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17 février 2025
Éducation
LES FILLES ET LES FILIERES SCIENTIFIQUES
Les filles des collèges et lycées ont dans la majorité ‘’le plein potentiel pour suivre les séries scientifiques’’, a souligné la cheffe du bureau genre, promotion des filles et éducation inclusive à la Direction de l’enseignement moyen secondaire général
Les filles des collèges et lycées ont dans la majorité ‘’le plein potentiel pour suivre les séries scientifiques’’, a souligné la cheffe du bureau genre, promotion des filles et éducation inclusive à la Direction de l’enseignement moyen secondaire général (DESMG), Anna Sow.
‘’Il est important à travers des politiques mises en œuvre au niveau du ministère d’encourager les filles à croire en leurs capacités, sachant qu’il n’y a aucune limite à ce qu’elles peuvent accomplir’’, a-t-elle souligné dans un entretien avec l’APS dans le cadre de la célébration, le 11 février, de la Journée des femmes et des filles en sciences.
‘’Il est essentiel de briser les stéréotypes et les barrières qui peuvent parfois les freiner, car chaque fille mérite d’avoir accès à une éducation scientifique’’, a-t-elle relevé.
Le 22 décembre 2015, l’Assemblée générale de l’ONU a adopté une résolution par laquelle elle décide de proclamer le 11 février de chaque année Journée internationale des femmes et des filles en sciences.
Les statistiques du ministère de l’Education nationale et de l’Enseignement supérieur montrent ‘’un faible taux de représentativité des filles dans les filières scientifiques avec 30 % seulement des filles qui fréquentent les séries scientifiques contre 70 % de garçons’’.
Une faible représentativité qui ‘’n’a rien à voir avec leur niveau et leur capacité intellectuelle’’, selon Anna Sow, notant que les facteurs et pesanteurs socioculturels comme les travaux domestiques, les mariages et les grossesses précoces sont souvent évoqués comme freins à leur maintien pour poursuivre des études surtout en sciences.
Au Sénégal, les autorités ont pris une série de mesures discriminatoires pour inverser les tendances. Il s’agit de l’octroi de bourses pour des filles inscrites dans les filières scientifiques, le financement des travaux de thèses, la rédaction d’ouvrages et des voyages d’études.
Le Programme d’appui pour la promotion des enseignantes chercheures (Papes) a été également lancé en 2017.
Au ministère de l’Éducation nationale, à travers la Direction de l’enseignement moyen secondaire général (DEMSG), le concours ‘’Miss Mathématiques/Miss Sciences’’, est organisé depuis 2011, une initiative visant à »inciter les filles à fréquenter les séries scientifiques et à y rester jusqu’au baccalauréat’’.
‘’Le but de ce concours est de promouvoir la réussite des filles dans les filières scientifiques. Il offre aux jeunes filles l’opportunité de développer leurs compétences, de renforcer leur confiance en elles et de se projeter dans des carrières scientifiques et technologiques’’, a confié à l’APS, la cheffe du bureau genre, promotion des filles et éducation inclusive à la DEMSG.
En effet, dans le supérieur, les statistiques montrent que les filles font moins de 30 %. Et les chercheures ne représentent que 25%.
C’est pourquoi, dans le moyen secondaire, rappelle Anna Sow, il a été retenu la création d’un lycée scientifique d’excellence de Diourbel où les filles obtiennent de ‘’très bons résultats’’, la généralisation de l’apprentissage des sciences physiques dès la classe de quatrième. L’augmentation du coefficient et du crédit horaire pour les matières scientifiques a été aussi faite au moyen secondaire.
Entre autres initiatives, le lancement d’un concours ouvert aux filles des classes de quatrième qui ont une moyenne supérieure ou égale à 14/20 en mathématiques (pour Miss mathématiques) et celles des classes de seconde ayant une moyenne supérieure ou égale à 14/20 en physiques chimie, en sciences de la vie et de la Terre (SVT et en mathématiques (pour Miss Sciences).
Des tests de présélection dans les régions sont organisés pour la phase académique, à l’issue desquels les seize (16) Académies présentent chacune deux candidates (une en mathématiques et une en Sciences) à la phase finale nationale.
La finale nationale est organisée par la DEMSG, à Dakar, à la veille de la cérémonie de remise des prix aux lauréates, pour sélectionner la Miss Mathématiques nationale et la Miss Sciences nationale parmi les trente-deux (32) Miss académiques, explique Mme Sow.
La cérémonie de remise des prix aux lauréates, présidée toujours par le ministre de l’Education nationale, se tient en présence de tous les acteurs de l’Ecole sénégalaise pour célébrer l’excellence chez les filles dans les Mathématiques et les Sciences et susciter l’émulation.
‘’La meilleure élève du Concours général des classes de Terminale, avec un 1er Prix en mathématiques et un 1er Prix en Sciences Physiques, fut Miss mathématiques en 2021 et Miss Sciences en 2023’’, rappelle la cheffe du bureau genre et éducation des filles.
Cette performance, un exemple parmi tant d’autres, démontre toute la pertinence de la stratégie de détection et de suivi dans laquelle s’inscrit le ministère de l’Education nationale pour la promotion des filières scientifiques chez les filles, à travers ce concours, renseigne Anna Sow
Selon elle, la journée du 11 février est ‘’une occasion précieuse pour nous rappeler l’importance de l’accès à l’éducation scientifique pour toutes et tous’’.
L’ARMÉE SÉNÉGALAISE ENGAGÉE DANS LA RÉSORPTION DES ABRIS PROVISOIRES
Les forces armées, grâce à leurs compétences et ressources spécifiques, vont collaborer avec le ministère de l’Éducation nationale pour relever le défi d’une éducation accessible et de qualité sur l’ensemble du territoire.
L’armée sénégalaise va travailler de concert avec le ministère de l’Éducation nationale pour apporter son appui au programme de résorption des abris provisoires, une préoccupation majeure des pouvoirs publics, a-t-on appris lundi du ministre des Forces armées, le général Birame Diop.
Les Forces armées, pour leurs capacités et attributs spécifiques, peuvent être mises à profit dans les nombreuses initiatives du ministère de l’Éducation nationale « pour relever le défi crucial de l’éducation pour tous et partout dans notre pays dans les meilleures conditions », a-t-il dit.
Le général Birame Diop prenait part à la cérémonie officielle de lancement de la 24ᵉ édition de la Semaine nationale de l’éducation de base, lundi, à l’École de formation des instituteurs (EFI) de Rufisque, aux côtés de son homologue Moustapha Guirassy.
Pour le ministre des Forces armées, « ce partenariat fructueux est très ancien et a été une des composantes du concept armée-nation depuis l’indépendance ».
Il a rappelé l’époque où le génie militaire faisait des tournées sur le territoire national durant les vacances scolaires pour réhabiliter les écoles, se disant convaincu que « les Forces armées peuvent jouer un rôle crucial dans l’effort collectif visant à former des citoyens responsables et engagés ».
Le thème de l’édition de cette année de la Semaine nationale de l’école de base, à savoir « La consolidation des valeurs civiques, l’école, les Forces de défense et de sécurité au service de la nation », rend bien compte, selon lui, de la « conviction commune » selon laquelle l’éducation-armée « ont un rôle essentiel à jouer dans le grand chantier de transformation citoyenne dans lequel notre pays est engagé », sous l’égide des nouvelles autorités.
« L’invitation à cette cérémonie témoigne de l’engagement personnel du ministre Moustapha Guirassy à développer le partenariat entre les Forces armées et l’Éducation nationale, et de la haute estime qu’il porte aux forces armées », a souligné le général Birame Diop.
Il a souligné la nécessité de développer « l’esprit citoyen à l’école », et c’est ce à quoi appelle la Stratégie nationale de développement 2025-2029, référentiel des politiques publiques, en promouvant l’édification d’une nouvelle citoyenneté et en plaçant son renforcement et celui du civisme au rang d’objectifs stratégiques.
Le ministre des Forces armées se dit convaincu que c’est « dès le jeune âge qu’il faut former par l’éducation le futur citoyen ».
« Certes, le milieu familial et la communauté participent à cette œuvre, mais l’école reste un formidable levier pour réaliser cet objectif », a-t-il insisté, ajoutant que les Forces de défense et de sécurité ont un rôle à jouer dans cet « ambitieux projet ».
Les belles feuilles de notre littérature par Amadou Elimane Kane
MARIAMA BÂ, L’ŒUVRE MAJEURE
EXCLUSIF SENEPLUS - À travers son récit, c’est l’histoire du Sénégal qui apparaît en filigrane avec ses oppositions et son lot d’absurdité, ses contrastes entre caste et liberté, cet entre-deux monde de la culture nègre
Notre patrimoine littéraire est un espace dense de créativité et de beauté. La littérature est un art qui trouve sa place dans une époque, un contexte historique, un espace culturel, tout en révélant des vérités cachées de la réalité. La littérature est une alchimie entre esthétique et idées. C’est par la littérature que nous construisons notre récit qui s’inscrit dans la mémoire. Ainsi, la littérature africaine existe par sa singularité, son histoire et sa narration particulière. Les belles feuilles de notre littérature ont pour vocation de nous donner rendez-vous avec les créateurs du verbe et de leurs œuvres qui entrent en fusion avec nos talents et nos intelligences.
Le récit de Mariama Bâ, Une si longue lettre, appartient assurément au patrimoine culturel africain, comme une œuvre intemporelle et universelle qui résonne au panthéon de la littérature avec précision et émotion. C’est que cette longue confession épistolaire d’une femme, Ramatoulaye, qui relate à sa meilleure amie les étapes de sa vie avec ses joies et ses douleurs, contient une vérité puissante, à la fois de manière littéraire et de manière profondément humaine.
Mariama Bâ, à travers des problématiques qui semblent au départ très personnelles, ouvre le débat sur les contradictions de la société sénégalaise contemporaine. Elle y évoque tour à tour le mariage, la mort, la maternité, la polygamie, l’hypocrisie qui entoure les rituels sociaux, la pauvreté des esprits parfois et la cruauté éblouissante de la vie.
Célébrant la force des femmes, leur courage, leur abnégation, Mariama Bâ, par cette longue lettre, dénonce toutes les injustices dont elles sont trop souvent victimes. Ces vies brisées sont le résultat de la société des hommes qui ne regarde pas assez l’incroyable créativité et l’intelligence féconde des femmes.
Femme de tête et appartenant à l’élite sénégalaise, Ramatoulaye traverse une période douloureuse, celle de la retraite traditionnelle liée à son veuvage, réclusion amère qui devient le récit du livre, celui de sa vie qui, si elle fut lumineuse en certains aspects, contient aussi des ombres indissociables qui alourdissent son regard.
À travers ce récit, c’est aussi l’histoire du Sénégal qui apparaît en filigrane avec ses oppositions et son lot d’absurdité, ses contrastes entre tradition et modernité, entre caste et liberté, entre chien et loup, cet entre-deux monde de la culture nègre et celle dévastatrice et imposante de l’univers occidental qui brouille les cartes et chasse les identités profondes tout en révélant un malaise culturel, héritage de la colonisation et de l’autonomie des Indépendances à reconquérir. Formidable époque d’espérance toutefois où l’unité est clamée comme une évidence. Quelques lignes du livre servent aussi à dénoncer déjà le gaspillage républicain, la corruption vermine prête à se lever pour tout dévaster.
L’importance de l’éducation et du savoir est également une des pierres angulaires du livre, le sacerdoce de Mariama Bâ qui se pose comme une auteure engagée, une philosophe inspirée d’une esthétique littéraire marquée par le bouleversement, par la réflexion faite de lumières, par la compréhension humaine et par l’efficacité.
Femme de lettres, intellectuelle et ayant reçu une éducation traditionnelle et religieuse, Mariama Bâ était aussi une militante de la cause des femmes, dénonçant ardemment la polygamie et le cloisonnement des castes. En deux livres seulement, elle a su dire, de manière sensible et talentueuse, l’essentiel des controverses de notre société. Comment ne pas voir, de façon assez troublante d’ailleurs, à travers les traits de Ramatoulaye, au moyen de sa voix, le combat de Mariama Bâ. En dévoilant ses sentiments intimes, pourtant jamais déplacés, Mariama Bâ touche tous les cœurs et engage une réflexion profonde de la condition des femmes, tout en dessinant la dureté de certains hommes veules.
Il y a aussi dans ce livre des fulgurances poétiques, des métaphores savamment construites qui expliquent sans lourdeur les complexités humaines. La plume de Mariama Bâ est à la fois assurée, pleine et fragile, comme la mère soucieuse qu’incarne Ramatoulaye : « On est mère pour illuminer les ténèbres. On est mère pour couver, quand les éclairs zèbrent la nuit, quand le tonnerre viole la terre, quand la boue enlise. On est mère pour aimer, sans commencement ni fin. » Veuve et refusant une nouvelle union, elle doit assumer toute la charge de son foyer. Ou encore quand elle installe une réflexion ample et vaste de la condition des hommes, de tous les êtres : « Les mêmes remèdes soignent les mêmes maux sous tous les cieux, que l’individu soit noir ou blanc : tout unit les hommes. »
Cette si longue lettre est aussi une parole qui vibre puissamment à travers un verbe immensément beau : « j’aurai autour de moi l’iode et le bleu de la mer. Seront miens l’étoile et le nuage blanc. Le souffle du vent rafraîchira encore mon front. Je m’étendrai, je me retournerai, je vibrerai. »
Voyant approcher la dernière page en refermant le livre, on a un sentiment de tristesse car on a partagé ce destin littéraire et Ramatoulaye est devenue une alliée, comme une sorte de confidente. Ainsi les femmes, toutes les femmes, à travers le regard de Mariama Bâ, incarnent le discernement, la tendresse, la grandeur et portent en elles une lumière incandescente, immortelle qui nous berce comme un chant sacré.
Amadou Elimane Kane est écrivain, poète.
Un chant écarlate, Les Nouvelles éditions Africaines, Dakar, 1981
Une si longue lettre, éditions Le Serpent à Plumes, collection Motifs, Paris, 2001
EXCLUSIF SENEPLUS - Cheikh Anta Diop s’inscrit dans ce que Louis Aragon nommait ‘la rééducation de l’homme par l’homme’, une lutte pour sortir des ténèbres. En Afrique, ces ténèbres furent imposées par le colonialisme et l’esclavage
L’ouvrage le plus connu de Cheikh Anta Diop est Nations nègres et culture. De l'antiquité nègre égyptienne aux problèmes culturels de l'Afrique Noire d'aujourd'hui publié à Paris en 1954.
La falsification de l’histoire
Pour Cheikh Anta Diop (1923 – 1986), l'humanité a pris naissance en Afrique dans la région des Grands Lacs à cheval sur la Tanzanie, l'Ethiopie, le Kenya et la vallée de l'Oromo.
L'Afrique est aussi le berceau de la civilisation. Les premiers Egyptiens qui étaient des Nègres, ont inventé la philosophie, les mathématiques et la médecine. La Grèce est à l'origine de la civilisation occidentale, mais ses plus grands savants (Thalès, Pythagore, Archimède, Platon, Hippocrate ...) sont tous allés puiser leur science dans l'Egypte nègre. Tous ces faits, tient à préciser l'auteur, portent les témoignages des fouilles archéologiques et de grands historiens de l'Antiquité comme Hérodote, Diodore, Strabon, Pline, Tacite. Et de rappeler que l'histoire n'est rien d'autre que découverte d'une vérité oubliée. C’est sans doute pour cela que Hegel a tenu à séparer l’Egypte de l’Afrique.
En dehors des historiens de l’Antiquité gréco-romaine, Cheikh Anta Diop s’est inspiré d’auteurs plus récents, partisans de l’antériorité des civilisations nègres. Ils ont pour noms : Volney (1757 – 1820), Abbé Henri Grégoire (1750-1831), Jean-François Champollion dit Champollion le jeune (1790 -1832), Antênor Firmin (1850-1911), Maurice Delafosse (1870 – 1926), Leo Frobenius (1873 – 1938).
De ces écrits, il ressort que les habitants de l’ancienne Egypte étaient de teint noir et étaient en avance dans les domaines scientifiques et philosophiques. Selon l’Allemand Leo Frobenius, ces Africains étaient civilisés jusqu’à la moelle de leurs os. Il ajoute qu’il ne connaît aucun peuple du Nord susceptible d’être comparé à ‘’ces primitifs’’ en terme de civilisation.
Cheikh Anta ayant lu ces écrits, soutient que le colonialisme a tout fait pour rendre les Africains amnésiques de leur passé : le but est d'arriver, en se couvrant du manteau de la science, à faire croire au Nègre qu'il n'a jamais été responsable de quoi que ce soit de valable, même pas de ce qui existe chez lui… L'usage de l'aliénation culturelle comme arme de domination est vieux comme le monde. Chaque fois qu'un peuple en a conquis un autre, il l'a utilisée. C'est pour les besoins de la colonisation de l'Afrique, « pour lui apporter la civilisation », que l'histoire a été falsifiée... La colonisation politique et économique est indissociable de l’entreprise de colonisation des esprits. Pour justifier la traite négrière et l'oppression coloniale, le thème de l'absence de culture (de l'esprit) chez les Noirs d'Afrique est invoqué (Diop 1954, 3° imp. 1979 : 14).
Cheikh Anta élabore ce livre dans la période 1948-53, en pleine période d’effervescence intellectuelle du Paris de l’après-guerre. Il n’a pas ses habitudes dans les cafés ‘’Flore’’ et ‘’Deux Magots’’ du quarter Saint-Germain-des-près de l’intelligentsia française, plutôt présent dans les bibliothèques pour ses recherches. Alors que les écrivains noirs s’intéressent les uns à la dimension culturelle, les autres à la dimension politique pour émotivement demander l’indépendance, il se met en symbiose sur les deux positions. Si l’Afrique a été colonisée pour lui apporter la civilisation, dans la mesure où il est révélé que la civilisation africaine est antérieure à la civilisation occidentale qui lui est même redevable, c’est tout le socle de la justification de la colonisation qui s’écroule. L’indépendance devient logiquement une exigence historique, cette fois scientifiquement démontrée. Comme il le dit : il ne s’agit pas de se créer de toutes pièces une histoire plus belle que celle des autres de manière à doper moralement le peuple pendant la période de lutte pour l’indépendance nationale, mais de partir de cette idée évidente que chaque peuple a une histoire…Si par hasard notre histoire est plus belle qu’on ne s’y attendait, ce n’est là qu’un détail heureux qui ne doit plus gêner dès qu’on aura apporté à l’appui assez de preuves objectives, ce qui ne manquera pas d’être fait ici (Nations nègres, éd. 1979, t. 1, p. 19).
Lorsqu’il assiste au Congrès des écrivains et artistes noirs en 1956, il a déjà écrit Nations nègres et culture. Cheikh Anta Diop revient sur ces thèses dans des publications ultérieures comme Antériorité des civilisations nègres (1967), Parenté génétique de l’égyptien pharaonique et des langues négro-africaines (1977), et dans son dernier ouvrage Civilisation ou Barbarie. Anthropologie sans complaisance (1981).
Remuements intellectuels autour de Nations nègres et culture
Nations nègres et culture est présenté par Aimé Césaire comme le livre le plus audacieux qu'un Nègre ait jusqu’ici écrit et qui comptera à n’en pas douter dans le réveil de l’Afrique (‘’Discours sur le colonialisme’’,1955, pp. 33/34).
Dans la France coloniale de l’époque, et même dans la France d’après 1960, les thèses de Cheikh Anta sont ressenties comme une onde de choc, comme un séisme psychique. Elles dérangent, donc rencontrent inéluctablement des détracteurs. C’est le sort fait partout dans le monde et à toutes époques de l’histoire à tous ceux qui professent des idées nouvelles. Le phénomène de résistance au changement est tenace et universel.
Les turbulences intellectuelles provoquées par ce livre font penser à cet incendie allumé par les idées, dont parlait Marx dans ses écrits de jeunesse. L’histoire abonde de situations où des porteurs d’idées nouvelles sont traités de fous et persécutés.
Le savant astronome italien Galileo Galilée (1564-1642) en avait fait les frais au 17ème siècle par emprisonnement. Son ‘’crime’’ avait été de reprendre la thèse de l’héliocentrisme développée au siècle précédent par l’astronome polonais Nicolas Copernic (1473 – 1543) selon laquelle la terre tourne autour du soleil. La croyance tenace à l’époque était que c’est le soleil qui tourne autour de la terre.
S’y ajoute en France l’hostilité des nostalgiques de la colonisation et des militants du néocolonialisme. Les écrits d’anthropologues et historiens européens sur l’antériorité des civilisations nègres n’étaient pas très connus, et émanaient de Blancs. On pouvait les ignorer, les classer dans la marginalité. Mais lorsque des écrits plus percutants sur le même thème proviennent d’un Nègre dont on pensait que la capacité intellectuelle était très limitée, c’est une autre histoire. Mais Cheikh Anta a eu la réaction scientifique attendue d’un intellectuel du type idéal.
Lorsqu’en 1970 il est sollicité par le Français René Maheu, directeur général de l’Unesco, pour la rédaction d’une Histoire générale de l’Afrique, il pose des conditions pour sa participation : que l’ouvrage traite de l’histoire ancienne de l’Afrique avec l’origine des anciens Egyptiens, que l’Unesco organise d’abord un Colloque auquel il sera fait appel aux plus grands spécialistes mondiaux de l’égyptologie, qu’ils soient informés deux ans avant pour leur permettre de se préparer, de fourbir leurs armes pour une confrontation scientifique des thèses, et que le colloque se tienne en Egypte même, au Caire.
Le Colloque se tient au Caire du 28 janvier au 3 février 1974, en présence d’une vingtaine de scientifiques d’Amérique (Canada, Etats-Unis), d’Europe, (Finlande, France, Suède), d’Afrique (Egypte, Soudan), de six observateurs et de deux représentants de l’Unesco. Cheikh Anta y vient avec son disciple l’historien congolais Théophile Obenga. Ils y font une grosse impression. Dans le rapport final présenté par le professeur français Jean Devisse, pourtant contestataire des thèses de Cheikh Anta, on peut lire : la très minutieuse préparation des communications des professeurs Cheikh Anta Diop et Obenga n’a pas eu, malgré les précisions contenues dans le document de travail préparatoire envoyé par l’Unesco, une contrepartie aussi égale. Il s’en est suivi un véritable déséquilibre dans les discussions.
Ce qui signifie qu’il n’y a pas eu photo : on sait qui sont les vainqueurs de cette confrontation scientifique.
Leurs présentations argumentées, convaincantes, comme le souligne le rapport final amènent l’Unesco à admettre les racines noires et linguistiques de l’Egypte pharaonique : les anciens Egyptiens étaient de teint noir ; leur langue n’est pas une langue sémitique comme l’arabe ; c’est une langue négro-africaine. Ce qui fait que l’Afrique entre de plain-pied dans l’histoire de l’humanité, contrairement à la thèse du philosophe allemand Hegel qui ne reposait sur aucune base scientifique. L’ouvrage Histoire générale de l’Afrique va être publié en huit volumes à partir de 1980 avec cette nouvelle donne.
Après le Colloque du Caire et la publication de cet ouvrage, on pouvait penser que le débat était clos. Que non ! L’hostilité à l’égard des thèses de Cheikh Anta en France ne connaît pas de répit.
L’Antillais Jean Yoyotte, professeur au Collège de France, présenté comme égyptologue, l’attaque agressivement : Cheikh Anta Diop était un imposteur. Un égyptologue incapable de lire le moindre hiéroglyphe. Son œuvre est nulle, remplie d’erreurs. Il dit tout cela dans une interview avec des propos d’une extrême incohérence. Lui, l’idée d’indépendance des Antilles de ses ancêtres ne l’a jamais effleuré.
L’université française était pourtant bien représentée à ce colloque par Jean Devisse, Jean Vercoutier, Nicole Blanc et Jean Leclant. Aucun de ces éminents spécialistes n’a tenu de tels propos sur Cheikh Anta. Celui-ci troublait leurs convictions antérieures, mais ils le respectaient. Il se trouve seulement qu’il n’est pas aisé pour un professeur au bord de la retraite de remettre en cause ce qui lui a été enseigné et qu’il a lui-même enseigné durant des décennies.
Toute œuvre est sujette à des critiques. Mais pourquoi attendre que l’auteur dont on est contemporain ne soit plus là pour lui adresser des critiques condamnées à être sans réponses de sa part ? Comme le fait cet autre, Alain Froment dans les années 1990 avec son article ‘’Science et conscience : le combat de Cheikh Anta Diop’’, avec ces propos : des préjugés dans la recherche du passé africain ; des procédés discutables ; des affirmations sans preuves ; des concepts ambigus ; la tentation raciste. Cheikh Anta serait un raciste ? L’historienne française spécialiste de l’Afrique Catherine Cokery-Vidrovitch porte à Froment une réplique cinglante dans la même revue Cahiers d'Etudes Africaines, 1992.
Comment se fait-il que ces ‘’éminents égyptologues’’ n’aient pas été invités au Colloque du Caire qui avait réuni les plus grands spécialistes mondiaux de l’égyptologie ? Pourquoi n’ont-ils pas attaqué Cheikh Anta de son vivant ? Pourquoi n’ont-ils pas été aussi irrespectueux à l’égard des scientifiques français qui ont établi que les anciens Egyptiens étaient noirs, remarquablement civilisés et pénétrés de sciences ? Ils n’ont eu que des réactions épidermiques, n’ont lancé que des procès d’intention, prêtant à leur adversaire (ou ennemi) des motivations inavouables.
La démarche scientifique de Cheikh Anta Diop
Après avoir écrit Nations nègres et culture, Cheikh Anta Diop ne prétend pas fermer la porte à des précisions à apporter à cet ouvrage : l’ensemble du travail n’est qu’une esquisse où manquent toutes les perfections de détail. Il était humainement impossible à un seul individu de les y apporter : ce ne pourra être que le travail de plusieurs générations africaines. Nous en sommes conscients et notre besoin de rigueur en souffre : cependant les grandes lignes sont solides et les perspectives justes (p. 29-30, tome 1, ed. 1979).
Il est du devoir intellectuel de ceux qui se considèrent comme ses disciples de répondre à cet appel à s’activer sur ces pointillés qu’il a tracés.
Le substrat préexistant
Cheikh Anta n’a rien inventé. Et il le précise bien dans la préface de la première édition 1954 : Cet ouvrage n’est pas une « invention » de données. L’invention doit être distinguée de la découverte. On invente quelque chose qui n’existait pas, on découvre quelque chose qui existait. Il s’est lui, inscrit dans la découverte. Il n’est pas parti creatio ex nihilo, c’est-à-dire de rien. Il est parti creatio ex materia, c’est-à-dire création à partir d'un substrat préexistant conçu autour de deux éléments : le premier est constitué par les écrits d’auteurs anciens et modernes qu’il cite abondamment en plus des travaux archéologiques. Ces auteurs, historiens et anthropologues n’étaient préoccupés que par le constat scientifique de l’antériorité des civilisations nègres, sans s’impliquer dans la quête d’indépendance des peuples africains colonisés. La vérité scientifique était leur seule motivation.
Le second élément est constitué par les partisans de la thèse ‘’’l’Afrique a été colonisée pour être civilisée’’.
Qui sont ces colonisateurs des esprits ? Cheikh Anta n’en cite qu’un seul : Gobineau, qui n’a fait que disserter sur les thèses négrophobes de ses prédécesseurs pour conclure que les Noirs n’avaient que des dons artistiques. Cheikh Anta ne parle d’ailleurs de Gobineau que lorsqu’il reproche à Senghor de s’être inspiré de celui-ci pour dire que l’émotion est nègre, la raison est hellène. En fait, Senghor avait pastiché Aristote qui disait que la femme est centre d’émotion et l’homme centre de raison.
Les mentors négrophobes de Gobineau comme Montesquieu, Voltaire, Victor Hugo, Albert Sarraut, Jules Ferry, Paul Broca et ses disciples de la Société d’Anthropologie de Paris (SAP) ne sont pas mentionnés dans Nations nègres … même pas dans la bibliographie. C’est en se plongeant dans leurs élucubrations négrophobes qu’on arrive à mieux comprendre le bien-fondé du projet de Cheikh Anta en écrivant ce livre.
La SAP a été créée par Paul Broca comme un laboratoire de ‘’racisme scientifique’’. Elle utilise des méthodes anthropométriques comme la craniométrie avec l’usage d’un goniomètre pour mesurer la taille du cerveau. Elle utilise aussi la phrénologie (science du cerveau) pour établir que les circonvolutions du cerveau du Nègre sont différentes de celles du cerveau du Blanc. Pour démontrer ‘’scientifiquement’’ l’infériorité intellectuelle du Nègre qui est d’une race inférieure.
La SAP créée en 1859 est reconnue d’utilité publique par le ministère de l’Instruction publique qui lui alloue des fonds en plus de ceux de mécènes libéraux intéressés. C’est un instrument utilisé sous la Troisième République pour l’entreprise coloniale de la France avant la Conférence de Berlin de 1885 du partage de l’Afrique.
L’esprit scientifique : Gaston Bachelard
Dans les années 1940, étudiant en philosophie à La Sorbonne, Cheikh Anta a eu comme professeur Gaston Bachelard qui y a enseigné la philosophie de 1940 à 1954.
Les biographies sommaires de Cheikh Anta mentionnent cette étape de son parcours universitaire. Et c’est tout. N’y a t-il pas quelque rapport entre ces cours et les écrits de Cheikh Anta Diop ?
Lorsque Cheikh Anta commence à écrire, Bachelard (1884 – 1962) avait déjà publié trois de ses ouvrages :
- Le Nouvel Esprit scientifique, 1934 ;
- La Formation de l'esprit scientifique. Contribution à une psychanalyse de la connaissance objective, 1938 ;
- La Philosophie du non : essai d'une philosophie du nouvel esprit scientifique, 1940.
Le concept présent dans ces trois ouvrages est ‘’esprit scientifique’’. Il renvoie à la connaissance scientifique objective, avec la qualité qui doit être celle de l’intellectuel chercheur. Mais il peut arriver que celui-ci s’arcboute à ses connaissances antérieures, les jugeant immuables, victime de ce que les psychosociologues appellent ‘’phénomène de résistance au changement’’. C’est parce que, dit Bachelard, l'esprit aime mieux ce qui confirme son savoir que ce qui le contredit. Alors que pour un esprit scientifique, toute connaissance est une réponse à une question. S'il n'y a pas eu de question, il ne peut y avoir de connaissance scientifique. La démarche intellectuelle du chercheur est, dit Bachelard, de sortir l’esprit de l’enfance, rendre à la raison humaine sa fonction de turbulence et d’agressivité. Ce faisant, le chercheur rencontre ce que Bachelard appelle des obstacles épistémologiques (l’épistémologie est la théorie de la connaissance) qui sont durs à éradiquer, car ils ont une consistance psychologique.
Bachelard propose des armes intellectuelles de bombardement de ces obstacles à la connaissance scientifique : rupture, brisure, césure, coupure, fracture. Pour Bachelard l’histoire des sciences ne se fait pas dans la continuité mais dans la discontinuité. En cela, il se distingue de l’autre philosophe français Henri Bergson (1859 -1962) partisan de la continuité. C’est par questionnement, en rectifiant des erreurs qu’on arrive à la connaissance scientifique. C’est la coupure épistémologique qui permet de passer d’un raisonnement à un autre. Il s’agit en fait de régler des comptes avec une conscience philosophique d’autrefois comme disait Marx dans son cas personnel.
Cheikh Anta est parti de ces écrits antérieurs en leur appliquant ce que j’appelle ‘’la méthode Bachelard’’. Le terme esprit fréquent chez Bachelard vient aussi dans les propos de Cheikh Anta qui parle de colonisation des esprits.
Il démonte ainsi le vieux paradigme de la falsification de l’histoire selon laquelle l’Afrique aussi noire que la couleur de ses habitants, plongée dans les ténèbres a été colonisée pour lui apporter la civilisation.
Lorsque le 9 janvier 1960, il soutient, à la Sorbonne, sa thèse de Doctorat d’État ès Lettres L’Afrique noire précoloniale et L’unité culturelle de l’Afrique noire, il met au début du manuscrit cette dédicace :
A mon Professeur Gaston Bachelard, dont l’enseignement rationaliste a nourri mon esprit.
Encore le mot ‘’esprit’’. La dette intellectuelle de Cheikh Anta Diop à l’égard de Gaston Bachelard n’a pas encore été bien mise en évidence. Louis Althusser, Pierre Bourdieu, Michel Foucault avec son livre L’Archéologie du savoir (1989) sont présentés comme des héritiers de Gaston Bachelard. Cheikh Anta Diop doit être ajouté sur la liste au plan de la méthode.
Deux écrits postérieurs à Cheikh viennent ajouter à une meilleure compréhension de Nations nègres et culture.
L’idéologie scientifique : Georges Canguilhem
L’un est celui d’un autre intellectuel français proche de Bachelard dont il se veut le continuateur. Il s’agit de Georges Canguilhem (1904-1962), philosophe, historien des sciences et médecin. Canguilhem propose le terme idéologie scientifique dans un ouvrage de 1977 Idéologie et rationalité dans l'histoire des sciences de la vie. Ce qui déroute dans la mesure où les termes ‘’idéologie’’ et ‘’science’’ sont généralement conçus comme antinomiques, contradictoires.
Canguilhem définit l’idéologie scientifique comme une pensée préscientifique’, qui n’est rien d’autre qu’une aventure intellectuelle antérieure à la science qui elle, se constitue en passant par des exigences méthodologiques. L’idéologie scientifique est ainsi une sorte de proto-science, c'est-à-dire une science non encore arrivée à maturité. Ce qui fait qu’elle est pénétrée par des idées et des valeurs qui lui sont étrangères, mais qui en retour légitiment les pratiques sociales et l'ordre politique et économique.
Ce livre de Canguilhem est publié 17 ans après Nations nègres…, mais il vient en appui à la démarche de Cheikh Anta qui dénonce ceux qui se couvrent du manteau de la science. Ils sont partis du postulat de l’infériorité des nègres pour essayer d’en faire une démonstration scientifique.
On peut ainsi comprendre que la littérature négrophobe et les écrits pseudo-scientifiques de la Société ‘Anthropologie de Paris relèvent de l’idéologie scientifique. Leurs préjugés et leurs convictions sur les Noirs et sur l’Afrique ont été la cible de Cheikh Anta dans une démarche scientifique et non dans une réaction émotionnelle.
D’un paradigme à l’autre : Thomas Kuhn
L’autre écrit qui vient en appui à une meilleure compréhension de Nations nègres et culture est le livre de l’Américain Thomas Samuel Kuhn, historien des sciences, La structure des révolutions scientifiques, 1962.
Le terme paradigme d’origine grecque signifiant modèle ou exemple est remis à l’honneur par Kuhn. Il reconnaît avoir été frappé par le nombre et l’étendue des désaccords entre spécialistes des sciences sociales. Ce qui l’a amené au concept de paradigme. Il définit le paradigme comme ce qui est partagé par les membres d’une communauté scientifique, et la communauté scientifique est constituée par ceux qui partagent un paradigme. Le paradigme est ainsi une certaine façon de penser.
Mais, ajoute Kuhn, lorsque par la suite, un paradigme est confronté à des problèmes qu’il ne peut résoudre, qu’il est contesté, il cède la place à un nouveau paradigme On passe ainsi d’un paradigme à l’autre. Ce que Cheikh Anta a fait.
Cheikh Anta par son parcours universitaire peu commun (Philosophie, Histoire, Linguistique, Mathématiques, Physique, Chimie) ne peut pas comprendre la thèse de l’infériorité intellectuelle du nègre. Combien d’intellectuels occidentaux pouvaient se prévaloir d’un tel background intellectuel ? Il estime qu’il est lui-même le produit d’un héritage ancestral. La condition de l’homme africain est au centre de ses préoccupations. Il l’exprime clairement dans son dernier livre Civilisation ou barbarie de 1981 :
L’Africain qui nous aura compris est celui-là qui après la lecture de mes ouvrages aura senti naître en lui un autre homme, animé d’une conscience historique, un vrai créateur, un Prométhée porteur d’une nouvelle civilisation et parfaitement conscient de ce que la terre entière doit à son génie ancestral dans tous les domaines de la science, de la culture et de la religion.
Cheikh Anta se situe ainsi dans ce que l’écrivain communiste Louis Aragon appelait la rééducation de l’homme par l’homme en le sortant des forces des ténèbres. Dans le cas de l’Afrique, les ténèbres ont été installées par le colonialisme après l’esclavage pour inférioriser l’homme africain.
Sans l’exprimer, Cheikh Anta Diop nourrissait le rêve de voir les jeunes Africains dans leur grande majorité se hisser à la hauteur de la densité intellectuelle pluridisciplinaire qui était la sienne, lorsqu’il leur lançait : Armez-vous de science jusqu’aux dents !
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LA VISION DE CHEIKH ANTA A TRAVERS LES YEUX D’ASSANE DIOP
Cheikh Anta Diop a quitté ce monde il y a 39 ans aujourd’hui. Mais des milliers de jeunes s’identifient encore à son savoir. Assane Diop est l’un d’eux. Il explique l’impact qu’a eu ce brillant intellectuel sur son domaine d’étude.
O. Ndongo, M. Diémé et Pape Abdoulaye Sy (Montage) |
Publication 08/02/2025
Cheikh Anta Diop a quitté ce monde il y a 39 ans aujourd’hui. Mais des milliers de jeunes s’identifient encore à son savoir. Assane Diop est l’un d’eux. Il explique l’impact qu’a eu ce brillant intellectuel sur son domaine d’étude.
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POUR UNE ÉCOLE À LA SÉNÉGALAISE
Abdourahmane Diouf dissèque les maux du système éducatif national. Selon lui, le Sénégal reste prisonnier d'un mimétisme colonial qui l'empêche de construire sa propre voie. Entre héritage culturel et modernité, plongée au cœur d'une révolution attendue
Dans un entretien accordé à l'émission Belles Lignes de Pape Alioune Sarr ce jeudi 6 février 2025, le ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation, Abdourahmane Diouf, livre une analyse approfondie des défis du système éducatif sénégalais et propose une vision de transformation.
Issu lui-même d'une famille traditionnelle où ses parents ne maîtrisaient pas le français, le ministre incarne la réussite de l'école publique sénégalaise d'antan. Il souligne cependant que le système actuel reste prisonnier de son héritage colonial. "Nous n'avons pas d'école sénégalaise comme nous n'avons pas d'université sénégalaise", déclare-t-il, pointant notamment le paradoxe de l'université Cheikh Anta Diop qui, malgré ses 100 000 étudiants, n'enseigne pas suffisamment l'œuvre de son illustre parrain.
Le ministre dénonce un mimétisme culturel qui affecte profondément la société sénégalaise. "Nous voulons être plus arabes que les Arabes, plus français que les Français, en oubliant d'être des Noirs", affirme-t-il, appelant à une reconnexion avec l'identité culturelle sénégalaise.
Sur le plan technologique, Abdourahmane Diouf prône une approche pragmatique. Il cite l'exemple des jeunes réparateurs de téléphones du marché HLM à Dakar qui, sans formation académique, maîtrisent les technologies les plus récentes. Pour lui, cette expertise pratique doit être valorisée et intégrée dans une stratégie nationale de développement technologique.
Le ministre plaide pour un "souverainisme ouvert", conjuguant préservation des intérêts nationaux et coopération internationale. "Nous allons conserver pour nous ce que nous savons faire de mieux, mais là où nous sommes faibles, nous irons chercher l'expertise à travers le monde", explique-t-il.
Concernant les réformes, il insiste sur l'urgence d'adapter le système aux réalités locales, notamment en matière linguistique. Face aux résistances sociétales, il appelle à une prise de conscience collective pour dépasser les préjugés hérités de la période coloniale et construire un modèle éducatif véritablement sénégalais.
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L'HÉRITAGE DE KADDU BEYKAT SE RÉINVENTE
La restitution de la résidence d'écriture Intersections Selebeyoon dévoilera le travail de huit créatrices africaines sous le parrainage de Ken Bugul. Cette soirée du 7 février à la place du souvenir marquera également le début d'un hommage à Safi Faye
(SenePlus) - Le Festival Africain du Film et de la Recherche Féministes (CINEFEMFEST) Gëstu Nataal i Jigeen s'apprête à présenter les résultats de sa résidence d'écriture 2024 lors d'une cérémonie qui se tiendra le 7 février à la place du souvenir africain de Dakar. Cet événement, qui débutera à 16h30, marquera l'aboutissement d'un projet créatif unique rassemblant huit femmes talentueuses du continent africain et de sa diaspora.
La résidence d'écriture Intersections : Selebeyoon, qui s'est déroulée à Toubab Dialaw en octobre-novembre 2024, a réuni un groupe diversifié d'écrivaines, de chercheuses, de commissaires d'exposition, de photographes et de cinéastes. Sous le parrainage de l'écrivaine Ken Bugul, cette initiative a donné naissance à une publication collective qui sera présentée lors de la cérémonie.
L'événement mettra également à l'honneur le cinéma pionnier de Safi Faye avec la projection de son film emblématique "Kaddu Beykat" (Lettre Paysanne). Tourné à Fadial, en pays Sereer, ce film célébrera son cinquantième anniversaire en 2025. Sa pertinence reste intacte alors que le Sénégal s'engage dans un processus de réforme foncière et agraire.
Le festival prévoit une tournée de projection de "Kaddu Beykat" dans les établissements scolaires, les universités publiques et les espaces culturels de Dakar et sa région. Cette initiative vise à faire découvrir l'œuvre de Safi Faye aux nouvelles générations et au grand public. La cinéaste, première Africaine dont les films ont connu une distribution commerciale, a réalisé treize films au total, explorant des thématiques cruciales telles que l'émancipation féminine, l'indépendance économique, la souveraineté et les traditions en pays sérère.
Sa filmographie impressionnante comprend des œuvres marquantes comme "La Passante" (1972), "Revanche" (1973), "Fad'jal Goob na nu" (1979), "Man Sa Yay" (1980), "Les Âmes au soleil" (1981), "Selbé et tant d'autres" (1982), jusqu'à son dernier film "Mossane" (1996).
Le CINEFEMFEST avait déjà rendu hommage à Safi Faye lors de son édition 2023, soulignant son rôle de pionnière dans le cinéma africain. Pour plus d'informations sur le festival et ses activités, les organisateurs invitent le public à consulter le site web cinefemfest.com ou à les contacter directement à l'adresse cinefemfest@cinefemfest.com.
Cette initiative s'inscrit dans une démarche plus large de valorisation et de préservation du patrimoine cinématographique féministe africain, tout en encourageant l'émergence de nouvelles voix créatives sur le continent.
DES DISCIPLES DE CHEIKH ANTA DIOP RÉCLAMENT SES ŒUVRES À L’ÉCOLE
Venus de plusieurs pays d’Afrique, des participants ont pris part à la Marche internationale de l’Unité africaine, de Dakar à Thiaytou, en hommage au professeur Cheikh Anta Diop. Selon Nicolas Boissy, l’héritage du savant doit être valorisé.
Ils ont été nombreux, venus de pays d’Afrique pour participer à la marche annuelle de Dakar à Thiaytou en l’honneur du professeur Cheikh Anta Diop. La Marche internationale de l’Unité africaine, qui s’est déroulée du 1er au 5 février 2025 a été l’occasion pour les marcheurs de faire un plaidoyer pour l’introduction des œuvres du parrain de l’UCAD dans le système scolaire.
Selon le coordonnateur de la marche, Nicolas Boissy, «ce dernier pharaon, Cheikh Anta Diop, a beaucoup fait pour l’Afrique, il a travaillé corps et âme pour redonner à l’Afrique ses valeurs. Nous avons constaté que l’Afrique ne lui a pas rendu la monnaie. Les œuvres de cet homme sont en train d’être rangées dans les tiroirs. Quand on discute avec nos amis de la sous-région, ce sont eux qui expliquent le Cheikh ».
«Cette marche nous permet de réclamer l’introduction des œuvres de Cheikh Anta dans le programme scolaire. Il faut que l’Etat pense déjà à ce projet. Nous avons cette année le Grand Théâtre national Doudou Ndiaye Coumba Rose de Dakar comme partenaire», dit-il.
La marche a duré 5 jours pour parcourir 154 km en 5 étapes: Dakar-Bargny, Bargny-Thiès, Thiès-Khombole, Khombole-Bambey et Bambey-Thiaytou.
LE NOUVEAU LAUREAT DU GRAND PRIX DU CHEF DE L’ÉTAT POUR L’ENSEIGNANT CONNU
Bara Mbengue, professeur de lettres, histoire et géographie au collège d’enseignement moyen (CEM) de Louga commune, a remporté jeudi la 3ème édition du Grand Prix du chef de l’État pour l’enseignant avec »une note exceptionnelle de 98,5/100 »...
Bara Mbengue, professeur de lettres, histoire et géographie au collège d’enseignement moyen (CEM) de Louga commune, a remporté jeudi la 3ème édition du Grand Prix du chef de l’État pour l’enseignant avec »une note exceptionnelle de 98,5/100 », selon le jury.
L’annonce a été faite devant le chef de l’Etat, Bassirou Diomaye Faye, venu présider cette cérémonie de remise de prix au Grand Théâtre Doudou Ndiaye Coumba Rose de Dakar, en présence des partenaires du secteur et des familles des acteurs du secteur.
Bara Mbengue, qui peut se prévaloir de 19 ans d’expérience dans l’enseignement public, a été choisi parmi ses pairs pour son »assiduité, sa rigueur et son engagement envers ses élèves, qu’il encadre gratuitement en dehors des heures de classe ».
« Réputé pour sa ponctualité, il démarre systématiquement ses cours à 7 heures du matin, suscitant respect et admiration au sein de la communauté éducative », selon les membres du jury.
Bara Mbengue, tout aussi investi dans l’amélioration des pratiques pédagogiques, est un acteur clé de la cellule d’animation pédagogique de l’établissement au sein duquel il exerce.
Il a produit plusieurs fascicules et fiches de lecture destinés aux élèves de 4e et 3e, et animé des émissions éducatives, notamment consacrées à l’œuvre de l’écrivaine Mariama Ba »Une si longue lettre » et la rédaction de la dissertation en classe de 3e durant la pandémie de COVID-19.
Les autorités administratives et scolaires saluent « son professionnalisme, son ouverture d’esprit et son engagement constant pour la réussite de ses élèves ».
Ce prix vient récompenser « un enseignant modèle, dont le travail et la détermination contribuent au rayonnement du système éducatif sénégalais ».
Bara Mbengue est également élevé au grade de chevalier de l’Ordre national du Lion. Il remporte, avec ce prix, un chèque d’un montant de 20.000.000 de francs CFA.
Deux prix d’encouragement ont été attribués à Momath Kébé professeur d’enseignement secondaire en service au lycée Diagane Barka, inspection académique de Fatick .
Le second prix d’encouragement revient à Amadou Lamine Mané qui lui aussi est professeur d’enseignement secondaire au lycée Nguidilé de Louga. Ils reçoivent chacun un montant de 5.000.000 francs CFA.
Le Grand Prix du chef de l’État pour l’enseignement a été institué par décret le 27 avril 2017, lequel a été abrogé et remplacé par un autre le 19 mars 2020, dans le cadre de la politique de revalorisation de la fonction enseignante.
Une distinction destinée à récompenser un enseignant »craie en main » dont les »qualités humaines et professionnelles, le dévouement au travail et l’exemplarité dans l’exercice de son métier et dans son comportement au sein de la communauté méritent d’être loués et portés à la connaissance de tous », selon le ministère de l’Education nationale, maître d’œuvre de la cérémonie.
DES ŒUVRES DE CHEIKH ANTA DIOP DANS LE PROGRAMME SCOLAIRE
Ils sont plus d'une trentaine de marcheurs à effectuer le trajet Dakar-Thiaytou, sur une distance de 154 km. Cette 11e édition de la Marche internationale de l'Unité africaine, s'inscrit dans le cadre de la célébration du décés de Cheikh Andta Diop
Ils sont plus d'une trentaine de marcheurs à effectuer le trajet Dakar-Thiaytou, sur une distance de 154 km. Cette 11e édition de la Marche internationale de l'Unité africaine, s'inscrit dans le cadre de la célébration de l'anniversaire du rappel à Dieu de Cheikh Anta Diop.
La Marche internationale de l'Unité africaine s'est déroulée du 1er au 5 février 2025. La localité de Gawane a été la dernière étape de cette marche. Nicolas Boissy, le coordonnateur de la marche, explique : «nous organisons chaque année cette marche internationale. Les marcheurs se sont engagés. Ce dernier pharaon, Cheikh Anta Diop, a beaucoup fait pour l'Afrique ; il a travaillé corps et âme pour redonner à l'Afrique ses valeurs. Nous avons constaté que l'Afrique ne lui a pas rendu la monnaie. Les œuvres de cet homme sont entrain d'être rangés dans les tiroirs. Quand on discute avec nos amis de la sous-région, ce sont eux qui expliquent le Cheikh. C'est la raison pour laquelle nous organisons, chaque mois de février, une marche africaine pour rendre hommage à Cheikh Anta Diop. Cette année, on a un frère béninois, une sœur congolaise. Il y avait une délégation du Burkina Faso en 2024 et une délégation du Mali en 2023».
Les marcheurs ont parcouru 154 km à pieds, divisés en 5 étapes. «Il s'agit d'abord de l’étape Dakar-Bargny, Bargny-Thiès, Thies-Khombole, Khombole-Bambey et Bambey-Thiaytou. Nous prenons notre temps pour expliquer aux gens les objectifs de cette marche», précise M. Boissy. Et il poursuit : «Cette marche nous permet de réclamer l'introduction des œuvres de Cheikh Anta dans le programme scolaire. Il faut que l'Etat pense déjà à ce projet. Nous avons cette année le Grand Théâtre national Doudou Ndiaye Coumba Rose de Dakar comme partenaire».
La maison de Cheikh Anta Diop en gestation
Le coordonnateur de la marche déclare, par ailleurs, que lors de la conférence, il y a eu une levée de fonds pour la construction de la maison appelée Keur Cheikh Anta. «Les habitants nous ont offert un terrain que nous envisageons de construire pour accueillir les pèlerins. Ces locaux seront équipés de bureaux, de bibliothèque», indique-t-il.
Le Directeur général du Grand Théâtre, Ansoumana Sané, s'engage à accompagner ses marcheurs. Selon lui, «ils ont un gouvernement panafricain. Le projet d'introduction des œuvres de Cheikh Anta sera transmis aux autorités compétentes», a-t-il conclut. Le «12ème Gaïnde» était aussi de la marche.