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2 décembre 2024
Culture
Par Vieux SAVANé
SOULEYMANE BACHIR DIAGNE, AU COMMENCEMENT ÉTAIT SAINT-LOUIS
Quel parcours que celui de l'auteur du « Fagot de ma mémoire », dont le projet était de s’inscrire dans le sillage de ses parents en devenant comme eux employé des PTT, de se retrouver présentement à New York comme professeur
Quel parcours que celui de l’auteur du « Fagot de ma mémoire », dont le projet était de s’inscrire dans le sillage de ses parents en devenant comme eux employé des PTT, de se retrouver présentement à New York comme professeur de philosophie à l’Université de Columbia, à New York, spécialiste de la philosophie islamique et de l’histoire des sciences !
Au commencement était Saint-Louis.
C’est là, dans cette ville devenue méconnaissable, enveloppé par le bruit du silence, le temps d’un confinement imposé parla pandémie de Covid 19, qu’est née l’idée de cet ouvrage. Une pause donc, un moment propice au relâchement, à la rêverie, au retour sur soi. Nous prenant parla main, l’auteur nous promène sur trois continents, à travers des villes qu’il a aimées, qui l’ont fortement marqué et qui pour chacune, a concouru à sa manière, à son parcours.
Le temps d’y voir le jour, d’y apprendre à ramper, à se tenir debout, le voilà contraint de quitter son nid, en direction de la Casamance, à Ziguinchor précisément, où ses parents, cadres de la fonction publique, venaient d’être affectés. C’est là qu’il va apprendre à marcher et à aller à la rencontre d’expériences marquantes. Issu d’une famille musulmane érudite de Saint-Louis, le voilà inscrit en maternelle à l’école catholique des « Sœurs du Saint Sacrément ». Il y apprend entre autres, à mémoriser et à chanter l’ « Ave Maria », un cantique qui enveloppe encore sa mémoire et continue de remuer ses sens. Tout à ses émois donc, avant que ne vienne perturber son innocence d’enfant, une jeune adolescente, cousine de sa mère, qui en l’entendant réciter le Salut à la Vierge, lui dit courir le risque du courroux céleste. Une sanction qui allait s’abattre sur lui, du fait l’avertissait-elle, que le musulman qu’il est, s’égare dans des prières catholiques. Très tôt, à l’âge où l’on n’est pas encore enfermé dans des préjugés tenaces, le voilà ainsi confronté de manière violente, à « son premier cas de conscience théologique », à la triste réalité que les religions pouvaient être l’objet de conflit, d’inimitié, de rejet. Qu’elles pouvaient même « s’interdire mutuellement le paradis ». Le gamin en construction sera heureusement mis en confiance par son père qui lui offrira une boussole de compréhension articulée autour de la rencontre, de l’ouverture et du partage. Et le lieu s’y prêtait, car à l’instar de Saint-Louis, Ziguinchor est « une ville historique et hybride ». Et c’est là, dans cette « société métisse afro-portugaise » que l’auteur sera mis en relation avec un garçon confié à sa famille, et qui jouera le rôle de grand-frère pour l’aîné qu’il était. C’est ce dernier, catholique, qui l’accompagne à ses cours de Coran, jusqu’au jour où ses parents l’apprendront et affolés à l’idée de voir leur enfant sous influence musulmane, vont le faire rappliquer dare-dare au village. Des expériences qui parlent à l’enfant, en le confrontant ainsi aux relations parfois heurtées entre des croyances différentes. Comme un champ d’initiation, Ziguinchor le marquera fortement, le mettant ainsi en contact avec les choses de la vie : la conflictualité, l’intolérance, le dialogue inter-confessionnel.
De tout cela, il saura profiter beaucoup plus tard, comme un héritage qu’on réévalue, à l’aune d’une prise de conscience faisant de la croyance une affaire entre soi et Dieu. Et que par conséquent, nul ne peut s’arroger le rôle de procureur instruisant à charge puisqu’il faut faire cas, pour ce qui le concerne, de ce que le Coran appelle « la Ruse de Dieu ». Et c’est toujours à Ziguinchor, dans cette ville où il vivra jusqu‘à l’âge de 9 ans , qu’il s’éveillera précocement au sens du rythme aux sons du « bougarabou », à une certaine intelligence des langues, en y apprenant à parler le wolof et le français comme langues premières, le diola, le créole. Il y sera aussi confronté à l’expérience de la douleur qui a jailli avec ses brûlantes et térébrantes morsures à travers la soudaineté et la brutalité de l’absence d’un être cher.
En emportant sans crier gare son petit frère dans un coin bleu du ciel, la mort a tapé à sa porte, lui faisant découvrir son père sous un jour autre. Du visage paternel raviné par la tristesse et sur lequel perlaient des larmes, il découvrait qu’elles ne sont pas seulement d’enfants, mais aussi celles d’adultes. Son petit frère ne reviendra donc plus lui explique-t-on. Il ne l’entendra plus l’appeler « Dji », le plongeant ainsi dans l’épouvantable et incontournable expérience du malheur et de la douleur de la perte. Ses parents affectés ensuite à Dakar, il va se retrouver dans une maison de la Sicap, à Dieuppeul où il passera la seconde période de son enfance et l’essentiel de son adolescence. Et toujours en ligne continue, dans ses variations et ses inédits, la rencontre et l’ouverture. Il en va ainsi du brassage des nationalités au lycée Van Vo (français, libano –syriens, sénégalais) qui, même s’il ne débordait pas l’espace scolaire, participait tout de même à la rencontre, à l’ouverture vers l’autre. Brillant élève, lauréat du Concours général, l’auteur accédera à la lumière de la notoriété en rencontrant l’ancien président Léopold Sédar Senghor, qu’il reverra ensuite après son admission à l’Ecole Normale Supérieure. Les différentes rencontres qui vont s’en suivre se poursuivront et se structureront autour d’une amitié intellectuelle
En effet, le bac en poche, il choisira pour la première fois, loin du cocon familial, d’aller étudier à Paris, ville-lumière où il fêtera ses 18 ans. Choix d’autant moins évident que, confronté à la rigidité du système français, les nouveaux bacheliers étaient sommés de choisir ce qu’ils voulaient faire, contrairement au système américain qu’il découvrira plus tard et dans lequel, tout en étudiant, l’on peut se donner un an et demi avant de choisir sa voie. Comme un clin d’œil éclairant qui devrait amener à plus de compréhension et de compassion suite l’affaire Diary Sow, du nom de cette brillante jeune admise au Lycée Louis le Grand, qui avait défrayé la chronique, il nous fait ressentir au détour d’une phrase, « le système cruel » des grandes écoles, puisque, les premiers de la classe étaient appelés à « vivre cette vérité qu’il fallait que les premiers apprennent à être les derniers »,.
Agrégé de philosophie, son doctorat en poche, l’auteur rentre à Dakar dans les années 1980 pour enseigner au département de philosophie dans un contexte universitaire marqué par le reflux des grandes batailles idéologiques de l’époque, bousculées qu’elles étaient par la montée en puissance de la révolution iranienne et où Il était devenu habituel de voir s’afficher sur le campus les identités religieuses et confrériques. Une occasion saisie par le département pour introduire l’enseignement de la philosophie islamique, dans cette tradition intellectuelle et spirituelle où l’on questionne, discute, doute, interprète. L’auteur en aura la charge. Après 20 ans d’enseignement ponctués par une formation de plusieurs étudiants devenus des collègues, en plus de ressentir un besoin d’autre chose, il avait le sentiment que la transmission était désormais en marche. Suite à plusieurs séjours académiques aux Etats-Unis, il a fini par y déposer ses bagages pour y enseigner la philosophie islamique et la philosophie africaine. A l’université Columbia où il enseigne présentement, il a ouvert un troisième chapitre de son parcours sous le signe de ce qu’il est convenu d’appeler « le postcolonial ou le décolonial ».
Poursuivant ainsi un cheminement dont la constante se structure autour de l’idée selon laquelle la question de l’identité ne s’éclaire que si on pense celle du devenir ». En somme, il faut du dialogue, de la relation. C’est à cette ouverture qu’invite l’auteur. Celle énoncée par la parole prophétique : « Allez chercher le savoir jusqu’en Chine ». Le savoir est donc « voyage » et « épreuve de l’étranger ». Une conviction qui continue de donner son orientation au parcours de l’auteur et dont rend compte « Le fagot de ma mémoire ». Par la finesse et la puissance suggestive de son écriture, cet ouvrage qui nous fait voyager sur trois continents, à travers différentes villes, a la douceur et la tendresse de la nostalgie. Celle vivante, parce que s’inscrivant dans un retour sur soi pour en mesurer le parcours, le caractère contingent voire improbable. Comme une invite à « faire humanité ensemble ».
THIONE SECK FAIT COMMANDEUR DE L'ORDRE NATIONAL DU LION
Le Président de la République Macky Sall a informé le Conseil des Ministres, tenu ce mercredi, de sa décision de décerner à titre posthume, la distinction à l'artiste décédé le 14 mars dernier
Le Président de la République Macky Sall a informé le Conseil des Ministres, tenu ce mercredi, de sa décision de décerner à titre posthume, la distinction de Commandeur de l’Ordre national du Lion au chanteur Thione Ballago Seck, disparu le dimanche 14 mars 2021.
A l’occasion du Conseil des Ministres, le Chef de l’État a, présenté les condoléances de la Nation, au monde de la Culture, à la famille et aux proches de feu Thione Ballago Seck, arraché brutalement à notre affection. «Thione Ballago Seck fût l’un des plus grands musiciens de l’histoire du Sénégal. Parolier visionnaire et compositeur réputé, il a toujours développé un style musical spécial, faisant de ses œuvres des références nationales et internationales» lit-on dans le communiqué du Conseil des Ministres.
Disparu à 66 ans, Thione Ballago Seck, d’abord percussionniste au sein du groupe Star Band de Dakar dans les années 70, a intégré ensuite l’Orchestra Baobab de Dakar, avant de fonder en 1984 l’orchestre Raam Daan. Une formation musicale, qui a vu ses frères Mapenda, Ousmane Seck et Assane Ndiaye se révéler sur la scène et que l’artiste lègue aujourd’hui à son fils Wally Ballago Seck.
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THIONE SECK ÉTAIT VRAIMENT UN ARTISTE SINGULIER
Beaucoup d'artistes et de grands noms de la scène musicale pleurent un frère, comme son compatriote le chanteur Wasis Diop qui se souvient d’un homme profondément attaché à son pays
C'est la disparition d’une légende de la musique sénégalaise : le chanteur et parolier Thione Seck, âgé de 66 ans. Il avait débuté sa carrière à 17 ans avec le Star Band de Dakar et avait poursuivi avec le mythique Orchestra Baobab, groupe culte sénégalais des années 1970. Thione Seck était l’un des chantres du fameux style « mbalax ». Beaucoup d'artistes et de grands noms de la scène musicale pleurent un frère, comme son compatriote le chanteur Wasis Diop qui se souvient d’un homme profondément attaché à son pays.
ADIEU PAPA THIONE
Un véritable géant de la musique sénégalaise à la voix de rossignol et aux paroles pleines d’enseignements
Le musicien Thione Ballago Seck s’est éteint hier, dimanche 14 mars, à l’âge de 66 ans des suites d’une courte maladie. Grande figure de la musique sénégalaise voire africaine, le lead vocal du « Raam Daan » laisse derrière lui une œuvre grandiose et un Sénégal orphelin. Les hommages à ce grand parolier qui a été enterré hier, dimanche, ont afflué au fil de la journée.
Un véritable géant de la musique sénégalaise à la voix de rossignol et aux paroles pleines d’enseignements. Tel était Thione Ballago Seck qui nous a quitté hier, dimanche 14 mars, des suites d’une courte maladie à l’âge de 66 ans et inhumé au cimetière musulman de Yoff où il a été accompagné d’une foule immense. Le monde de la musique perd ainsi l’une de ses plus grandes légendes. Le lead vocal de « Raam Daan » laisse derrière lui une carrière bien remplie qui lui a permis d’influencer des générations entières de musiciens sénégalais dont ses propres frères (Mapenda Seck et Ousmane Seck), neveux et son fils Wally Ballago Seck. Dans les heures qui ont suivi la nouvelle de sa mort, les réactions se sont succédé pour lui rendre hommage. « C’est tout le Sénégal qui est en deuil, c’était une grande figure de la musique sénégalaise, une référence indéniable pour nous autres artistes », a posté le chanteur Pape Diouf. Hors du milieu artistique, l’émotion est également forte. « C’est avec beaucoup de tristesse que j’ai appris le rappel à Dieu de notre compatriote Thione Seck, un frère et un ami de plus de 40 ans, véritable monument de la musique sénégalaise », a témoigné l’ex maire de Dakar, Khalifa Ababacar Sall. Une peine partagée par l’ensemble des Sénégalais. « J’ai appris avec beaucoup de peine la disparition de Thione Ballago Seck. Talentueux, libre et constant dans la création, il fut une figure marquante de sa génération », écrit le Président de la République, Macky Sall sur Twitter. A travers ses titres dont « Mathiou », « Domou Bay », « Yaye », « Yen Bi », « Diaga », Thione Ballago Seck a imprimé de son style et de sa voix si particuliers, le patrimoine musical sénégalais. Sur ce, le journaliste Fadel Lo lui a dédié un livre intitulé « Paroles de Thione Ballago Seck, un poète inspiré et prolifique ». Le répertoire musical de Thione Seck raconte à lui seul toute une histoire et toute une richesse de la culture. Son dernier projet intitulé « la Cedeao en Chœurs » dont quelques titres ont été lancés, devrait réunir plusieurs artistes sénégalais et de la Cedeao.
Sa vie bascule un jour de 27 mai 2015 où il est arrêté, mis en garde à vue avant d’être placé sous mandat de dépôt pour « détention de faux signes monétaires », « blanchiment d’argent », « tentative d’escroquerie » et « association de malfaiteurs». Il bénéfice d’une liberté provisoire le 12 février 2016. Le 22 juin 2020, la Cour d’appel de Dakar le condamne à 3 ans de prison dont 8 mois ferme avec une amende de 5 millions et une interdiction de toute activité bancaire pour une durée d’un an. « En ce qui concerne l’affaire des faux billets, la Cour suprême du Sénégal qui est la plus haute juridiction du pays, saisie par moimême d’un pourvoi en cassation, a cassé et annulé l’arrêt de la Cour d’appel de Dakar qui l’avait déclaré coupable. La Cour suprême a annulé toute la procédure et l’a totalement blanchi, par ordonnance rendue le 4 mars dernier », nous a appris son avocat, Me Ousmane Sèye sur Dakaractu.
Né le 12 mars 1955 à la Gueule Tapée à Dakar, Thione Seck est issu d’une famille de griots. Dès le bas âge, il participait à des cérémonies et fêtes traditionnelles comme chanteur percussionniste et arrête alors l’école avant la classe de 6e. En 1968, il se retrouve dans la troupe du saxophoniste Bira Guèye, puis auprès du chanteur Abdoulaye Mboup. Etant percussionniste, il intègre le grand orchestre « Orchestra Baobab ». C’est en 1984 qu’il créa avec son cousin un duo appelé « Raam Daan » qui livre un premier album. Il avait fondé dans les années 80 « Raam Daan »Durant sa carrière, Thione Seck a aussi fait plusieurs tournées à l’international. En 1998, il reçoit un disque d’or honorifique de la part de la famille de Mickael Jackson.
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BAABA MAAL, LEAD VOCAL DU « DAANDE LENOL » : «THIONE SECK FAIT PARTIE DES REPERES DE NOTRE MUSIQUE»
C’était un immense artiste, quelqu’un d’exceptionnel, doué et talentueux, un très grand chanteur qui a travaillé ses textes surtout qu’il a compris très tôt qu’un musicien surtout africain, c’est quelqu’un qui doit vraiment utiliser son art pour éduquer les populations. Je crois que Thione Seck n’a jamais lésiné là-dessus. A chaque fois, il pense qu’il doit donner des leçons, aider et faire comprendre. C’est une grande perte pour le Sénégal surtout pour la musique sénégalaise parce qu’il fait partie des repères de notre musique. Thione était mon ami avec qui j’ai grandi depuis Pikine qui m’a retrouvé partout depuis notre jeune enfance et que j’ai retrouvé partout depuis notre jeune enfance. Nous avons su garder ce lien entre nous ».
YOUSSOU NDOUR,LEAD VOCAL DU « SUPER ETOILE » : «C’EST THIONE SECK QUI M’A PRESENTE AU GRAND PUBLIC A SORANO A L’EPOQUE»
C’est une grande tristesse et une grande perte pour le Sénégal, pour nous-mêmes, pour la musique africaine et pour aussi tout ce qu’il a eu à faire, à dire, à écrire, à incarner. Je pense qu’on a une très grande perte aujourd’hui avec la disparition de Thione Ballago Seck. Je suis triste, ému et bouleversé par cette nouvelle comme tous les Sénégalais. On a toujours eu de très bonnes relations. Chaque fois qu’on était juste deux, ensemble, il me disait combien il me portait dans son cœur. Il me disait on peut ne pas être d’accord sur des choses mais je te porte dans mon cœur. N’oublions pas que c’est Thione Seck qui m’a présenté au grand public à Sorano à l’époque. J’étais venu pour voir son spectacle.
DIDIER AWADI, RAPPEUR : «C’EST UNE PERTE POUR LE PAYS ET POUR LA MUSIQUE AFRICAINE»
C’est une perte pour le pays et pour la musique africaine parce que Thione Seck, c’est 50 ans de carrière. C’est aussi l’Orchestra Baobab, un orchestre panafricain qui a fait le tour du monde. Ce que je retiens de Thione Seck, c’est sa générosité. C’est aussi un homme qui avait des principes. Il pouvait être compris ou ne pas être compris mais il restait sur ses principes. Il défendait ses idées mais il savait reconnaitre ses erreurs. On devait faire au mois de juin dernier une émission ensemble qui s’appelle « Sargal » sur laquelle on travaille. Il tenait à l’affaire mais il était à la fin de son procès et donc il avait aussi voulu que je participe dans son album et à jouer encore deux morceaux sur lesquels je devais poser. Je retiens sa gentillesse à mon égard et à l’égard de beaucoup de jeunes.
EL HADJ DIOUF, ANCIEN FOOTBALLEUR PROFESSIONNEL : «AU-DELA DU MONDE DE LA MUSIQUE, C’EST LE SENEGAL ET L’AFRIQUE QUI SONT EN DEUIL»
Papa Thione est parti. La musique sénégalaise est en deuil. Mais au-delà du seul monde de la musique, c’est le Sénégal et l’Afrique qui sont en deuil. Thione Ballago Seck était un artiste complet, un très grand artiste, un musicien talentueux et généreux. Il était aussi un grand patriote qui a aimé son pays et qui l’a servi en faisant rayonner son nom dans le monde armé de sa voix et de son talent. Le Rossignol de la musique sénégalaise s’est tu. Papa Thione ne chantera plus mais en réalité il chantera toujours car il nous a laissé un patrimoine qui résonnera toujours. Pour ma part, je perds, un père, un ami, un inspirateur, un conseiller et un supporter d’une admirable fidélité. Et je peux dire aujourd’hui, que dans ma riche carrière de footballeur international, sur les terrains de compétition, loin de mon pays et saisi par la nostalgie, Papa Thione m’a toujours accompagné. Que de fois, pénétrant la défense adverse, j’ai entendu résonner au plus profond de moi la belle et douce voix de Thione Seck qui mettait du tonus et de la puissance dans mon esprit et dans mes jambes pour loger un ballon au fond des filets.
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DE L'INDISPENSABLE RÉVOLUTION DE L'ÉCOLE
C'est un Abdou Fall très en verve qui tire les leçons des émeutes sanglantes qui ont secoué le pays ces derniers jours - L'éditorialiste de SenePlus est l'invité du dimanche de la RTS
C'est un Abdou Fall très en verve qui tire les leçons des émeutes sanglantes qui ont secoué le pays ces derniers jours - Il est l'invité du dimanche de la RTS.
Il s'exprime sur ce que devrait être le débat national pour sortir le Sénégal de l'impasse et créer les conditions d'un véritable renforcement de ses institutions. Il met en garde ceux qui pensent qu'une révolution peut renforcer la démocratie. "Toutes les révolutions mènent à la dictature", affirme avec véhémence l'ancien ministre d'Etat, aujourd'hui PCA de l'Apix.
Très animé, Abdou Fall, un des éditorialistes de SenePlus, confirme dans cette perestation qu'il est certainement l'un des rares cadres de l'APR en mesure aujourd'hui d'articuler un discours qui puisse être entendu et éventuellement discuté par tous les acteurs de l'espace public sénégalais quelle que soit leur opinion sur son contenu.
Regardez cette vidéo.
THIONE BALLAGO SECK, UN PAROLIER ET POÈTE DE LA MUSIQUE SÉNÉGALAISE
Le Sénégal perd en lui un ténor de sa musique, dont la légende a été nourrie par la richesse des textes. L'artiste ramenait au quotidien de valeurs jugées fondamentales, autant qu’il interpellait au besoin sur les tares de la société
Le Sénégal perd en Thione Seck un ténor de la musique sénégalaise, parolier et poète hors pair dont la légende a été nourrie par la richesse de ses textes, qui parlent, au-delà du mélomane, à la plupart de ses compatriotes.
De par les paroles de ses chansons, leur plein sens et leurs profondes connotations, Thione Seck éduquait, ramenait au quotidien de valeurs partagées, jugées fondamentales, autant qu’il interpellait au besoin sur les tares de la société sénégalaise.
Le lead vocal du Raam Daam, l’orchestre qu’il a créé en 1984, est décédé, dimanche, à l’hôpital de Fann de Dakar, des suites d’une maladie. Il sera inhumé cet après-midi au cimetière musulman de Yoff.
L’auteur compositeur, 66 ans, faisait partie des grands noms de la musique sénégalaise, aux côtés des Youssou Ndour, Baaba Maal, Oumar Pène et Ismaïla Lo, entre autres.
Il se singularisait cependant de tous par son extrême sensibilité qui en faisait un chanteur à textes, un parolier général dont les chansons contribuaient à créer avec les mélomanes un univers particulier de communication, de dialogue.
‘’La chanson est l’œuvre qui voyage dans le temps et dans l’espace, Ce que vous dites aujourd’hui est entendu demain ", écrivait de l’artiste le professeur Ibrahima Wane de la Faculté des Lettres et Sciences humaines de l’Université Cheikh Anta Diop (UCAD) de Dakar, préfacier du livre que le journaliste Fadel Lô a consacré à Thione Seck.
L’auteur de cet ouvrage sorti en 2018, intitulé "Paroles de Thione Ballago Seck, un poète inspiré et prolifique", est un compagnon de longue date de l’artiste qu’il pratique depuis 18 ans au moins.
Il affirme avoir été "touché par la profondeur extraordinaire des messages contenus dans ses chansons et sa maîtrise" du wolof, langue la plus parlée au Sénégal, raison qui l’a poussé à lui consacrer un livre.
De fait, l’ouvrage de Fadel Lô propose une grille de lecture des thématiques développées par le chanteur en proposant une clé permettant de décortiquer ses textes par le biais d’une entrée ouvrant sur la sagesse et la morale sénégalaise traditionnelle.
Cela faisait par exemple que le compositeur et interprète était reconnu pour son "sens élevé de la famille" au regard justement de ses chansons telles que "Yaye Boy", "Papa", "Domou Bay", "Yéén Bi", "Balago’’. Il est aussi considéré comme un amoureux "inspiré", en attestent ses titres "Yow", "Diaga", "Diongama", "Sey" et "Boul Dof" dédiés à son épouse.
Celui que l’on a toujours qualifié de "griot des temps modernes" est également vu comme un ‘’humaniste engagé’’ sur la base notamment de ses chansons "Khéwi", "Numéro 10", "Bour", "Yéén" et "Kharé Bi".
Thione Seck, en fin de compte, a profondément marqué la musique sénégalaise depuis plus de quarante ans, depuis ses débuts au ‘’Star Band’’ de Dakar puis à ‘’L’Orchestre Baobab’’ dans les années 1970.
C’est en 1984 qu’il fonde le groupe ‘’Raam Daan’’, un orchestre mbalax ancré dans la musique traditionnelle sénégalaise et moderne aux mélodies diverses, locales comme internationales.
Il est présenté comme celui qui a fait sortir la musique sénégalaise de l’influence latino-américaine ou occidentale, pour la faire évoluer progressivement vers le mbalax, style désormais incontournable sur la scène musicale sénégalaise.
Son dernier projet intitulé ‘’La CEDEAO en chœur’’, en phase de réalisation, était présenté comme un ‘’album fédérateur’’ auquel devaient participer plusieurs artistes de la sous-région ouest africaine.
Thione Ballago Seck est aussi le propriétaire de ‘’Penc mii’’, une boite de nuit installée à la Gueule Tapée, le quartier de son enfance à Dakar. Il est le père du jeune chanteur Waly Ballago Seck.
Ces dernières années, Thione Ballago Seck a connu des déboires avec la justice dans le cadre d’une affaire de faux billets, qui lui a valu une détention de neuf mois en 2015. Cette procédure judiciaire avait été finalement annulée. L’artiste avait toujours clamé son innocence.
DÉCÈS DE THIONE SECK
L’artiste, leader du Raam Daam et père du chanteur Wally Seck a succombé des suites d’une maladie à l’hôpital Fann de Dakar, à l'âge de 66 ans
Le chanteur sénégalais Thione Seck, membre de la légendaire formation Orchestra Baobab dans les années 1970 avant d'être sacré roi de la musique mbalax, est décédé dimanche d'une maladie à Dakar, à l'âge de 66 ans.
Issu d'une famille de griots, Thione Ballago Seck – de son nom complet – était considéré comme l'un des seigneurs de la musique sénégalaise avec Youssou N'Dour, Omar Pène, Ismaël Lô ou encore son propre fils, Wally Seck, aujourd'hui l'un des chanteurs les plus populaires d'Afrique de l'Ouest.
"Nous sommes tous consternés.Nous avons perdu un grand homme, un parolier, notre grand frère", a déclaré à des médias locaux le plus célèbre d'entre eux, Youssou N'Dour, après avoir réconforté la famille du chanteur à l'hôpital de Dakar où il est décédé dans la matinée.
"Il ne fait pas dans la dentelle, il dit ce qu'il pense et puis c'est tout", a dit de lui son compère Omar Pène, sur la radio privée RFM.I smaël Lô a salué "l'intégrité, la sincérité, la générosité et la piété" du musicien né en 1955 à Dakar.
Chanteur dans les années 1970 de l'Orchestra Baobab, une formation adepte d'une salsa afro-cubaine à la sauce sénégalaise, Thione Seck avait fondé dans les années 1980 "Raam Daam", un groupe de pur mbalax, genre né de la rencontre entre plusieurs rythmes locaux, le chant, le funk, et parfois le reggae.
- "Allô Petit" -
Ses plus grands succès comprennent notamment "Allô Petit" et "Diaga".Ou encore "Orientissime", sorti il y a une quinzaine d'années, sur lequel il effectuait une plongée dans les musiques orientales, indienne et arabe, avec cordes, cuivres, oud, kanun, cithare et tablas.
L'album avait été enregistré tout au long de voyages à Madras, Paris, Londres et Le Caire, avec nombre de musiciens locaux.Thione Seck, élevé dans la tradition musulmane, y brouillait les pistes, entre chant wolof, gammes indiennes, mélopées arabes et le fameux mbalax, toujours là en filigrane.
A Dakar, il avait pendant longtemps animé plusieurs fois par semaine son propre club, le Kilimandjaro.
Les hommages se sont succédé tout au long de la journée. Sur Twitter, l'ancien maire de Dakar Khalifa Sall a salué le départ d'un "véritable monument de la musique sénégalaise".
"Thione Seck fait partie des artistes héros d'une époque.Libre, énergique, mélodique (...), il a persisté dans la création, passant du traditionnel au moderne, bravant les écueils et l'incompréhension d'une société qui a peu cru à l'art comme mode de vie et moyen de vivre", a souligné El Hadji Hamidou Kassé, conseiller du président Macky Sall pour les affaires culturelles.
Une foule de plusieurs centaines, voire plusieurs milliers de personnes, selon les images des médias locaux, a accompagné sa dépouille jusqu'au cimetière musulman de Yoff, une commune de la capitale, où il a été inhumé dans l'après-midi.
- Faux billets et démêlés judiciaires -
Les dernières années du musicien ont toutefois été ternies par une longue et rocambolesque saga judiciaire. Arrêté en mai 2015 -- un sac contenant "50 millions d'euros", qui se sont avérés être des faux billets, avait été retrouvé à son domicile --, il avait fait neuf mois de détention préventive.
Lors de son procès en mai 2019, Thione Seck avait affirmé avoir été "victime d'un complot" monté par des Gambiens vivant en Suède, qui lui avaient fait miroiter un contrat de 100 millions d'euros pour une série de 105 concerts en Europe.
Il avait obtenu en première instance l'annulation de la procédure car il n'avait pas bénéficié de l'assistance d'un avocat durant sa garde à vue après son arrestation.Mais il avait été condamné en appel en juin 2020 à trois ans de prison, dont 8 mois ferme.
Son avocat a introduit un pourvoi en cassation et, le 4 mars dernier, deux jours après son 66 anniversaire, la Cour suprême du Sénégal a "cassé et annulé toute la procédure", à nouveau en raison de l'absence d'avocat lors de sa garde à vue, a dit dimanche à l'AFP son avocat, Ousmane Seye.
"Quand je lui ai expliqué que les professeurs de droit enseigneraient cette décision à leurs étudiants en Afrique, il en a été heureux et il m'a dit: +Mon nom est rentré dans l'histoire", a-t-il ajouté.
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BUTIKU LAYE
Après Dip, PBS, entre autres, Laye fait un remix d'un tube du roi du mbalax Youssou Ndour pour jouer sa partition dans le processus d'apaisement.
Les manifestations qui ont secoué le Sénégal ces dernieères semaines auraient d'un autre coté boosté l'inspiration des artistes et musiciens sénégalais. Après Dip, PBS, entre autres, Laye fait un remix d'un tube du roi du mbalax Youssou Ndour pour jouer sa partition dans le processus d'apaisement.
LES RAPPEURS PORTENT LA VOIX DE LA CONTESTATION
Qu’ils s’appellent Didier Awadi du groupe Positive Black Soul, Dip Doundou Guiss, One Lyrical, Akbess ou Hakill, ces artistes veulent « défendre la démocratie » et « libérer le pays »
Le Monde Afrique |
Théa Ollivier |
Publication 13/03/2021
« Rien ne va plus dans le pays/J’ai vu des scènes de guerre/On a déjà compté trop de morts », lance le rappeur Didier Awadi du groupe Positive Black Soul (PBS) dans son nouveau titre « Bayil Mu Sedd » (« Laisse tomber » en wolof). Le morceau, qui s’adresse directement au président Macky Sall, est sorti le 7 mars, quelques jours après les événements les plus violents qu’a connu le Sénégal depuis une décennie. Des manifestations qui ont fait au moins dix morts selon les autorités, onze selon le mouvement d’opposition.
Ces émeutes ont éclaté après l’arrestation de l’opposant Ousmane Sonko. Accusé de viol et menaces de mort par une employée d’un salon de beauté, le leader des Patriotes du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef) avait été interpellé pour « troubles à l’ordre public » alors qu’il se rendait au tribunal. Il a depuis été remis en liberté et placé sous contrôle judiciaire. Une procédure qui s’apparente, selon l’opposant, à un complot du pouvoir pour l’écarter du jeu politique.
Soucieux de calmer la situation, le président Macky Sall s’est adressé lundi 8 mars aux Sénégalais dans un discours à la nation. Il a appelé à l’apaisement et a présenté ses condoléances aux familles des victimes. Une journée de deuil national a été décrétée jeudi 11 mars.
« Des libertés, du travail, la santé… »
Mais « la rue demande aussi du travail, la santé, la possibilité de se divertir, des libertés, une véritable démocratie, une justice libre et indépendante », liste Didier Awadi. Il s’est rendu lundi 8 mars sur la place de l’Obélisque avec sa fille et ses neveux pour « défendre la démocratie ». Cette « soudaineté de la violence et le cortège tragique de morts nous ont mis une claque », confesse le pionnier du rap sénégalais.
Le Mouvement de défense de la démocratie (M2D), créé après l’arrestation d’Ousmane Sonko, a appelé à des nouvelles manifestations ce samedi à Dakar et dans le pays de manière « pacifique » pour la libération des prisonniers. Une mobilisation abondamment relayée par les artistes.
«BEAUCOUP D’ARTISTES SE GARDENT DE PRENDRE DES RISQUES»
Palabres avec… Dr Ibrahima WANE, professeur de littérature et civilisations africaines à l’Ucad. Il porte son regard sur l’engagement des artistes lors des malheureux évènements relatifs à l’affaire Ousmane Sonko.
Titulaire d’un doctorat de troisième cycle de Lettres modernes et d’un doctorat d’État de Lettres et sciences humaines, le Docteur Ibrahima Wane est professeur de littérature et civilisations africaines à Université Cheikh Anta Diop de Dakar (l’UCAD). Il enseigne aussi l’histoire sociale de la musique à l’Institut supérieur des arts et cultures (ISAC) de Dakar. Wane est le directeur de la formation doctorale Études Africaines de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de l’UCAD et le premier vice-président du Réseau euro-africain de recherche sur les épopées (REARE). Ancien journaliste culturel, il a été de l’aventure du groupe Com 7 avant de collaborer avec le journal Taxi. En sa qualité d’Enseignant Chercheur, il travaille beaucoup sur la poésie et la musique populaire en Afrique de l’Ouest, les littératures écrites en langues africaines, les cultures urbaines et l’imaginaire politique. Souvent sollicité pour participer à des travaux scientifiques touchant à ces différents domaines, le Docteur Ibrahima Wane et une voix autorisée dans le milieu universitaire et culturel sénégalais. Il porte son regard sur l’engagement des artistes lors des malheureux évènements relatifs à l’affaire Ousmane Sonko.
Dr, lors des malheureux évènements que nous venons de vivre avez-vous senti un engagement physique des artistes pour les causes du peuple ?
Il y a une réalité sénégalaise bien établie depuis assez longtemps ; c’est que les artistes font partie de l’opinion. On les retrouve dans les rangs des observateurs et des acteurs de premier plan. Ceux du mouvement « Y’en a marre » ont des positions connues, régulièrement réaffirmées. Malal, Thiat et Kilifeu se sont encore retrouvés au cœur du combat. Nitt Doff et Mass, par exemple, affichent clairement leur appartenance à un camp, celui de Sonko. Plusieurs autres artistes se sont prononcés à travers des déclarations dans les médias et les réseaux sociaux ou à travers des œuvres produites pour la circonstance. Leurs messages ont porté selon les sensibilités sur la défense des libertés, l’indépendance de la justice ou la recherche de la paix et de la stabilité.
Qu’est-ce qui explique, selon vous, ce déficit d’engagement ?
Les artistes ne sont pas une classe homogène. Il s’agit d’individualités qui ont des rapports à la politique liés à leurs trajectoires respectives. Il s’y ajoute que les formes d’expression des sentiments et des opinions varient d’un acteur à un autre. La réactivité, comme le rythme de production, n’est pas la même partout. Beaucoup ont préféré jouer la carte de la prudence, en attendant d’avoir une lecture plus claire des faits, alors que les choses sont allées très vite. Nombreux sont donc ceux qui ont été pris de court.
Un artiste comme Chris Brown a tweeté pour se désoler de la situation au Sénégal. Au Nigeria, des artistes n’hésitent pas à sortir dans la rue. Qu’est ce qui explique, selon vous, cette exception sénégalaise ?
On idéalise peut-être trop les artistes. N’oublions pas que même pour défendre leurs propres intérêts, ils n’y vont de la même manière. Ils sont éparpillés dans plusieurs associations et empruntent des démarches quelque fois divergentes. S’attendre à une réaction collective et uniforme relève donc de la naïveté. Même parmi ceux qui ont directement agi ou réagi, il y a eu plusieurs niveaux et moments d’intervention. Il y a eu une première séquence où il a été surtout question de dénoncer un complot contre un opposant. Ensuite il s’est agi de prêcher pour une mobilisation citoyenne. Dans le troisième temps, il était surtout question d’appels à la paix. Et là, par exemple, même l’Ensemble lyrique traditionnel du Théâtre national Daniel Sorano est entré dans la danse en produisant un single qui réunit une dizaine de voix.
On a entendu les voix de Boubacar Boris Diop, Felwine Sarr, Moussa Sène Absa. Est- ce suffisant ?
C’est en tout cas important. Ces voix ont du poids. Elles ne passent pas inaperçues. D’autres intellectuels se sont aussi exprimés dans les médias, entre autres tribunes, ici et ailleurs. Des artistes ont clairement pris position en demandant à l’Etat d’arrêter la machine répressive pour éviter une spirale de violence infernale. L’on peut citer Lamtoro et Gaston, le duo du Positive Black Soul, Awadi et Duggy Tee, Daara J, Leuz Diwane J, Dip Doundou Guiss qui ont tous alerté. Ahlou Brick a apporté sans équivoque son soutien aux manifestations pour la libération des détenus. L’on a vu des jeunes artistes comme le célèbre humoriste Diaw dans la foule des protestataires. Il y a là bien des signes non négligeables.
Quelle analyse tirez- vous de la contribution de ces trois personnalités culturelles ?
Boubacar Boris Diop est l’un des plus grands romanciers de ce pays. L’on peut aussi parler de sa carrière de journaliste. Il est donc un observateur très attentif doublé d’un acteur précieux car il parle du haut de sa longue expérience. En tant que septuagénaire, il pouvait s’abstenir d’intervenir et dire que c’est aux jeunes dont l’avenir est en jeu d’aller au charbon. Il a choisi de rester sur le terrain. Evidemment Boris, c’est à la fois le plaisir du texte et le poids des idées. Felwine Sarr est d’une autre génération. Ayant comme nous tous lu Fanon, il a à cœur de remplir sa part de la mission. N’oubliez pas qu’il était en 2011 à la tête d’un groupe d’universitaires qui, pendant la crise préélectorale, avaient lancé un manifeste pour le respect de la Constitution. Il reste sur cette ligne de cohérence. Moussa Sène Absa a fait depuis longtemps la preuve de son engagement. Dans un contexte très difficile, en 2010, il a consacré tout un film aux dérives du régime de Wade : « Yoole ». Pour moi, il s’agit là de trois hommes debout, des sentinelles qui, à leur manière, invitent chacun d’entre nous à jouer sa partition.
Certains soutiennent que nos artistes sont plus préoccupés par leur confort personnel …
Il est vrai que beaucoup d’artistes se gardent de prendre des risques. Ils se disent que leurs fans ou auditeurs sont de tous les bords et qu’il vaut mieux rester équidistant des chapelles politiques. Il y a aussi la crainte de se faire manipuler ou le risque de s’aliéner les pouvoirs publics. Ils préfèrent donc souvent jouer la carte de la prudence et se contenter de sacrifier à l’acte civique rituel, le vote pour la plupart.
Comment analysez- vous les singles de Dip et Leuz Diwan ?
Ces singles montrent qu’on était très vite allé en besogne en reprochant à la nouvelle génération de rappeurs d’être peu engagée et d’être plus portée sur les mondanités. Le contexte national et international a toujours une influence sur les démarches artistiques. La situation qu’on a vécue a révélé qu’une bonne partie de ces rappeurs, qu’on avait classés sur le registre de l’ « entertainment », est très ancrée dans les réalités quotidiennes et n’est pas moins consciente que les aînés.
Les footballeurs internationaux ont également manifesté leur solidarité au peuple. C’est nouveau…
Oui, c’est aussi l’effet des réseaux sociaux. Aujourd’hui, on vit en temps réel tout ce qui se passe dans les différents endroits de la planète. Ces footballeurs évoluent aussi dans des pays où cette pratique est courante : l’expression de la solidarité, de la compassion, etc. à travers des tweets, posts, vidéos…
Pouvez-vous nous citer dans l’histoire de la musique sénégalaise des artistes engagés. Et dans quelles circonstances ?
L’engagement n’est pas que d’un bord. Le pouvoir a aussi toujours eu ses défenseurs. Il est vrai qu’on met l’accent souvent sur ce qui est moins évident, peut-être plus méritoire, l’engagement aux côtés des sans-voix. On peut citer quelques icônes qui ont des parcours et des styles bien entendu différents. Le folk singer Seydina Insa Wade, qui a depuis son adolescence toujours cheminé avec des militants de la gauche, s’est distingué des années 1970 aux années 2000 par un répertoire. Baaba Maal, qui a à partir du lycée commencé à fréquenter les cercles et les associations culturelles a développé aussi cette sensibilité de gauche. Oumar Pène a également grandi dans des environnements marqués par cette veine contestataire. Cette influence perceptible dans ses chansons est bien pour quelque chose dans sa proximité avec la jeunesse, notamment les étudiants. Ouza Diallo est un autre exemple. Il a été censuré sous Senghor comme sous Abdou Diouf. Il n’a pas non plus hésité à critiquer Abdoulaye Wade. Ces chanteurs dits engagés se sont aussi quelques fois appuyés sur les créations de poètes et d’artistes moins connus pour n’avoir pas fait une grande carrière leur permettant de faire éditer des cassettes et d’être médiatisés.