des finances sénégalaises. Et quelques souvenirs qui surgissent.
Notamment celui du projet de Rebasing de notre PIB, car Moustapha avait pleine conscience des limites théoriques de notre capacité d’endettement qu’il fallait améliorer. Il fut l’un des plus grands promoteurs de ce chantier national capital dont nous avions, ensemble, assuré le pilotage.
Il fut également l’architecte en chef de la résilience économique et sociale durant la pandémie de Covid-19. En sa qualité de Directeur général du budget, Mamadou Moustapha Ba, a joué un rôle capital dans la mise en œuvre du plan de défense de l’économie sénégalaise. Ces performances nous avait valu une croissance de 1,3% quand toute l’économie du monde, y compris celles des grandes puissances, était en récession.
À cette époque, il s’est confronté à diverses contingences. Mais maître à bord, il a tenu bon, il a régulé, stabilisé et redistribué les espaces budgétaires disponibles, évitant ainsi à notre pays un plongeon majeur dans le précipice financier causé par la pandémie.
« Grand Moustapha » appartenait à cette catégorie rare d’hommes capables de rassurer et toujours prêts à s’impliquer pour trouver des solutions ingénieuses aux équations financières avec une vitesse d’exécution presque dont peu de hauts cadres de l’administration pourront un jour s’approcher. Il n’est donc pas surprenant qu'il ait été nommé ministre des Finances et du Budget à la suite de cette commotion planétaire en 2022.
Tout au long de sa carrière, l’ancien ministre de l’Économie, des Finances et du Budget aura contribué à faire du Sénégal, un pays respecté au sein de toutes les instances financières mondiales. L’homme dont la puissance de l’engagement au service du Sénégal a conduit toute sa vie, restera dans l’histoire comme l’un des plus grands argentiers du continent africain.
L’héritage de Mamadou Moustapha Ba restera une source d’inspiration incandescente pour guider nos ambitions individuelles et collectives pour la construction du Sénégal du futur.
Voilà pourquoi je voudrais, à cet instant précis, dire avec force, qu’aucune adversité politique ni aucun désir de pouvoir ne justifieront que l'on ait pu livrer à la vindicte populaire et internationale, l'honneur et la dignité d’un patriote engagé, d’une âme des finances publiques sénégalaises, d’un emblème de l’excellence technocratique sénégalaise qui a été le mentor de tant de générations fonctionnaires.
En mémoire d’une vie qu’il a dédiée à la République et de son empreinte ineffaçable sur la marche du Sénégal, je propose au maire de Dakar Barthélemy Toye Dias et à son homologue de Dakar-Plateau, le ministre Alioune Ndoye, de baptiser l’avenue Carde, ce cœur de l’administration économique et
financière sénégalaise qu’il aimait tant, du nom de Mamadou Moustapha Ba. C’est le plus éloquent hommage que la Nation pourrait lui rendre.
Je salue la mémoire de cet immense serviteur du Sénégal et m'incline devant cet exceptionnel homme d’État. Adieu, « Grand Moustapha ». Que la terre de notre Saloum commun te soit légère.
Doudou Ka est ancien ministre de l’Économie, du Plan et de la Coopération.