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2 décembre 2024
Culture
BOUBACAR BORIS DIOP, ÉLOGE DE LA DISSIDENCE
Le journaliste et écrivain revient sur l’héritage de Cheikh Anta, évoque Senghor sans complaisance, parle de la mondialisation et de la néocolonisation sans oublier de recommander aux lecteurs quelques auteurs - ENTRETIEN
Les devenirs africains sont au cœur des débats sur le continent. 60 ans après les indépendances, comme des marronniers en journalisme, les mêmes sujets reviennent continuellement. Franc CFA ou pas Franc CFA, langues nationales ou langues de l’ancien colon, enracinement ou ouverture, pour n’en citer que quelques-uns. En toile de fond, toujours, l’émancipation de l’Afrique. Parmi les intellectuels et penseurs contemporains qui interviennent le plus souvent sur la nécessité pour le continent de se prendre en charge, figure en bonne place Boubacar Boris Diop. L’écrivain nous a reçu dans les locaux de la maison d’édition en langues nationales, EJO, fondée il y a trois ans avec quelques amis.
Dans cette seconde et dernière partie de notre entretien, Boris Diop revient sur l’héritage de Cheikh Anta Diop, évoque Senghor sans complaisance, nous parle de la mondialisation et de la néocolonisation sans oublier, à notre demande, de recommander à nos lecteurs quelques auteurs.
Le temps passe et la discussion n’a pas l’air d’avoir commencé tant elle est passionnante. Parfois, le téléphone interrompt notre entretien. Parmi ces appels, celui de sa « sœur » Aminata Dramane Traoré avec qui il a écrit en 2014 La Gloire des imposteurs. Nous abordons plusieurs autres questions. Toujours les devenirs africains au cœur. La colonisation, les indépendances, la néocolonisation, la mondialisation sont au menu.
La colonisation, les indépendances, la néocolonisation, la mondialisation
Sur les indépendances Boubacar Boris Diop, même s’il comprend que nous en sommes encore aux « douleurs de l’enfantement d’une nation », n’en constate pas moins que « les pays anglophones sont beaucoup plus libres et souverains que les pays francophones. Chez eux l’ancien colonisateur n’a pas voix au chapitre et c’est une différence fondamentale avec ce qui se passe dans la Françafrique ». Il parle en connaissance de cause, ayant enseigné pendant quatre ans à l’Université américaine du Nigéria.
« Boris Johnson, alors ministre des Affaires étrangères, y est passé quand j’étais là-bas et les journaux ont à peine mentionné son séjour. »
Il raconte aussi une anecdote significative de l’état d’assujettissement des élites francophones. Un ancien ambassadeur de Grande-Bretagne à Dakar, devenu un ami proche, lui a confié :
« Avant de venir ici, j’ai été en poste à Abuja et si j’avais eu là-bas le même comportement que l’ambassadeur de France au Sénégal, on m’aurait égorgé dans mon propre bureau ! «
Senghor était un être à la fois complexe et complexé
Poussant plus loin son analyse, il observe que la France a eu la chance de pouvoir compter dans son pré carré sur les services d’un homme comme Senghor.
« C’est une chose de contrôler un pays en étant obligé de pactiser avec des soudards brutaux comme Bokassa ou Eyadéma et c’en est une autre de pouvoir s’assurer la même docilité de la part d’un Senghor, grand poète, personne intègre et digne de respect à tous points de vue. Ce qui importe pour le colonisateur, c’est que le résultat est le même, le Sénégal de Senghor n’était pas plus maitre de son destin que le Gabon de Bongo. »
Nous lui rappelons que dans son recueil d’essais L’Afrique au-delà du miroir, il en est un intitulé « Le Sénégal entre Cheikh Anta Diop et Senghor » et il dit avoir fait de son mieux pour être juste avec l’enfant de Joal. Il ne se gêne pourtant pas pour rappeler le fond de sa pensée.
« Senghor était un être à la fois complexe et complexé, c’est ce que j’ai retenu de l’importante biographie que lui a consacrée l’américaine Janet Vaillant. On peut avoir du respect pour l’homme Senghor, un être humain tout à fait décent et honnête qui n’a pas détourné les biens du pays mais qui, tout à son envie de servir la France, a violenté non pas les corps mais les esprits. Il a voulu faire de nous des Français à peau noire. Cette servitude volontaire est tout à fait incompréhensible. Je ne suis pas en train d’exprimer une rancœur personnelle, je n’ai vraiment pas de ressentiment contre Senghor mais tout de même celui qu’on veut nous présenter comme le libérateur de ce pays a clairement clairement exprimé son hostilité à l’indépendance. En témoigne ce passage de son discours de 1950 au Parlement européen de Strasbourg : ‘Au siècle polytechnique de la bombe atomique, le nationalisme apparait dépassé et l’indépendance n’est qu’une illusion.’ Il se fera plus sarcastique en 1956 dans cette déclaration reprise par Marcien Towa dans Léopold Sédar Senghor :Négritude ou servitude : ‘Parler d’indépendance, c’est raisonner la tête en bas et les pieds en l’air, ce n’est pas raisonner. C’est poser un faux débat. » Et Boris Diop de conclure :
« Inutile d’en dire plus, c’est la clarté même des propos de Senghor, la forte conviction qui s’en dégage, qui rendent sa cause si peu défendable. On ne va revenir sur son choix de diriger un pays souverain en continuant à se prévaloir de la nationalité de l’ancienne puissance occupante. »
Les dérives des politiciens ne disent rien de l’âme d’un peuple
Naturellement, Cheikh Anta Diop arrive dans la discussion. Pendant toute leur vie, Senghor et Diop se sont opposés sur la vision, sur la philosophie et sur la démarche capable de tirer l’Afrique du sous-développement. Notre interlocuteur appelle cela « une adversité fondatrice » et revient sur le sort injuste fait à l’auteur de Civilisation ou barbarie.
« Bien avant que le mot ne soit aujourd’hui à la mode, Cheikh Anta Diop a été confiné dans son laboratoire de l’IFAN par celui qui avait mis tout l’appareil de propagande de l’Etat au service de son propre prestige littéraire. En ce temps-là, il n’y en avait, on le sait bien, que pour lui. Mais le verdict de l’histoire est tombé et il montre à quel point ces manœuvres étaient finalement dérisoires. La postérité de Cheikh Anta Diop est tout simplement glorieuse, elle est à l’échelle du monde. En termes de projet pour la jeunesse africaine, celui qui a une proposition, c’est bel et bien Cheikh Anta Diop. »
Que dire alors des résistances et des forces qui, encore aujourd’hui, à l’image des défenseurs de Faidherbe ou du Franc CFA, sont favorables au statu quo ? Quid de ceux qui convoquent à tout bout de champ la mondialisation et le village planétaire pour canaliser les ardeurs d’une jeunesse africaine en quête de liberté et d’identité ? Pour Boris Diop, cela n’a aucun sens de gommer les identités particulières. Il rappelle une phrase de Birago Diop « Ce n’est qu’en enfonçant ses racines dans la terre nourricière que l’arbre s’élève vers le ciel ». En d’autres termes, on ne peut être universel qu’en étant soi-même »…Et notre interlocuteur de préciser :
« On a parfois l’impression que les intellectuels africains, et peut-être surtout les francophones, sont particulièrement friands de la globalisation, de ce monde débarrassé de ses aspérités identitaires vues comme des nuisances. Vous avez tous ces textes à la fois mièvres et prétentieux, faussement savants et qui au fond n’en finissent pas de supplier l’Occident : ‘Ne faites pas attention à la couleur de ma peau, c’est le soleil qui m’a brûlé !’ J’espère que l’actuelle pandémie ouvrira les yeux des plus honnêtes parmi ces gens. Par une chance à peine croyable, le Covid-19 est moins virulent avec nous qu’avec les autres mais qui ne voit, dans cette atmosphère de sauve-qui-peut universel, que même si nous devions y passer tous, faute par exemple de vaccin, cela n’intéresserait personne ? »
Pour être universel il faut être soi-même
À son avis, la mondialisation bien comprise n’a rien à voir avec l’occidentalisation du monde, qui est en fait le rêve secret de certains. Et Diop, semblant réfléchir à haute voix de se demander s’il ne faut pas mettre tout cela en lien avec les traumatismes d’une histoire particulièrement violente. « Nous avons survécu à la Traite négrière et à la colonisation mais nous n’en sommes apparemment pas sortis indemnes. » fait-il remarquer avec une certaine retenue. Une des qualités de cet intellectuel, c’est son effort pour analyser les phénomènes sociaux et historiques avec fermeté mais en restant pondéré. C’est le cas lorsque, pour conjurer la tentation de l’afropessimisme, Boubacar Boris Diop nous fait remarquer que « les dérives des politiciens ne disent au fond rien de l’âme du peuple sénégalais ». Pour l’anecdote, c’est ce qu’il aurait dit dans un pays européen à des jeunes de la diaspora qui n’arrêtaient pas de taper sur les citoyens sénégalais jugés presque tous malhonnêtes, cupides, paresseux et sans courage.
La place des journalistes
Selon Boubacar Boris Diop, le journalisme est par essence la bonne passerelle entre les dirigeants, la société civile organisée et la population mais malheureusement, constate-t-il, le monde médiatique a tendance à s’identifier à l’élite, créant ainsi un entre-soi dont une grande partie de la population est exclue.
« C’est une vision plutôt étriquée de ce noble métier. Les journalistes n’ont souvent d’yeux que pour Dakar et les politiques ont toujours vu l’arrière-pays comme un réservoir électoral inerte. En fait, il y aussi la couverture de l’actualité africaine. J’ai appelé récemment un ami patron de journal pour m’étonner que RFI soit seule à commémorer le soixantième anniversaire de l’assassinat de Lumumba ou à rappeler les grands moments de la vie de Jerry Rawlings. En vérité nous avons, nous les intellectuels ‘francophones’ des comportements quelque peu énigmatiques. Je crois que la seule exception que je connaisse c’est Barka Bâ qui en plus d’un documentaire sur le génocide des Tutsi, connaît sur le bout des doigts la situation dans des pays comme la Guinée-Bissau, la Guinée-Conakry ou le Mali, pays où il se rend régulièrement » assure l’ancien Directeur de publication du Matin.
Il dirige aujourd’hui defuwaxu.com le premier journal en ligne de langue wolof de l’histoire du Sénégal, fondé il y a trois ans avec des amis et où un groupe de ses anciens étudiants de wolof de Gaston Berger jouent un rôle central. Tout est par ailleurs fin prêt pour le lancement ce 7 février 2021 de cours en wolof en ligne.
Un des projets d’après-covid de la maison d’édition est l’organisation d’ateliers d’écriture dont Boubacar Boris Diop assure qu’ils seront surtout pour lui une occasion de partager son expérience de romancier avec ceux qui veulent embrasser une carrière d’écrivain.
Quoi lire ?
La discussion est si intéressante qu’on ne voit pas l’heure filer. Nous culpabilisons un peu de retenir notre hôte sans doute pressé de retourner à son prochain livre en wolof – « Un roman nigérian », précise-t-il – qu’il compte faire paraitre au mois de mai. Et puis, comme on dit chez nous « Mag dañ koy sakkanal »…
Mais nous ne pouvons pas prendre congé de Diop sans lui demander de conseiller à nos lecteurs quelques auteurs.
« Pour dire le vrai, je suis en général plus attaché à des textes particuliers qu’à un auteur, je crois qu’il est possible de n’aimer vraiment qu’un seul roman de tel ou tel écrivain en détestant tout le reste de sa production. Cela dit, en fiction je conseillerais bien le ghanéen Ayi Kwei Armah, puissant brasseur de mondes et d’époques, les romans en wolof de Cheik Aliou Ndao mais aussi l’argentin Ernesto Sabato, qui raconte quelque part, d’une façon saisissante, les derniers instants de Che Guevara. Je suis littéralement fou d’un roman comme Disgrace du sud-Africain John Coetzee et je place très haut Pedro Paramo de Juan Rulfo et Le monde s’effondre de Chinua Achebe. Pour les essais, je mets en tête Cheikh Anta Diop, Aimé Césaire et le kenyan Ngugi wa Thiong’o. »
Il commence à se faire tard. Pape Moussa Diop, alias « Pappaa », l’assistant éditorial de EJO, nous propose un chocolat chaud. Il est d’autant plus bienvenu qu’en le dégustant, nous pouvons glisser deux ou trois autres questions… sans problème de conscience…
Nous en venons ainsi à évoquer, par exemple, l’affaire Diary Sow qui est à ses yeux « une réussite individuelle exemplaire qui a fini par symboliser notre naufrage collectif. Et cela a eu lieu sous le regard éberlué et un rien moqueur du monde entier. On a beau vouloir éviter les raccourcis mais parfois on a l’impression que certaines choses ne peuvent arriver qu’au Sénégal, que si on peut dire d’un pays qu’il est farfelu, le nôtre l’est assurément ».
Quand nous cherchons à savoir s’il y a selon lui des chances que la jeune fille reprenne une vie normale, il avoue, un peu surpris par la question, n’en rien savoir et ajoute : « Les choix de vie d’une personne majeure ne me regardent évidemment pas, à la fin des fins elle fera ce qu’elle voudra mais dans cette période de transition où elle se trouve, le plus urgent est de la protéger d’une société cannibale mais aussi, je crois, de son propre imaginaire. Mon sentiment est que, quoi qu’elle prétende, elle risque de se faire beaucoup de tort. Ce serait bien triste, car c’est l’une des plus belles intelligences produites par ce pays ».
PAP NDIAYE À LA TÊTE DU MUSÉE NATIONAL DE L'HISTOIRE DE L'IMMIGRATION
L'historien, spécialiste de l'histoire sociale des États-Unis et des minorités sera nommé vendredi par Matignon directeur général du Palais de la Porte Dorée
L'historien, spécialiste de l'histoire sociale des États-Unis et des minorités, Pap Ndiaye, sera nommé vendredi par Matignon directeur général du Palais de la Porte Dorée, et va donc de fait diriger le Musée national de l'histoire de l'immigration.
Un historien à la tête d'un musée, alors qu'on y nomme plus souvent des énarques. Pap Ndiaye va prendre la direction générale du Palais de la Porte Dorée, qui chapeaute le Musée national de l'histoire de l'immigration, et l'Aquarium Tropical, à Paris. La nomination doit être officialisée vendredi. Une nomination hautement symbolique que celle de cet intellectuel, spécialiste des minorités, en pleine séquence présidentielle sur l'égalité des chances.
Âgé de 55 ans, né de père sénégalais et de mère française, normalien, Pap Ndiaye est spécialiste de l'histoire sociale des États-Unis et des minorités. Ses travaux s'intéressent également à l'histoire et à la sociologie des populations noires en France.
Le profil de Pap Ndiaye avait tout pour séduire le président Macron. Cet universitaire, frère de la Prix Goncourt Marie Ndiaye, a déjà travaillé pour le musée d'Orsay à l'occasion de l'exposition "Le modèle noir" et il vient de remettre un rapport sur la diversité à l'Opéra de Paris.
Pap Ndiaye lui-même a bien conscience de la portée politique de cette nomination.
"Je suis honoré de cette nomination" nous a-t-il confié. "Je suis très content de pouvoir travailler pour évidemment une question qui est d'importance.
«ON RISQUE DE PERDRE DES FACETTES DE NOTRE CULTURE»
Malick Pathé Sow fait partie de ces artistes qui font la fierté du Sénégal sous d’autres cieux. Etabli en Belgique, le maître du «hoddu» a mis sur le marché son sixième album dont le titre est «Annoré»
Malick Pathé Sow fait partie de ces artistes qui font la fierté du Sénégal sous d’autres cieux. Etabli en Belgique, le maître du «hoddu» a mis sur le marché son sixième album dont le titre est «Annoré». Nous avons profité de son séjour au Sénégal pour parler de ce nouvel album et de son parcours musical qui avait débuté avec Baba Maal.
Comment êtes-vous arrivé dans la musique ?
J’ai appris à jouer le hoddu au sein de ma famille. Je suis un Bambado, un Labbo. La musique est mon métier. Mes aînés jouaient cet instrument et il y en a parmi eux un de mes grands-pères, Hamady Aly, qui est le père de Barrou Sall, c’est celui qui joue le hoddu dans l’orchestre de Baba Maal. Mon grand frère Malaw m’a appris à jouer mes premières notes de hoddu. Vous savez que les Laobés sont des sculpteurs, mais on peut les appeler des griots. Et dans notre famille, tous les jeunes jouent le hoddu. Mais ce n’était pas leur métier. Ils l’alternaient avec d’autres métiers.
Moi j’ai fini par en faire mon métier. A mes débuts, j’étais instrumentiste. Je jouais le hoddu et la guitare avec Baba Maal avant même qu’il ne fonde son orchestre. Avec le consentement de Baba Maal, je suis resté en France en 1991 où j’étais avec lui dans le cadre de l’enregistrement de son album Bayo. En 1993, j’ai rejoint la Belgique. J’ai créé mon groupe qui s’appelle Welnéré pour promouvoir le hoddu. On était trois personnes au début avant d’élargir à d’autres musiciens.
Parlez-nous de votre nouvel album, le sixième à votre actif, que vous venez de sortir…
Le titre de l’album est Annooré, qui veut dire la lumière divine. L’album contient 9 titres. J’y ai joué un style tradi-moderne avec un thème général sur la lumière dans ce monde marqué par la crise sanitaire qui traverse l’humanité dans son ensemble. Je trouve que la lumière est indispensable. Les morceaux sont chantés en pulaar et en wolof. Afrika maman, c’est l’unité africaine. C’est un titre que j’ai composé depuis longtemps et cette chanson traduit l’espoir incarné par le Président Macky Sall. J’ai cherché à travers cette chanson à l’offrir en exemple aux autres. Je fais une musique à la sauce sénégalaise, mais ouverte à d’autres horizons. Je joue de l’acoustique, de la musique blues du Fouta, de l’Afrique en général. Si tout le monde fait du mbalax, on risque de perdre certaines facettes de notre culture. J’ai un large public en Belgique parce que ça fait 25 ans que je suis là-bas. A mes débuts, je faisais du mbalax et du yela. Je me suis rendu compte que cette musique est mieux consommée au Sénégal qu’en Europe.
C’est pourquoi j’ai jugé opportun d’explorer un autre style. J’ai changé de cap et j’utilise des instruments comme le hoddu et la kora avec Bao Cissokho avec qui j’ai fait tous mes albums. Mais je joue aussi la guitare à la manière de Aly Farka Touré. Mon premier album est sorti en 1998 en Angleterre, grâce à l’aide de mon grand frère Baba Maal. Déniyanké a été produit par Island records qui venait juste de changer de nom pour devenir Palm pictures. Mon deuxième album, Diariata a été une autoproduction, en collaboration avec Robert Falk. Diariata est un hymne à l’émancipation de la femme. On ne peut pas parler de développement sans parler de la femme. On dit que l’Afrique est le berceau de l’humanité. Je dirai que la femme est le berceau de l’humanité. La femme nous apprend à marcher, elle guide nos pas. Ce sixième album se différencie des autres parce que c’est un album qui connaît des influences occidentales, saupoudrées de notre riche culture africaine.
Peut-on dire que c’est le Covid-19 qui vous a inspiré dans la production de cet album ?
J’ai commencé l’album bien avant le Covid-19. Mais je pense qu’il y a beaucoup de défis à relever dans le monde dans lequel nous vivons. Maintenant, on peut commencer par la crise sanitaire qui impacte le monde entier, mais également l’économie, le chômage, les difficultés en Afrique et même ailleurs. Je pourrai parler de l’émigration clandestine qui n’épargne pas les autres continents. Il y a des jeunes qui traversent les frontières, prêts à payer de leur vie pour arriver à destination au risque de la laisser dans le désert et les océans. Nos jeunes embarquent dans des pirogues de fortune pour tenter de trouver une meilleure vie ailleurs. Mais je pense que cela n’est pas la bonne solution.
C’est conscient de cela que j’ai composé un titre qui s’appelle Jol jolé, qui veut dire la jeunesse consciente. Je dis à la jeunesse de ne pas accepter d’être un «balaa» qui n’est autre qu’un poisson que les pêcheurs ne veulent pas consommer. Le titre Tunngé mi eero est un hymne où je dis : «Pincez vos instruments et permettez-moi de chanter pour faire louanges aux bergers et aux cultivateurs !» C’est pour les donner en exemple aux jeunes, leur demander de se détourner de l’émigration clandestine en faisant comme eux. C’est pour leur dire qu’ils peuvent réussir au Sénégal. Le courage du berger est chanté à travers cette chanson en soulignant que le berger, qui conduit son troupeau dans les endroits les plus reculés de la forêt pour nourrir son bétail, participe au développement.
Quand on parle de développement, on ne peut laisser derrière les éleveurs et les cultivateurs. Cette chanson rend aussi hommage aux femmes peules qui se déplacent pour vendre leur lait. Maintenant, on retrouve du lait un peu partout parce que c’est industrialisé. Mais avant, c’étaient les Peuls qui faisaient des kilomètres pour aller d’une ville à une autre pour satisfaire la clientèle. Ce titre parle de la modernité et du développement.
La promotion de ce nouvel album pose-t-elle un problème dans un contexte marqué par le Covid-19 ?
Ce sera très difficile de faire la promotion de l’album dans ce contexte sanitaire assez compliqué. Mais j’ai eu la chance de faire la soirée de présentation à Bruxelles le 3 octobre dernier avant que la deuxième vague de Covid-19 ne survienne. C’est juste après cette soirée de présentation de mon album qu’on a refermé les salles de spectacle. Le Covid-19 a fait des ravages en Europe. Depuis lors, je n’ai pu poursuivre la promotion de cet album tiré à 2 000 exemplaires.
J’avais envisagé, avec mon manager Lat Ndiaye, de faire une tournée au Sénégal après la sortie de l’album. Il y avait des concerts prévus dans les centres culturels avec des dates qui avaient été calées. Mais le Covid-19 est passé par-là. Les concerts devaient se tenir ici à Dakar, Saint-Louis et même à Nouakchott.
Vous aviez aussi sorti un single, Njorto mboyjo. Pourquoi ?
Njorto mboyjo est un single que j’ai composé et qui parle de la crise sanitaire mondiale, causée par le coronavirus. C’est durant le confinement que je l’ai composé pour apporter du réconfort aux populations obligées de rester chez elles à cause des mesures restrictives dues à la situation sanitaire. J’ai pu, avec des amis, faire des concerts virtuels. J’ai fait ce morceau avec Watanabé (musicien de jazz). Ce single a été élaboré sous la houlette du musicien Robert Falk qui a assuré sa direction artistique.
Tout en cherchant à sortir les gens de l’inconfort dans lequel le Covid-19 les a plongés, j’ai tenu aussi à les sensibiliser à respecter les gestes barrières. Afrik Consult l’a mis sur toutes les plateformes musicales et j’envisage d’en faire un clip pour faire la promotion au Sénégal.
Si l’on vous demande de proposer une formule pour permettre aux musiciens sénégalais de vivre de leur art en cette période de pandémie, qu’allez-vous dire ?
C’est dur, mais ça va passer. Je pense que le gouvernement devrait aider les artistes à vivre de leur art en faisant des concerts à huis clos, virtuels. Les équipes de football disputent leur match à huis clos. Le monde de l’art devrait s’en inspirer en organisant des concerts à huis clos, avec l’appui de l’Etat. Ailleurs, ces concerts se font avec des sponsors.
Je pense qu’on devrait cibler des endroits pour que des musiciens de même catégorie y animent des concerts à tour de rôle, diffusés en direct dans les plateformes digitales et sur les chaînes de télévision. Ce sera une manière d’accompagner les gens chez eux en cette période de pandémie où ils sont obligés de se plier aux exigences d’un couvre-feu. La musique est thérapeutique.
Qu’en est-il de votre mouvement Fiilfal-Yidbé Malick Sow ?
J’ai fondé ce mouvement de développement social et culturel Fiilfal-Yidbé Malick Sow (les amis de Malick Pathé Sow. Ce mouvement existe en Belgique et au Sénégal. Il vise à mettre en œuvre un projet qui pourra permettre à des musiciens d’exercer leur métier et aider à la revalorisation des instruments traditionnels qui sont en voie de disparition et ressusciter certains de ces instruments qui ne sont plus utilisés.
On n’entend plus le moolo qui est un instrument à corde, le baylol, un instrument qui a un archet et qui se joue à la bouche et d’autres instruments encore. Il y a la communauté sérère qui a son niaagniorou (rity), les Pulaars ont leur instrument. Je souhaite avoir des endroits précis où faire consommer ces instruments à travers des soirées et concerts. Cela va participer à faire attirer les touristes pour davantage développer le tourisme de notre pays.
JE SUIS UN MÉTIS LITTÉRAIRE
Boubacar Boris Diop parle des limites d’une langue d’emprunt et raconte d’où lui vient cette prise de conscience de la place à accorder aux langues nationales pour quelqu’un qui a atteint la notoriété avec ses ouvrages en français - ENTRETIEN
Les devenirs africains sont au cœur des débats sur le continent. 60 ans après les indépendances, comme des marronniers en journalisme, les mêmes sujets reviennent continuellement. Franc CFA ou pas Franc CFA, langues nationales ou langues de l’ancien colon, enracinement ou ouverture, pour n’en citer que quelques-uns. En toile de fond, toujours, l’émancipation de l’Afrique. Parmi les intellectuels et penseurs contemporains qui interviennent le plus souvent sur la nécessité pour le continent de se prendre en charge, figure en bonne place Boubacar Boris Diop. L’écrivain nous a reçu dans les locaux de la maison d’édition en langues nationales, EJO, fondée il y a trois ans avec quelques amis. Dans cette première partie de notre entretien, Boris Diop parle des limites d’une langue d’emprunt et raconte d’où lui vient cette prise de conscience de la place à accorder aux langues nationales pour quelqu’un qui a atteint la reconnaissance et la notoriété avec ses ouvrages en français.
« On appelle nos pays des pays francophones, anglophones ou lusophones malgré le fait que 70 ou 80% des populations ne parlent pas ces langues. 80% de la population sénégalaise parle le wolof. Pourtant on ne dit pas que le Sénégal est wolofone mais francophone à mon avis, c’est un abus de langage. » Ces propos du regretté Joseph Ki Zerbo pourraient être repris à son compte par Boubacar Boris Diop tant le penseur sénégalais œuvre pour la valorisation des langues de notre pays.
EJO pour valoriser les langues africaines
Justement, c’est pour donner toute sa place à ces langues, que l’ancien professeur de philosophie a lancé EJO-Éditions. Le mot EJO veut dire en kinyarwanda « hier et demain». Un nom d’une originalité remarquable, très séduisant pour un panafricain mais aussi pour l’auteur de Doomi Golo, un livre sur ce qu’il appelle, avec un sourire entendu, « la petite guerre que se mènent dans la fiction romanesque toutes les dimensions du temps ».
C’est dans les murs de EJO, plus précisément dans l’espace qui porte le nom de Mame Younousse Dieng – auteure en 1996 de Aawo bi, le tout premier roman en langue wolof, publié par les Editions OSAD – que Boubacar Boris Diop nous reçoit. Sans protocole, accueillant et courtois, il nous fait visiter cet agréable espace, bien aménagé, bien aéré et où une stricte distanciation physique est de rigueur en cette période de Covid-19. Nous nous y plions volontiers. L’impressionnante bibliothèque en face de nous est remplie de livres dont beaucoup sont consacrés au génocide des Tutsi du Rwanda. Bien évidemment aucun des livres de Cheikh Anta Diop ne manque à l’appel. Un immense volume violet attire le regard : ce sont les « Oeuvres complètes » d’Aimé Césaire dont Diop a traduit en wolof les pièces intitulées Une saison au Congo. Et du reste le cœur palpitant de cette bibliothèque, ce sont les ouvrages en wolof. Tous ceux des éditions OSAD sont là, en vente, de même que les publications de EJO, Doxandéem de Ibraayima Saaxo Caam, Puukare de Ceerno Seydu Sàll ou encore Bàmmeelu Kocc Barma et Doomi Golo de Bubakar Bóris Jóob… Et comme le 15 décembre EJO a fait paraître en même temps trois livres, ceux-ci sont à l’honneur dans l’espace Mame Younouss Dieng : Guddig Mbooyo, roman policier de Lamin Mbaay ; Mboorum àdduna si, de Abdul-Xadr Kebe ; et un recueil de poèmes de Làmp Faal Kala, Xelum Xalam.
« Dans une démarche panafricaine, nous avons voulu donner à une maison d’édition sénégalaise un nom emprunté au kinyarwanda. Dans Antériorité des civilisations nègres Cheikh Anta Diop nous invite à « faire le bilan du passé pour aider l’Afrique à mieux affronter le présent et l’avenir » et c’est bien notre objectif. »
Le romancier sénégalais en est persuadé : le progrès et le développement passeront par la valorisation des langues africaines. Quand on lui demande si le mouvement n’est pas trop lent, il marque aussitôt son désaccord, faisant observer qu’au contraire cela bouge en profondeur.
« Beaucoup commettent l’erreur de croire que les changements sociaux n’adviennent que dans le fracas de l’histoire, dans le bruit et la fureur, pour ainsi dire. Cela arrive, certes, tout le temps. Mais les sociétés humaines peuvent aussi n’avoir aucune conscience de leurs propres mutations, il ne faut pas négliger ce qu’on peut appeler des révolutions silencieuses, qui viennent souvent des flancs de la société. Pour prendre le seul exemple des langues nationales au Sénégal, elles n’en seraient pas là si on s’en était remis aux seules structures officielles, comme les ministères de l’Alphabétisation. L’essentiel du travail a été fait dans l’ombre par des individualités pleines d’abnégation et peu impressionnées par un environnement hostile », confie Boris Diop qui rappelle que ce mouvement, que rien ne semble désormais pouvoir arrêter, est parti du travail de Cheikh Anta Diop.
« C’est lui qui dès 1948 met l’accent dans un texte mémorable intitulé :Quand pourra-t-on parler d’une renaissance africaine ? sur l’importance des langues nationales. Il réaffirme ce point de vue en 1954 dans Nations Négres et Culture. La lecture de cet ouvrage que Dialo Diop qualifie si justement de « séminal » incite des jeunes étudiants sénégalais de France à constituer dès 1958 le fameux « Groupe de Grenoble ». Autour d’Assane Sylla et d’ailleurs chez ce dernier, Cheik Ndao, Saliou Kandji, Massamba Sarre et quelques autres rédigent «Ijjib wolof », le tout premier alphabet dans la langue de Kocc. Plus tard Pathé Diagne, Sembène, Samba Dione lanceront « Kàddu ». Sakhir Thiam, agrégé de mathématiques, s’attachera à démontrer l’efficacité de l’enseignement de cette discipline et des sciences en général dans la langue wolof. Il y aura plus tard l’Association en Recherche et Éducation pour le Développement (ARED) et l’Organisation Sénégalaise d’Appui au Développement (OSAD) sans parler du travail scientifique considérable abattu par Aram Fal et Jean-Léopold Diouf pour ne citer que ces deux spécialistes. Le magistrat Amet Diouf et Aram Fal traduiront la Constitution du Sénégal (Ndeyu àtte Republigu Senegaal). Dans le sillage de ces initiatives qui n’ont rien à voir avec l’Etat, est née une abondante littérature en wolof et en pulaar. Mes romans en font partie, je revendique ma part de cet héritage et j’essaie de m’acquitter au mieux de mon devoir de transmission. »
Dans ce long processus figure notamment Adja Khady Diop Pathé née en 1922 à Dagana, écrivaine et poétesse qui conversait beaucoup avec Cheikh Anta Diop. Elle démontre, à travers des poèmes écrits en wolof, lors de la journée internationale de la femme en 1975, que la sensibilité poétique n’était pas réservée à des lettrés occidentalisés d’après le livre Des femmes écrivent l’Afrique : L’Afrique de l’Ouest et le Sahel édité par Miller et Osuwu Sarpong. Adja Khady Diop passe quelques années plus tard à la télé sénégalaise sur des programmes d’alphabétisation exclusivement en wolof.
Pour Diop, les radios et les télévisions ont joué un rôle crucial dans cette évolution des choses, comme en témoigne notamment la place prise par les débats en wolof. C’est, estime-t-il, un changement qui va se poursuivre.
« On appelle nos pays des pays francophones, anglophones ou lusophones malgré le fait que 70 ou 80% des populations ne parlent pas ces langues. 80% de la population sénégalaise parle le wolof. Pourtant on ne dit pas que le Sénégal est wolofone mais francophone à mon avis, c’est un abus de langage. » Ces propos du regretté Joseph Ki Zerbo pourraient être repris à son compte par Boubacar Boris Diop tant le penseur sénégalais œuvre pour la valorisation des langues de notre pays.
EJO pour valoriser les langues africaines
Justement, c’est pour donner toute sa place à ces langues, que l’ancien professeur de philosophie a lancé EJO-Éditions. Le mot EJO veut dire en kinyarwanda « hier et demain». Un nom d’une originalité remarquable, très séduisant pour un panafricain mais aussi pour l’auteur de Doomi Golo, un livre sur ce qu’il appelle, avec un sourire entendu, « la petite guerre que se mènent dans la fiction romanesque toutes les dimensions du temps ».
C’est dans les murs de EJO, plus précisément dans l’espace qui porte le nom de Mame Younousse Dieng – auteure en 1996 de Aawo bi, le tout premier roman en langue wolof, publié par les Editions OSAD – que Boubacar Boris Diop nous reçoit. Sans protocole, accueillant et courtois, il nous fait visiter cet agréable espace, bien aménagé, bien aéré et où une stricte distanciation physique est de rigueur en cette période de Covid-19. Nous nous y plions volontiers. L’impressionnante bibliothèque en face de nous est remplie de livres dont beaucoup sont consacrés au génocide des Tutsi du Rwanda. Bien évidemment aucun des livres de Cheikh Anta Diop ne manque à l’appel. Un immense volume violet attire le regard : ce sont les « Oeuvres complètes » d’Aimé Césaire dont Diop a traduit en wolof les pièces intitulées Une saison au Congo. Et du reste le cœur palpitant de cette bibliothèque, ce sont les ouvrages en wolof. Tous ceux des éditions OSAD sont là, en vente, de même que les publications de EJO, Doxandéem de Ibraayima Saaxo Caam, Puukare de Ceerno Seydu Sàll ou encore Bàmmeelu Kocc Barma et Doomi Golo de Bubakar Bóris Jóob… Et comme le 15 décembre EJO a fait paraître en même temps trois livres, ceux-ci sont à l’honneur dans l’espace Mame Younouss Dieng : Guddig Mbooyo, roman policier de Lamin Mbaay ; Mboorum àdduna si, de Abdul-Xadr Kebe ; et un recueil de poèmes de Làmp Faal Kala, Xelum Xalam.
« Dans une démarche panafricaine, nous avons voulu donner à une maison d’édition sénégalaise un nom emprunté au kinyarwanda. Dans Antériorité des civilisations nègres Cheikh Anta Diop nous invite à « faire le bilan du passé pour aider l’Afrique à mieux affronter le présent et l’avenir » et c’est bien notre objectif. »
Le romancier sénégalais en est persuadé : le progrès et le développement passeront par la valorisation des langues africaines. Quand on lui demande si le mouvement n’est pas trop lent, il marque aussitôt son désaccord, faisant observer qu’au contraire cela bouge en profondeur.
« Beaucoup commettent l’erreur de croire que les changements sociaux n’adviennent que dans le fracas de l’histoire, dans le bruit et la fureur, pour ainsi dire. Cela arrive, certes, tout le temps. Mais les sociétés humaines peuvent aussi n’avoir aucune conscience de leurs propres mutations, il ne faut pas négliger ce qu’on peut appeler des révolutions silencieuses, qui viennent souvent des flancs de la société. Pour prendre le seul exemple des langues nationales au Sénégal, elles n’en seraient pas là si on s’en était remis aux seules structures officielles, comme les ministères de l’Alphabétisation. L’essentiel du travail a été fait dans l’ombre par des individualités pleines d’abnégation et peu impressionnées par un environnement hostile », confie Boris Diop qui rappelle que ce mouvement, que rien ne semble désormais pouvoir arrêter, est parti du travail de Cheikh Anta Diop.
« C’est lui qui dès 1948 met l’accent dans un texte mémorable intitulé :Quand pourra-t-on parler d’une renaissance africaine ? sur l’importance des langues nationales. Il réaffirme ce point de vue en 1954 dans Nations Négres et Culture. La lecture de cet ouvrage que Dialo Diop qualifie si justement de « séminal » incite des jeunes étudiants sénégalais de France à constituer dès 1958 le fameux « Groupe de Grenoble ». Autour d’Assane Sylla et d’ailleurs chez ce dernier, Cheik Ndao, Saliou Kandji, Massamba Sarre et quelques autres rédigent «Ijjib wolof », le tout premier alphabet dans la langue de Kocc. Plus tard Pathé Diagne, Sembène, Samba Dione lanceront « Kàddu ». Sakhir Thiam, agrégé de mathématiques, s’attachera à démontrer l’efficacité de l’enseignement de cette discipline et des sciences en général dans la langue wolof. Il y aura plus tard l’Association en Recherche et Éducation pour le Développement (ARED) et l’Organisation Sénégalaise d’Appui au Développement (OSAD) sans parler du travail scientifique considérable abattu par Aram Fal et Jean-Léopold Diouf pour ne citer que ces deux spécialistes. Le magistrat Amet Diouf et Aram Fal traduiront la Constitution du Sénégal (Ndeyu àtte Republigu Senegaal). Dans le sillage de ces initiatives qui n’ont rien à voir avec l’Etat, est née une abondante littérature en wolof et en pulaar. Mes romans en font partie, je revendique ma part de cet héritage et j’essaie de m’acquitter au mieux de mon devoir de transmission. »
Dans ce long processus figure notamment Adja Khady Diop Pathé née en 1922 à Dagana, écrivaine et poétesse qui conversait beaucoup avec Cheikh Anta Diop. Elle démontre, à travers des poèmes écrits en wolof, lors de la journée internationale de la femme en 1975, que la sensibilité poétique n’était pas réservée à des lettrés occidentalisés d’après le livre Des femmes écrivent l’Afrique : L’Afrique de l’Ouest et le Sahel édité par Miller et Osuwu Sarpong. Adja Khady Diop passe quelques années plus tard à la télé sénégalaise sur des programmes d’alphabétisation exclusivement en wolof.
Pour Diop, les radios et les télévisions ont joué un rôle crucial dans cette évolution des choses, comme en témoigne notamment la place prise par les débats en wolof. C’est, estime-t-il, un changement qui va se poursuivre.
Nous l’interpellons alors sur la remarque de l’historien Abdarahmane Ngaïdé quant à la wolofisation du pays et au danger de voir le wolof remplacer le français et à son tour étouffer les autres langues nationales.
Boubacar Boris Diop dit comprendre les craintes de Ngaïdé un intellectuel à l’endroit de qui il ne tarit d’ailleurs pas d’éloges.
« Si on s’y prend mal, le risque est réel. Au Sénégal, le wolof est une langue transethnique, que presque tout le monde parle et comprend plus ou moins. C’est une chance, mais cela ne veut pas dire qu’il faut foncer tête baissée. L’idée de coupler partout le wolof avec une langue régionale, en les mettant sur un pied d’égalité, eh bien, cette idée fait lentement son chemin depuis quelques années. Par exemple, à l’université Gaston Berger de Saint-Louis les étudiants ont le choix entre une première langue et une deuxième, qui peut être indifféremment le pulaar ou le wolof. Les professeurs Sokhna Bao Diop et Oumar Djiby Ndiaye ont en charge ces deux enseignements. À EJO, nous avons jusqu’ici publié du wolof par la force des choses mais nous n’excluons aucune langue de notre pays. À vrai dire, nous avons reçu un manuscrit en langue pulaar mais des spécialistes consultés nous ont dissuadé de le publier… ». Jugeant ce sujet particulièrement sérieux, Boubacar Boris Diop insiste sur la nécessité d’une réflexion apaisée car, prévient-il, « faute de consensus là-dessus nous nous condamnons à laisser le français arbitrer cette querelle artificielle pour l’éternité ».
À Suivre…
CHEIKH ANTA DIOP, UNE MYTHOLOGIE SCIENTIFIQUE
Le projet de la réécriture de l’histoire africaine de Cheikh Anta Diop part du constat d’une extraversion voire d’une faillibilité dans la narration de l’histoire africaine
L’une des idées qui s’impose avec force et puissance à la lecture des ouvrages du scientifique sénégalais Cheikh Anta Diop, c’est qu’il ne peut y avoir de devenir africain sans le recours à l’histoire, et dit en ce sens, « il devient indispensable que les africains se penchent sur leur propre histoire et leur civilisation et étudient celle-ci pour mieux se connaitre ».
Les prises de positions scientifiques de Cheikh Anta Diop , tout en s’inscrivant dans la perspective de la décolonisation de l’histoire africaine, soulèvent des questions relatives à la philosophie et à l’épistémologie de l’histoire, dans la mesure où elles véhiculent un savoir et une pratique de l’histoire qui appellent à une épistémologie c’est-à-dire une sorte de scientificité historique.
Le projet de la réécriture de l’histoire africaine de Cheikh Anta Diop part du constat d’une extraversion voire d’une faillibilité dans la narration de l’histoire africaine. Sa démarche s’enracine dans le souci de tourner radicalement le dos aux falsifications et de réaffirmer l’historicité voire la primauté des sociétés africaines, mais surtout aussi de montrer qu’il y a une continuité spatio-temporelle des sociétés africaines, malgré l’émiettement territorial et la diversité des tribus et des peuples.
En effet, la fonction de l’historiographie est de fournir une explication narrative et interprétative des phénomènes historiques, ce qui implique la nécessité d’une logique qui donne à l’historien des ressources matérielles et immatérielles pour examiner le contenu, les réalités de causalité entre les faits.
En plus, de cet objectif de démantèlement théorique qui habitera tous ses ouvrages, Cheikh Anta se propose de montrer non seulement qu’une histoire non évènementielle de l’Afrique est possible, mais aussi de faire de l’idée que les Egyptiens étaient des noirs un « fait de conscience historique africaine et mondiale voire un concept scientifique opératoire ».
Il souligne au nom de la logique historique que toutes les théories élaborées pour rendre compte du passé africain avaient pour but avoué de servir le colonialisme et surtout de faire croire au nègre qu’il n’avait jamais été à l’origine de quoi ce soit de valable.
Pour Cheikh Anta Diop, l’enjeu, c’est d’abord de faire mentir publiquement et scientifiquement une certaine conception de l’Afrique et de l’Egypte qui situe cette dernière hors de l’Afrique et l’auteur qui s’est le plus avancé dans cette direction de falsification historique n’est autre que Hegel , que Cheikh ne cite pratiquement jamais.
De ce « mensonge historique » , Cheikh s’indigne par ces termes : « la vérité de ces théories fragmentées et réductrices sert au colonialisme et leur but est d’arriver, en se couvrant du manteau de la science, à faire croire aux peuples noirs qu’ils n’ont jamais été responsables de quoi ce soit de valable, de même pas de ce qui existe chez lui ».
Par conséquent, il y a selon lui, un réel danger à s’instruire de ce passé dans les ouvrages occidentaux sans en faire une critique sévère voire radicale, car chaque fois que dans l’histoire un peuple en a conquis un autre, il a utilisé l’arme de l’aliénation culturelle pour réduire l’autre à néant.
Cette position de Cheikh Anta Diop trouve un écho favorable chez le psychiatre martiniquais Frantz fanon qui par des analyses psychologique voire psychopathologique est arrivé à des conclusions que le déni de l’histoire peut être un facteur d’aliénation culturelle de surcroit d’une fausse représentation dans le culte de la construction de la personnalité des individus colonisés ou issu de la colonisation.
Il est donc question pour cheikh d’éradiquer ce « poison culturel » savamment inoculé dans les mentalités des noirs et qui désormais semble faire partie intégrante de leurs imaginaires et de leurs représentations.
Ainsi face à ce déni de l’histoire qui ouvre des perspectives de destruction chronique dans la construction de la personnalité de l’homme noir, il devient indispensable que les africains apprennent et comprennent leur véritable histoire et leur vraie civilisation pour mieux se connaitre et arriver ainsi, par la véritable connaissance de leur passé à rendre périmées, grotesques et désormais inoffensives ces armes culturelles assimilationnistes.
Sa démarche s’élève contre ceux qui pensent qu’il est futile de fouiller dans les décombres du passé parce que les problèmes de l’heure sont urgents et se posent dans un monde de vitesse, caractérisé par la tendance à l’unification du monde et par le surdéveloppement de nouvelles sciences et technologies qui ambitionnent la résolution de tous les grands problèmes. Pour Cheikh Anta Diop, ils rendraient caduques, périmées et accessoires les préoccupations de mémoires voire historique d’être une boussole pour l’avenir.
Il répond que cette attitude intellectuelle est le fruit « d’une cécité culturelle » et d’une « incapacité à proposer des solutions concrètes, valable , aux problèmes qu’il faut résoudre pour que l’assimilation cesse d’être une nécessite apparente » et que ce comportement face à une telle situation de piétinement et de déchéance est dangereux car donne l’illusion d’une marche en avant à pas de géants mais qui n’est rien d’autre qu’une tendance à déprécier tout ce qui émane du génie millénaire du nègre.
En effet, le modernisme ne consiste pas pour Cheikh Anta Diop à rompre avec les sources du passé, mais plutôt à y intégrer la nouveauté pour affronter les autres peuples sur un pied d’égalité, en s’appuyant sur son passé, un passé suffisamment étudié.
Cette convocation de l’histoire n’a point pour ambition d’y extraire nécessairement que du beau ou du bien mais que ce passé puisse servir à la sauvegarde des cultures africaines. Donc il ne s’agit pas pour Cheikh de « créer de toutes pièces une histoire plus belle que celle des autres, de manière à doper moralement le peuple pendant la période de lutte pour l’indépendance, mais de partir de cette idée évidente que chaque peuple a une histoire ». C’est également cette démarche qu’entreprennent les initiateurs du RASA.
Son anthropologie historique la culture africaine devrait jouer le même rôle que les antiquités gréco-latines qui façonnent depuis des millénaires l’imaginaire de l’occident. Et pour cela il faut une « décentralisation des sources de l’universel », car autant la technologie et la science moderne viennent d’Europe, autant dans l’antiquité le savoir universel « coulait de la vallée du Nil vers le reste du monde » en particulier vers la Grèce qui n’était qu’un maillon intermédiaire dans la longue marche de l’histoire des idées et des civilisations.
Comme le souligne très bien Théophile Obenga , son compagnon de route, « si Cheikh Anta Diop s’intéresse tant aux genèses, aux origines , aux émergences premières des civilisations africaines, c’est que les premières origines sont la vérité et qu’elles ont une puissance exceptionnelle pour se faire remémorer le passé temporel tout entier, d’un seul tenant, établissant ainsi une certaine logique historique dans les évolutions et les développements ultérieurs qui tiennent cependant des émergences primordiales ».
Dans cette perspective de mieux comprendre l’impact de cette réinsertion de l’Afrique dans le cours de l’histoire, Obenga convoquera même Heidegger qui affirmait que « ce qui a une histoire peut du même coup en faire une » puisque l’histoire est le tout de l’état qui change avec et dans le temps.
Logiquement donc les peuples africains, parce que vivant dans le temps, ont une histoire, c’est-à-dire une aventure spécifique de leur être au monde qui s’est passée, qui passe et qui se transmet en même pour construire des mémoires collectives qui voyagent dans l’espace-temps. Ainsi on voit que l’homme en tant qu’être culturel par essence se rapporte à toutes les dimensions de la conscience historique comme sujet de l’évènement et en même temps comme sujet d’histoire.
Cependant, les histoires écrites par les colons n’établissaient pas de chaines causales, de trames historiques susceptibles de situer les évènements par rapport à la temporalité. Du coup, elles situaient les sociétés dont elles parlaient dans une certaine intemporalité ou atemporalité.
En effet, ces histoires n’étaient qu’une sorte d’ébauche avortée parce que les africanistes ne sont jamais parvenus à tracer tout l’enchainement logique et spatio-temporel du passé de l’homme africain, ainsi dans cette dynamique l’un des apports fondamentaux de Cheikh Anta sera de donner à l’Afrique son « passé » et son caractère historique, en montrant, preuve et témoignage à l’appui, que les peuples de cette partie du monde existaient dans le temps, et ce depuis l’aube des temps, d’autant que la première humanité y a émergé.
Par-delà cette affirmation qui fait de l’Egypte, un point de repère historique, il y a l’idée que l’Afrique forme un tout cohérent qui finalement relève d’une trajectoire historique singulière, commençant depuis la première humanité et, à travers une série de migration, culmine dans la civilisation égyptienne qui va éduquer et civiliser l’humanité.
la référence historique et culturelle dans la trame générale de l’histoire de l’humanité est nécessaire pour Cheikh Anta et dira comme message à la postériorité que : « l’Africain qui nous a compris est celui-là qui, après la lecture de nos ouvrages, aura senti naitre en lui un autre homme, animé d’une conscience historique, un vrai créateur, un Prométhée porteur d’une nouvelle civilisation et parfaitement conscient de ce que la terre entière doit à son génie ancestral dans tous les domaines de la science, de la culture et de la religion ».
par Seexuna Njaay
LA GRAMMAIRE WOLOF
Lorsqu'en parlant français vous dites "la cheveu" ou "le lune", les uns s'esclaffent, les autres rient sous cape, parce que vous avez commis une faute. Et pourtant, en wolof aussi, chaque nom est accompagné d'un article bien précis
L'un des méfaits de la domination coloniale est qu'elle nous impose la culture et la langue de l'autre au point de nous faire oublier les nôtres.
Lorsqu'en parlant français vous dites "la cheveu" ou "le lune", les uns s'esclaffent, les autres rient sous cape, parce que vous avez commis une faute. Et pourtant, en wolof aussi, chaque nom est accompagné d'un article bien précis, mais la plupart d'entre nous utilisent le plus souvent l'article défini "bi" pour accompagner n'importe quel nom. Par exemple : "qar bi", "suuf bi", "weer bi", pour désigner le mouton, la terre, la lune. Autant d'emplois fautifs.
J'ai l'habitude de persécuter mes enfants avec mes soucis de pureté du langage. Quand l'un d'entre eux dit, par exemple, "cere bi" pour désigner le couscous, je corrige en martelant bien fort: "CERE JI".
La langue française compte, je crois, trois articles définis au singulier : le, la, l'...
La langue wolof en compte huit, que je vais vous soumettre. On peut même dire que la grammaire française compte, au singulier, deux articles définis seulement : le et la (le troisième que j'ai cité tout à l'heure n'étant qu'une variante de "le" ou "la" avec élision de la voyelle.
Les huit articles définis wolofs sont les suivants:
BI, MI, SI, GI, JI, WI, LI, KI.
Quelques exemples :
BI :
loxo bi : le bras, la main
tank bi : la jambe, le pied
bopp bi : la tête
ceeb bi : le riz
biir bi : le ventre
teen bi : le puits
lal bi : le lit
dënn bi : la poitrine
baaraam bi : le doigt
bëñ bi : la dent
MI :
mburu mi : le pain
meew mi : le lait
soow mi : le lait caillé
ñax mi : l'herbe, la paille
mbubb mi : le boubou
qar mi : le mouton
mbaam mi : l'âne
po mi : le jeu
mer mi : la colère
mbég mi : la joie, la gaieté
SI :
asamaan si : le ciel
suuf si : la terre
soxla si : le besoin
suukar si : le sucre
safara si : le feu
sunguf si : la farine
soxna si : la dame
sibiru si : le paludisme
saxaar si : la fumée
satala si : la bouilloire
saxaar si : la fumée
GI :
garab gi : l'arbre, le remède
gaynde gi : le lion
gémmiñ gi : la bouche
gélém gi : le dromadaire
gaal gi : la pirogue
mango gi : le manguier
gétt gi : le troupeau
géej gi : l'océan
golo gi : le singe
weñ gi : le métal
WI :
nag wi : la vache
bey wi : la chèvre
weer wi : la lune, le mois
wëy wi : la chanson
qiin wi : l'orage
lammiñ wi : la langue
waañ wi : la cuisine
yoon wi : la route
wërsëg wi : la richesse
weñ wi : la mouche
LI :
ngelew li : le vent
ndigg li : la hanche
cangaay li : le lavage (du corps)
cuuraay li : l'encens
takaay li : la parure
ngannaay li : l'arme
njariñ li : l'utilité
cëlmaay li : le visage
JI :
cere ji : le couscous
jëf ji : l'acte, le fait
jangoro ji : la maladie
caabi ji : la clé
jaww ji : l'atmosphère, l'espace
jamm ji : la paix
jéeri ji : la terre ferme
jaasi ji : le coupe-coupe
jaloore ji : la gloire
jamano ji : la vie présente
KI :
nit ki
kenn ki
kenen ki
këf ki : la chose (pour désigner ce qu'on ne peut ou qu'on ne veut nommer)
Remarques (pour souligner l'importance des articles, surtout dans les cas d'homonymie):
saxaar si : la fumée saxaar gi : le train
weñ gi : le métal
weñ wi : la mouche
fas wi : le cheval
fas gi : l'amulette (fil torsadé, comportant des noeuds)."
LES MANTEAUX DE LA FOI
«L’habit ne fait pas le moine», entend-on souvent dire. En terre sénégalaise, toutefois, les «moines» se reconnaissent par simple coup d’œil à travers leur mise. Autant d’habits que de branches au sein de la communauté musulmane d’ici
«L’habit ne fait pas le moine», entend-on souvent dire. En terre sénégalaise, toutefois, les «moines» se reconnaissent par simple coup d’œil à travers leur mise. Autant d’habits que de branches au sein de la communauté musulmane d’ici. Quelques-uns de ces costumes…
La couleur et le style de leurs habits diffèrent, mais tous ont en commun la longueur du pantalon. Ce dernier n’arrive jamais à la cheville, quelle que soit la personne observée. À la mosquée de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, on s’habille court. «Cëkkël», ce mot est utilisé par plus d’un pour désigner le mode vestimentaire à pantalon court qui distingue ceux-là qu’on appelle «Ibadous». Ces derniers ne se disent certes pas confrériques mais ont leur spécificité vestimentaire. Presque chacune des différentes branches qui composent la communauté musulmane sénégalaise a un trait stylistique qui la différencie des autres. Lorsqu’il y a un «bonnet carré» renvoyant à Tivaouane et une modeste percale blanche qui fait penser au sable de mer de Diamalaye et à Limamou Laye, Médina Baye et Touba ont eux-aussi leur empreinte stylistique.
À la mosquée Massalikul Jinane dont la brillance des décorations se voit amplifiée par un soleil de midi, on retrouve Ndiaye. L’effet d’un vent moyen défait le nœud qui faisait tenir un foulard blanc autour de son cou. Sous son masque, on distingue le mouvement d’une bouche qu’accompagne l’action de doigts occupés à égrener un chapelet. C’est l’heure du «zikr», impossible de discuter avec celui que les autres désignent pourtant plus éloquent que le reste du groupe assis à l’ombre, dans la grande cour de la mosquée qui surplombe Colobane. Plus loin, Bamba Souané ne se prive pas de la parole. «Décomplexé», entend-on de son discours. «C’était la manière de s’habiller de Baye Lahat. Le défunt Atou Diagne l’a vulgarisée de telle sorte que maintenant, on n’est pas complexé de porter ce type d’habit». Bamba Souané parle ainsi de ce grand boubou avec lequel se vêtait Baye Lahat, l’un des défunts khalifes de la confrérie mouride. Un habit qui porte désormais et à jamais son nom. Un accoutrement distinctif auquel on reconnaît le Mouride et qui n’est pas d’ailleurs le seul. Puisqu’il y a, avec lui, le «Serigne Chouaybou».
À la sortie de Massalikul Jinane, sur la route menant vers le marché des Hlm, le jeune Demba vend tous les deux modèles. Ils sont prisés par les disciples mourides. Pour Bamba Souané, le «Baye Lahat» est plus qu’un vêtement : c’est une autre manière de s’identifier à son guide spirituel. Une partie de l’identité mouride…
Du culturel dans le cultuel
Du côté de la mosquée universitaire, par contre, on soutient que l’injonction de se vêtir avec un pantalon d’une longueur comprise entre mi-mollets et chevilles vient du prophète. Ainsi s’habillait-il, ainsi a-t-il demandé aux hommes de la communauté de s’habiller. L’explication est de Makhtar Diakhoumpa, imam et président de la commission formation et prédication islamique à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. L’imam précise que dans quelques versions de la tradition prophétique rapportée, il est permis que le pantalon descende pour se rapprocher encore plus de la cheville. Cette dernière est toutefois la limite à ne pas franchir. Le feu est la conséquence du désobéissant qui laisserait traîner son pantalon par ostentation. Les routes du désert de l’Arabie et les vents de cet espace culturel ont aussi fait entrer en terre sénégalaise des voiles de tout genre. Du hijab simple à la burqa qui ne laisse apparaître que les yeux, une large palette s’offre aux dames. «Dans notre famille, tout le monde porte le meulfeu», dira Maïmouna Aïdara. Et le seul « meulfeu» ne suffit pas parfois. Il est assorti d’un sous-vêtement collant à manches longues, qui vient compléter ce type de voile non cousu avec lequel on s’enveloppe tout le corps pour le cacher. À l’en croire, cette variante du voile est culturelle. Chez elle, on la préfère à la djellaba tout aussi appréciée par les Sénégalaises qui en mettent…même sans foulard.
Du «Cëkkël» au «bonnet carré»
«Boroom bonnet carré bi» ! Cette expression qui peut littéralement signifier «l’homme au bonnet carré» est directement rattachée à Serigne Babacar Sy, comme d’ailleurs le qualificatif «élégant» est attribué aux Tidianes par l’appréciation populaire. Cette élégance ? Babacar Seck l’incarne à fond. Parce que «notre guide nous l’a recommandée», dit-il. Mais c’est avec la même énergie que le «talibé Cheikh» rejette l’étiquette de «jaaytaar» (frimeur), quelquefois utilisée pour désigner ses condisciples. La recherche de la beauté dans l’habillement, selon Babacar Seck, est une preuve de respect, d’exaltation du prophète. Parce que «c’est vers lui que mène notre confrérie, la Tidianiya. Raison pour laquelle nous nous faisons beaux pour aller assister aux séances de zikr». Par séances de zikr, il entend la «hadaratoul jum’aa» que la confrérie tient chaque vendredi, en plus de la «wazifa» qui est quant à elle tenue quotidiennement. Le bonnet carré coiffe le tout : l’habillement est composé de grand boubou cousu dans du bazin riche, de babouches. «Un parfum cher et de bonne qualité» sera la bienvenue.
Les «Mbaxana Faydu» ou l’influence nigériane
Dans cette même confrérie tidiane, un autre groupe se distingue par «le bonnet de la faydu». Un type de bonnet particulier auquel on reconnaît les disciples de Cheikh Ibrahima Niass. C’est à partir de Médina Baye que ces chapeaux ont envahi le reste du pays. Les «Mbaxana faydu» font désormais partie du décor du paysage confrérique. Un business fleurissant est même né de ce style des «talibés Baye». Pourtant, explique Omar Boun Khatab Kébé, ces chapeaux aux décors originaux qui attirent plus d’un regard sont tissés au Nigeria, pays où l’influence de Baye n’est plus à démontrer. Cheikh Ibrahima Niass, explique Omar Boun Khatab Kébé, s’affichait fréquemment en manteau. Chose que ses khalifes et bon nombre de ses disciples ont aussi copié de lui, en plus du «kaala» (grand foulard) blanc qu’il nouait autour de sa tête.
À Dakar, près des flots, existe une autre branche de la communauté musulmane sénégalaise. Les Layènes sont dans ce qu’il y a de plus basique comme accoutrement. Ils se distinguent par le port uniforme de la percale, ce tissu blanc de moindre valeur dans lequel la dépouille des musulmans est enveloppée ; une fois que la faucheuse aura dépossédé les chairs de leurs manteaux, boubous et chapeaux…Comme pour se draper dans leur humilité.
«D’EXCELLENTS DANSEURS S’INSTALLENT A L’ETRANGER OU ILS ARRIVENT A MIEUX GAGNER LEUR VIE»
Palabres Avec… Gacirah Diagne, présidente de l’association Kaay Fecc
Figure incontournable de la danse au Sénégal, la présidente de l’Association Kayy Fecc, Gacirah Diagne ne vit que pour son art. Dans cet entretien, elle aborde différents points qui concernent le secteur de la danse au Sénégal.
Dans quelle mesure le secteur de la danse a été affecté par la crise de la Covid ?
La danse a été très affectée. Les arts vivants ont été les plus touchés par cette situation dans le secteur des Arts et de la Culture. La Covid19 impose des restrictions au niveau du corps, de l’espace et du temps qui sont nos outils de travail. Les danseurs ont mis à l’arrêt leurs activités. Ce qui a un effet négatif sur toute la chaîne de valeurs : formation, création, production, diffusion. C’est très difficile de rester inactif pour quelqu’un qui a fait du mouvement son métier. L’impact économique est catastrophique avec pas ou très peu de revenus depuis près d’un an. Mais, en attendant que la situation s’améliore, les acteurs font montre d’une grande résilience.
La presse fait état de 18.000 francs par danseur. Est-ce exact ?
Oui. Le montant correspond à la répartition égalitaire de l’appui alloué au secteur de la Danse dans le cadre du Fonds Covid19 de 3 Milliards.
Combien de troupes compte le secteur ?
Il y a plus de 5000 danseurs au Sénégal. –
Mais qui est danseur et ne l’est pas ?
La loi sur le statut de l’Artiste va régler cette question une bonne fois pour toute. Il faut distinguer la pratique professionnelle et la pratique amateur de la Danse. Les deux sont importantes et dans les deux cas, le nombre de pratiquants est à prendre en compte dans les statistiques et dans les politiques culturelles. Le statut de l’Artiste va également contribuer, je l’espère, à changer le regard porté sur la Danse et les danseurs en particulier.
Peut-on être danseur au Sénégal et vivre de son art ?
Oui et non. Les danseurs, en grande majorité, n’arrivent pas encore à vivre correctement de leur art. Ils se débrouillent. Les débouchés ne sont pas nombreux. Certains s’en sortent un peu mieux en accompagnant les chanteurs, d’autres apparaissent dans les clips vidéo musicaux ou se produisent dans les hôtels, mais peu ont des saisons régulières exclusivement centrées sur la diffusion de la danse en tant que telle dans les cadres dédiés. Beaucoup d’excellents danseuses et danseurs sénégalais s’installent à l’étranger où ils arrivent à mieux gagner leur vie. C’est dommage que cette matière grise ait à s’exporter pour exister. Le niveau d’investissements qui sera consenti dans ce secteur par l’Etat fera la différence. Les talents existent, résistent. La matière première est là. Il faut créer de meilleures conditions d’épanouissement à tous les niveaux de la chaîne et dans tout le Sénégal.
Il reste cependant un secteur où ses acteurs peinent à se professionnaliser ?
Effectivement ! Mais ce n’est pas par manque de volonté de la part des acteurs. Se former exclusivement auprès des grands maîtres de ballets ou de compagnies ne suffit plus de nos jours. Il y a peu d’espaces formels de formation pour les professionnels, qu’ils soient privés ou publics. Une formation globale qui comprend théorie et pratique enseignées toute la journée, tout au long de l’année, pendant au moins trois ans dans plusieurs genres de danse (traditionnel, contemporain, urbain) et matières connexes, couronnée par un diplôme reconnu par l’Etat. Il y a l’Ecole Nationale des Arts, mais ce modèle ne suffit plus. Il y a l’Ecole des Sables qui offre des programmes tant bien que mal, et d’autres structures et compagnies de danse privées dont l’Association Kaay Fecc, qui font de même. Le tout, la plupart du temps, concentré à Dakar. De nos jours, le danseur et le chorégraphe, en dehors de la technique dans laquelle il se spécialise, doit avoir une base élargie de connaissances : un minimum d’administration, la scénographie, la création lumières, les costumes, l’approche digitale ; savoir parler de son travail, etc. Il doit pouvoir avoir accès à diverses institutions de formation et pas seulement à Dakar. La mise en place de l’Ecole Nationale des Métiers des Arts du Spectacle, annoncée depuis quelques années, fait partie des solutions. Son contenu doit être en phase avec notre temps.
Vous vous sentez toujours orphelins de la fermeture de Mudra Afrique…
Mudra Afrique a découlé d’une vision et d’une volonté politique. C’était un concept innovant à l’époque qui aspirait à créer une génération de danseurs sénégalais et africains outillés et ouverts au monde, qui porterait la création d’une nouvelle esthétique. C’est un modèle dont il faut s’inspirer et à reproduire dans toutes les régions du Sénégal en l’actualisant. Le monde a changé, le milieu de la danse a évolué, le numérique devient incontournable, les modes d’enseignement ont évolué, mais les principes de base sont les mêmes : travail, rigueur, discipline, excellence, intelligence, créativité, pour aspirer à une longue carrière. La question récurrente est celle du financement. L’école a fermé en raison d’un manque de financement régulier.
Justement, que répondez- vous à ceux qui pensent que l’Africain n’a pas besoin d’apprendre la danse…
Je ne perdrai pas mon temps à leur répondre
Comment jugez-vous les nombreuses formes de danse développées au Sénégal, urbaines classiques traditionnelle contemporaine etc..
Il y en a pour tous les goûts, aussi bien pour les danseurs que pour les publics. La diversité de genres et d’expressions est bénéfique. Ces formes ne sont pas toutes au même niveau de visibilité. Elles ont toutes besoin d’être enseignées, développées dans des cadres d’excellence et appréciées par les publics à leur juste valeur. Il faut préserver le patrimoine tout en osant aller vers le nouveau, un phénomène normal et nécessaire. Les danseurs doivent être curieux, les publics aussi, c’est aussi une question de culture générale.
Les ballets se meurent ainsi que les grands danseurs. Ce n’est pas votre impression ?
Plusieurs personnalités de la Danse nous ont quittés ces dernières années et tout récemment. On pense à Youssou Coly (Joe Buschanzi), Moustapha Guèye, Martin Lopy, Thiouna Ndiaye Rose. Paix à leurs âmes. Il est d’autant plus important de porter une attention particulière au secteur de la danse. Des bibliothèques brûlent. De nombreux ballets existent. Ils représentent la diversité et la richesse de notre patrimoine artistique et culturel. On doit les accompagner à développer tout leur potentiel.
Quels sont les plus grands problèmes du secteur ?
Le financement, la formation, les infrastructures, le déséquilibre entre Dakar et les autres régions.
Que vous inspire le statut de l’Artiste ?
Le projet est en discussion depuis 10 ans, c’est donc une bonne chose qu’il se concrétise. Le travail n’est pas fini. Il faut maintenant un rapprochement avec le ministère du Travail pour des compléments sur ce qui touche au code du travail. Les acteurs doivent s’approprier les textes.
Parlons un peu de vous. Dans quel environnement avez-vous vécu jusqu’à faire de la danse un métier ?
Les membres de ma famille sont artistes ou amateurs d’Arts et de Culture de manière générale. Je manifeste de l’intérêt pour la danse depuis que je suis toute petite. Cela a toujours été évident pour moi que j’allais faire carrière dans la danse. J’y évolue depuis plus de 30 ans.
Parlez-nous de votre vécu ?
J’ai grandi à Dakar. J’ai vécu également à Paris et à New York. Mon parcours passe par ces trois villes principalement. Je suis rentrée au Sénégal en 2001. J’ai suivi une solide formation en classique, jazz, moderne et en danse africaine dans ces villes, dont Alvin AiIey Dance Theater Center, et City College of New York. En tant que danseuse interprète et chorégraphe, j’ai dispensé des cours de danse dans plusieurs établissements scolaires et universitaires américains, et tourné aux Etats-Unis et internationalement. J’ai commencé à chorégraphier à partir de 1999. Mes créations ont été présentées aux Etats Unis, au Cameroun, au Burkina Faso, au Niger, au Nigéria et au Sénégal. J’ai également acquis de l’expérience dans les domaines de l’administration culturelle en rejoignant des structures culturelles réputées aux USA, et au Sénégal et occupé le poste de Conseiller Technique, en charge des cultures urbaines au ministère de la Culture du Sénégal dans le cabinet de feu M. Abdoul Aziz Mbaye. En 2011, dans le cadre de l’Association Kaay Fecc, j’ai créé la Compagnie Kaddu, la première compagnie de danse hip hop au Sénégal et participé à la mise en place de la Maison des Cultures Urbaines (MCU), une initiative de la ville de Dakar. Depuis une vingtaine d’années, j’assure la direction artistique et l’organisation de nombreux projets et événements, dont le Festival Kaay Fecc, le Battle National – Danse Hip Hop, l’Urbanation BBoy.
Parlez-nous de vos références ou modèles, des danseurs ou danseuses qui vous ont influencé ou qui vous inspirent
Il y en a beaucoup. Connus ou inconnus. On apprend beaucoup de toutes les personnalités que l’on croise dans une vie. Mais je dois dire que le chorégraphe américain Alvin Ailey m’a marquée par son sens de l’innovation, sa créativité et sa vision. Sa création Révélations, créée en 1960, touche toujours autant les publics. Sa compagnie est devenue l’une des plus réputée au monde. Elle a plus de 63 ans d’existence.
Quel est l’avenir de la danse selon vous ?
Je reste optimiste. L’avenir reste prometteur. Une nouvelle génération de danseurs et chorégraphes est en place. Ces leaders vont prendre en charge les problématiques du secteur et poursuivre ce qui a été engagé pour changer les mentalités. La Covid19 nous a forcés à nous remettre en question, à revoir nos priorités. Le numérique ouvre tout un champ de possibilités. Les artiste danseurs contribuent à créer et véhiculer l’identité culturelle du Sénégal. A ce titre, ils doivent, être respectés.
Comment jugez-vous l’évolution du milieu de la danse urbaine ex battle, street dance, et la prolifération des groupes évoluant dans ce secteur ici au Sénégal ?
Ce n’est que le reflet du dynamisme et du sens de l’innovation des jeunes. Et de leur désir d’être en phase avec leur temps. Certains parlent d’acculturation, mais il ne faut pas oublier que la source des danses urbaines, du hip hop en général, se trouve en Afrique. Il faut continuer à les accompagner pour qu’ils développent leur identité. Ils ont toute leur place dans notre industrie créative. L’un des enjeux majeurs proches est l’accueil des Jeux Olympiques de la Jeunesse par le Sénégal, comprenant la discipline breaking, devenue en 2020 une discipline olympique à part entière.
COUMBA GAWLO SE RETIRE PROVISOIREMENT DE LA SCÈNE
La diva sénégalaise estime être pour un moment "dans l’impossibilité de chanter et même parfois de parler", à cause des dommages au niveau de ses cordes vocales après une opération intervention chirurgicale subie il y a quelques mois
La chanteuse Coumba Gawlo Seck a annoncé jeudi s’être retirée provisoirement de la scène musicale nationale et internationale en raison de problèmes de santé touchant sa voix.
"Je viens vous annoncer mon retrait pour un moment de la scène musicale pour des problèmes de santé", a-t-elle dit dans une vidéo transmise à l’APS par son manager.
"Cela va vous étonner que j’en parle puisqu’en Afrique, on dit qu’il faut tout cacher, mais non. J’ai tenu à parler à mes fans, aux populations pour qu’ils puissent comprendre", a déclaré Coumba Gawlo Seck d’une voix difficile empreinte de tristesse.
Coumba Gawlo Seck estime être pour un moment "dans l’impossibilité de chanter et même parfois de parler".
Elle a révélé avoir subi il y a quelques mois une opération faisant suite à une occlusion intestinale, consistant en obstruction partielle ou totale de l’intestin grêle ou du côlon.
La diva a indiqué que ses intestins ont été amputés de "près d’un mètre" après cette opération, rendant grâce à Dieu d’en être sortie.
Les médecins "ont diagnostiqué des dommages au niveau de mes cordes vocales suite au tube introduit m’empêchant de chanter pour un bon moment et parfois même de parler", explique-t-elle.
La chanteuse promet malgré tout de rester en contact avec ses fans à travers ses activités sociales et son dernier clip "Borom Darou", offert aux mélomanes.
Coumba Gawlo Seck en a profité pour exhorter les populations à redoubler de vigilance pour lutter contre le Covid-19.
"Ne baissez jamais les bras, continuez de garder la foi et respectez les mesures barrières", conseille-t-elle.
La chanteuse a remercié tous ceux qui lui ont apporté leur soutien au cours de cette épreuve dont sa mère Fatou Kiné Mbaye et le chef de l’Etat Macky Sall.
« NOUS AVONS PRODUIT UNE SAGA PAR LE BIAIS DU DIGITAL POUR MARQUER LA 22EME EDITION »
Le fameux Fanal de Saint-Louis n’a pas eu lieu le 30 décembre dernier à cause de la pandémie de la Covid-19. Les organisatrices de cet événement populaire ont préféré user du Digital pour produire une saga
Le fameux Fanal de Saint-Louis n’a pas eu lieu le 30 décembre dernier à cause de la pandémie de la Covid-19 suite à l’arrêté ministériel interdisant les manifestations publiques et grands rassemblements. Mais en lieu et place, les organisatrices de cet événement populaire ont préféré user du Digital pour produire une saga. Il s’agit en effet de la 22ème édition matérialisée à travers une compilation d’extraits des anciennes manifestations du Fanal.
À l’instar des autres régions culturelles du pays, Saint-Louis n’a pas été épargnée du tout par la pandémie de la Covid-19. Celle-ci a beaucoup affecté le monde de la culture. C’est ainsi que les populations de la capitale du Nord ont été sevrées l’an dernier de leur fameux Fanal.
En effet, la 22ème édition qui devait se tenir le 30 décembre 2020 n’a pas eu lieu à cause des restrictions du ministère de l’Intérieur interdisant les manifestations publiques en raison de la pandémie de la Covid-19. “Nous nous sommes dits vu que l’arrêté du ministère de l’Intérieur est sorti interdisant toutes manifestations alors que nous étions en pleins préparatifs, donc à un mois de l’événement, nous sommes allées voir le Préfet qui nous a réaffirmé que les restrictions concernent toutes les régions du pays. Et puisque nous sous sommes rendues compte que le Fanal est une manifestation qui regroupe tous les quartiers donc c’est énormément de monde, donc nous nous sommes dits que nous sommes au premier chef concernées”, a fait savoir Marie Madeleine Valfroi Diallo, comédienne depuis l’enfance et Directrice de Dialoré Production, structure organisatrice du Fanal de Saint-Louis.
Ainsi, face à cette situation imposée par la pandémie de la Covid-19, ces braves dames de la cité de Mame Coumba Bang ont décidé de célébrer cette 22ème édition du Fanal à leur manière. “Nous avons finalement changé de tir et nous nous sommes dit qu’il y a le digital qui peut nous permettre de faire quelque chose mais en ligne. Alors nous avons contacté une jeune start-up qui excelle dans ce domaine. Au vu des propositions qui nous ont été faites, nous avons décidé de faire une saga de toutes les anciennes manifestations du Fanal. Il s’agissait de prendre des extraits que nous allons compiler, les passer et montrer Saint-Louis en fête et toute sa beauté culturelle. Cela nous servira de prélude à ce que nous n’avons pas fait cette année mais que nous reportons à 2021”, a-t-elle ajouté.
L’organisatrice du Fanal d’estimer qu’à travers cette saga produite, les Saint-louisiens vont se remémorer les merveilleux moments que leur offrait ce rendez-vous culturel et très populaire. “C’était vraiment un moment de convivialité, de brassage, de saines émulations entre tous les quartiers. Toutes les personnes venaient, les enfants avec leurs parents accompagnés aussi de leurs grands-parents dès fois même sur des chaises roulantes. Donc, c’est vraiment une grande manifestation très populaire”, a rappelé Marie Madeleine Valfroi Diallo tout en donnant rendez-vous aux populations saint-louisiennes le 30 décembre 2021 pour la 23ème édition de ce Fanal.