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27 novembre 2024
Politique
L'ARME DE SÉDUCTION MASSIVE
Chaque régime au Sénégal a su habilement exploiter les slogans pour incarner son projet politique. Du "Natangué" socialiste au "Jub, Jubal, Jubanti" actuel, ces formules racontent une histoire et projettent une identité forte
Amadou Camara Gueye et Mamadou Makhfouse Ngom |
Publication 08/06/2024
Les slogans et les noms de programmes sont des outils stratégiques essentiels dans la propagande politique. Chaque régime, depuis le Parti socialiste, s’est employé à mettre en avant un certain nombre de slogans dans le but d’incarner une vision et une promesse politique. Des années 80-90 avec le "Natangué" du Parti socialiste au récent "Jub, Jubal, Jabanti" de Sonko, chaque slogan raconte une histoire et projette une image claire du projet politique et de l'identité des leaders.
Le vert "Natangué" du Parti socialiste et le bleu du "Sopi"
Dans les années 80 et 90, le Parti socialiste (PS) dominait le champ politique sénégalais avec son slogan emblématique, le vert "Natangué". Ce slogan, qui symbolisait la prospérité, incarnait la promesse de croissance, de stabilité et de prospérité. Le choix du vert et du mot "Natangué" visait à rassurer les électeurs sur la capacité du PS à maintenir un Sénégal florissant et stable.
Mais ce slogan ne va pas résister à la conjoncture économique (Plan d’ajustement structurel, dévaluation du franc CFA, privatisation des services publics) qui va enterrer les derniers espoirs des populations pour une amélioration de leurs conditions de vie.
Malgré le plan de redressement du duo Loum-Sakho, le slogan "Natangué" passe vite aux oubliettes au profit des promesses libérales de changement et d’emploi des jeunes.
Le 19 mars 2000, lors du second tour de l'élection présidentielle, le Sénégal connait une alternance historique. Abdoulaye Wade, soutenu par une coalition de partis politiques regroupés au sein du Front pour l’alternance, met fin à plusieurs décennies de domination socialiste avec son slogan "Sopi", qui signifie changement.
Ce slogan puissant et simple a capturé l'aspiration collective à un renouvellement profond. La reconnaissance rapide de sa défaite par le président sortant Abdou Diouf a permis une transition pacifique, évitant les craintes de blocage électoral et de violences.
Cette formule va, au fil des années, se déliter au gré des scandales financiers et de la spoliation des deniers publics. Ce slogan, qui sera vidé de sa substance à la fin du règne d’Abdoulaye Wade, symbolisera les espoirs déçus de toute une frange de la population qui souhaitait un changement jamais obtenu.
Macky Sall, l’ère du ‘’Yoonu Yokkuté’’ et la gestion sobre et vertueuse
Les slogans politiques ont aussi marqué l’ère du régime de Macky Sall. Ce dernier, lors de sa campagne de 2012, avait mis en avant des slogans comme ‘’Yoonu Yokkuté’’ (la voie du développement), ‘’La patrie avant le parti’’, ‘’La gestion sobre et vertueuse’’ ou bien ‘’Dèkkal Ngor’’ (restaurer les valeurs). Autant de formules mises en avant par les militants de l’APR qui voulaient marquer la rupture avec Abdoulaye Wade dont la gestion avait été marquée par la multiplication des scandales financiers et la spoliation des deniers publics.
À travers ce ‘’Yoonu Yokkuté’’, Macky Sall voulait proposer un nouveau contrat de développement économique et social basé sur la rigueur et la réduction du train de vie de l’État.
Toutefois, ce slogan va rapidement laisser le champ libre au Plan Sénégal Emergent de 2014. Ce programme, qui constitue le référentiel de la politique économique et sociale jusqu’en 2035, s’appuie sur des investissements massifs dans les infrastructures, l’énergie et l’accès à l’eau au détriment de l’aspect social qui fut à l’origine de la pensée sociale de ’’Yoonu Yokkuté’’.
Le candidat avait plus marqué les esprits avec sa formule "Une gestion sobre et vertueuse" de l’État. Dans cette dynamique, il a déclenché la reddition des comptes avec la traque des biens mal acquis. Ainsi, des autorités du régime de Wade avaient été poursuivies pour enrichissement illicite.
Mais cette devise a vite été mise aux oubliettes, lorsqu’après la condamnation de Karim Meissa Wade, le procureur de la CREI a voulu s’attaquer aux membres de la liste des 25 responsables de l’ancien régime libéral visés par ladite traque. Alioune Ndao avait été démis de ses fonctions, sans autre forme de procès. C’en était fini de la traque des biens mal acquis.
Il faut aussi souligner que la ‘’gestion sobre et vertueuse" a tourné à la farce, lorsque le président de la République s’est entêté à protéger, vaille que vaille, les nombreux dignitaires de son régime épinglés dans les rapports de l’Ofnac, de la Cour des comptes et de l’IGE. En lieu et place de la ‘’gestion sobre et vertueuse’’, l’impunité fut ainsi érigée en règle du côté du pouvoir. Ce qui a participé à discréditer le règne de Macky Sall.
Cette dichotomie entre le discours et les actes a été un boulet qui a précipité le régime de Macky Sall au fond de l’abîme, donnant l’image d’un régime incapable d’assainir les finances et d’assurer une gouvernance transparente.
Le dernier grand slogan de l’ère Macky Sall fut le ‘’Fast Track’’ pour marquer la volonté du gouvernement d’aller plus vite dans la gestion des affaires publiques. Ce slogan a été mis en exergue par la communication gouvernementale, à la suite de la suppression du poste de Premier ministre le 14 mai 2019.
Ce nouveau mode de gouvernance, qui devait permettre d’aller vers plus d’efficacité dans la mise en œuvre de l’action gouvernementale, n’a pas engendré les résultats escomptés. Le rapport direct entre Macky Sall et ses ministres n’a pas insufflé plus de dynamisme dans la gestion de l’État, semant au passage la confusion, car l’absence de Premier ministre, qui est un chef d’orchestre de l’action gouvernementale, a nui à l’efficacité du gouvernement. Macky Sall mettra fin à ce pari en restaurant le poste de PM en décembre 2021.
"Jub, Jubal, Jubanti" : la nouvelle ère de Sonko
Pour Ousmane Sonko et ses alliés du Pastef, le maître mot est devenu "Patriote", un terme qui incarne l'engagement profond envers la nation et les citoyens. Les membres du Pastef se surnomment eux-mêmes les "patriotes", faisant de ce terme un symbole et une identité forte pour le parti. Le terme "Patriote" est devenu plus qu'une simple affiliation politique ; il représente une identité partagée, un sentiment d'appartenance à un mouvement qui prône le patriotisme, l'intégrité et le changement. Cette identité commune renforce la cohésion au sein du parti et mobilise ses membres autour d'objectifs communs. L'adoption de ce terme par les militants du Pastef bouscule les conventions politiques traditionnelles au Sénégal et reflète leur volonté de se démarquer de l'establishment.
Une fois au pouvoir, le slogan "Jub, Jubal, Jubanti" (transparence, justice, redressement) a pris le relais, reflétant une volonté de gouvernance transparente et de reddition des comptes.
En avril 2024, le président Bassirou Diomaye Diakhar Faye a illustré cet engagement en ordonnant la publication des rapports de la Cour des comptes, de l'inspection générale d'État (IGE) et de l'Ofnac pour les cinq dernières années, marquant un cas concret vers la transparence promise.
Pour Bruno Walther, directeur de la communication de la campagne d'Europe Écologie Les Verts, le slogan permet de "synthétiser le narratif de campagne". Il doit offrir une compréhension rapide de l'orientation générale du programme et refléter la ‘’personnalité’’ du candidat, selon l'historien de la communication politique Christian Delporte.
Les slogans sont souvent testés par des instituts de sondage pour s'assurer qu'ils résonnent avec l'électorat et suscitent les réactions souhaitées, faisant ainsi du slogan une véritable marque de fabrique du candidat.
En conclusion, les slogans des partis politiques au Sénégal ne sont pas de simples outils de communication. Ils sont des reflets puissants des visions et des promesses des leaders politiques. Chaque slogan est marqueur d’une identité et d’un sceau destiné à symboliser une espérance et une vision au profit des populations. La prospérité, le changement ou la transparence joue un rôle crucial dans la dynamique électorale et l'engagement des électeurs.
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ÉVITER LA CONFUSION DES RÔLES
"Il faut accepter qu'Ousmane Sonko n'est pas un Premier ministre ordinaire." Alioune Tine pointe du doigt l'inédit de la situation politique actuelle et la nécessité d'une meilleure communication gouvernementale
C’est un esprit libre qui a fait face aux Rédactions de E-Media, hier. Alioune Tine dénonce les insultes et accusations gratuites. Mais souhaite une pédale douce dans la répression judiciaire. Justice, politique.
"J’ai été victime de Bah Diakhaté, mais…"
C’est l’une des affaires qui ont marqué les premières semaines du régime de Diomaye Faye. Bah Diakhaté, proche de l’Apr, a été condamné pour des propos jugés outrageants contre le Premier ministre, Ousmane Sonko, relativement à l’homosexualité. «Les accusations de Bah Diakhaté sont inadmissibles. Moi-même j’ai été victime de ses sorties. Il faut qu’on en finisse avec cette façon de s’opposer. Alors, que tous ceux qui ont fait dans l’excès présentent leurs excuses. Mais je pense aussi que dans le cas de diffamation, un démenti devrait suffire au lieu d’envoyer les gens en prison», a dit le fondateur de Afrikajom Center.
Alioune Tine prudent sur la plainte contre Macky Sall
Les démons de la division commencent à resurgir avec l’idée d’une plainte contre l’ancien président, Macky Sall, brandie par Boubacar Sèye et Cie. Alioune Tine préfère ne pas en parler «pour le moment», pour préserver son statut de médiateur. Il a rappelé, cependant, que c’est «la loi d’amnistie qui a sorti le pays d’une crise politique» et qui a «sauvé notre vivre-ensemble». Le droit-de-l’hommiste prône la «réparation pour les détenus» des événements politiques et même l’érection d’un monument.
«Il faut communiquer pour lever cette confusion des rôles»
C’est la suite de sa sortie relatée par la presse de ce vendredi sur l’alerte contre un «Etat pastéfien». Alioune Tine constate que Ousmane Sonko est un «hyper premier ministre». «Il faut que l’on accepte qu’il n’est pas un Premier ministre ordinaire et qu’il est investi d’une forte légitimité. C’est inédit et ça c’est depuis la campagne. Mais Comment il faut gérer ça ?», se demande M. Tine. Qui préconise une «communication gouvernementale pour lever la confusion des rôles». Il a ajouté que leur travail, en tant que société civile, c’est de «prévenir des menaces». Sur les audiences que le chef du gouvernement accorde à des diplomates, Alioune Tine n’y voit pas de problème, si tant est «qu’ils s’entendent sur ces questions». Pour lui, c’est aussi peutêtre l’occasion de régler l’hyperprésidentialisme.
ON A CHANGÉ DE PRÉSIDENT, MAIS LE SYSTÈME EST TOUJOURS LÀ
Député à l’Assemblée nationale sous les couleurs du parti Pastef, Guy Marius Sagna a dressé un tableau contrasté de la situation politique et judiciaire du Sénégal.
Député à l’Assemblée nationale sous les couleurs du parti Pastef, Guy Marius Sagna a dressé un tableau contrasté de la situation politique et judiciaire du Sénégal. Dans un entretien avec «Jeune Afrique», le parlementaire reconnaît les changements de figures à la tête de l’Etat, mais déplore la persistance d’un système profondément enraciné.
«Ma lutte n’est pas contre des hommes, mais contre le système.» Cette déclaration, emblématique de la politique de Ousmane Sonko, continue de résonner alors que le leader du parti Pastef s’efforce de transformer en profondeur le paysage politique sénégalais. «Changer le système» est même devenu un des slogans centraux qui ont conduit Pastef au pouvoir. Cependant, deux mois et demi après la nomination de Bassirou Diomaye Faye, il est clair que le système est plus tenace que prévu. Malgré le changement de gouvernement et la nomination de nombreux membres de Pastef à des postes-clés, le système en place montre une résilience inattendue.
Guy Marius Sagna, conscient de cette réalité, l’a souligné lors d’une interview avec Jeune Afrique. «Nous avons battu campagne pendant une décennie autour d’un leitmotiv visant à changer le système. Mais le système en question est encore là. Nous avons changé de président de la République et de Premier ministre ; les ministres et les directeurs de certaines administrations ou entreprises publiques ont, eux aussi, changé. Mais il ne faudrait pas en déduire pour autant que le système se réduise à cela. Ce système est toujours là», a regretté Guy Marius Sagna.
Par ailleurs, le parlementaire ne mâche pas ses mots lorsqu’il évoque les récentes arrestations de journalistes sous le régime actuel. Guy Marius Sagna pointe du doigt un système oppressif, évoquant ses propres expériences de persécution sous Macky Sall, lorsqu’il était dans l’opposition. «Au sein des tribunaux, les mêmes procureurs qui m’avaient envoyé en prison à six reprises, sous le règne de Macky Sall, siègent toujours», estime le député de Pastef.
Néanmoins, il ne perd pas espoir et se montre optimiste quant aux réformes en cours. Les Assises nationales pour une Justice réformée et modernisée représentent, pour lui, un pas crucial vers une transformation en profondeur. «Les Assises nationales pour une Justice réformée et modernisée, qui viennent de se tenir, doivent nous amener à évaluer les changements à apporter au système judiciaire que nous avons trouvé en arrivant au pouvoir. Le «Projet» de Pastef a notamment comme ambition de faire respecter la liberté pleine et entière de la presse. Nous serons intransigeants sur ce point, étant entendu que cette liberté doit s’exercer de manière responsable», renchérit-il.
UN NOUVEAU GOUVERNEMENT, LE MÊME SYSTÈME
Nous avons changé de président de la République et de Premier ministre ; les ministres et les directeurs de certaines administrations ou entreprises publiques ont, eux aussi, changé.
Le Quotidien |
Ousmane SOW |
Publication 08/06/2024
Député à l’Assemblée nationale sous les couleurs du parti Pastef, Guy Marius Sagna a dressé un tableau contrasté de la situation politique et judiciaire du Sénégal. Dans un entretien avec «Jeune Afrique», le parlementaire reconnaît les changements de figures à la tête de l’Etat, mais déplore la persistance d’un système profondément enraciné.
«Ma lutte n’est pas contre des hommes, mais contre le système.» Cette déclaration, emblématique de la politique de Ousmane Sonko, continue de résonner alors que le leader du parti Pastef s’efforce de transformer en profondeur le paysage politique sénégalais. «Changer le système» est même devenu un des slogans centraux qui ont conduit Pastef au pouvoir. Cependant, deux mois et demi après la nomination de Bassirou Diomaye Faye, il est clair que le système est plus tenace que prévu. Malgré le changement de gouvernement et la nomination de nombreux membres de Pastef à des postes-clés, le système en place montre une résilience inattendue.
Guy Marius Sagna, conscient de cette réalité, l’a souligné lors d’une interview avec Jeune Afrique. «Nous avons battu campagne pendant une décennie autour d’un leitmotiv visant à changer le système. Mais le système en question est encore là. Nous avons changé de président de la République et de Premier ministre ; les ministres et les directeurs de certaines administrations ou entreprises publiques ont, eux aussi, changé. Mais il ne faudrait pas en déduire pour autant que le système se réduise à cela. Ce système est toujours là», a regretté Guy Marius Sagna.
Par ailleurs, le parlementaire ne mâche pas ses mots lorsqu’il évoque les récentes arrestations de journalistes sous le régime actuel. Guy Marius Sagna pointe du doigt un système oppressif, évoquant ses propres expériences de persécution sous Macky Sall, lorsqu’il était dans l’opposition. «Au sein des tribunaux, les mêmes procureurs qui m’avaient envoyé en prison à six reprises, sous le règne de Macky Sall, siègent toujours», estime le député de Pastef.
Néanmoins, il ne perd pas espoir et se montre optimiste quant aux réformes en cours. Les Assises nationales pour une Justice réformée et modernisée représentent, pour lui, un pas crucial vers une transformation en profondeur. «Les Assises nationales pour une Justice réformée et modernisée, qui viennent de se tenir, doivent nous amener à évaluer les changements à apporter au système judiciaire que nous avons trouvé en arrivant au pouvoir. Le «Projet» de Pastef a notamment comme ambition de faire respecter la liberté pleine et entière de la presse. Nous serons intransigeants sur ce point, étant entendu que cette liberté doit s’exercer de manière responsable», renchérit-il.
LA POSITION D'ALIOUNE TINE SUR LA PLAINTE ANNONCÉE CONTRE MACKY SALL
Le fondateur d'Afrikajom Center a rappelé que c’est «la loi d’amnistie qui a sorti le pays d’une crise politique» et qui a «sauvé notre vivre-ensemble». Il prône la «réparation pour les détenus» des événements politiques.
C’est un esprit libre qui a fait face aux Rédactions de E-Media. Alioune Tine dénonce les insultes et accusations gratuites. Mais souhaite une pédale douce dans la répression judiciaire. Il appelle à lever la perception d’une confusion des rôles entre le Président Diomaye et le Premier ministre. Et il constate que Sonko est d’ailleurs un «hyper Premier ministre».
Les démons de la division commencent à resurgir avec l’idée d’une plainte contre l’ancien président, Macky Sall, brandie par Boubacar Sèye et Cie. Alioune Tine préfère ne pas en parler «pour le moment», pour préserver son statut de médiateur.
Il a rappelé, cependant, que c’est «la loi d’amnistie qui a sorti le pays d’une crise politique» et qui a «sauvé notre vivre-ensemble». Le droit-de-l’hommiste prône la «réparation pour les détenus» des événements politiques et même l’érection d’un monument.
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COLLECTIVITÉS TERRITORIALES CE QUE BALLA MOUSSA FOFANA DEMANDE AUX GRÉVISTES
La grève des travailleurs des collectivités territoriales court toujours, au grand dam des populations.
La grève des travailleurs des collectivités territoriales court toujours, au grand dam des populations. Ce vendredi, en marge d’une cérémonie de remise de matériel informatique aux services d’état civil des communes, leur ministre de tutelle, Balla Moussa Fofana, a lancé un appel aux grévistes.
GOUVERNANCE DIOMAYE - SONKO : LES MOTS DE ALIOUNE TINE QUI IRRITENT LES «PASTÉFIENS»
Sur les réseaux sociaux, ses propos ont soulevé l’ire des partisans de Pastef
Les mots de Aioune Tine, sur le début de la Gouvernance Diomaye – Sonko, sont forts. Pour lui, c’est un Etat «Pastéfien» qui est en train de se mettre progressivement en place.
«De mon point de vue, après avoir assisté à ce qu'on peut appeler un Etat agressif, nous n'avons pas l'impression d'avoir tourné la page de l'Etat-partisan». C’est l’avis de Alioune Tine. Pour davantage préciser ses propos, le Président de Afrikajom Center ajoute : «On a l'impression qu'il se met en place petit à petit un Etat pastefien.»
En effet, ce sont les nominations aux postes stratégiques de nombreux membres du parti Pastef laissent transparaître ce sentiment qui habite Alioune Tine, renseigne «Le Quotidien» qui rapporte ses propos.
Le Président de Afrikajom Center estime que le défi, c'est de voir comment on peut traverser cette nouvelle mutation de la démocratie, et ne pas réduire notre démocratie à une démocratie électorale. Et ne pas réduire la légitimité à une seule légitimité de ceux qui sont élus.
Alioune Tine a aussi alerté sur des risques de tension : «L'inversion qu'il y a au niveau de la hiérarchie du parti au pouvoir (Pastef) fait que nous avons quelqu'un qui a une surcharge de légitimité (Ousmane Sonko, Ndlr) qui devient Premier ministre. Cela va décentrer le pouvoir totalement, et on y assiste. Cela va créer de nouvelles tensions qu'il faut prévenir dès maintenant». Et de l’autre côté, dit-il, il y a la dette politique de Diomaye (le président de la République). Une dette extrêmement forte qui est un poids sur ses épaules à l'heure actuelle. «C'est cela qui crée de la tension au sommet du pouvoir», indique M. Tine.
Sur les réseaux sociaux, ses propos ont soulevé l’ire des partisans de Pastef. Mais, le président de Afrkajom Center a tenu à préciser : «Une jeunesse qui ne débat pas, c'est une jeunesse en retraite anticipée. Il faut regarder les défis, les identifier et les résoudre. Mais croire que le monde s'écoule face à la moindre contradiction, c'est effarant», a-t-il plaqué sur X, face aux critiques.
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LE FARDEAU DE L'EMPIRE FRANÇAIS
Plus de 60 ans après les indépendances, le ressentiment né de la colonisation française reste tenace. Excuses, restitutions, fin de la "Françafrique" : les demandes pleuvent de toutes parts. Jusqu'à quand l'Hexagone pourra-t-il faire la sourde oreille ?
Dans un échange instructif, les historiens français Pascal Blanchard et Benjamin Stora ont dressé un constat glaçant : les cicatrices de la colonisation française en Afrique restent grandes ouvertes, empoisonnant les relations entre l'ex-puissance coloniale et ses anciennes possessions.
"Le cas africain cristallise les tensions autour du legs colonial", assène Pascal Blanchard, fin connaisseur des faits coloniaux. De l'Algérie au Mali en passant par le Burkina Faso, les jeunes générations africaines ont les yeux rivés sur l'Histoire. Elles réclament à cor et cri vérité et réparations à l'ancienne métropole.
Un vent de rébellion souffle sur le continent, avive les braises de la colère contenue trop longtemps. Comme le souligne Benjamin Stora, "Les demandes affluent de toutes parts : restitution des biens pillés, excuses officielles, fin de la gestion opaque héritée de la Françafrique...Ces questions ne sont plus de l'ordre de l'anecdotique, elles sont entrées dans le champ diplomatique."
Sur les berges de la Seine, le malaise est palpable. Les élites dirigeantes, de droite comme de gauche, ont longtemps fui le débat. "La repentance idéologique est brandie pour museler la réflexion", dénonce Blanchard. Coincée entre la nostalgie réactionnaire d'un passé mythifié et l'agressivité des révisionnistes, la recherche historique peine à se faire entendre.
La solution ? Donner un écrin, une vitrine nationale, à l'exploration apaisée de ce pan douloureux de l'Histoire française. "Un Musée de la colonisation s'impose en France, à l'image de ce qui existe déjà ailleurs", plaide Blanchard. Un lieu pour transmettre, pédagogiquement, les mémoires plurielles et le récit partagé du fait colonial.
Le message est clair selon les deux spécialistes : la France ne pourra plus longtemps éluder les demandes de vérité et de justice émanant d'Afrique. Jusqu'à quand la France pourra-t-elle tourner le dos à cette part d'elle-même ? L'avenir de ses relations avec le continent pourrait bien en dépendre.
L'OMBRE D'UN ÉTAT AUX ORDRES DE PASTEF
Le spectre d'un "État pastéfien" plane sur le Sénégal selon Alioune Tine. Le président d'Afrikajom Center juge sévèrement les premières nominations du nouveau régime. Il estime que la "surcharge de légitimité" de Sonko risque de décentrer le pouvoir
Alioune Tine, président-fondateur d’Afrikajom Center, déclare avoir l’impression d’assister à la mise en place d’un «Etat pastéfien», au vu des nominations aux postes de responsabilité faites par le nouveau régime. Une position que cette personnalité de la Société civile a défendue lors d’une table ronde.
La remarque est de taille. Elle émane de Alioune Tine. Le président du think-thank Afrikajom Center a sa lecture de la marche du pays depuis l’avènement du Président Bassirou Diomaye Faye. «De mon point de vue, après avoir assisté à ce qu’on peut appeler un Etat agressif, nous n’avons pas l’impression d’avoir tourné la page de l’Etat-partisan», constate Alioune Tine, qui continue de contester l’invalidation des candidatures de Sonko et de Karim Wade à la dernière élection présidentielle. M. Tine, qui intervenait lors de la table ronde organisée hier par l’Association sénégalaise de Droit constitutionnel (Asdc), dira à l’attention de l’assistance, souligne Seneweb : «On a l’impression qu’il se met en place petit à petit un Etat pastéfien.»
Les nominations aux postes stratégiques de nombreux membres du parti Pastef laissent transparaître ce sentiment qui habite Alioune Tine. Ce dernier, durant son intervention, est aussi revenu sur le nombre d’étapes de la crise politico-électorale que le pays a eu à traverser avant d’aboutir à l’élection du 24 mars dernier.
Ce membre éminent de la Société civile a poursuivi sa réflexion en soutenant : «Le défi, c’est de voir comment on peut traverser cette nouvelle mutation de la démocratie, et ne pas réduire notre démocratie à une démocratie électorale. Et ne pas réduire la légitimité à une seule légitimité de ceux qui sont élus. Il y a de nouvelles légitimités qui émergent, qui sont fortes.»
Analysant l’évolution du duo Diomaye-Sonko à la tête du pays, Alioune Tine souligne : «L’inversion qu’il y a au niveau de la hiérarchie du parti au pouvoir (Pastef) fait que nous avons quelqu’un qui a une surcharge de légitimité (Ousmane Sonko, Ndlr) qui devient Premier ministre. Cela va décentrer le pouvoir totalement, et on y assiste. Cela va créer de nouvelles tensions qu’il faut prévenir dès maintenant.»
«De l’autre côté, on a la dette politique de Diomaye (le président de la République). Une dette extrêmement forte qui est un poids sur ses épaules à l’heure actuelle. C’est cela qui crée de la tension au sommet du pouvoir», fera-t-il encore remarquer.
Et Alioune Tine de rappeler, non sans évoquer le rejet par le Président Macky Sall de la candidature de Amadou Ba, son propre candidat, au sujet des bouleversements intervenus en février dernier : «S’il y a un paramètre qui a échappé à Macky Sall et qui a tout chamboulé, c’est Bassirou Diomaye Faye. La validation de la candidature de Diomaye a été un moment de déstabilisation du régime. C’est à ce moment que beaucoup de choses se sont passées avec le report, les accusations du Pds contre les juges du Conseil constitutionnel.»
ÉVÉNEMENTS DE MARS 2021 À JUIN 2023, ME JUAN BRANCO FAVORABLE À UNE COUR SPÉCIALE
Le tonitruant avocat français, en compagnie de Me Bamba Cissé, a animé un panel dénommé ‘’Droit et politique’’ au cours duquel ils sont largement revenus sur les différentes péripéties inhérentes à la crise politico-judiciaire qu’a connue le Sénégal.
La conférence organisée par l’activiste Pape Abdoulaye Touré a réuni l’avocat français Juan Branco et Me Bamba Cissé. Il a beaucoup été question des événements sanglants des trois dernières années. Me Branco préconise la mise en place d’une cour spéciale pour juger les auteurs des morts.
Le tonitruant avocat français Juan Branco, en compagnie de Me Bamba Cissé, a animé un panel dénommé ‘’Droit et politique’’ au cours duquel ils sont largement revenus sur les différentes péripéties inhérentes à la crise politico-judiciaire qu’a connue notre pays l’année dernière.
Devant un parterre de militants de Pastef et d’’’ex-détenus politiques’’, les deux robes noires se sont interrogées sur le sens de la lutte contre l’impunité et la nécessité d’ériger un système judiciaire impartiale capable de protéger les droits fondamentaux.
Lors de son intervention, Me Bamba Cissé, membre du pool des avocats d’Ousmane Sonko, a indiqué que le droit et la politique ne font pas souvent bon ménage.
En effet, selon lui, les violences politiques qui ont émaillé le Sénégal sont le fruit d’une volonté des politiciens d’orienter et de guider les poursuites contre les citoyens. ‘’Une révolution n’est jamais acquise. La répression politique du régime de Macky Sall s’est fortement appuyée sur les lois senghoriennes très liberticides, notamment l’article 139 du Code de procédure pénale qui prévoit des infractions politiques. (NDLR : sur les réquisitions dûment motivées du ministère public, le juge d'instruction est tenu de décerner mandat de dépôt contre toute personne inculpée de l'un des crimes ou délits prévus par les articles 56 à 100 et 255 du Code pénal. La demande de mise en liberté provisoire d'une personne détenue provisoirement pour l'un des crimes ou délit spécifiés à l'alinéa précédent sera déclarée irrecevable, si le ministère public s'y oppose par réquisition dûment motivée. Cette situation dans un contexte d’un présidentialisme très fort après 1962 a facilité l’emprisonnement de personnes sans divers motifs. On nous dit souvent que quand la politique entre par la porte, le droit passe par la fenêtre’’, a déclaré Me Cissé.
L’avocat appelle les militants de Pastef a cherché à accompagner le nouveau régime dans l’émergence d’un nouveau pays basé sur les principes d’État de droit et la liberté. Prenant la parole, Juan Branco a insisté sur la nécessité de lutter contre toute forme d’impunité, avant de réclamer justice pour toutes les 80 personnes ainsi que les centaines de blessés lors des violences liées aux émeutes populaires de mars 2021 à juin 2023. ‘’La violence exercée par le régime de Macky Sall sur le peuple sénégalais n’a pu être contrée qu’avec la forte mobilisation des jeunes, des avocats et de simples citoyens épris de liberté. Des crimes contre l’humanité commis par des gens qui ont souillé leurs institutions et qui n’ont pas encore été sanctionnés. En outre, celui qui a ordonné que la mort se répande a pu quitter le pays en jet privé. En effet, il n’est pas acceptable que gens qui ont brisé des citoyens puissent continuer à occuper des positions de pouvoir et des privilèges. Les réparations me paraissent minimales. Pour lutter efficacement contre l’impunité, il est possible de créer une cour spéciale ou des mécanismes spéciaux qui permettent de juger les auteurs de violences et d’abus contre les citoyens’’, soutient-il avec force.
‘’Le choix ou non de poursuivre cette procédure devant la CPI appartient aux nouvelles autorités sénégalaises’’
Selon l’avocat au barreau de Paris, le Sénégal ne semble pas avoir le choix, dans la mesure où la requête déposée devant le procureur de la CPI est un document de 700 pages qui détaille toute la machine répressive du régime de Macky Sall. ‘’Le choix ou non de poursuivre cette procédure devant la CPI appartient aux nouvelles autorités sénégalaises. Elles peuvent poursuivre dans la voie qu’on a tracée avec plusieurs victimes qui se sont signalées où venir appuyer la plainte devant le procureur de la CPI. Je pense que le Sénégal a déjà fait montre de son expertise et de la disponibilité de ressources humaines compétentes pour mener à bien cette mission de juger les responsables de ces crimes’’, s’exclame-t-il.
Très en verve, il se veut toutefois prudent, concernant l’avenir de cette loi votée de l’amnistie, à la veille de la Présidentielle. ‘’Je suis avocat et je dois me fier à la volonté de mon client. Si entretemps, le client est devenu Premier ministre, je peux lui suggérer de revoir cette loi ou la faire évoluer pour qu’elle serve l’intérêt général’’, souligne l’avocat des Gilets jaunes.
Auparavant, Me Branco a remercié tous les acteurs de la société civile, les partis politiques de leur détermination à en finir avec le régime oligarchique. Il a pu détailler la stratégie du pool des avocats de Sonko qui, d’après lui, a permis la libération de ce pays. ‘’Ce pool s’est distingué par sa capacité de gestion des rythmes judiciaires en déposant des recours au bon moment, mettant ainsi en difficulté les magistrats, notamment ceux de la Cour suprême qui ne pouvaient pas violer le droit. Ils ont su pousser dans leurs retranchements et trouver l’espace pour aller vers la Présidentielle, car si la condamnation était définitive en octobre et novembre, je pense que c’en était fini et que le but de tout ça était de le déposer aux portes de l’élection présidentielle’’, renseigne-t-il.