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3 décembre 2024
Culture
par Makhtar Diouf
SÉNÉGAL, LES ETHNIES ET LA NATION
EXCLUSIF SENEPLUS - Des propos à relents ethnicistes tenus ces derniers temps dans le pays me poussent à une revisite de la question ethnique, avec cet article du titre éponyme de mon livre publié en 1994
En 1994, j’ai publié un ouvrage intitulé Sénégal : Les ethnies et la nation. Des propos à relents ethnicistes tenus ces derniers temps dans le pays me poussent à une revisite de la question ethnique, avec cet article du même titre. Un parallèle s’impose ici entre le Sénégal et d’autres pays.
Problématique de l’État-nation
‘’État-nation’ procède de la juxtaposition des deux termes ‘’État’’ et ‘’nation’’. La nation est un concept psychoculturel difficile à saisir. Ce qui donne lieu à des compréhensions différentes.
Les deux conceptions de la nation qui s’imposent encore dans les sciences sociales sont celle du philosophe allemand J. G. Fichte relayé par G.W. Hegel, et celle de l’écrivain français Ernest Renan.
Dans un texte de 1807, ‘’Discours à la nation allemande’’, Fichte fonde la nation sur le critère de la naissance et de la culture englobant la langue. Cette conception repose sur la racine latine du terme ‘’nation’’ (‘’natus’’ qui renvoie à ‘’naissance’’). Ce qui a été à l’origine de l’idéologie du pangermanisme prônant le regroupement de tous les locuteurs de langue allemande dans un même État. C’est de là qu’est parti Hitler pour annexer les régions d’Europe frontalières de l’Allemagne abritant des locuteurs allemands, et asseoir sa thèse de la supériorité de la ‘’race aryenne’’ qui a conduit à l’holocauste (extermination des Juifs). Cette conception de la nation véhicule l’ethnicisme, terreau des conflits ethniques.
Ernest Renan, dans un discours prononcé à La Sorbonne le 11 mars 1882, ‘’Qu’est-ce que la nation ?’’, met en avant le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l'héritage qu'on a reçu. Et de préciser que l'homme n'est esclave ni de sa race, ni de sa langue, ni de sa religion. Cette conception de la nation favorise la cohabitation paisible entre groupes ethniques et confessionnels.
L’ethnie, parfois appelée ‘’nationalité’’ ou ‘’communauté’’ est un sous-ensemble de la nation. C’est une collectivité d’individus qui se considèrent appartenant à un même groupe qui s’identifie par la culture dont la langue. Une tradition dont l’origine remonte à un ancêtre commun réel ou mythique.
La nation dans ses différentes composantes constitue l’infrastructure qui porte l’État, comme une fondation porte un bâtiment. Pourtant, il peut arriver que les termes ‘’État’’ et ‘’nation’’ soient confondus. L’Organisation des Nations Unies est en réalité une organisation d’États et non de nations. Il existe actuellement dans le monde moins de 200 États, mais plus de 3000 groupes ethniques ou nationalités.
Quand l’Europe ne donne pas l’exemple
Dans l’anthropologie coloniale, les groupes culturels linguistiques d’Afrique n’étaient que des tribus. Pourtant, tribu ou ethnie, de ce point de vue, l’Europe est loin de pouvoir donner la leçon.
Le Royaume-Uni regroupe l’Angleterre, l’Écosse, le pays de Galles, et l’Irlande du Nord qui sont des ‘’home nations’’. Depuis 1998, l’Écosse et le pays de Galles ont leur propre parlement et leur propre gouvernement avec Premier ministre. C’est un peu le cas en Espagne avec les Catalans (région de Barcelone) et les Basques, dotés du statut de ‘’communauté historique’’.
Le sport, le football surtout, y constitue un révélateur insoupçonné de l’ethnicisme, pour ne pas dire du tribalisme, conflit entre l’État et la nation.
Au Royaume-Uni, lors des matches de rugby ou de football entre l’Angleterre et l’Écosse, les supporters écossais conspuent l’hymne national God save the Queen pour chanter leur propre hymne Flower of Scotland. Les Anglais le trouvent agressif, mais la fédération écossaise de rugby l’a entériné.
Ces mêmes supporters écossais sont unis contre les Anglais, mais profondément divisés entre eux au plan confessionnel. Les deux plus grands clubs de football d’Écosse, Celtic Glasgow et Glasgow Rangers sont le premier catholique, le second protestant. Les rencontres entre les deux clubs ont souvent été émaillées de violences, jusqu’à morts d’hommes. C’est la guerre de religions catholiques contre protestants de l’Irlande du Nord qui y a été transposée dans le sport.
En Espagne, une particularité de l’Atletico Bilbao qui joue dans le championnat avait été de n’évoluer qu’avec des joueurs basques. Au FC Barcelone, la plupart des joueurs espagnols sont catalans. Les rencontres, le classico, entre le FC Barcelone et le Real Madrid ne sont vues du côté des Africains qui les suivent à la télévision que du seul côté sportif. En réalité, le classico est un phénomène ethnico-politique qui plonge ses racines dans l’histoire de l’Espagne. Le Real Madrid, club de la capitale est le symbole de la royauté et de l’État (le général dictateur Franco en était un fervent supporter), tandis que le FC Barcelone est le symbole de la résistance catalane contre l’hégémonie de la communauté autonome de Madrid, pour l’indépendance.
En France, les habitants de Perpignan, se considérant comme Catalans, supportent le FC Barcelone même rencontrant un club français en Coupe d’Europe. Pour ne rien dire de l’hostilité vivace entre Flamands et Wallons en Belgique.
L’exception sénégalaise
C’est un petit pays d’Afrique de l’Ouest, le Sénégal, qui donne la leçon au reste du monde, avec sa vingtaine de groupes ethniques. Il est intéressant de reproduire les témoignages de deux observateurs étrangers qui lui confèrent le statut d’État-nation.
Pour Françoise Flis Zonabend (Lycéens de Dakar, 1968),
La société sénégalaise se caractérise par une homogénéité fondamentale des ethnies qui la composent … Ce fait assez exceptionnel dans l’Ouest africain mérite d’être souligné.
L’homme d’Église le Père Henri Gravrand qui a vécu dans le pays depuis 1948, dans son ouvrage La civilisation Sereer. Pangool, 1990, déclare être parvenu à deux découvertes : la première est l’unité nationale du Sénégal fondée sur la parenté des différentes ethnies ; la seconde est que la nation sénégalaise était en gestation depuis très longtemps :
Depuis huit ou neuf siècles, il n’y a qu’un seul peuple sénégalais, plus uni par les liens de la biologie et de la culture que certains peuples d’Occident.
La conception de la nation de Renan correspond bien à la situation du Sénégal. Lors des premières années 1960, le journal parlé de Radio-Sénégal commençait toujours avec ce propos : La nation est un commun vouloir de vie commune.
Le conflit casamançais n’a pas mis une ride à cette situation. Le conflit est politique et non ethnique. On n’a jamais vu de batailles rangées entre groupes ethniques de Casamance et d’autres groupes ethniques du pays. Comme c’est le cas dans les pays où le conflit est ethnique.
Lors d’une Conférence internationale sur ‘’Ethnicité et Citoyenneté’’ à Tripoli en 1989, un Burundais représentant l’OUA me demande de lui expliquer la parenté à plaisanteries du Sénégal. Je lui donne l’exemple d’un Hal pulaar et d’un Sereer, chacun disant à l’autre ‘’tu es mon esclave’’ en riant. Ebahi, il me dit qu’au Burundi ou au Ruanda, entre un Hutu et un Tutsi, si l’un dit à l’autre ‘’tu es mon esclave’’, à la minute il y a un cadavre par terre.
Tukuloor jaamu Sereer.
C’est ça le Sénégal ! Que des énergumènes aventuriers de tout poil ne viennent pas ébranler cet édifice d’harmonie ethnique et confessionnelle que le monde entier admire et nous envie !
AMADOU MAHTAR MBOW, UNE VIE, DES COMBATS
Dans cette biographie, pour la collection Figures, Hamidou Anne, jeune auteur de talent, dresse le portrait d’un « patriarche » engagé pour la construction de la nation sénégalaise et pour l’achèvement du projet panafricaniste
« La vie d'Amadou Mahtar Mbow est un roman, un essai politique, une poésie de l'humain et un traité de vie. ». Cette vie, qui se confond avec la trajectoire de notre pays, fascine, tant l’homme a assumé divers rôles et positions à travers lesquels il n’a cessé de prôner l’humanisme et l’émancipation sociale.
Enseignant, soldat, militant politique, diplomate et icône nationale, Amadou Mahtar Mbow est une personnalité majeure de l’histoire contemporaine du Sénégal, et plus largement de l’Afrique, continent auquel il a dévoué sa vie et ses combats.
Dans cette biographie, pour la collection Figures, Hamidou Anne, jeune auteur de talent, dresse le portrait d’un « patriarche » engagé pour la construction de la nation sénégalaise et pour l’achèvement du projet panafricaniste, à travers l'éducation, la souveraineté, la justice et l’amitié entre les peuples.
Hamidou Anne est né en 1983 au Sénégal. Ancien élève de l’ENA, il vit et travaille à Dakar. Co-auteur de l’ouvrage collectif Politisez-vous ! (United Press, 2017), il a aussi publié Panser l’Afrique qui vient ! (Présence Africaine, 2018).
« Vives Voix a choisi d’interroger le patrimoine immatériel de nos territoires africains par la mise en exergue de ces personnalités marquantes qui ont mêlé de façon inextricable leur histoire à celle du continent. Ces noms, que la collection « Figures » honore, évoquent tous quelque chose aux enfants d’une certaine génération. Ils résonnent en nous avec fierté, souvent sans connaître les raisons véritables, les positions prises et assumées qui ont dessiné les contours du monde dans lequel nous vivons. Cette collection interroge ces vies qui traversent des époques et des lieux, met une lumière différente sur ces personnes-marqueurs qui ont ancré leurs actions dans un monde afin de toujours le rendre meilleur. Que ces Figures nous inspirent !
Prix : 10 000 FCFA, en vente à Dakar
Les Editions Vives Voix : Basée à Dakar, Vives Voix a précédemment publié les Beaux-Livres Dakar Emoi , Dakar l’Ineffable raconté par Oumar Ndao, Musique Sénégalaise, Simb , entre autres
Dans la collection « Figures », vient de paraître la biographie Germaine Acogny, Danser l’humanité de Laure Malécot.
LES LUTTEURS REPARTENT AU COMBAT APRÈS UN AN DE DISETTE
Le plus attendu des cinq combats à l'affiche opposera deux stars: "Eumeu Sène" et "Lac 2". Il s'agit d'un choc comme "il n'y en n'a pas eu depuis des années" et qui "va redonner du courage aux Sénégalais", selon Gaston Mbengue
"Maman, prie pour nous": sur un terrain de sable de la banlieue de Dakar, dix costauds entonnent en trottinant le chant en wolof qui marque le début de l'entraînement… Après un an d'interruption à cause du coronavirus, les lutteurs sénégalais se préparent à retourner au combat.
La lutte sénégalaise, dont les origines remontent aux cérémonies célébrant la fin des récoltes dans les ethnies sérères et diolas, est extrêmement populaire dans ce pays d'Afrique de l'Ouest.
La vie s'arrête pratiquement lors des grandes confrontations, annoncées des semaines à l'avance par des affiches et des spots publicitaires.
Et lorsqu'un combattant, le pagne ceint autour de la taille, renverse son adversaire, les cris des supporters rivés à leur poste de télévision s'élèvent des maisons, comme lors des matches de l'équipe nationale de football, seule peut-être à rivaliser avec les rois de l'arène dans le coeur des Sénégalais.
L'arrivée du Covid-19 il y a un an a stoppé net la pratique professionnelle: plus de combats ni d'entraînements collectifs.
Mais tout cela est du passé: sous l'effet d'une grave crise politique, les principales restrictions ont été levées mi-mars et les compétitions sont en train de reprendre.
- Un choc devant 10.000 personnes -
Ce dimanche, certains des colosses les plus adulés feront leur retour dans l'Arène nationale de Pikine, le temple de la discipline, à une dizaine de kilomètres du centre de Dakar.D'une capacité de 20.000 spectateurs, l'enceinte ne devrait en accueillir que la moitié.
Le plus attendu des cinq combats à l'affiche opposera deux stars: "Eumeu Sène" et "Lac 2".
Il s'agit d'un choc comme "il n'y en n'a pas eu depuis des années" et qui "va redonner du courage aux Sénégalais", assène le promoteur vedette, Gaston Mbengue.
A quelques jours de l'échéance, à Petit-Mbao, dans la grande banlieue de la capitale, Emeu Sène (Mamadou Ngom de son vrai nom) s'entraîne au bord de l'océan avec des lutteurs qui, comme lui, sont connus par leurs surnoms évocateurs: "John Cena", "Tyson 2" ou "Building".
Torse et mains nues, ils s'empoignent, se poussent et tentent de se faire tomber dans le sable, jusqu'à ce que l'appel à la prière interrompe subitement la séance.
A 42 ans et fort de ses 120 kg, Eumeu Sène rêve de retrouver le prestigieux titre de "Roi des arènes" qu'il avait conquis en 2018 et perdu l'année suivante.Une victoire dimanche contre Lac 2 lui donnerait ses chances de récupérer son trône dans un an ou deux.
"Ce combat est d'une importance capitale pour moi.Ma carrière en dépend, je ne dois pas le perdre", dit-il à l'AFP.
- Pratiques mystiques -
Pour vaincre son adversaire, la "préparation mystique" revêt une importance capitale, soulignent amateurs et spécialistes.
Pour éviter le "maraboutage" (mauvais sort), pratiquement plus personne ne peut approcher Eumeu Sène dans les jours qui précèdent le combat.
"On est très prudent par rapport aux étrangers", explique Khalifa Ababacar Niang, le patron de l'écurie Tayshinger qui compte Eumeu Sène dans ses rangs.
"On aurait beau s'entraîner, on peut te faire des choses qui te rendent paresseux, qui brisent ton envie ou te donnent le tournis", ajoute M. Niang.
Dans le stade, avant de s'empoigner, les combattants, portés par les chants des griots, suivent un long et minutieux rituel, au cours duquel ils s'enduisent entièrement le corps de "liquide magique". Ils ont noué d'indispensables grigris à leur taille, autour des poignets et des biceps ou des chevilles.
Le secteur de la lutte espère que la reprise des combats permettra de tourner définitivement la page de la "saison blanche" 2020, au cours de laquelle les 8.000 affiliés de l'Association nationale de lutte ont dû trouver d'autres sources de revenus.
Jeune espoir de 22 ans aux cheveux teints en blond, Ngarafe Ndiaye, que l'on surnomme le "Fils de Sadio" ou "le gosse", s'est mis à vendre des téléphones depuis le début de la pandémie.Il espère qu'un jour, il vivra de la lutte."Mais actuellement, il me faut un autre boulot pour m'en sortir".
par Hamidou Anne
LE SÉNÉGAL EST LE PAYS DE DIEU
Quel pays au monde peut se vanter d’avoir eu une opposition entre deux figures intellectuelles et politiques, Senghor et Cheikh Anta, qui ont chacune atteint l’universel ? Le spectacle d’effondrement moral que nous offrons ne nous honore pas
Une amie d’amis, ouest-africaine, a dit récemment du Sénégal à propos des dernières émeutes : « Si ce pays en est là, c’est qu’il n’y a plus rien à attendre de l’Afrique. » Le Sénégal est un grand pays. Nous avons toujours illuminé le chemin du continent par la culture et les humanités. Ce statut est gage de fierté, mais appelle aussi à une exigence dans la préservation de la paix et la poursuite du chemin vers l’universel.
Notre histoire et notre géographie font de nous un pays d’exception. Les Sénégalais, par conséquent, doivent se ressaisir, car le spectacle d’effondrement moral que nous offrons ne nous honore pas. Le Sénégal contemporain est le legs de plusieurs générations de monuments, qui ont bâti ce pays dans le sang, la sueur et le culte du dépassement de soi, au profit de quelque chose qui nous dépasse. Quel pays au monde peut se vanter d’avoir eu une opposition entre deux figures intellectuelles et politiques, Senghor et Cheikh Anta, qui ont chacune atteint l’universel ? A l’indépendance nous avons eu le plus grand président d’Afrique. Il était issu, ainsi que le rappelle souvent mon ami le poète Hamidou Sall, d’une minorité ethnique et religieuse, mais a dirigé notre pays pendant vingt-ans avec le soutien des plus grandes confréries musulmanes. Amadou Lamine Sall, poète de la possession, disait : « Notre pays a été créé par un poète. Ça laisse des traces. » Relisons Malraux, qui dit en 1966, à Dakar, lors du premier Festival mondial des Arts nègres : « Nous voici donc dans l’Histoire. Pour la première fois, un chef d’État prend dans ses mains périssables le destin spirituel d’un continent. Jamais il n’était arrivé, ni en Europe, ni en Asie, ni en Amérique, qu’un chef d’État dise de l’avenir de l’esprit : nous allons, ensemble, tenter de le fixer.»
Pays de lettrés, de personnes raffinées, de gens civilisés, d’hommes et de femmes d’ouverture et de tolérance, le Sénégal est connu pour son art de vivre qu’il a enveloppé dans ce mot délicat qu’est Teranga. Ils sont nombreux, les hommes d’État, officiers et penseurs d’autres pays à avoir fait leurs humanités entre le Prytanée militaire et l’université de Dakar. Quand un politique, un intellectuel ou un artiste engagé fuyait la persécution dans son pays, il venait se réfugier dans la chaleur de Dakar. Ce pays, qui offre eau et nourriture au visiteur avant de lui demander son patronyme, ne peut avoir comme propos pour les étrangers « Dégage ». Nous sommes la Nation qui a donné gîte, couvert et scolarité à une génération d’Haïtiens quand leur pays a failli être rayé de la carte du monde par le séisme de 2010.
Nous sommes le pays du Festival mondial des arts nègres, tenu six ans après l’indépendance, et qui demeure la plus grande manifestation culturelle jamais organisée en Afrique.
Nous sommes, par le dialogue islamo-chrétien érigé au rang d’art de vivre, le pays qui détient la réponse aux crises religieuses qui sévissent dans le monde. Nous sommes l’allié le plus constant du peuple palestinien alors qu’Israël a une ambassade à Dakar. Joal-Fadhiouth, Poponguine, Cabrousse ; Gaston Berger, le couple Lemoine, Abbé Jacques Seck ; notre cousinage à plaisanterie, notre laïcité ouverte sont autant de solutions symboliques et matérielles aux convulsions identitaires du monde. Il faut aller au Nigeria et voir la place qu’y occupe la figure de Baye Niass pour davantage se convaincre de l’importance de notre pays en matière d’Islam des lumières, tolérant et empreint de la mystique du savoir.
Aujourd’hui la République, la Nation et l’État sont victimes de diverses menaces. L’hiver est là, porteur de nuages de doutes pour le Sénégal. Les discours violents et arides d’idées foisonnent menaçant de saper la concorde nationale. Il faut faire face aux entrepreneurs de l’identité étriquée par un sursaut républicain afin de préserver la Nation ; cette Nation qui sacralise les savants et élève la culture au rang de priorité. C’est par la culture que bat le cœur de notre Nation. Avec l’éducation, elle est la deuxième mamelle de notre grande histoire. Le seul fait d’être contemporain de cette période d’abaissement national nous rend coupable, tellement notre pays est devenu banal. Mais je ne veux pas totalement désespérer de ce grand pays. Je souhaite qu’émergent à nouveau les bâtisseurs d’une humanité réinventée et ouverte aux murmures féconds et fertiles du monde. Il nous faut achever ce cycle et rendre au Sénégal sa grandeur, sa flamme qui illumine l’Afrique.
Par les ancêtres qui habitent la cour du roi d’Oussouye ; par Notre-Dame de la Délivrance, que notre pays se ressaisisse et renoue avec son glorieux passé ! Car « nous sommes le pays de Dieu », comme me le soufflait élégamment mon ami Abdoul Aziz Diop, pour conclure notre dernière conversation.
JE NE VOIS MÊME PLUS LA QUEUE DU DIABLE POUR LA TIRER
Victime d’une attaque cardiovasculaire, Habib Diop dit Baye Ely, artiste comédien, dans un entretien accordé à l’Obs, est revenu sur sa maladie.
Victime d’une attaque cardiovasculaire, Habib Diop dit Baye Ely, artiste comédien, dans un entretien accordé à l’Obs, est revenu sur sa maladie. Il a indiqué qu’il respecte ses rendez-vous médicaux et les séances de massage et il se porte mieux. Cependant, il reconnait que rester cloué au lit n’est pas chose facile pour quelqu’un qui était hyperactif. Mais, il s’en remet à Dieu : « la vie est faite de hauts et de bas ».
Toujours dans son entretien avec l’Obs, il a fait savoir que ses activités professionnelles lui faisaient gagner de quoi subvenir aux besoins de sa famille mais, précise-t-il : « Depuis un an, je ne vois même pas la queue du diable pour la tirer. Pis, je n’ai aucun soutien pour la prise en charge médicale ». Poursuivant, il ajoute : « J’avoue que les sénégalais ne m’ont pas rétribué à hauteur de tout ce que j’ai donné. La présence de ma famille est réconfortante ».
A l’en croire, mis à part la première Dame, Marième Faye Sall, Ngoné Ndour, Seune Sène, les ministres de la Culture et de la Santé ainsi qu’une organisation caritative basée en Allemagne, personne ne l’a aidé.
LE GRAND THEATRE INAUGURE SON STUDIO
Le nouveau studio d’enregistrement qui vient d’être inauguré au Grand Théâtre est partie intégrante de la Fabrique artistique, culturelle et citoyenne (Facc).
Le nouveau studio d’enregistrement qui vient d’être inauguré au Grand Théâtre est partie intégrante de la Fabrique artistique, culturelle et citoyenne (Facc). Ce projet, développé en collaboration avec la France, vise à pousser les jeunes évoluant dans les industries culturelles créatives à se créer une activité économique.
Le Grand Théâtre Doudou Ndiaye Coumba Rose dispose désormais d’un studio d’enregistrement. Celui-ci a été inauguré vendredi dernier au cours d’une cérémonie en présence du directeur du Grand Théâtre, Ansoumane Sané, et des partenaires que sont l’Institut français et l’ambassade de France. Ce studio vient appuyer les rappeurs et les slammeurs qui ne disposent pas de moyens pour valoriser leur talent. «C’est dire que c’est une opportunité qu’il offre à toute la jeunesse, particulièrement à cette jeunesse un peu désœuvrée qui est dans les coins les plus reculés et qui ne bénéficie pas de l’attention de l’autorité», se félicite le directeur du Grand Théâtre qui souligne que c’est un projet qui vient à son heure à un moment où on parle d’emploi pour la jeunesse. Pascal Moulin, directeur de l’Institut français de Dakar, apprécie ce projet qui, selon lui, est «en maturité et en construction régulière».
Soulignant que le Grand Théâtre lui sert de cadre, M. Moulin y voit «un geste très fort, très symbolique à destination de la jeunesse à qui il offre des débouchées dans les Industries culturelles et créatives» . Ce studio est partie intégrante de la Fabrique artistique, culturelle et citoyenne (Facc) dont le coordonnateur, El Hadji Kane, dispose de deux volets, un volet professionnel et un volet social. «Nous ne faisons pas dans la commercialisation. Pour vous dire, de 2019 à 2020, nous avons produit une vingtaine d’artistes sénégalais. Nous l’avons fait avec le soutien de nos partenaires. C’est la promotion de la jeunesse, de la jeunesse créative», dit El Hadji Kane qui renseigne que de jeunes danseurs de hip-hop, des cultures urbaines ont été produits dans le cadre du projet. «Les cultures urbaines et le hip-hop sont aujourd’hui des musiques et des danses actuellement écoutées partout», dit Yan Gild, promoteur du projet qui explique que la Facc «est née dans des quartiers populaires en France, des endroits de relégation, de discrimination et des endroits de gros dynamisme».
Logé au Grand Théâtre, la Facc vise à pousser les jeunes à créer leur métier, leur activité économique. «La pratique artistique est structurante», dit M. Gild qui informe que des rappeurs vont être signés par le label Factory qui est une vraie expérience concrète de production professionnelle à dimension économique. «Nous travaillons avec des jeunes qui ont été incarcérés. Si à travers la Facc, Strasbourg, Marseille, Dakar, nous arrivons à montrer un modèle de coopération à égalité civilisationnelle, à égalités sociale, économique et culturelle, nous allons mettre une belle pierre à notre jardin commun», dit-il.
DECES DE MAKENA DIOP
Auteur, interprète, metteur en scène et conteur, Oumar Diop Makena est mort hier à Dakar. Artiste au talent reconnu, il compte à son palmarès plusieurs prix d’interprétation, obtenus pour les rôles qu’il a incarnés au cinéma.
Auteur, interprète, metteur en scène et conteur, Oumar Diop Makena est mort hier à Dakar. Artiste au talent reconnu, il compte à son palmarès plusieurs prix d’interprétation, obtenus pour les rôles qu’il a incarnés au cinéma.
L’artiste interprète, metteur en scène et auteur Oumar Diop Makena est mort hier à Dakar. Sorti du Conservatoire national de théâtre, danse et art dramatique de Dakar en 1976, son visage n’est pas inconnu des cinéphiles. Makena Diop a en effet tenu de grands rôles au cinéma. Certains lui auront même valu des récompenses. Son interprétation du rôle principal dans O Heroi de Zeze Gamboa lui a valu le Prix d’interprétation au Festival de Bruxelles en 2003, le rôle de Kéba dans La grève des battu de Cheikh Omar Cissoko lui vaut le Prix d’interprétation du meilleur acteur masculin au Fespaco 2001. Dans Toubab bi de Moussa Touré, il incarne le rôle principal et reçoit le Bayard d’or (1er prix d’interprétation masculine) au Festival de la Francophonie de Namur en Belgique. Et on se rappellera également de son interprétation de Rambo, le chauffeur casse-cou du film de Moussa Touré Tgv en 1997. Makena a également laissé son empreinte sur d’autres productions. Une femme pour Souleymane, un court métrage de Diana Gaye, Lumumba de Raoul Peck, Voyage au Portugal de Serge Tréfaut etc. Au théâtre, Makena Diop a été à l’affiche de plusieurs classiques, Antigone, Caligula et des créations comme Mantes des aurores de Amadou Lamine Sall ou Images de sècheresse de Chenet.
Conteur hors pair
Makena Diop, c’est aussi ce conteur hors pair. Dans un entretien avec Olivier Barlet sur Africultures en 2018, il racontait la naissance de cette passion. «Quand j’étais petit, de l’ordre de sept ans, je m’échappais pour suivre mon oncle, Niokhobaay, qui était conteur populaire. Il créait des cercles pour raconter des histoires et utilisait même ses enfants, allant jusqu’à faire de son bébé un personnage. Je le regardais et quand je rentrais le soir chez moi, fatigué et sale, ma mère s’exclamait : ‘’où était donc cet enfant avec ses longues jambes ?’’.» En 1999, il crée à Cannes, pendant le Festival international du film, en partenariat avec la Ccas et l’Association Racines, une série de spectacles vivants intitulés «De l’image au verbe, une manière de dire le monde noir», des mises en scène mettant en relation musiciens, conteurs, poètes de rue, peintres, venus de Trinidad, des Etats-Unis, du Sénégal, du Mali, de la Guinée, du Burkina Faso, du Cameroun et d’Angleterre. Talentueux et engagé, Makena fait partie de ceux qui ont participé à l’animation des séances d’art thérapie, introduite à l’hôpital psychiatrique de Fann par le Professeur Henri Colomb.
DEUX JOURS POUR LE THEATRE
Contrairement à l’année dernière où la célébration de la Journée mondiale du théâtre s’était faite en ligne, Kaddu Yaraax renoue avec le public cette année.
Contrairement à l’année dernière où la célébration de la Journée mondiale du théâtre s’était faite en ligne, Kaddu Yaraax renoue avec le public cette année. La compagnie, dirigée par Mamadou Diol, va dérouler son programme sur deux jours.
La Journée mondiale du théâtre a été créée à Vienne en 1961, lors du congrès de l’Institut international du théâtre. Depuis 1962, chaque 27 mars, la Journée mondiale du théâtre est fêtée. A l’instar de la communauté internationale, le Sénégal va également célébrer cette journée ce samedi.
Mais la compagnie théâtrale Kaddu Yaraax compte anticiper sur sa célébration en l’étalant sur deux jours. C’est ce vendredi que cette compagnie théâtrale va débuter les festivités qui se poursuivront jusqu’au samedi. Mamadou Diol, directeur artistique de Kaddu Yaraax, en donne la raison : «On commence à célébrer la Journée mondiale le vendredi dans l’après-midi pour la poursuivre toute la journée du samedi. Nous avons étalé le programme qu’on ne pourrait faire en un jour. Et ce programme sera agrémenté par des théâtres forum et des causeries.» Même si c’est la fin de l’état d’urgence et du couvre-feu, Kaddu Yarax ne baisse pas la garde pour lutter contre le Covid-19 en célébrant de la Journée mondiale du théâtre.
A l’inverse de l’édition de l’année dernière où la compagnie théâtrale s’était adaptée à la crise sanitaire en déroulant ses activités en ligne, la Journée mondiale du théâtre de cette année se tiendra en présence du public au niveau du pôle théâtral de l’espace culturel de Kaddu Yaraax. «Avec la levée de l’état d’urgence sanitaire et du couvre-feu, les salles sont ouvertes. Nous allons dérouler nos activités en présence de 50 personnes seulement. On déroulera nos activités dans le respect des gestes barrières. Des gels et des masques seront distribués au public», souligne le directeur artistique de la compagnie théâtrale de Yarakh qui compte dérouler une série de programmes pour agrémenter cette Journée mondiale du théâtre. M. Diol de renseigner qu’une communication sur le nouveau projet culturel aura lieu. Ce projet réfléchit sur les nouvelles manières de faire de la production artistique en recourant aux nouvelles technologies de l’information et de la communication, si l’on s’en tient à l’argument de Mamadou Diol.
Ce dernier souligne que Oumar Sall, qui est une éminente personnalité de la culture et du théâtre, entretiendra une discussion sur le phénomène de la réussite. Amadou Fall Ba de la Maison des cultures urbaines (Mcu) et l’artiste Fou Malade vont, pour leur part, animer une causerie sur le projet Talent campus, selon Mamadou Diol.
lu bees avec Paap seen et anta fall
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POUR UN DÉBAT PUBLIC PLUS FERTILE
EXCLUSIF SENEPLUS - La pauvreté du débat public qui passe sous silence les priorités, et la négligence de la culture sont-elles les véritables freins à l'émancipation de la jeunesse sénégalaise ?
Dans ce numéro de Lu bees, Anta Fall évoque le débat public au Sénégal, qui selon elle, est très pauvre. Elle revient sur des sujets qui devraient être prioritaires mais sont malheureusement passés sous silence.
Paap Seen revient sur la politique de la jeunesse au Sénégal. Il évoque la négligence de la culture, qui pourtant reste à l'en croire, le socle de l'émancipation véritable d'une nation et de sa jeunesse.
Lu Bees est un talk hebdomadaire de SenePlus, réalisé et monté par Boubacar Badji.
FATOUMATA SISSI NGOM, PARCOURS D’UN APÔTRE DE LA RESTITUTION DES ŒUVRES D’ART
Passionnée d’art et des musées, L'auteure du roman “Le silence du totem’’, revient sur la passionnante et délicate problématique de la restitution des œuvres d’art aux pays africains
La tête bien faite. Le corps bien frêle. Le teint caramel. Fatoumata Sissi Ngom est loin des projecteurs. Pourtant, elle est l’une des plus brillantes écrivaines de sa génération. Née en 1986, la jeune dame a été auditionnée à l’Assemblée nationale et au Sénat français, dans le cadre du projet de loi pour la restitution du sabre d’El Hadj Omar Tall, grâce au magnifique livre qu’elle a écrit sur la thématique de la restitution des œuvres d’art. Un livre dont la rédaction a démarré bien avant le discours d’Emmanuel Macron à Ouagadougou. Lequel discours a placé cette thématique au cœur de l’actualité franco-africaine.
De sa voix fluette, elle déclare : “On me dit très souvent que j’ai eu une prémonition. Je crois que c’est vrai (rires) ; j’ai commencé à écrire ’Le silence du totem’ des années avant ce discours. Je suis ravie que mon roman ait contribué et continue de contribuer au débat sur la restitution des œuvres d’art africain. C’est un sujet qui me tient à cœur.’’
Dès sa sortie (en avril 2018), alors que le débat commençait vraiment en France et en Afrique, “Le silence du totem’’ a eu un accueil ouvert et bienveillant de la part d’intellectuels et d’experts culturels, se réjouit l’auteure, en citant l’administrateur du musée des Civilisations noires, Hamady Bocoum, et aussi beaucoup d’intellectuels de la diaspora et du monde entier. Pragmatique, rigoureuse et tournée vers l’avenir, elle déclare : “Je veux surtout éviter de me dédire dans le futur et selon la direction du vent. Ce serait intellectuellement dramatique. Par exemple, malgré la sensibilité du débat et l’orthogonalité de nos positions, le musée du Quai Branly a mis en vente mon roman dans sa librairie et ce dès sa sortie.”
Passionnée d’art, visitant musée après musée, la jeune dame n’a eu de cesse de se poser certaines questions substantielles sur les œuvres détenues dans les musées occidentaux, particulièrement français. Quelle est la signification véritable des œuvres d’art exposées dans les musées ? Qu’est-ce qu’elles ont représenté pour ces peuples qui les ont façonnées ? Comment ces œuvres ont-elles été acquises ? Est-ce par le sang, par le vol, le pillage, la manipulation ? Tant de questions sans réponse. “Même si le comment de leur captation est généralement indiqué quand il s’agit, par exemple, d’un don. Au surplus, sur les cartels d’exposition, figurent des informations relatives notamment aux origines géographiques, à l’année d’entrée en France... Mais pas grand-chose sur l’être ontologique des œuvres, leur signification véritable...’’.
Surgit ainsi dans le cœur de Fatoumata Sissi Ngom une sorte de frustration, un sentiment de manque et de mise au silence. “En sortant du musée du Quai Branly cet après-midi-là, émue aux larmes, j’avais en tête l’intrigue de mon futur roman. Il ne me restait plus qu’à l’écrire. Révélation ? Oui ça en fut une’’, a-t-elle confié.
Née à Dakar d’un père sérère originaire de Khalambass – une autre ressemblance avec Sitoé - et d’une mère halpulaar, Fatoumata Sissi a, à l’instar de son héroïne, fait des prépas pas du tout faciles, mais en série mathématiques et physique dans les lycées français, et non à Hypokhâgnes comme Sitoé. Très forte, brillante étudiante, elle a très vite gravi tous les échelons. Elle est aujourd’hui analyste de politiques climatiques et économiques et a déjà fait deux ans à l’OCDE. Auteur d’études sur le changement climatique, le bien-être et la croissance économique, elle est également une brillante ingénieure en mathématiques financières et en informatique, et a travaillé dans le domaine de la modélisation mathématique et la gestion de risques de marché et biométriques de produits d’assurance-vie complexes.
Bien que purement scientifique, elle est fascinée par la littérature et l’art. Elle explique : “J’ai une grande sensibilité artistique et je pense que mon premier roman n’aurait pu être écrit dans un domaine autre que l’art.’’
Revenant sur le débat de la restitution, l’auteure met l’accent sur les perspectives diamétralement opposées entre Occidentaux et Africains. Pendant que les premiers ont une vision assez mercantiliste et esthétique des œuvres, les seconds peuvent, parfois, avoir une vision plutôt spirituelle, existentialiste avec ces œuvres. “Pour les peuples qui les ont fabriquées, ces œuvres n’ont pas une valeur monétaire, elles ont une valeur essentiellement symbolique et rituelle’’.
Bien qu’elle soit esthète, bien qu’elle soit anthropologue, Sitoé sait que le totem-pangol n’est pas un objet d’art au sens premier du terme. Il n’a pas été façonné pour être contemplé, admiré devant une vitre... Pour elle, la problématique de la restitution des œuvres est d’une importance capitale. Elle espère, à ce titre, que le Sénégal saura profiter au maximum de cette opportunité. “Je suis confiante que la commission nationale qui va se charger de la liste des œuvres d’art et documents à réclamer à la France travaillera avec méthode et parcimonie, et une grande dignité. Le retour de certaines œuvres dans nos musées constitue une formidable opportunité pour éveiller les consciences sur l’importance de l’art, ancien ou contemporain, dans notre société, et surtout pour la garde de notre histoire’’.