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22 novembre 2024
Culture
DANS LE SILENCE DE KRISHNAMURTI, DANS LE MOUVEMENT DE BACHIR DIAGNE
Exposition – «Mutikkappatāta» de Nathalie Vairac - Des terres se déchirent et des racines d’Inde et de Guadeloupe offrent à Dakar un arbre d’universalité. L’arbre est de chair et d’os. Elle a créé et elle a parlé. Ecoutons ses silences.
La biennale se fait dans l’esprit du sillage. Des terres se déchirent, fécondées par des eaux désireuses de faire un travail de mémoire. Des terres se déchirent et des racines d’Inde et de Guadeloupe offrent à Dakar un arbre d’universalité. L’arbre est de chair et d’os. Elle a créé et elle a parlé. Ecoutons ses silences.
Il y a des silences. Ceux de photos familiales, en noir-et-blanc et de couleurs. Il y a de la couleur dans le noir et le blanc : celle des parures autour du cou, qui pendent des cheveux, qui trônent sur le front. Il y a du style dans les couleurs : sari aux bordures dorées, vivacité des ors, enrôlement de vifs saris autour de corps éternisés dans l’étoffe du temps par le flash. Sari, couleurs, Inde. Inde, à Dakar ? L’Inde est là, qui se lit dans des yeux aussi gros que le monde, d’une femme qui fixe ces Dakarois et ces autres venus contempler. Venus la contempler, Nathalie Vairac, à travers son œuvre. Venus la contempler dans ce qu’elle a d’Inde, de par sa mère, dans ce qu’elle a de Guadeloupe de par son père, dans ce qu’elle a de riche par ses et ces mélanges.
Silences ! Celui des photos, celui du Raw Material qui accueille. Murmures ! Ceux qui évoquent Bordeaux et Saigon, qui percent les murs du Raw : Mutikkappatāta, ce sont des silences photographiés, les murmures lus par, entre autres, Felwine Sarr. C’est, aussi, «des sons flous et épais», écrits au laser sur du métal, offert au tableau des murs, et qui «deviennent des pas, du chiendent, du fumier, de l’histoire, de la violence inscrite dans la chair».
«Les silences sont pleins»
Silences, murmures, des murs qui portent les chapitres qui font son histoire. L’artiste, la voilà qui entre dans l’espace à elle, à son ouvrage, réservé. De l’encens, avec elle. Chaussures, sans. La terre de la mémoire est sacrée : encens, sans sandales, on y entre en pèlerin, on s’y sent en archéologue des profondeurs de l’humain. Nathalie Vairac est au milieu de la pièce. A sa droite, des pièces qui disent ses origines guadeloupéennes. A sa gauche, d’autres qui racontent ses origines indiennes. Nathalie est au milieu de la pièce, comme Vairac est à la confluence des mille mers venues de mille sources qui font sa spécificité (on a écrit puis supprimé «unicité». Quelqu’un pourrait dire «blasphème, haraaaam». Bon…. Silence, Nathalie s’exprime : «Les silences sont pleins, comme les vides en musique font sortir les notes.» Ils aident à mûrir des choses qui sont de l’ordre de l’intime qui, une fois cueillies des entrailles de l’être, peuvent se faire universelles. Silence, Nathalie s’exprime : ce qui s’expose à cette Biennale de 2024, «ce sont tous les silences que j’ai tus pendant que je questionnais mon identité, sans en parler à ce moment-là, qui me torturaient à l’intérieur et étaient des appels pour que j’arrive à faire monde».
«Bah, j’ai fait un chemin»
Nathalie, au centre de son expo. Vairac, à la confluence de ses sources qui douchent ses racines et font d’elle une superposition d’identités assumées au nom de l’universalité. Il y a aujourd’hui du blanc qui se mélange au noir de sa chevelure. Timidement. La fille des années 70 françaises qu’on catégorisait «négresse» et «noiraude», et qui ne trouvait pas encore sa communauté, n’est plus : elle est devenue une de ces briques qui ont fait, construit une somme d’art et d’humanisme que le monde connaît aujourd’hui. Autre rejet, celui de l’Inde de la mère. «Bah, j’ai fait un chemin», partage Nathalie. «Pour m’apaiser, pour me guérir, pour donner du sens. Et puis les années sont passées. Il n’y a plus l’état de souffrance. Dieu merci, heureusement qu’aujourd’hui je suis juste heureuse d’être celle que je suis.» Heureuse d’être celle qu’elle est, Vairac. Sa voix le dit, le calme qui en émane le confirme, la sérénité dans la posture y apporte son argument, le sourire dans le regard couronne le tout. «Bah, j’ai fait un chemin…»
Chemin de silence, dans les sentiers de la reconquête, pour faire son ndëpp personnel. Il fallait bien s’exorciser des démons de la dépossession dont les arrière-arrière-arrière-grands-parents d’Inde et de Guadeloupe ont été victimes. Sur un mur avec une couleur qui tend vers le sang, des archives. Un acte de renonciation : plus de nom indien, on devient catholique et français. Dépossession aussi, côte guadeloupéenne. Près de l’acte de cession et autres archives coloniales qui disent la dépossession, Nathalie Vairac a déplié une carte. Flashback : on est en 1878, face au croquis «de tous les flux des colonies françaises». Un ndëpp suppose du sang, du bœuf, du sacrifice. Du rouge. Pour cette fois, juste un feutre rouge, à poser sur les archives, pour corriger : «Vous leur avez demandé de renoncer à leur identité, à leur nom. Vous les avez convertis. Vous ne saviez pas que l’arrière-arrière-arrière-petite-fille vous dénoncerait.»
Nathalie Vairac touche du doigt les zones géographiques qui composent son histoire, avant de dire : «Et je vis ici.» Ici, Dakar. Ici, la chute. La chute, peut-être pas. En plus d’être comme Jiddu Krishnamurti, un ténor du silence, Nathalie a ceci de commun avec Bachir Diagne que sa fidélité à hier s’organise autour du mouvement. Moving forward ! Ceux d’hier ont traversé, «j’ai traversé, j’espère que nous traverserons le voyage des mémoires ancestrales». Ces traversées qui ont leur élan dans le passé et leur destination dans le futur, obligent leurs acteurs à devenir des êtres tentaculaires. Comme ce rhizome qui revient dans un des textes qui peuplent le travail de Nathalie. «On a déjà dans l’histoire tellement vu l’humanité souffrir dès qu’on fait des différences, dès qu’on sépare, dès qu’on ne veut pas de l’autre parce qu’il serait différent de nous. Je pense qu’on est plus métissés qu’on ne le croit déjà par l’histoire, par les mouvements migratoires qui ont eu lieu dans tout ce qui nous a précédés», souligne cette artiste. Qui poursuit : «Et je crois que faire Monde et faire Humanité, c’est faire ensemble quelque chose qui me touche énormément ici depuis mon arrivée. C’est comment les deux communautés, catholique et musulmane, ont toujours célébré les fêtes ensemble.» Nul n’oublie le plat de l’autre, «et je crois que c’est un exemple pour toute l’Humanité». Il faut cela, afin de «faire rhizome pour demain»…
Vers l’infini
Faire rhizome pour demain : travail de mémoire. Faire rhizome pour demain : crier en silence, se construire dans la déchirure, s’ouvrir au monde. Faire rhizome pour demain : un projet individuel parce que destiné au collectif. Quelque chose qu’aucune âme ne réussira seule. Quelque chose qui a besoin des brides d’âmes venant de partout pour enfanter d’une qui soit collective. Et c’est peut-être cela, le sens de Mutikkappatāta que Nathalie Vairac rend par «Inachevée». «Mutikkappatāta, c’est vraiment tout l’infini, toutes les choses qu’on continuera à questionner.» Le pont de papa de Guadeloupe qui ne connaît l’Inde et maman d’Inde qui ne connaît la Guadeloupe n’a peut-être pris la forme qu’ils voulaient. Inachevé. Mais, achevé. Il y a eu une Nathalie Vairac et un frère qui sont une synthèse improbable de deux univers que tout était prêt à séparer.
par Jean Pierre Corréa
MULTIPLE PHOTOS
SELLY RABY KANE, PASSEUSE DE MERVEILLES
EXCLUSIF SENEPLUS - SRK, c’est la marque qui se distingue par une fusion originale entre le patrimoine culturel sénégalais et une approche résolument innovante, redéfinissant ainsi le paysage de la mode au Sénégal
« Les Fruits ne tombent jamais loin des Arbres ». Dicton fraternel et confidentiel.
Selly Raby Kane est créatrice et cinéaste. Son travail se caractérise par l'utilisation de techniques de collage, des visuels surréalistes et des références à l'héritage immatériel riche du Sénégal et ses créations avant-gardistes, sont influencées par le cinéma fantastique et l’art expérimental, lui conférant une reconnaissance internationale et le privilège d’être exposées dans des lieux prestigieux tels que le Museum of North Carolina, le Louisiana Museum, MoMA PS1 et le Guggenheim.
SRK, c’est la marque qui se distingue par une fusion originale entre le patrimoine culturel sénégalais et une approche résolument innovante, redéfinissant ainsi le paysage de la mode au Sénégal.
C’est l’histoire d’une fille qui « est née étonnée » et qui a en elle le turbulent désir d’émerveiller le monde en disposant le pays et la ville qui l’inspirent, dans « le Temps du Monde ».
Moteur…
Il est bon de savoir que l’enfant naît dans un monde qui sait ce qu’élégance, curiosité, culture et urbanités signifient… Toute petite déjà, les étoffes et leurs vives couleurs font pétiller son regard de malices, et dessinent ses rêves vers la mode et le design… Son horizon sera créatif, et empreint d’une exigeante liberté qui lui donne le goût de la responsabilité qui va de pair avec elle.
Cette responsabilité, Selly Raby Kane l’exerce avec talent en étant une des figures et une des voix d’un espace d’expression novateur s’il en est, que fut Radio Guneyi, faite par et pour les enfants, où elle se coltine adolescente, des problématiques de développement à hauteur d’enfant, lui donnant l’aisance des prises de paroles dans un pays où l’enfant est souvent appelé à se taire, et le culot de pouvoir à cet âge rencontrer et interviewer Koffi Annan aux Nations Unies. Pour apprivoiser l’aisance et l’intrépidité, c’est de première !
Le baccalauréat en poche, son appétence pour les rythmes du Monde lui donne envie de faire Sciences Po, mais ses frissons de mode en elle l’en éloignent, et en Hypokhâgne elle glisse avec ses certitudes déjà en place vers l’administration et la gestion, et durant des vacances rêveuses, en 2007, Selly Raby, imprégnée de la transmission paternelle pour le dessin, sort de sa tête et de ses envies de beauté singulière, des esquisses et des croquis qui vont finir par offrir au monde sa première idée de collection.
Ecriture, Surréalisme et intérêt pour l’inattendu
Son premier défilé émerveille, et elle exprime son talent autour du jeans, du bogolan et du pagne tissé, s’inspire du Pop’art, de culture urbaine et de l’air de la ville, Dakar évidemment, découvre et sublime le « Graph’ » cet art de la ville célébré par Basquiat, et plonge ses créations dans un univers urbain, vibrant de sons et de mouvements qui répondent à ses désirs, ses envies et ses intérêts pour le vivant auquel elle est connectée, se servant des différences comme un moyen de fédérer les âmes et les cœurs de tous ces hommes et femmes qui « font et sont » La Ville.
Selly Raby Kane vous invite à faire un tour dans le Dakar invisible, persuadée que les villes sont construites par des artistes, qu’elle ne cesse de questionner à travers ses créations. « Puissions-nous tous en tant que créatifs de Dakar contribuer à la renaissance de l'espace passé par les aînés. Un questionnement sur notre identité en tant que ville créative héritière de transgresseurs, d’esprits fertiles décomplexés. » Pour cette femme aujourd’hui que seul le bonheur étonne et qui est avide d’émerveillements, les anciens nous ont laissé un avantage précieux : le goût de la transgression et l'affranchissement. Qu’en faisons-nous ? Vers quoi nous projetons-nous ?
Dakkarians Fashion Show 2024 collection de la maturité
Selly Raby Kane qui a eu en toute humilité distinguée, comme si cela relevait de l’évidence à habiller l’icône planétaire Beyonce, puisant une forte inspiration dans Dakar, tant pour ses créations que pour ses films, explore dans sa manière de proposer aux femmes et hommes de se vêtir, l'énergie vibrante de la ville, capturant, pour la leur offrir sa culture underground unique.
Ce samedi, dans le cadre de l’aéroport Léopold Sédar Senghor, SRK vous émerveillera dans ce mariage turbulent et scintillant entre humains et peuples des eaux, dans un moment unique où l’Histoire et la mythologie de notre singulière urbanité se déploieront dans Dakar. Unique et à ne pas manquer… On manque tant d’émerveillements… Pour une fois qu’une telle merveille vous fait ce clin d’œil et vous invite… Moi, je m’abandonne…
CHEIKH NDIGUËL LÔ ANNONCE LA SORTIE D’UN 6E ALBUM
Le musicien-chanteur sénégalais va célébrer les 50 ans de carrière musicale sur scène, et aussi fêter en même temps ses 70 ans
Dakar, 22 nov (APS) – Le musicien-chanteur sénégalais Cheikh Ndiguël Lô a annoncé la sortie prochaine de son sixième album en 2025, date à laquelle, il va célébrer ses 50 ans de carrière.
”Je travaille sur un nouvel album qui doit sortir l’an prochain parce qu’en 2025, on va célébrer les 50 ans de carrière musicale sur scène, et aussi fêter en même temps mes 70 ans’’, a-t-il déclaré.
Cheikh Lô s’exprimait lors d’un entretien avec des journalistes, en prélude du concert ”pour la fraternité et la paix universelle” qu’il doit donner, samedi, à l’Institut français de Dakar, dans le cadre de la 6e édition du ”Gingembre littéraire”, une initiative du journaliste El Hadj Gorgui Wade Ndoye, placée sous le thème : ”Sport et cohésion sociale”.
Il a promis un ‘’morceau inédit” pour le public lors de ce live, qui selon lui, sera à l’image de son ‘’immense carrière’’.
Le nouvel album, dit-il, sera composé ‘’exceptionnellement’’ de treize titres, dont ‘’Développement africain’’, une chanson en reggae qui parle de l’Afrique et de ses ‘’dirigeants véreux’’.
”D’habitude, je sortais 9 ou 10 titres, mais comme cela va faire dix ans depuis la sortie du dernier album (Balbalou sorti en 2015), cela va être un bonus pour tous mélomanes’’, a-t-il expliqué.
Tous les morceaux de cette nouvelle production ont été composés durant le confinement du à la pandémie du Covid-19, a-t-il précisé.
A l’en croire, la pochette de l’album est déjà faite, tandis que le label ”World Circuit Records”, basé à Londres, est en train de faire le mastering.
Une riche carrière toujours au sommet
Né en 1955 à Bobo Dioulasso, d’une famille sénégalaise installée au Burkina Faso, Cheikh Lo a su s’imposer comme une figure emblématique de la scène musicale africaine et mondiale grâce a sa voix envoutante, ses rythmes hybrides et son style singulier.
Ses premières armes musicales, cet autodidacte les a faites dans les années 1970 en tant que batteur dans les orchestres locaux, tels que ”volta jazz” au Burkina Faso autrefois Haute volta avant de s’installer à Dakar dans les années 1978 où il travaille à la Soctrac (Société des transports en commun du Cap-Vert).
Il y poursuit en même temps sa formation musicale auprès des Ousmane Diallo plus connu sous le nom de ”Ouza”. Il accompagnera aussi Papa Wemba dans les années 1980, une fois à Paris.
Depuis lors, ce passionné de musique, reconnu pour sa polyvalence et sa créativité, a sorti cinq albums : ”Né la Thias” en 1996, ”Bamba Gueej” ensuite 1999, ”Lamp Fall” en 2005, ”Jamm ” en 2010 et ”Balbalou” 2015.
Ces albums teintés d’une ambiance musicale riche, mixte de mbalax, de la musique mandingue, du reggae et de rythmes afro-cubains, ont tous été couronnés de succès au niveau international.
‘’Tu te rends compte, il y a 5 albums qui sont demeurés numéro 1, jamais numéro 2. Et ça, on peut dire que c’est du jamais vu dans le milieu musical’’, s’est-t-il réjoui, sourire aux lèvres.
‘’Parfois, tu peux être numéro 1. L’année prochaine, par exemple, tu es numéro 4. Mais de 1995 à 2015, tous les albums sont demeurés numéro 1. Je crois que ça, c’est un beau panneau’’, a ainsi martelé Cheikh Lô.
Mais pour cet auteur-compositeur-interprète, la plus grande consécration de sa belle carrière est intervenue en 2015 lorsqu’il est honoré à Budapest (Hongrie) du prix Womex, devenant ainsi le premier musicien africain à remporter ce prestigieux trophée international annuel dédié aux musiques du monde sous toutes leurs formes.
Durant la 14e édition, il n’y avait que des Européens et des Américains qui occupaient la première place.
‘’C’était une surprise, pour la première fois, un Africain décrochait ce prix. Donc c’était un prix non seulement pour le Sénégal, mais pour toute l’Afrique. Et cela, c’est un bon cheminement pour moi’’, a-t-il soutenu.
Toutefois, Cheikh Lô déplore ‘’le manque de considération des autorités d’alors après ce sacre inédit”.
‘’Le Womex, je peux dire que c’est la Coupe du Monde. Et quand je suis revenu avec le trophée, il n’ y a eu ni accueil, ni réception de la part des autorités, notamment le chef de l’Etat, Macky Sall, comme s’il sous-estimait ce prix. Et voilà quelque chose qui m’a trop touché’’, a-t-il regretté.
2025 une année de célébration
Du haut de ses 70 ans Cheikh Ndiguel Lô veut encore continuer de capter et d’inspirer.
Pour ce faire, il envisage de célébrer durant toute l’année 2025, ses cinquante ans de carrière, en partageant avec le monde entier, sa discographie riche et variée, restée une référence pour les amateurs de musique africaine, à travers notamment des concerts et spectacles.
‘’Je crois que toute l’année, ce seront des prestations d’anniversaires et aussi de célébrations. Que ce soit à Dakar, en Afrique, en Europe, un peu partout dans le monde, par rapport aux tournées, partout où je vais me produire, ce sera une fête, toute l’année’’, a-t-déclaré.
Selon lui, ces cinq dernières décennies n’ont été pour lui que ‘’joie et succès permanent’’.
‘’Moi, je n’ai pas senti des trucs sombres dans ma carrière. On peut dire que tellement j’aime la musique (…) au point que je ne vois rien d’autre que du bonheur’’, a ainsi laissé entendre le chanteur.
La recette de ce succès cinquantenaire, a-t-il indiqué, c’est ‘’le travail permanent, dans la rigueur et le sérieux’’. ”Non, ce succès, il n’y a pas de demi-mesure, il n’y a que le boulot”, a t-il avancé.
‘’Toujours être en studio, toujours écrire, toujours répéter, voir les harmonies, les mélodies, et ensuite passer en studio pour sortir un disque. C’est un travail permanent, de tout temps’’, lance le baye fall.
Fort de ce constat, il a ainsi invité les musiciens sénégalais de la nouvelle génération à s’en inspirer et prendre exemple sur les grands ténors du continent pour rayonner, tout en étant fortement ancrés dans leur identité culturelle.
‘’De plus en plus, on ne sent pas beaucoup l’originalité de cette nouvelle génération. Ils ont tous été influencés par les Américains. Donc, en gros, ils perdent leur culture, leur originalité. Je crois qu’ils doivent apprendre à voir aussi, écouter beaucoup les anciens”, a t-il relevé.
La musique : une histoire de famille chez les Lô
Installé il y a une vingtaine d’années avec sa famille dans sa villa à Keur Massar, à 25 kilomètres à l’ouest de Dakar, le chanteur y a aménagé un studio pour s’adonner plus tranquillement à son art, à l’écart de la capitale sénégalaise bouillonnante.
Aujourd’hui, Cheikh Lô, avec ses deadlocks, a transmis naturellement sa passion, la musique, à ses deux enfants.
‘’Je ne leur ai rien imposé. Je suis très démocrate. C’est venu, comme ça, naturellement, ils se sont intéressés aux instruments et ils ont appris à jouer de la musique’’, a-t-il tenu à préciser.
‘’Massamba, il ne chante pas parce qu’il a une voix de crapaud. Mais il est ingénieur de son et joue bien l’instrument. Kiya, elle chante bien. Mais je lui ai dit quand même d’arrêter un peu la musique parce qu’elle fait actuellement son master en droit. Après, elle pourra en faire son loisir’’, a expliqué le père.
Un artiste engagé
Musicien intemporel et universel, Cheikh Lô s’est aussi révélé ces dernières années comme étant un artiste engagé qui s’intéresse à la situation politique de son pays.
Lors des émeutes de mars 2021, il avait publié sur sa page Facebook, un message adressé à Macky Sall, en lui demandant de se ‘’plier aux exigences des jeunes pour éviter le pire’’.
‘’Je me suis adressé à lui directement sur Facebook pour l’avertir et le calmer aussi. Peut-être qu’il n’a pas bien reçu mon message, ou qu’il n’a pas voulu m’écouter, du moment où il s’est entêté’’, a-t-il relevé, indiquant que son propre fils à même reçu une balle à l’épaule lors de ces manifestations.
Cet engagement, dit-il, s’explique par le fait que ‘’depuis 1960 à nos jours, c’est la même chanson qui se répète à travers des dirigeants malhonnêtes et corrompus’’.
‘’Maintenant qu’il y a eu ce changement de régime, je crois que les données vont changer. J’ai ce pressentiment. D’abord, avec tous les discours que j’entends, j’ai quand même de l’espoir. Je crois que le Sénégal va changer complètement de visage, et ils vont contaminer aussi l’Afrique’’, a-t-il soutenu.
L'ART COMME MOYEN D'ATTRACTION DES TOURISTES
La directrice du Centre culturel régional de Kaolack (centre), Diouma Seck Ndao, est convaincue qu’une bonne promotion de la culture peut contribuer à rendre ‘’davantage attractive’’ la destination touristique du Sénégal.
La directrice du Centre culturel régional de Kaolack (centre), Diouma Seck Ndao, est convaincue qu’une bonne promotion de la culture peut contribuer à rendre ‘’davantage attractive’’ la destination touristique du Sénégal.
‘’Je suis convaincue qu’une bonne politique de promotion de la culture pourrait rendre attractive la destination touristique du Sénégal, surtout que le président de la République, Bassirou Diomaye Faye a annoncé mercredi en conseil des ministres, un accompagnement du secteur de la culture’’, a-t-elle notamment soutenu.
Elle présidait, jeudi, le vernissage de l’exposition ”Off” des artistes plasticiens de la région de Kaolack, dans le cadre de la quinzième édition de la Biennale de l’art africain contemporain de Dakar (Dak’Art).
Commissaire de l’exposition, la directrice du centre culturel régional a estimé que c’est une ‘’opportunité à saisir’’ pour vulgariser et faire la promotion des arts visuels dans la région de Kaolack.
‘’Dans notre programmation pour 2025, nous prévoyons d’organiser des expositions individuelles ou collectives avec les artistes de la région qui sont engagés à nos côtés”, a t -elle précisé.
‘’Les artistes, où qu’ils soient, ont l’habitude de créer notamment à Kaolack où il y a d’éminents artistes qui ont été obligés de migrer ailleurs, parce que l’art ne nourrit pas son homme ici’’, a relevé Mme Ndao.
Consciente que pour développer le secteur culturel, il faut des mécènes et autres bonnes volontés, Diouma Seck Ndao appelle les uns et les autres à accompagner les artistes en achetant leurs œuvres pour leur permettre de vivre de leur art.
‘’Quand l’artiste crée, il a aussi besoin, quand même, que ses œuvres soient achetées. Ce qui pourrait les motiver davantage, parce que, quand ils vont à l’extérieur, ils vendent leurs produits artistiques. Donc, pourquoi ils n’arriveraient pas à vendre dans leur pays ?’’, s’est-elle interrogée.
Au-delà de la politique de promotion, a t -elle relevé, elle a évoqué la nécessité de mettre en place avec les artistes des mécanismes de mécénat pour les accompagner davantage’’.
Les agents du ministère de la Jeunesse, des Sports et de la Culture, doivent accompagner les artistes’’, a assuré Mme Ndao, promettant que ses services vont jouer un rôle d’appui des acteurs pour les aider à mener à bien leurs activités culturelles et artistiques
LE FILM MER MEDITERRANEE POUR HUMANISER LA LIBRE CIRCULATION DES PERSONNES
Le film-documentaire intitulé ‘’Mer Méditerranée’’, projeté, jeudi, à Dakar, a pour objectif ”d’humaniser la libre circulation des personnes, en mettant en lumière des histoires cachées derrière chaque migration”.
Le film-documentaire intitulé ‘’Mer Méditerranée’’, projeté, jeudi, à Dakar, a pour objectif ”d’humaniser la libre circulation des personnes, en mettant en lumière des histoires cachées derrière chaque migration”.
Le film a été réalisé par l’association collective afro-latino dirigée par la communicatrice et intégratrice sociale d’origine espagnole, Maria Chaqués Serrano,
Le documentaire de 1 heures 14mn, projeté pour la première fois au Sénégal, a, selon Maria Chaqués Serrano, pour objectif de ”démontrer que derrière le nombre de migrants africains, existent des histoires et des réalités familiales”.
”(…) il y a des réalités derrière chaque migrant que nous avons voulu vraiment approcher, spécialement avec une perspective des genres’’, a-t-elle déclaré dans un entretien avec l’APS, en marge de la projection.
Ce projet de 15 ans, met ”en lumière les réalités difficiles auxquelles les femmes migrantes africaines font face sur les deux rives de la méditerranée”, selon la réalisatrice.
Il relate l’histoire des femmes partant à la recherche d’un avenir meilleur, mais se retrouvant confrontées à des ‘’épreuves inimaginables, souvent au prix de leur dignité’’.
Pour elle, il s’agissait de parler non seulement des femmes migrantes, mais aussi, de celles qui restent au pays d’origine dans l’attente des nouvelles de leurs enfants partis pour la migration irrégulière.
‘’Je ne peux pas changer les réalités migratoires, mais néanmoins à travers ce documentaire, on peut sensibiliser les gens pour se mettre dans la peau de quelqu’un qui doit choisir de partir soit pour une cause économique ou simplement pour l’envie de connaître d’autres horizons’’, a-t-elle ajouté.
Mme Chaqués Serrano a toutefois noté que les activistes essaient d’apporter leur contribution en dénonçant toute forme de discrimination contre les migrants.
LA COMPOSITION JAZZY D’UNE EPOQUE
Le film documentaire « Amoonafi » (1H 54) de Bara Diokhané, qui a troqué sa robe d’avocat à celle de réalisateur documentariste, est quelque peu trompeur dans son titre qui laisse à penser qu’il s’agit bel et bien de l’adaptation d’un conte.
Le film documentaire « Amoonafi » (1H 54) de Bara Diokhané, qui a troqué sa robe d’avocat à celle de réalisateur documentariste, est quelque peu trompeur dans son titre qui laisse à penser qu’il s’agit bel et bien de l’adaptation d’un conte. Que nenni ! A moins que par glissement, on pense à l’histoire d’une génération. Là aussi toute histoire n’est pas conte.
«Amoonafi » est plus un documentaire choral dans lequel chaque témoin apporte sa note, éclaire l’époque des années 1970, 80 et 90 avec l’effervescence de jeunes artistes et de jeunes avocats fréquentant le monde des arts, se croisant dans les mêmes cafés du centre-ville dakarois. Bara Diokhané s’impose comme le métronome de tout ce qui se dit sans que le film ne bascule véritablement dans le documentaire portrait. Dans ce que nous laisse voir le film, Bara Diokhané y joue un triple rôle : celui de réalisateur moins brouillon que dans ces précédentes réalisations dominées par une recherche formelle, et même expérimentale (voir, « Si les arbres pouvaient parler » ; « Hommage à Randy Weston » documentaire d’urgence dans le processus de fabrication).
« Amoonafi » emprunte au jazz sa partition musicale avec pour « scat » le regretté Billy Congoma et sa voix aux accents goréens et qui est le premier à faire monter Djibril Diop sur les planches. Il était le maître de l’Assico, musique festive, basée sur le chant, la danse et les percussions qu’il a sorti du ghetto avec l’équipe de foot Sandial. Billy et son fidèle instrument ont fait leur apparition dans « Hyènes » de Djibril Diop Mambety. Une sorte de retour à l’ascenseur.
Dans cette partition filmique le réalisateur Bara Diokhané s’installe en homme-grille servant de repère aux autres intervenant-chorus qui apportent une séquence dans ce qui nous est donné à voir et à entendre.
Ils stimulent le récit. L’architecte cinéaste Nicholas Sawalo Cissé et son épouse Bineta fournissent une certaine liberté à la trame harmonique du récit. Le réalisateur Ben Diogaye Beye qui, à l’époque, faisait partie des cinéastes émergents de la fin des années 70 début 80. Aujourd’hui, les pieds dans le troisième âge, il apporte une bonne dose de sagesse à l’amertume qui le ravageait quand on l’a dépossédé de son projet de film « Thiaroye Terre Rouge » et dont le manuscrit du scénario coécrit avec Boubacar Boris Diop vient d’être publié par la maison d’édition L’Harmattan sous le titre « Thiaroye 44 Scenario Inédit ». L’incontournable Issa Samb Jo Ouakam, haut en couleur se laisse aller dans ses improvisations gestuelles et sa verve volontairement hermétique. A cheval entre l’art musical et le juridique, Youssou Ndour, l’une des figures de proue de la musique sénégalaise fait la navette entre les intervenants.
Amoonafi est aussi un film dual qui tisse des passerelles entre les différentes parties celles où apparaissent les robes noires, qui retracent la lutte des jeunes avocats de ces années d’effervescence dont certains sont devenus des collectionneurs d’art. Maître Doudou Ndoye juriste émérite, Maître Leity Ndiaye entre autres. Et une autre partie soulignant la marche des arts visuels et musicaux avec ses têtes d’affiche : Mor Faye, Youssou Ndour, Zulu Mbaye plasticien et compagnie vite rejoint par Baba Wane ancien ministre de la Culture.
« Amoonafi » est un documentaire qui décloisonne les arts, combinant archives coupures de presse, musiciens, cinéastes, artistes plasticiens, muséologue, collectionneur, galeristes, textes poétiques, le tout retraçant une époque sous forme de Jam session que referme l’immémorable Doudou Ndiaye Rose, tambourinaire d’exception. Un film marquant.
DIAKA NDIAYE PRÉSENTE UN DOCUMENTAIRE INÉDIT SUR LE MASSACRE DE THIAROYE
Ce film de 90 minutes, conçu pour marquer le 80ᵉ anniversaire du massacre de Thiaroye, retrace l’histoire des tirailleurs africains et révèle de nouvelles informations sur cet épisode tragique. Après Dakar, le documentaire sera présenté à Bruxelles.
La réalisatrice française d’origine sénégalaise Diaka Ndiaye annonce la projection, le lundi 2 décembre, en avant-première de son documentaire ‘’La gloire du chasseur Thiaroye’’, au musée des civilisations noires, dans le cadre de la célébration du 80e anniversaire du massacre de Thiaroye.
Prévu pour être projeté à partir de 19 h, le film de 90 minutes a été “produit et réalisé spécialement pour commémorer les 80 ans du massacre de camp militaire de Thiaroye le 1er décembre 1944”, renseigne la réalisatrice dans un communiqué transmis à l’APS.
“C’est un film qui commence par la genèse de l’incorporation des Africains dans les forces armées françaises et se termine au mois d’août 2024 avec les derniers rebondissements dans ce dossier’’, indique Diaka Ndiaye.
La réalisatrice et journaliste, qui a créé en 1998 à Paris, la première société de production française spécialisée dans les cultures du monde noir, assimile son nouveau documentaire à un “cours d’histoire”.
“Le but étant d’expliquer comment ce qui s’est passé à Thiaroye trouve sa source dans une logique mise en place par la France, puissance coloniale, depuis le milieu du 19e siècle”, a fait valoir Mme Ndiaye, également présentatrice.
Il s’agit, selon elle, d’un documentaire qui, pour la première fois, lève le voile sur “les identités des personnes impliquées dans le massacre de Thiaroye”, parlant de “mensonge d’Etat”.
Le film “La gloire du chasseur Thiaroye” est une “trilogie dont Thiaroye est le premier volet.
Après Dakar, le film sera en avant première à Bruxelles avant sa sortie commerciale, annonce la réalisatrice qui vit dans la capitale belge.
LA BAIE DE HANN DEFIGUREE PAR LA POLLUTION
Dans le cadre de la Biennale Dak’Art2024, la fête de l’Art contemporain africain, une exposition Off s’est tenue à la cocoteraie de Hann-Plage.
Nichée au cœur de Dakar, la baie de Hann, autrefois lieu de rêve et de repos, est aujourd’hui le théâtre d’une lutte environnementale poignante. Dans le cadre de la Biennale Dak’Art2024, la fête de l’Art contemporain africain, une exposition Off s’est tenue à la cocoteraie de Hann-Plage. Cet événement a rassemblé artistes et citoyens autour d’un objectif commun : éveiller les consciences face aux injustices environnementales qui ravagent ce lieu emblématique.
Autrefois, la baie de Hann était un paradis naturel, où la clarté des eaux et la richesse de la faune marine offraient un spectacle enchanteur. Aujourd’hui, ce tableau idyllique a laissé place à une réalité sombre. Les eaux sont polluées, les déchets s’amoncellent et les espèces marines disparaissent. La faune et la flore qui faisaient la fierté de la baie ne sont plus qu’un lointain souvenir.
Françoise Olswaker, photographe belge vivant à Dakar, a capturé cette transformation tragique. «Quand je suis arrivée ici, ce qui m’a frappée, c’est l’état de dégradation. Les déchets, la pollution de l’eau, les animaux morts sur la plage... C’est un spectacle triste», décrit-elle. Ses photos, exposées dans la cocoteraie, montrent la baie telle qu’elle est aujourd’hui, mais aussi telle qu’elle était dans les années 1970, avant que la pollution industrielle et domestique ne prenne le dessus.
UN CRI DU CŒUR DES ARTISTES
L’exposition Off à la cocoteraie a été orchestrée par Serimacen Sène, artiste sénégalais reconnu, qui a fait de cet espace un lieu de rassemblement pour la sensibilisation environnementale. «Cette cocoteraie, je l’ai créée avec mes propres moyens. C’est un projet non lucratif, destiné à reboiser et à restaurer cet environnement que nous avons perdu», explique-t-il.
La cocoteraie est devenue un refuge pour la nature et l’art. Les œuvres présentées ici, notamment celles de Serimacen Séne et d’artistes ivoiriens, belges et sénégalais, reflètent les enjeux actuels de la baie. La thématique centrale est l’Eveil. Car, comme le souligne M. Sène, «le premier réveil doit être celui de notre environnement immédiat».
Le contraste entre les tableaux de Françoise, qui montrent la beauté, dans le passée, de la baie, et les clichés actuels de cette «bombe environnementale», est saisissant. Les artistes dénoncent aussi la pêche abusive des requins, dont les ailerons sont revendus à prix d’or sur le marché international, au détriment des écosystèmes marins. Un jeune artiste ivoirien a également marqué l’exposition avec ses créations faites à partir de déchets plastiques, transformant ces polluants en œuvres d’art. Pour l’artiste plasticien Sène, cet engagement est essentiel : «L’art doit non seulement dénoncer, mais aussi proposer des solutions».
PLUS QU’UN EVENEMENT ARTISTIQUE, UN APPEL VIBRANT A LA RESPONSABILITE COLLECTIVE
Malgré cette situation alarmante, la cocoteraie de Hann Plage offre un souffle d’espoir. L’espace verdoyant, ponctué de cocotiers et d’oiseaux, est un havre de paix dans un environnement urbain pollué. Ce projet de reboisement, porté par l’artiste environnementaliste Sène, démontre qu’il est possible de restaurer la nature, même dans les zones les plus dégradées.
La cocoteraie symbolise un modèle de résilience. Chaque cocotier planté produit jusqu’à 200 noix de cocos par an, contribuant à la fois à l’écosystème et à l’économie locale. Ce projet, qui s’étend sur plusieurs kilomètres, montre qu’avec patience et détermination, un changement est possible.
L’exposition Off de la cocoteraie est bien plus qu’un événement artistique. Elle est un appel vibrant à la responsabilité collective. Les artistes, comme Françoise et Sène, ne se contentent pas de montrer la réalité : ils invitent chacun à agir, à travers des gestes simples, mais significatifs.
Dans un monde où l’injustice environnementale est trop souvent ignorée, cette exposition rappelle que l’art peut être un puissant levier de transformation. La baie de Hann, malgré ses cicatrices, reste un symbole d’espoir et de mobilisation. Dak’Art 2024 célèbre l’art contemporain africain. Mais, à Hann-Plage, elle célèbre surtout la lutte pour un avenir durable. Un avenir où l’art, l’écologie et la communauté s’unissent pour protéger notre patrimoine commun.
MANEL NDOYE, LE PEINTRE QUI BOUSCULE LES PRÉVISIONS
Le peintre sénégalais au talent exceptionnel, a marqué la 15ᵉ Biennale de l’art africain contemporain de Dakar en remportant le prix de la mairie de Dakar pour sa tapisserie intitulée Portée culturelle.
Le peintre sénégalais Yelli Ndoye plus connu sous le nom de ”Manel Ndoye” demeure un artiste hors du commun ayant su bouleverser des pronostics grâce à son désir de faire mieux, laquelle obstination à l’art lui a valu d’ailleurs le prix de la mairie de la ville de Dakar à l’ouverture de la 15ème édition de la Biennale de l’art africain contemporain de Dakar (Dak’Art), le 7 novembre dernier pour son œuvre en tapisserie dénommée ”Portée culturelle”, à voir dans le pavillon Sénégal au Musée des civilisations noires.
Du haut de ses 38 ans, Manel Ndoye est issu d’une famille d’artistes. Petit frère de Mouhamadou Ndoye dit Dout’s, décédé en juin 2023 et à qui le Dak’art 2024 rend hommage à la galerie nationale d’art, Manel s’est aussi lancé dès sa tendre enfance dans le monde artistique grâce à l’un de ses oncles et à son aîné.
Comme la plupart des enfants en milieu musulman, ce natif du village Djender, situé à la commune de Kayar, dans la région de Thiès, à plus 66 Km de Dakar, a aussi passé par l’école coranique avant d’être scolarisé à l’école française. D’ailleurs c’est dans cet atmosphère scolaire et familial immédiat qu’il a piqué le virus de l’art.
Marié et père de deux enfants, cet artiste dans l’âme, insiste sur le fait que l’initiation à l’art chez eux, commence d’abord à la maison.
”J’avais un grand maître à l’école élémentaire, le petit frère de mon père qui était aussi le père de Dout’s, qui dessinait des graphiques dans la classe et qui m’a influencé”, s’est-il souvenu.
”Quand j’ai commencé à fréquenter mon oncle, mon papa Mbaye, c’était une orientation, non seulement pour apprendre le français, mais en même temps le dessin. Donc il y avait une initiation d’abord au sein de la famille”, martèle-t-il, en souriant.
Manel explique comment son frère, lui a été de bon conseil en l’orientant vers les beaux-arts de Dakar, après son cursus élémentaire.
Il note que ce dernier lui a proposé de continuer son cursus dans une école tournée vers les arts, s’il comptait aller ”plus loin”.
”Il me disait si tu veux faire une carrière, il faut faire la formation, car c’est important. Il m’a demandé d’avoir au moins le niveau BFEM et moi, j’étais impatient. Je devais continuer pour avoir le bac, mais une fois mon diplôme de BFEM, je me suis rendu directement aux beaux-arts”, précise-t-il.
Entre le dessin et la peinture, il n’y a qu’un seul pas. Manel Ndoye prend la décision de s’inscrire à l’Ecole nationale des arts de Dakar.
Dissuadé par bon nombre de ses enseignants de ne pas embrasser le monde des arts, cet étudiant qui s’en sortait pas mal en sciences, a tout de même foncé, pour vivre sa passion et se faire une place dans les beaux-arts.
Fort en dessin, mais faible en peinture, c’est vers cette dernière que le jeune artiste s’est toutefois orienté, en parlant d’une orientation vers “la filière qui lui faisait plus de mal pour se spécialiser”.
”A ma troisième année, je me suis rendu compte que toutes mes mauvaises notes, c’était en peinture et à certain moment il était demandé aux étudiants de se spécialiser, étant mauvais dans cette discipline, ils m’ont dit que ce n’était pas évident que je devienne peintre, mais j’ai dit que je le deviendrais”, se remémore l’artiste, d’un air satisfait de son choix.
Avec le recul, l’artiste se rappelle de ses sacrifices pour apprivoiser cette discipline. Il souligne également comment il a dû travailler durement pour se frayer un chemin dans son école, en se lançant dans l’aide de certains de ses condisciples et d’autres étudiants en difficultés.
”Je suis sorti major de ma promotion en 2010. C’était émouvant et très significatif pour moi, car de zéro à major, cela a été signifiant. Je m’exerçais beaucoup. Je devais apprendre et découvrir. C’est comme si tu redoubles d’efforts, en même temps, pour aller loin dans ce domaine”, fait-il valoir.
Avant de sortir major, l’artiste en herbe de l’Ecole des beaux-arts, faisait partie des jeunes africains à avoir été sélectionnés pour participer à un festival international en Iran, en 2009.
”J’étais sélectionné en tant qu’étudiant des beaux-arts, pour représenter le Sénégal et l’Afrique de l’Ouest, en Iran, lors d’un festival international dans la province de Gorgan”, dit-il.
Manel se souvient du sentiment de fierté qu’il a ressenti en remportant un prix au cours de cet événement.
‘’ (…) cela a été fabuleux. Et vraiment avec un grand bonheur, parce que l’Afrique a été primée. Avant que je ne sois primé, je discutais parfois avec les autres artistes avec qui je partageais des techniques, et lorsque le jury m’interpellait par rapport à la compétition, je lui disais que je n’étais pas là pour créer des œuvres compétitives, mais plutôt à partager avec des sociétés’’, tranche l’artiste.
A l’en croire, cet événement n’était pas à ses yeux une compétition, mais plutôt un atelier de partage des techniques avec les autres. D’où son sentiment de fierté d’avoir remporté ce prix pour l’Afrique et le Sénégal en particulier.
Manel Ndoye ne s’est pas seulement arrêté en Iran. En tant qu’artiste, il a sillonné le Sénégal et l’Europe pour faire valoir son art.
Après ses études, cet artiste qui a toujours été encouragé par sa mère a participé dans plusieurs rencontres notamment lors du troisième Festival mondial des arts Nègres à Saint-Louis en 2010, à la Biennale de Dakar, une exposition en solo en France, etc.
Pour lui, sa présence dans différents festivals ou expositions, lui permet de mieux vendre son art et la culture de son pays, le Sénégal.
Avec six Dak’art à son actif, il témoigne avoir remporté son premier off en 2012, où il en était sorti avec un sentiment de satisfaction.
Selon Manel, cette biennale, lui a non seulement permis d’échanger avec des visiteurs, mais elle a aussi été, une occasion pour les collectionneurs occidentaux de prendre ses œuvres.
Propriétaire d’un atelier à Dakar, Manel Ndoye prend plaisir à former certains de ses amis et des jeunes gens désireux de se lancer dans l’art.
”Parmi les gens que j’ai formé aux beaux-arts, il y a un ami qui est devenu un grand artiste et expose comme moi au pavillon Sénégal”, révèle-t-il.
Réinventer le langage de la tapisserie traditionnelle
L’œuvre ayant permis à l’artiste de remporter le prix de la ville de Dakar, est une tapisserie de cinq mètres dénommée ”Portée culturelle” qui se veut de ”réinventer le langage de la tapisserie traditionnelle sénégalaise, non plus accrochée au mur, mais suspendue, flottant au cœur de la pièce invitant le spectateur à une immersion totale”, avait soutenu le jury dans sa délibération.
”Dès l’approche, la notion de matérialité captive et questionne, redéfinissant la tradition à travers une technique de motifs pixélisés. (…). L’œuvre tisse ainsi les liens profonds avec l’usage historique des tapisseries au Sénégal, tout en rendant hommage à la tradition de la pêche”, a indiqué le jury en saluant le travail de cet artistes ”au regard féminin et sensible”.
Exposée au pavillon Sénégal au niveau du musée des civilisations noires et réalisée pendant sept mois, à l’aide des tissus wax et bazin, cette tapisserie ne demeure pas l’unique grande œuvre de Manel Ndoye, car il a déjà signé une tapisserie de huit mètres.
Il se dit vouloir continuer sur cette lancée, pour se démarquer des autres. ”Cette tapisserie c’est comme si c’était tissée, alors que c’est de la peinture”, précise-t-il.
Pour lui, les femmes figurant dans l’œuvre entrain de danser, démontrent non seulement leur culture, mais aussi leur tradition et leurs identités vestimentaires.
Il retient que cette œuvre en recto verso, dénonce et sensibilise à la fois, les gens sur ‘’le respect du milieu aquatique’’. D’où l’image des poissons.
”Cette œuvre marque notre relation avec le monde animal. Le fait que j’aie également utilisé la géolocalisation, c’est non seulement pour parler des pêcheurs, mais aussi de la pêche (…)”, soutient-il.
”Je compte dans l’avenir, développer et mieux partager mon art. En même temps aussi, aider les autres artistes à être créatifs, à travers des possibilités que je leur offrirai”, annonce Manel Ndoye.
Le natif de Djender, veut réaliser leur projet en commun avec son défunt frère, sur la création d’un ”grand centre” pouvant accueillir toute expression artistique au sein de leur village situé à près de 66 km de Dakar.
”Dout’s et moi, avions un grand projet, celui de la création d’un centre au niveau de notre village à Djender. Puisqu’il ne fait plus partie de ce monde, je vais continuer ce projet pour nous”, témoigne-t-il, avec un ton subitement attristé.
D’après lui, l’idée est de donner la possibilité aux étrangers et à des artistes désireux de résider au Sénégal, de découvrir l’intérieur du pays et l’hospitalité des gens du village.
”Ce centre sera un moyen de rendre hommage à Dout’s et de permettre aux gens qui s’y expriment de se rendre également dans son musée, se trouvant à l’intérieur de sa maison pour découvrir ses œuvres”, estime Manel Ndoye.
AGNES BREZEPHIN REMPORTE LE GRAND PRIX DU CHEF DE L’ETAT
Agnès Brézéphin a remporté le Grand Prix de la Biennale de Dakar 2024, un honneur décerné pour une installation d’une rare profondeur, intitulée Cabinet de Curiosités. Chambre des Merveilles : «Au Fil de soi(e)».
L’artiste Agnès Brézéphin a été distinguée du premier prix de la Biennale de Dakar, remis par le président de la République, Bassirou Diomaye Faye, pour son installation intitulée Cabinet de Curiosités. Chambre des Merveilles : «Au Fil de soi(e)». L’artiste, informe Maya Meddeb, son attachée de presse, est actuellement en résidence de création sur l’île de Gorée pour une œuvre dédiée à la «mémoire de l’esclavagisme».
Agnès Brézéphin a remporté le Grand Prix de la Biennale de Dakar 2024, un honneur décerné pour une installation d’une rare profondeur, intitulée Cabinet de Curiosités. Chambre des Merveilles : «Au Fil de soi(e)». L’artiste, qui a eu l’idée de cette installation depuis un lit d’hôpital, a souhaité en faire un sanctuaire de guérison et de renaissance. Cette œuvre, née d’un processus intime et complexe, aborde des thématiques lourdes comme l’inceste et la violence, tout en mettant en lumière la force de la réparation à travers l’art. Dans l’installation de Agnès Brézéphin, un lit est au centre. «Un lieu de traumatisme pour les victimes d’inceste» que l’artiste reconstitue. «Dans ce cadre onirique, l’artiste tisse, avec des fils de soie, des éléments symboliques, créant un autoportrait intime où chaque détail raconte une part de son histoire. Parmi les artefacts, on trouve des cocons brodés, des perles de haute couture, des grenades évoquant la fertilité, et un édredon d’enfance, rappel de la fragilité et de la résilience.» Et le tout se tisse en un autoportrait subtil et délicat, où la beauté, loin de dissimuler la douleur, la rend visible et partagée. «Les boutons, hommage à ses grands-parents artisans boutonniers chez qui elle trouvait refuge enfant, rappellent cet héritage précieux et la délicatesse des gestes qui unissent passé et présent dans une forme d’art réparatrice. Chaque élément compose un autoportrait subtil et symbolique, où la beauté côtoie l’indicible», note le document.
«Agnès Brézéphin est honorée pour la qualité de son travail lors de cette manifestation majeure de l’art contemporain africain, marquée cette année par le thème : «L’Eveil, le Sillage.» La reconnaissance de son œuvre résonne comme un acte fort, porteur d’espoir pour de profonds changements sociétaux», fait savoir Maya Meddeb, son attachée de presse. Le document rappelle que c’est in extremis que l’artiste décide d’inscrire son œuvre à la Biennale de Dakar, trois jours avant la date limite. «Dans cette course contre le temps, elle réalise la broderie minutieuse de ses pièces, tandis que Paola Lavra, curatrice et coauteure de l’installation, l’accompagne par l’écriture, créant ainsi un duo créatif puissant et complémentaire», rapporte le document.
« L’art pour réparer, et éveiller les consciences»
Depuis plus de 40 ans, Agnès Brézéphin utilise son art pour explorer les souffrances humaines, mais aussi les voies de la guérison. A travers la broderie, la couture et les symboles, elle incarne cette alchimie subtile entre souffrance et beauté, entre l’indicible et l’expression. Ses œuvres, profondément engagées, invitent à une réflexion collective, mais aussi intime. «L’art pour réparer, et éveiller les consciences. Par son travail, elle crée un espace apaisé où se rencontrent des voix plurielles et singulières, invitant le public à une réflexion intime et universelle», peut-on lire dans le communiqué. L’artiste poursuit aujourd’hui son travail avec l’association Univers’elles et la Maison Rose de Guédiawaye, édifiée en 2008 par Mona Chasserio. «Agnès Brézéphin et Paola Lavra souhaitent donner suite à une précieuse collaboration afin de croiser les histoires douloureuses des femmes victimes de violence et d’inceste, et tisser un récit commun de reconstruction et d’espoir», souligne le document. La lauréate 2024 du Dak’Art est actuellement en résidence à l’île de Gorée. «Agnès Brézéphin est actuellement en résidence de création sur l’île de Gorée pour une œuvre dédiée à la mémoire de l’esclavagisme», a informé l’attachée de presse de l’artiste, Maya Meddeb.