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3 décembre 2024
Culture
LES FRERES TOURE, YOUSSOU NDOUR ET LE MICRO SANS FIL !
Dans un pays aussi pauvre économiquement que le Sénégal, seule la richesse culturelle peut donner la joie de vivre. Et l’enthousiasme de se défouler. D’où l’importance des grandes manifestations sportives et musicales.
Dans un pays aussi pauvre économiquement que le Sénégal, seule la richesse culturelle peut donner la joie de vivre. Et l’enthousiasme de se défouler. D’où l’importance des grandes manifestations sportives et musicales. Jusque dans les années 80 et 90, les concerts des fêtes du 04 avril, de la Tabaski, de la Korité, du 25 décembre et autres 1er janvier ont toujours rythmé notre jeunesse. Et qu’on le veuille ou non, Youssou Ndour et le Super Etoile de Dakar avaient fini par « monopoliser » toutes ces dates à travers des méga-concerts aussi bien au stade Demba Diop qu’au théâtre national Daniel Sorano. Grâce à son sérieux et son professionnalisme, l’artiste planétaire Youssou Ndour, à travers ses rendez-vous annuels de Tabaski ou de Korité — mais aussi de fêtes de fin d’année — constituait le pôle d’attraction et un lieu de convergence pour tous les fêtards et mélomanes du Sénégal. Comme quoi, tout chanteur ou promoteur concurrent qui s’aventurait à jouer une date coïncidant avec celle du roi du Mbalax, allait tout droit vers un…fiasco.
Le groupe TouréKunda a constitué l’exception en ces annéeslà ! La preuve par l’année 1984 où le groupe Touré-Kunda débarqua, un après-midi de Tabaski, au stade de Demba Diop. A la clé, un impressionnant camion-podium rempli de 20 tonnes d’instruments de musique et de matériels de sonorisation. Une logistique ultramoderne que les mélomanes et spectateurs venaient de découvrir pour la première fois à Dakar. De même que les responsables et intendants du stade Demba Diop qui multipliaient les manœuvres acrobatiques pour faire rentrer, sans succès, le camion-podium dans l’enceinte du stade. Ce jour-là, ajoute Sixu, les logisticiens et techniciens français du groupe Touré-Kunda avaient tout essayé jusqu’à dégonfler les pneus, mais ils n’ont pas réussi à faire entrer le camion dans le stade. Il a fallu l’intervention du président Abdou Diouf pour autoriser la démolition d’une partie du portail de Demba Diop trop étroit pour la circonstance. Rien que cette instruction « fuitée » du président de la République suffisait pour faire monter l’engouement et l’effervescence autour de ce concert historique. Voir de près, en chair et en os, les frères Touré qui faisaient vibrer la France et l’Europe, c’était une occasion à ne pas rater ! Pendant ce temps, nous rappelle-t-on, certaines stars et divas de la musique sénégalaise s’activaient dans les coulisses — et jusqu’en basse et haute Casamance ! — pour se faire inviter à ce méga-concert à Demba Diop.
Contrairement à Youssou Ndour qui avait eu l’honneur et le privilège d’être convié sur scène par les frères Touré eux-mêmes. Il vrai que You n’était pas en terrain inconnu dans ce mythique stade pour l’avoir toujours conquis à guichets fermés ! Mais cette fois-là, toutefois, il fallait à notre You national s’adapter aux nouveaux instruments de pointe de la marque «T-K». Et surtout au fameux « micro sans fil » révolutionnaire offrant plus de liberté sur scène. « Micro sans fil » ? Un exercice très difficile pour un Youssou Ndour habitué à chanter et sauter avec un micro doté d’un long fil qu’il trimballait sur l’estrade. Cette Tabaski de l’année 1984-là à Demba Diop, l’auteur, compositeur et interprète du Super Etoile de Dakar avait été mis à l’épreuve de la toute-nouvelle technologie. A chaque fois que You s’élançait sur un refrain avec le « micro sans fil », il tentait par intermittence de se défaire du « fil » qui n’existait que dans son imagination. Un « tic » d’un novice qui, bien que discret, avait fini par provoquer l’hilarité générale d’un public à la fois ébahi et sidéré.
Le grand Youssou Ndour et son « fil » encombrant qu’il essayait de camoufler par des jeux et sauts de scène, c’était là tout un spectacle ! Au finish, la brillante prestation du roi du Mbalax avait eu raison de ce « micro sans fil » insaisissable. Avec un sourire nostalgique, Sixu Tidiane, l’un des frères TouréKunda se souvient de cette anecdote: « Il faut comprendre qu’à l’époque notre ami Youssou Ndour n’avait pas l’habitude des micros sans fil. Mais aujourd’hui, il en connait mieux que nous ! » relativise l’homme aux rastas avant d’ajouter : « D’ailleurs, je profite de l’occasion pour magnifier l’immense talent et le professionnalisme démesuré de Youssou Ndour qui n’a pas encore fini de séduire le monde de la musique ».
Abdou Diouf et les…lettres de créances
Dans les coulisses du sommet FranceAfrique de Vittel (France) en 1983, le président de la République d’alors du Sénégal, Abdou Diouf, avait promis aux frères TouréKunda qu’il allait s’investir pour le succès de leur première tournée africaine baptisée « Paris-Ziguinchor ».
Pour ce faire, durant l’étape de Dakar, il avait donné des instructions fermes aux membres du gouvernement concernés pour que tous les concerts et spectacles du groupe Touré Kunda soient exonérés de taxes. Même les droits de douane et les frais de manutention pour faire sortir le camion-podium du port de Dakar avaient été pris en charge par la présidence de la République » révèle Sixu en guise de reconnaissance à l’endroit de l’ancien chef de l’Etat, Abdou Diouf. Et pour la réussite de cette tournée africaine, le même président avait élevé au rang d’ambassadeurs culturels les frères Touré pour pouvoir les recommander auprès de ses homologues chefs d’Etat africains. « Le président Abdou Diouf nous avait même donné des lettres de recommandation, pour ne pas dire des « lettres de créances » afin de faciliter l’organisation de nos concerts en Gambie, en Côte d’Ivoire, au Mali etc. A travers cette grande tournée africaine, nous avons réussi à prouver à Angélique Kidjo, Salif Keita, Youssou Ndour, Manu Dibango et d’autres stars du continent que c’était possible de s’imposer en France et dans le reste du monde pour le rayonnement de notre patrimoine culturel » commente encore Sixu.
Pour preuve, dès son retour en France fin 1984, le groupe Touré-Kunda croule sous le poids des concerts et spectacles à l’échelle mondiale qui l’ont conduit au Japon, aux Usa, au Mexique, en Chine etc. En 40 ans de carrière, les frères Touré ont animé, à travers le monde, plus de 2.000 concerts et spectacles. Ce sans oublier les prolongations que jouent actuellement Sixu et Ismaïla. « Pas plus tard que l’année dernière (Ndlr 2020), nous avons joué en dehors de la France. Et on continue encore à jouer » indique Sixu sans pour autant reconnaitre que le mythique groupe Touré-Kunda a perdu son lustre d’antan. Après le décès d’Amadou et la « rébellion » d’Ousmane, le parfum de la décadence se fait sentir.
Que de beaux souvenirs !
A l’entame de cette série de concerts sanctionnés par de nombreux prix et distinctions, les célèbres auteurs et compositeurs de « Emma », « Amadou Tilo », « Natalia », « Toubab Bi », « Ninki Nanka », « Salam », « Santhiaba » et autres tubes, ont fait un retour mémorable au terroir des ancêtres, la Casamance. Ce concert tenu au stade Aline Sitoe Diatta semblait avoir pour but non seulement de communier avec leur public mais aussi de bénéficier des prières et de la bénédiction des « anges gardiens » qui ont vu naitre et grandir les frères Touré. Aux premières loges de ce concert, le père Daby Touré ayant à ses cotés les grands notables et dignitaires de Ziguinchor. « Mes frères Ousmane et Ismaila vous le diront, la présence de notre cher Papa au concert reste et demeure un de nos plus beaux souvenirs. En provenance de la mosquée après la prière de Guéwé (nuit), mon père, en compagnie des imams et oulémas du quartier, s’est dirigé vers le stade alors que le concert venait de démarrer. Tout souriant, notre Papa nous avait interpellés pour nous demander d’ouvrir gracieusement les portes du stade aux milliers de sans-tickets. Aussitôt, nous avons accédé favorablement à sa demande. Malgré le manque à gagner, nous nous étions exécutés. Cette autorité dont fit montre notre père ce soir-là marquera à jamais le groupe Touré-Kunda » assure Sixu en exclusivité au « Témoin ».
Sixu, les dreadlocks et le veuvage
Sur scène, Sixu Tidiane se distinguait du reste de la fratrie par ses dreadlocks. « Ah tiens, celui-là, le rastaman c’est Sixu Tidiane! » s’écriaient les fans du groupe Touré-Kunda. Quant à Ismaïla, rien ne permettrait de le confondre avec Sixu. Apparemment, ils ne se ressemblent pas. En tout cas, pas pour certains ! Et pourtant, ils sont presque des « jumeaux » puisque nés, de mères différentes (coépouses) il est vrai mais vingt-deux jours d’intervalle seulement ! Comme signe distinctif, Ismaïla se cache éternellement derrière ses lunettes de vue. Mais aujourd’hui, si Sixu porte des lunettes, on risque de le confondre avec Ismaïla ! Pour cause ? Parce que, tout simplement, Sixu s’est débarrassé de ses dreadlocks. Pourquoi ? « Après le décès mon épouse, mes enfants ne pouvaient plus tolérer que je supporte le fardeau des dreadlocks. Et j’ai coupé les fameuses tresses !
D’ailleurs, votre dirpub Mamadou Oumar Ndiaye et l’ancien ministre Ousmane Ngom connaissaient très bien ma défunte épouse (Ndlr, c’était la fille de l’ancienne ministre socialiste de la Santé, Dr Marie Sarr Mbodj) qui les avait invités à déjeuner lors d’un de leur passage à Paris. Mes deux invités étaient en compagnie de ma tante Ciré Ndiamé, une ancienne militante du Pds. C’était en 1988 au quartier Belle-ville où j’habitais à l’époque. Juste pour dire que seul le décès de mon épouse pouvait me séparer de mes dreadlocks » explique Sixu.
Selon les mauvaises langues, si Ousmane a quitté le groupe, c’est parce que l’ex-manager français Olivier faisait une répartition inéquitable des fonds. Interrogé sur cette rumeur malveillante, l’ex-homme aux rastas répond sans ambages : « C’est faux ! Notre manager Oliver n’est pour rien dans le départ d’Ousmane. C’est un problème entre frères Touré comme il peut en exister dans toutes les familles. D’ailleurs, c’est toujours avec beaucoup de désolation que j’évoque le départ d’Ousmane. Car j’ai tout fait avec insistance pour qu’il revienne dans le groupe mais sans y parvenir, hélas ! C’est toujours regrettable de se séparer d’un frère dans le cadre du travail... » se désole Sixu à propos du clash intervenu entre lui, Ismaïla, d’un côté, et Ousmane Touré de l’autre...
IL ETAIT UNE FOIS, LE GROUPE TOURE-KUNDA
Ils ont — ou avaient — pour prénoms : Ismaïla, Ousmane, Amadou (décédé) et Sixu Tidiane. Mais surtout, un patronyme en commun : Touré. Ils ont marqué leur époque après avoir conquis l’Afrique et le reste monde dans les années 70 et 80
De la maison de disques à la maison de retraite, Ismaïla, Sixu et Ousmane âgés respectivement de 71 et 70 ans jouent les prolongations musicales à Paris…
Ils ont — ou avaient — pour prénoms : Ismaïla, Ousmane, Amadou (décédé) et Sixu Tidiane. Mais surtout, un patronyme en commun : Touré. Ils ont marqué leur époque après avoir conquis l’Afrique et le reste monde dans les années 70 et 80. Célèbres, ils ont été adulés, admirés parfois même divinisés par des fans souvent en transes lorsqu’ils jouaient. Originaires de la Casamance, les frères Touré-Kunda ont également bercé notre adolescence à travers des méga concerts de Tabaski et de Korité au stade Demba Diop. « Le Témoin » a acheté un ticket de concert pour retourner sur les premiers pas des frères Touré dont les noms restent toujours liés à la révolution et à la modernisation de la musique africaine. Retour anecdotique sur scène : Le camion-podium, Youssou Ndour et le…micro sans fil ! (Enquête exclusive…)
Remontons le temps jusqu’en 1948, en Casamance ! Et plus précisément à « TouréKunda » ou la famille des Touré située dans le populeux quartier de Santhiaba à Ziguinchor. En cette saison des pluies, un vent violent semble arracher les toits de la concession des Touré où vivent coépouses, oncles et tantes en parfaite harmonie. Sous ce toit polyfamilial, et parce temps d’orage, le vent annonce, au-delà de la pluie nourricière, la naissance d’Amadou, le fils ainé de Daby Touré, l’honorable père de famille.
Et deux ans plus tard c’est-à-dire en 1950, Ismaïla et Sixu Tidiane Touré ont vu le jour à trois semaines d’intervalle. Presque des jumeaux ! Puis est venu au monde Ousmane, le cadet. Comme la plupart des enfants de leur âge, Amadou, Ismaïla, Ousmane et Sixu sont instruits et éduqués dans les pures traditions sénégalaises. Soumis à une éducation très rigoureuse, les frères Touré allient école française et daara. Et obéissent par peur ! L’ainé, Amadou, lui, se démarque régulièrement de la fratrie pour s’adonner à une passion encombrante : la chanson et la musique ! Pour tester son talent de jeune chanteur et prouver sa volonté de réussir en dehors de l’école, Amadou Touré sillonne les cérémonies familiales de Ziguinchor (baptêmes, Kassaks, mariages..) qu’il transforme en jurys de circonstance :« Amadou todj na mariage baa !!! Il a cassé la baraque…» s’extasiaient les uns. « Il chante très bien. En tout cas, il a de l’avenir dans la musique ! » juraient les autres. Finalement, l’ainé Amadou en personne entraine dans sa fugue culturelle ses propres frères jusqu’à les dévier du chemin prometteur de l’école. En guise d’appât du gain et de gage de réussite, Amadou crée un groupe musical uniquement composé, à part lui, de ses frères Ismaïla, Sixu et Ousmane. Ainsi, le cours d’initiation (Ci/Ecole) devient l’orchestre d’initiation (Oi/Musique).
Pour diversifier leurs activités et prouver leur transversalité culturelle (Danse et théâtre), il arrivait parfois aux frères Touré de faire des incursions dans d’autres groupes de Ziguinchor comme « La Fraternelle » et « Esperanza ». Profitant une année de la saison des pluies ou hivernage marquant la pause des activités folkloriques, Ismaïla Touré s’est échappé du groupe pour une visite de courtoisie à des parents installés à Nouakchott (Mauritanie). C’est à partir de la capitale mauritanienne qu’il mûrit l’idée de découvrir d’autres horizons. Ainsi, il s’envole pour la France. C’était en 1975.
Ismaïla, le précurseur…
Une fois installé à Paris, Ismaila se convainc rapidement qu’il lui est impossible de développer ses projets en matière de créativité musicale et de prestation artistique sans ses frères Amadou, Sixu et Ousmane restés au pays. Des frères qui, avec lui, se complètent sur scène. Et qui, surtout, excellent dans des œuvres chorégraphiques et jouent bien à la kora et aux sabars. Ils savent également danser et chanter en soninké, mandingue, diola, wolof et français. Pour donner de ses nouvelles et exposer ses projets en France, Ismaïla expédie une cassette audio à l’image d’une « lettre postale » à son père Daby Touré en Casamance (Sénégal).
Cheikh Tidiane alias « Sixu », joint par « Le Témoin » depuis Paris, confie en toute exclusivité le contenu du courrier. « Ce jour-là, était un jour historique pour tous les membres de la famille qui ont eu finalement des nouvelles d’Ismaïla. Mon père avait rassemblé toute la famille autour d’un magnétophone ou radiocassette pour nous faire écouter les messages vocaux de notre frère Ismaïla. De Paris, Ismaïla ne cessait de répéter qu’il souhaitait me voir, moi Sixu Tidiane, venir en France. Dans l’enregistrement, il a beaucoup insisté sur mon voyage alors que je voulais rester auprès de mon père en Casamance ! A l’époque, vous ne savez pas ô combien cette « cassette postale » avait provoqué une immense joie au sein de la famille des Touré ! » se souvient Sixu, ou l’homme aux rastas, 46 ans après.
En 1976, un an après cette fameuse « cassette postale » qui rappelle « Le Mandat » d’Ousmane Sembène, Sixu rejoint son frère Ismaïla à Paris. Ensemble, ils créent le groupe « Touré-Kunda » et forment un duo de choc. Que signifie « Touré-Kunda » ? Sixu s’empresse de répondre : « Vous savez, la Casamance a ses réalités socioculturelles caractérisées par la diversité des usages et appellations. Et le mot « Kunda » indique famille ou maison.
Et partout en Casamance, on entend des Cissé-Kunda, Ndiaye-Kunda, BadjiKunda, Sané-Kunda, Mendy-Kunda et autres Touré-Kunda qui signifie la famille des Touré. Comme à Dakar chez les familles Ndiaye, Diop ou Ndoye que l’on indique souvent par des mots du genre : « Ndiayène », « Ndiobène », « Sallène », « Mbenguène », « Gueyène » etc. » explique Sixu Tidiane Touré, histoire de faire la part des choses entre Touré et Kunda. « Néanmoins, ces deux mots vont de pair avec notre identité culturelle et familiale puisque tous les membres de ma famille s’identifient à «TouréKunda» » magnifie-t-il.
Une soudaine popularité, un succès fulgurant !
Toujours est-il que cette année-là, 1976, le public parisien découvre avec curiosité ces deux jeunes talentueux chanteurs sénégalais. De la place du Trocadéro au pied de la Tour Eiffel en passant par la salle Bercy, l’Hippodrome de Pantin, le théâtre Dunois etc., le groupe Touré-Kunda multiplie les concerts et enchaîne les succès partout en France. Avec une touche traditionnellement africaine qui fait leur singularité, les frères Touré réussissent à s’imposer avec des dialectes et langues (diola, wolof, soninké) dans un pays majoritairement francophone où la culture africaine est peu représentée. Ismaïla et Sixu sortent en 1979 leur premier album intitulé : « Mandinka Dong ». Puis un second, « Emma ». Ces deux albums aux rythmes et sonorités acoustiques, traditionnels, funk, électriques, reggae et mbalax sont vendus à plus de 300.000 exemplaires. Un succès qui leur vaut deux disques d’or ainsi que le Grammy awards récompensant les ventes record et les meilleurs chanteurs. Pour mieux conquérir l’Europe et le reste du monde afin de créer et développer une industrie musicale, Ismaïla et Sixu optent pour l’élargissement du groupe à d’autres membres de la famille vivant au pays. Pourquoi pas faire venir le maestro Amadou ou l’ainé ? Aussitôt dit, aussitôt fait et Amadou arrive sur les rives de la « Scène » à Paris. Ainsi, le royaume des Touré est au complet pour régner sans partage sur le monde du show-business hexagonal. Le trio familial (Ismaïla, Amadou et Sixu) embarque alors dans l’aventure mondiale. Fort d’une popularité soudaine et d’un immense succès, le groupe Touré-Kunda multiplie les méga concerts et signe de gros contrats jusqu’à s’inviter dans l’agenda culturel l’Elysée.
Sommet de Vittel, le déclic mondial !
Un jour, Jack Lang, le ministre de la Culture du président François Mitterrand contacte les frères Touré pour les inviter à la Conférence des chefs d’État de France et d’Afrique de Vittel (Vosges/France) des 3 et 4 octobre 1983. Par ce contrat de prestige, l’Elysée voulait que les frères bercent au rythme des sonorités africaines l’arrivée des nombreux chefs d’Etats africains tels que Siaka Stevens de la Sierra Leone, Gnassingbé Eyadéma du Togo, Sir Daouda Jawara de la Gambie, Félix Houphouët Boigny de la Côte d’Ivoire, Sékou Touré de la Guinée, Mobutu Sese Seko du Zaïre, Omar Bongo du Gabon, Denis Sassou-Nguesso du Congo, Mohamed Khouna Ould Haidalla de la Mauritanie, Abdou Diouf du Sénégal, Moussa Traoré du Mali, Seyni Kountché du Niger, Hissène Habré du Tchad, Thomas Sankara du Burkina Faso, Mathieu Kérékou du Bénin etc. Ces deux jours- là, ces chefs d’Etats africains et les autres participants découvrent avec enthousiasme les Touré-Kunda devenus pour la circonstance de dignes ambassadeurs de la musique africaine au sommet de Vittel. N’estce pas Sixu ? « Ah, oui ! Le somment de Vittel a constitué le déclic de notre succès sur le plan international. Car dès après l’arrivée de tous ces chefs d’Etats africains et diplomates du monde entier, Amadou et moi avons la pris la parole pour souhaiter la bienvenue à nos dirigeants africains. Et, surtout, remercier le président Mitterand de nous avoir invités. Nous avons profité de l’occasion pour lancer un appel à tous ces présidents africains de nous faciliter la tenue d’une tournée que nous comptons faire sur le continent. Aussitôt, le président Abdou Diouf a pris la parole pour répondre et dire que son gouvernement et le peuple sénégalais nous attendaient à Dakar. C’est ainsi que nous avons débarqué au Sénégal pour y débuter une longue tournée africaine » se souvient l’un des frères Touré (voir encadrés).
La disparition d’Amadou Tilo…
Hélas ! Cette année-là, le groupe Touré Kunda subit de plein fouet la disparition du frère ainé, Amadou, foudroyé sur scène par une crise cardiaque lors d’un concert à la Chapelle des Lombards. Ainsi, tout le programme de cette tournée africaine est chamboulé puisqu’il faillait aux frères Touré procéder au rapatriement du corps en Casamance et organiser les funérailles. Un concert d’hommage est organisé par la scène africaine au Casino de Paris suivi de la sortie d’un album intitulé «Amadou Tilo» lui est dédié. Mais le duo vit un moment de flottement avec la disparition brutale d’Amadou « Nous étions tous meurtris et abattus après l’enterrement d’Amadou à Ziguinchor. Mais il fallait se relever vite, mais difficilement, pour porter haut le flambeau culturel allumé par Amadou qui nous a initiés à la musique et à la chanson » confie Sixu. Pour tenter de compléter le vide, les Touré se sont concertés en famille et ont décidé de faire venir à Paris Ousmane, le cadet. « C’est après juste les funérailles d’Amadou qu’Ousmane nous a rejoints en France » précise le musicien aux dreadlocks. Dès son arrivée en France, Ousmane ou l’enfant du milieu intègre vite le groupe et se met au travail. Ensemble c’est-à-dire Ismaïla, Ousmane et Sixu, ils rendent hommage à leur défunt frère à travers un album intitulé « Amadou-Tilo ». Ils choisissent Sorano (Dakar) pour une grande cérémonie d’hommage où les frères Touré-Kunda invitent tous les chanteurs et musiciens du paysage sénégalais de la musique.
ART URBAIN
L’objectif du projet est de renforcer le potentiel de l’art comme levier social pour la transmission, la responsabilisation et la sensibilisation.
A l’occasion de la Journée internationale de l’éducation et dans le cadre de ses projets financés dans le domaine de l’éducation inclusive, l’Agence italienne de coopération pour le développement a choisi l’art urbain, en particulier le graffiti, ‘’pour véhiculer l’image d’une société inclusive dans laquelle chaque individu a son propre rôle et peut exprimer au mieux ses potentialités’’. L’objectif du projet est de renforcer le potentiel de l’art comme levier social pour la transmission, la responsabilisation et la sensibilisation.
Vu la dimension socio-culturelle du graffiti, ces fresques murales ressortent ‘’l’importance d’éduquer la société sénégalaise au respect des différences, à la promotion d’une culture inclusive dans laquelle chacun, y compris les personnes en situation de handicap, peut s’épanouir, réaliser ses propres rêves et apporter une valeur ajoutée à sa communauté du point de vue économique’’.
Pour la réalisation du projet, trois artistes que sont Docta, Zeinixx et Undugraffiti ont ‘’représenté et immortalisé’’ sur des murs de la Médina, des Parcelles-Assainies et de Yeumbeul des personnages et des scènes pour véhiculer le message de ‘’l’inclusion des personnes en situation de handicap’’.
par Birane DIOP
LA SAVEUR DES DERNIERS MÈTRES
Le nouvel ouvrage de Felwine Sarr est plus qu’un carnet de voyage intellectuel. C’est une ode à la vie, une invitation à tous les humains épris d’amour et de poésie à produire des imaginaires nonobstant les origines culturelles des uns et des autres
Samedi, 16 Janvier 2021. Il est 2h39, je viens de dévorer d’une traite le nouveau récit de Felwine Sarr que j’ai acheté à la librairie Gibert Joseph, 26 boulevard Saint Michel. La saveur des derniers mètres. Dans ce bel ouvrage, l’intellectuel sénégalais profondément attaché à son île bien-aimée mais ouvert aux étreintes du monde, raconte des lieux, des visages, l’aventure humaine, pleine de découvertes, d’émotions et d’amitié. Mais, La saveur des derniers mètres, c’est aussi et surtout une ode à l’humanité dans toute sa splendeur. Felwine Sarr met en lumière l’importance du dialogue des cultures. Il porte un regard croisé sur les endroits de son enfance au Sénégal. L’île Niodior : le point de départ de sa vie, la terre natale, la matrice. Là d’où viennent le vieux colonel et maman Rokhy Ndiaye jusqu’aux villes visitées entre l’Afrique, l’Europe et l’Amérique. Istanbul, Le Caire, Conakry, Montréal, Port-au-Prince, Lisbonne, Douala, Mexico, etc. Dans ces différents espaces géographiques, Felwine Sarr entreprend l’exploration des imaginaires avec beaucoup de lucidité. L’autre trame de l’ouvrage porte sur ses activités sportives notamment la course, le budo, art martial japonais apparu entre le milieu du XIXe siècle et le milieu du XXe siècle. Ces moments procurent une certaine saveur de liberté, de simplicité, de grâce pour Gnilane (Chimamanda), Fakhane (Dianké Waly) et pour le reste du groupe. Tous les kilomètres parcourus rappellent que la vie est un cadeau donné par Dieu et que l’homme est la ressource la plus précieuse au monde.
Niodior, la matrice
C’est le point d’ancrage et de désancrage de La Saveur des derniers mètres. Sarr décrit la carte postale de l’île, ce lieu qui laisse rêveur tous les Niominkas, avec un regard neuf. Les premiers litres de mots de l’ouvrage sont consacrés à la terre natale, là où repose le vieux colonel, son père. Niodior est le lien de communication avec l’extérieur. L’île permet de voir le monde en relief à travers les hommes et les femmes qui l’habitent mais aussi les liens de famille qui lui rappellent une culture, une identité. Les discussions chaleureuses « sous le manguier de Boussoura » avec les siens sont des moments de transmission et de reconnexion - « Reconnaissance, exhumation des liens de famille, tout cela dans une ambiance bon enfant », écrit l’écrivain et l’universitaire sénégalais. On peut lire en filigrane que la famille est l’une des principales instances de transmission du capital culturel.
Le retour à Niodior est aussi un moment de recueillement dans le cimetière de Baaback, lieu thérapeutique du souvenir et du rappel à l’humilité. Dans ce monde des morts, Felwine Sarr vient parler au vieux colonel, son père. De ses pérégrinations, ses projets et les décisions à prendre. J’ai lu, avec un flot de frissons, ces lignes couchées à la page 138 – « Je viens te dire au revoir. Je pars pour les États-Unis avec Gnilane, où je vais désormais vivre. Je vais enseigner à l’université de Duke, où j’ai obtenu un poste de professeur. Je te demande du pays sans fin de veiller sur nous. Puissent ta paix et ta force nous accompagner. »
Pa(e)nser le monde grâce aux apports féconds des voyages
Étant un grand lecteur de l’écrivain franco-libanais, Amin Maalouf, l’universitaire sénégalais a bien saisi les propos de ce dernier sur le voyage « N’hésitez jamais à partir loin, au-delà de toutes les mers, toutes les frontières, tous les pays, toutes les croyances. » Il faut habiter le monde afin d’inventer une géographie ouverte et réceptive aux mouvements dynamiques du dedans et du dehors. Il y va de la survie de l’homo sapiens à cette époque de l’Anthropocène – « la catastrophe écologique est éminente. Un barrage participait de l’imaginaire du progrès de l’époque. Aujourd’hui, il s’agit de vivre dans une ville qui va disparaître », écrit Sarr à la page 113. Cette visite à Alexandrie en compagnie du brillant écrivain Mbougar Sarr, lui remémore que l’urgence écologique est une réalité. Le système néolibéral afflige une violence inouïe à l’environnement. Alors, il faut agir en homme de pensée et en homme d’action. C’est possible de changer les choses en s’armant de volonté immuable - « Partout dans le monde, des femmes et des hommes de bonne volonté travaillent à maintenir la lumière allumée. J’en ai rencontré à Alger, à Lannion, à la Villette à Paris, à Ouaga et ici, à Lisbonne », écrit l’initiateur des Ateliers de la pensée.
La saveur des derniers mètres est plus qu’un carnet de voyage intellectuel et spirituel. C’est une ode à la vie, une invitation à tous les humains épris d’amour et de poésie à produire des imaginaires nonobstant les différentes origines culturelles des uns et des autres.
L'EXCEPTION OMAR SY
À l’affiche de « Lupin », du dernier film des studios Pixar et du prochain « Jurassic World », l’acteur est au sommet de sa gloire. Mais il reste une exception dans le paysage cinématographique français
En ce début 2021, Omar Sy est incontournable. Il jouit du succès phénoménal de la série Lupin, numéro 1 sur Netflix en France, en Allemagne, en Italie, en Espagne, en Hollande… et qui a même été durant quelques jours le contenu le plus populaire sur la plateforme aux États-Unis, une première pour une production française. Le 25 décembre 2020, on pouvait l’entendre doubler le personnage principal de Soul, le nouveau film de Pixar. Et il sera bientôt à l’affiche du prochain Jurassic Park.
L’acteur originaire de Trappes en a parcouru du chemin depuis le « SAV des émissions » diffusé dans le Grand Journal de Canal + de 2005 à 2012 avec son comparse Fred Testot. Une carrière exceptionnelle qui doit beaucoup à Intouchables, la comédie dramatique d’Olivier Nakache et Éric Toledano aux 19,44 millions d’entrées en France, et pour lequel il gagnera le César du meilleur acteur en 2012. Ce succès lui ouvre les portes d’Hollywood. Tout en s’imposant comme la personnalité préférée des Français (en 2016), il joue dans de nombreux blockbusters, X-Men,Jurassic World ou même Transformers.
Une exception en France
Mais cette incroyable popularité ne fait pas oublier qu’il reste une exception, l’un des rares acteurs noirs à avoir réussi sa carrière en France et aux États-Unis. Est-ce qu’Omar Sy n’est que l’arbre qui cache la forêt ?
« En France, Omar Sy est le seul acteur noir avec une stature internationale. Alors qu’en Angleterre, qui partage le même passé colonial, on a Idris Elba (The Wire, Mandela), Chiwetel Ejiofor (12 years a slave), David Oyelowo (Selma) », observe Blaise Mendjiwa. Le réalisateur du documentaire Le monde racisé du cinéma français estime que cette différence est idéologique. « La Constitution française ne prend pas en compte l’origine, la couleur de peau. On nie toute spécificité, mais aussi toute inégalité ! Je ne pense pas que l’on peut faire une forêt en niant les racines de chaque arbre », philosophe-t-il.
Il est en réalité très difficile d’avoir une image précise de la présence des acteurs afro-descendants dans le paysage audiovisuel français. Tout simplement parce que les statistiques ethniques sont interdites en France. « Le seul indicateur qui existe est le baromètre de la diversité du CSA. Mais celui-ci n’est pas exempt de défauts puisqu’il agrège dans ses calculs tous les contenus d’une même chaîne, dont les fictions américaines, où la présence d’acteurs noirs est traditionnellement plus importante », rappelle Marie-France Malonga, sociologue des médias spécialiste des représentations sociales et médiatiques des minorités.
Une politique de quotas ?
Ce qui est sûr, c’est que les professionnels afro-descendants dénoncent depuis des années leurs difficultés à trouver des rôles, les discriminations dans les castings… Et quand ils sont choisis, les stéréotypes raciaux ne sont jamais loin. En février 2020, l’actrice Aïssa Maïga (Les Poupées russes, L’écume des jours) a poussé un cri d’alarme sur la scène des Césars. « On a survécu au whitewashing, au blackface, aux tonnes de rôles de dealers, de femmes de ménage à l’accent bwana, on a survécu aux rôles de terroristes, à tous les rôles de filles hypersexualisées… Et en fait, on voudrait vous dire, on ne va pas laisser le cinéma français tranquille. » Elle s’exprimait presque vingt ans jours pour jours après que Luc Saint-Éloy et Calixthe Beyala s’étaient invités sur la scène de la prestigieuse cérémonie pour dénoncer la sous-représentation, voire l’absence, d’artistes noirs dans le cinéma français. Une initiative qui entraina la création du Baromètre de la diversité du CSA.
YOUSSOU NDOUR CONTRE WALY SECK, UNE RIVALITÉ ENTRETENUE PAR LES FANS
La sphère musicale sénégalaise met en scène une dualité entre les artistes chanteurs Youssou Ndour et Waly Seck. Le premier a conquis une légitimité internationale, le second déchaîne les passions sous nos tropiques. Focus sur un duel de ténors
L’un a 61 ans et une carrière vieille de plus de 40 ans, l’autre est âgé de 35 ans et a entamé sa carrière à 22 ans. L’un a déjà conquis la planète de la musique, l’autre déchaîne les plus folles passions sous nos tropiques. Le briscard capitalise plus d’une cinquantaine d’albums, plus d’une trentaine de featuring avec des habitués des hit-parades dont il est lui-même un accoutumé et est membre de l’Académie royale de musique de Suède. Le jeune loup, lui, a produit quatre albums et se révèle un véritable monstre prolifique des scènes. L’un compte, dans son armoire à trophées garnie et son doré livre de titres, deux disques d’or et un Grammy Awards. Il est aussi élu, en 1999, meilleur artiste africain du siècle 1900. L’autre est désigné, en 2018, par le Next Generation Entertainment Awards, comme le meilleur artiste africain de sa génération après un vote massif de mélomanes.
L’un s’appelle Youssou Ndour, l’autre Waly Seck. Ils sont tous deux chanteurs, compositeurs et interprètes. Leurs palmarès, le papier, le profil et les pedigrees présentent un fossé presque abyssal entre eux. Cependant, depuis quelques années déjà, une rivalité s’est imposée. Au-delà d’un prolongement de la dualité Thione Seck – Youssou Ndour, cette idée se prononce sur le plateau de la musique et de la notoriété au plan local. Aïta, une inconditionnelle de Waly Seck, s’accroche mordicus à l’idée que sa vedette est maintenant le patron de la musique sénégalaise. «Le temps du Pa Youssou est révolu. Il n’y a que les méchants pour ne pas accepter la suprématie de Waly au Sénégal. Il maîtrise tout maintenant», se convainc la jeune femme, la vingtaine. Baïdy Sylla, presque quinqua, est de ceux qui suaient et criaient au pas de la scène du dancing Dlc (Dakar Loisirs Club–Thiossane) dans les années 1990.
De son avis, c’est «limite irrespectueux, encore plus envers Waly, de le comparer sur le plan de la musique, à Youssou Ndour». Toutefois, dit-il comprendre l’euphorie de ses adulateurs, car «je me revois sincèrement en eux», il y a 30 ans. Cette «rivalité» est justement parrainée par les fans des deux camps, qui portent dans la majorité les arguments de Baïdy et Aïta. Waly Seck, qui n’a par ailleurs jamais nié sa volonté de détrôner le roi, a cependant toujours fait preuve d’élégance et de courtoisie. En tout cas, il est bien moins prononcé et virulent que son père, Thione.
Mais qu’en pensent les avisés du milieu, de cette rivalité ? «Je ne pense pas vraiment qu’on puisse parler de rivalité. Ce sont les fans qui créent cette situation. Dans la musique, chaque artiste joue sa partition. C’est ce public qui est seul juge, il apprécie. Il faut juste se concentrer sur son travail et proposer à ce public un travail de qualité», affirme Michael Soumah, réputé animateur culturel et acteur de la musique, évitant au mieux de personnaliser son propos.
AU COUDE-À-COUDE SUR LES «SCENES» …
Le président des manageurs et agents d’artistes du Sénégal suit le même pas, qualifiant le mot rivalité d’inapproprié. «Ce sont deux talents qui se partagent une sphère, l’un ayant retrouvé l’autre des décennies plus tard. Chacun suit sa propre voie. Il faut que les gens cessent d’alimenter de faux débats», dit Moustapha Goudiaby, par ailleurs ancien manager de Thione Seck, père de Waly, pendant des années.
Cette observation, Alioune Diop s’en démarque. Pour le journaliste culturel à la radio publique Rsi et spécialiste de la musique, il est bien adéquat de parler concurrence. «En tout cas, du point de vue de l’audience dans l’espace audiovisuel et scénique. Sur la bande Fm, il faut aussi admettre qu’il y a cette rivalité. Tout le monde veut inviter ou programmer Youssou Ndour tout comme Waly Seck. Pour le nombre des prestations scéniques, la jeune vedette aussi accumule beaucoup de contrats et se montre prolifique. Sur ces terrains, il existe bel et bien une rivalité. Mais en dehors de ces espaces maintenant, oui, il serait malvenu de les placer au même pied», soutient Alioune Diop. Comme présenté au début du texte, Youssou Ndour est une figure mondiale de la musique, une «star planétaire» qui a suffisamment montré ses preuves et continue encore de faire tonner sa maestria.
Les cinq dernières années, ses albums, nationaux et internationaux, crèvent les plateformes du monde, avec un renouvellement et une adaptation remarquables de son registre. «Youssou est un monstre de la musique. C’est une grosse machine. Au-delà du mbalakh, dont il reste le roi, il a toujours développé avec brio un travail de collaboration avec des artistes d’horizons assez différents. Cela a élargi son champ et lui a donné un succès très large sur le plan international», observe Michael Soumah. Alioune Diop appuie les mêmes points. «Youssou Ndour reste le meilleur et est au sommet de son art principalement parce que c’est quelqu’un qui sait négocier les virages. C’est un artiste qui sait réorienter son répertoire. Il sait aussi trop bien choisir ses collaborateurs. Tout ceci explique pourquoi il est toujours présent», admet le journaliste culturel.
Parmi ces collaborateurs, on note Jean-Philippe Rykiel. Ce génial musicien français, qui a arrangé ou composé beaucoup de tubes mondiaux et d’Africains notamment, ne tarit pas de dithyrambes au sujet du talent et de la personnalité artistique du natif de la Médina. Cet aveugle-né confie être subjugué par la volonté permanente du lead vocal du Super Étoile d’expérimenter toujours de nouvelles choses en musique et d’être très inventif, en plus de la charge d’émotion dans sa musique.
Youssou Ndour, tel le vin, et Waly tel le bouillon
À en croire encore Jean-Philippe Rykiel, Wally Seck y est déjà. «Waly Seck m’a surpris lorsqu’il a fait appel à moi pour une séance d’enregistrement qui a duré toute une après-midi. Je pensais qu’il ne faisait que du Marimba et j’ai découvert qu’il partait dans plein de directions musicales différentes ; et c’est très encourageant». Pour qui connaît l’homme et la musique, ce témoignage a grande signification. Cet arrangeur a signé les premiers et plus grands albums internationaux de Youssou Ndour et Salif Keïta, par exemple. Le recours à lui et les mutations factuelles des orientations musicales de Waly dont il témoigne font sens. La jeune star était, aux balbutiements de sa carrière, seulement classé comme un «brillant ambianceur», avec les rythmes de l’orchestre Raam Daan qui ont imprimé de gaies et nouvelles couleurs à la musique sénégalaise. Tout comme le Super Etoile au début des années 1980.
Mais aujourd’hui, tout comme dans sa communication, les mélomanes perçoivent et acceptent sa maturation. «Aujourd’hui, il est vrai, Waly ne manque pas d’arguments pour rivaliser avec Youssou Ndour même s’il faut avancer cette affirmation avec beaucoup de retenue. Les signaux deviennent clairs. On remarque maintenant que les plus âgés acceptent de mieux en mieux la musique de Waly Seck. Sa musique et son succès deviennent une réalité. Cela montre que son répertoire s’est beaucoup amélioré et qu’il emploie de nouvelles techniques de chant», fait remarquer Alioune Diop. C’est une heureuse surprise qui était constatée depuis la parution de son album «Xel» (2015). «Symphonie» (2018) sera ensuite une bonne confirmation.
Beaucoup de ses pourfendeurs commençaient à se faire indulgents, et lui également signifiait considérablement ses ambitions. Après le retour de Jimmy Mbaye au Super Étoile, il a compris l’opportunité de garder les lignes et a recruté le guitariste malien Cheikh Niang, qui égaye admirablement les mélomanes. Son orchestre montre plus de discipline et intègre de nouvelles crèmes. Il dirige son propre label, gère en entreprise ses troupes et a maintenant incontestablement surclassé toute sa génération. Des initiatives, une réalité et une ambition qui, selon Moustapha Goudiaby, doivent guider à plus et mieux considérer le «Faramaareen».
«Youssou Ndour, qui est de notre génération, a eu presque la même éclosion. Il a déclassé une génération d’artistes, plus âgés ou de son âge, et a imposé tout son talent pour avoir le succès. Il s’est aussi démarqué des règles qui lui étaient établies et a commandé ses propres ambitions. Exactement comme Waly aujourd’hui. Il ne s’est pas suffi à la logistique et à la direction de son père», note le manager, qui rappelle encore que Waly n’était même pas destiné pour la musique qu’il a épousée sur le tard, d’où son mérite. Selon M. Goudiaby, Youssou a élevé certes la barre très haut, mais Waly se fait de solides arguments pour avoir la première place. Seulement, pense-t-il qu’il lui reste certains ingrédients.
Waly, le défi du plan de carrière et du rayonnement international
Malgré tous les éloges, Alioune Diop conclut tout de même que «Youssou Ndour reste Youssou Ndour». Selon le journaliste culturel, toute son expérience et ses années d’existence artistique pèsent fortement sur la balance. «C’est le meilleur et il garde encore le trône. Il est toujours devant», dit-il. Cette avance reste confortablement, de l’avis des consultants, pour son excellent plan de carrière qu’il déroule depuis quatre décennies et son rayonnement international, en plus d’un excellent orchestre et d’un grand professionnalisme. Ces qualités font probablement qu’il réussit là où beaucoup pèchent, tel que le pense Alioune Diop. «Chaque fois qu’il est question de Youssou Ndour, c’est le niveau national mais aussi inévitablement le niveau international, partout dans le monde. Et c’est là que Waly devra cravacher». Son avis rejoint vraisemblablement celui de Moustapha Goudiaby.
«Waly Seck doit maintenant s’ouvrir à l’international, négocier de grands contrats internationaux, travailler avec des managers et des tours managers et avec le label idéal. Il doit surtout ancrer dans son esprit qu’il est un chanteur-compositeur, ne rester que sur ce registre et laisser le soin à des professionnels de booster sa carrière», recommande le manager expérimenté. Michael Soumah conçoit également que c’est la bonne recette. Selon lui, le patron du Super Étoile a réussi car ayant «compris très tôt que la musique est un métier». Selon l’acteur de la musique et animateur culturel, pour une bonne carrière, «il faut mettre l’accent sur la créativité, la recherche, les collaborations. Ces points manquent beaucoup aux jeunes artistes en général».
Michael Soumah fait aussi noter que, à côté, la musique est en pleine mutation. «On parle de musique actuelle, de musique urbaine, etc. Pour briller, il faut mettre l’accent sur ces points. Youssou Ndour ne s’est pas réveillé un beau matin pour avoir toutes ses réussites. La réussite dans la musique est un travail de longue haleine, un long processus qui demande énormément de travail», considère-t-il, en ajoutant que le succès, du reste éphémère, se gère aussi sur le temps. Cette gestion se réussit notamment par une adaptation constante et en s’entourant des meilleurs. Ce que fait Waly Seck, et le réussit quelque peu, ces dernières années.
‘’LA FORCE’’ DU SUPER DIAMONO ET RELÈVE ‘’LA FACILITÉ’’ DES JEUNES MUSICIENS
Le chanteur sénégalais Mamadou Lamine Maïga, qui fait un come-back remarqué, dix ans après son dernier album, juge que le "semblant de désordre", ajouté à une sorte d’imprévisibilité dans la création musicale, faisait la force du Super Diamono.
Dakar, 22 jan (APS) - Le chanteur sénégalais Mamadou Lamine Maïga, qui fait un come-back remarqué, dix ans après son dernier album, juge que le "semblant de désordre", ajouté à une sorte d’imprévisibilité dans la création musicale, faisait la force du Super Diamono, célèbre groupe sénégalais créé au milieu des années 1970 et dont il était une des voix d’or.
"La force du Super Diamono résidait essentiellement dans ce semblant de désordre" qui régnait au sein de ce groupe mythique dont le musicien Omar Pène reste le leader-vocal. "Chaque membre était une référence et un leader", a souligné Maïga dans un entretien publié vendredi par Le Témoin Quotidien.
Selon le chanteur, de retour au premier plan avec un nouvel opus intitulé "Expérience", dont la promotion est en cours depuis quelques jours, l’audience et le succès du Super Diamono tenaient également à "cette sorte d’indiscipline" qui caractérisait ledit groupe.
"Nous étions vus comme des rebelles, et cela attirait la frange jeune de la population. Notre secret résidait dans le fait que nous étions imprévisibles en matière de création musicale. Nous étions avant-gardistes et nous surfions sur tous les genres sans perdre notre identité", a-t-il dit, en parlant notamment des "sensations" du groupe en matière de composition musicale.
Cette posture du Super Diamono "a payé" et a fait connaître le groupe, selon Mamadou Lamine Maïga, qui vit depuis quelques années en Italie, où il poursuit une carrière solo.
"Avec cette singularité, nous avons réussi à faire le tour du monde à plusieurs reprises (...), et le succès était toujours au rendez-vous", a insisté le chanteur, qui a également fait les beaux jours du Lemzo Diamono, un autre groupe sénégalais ayant acquis une grande audience dans les années 1990.
"Au Super Diamono, rappelle Mamadou Lamine Maïga, tout le monde était star, ce qui est très difficile. Mais nous l’avions parfaitement réussi."
Il assure avoir toujours sa place dans le milieu musical sénégalais. Maïga dit être "revenu pour indiquer la bonne voie aux jeunes", dont la plupart évoluent "dans la facilité".
Il affirme avoir constaté avec tout le monde que "les gens continuent d’évoluer dans la facilité". "Les jeunes n’écoutent pas trop les anciens. Au contraire, ils usent et abusent des commodités des nouvelles technologies." Cette attitude "entraîne [les jeunes] dans une voie sans issue", dit-il.
De cette manière, les jeunes "se perdent. Il leur arrive de faire 50 morceaux en une journée, grâce à la technologie. Il faut reconnaître que ce n’est pas du travail sérieux. C’est la machine qui produit à leur place. C’est une manière d’occulter le travail des anciens, et cela n’est pas possible", assène Maïga.
"Tout le monde reconnait que la musique est malade au Sénégal. Ce qui est vrai ! On trouve du n’importe quoi. Je me suis dit qu’en sortant l’album ’Expérience’, cela va ouvrir leurs yeux, les inciter à arrêter cette mascarade et à revenir à l’orthodoxie", poursuit-il en parlant des jeunes acteurs de la scène musicale sénégalaise.
"Il est temps d’effectuer un retour salutaire (...) en privilégiant le travail de recherche. La matière première existe bel et bien", estime Mamadou Lamine Maïga, convaincu d’avoir "toujours [sa] place dans le milieu musical sénégalais".
"J’ai mon nom qui figure déjà en bonne place dans notre panthéon musical, et c’est un fait connu et reconnu par tout le monde. Il faut marquer son territoire et imposer son style de sorte que, même si on est hors du Sénégal, personne ne pourra prendre votre place", déclare le chanteur, qui dit évoluer "à un autre niveau", en comparaison de la nouvelle génération.
Il ajoute : "Maïga est un cas particulier, car j’ai démarré avec les sommités et les icônes de la musique. D’ailleurs, ils sont toujours en activité. Je fais partie de cette génération de pionniers."
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WAÏYYENDI M'A TUER*, UN PREMIER ROMAN ONIRIQUE ET ENLEVE D'OUSSEYNOU NAR GUEYE
Le roman dont la version digitale a été lancée jeudi, dresse le tableau, tour à tour transparent et translucide, du voyage au bout de la folie, dans un combat judiciaire et justicier contre plus fortes parties que lui, du personnage Karbala
Ce jeudi 21 janvier 2021 a eu lieu dans les locaux du Groupe IAM à Mermoz, le lancement du roman, "Waïyyendi m'a tuer*", écrit par Ousseynou Nar Gueye, auteur, éditorialiste, et par ailleurs fondateur-éditeur de Tract.sn.
Il s'agissait de la sortie de la version digitale e-book du roman, celle de la version papier interviendra en février prochain.
Le roman est co-édité par la librairie numérique "YouScribe proposé par Orange" (France) et par les Éditions Presqu'île Lettrée (Sénégal).
Véronique Petetin, docteur es lettres enseignant au Groupe IAM, maîtresse de cérémonie chargée d'asticoter le romancier au premier chef a déclaré que "le livre est drôle, profond, traitant de la parole et des paroles, de la folie et du fou, de tout dire ou pas, et surtout, surtout, il est un régal : de la langue, des mots, des jeux entre eux, du sous texte et des figures de style entre wolof et français ! il y a du rap et des punchlines dans ces lignes..."
Moustapha Guirassy, PDG de l'IAM où Ousseynou Nar Gueye a travaillé pendant cinq ans jusqu'en décembre 2017, a déclaré à propos du thème du roman : "il faut errer pour aboutir".
Concluant, Véronique Petetin qui anime par ailleurs la café littéraire mensuel de l'IAM, Littér'ataya, dont le prochain aura lieu le 29 janvier, a estimé que cette session de questions-réponses avec l'auteur Ousseynou Nar Gueye a été "un moment fort agréable, pour un livre plein de saveur... "Waïyyendi m' a tuer*", saveur linguistique, qui mêle langues wolof et française, poétique qui manie les chiasmes, métaphores, accumulations renversements, anagrammes et autres anaphores, politique, où quelques personnages sont fort reconnaissables mais portent bien leurs noms fictifs ; musicale, car nous sommes au pays du champ des chants à rythme ternaire, mais avec punchline et rythme codique et il faut le dire philosophiquement ! Dire ou ne pas dire, telle est la question ! Briser le masla ? Mais avec quels risques et dans quelle langue ? Être fou ou jouer la folie ? Que de questions sans réponses autres que l'écriture."
Les pays où "Youscribe proposé par Orange" est accessible sont le Sénégal, la France, la Côte d'Ivoire, le Cameroun, la Burkina Faso, la Tunisie et le Maroc.
Dans ‘‘Waïyyendi m’a tuer*’’, Karbala est le bras droit de Waïyyendi, star du ‘‘champ des chants à rythme ternaire’’ du pays de Nittie, sur le continent dénommé la Négritie, musique que seuls ses habitants savent apprécier et danser, en raison de son caractère syncopé, qui agit comme un exorcisme sur eux et leurs angoisses existentielles. Karbala s’oppose vite à deux co-sociétaires de son patron au sein d’une association sur la question de la stratégie pour la loi sur la rétribution indirecte des chants, puis à son propre patron quand celui-ci prend le parti des sociétaires en question. Dès lors, Karbala réclame le paiement d’une ‘‘hache d’argent’’ à Waïyyendi, et de diverses prestations aux deux autres co-sociétaires, Baaboune Kathé et Akiboul. Dans un retournement de situation, il s‘ensuit un procès intenté par les trois contre Karbala. Ce dernier gagne le procès. Et il se met à harceler les trois protagonistes pour être payé. Des fans fortunés de Waïyyendi paient des sbires, actionnés par l’homme d’affaires Badoulaye, pour faire taire définitivement Karbala et le tuer. C’est l’histoire de cette chasse à l’homme à laquelle Karbala échappe. En se faisant passer pour fou…
Karbala tient donc aussi du anti-héros, car ses manques affectifs, son mode de vie hédoniste et ses proclamations de primauté de sa vérité, ne sont pas toujours à son avantage. Le roman aborde également les thèmes de l’amour, de l’amitié, de la politique et des luttes pour le pouvoir temporel. L’amitié est ici traitée comme une valeur suprême qui une fois trahie peut donner lieu à toutes les révoltes des concernés. L’amour est exposé comme un moteur essentiel à l’activité sociale et professionnelle, dont il est l’aiguillon. La description de personnages inspirés de personnalités politiques contemporaines donne lieu à une analyse de la société dans laquelle vivent les protagonistes du roman, société qui n’en ressort pas grandie mais pour laquelle malgré tout, on sera tenté de garder de la tendresse, pour ses travers, pesanteurs et tabous, finalement risibles et attachants.
Ce premier roman de 132 pages dresse le tableau, tour à tour transparent et translucide à en être aveuglant, du voyage au bout de la folie, dans un combat judiciaire et justicier contre plus fortes parties que lui, de Karbala, surnommé El Phénoméno par son patron. Combat qui tourne à la lutte à mort, pour restaurer son honneur, au péril de sa raison. Dans une écriture aux scansions parfois hypnotiques, ‘‘Waïyyendi m’a tuer*’’ fait la part belle à l’onirisme, dans un style gourmand de mots et de créations métaphoriques inspirées du wolof ; avec un goût prononcé pour le troussage de la langue française.
Par Alioune Badara BÈYE
NGAIDO ETAIT UN POETE DU CINEMA AFRICAIN
La mort l’a arraché très tôt à notre affection alors qu’il avait pourtant plusieurs projets à réaliser
La mort, cette force fugace et imprévisible qui n’a pas toujours besoin de courage pour vaincre, vient de nous arracher un être cher avec qui nous avons partagé de grands moments.
J’ai connu Ngaïdo Ba dans les années 1980 dans le cercle culturel notamment avec le doyen Ousmane Sembène.
Mais nos relations se sont renforcées dans le cadre du Festival Mondial des Arts Nègres (Fesman III) dont il était le porte-parole chargé de la communication.
A ce titre, nous avons sillonné le monde (USA, Brésil, Mali, Maroc, Ethiopie, Ghana, Algérie, France et tant d’autres pays). Ngaïdo avait un amour viscéral pour la culture, particulièrement le cinéma africain.
Notre rencontre avec l’écrivain martiniquais Aimé Césaire en Martinique fut, dans ce cadre, un des grands moments d’exaltation de la culture africaine.
Il me permit aussi de rencontrer les grands cinéastes du monde, les Français Salvi Guide, Bernard Giraudoux, mais aussi d’autres grands intellectuels comme Euzhan Palcy, Raoul Peck, etc…
Ngaïdo était un grand défenseur du cinéma sénégalais et africain.
Il a joué un rôle déterminant dans la crédibilité du Fespaco et du FOPICA.
Panafricaniste convaincu, Ngaïdo était l’initiateur de la création du comité International des intellectuels d’Afrique pour le retour du Maroc dans l’Union Africaine.
Il avait joué un rôle déterminant avec son ami Mohamed Khabachi, directeur de Maghreb Arabe presse (Conseiller du Roi) pour que je fusse porté à la tête de ce comité de 80 personnalités africaines.
Il avait organisé cette mission, qui s’était déroulée dans d’excellentes conditions, avec le soutien de l’ancien ministre Cheikh Tidiane Gadio. Ngaïdo était un intellectuel du cinéma car bien formé à l’INA (Institut National de l’Audiovisuel) de Paris et il était excellent dans la pratique comme dans la théorie du cinéma.
Sur le plan humain, il a toujours prêté une attention particulière à ma famille et tout ce qui la touchait le concernait. Il faisait d’ailleurs partie des parrains de ma fille à l’occasion de son mariage.
En 1995, il fut le conseiller du groupe de Rap de mon fils Tonton Mac « Sunu Flavor » à l’occasion de l’anniversaire que ce « posse » avait célébré à Sorano.
Grand admirateur de mon oncle Chérif Ousseynou Laye, il m’accompagnait souvent à Yoff pour rendre hommage au vénéré homme. Chérif disait de lui ceci : « je l’aime pour son élégance, sa compétence et la maîtrise des préoccupations culturelles de notre pays ».
Avec mon ami Mamadou Oumar Ndiaye, on formait un trio que seule la mort pourrait séparer.
Tous les vendredis, sauf cas de force majeure, nous nous retrouvions au restaurant « Le Saint Louis » pour déjeuner et discuter des affaires de la cité. Sur le plan politique, bien que de formation gauchiste, il était toujours aux côtés du Parti Socialiste de Abdou Diouf et de Ousmane Tanor Dieng.
Ces dernières années, il s’est engagea totalement aux côtés du Président Macky SALL qu’il défendit contre vents et marées surtout dans ses chroniques dans « Le Témoin » de notre ami Mamadou Oumar Ndiaye.
Sa loyauté envers le Président était totale et même s’il lui arrivait de critiquer certains partisans du Président, il le faisait avec sincérité et élégance.
Ngaïdo aimait la culture d’une manière même viscérale, car tous les secteurs l’intéressaient.
Membre du Conseil Economique, Social et environnemental, il présidait la Commission ‘’Culture, Tourisme, Sport, Artisanat’’ avec une compétence extraordinaire et une passion sans limites.
Le cinéma sénégalais et africain doit énormément à Ngaïdo Ba qui, par sa culture plurielle, son humanisme et son sens des bonnes relations, reste le poète majeur du cinéma sénégalais. La mort l’a arraché très tôt à notre affection alors qu’il avait pourtant plusieurs projets à réaliser. Le premier, c’était de porter à l’écran ma pièce Maba, Almamy du Rip » dont il avait rédigé le scénario d’une main de maître de laquelle transparaissait toute l’expertise technique d’un grand professionnel du 7ème art. le deuxième projet, c’était tout simplement un livre qui devait lui être consacré par les « Editions Maguilen » que j’ai fondées. Un livre dans lequel il devait raconter sa fabuleuse vie et parles innombrables événements qu’il a vécus ou auxquels il a assisté. Dieu en a décidé autrement, hélas…
Que la terre de Yoff qu’il a tant aimée lui soit légère et que le Tout Puissant Allah, l’Eternel, le Compatissant lui réserve une place de choix dans l’empire des hommes lumières.
UN TABLEAU DE SOULAGES AYANT APPARTENU À SENGHOR AUX ENCHÈRES SAMEDI EN FRANCE
Cette huile sur toile abstraite constituée de larges traits noirs faisant penser à une sorte de totem asymétrique est estimée "de 800.000 à un million d'euros", précise l'hôtel des ventes
Un tableau de l'artiste français Pierre Soulages ayant appartenu au poète et ancien président du Sénégal Léopold Sédar Senghor va être mis en vente samedi à Caen dans l'ouest de la France, selon l'organisateur Caen Enchères.
Cette huile sur toile abstraite constituée de larges traits noirs faisant penser à une sorte de totem asymétrique est estimée "de 800.000 à un million d'euros", précise l'hôtel des ventes.L'oeuvre intitulée "Peinture 81 x 60 cm, 3 décembre 1956" a été acquise par Léopold Sédar Senghor peu de temps après sa réalisation par "son ami" Pierre Soulages, relate Caen Enchères. Son actuelle propriétaire, qui souhaite rester anonyme, est une amie de la soeur de l'épouse du poète décédé en 2001.
Disparue en 2019, Colette Senghor avait légué le tableau à sa soeur décédée en 2020.L'oeuvre se trouvait dans la maison des Senghor à Verson, près de Caen, où le couple a vécu à partir des années 80.Elle est caractéristique du travail du peintre dans les années 50, avant qu'il passe à l'outrenoir, cet univers imaginé par Soulages en 1979 lorsqu'il a pris le virage du noir complet.En 2019 un Soulages a atteint 9,6 millions d'euros (frais compris) aux enchères à Paris.
L'ancien président sénégalais était un fervent admirateur du peintre aujourd'hui âgé de 101 ans."La première fois que je vis un tableau de Pierre Soulages ce fut un choc. Je reçus au creux de l'estomac un coup qui me fit vaciller, comme le boxeur touché qui soudain s'abîme", écrit le premier Africain devenu académicien dans Lettres Nouvelles (1958)."Les peintures de Soulages me rappellent toujours les peintures, voire les sculptures négro-africaines", ajoute le chantre de la négritude, mouvement pour la défense des valeurs culturelles du monde noir qu'il a inventé avec l'Antillais Aimé Césaire.
Outre ce tableau, Léopold Sédar Senghor possédait également "un petit croquis" du peintre "où il avait écrit +amitiés Pierre Soulages+", selon Me Solène Lainé, commissaire-priseur.