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2 décembre 2024
Culture
IL ÉTAIT UNE FOIS DJIBRIL DIOP MAMBÉTY
L’Université populaire/Quai Branly a récemment dédié une séance à l’œuvre de Djibril Diop Mambéty. Une occasion de revenir sur le propos artistiques et le legs du cinéaste avant-gardiste qui a marqué son époque
L’Université populaire/Quai Branly a dédié sa séance de mercredi dernier au cinéma africain, à travers l’œuvre de Djibril Diop Mambéty. Une occasion de revenir sur le propos artistiques et le legs du cinéaste avant-gardiste qui a marqué son époque et son art par son audace dans la maestria.
Sur la planche du Théâtre Claude Lévi-Strauss (Paris), l’œuvre de Mambety était mise sur scène, mercredi dernier. C’était à l’initiative de l’Université populaire/Quai Branly qui, pour une séance dédiée au cinéma africain, a choisi de poser la question de savoir «Quel héritage a laissé Djibril Diop Mambety au cinéma international ?». Pour parler du legs de l’un des cinéastes les plus avant-gardistes, l’universitaire et réalisatrice Mélissa Thackway a interrogé le critique de cinéma Thierno Ibrahima Dia, la réalisatrice Maty Diop et le musicien Wasis Diop. Ce dernier, qui s’est montré sous des traits intimement affectueux, a partagé avec les spectateurs par visioconférence les qualités et les particularités de l’homme, son frère, qui a construit le cinéaste Mambety (encadré).
Dans une approche académique, le chercheur en arts Thierno Ibrahima Dia a relevé, chez le cinéma de Djibril Diop Mambety, la dé-représentation par la projection d’un autre point de vue. Il soutient que Mambety est venu effacer cette image fâcheuse et dégradante de l’Afrique véhiculée par le cinéma de propagande. «Son œuvre a permis de voir et de comprendre les enjeux de la représentation. Certains historiens le classent dans la deuxième génération de cinéaste, mais moi, avec «Badou Boy» (1970), je conçois qu’il est un pionnier», corrige le critique de cinéma, avant d’ajouter, péremptoire, «Mambety est la figure de proue du mouvement poétique des cinémas africains».
Le quatrième art est quelque peu la caisse de résonance des sociétés. Toutefois, avant l’arrivée des précurseurs tels Sembène Ousmane et Mambety, l’Occident a réalisé le cinéma en Afrique en produisant une scénarisation de la propagande. C’était par la projection d’une perception fantasmée et exotique, comme le décrit Mélissa Thackway. Le mérite de Mambety est d’avoir marqué les désillusions et les défis de l’Afrique en empruntant la poésie, la philosophie et l’enthousiasme. Thierno Ibrahima Dia trouve que ces voiles artistiques cachent un propos. «Tout son œuvre parle de survie», conçoit le critique et enseignant en cinéma comparé. D’après lui, avec «Contras’ City», Mambety montre comment survivre à l’hégémonie culturelle après la décolonisation. «Badou Boy», lui, cherche à survivre à la misère sociale. «Touki Bouki», aussi, parle de la survie d’un couple désillusionné par les promesses des indépendances et rêvant de l’eldorado parisien. «Hyènes» est un sujet de survie aux démons du passé. Dans «Le Franc», la porte présente la planche du salut. Dans «La Petite vendeuse de soleil», l’idée de survie est plus présente avec les efforts salutaires de la jeune handicapée.
MATY DIOP, SYMBOLE DE L’HÉRITAGE DE MAMBETY
Encore sur l’idée du legs de Mambety, Thierno I. Dia estime que Wasis et Maty Diop interrogent le sens de cet héritage. «Wasis a été co-constructeur de son œuvre. Il a été son acteur, son photographe de film, et sa musique a donné de la profondeur au cinéma de Mambety», relève Thierno I. Dia. Il ajoute que, concernant Maty, elle a eu le mérite de revisiter et de ressusciter, 40 ans après, «Touki Bouki». «Maty Diop a ajouté à l’œuvre filmique de Mambety du charme et a appelé un public plus jeune avec son film « Mille soleils » notamment», soutient Thierno, avant d’être confirmé par Maty elle-même. «Je me frustrais déjà que le cinéma africain soit ghettoïsé dans les programmations à Paris. Avec l’invitation à Dakar, en 2008, pour la commémoration du 10ème anniversaire du décès de Mambety, j’ai senti le besoin de faire un retour aux sources. Cela explique un peu le projet du film «Mille soleils», justifie Maty Diop, réalisatrice et nièce de Mambety. La fille de Wasis Diop représente résolument l’héritage de son oncle. Elle témoigne que son travail répondait déjà à une quête personnelle et ensuite à l’exploration de Dakar comme territoire familial et cinématographique. Enfin, elle dit avoir voulu rendre justice à l’œuvre de Mambety, «encore assez peu visible à cette époque», et la sortir de son côté poussiéreux de film d’époque.
«En réalisant « Mille soleils », je faisais aussi, en tant que femme et jeune cinéaste, le choix d’être portée plutôt que d’être écrasée par l’œuvre de mes pères», partage Maty Diop. Le terme «tuer le père», selon elle, n’est pas le principe d’entrer en conflit avec le vieil âge, mais de tout simplement reconnaître ce qui a été fait et de prendre sa place à l’intérieur, avec ses propres outils. Des instruments cependant aiguisés, résolument, par l’esprit et l’art de Mambety.
«ON VIT DANS UNE SOCIETE QUI AUTORISE TOUT A L’HOMME ET RIEN A LA FEMME»
Son nom est lié au marché des hydrocarbures. Mais derrière le visage du redoutable homme d’affaires, Ameth Guissé se cache aussi un homme de lettres à la plume vigoureuse.
Son nom est lié au marché des hydrocarbures. Mais derrière le visage du redoutable homme d’affaires Ameth Guissé se cache aussi un homme de lettres à la plume vigoureuse. Son deuxième roman, «Une mort magnifique», lui a valu le Grand Prix Cheikh Hamidou Kane du roman africain. Ameth Guissé vient de publier son cinquième ouvrage. «Autour d’Anita» le ramène sur le terrain de son premier ouvrage «Femmes dévouées, femmes aimantes» dont il livre l’épilogue.
Autour d’Anita, votre dernier roman, est la suite de Femmes dévouées, femmes aimantes, votre premier roman, paru il y a dix ans. Pourquoi cette longue attente ?
D’abord, parce qu’initialement je n’avais pas pensé à faire une suite à Femmes dévouées, femmes aimantes. Je voulais laisser la fin tel quel et laisser à chaque lecteur le soin d’écrire sa suite. Mais après, il y a eu des demandes insistantes des années durant de certains lecteurs qui m’envoyaient des messages et qui voulaient savoir ce qu’est devenue Anita. Et par ailleurs, il y a aussi mon éditeur, Dr Abdoulaye Diallo, directeur de L’Harmattan, qui de son côté recevait des demandes en ce sens. Et finalement, je me suis dit je vais essayer d’écrire une suite à Femmes dévouées, femmes aimantes.
A la fin de ce roman, on voit Anita dans une situation assez troublante, assez confuse. Elle a eu un accident très grave, consécutif à la nouvelle qu’elle venait d’apprendre que son mari s’était marié en deuxième noce. Et à son insu. Et elle l’a su le jour du décès de son beau-père. Alors, elle est partie en roulant dans l’insécurité de Dakar, jusqu’à subir un accident. Et à partir de ce moment, c’était la fin de Femmes dévouées, femmes aimantes. J’ai écrit Autour d’Anita surtout pour dire ce qu’est devenue Anita après ces évènements, voir dans quel état psychologique elle est.
Vous montrez la face positive de cette véritable amitié entre «femmes»…
Je ne dis pas que, de manière générale, toutes les femmes tissent une amitié tendre et passionnée. Je dis que l’amitié tendre «existe» entre femmes. Comme Tolstoï qui dit «l’amitié tendre et passionnée n’existe qu’entre femmes». Cette sympathie au sens premier du mot veut dire souffrir avec quelqu’un.
Entre des amis véritables, les choses se ressentent au premier degré. Comme je le dit dans l’ouvrage aussi, les femmes sont toutes solidaires quand l’infidélité est constatée. Toutes les femmes sont meurtries par ça. Et quand vous voyez dans le livre Saly qui est aussi amie de Meïssa Bigué, elle se rapproche beaucoup plus de Anita que de Meïssa Bigué parce qu’elle sait.
Dans Femmes dévouées, femmes aimantes, c’est Saly qui avait ramassé cette lettre dans la voiture de Anita où cette dernière se confie à son amie Elise pour lui montrer la lâcheté de l’aimé. Et Saly était meurtrie par cela. Dès lors, elle porte Anita dans son cœur. Et Anita ne sait pas jusqu’à présent que Saly connaît très bien Meïssa Bigué. Saly a voilé cette partie de l’histoire. Et vous voyez que Saly, au lieu d’être beaucoup plus proche de Meïssa Bigué qui est son ami, devient solidaire de la cause de Anita, parce qu’elle voit que Anita était meurtrie et trahie. C’est pourquoi j’ai dit que les femmes sont toutes solidaires quand l’infidélité est constatée.
Et comment arrivez-vous à vous glisser dans la peau de ce personnage féminin, à comprendre son état psychologique ?
(Rire) Je ne sais pas, si c’est compliqué ou non. Je ne sais pas, peut-être à force d’observer pendant longtemps les femmes pour de bon, certains vécus aussi, on arrive à comprendre un peu leur psychologie.
Dans le livre aussi, vous déconstruisez des croyances, vous dénoncez certaines déviances…
Dans le livre, Elise retrouve une amie complétement malade, parce que complétement «abîmée». Elle se dit : «Plus une personne malade réfléchit, plus elle a des chances de guérir. Donc, je vais essayer de l’inviter dans des débats philosophiques.» Et aussi, Elise a un profil pour explorer cette nouvelle voie qu’elle est en train de suivre, c’est-à-dire un certain vécu qui a quelque peu déstabilisé ses croyances. Et si bien qu’elle essaye de revenir sur ces grands thèmes comme le sort de la femme depuis le péché originel, Elise est de culture et de religion juive. Donc nécessairement, elle a été nourrie à l’ancien testament.
Elle se remet de ses grandes théories en montrant que ce qui arrive n’est pas forcément a fortiori, c’est peut-être dans l’ordre naturel des choses depuis le péché originel ou nous sommes considérés comme des êtres bannis. On vit dans une société qui autorise tout à l’homme et rien à la femme. Et donc pour elle, le déséquilibre de leur vie est relié à ce péché originel. Et elle va même plus loin en disant : et pourtant, si on n’avait pas croqué cette pomme !
Ces mots que vous mettez dans la bouche de Elise, vous y croyez vous-même ou bien c’est juste de la fiction ?
C’est les deux à la fois. D’abord, vous voyez bien, la religion musulmane – moi je suis musulman – ne connaît pas le péché originel. Mais dans la religion chrétienne et le judaïsme, le péché originel existe et on en parle. Donc, c’est suivant où l’on se situe. En tant que musulman, nous avons notre représentation de Adam et Eve. Et c’est le rôle des sociétés qui ont fait que la femme soit cantonnée à certains rôles, qui ont fait que l’homme prédomine et produise tout. Moi, je ne suis pas d’accord avec ça. Pour moi, la femme est un être spécial à part. Elle a un rôle éminemment plus important dans la société.
C’est la femme qui éduque, qui est la mère et c’est elle qui élève les enfants. En ce sens, c’est la femme qui forge l’homme de demain. Moi je pense que le rôle de la femme dans le devenir du monde est important et que ce monde doit être apaisé, un monde d’amour. Mais il est dévolu à la femme qui éduque, qui élève et qui doit cultiver des valeurs de tolérance chez l’enfant qui grandira avec. Pour moi, la religion divise, mais la spiritualité unit les gens. Un grand penseur disait : «La femme représente l’une des faces visibles de Dieu.» Et ça j’y crois fondamentalement.
Dans le livre, vous écrivez aussi que l’Occident est en train de pervertir l’humanité. Est-ce que vous pouvez expliquer un peu ce que cela veut dire ?
Oui ! cette perversion de l’humanité montre cette tendance nouvelle que Elise est en train de développer et que Anita ne connaissais pas d’elle. Cette vie débridée avec certains vices qui se constatent chez elle. Elise essaye même de théoriser sa nouvelle tendance en pensant aujourd’hui que la femme est en train de se départir de l’homme. C’est comme si elle insiste sur le fait que la femme aujourd’hui, dans cette culture occidentale et dans cette perversité, essaye de gommer l’homme. Et Elise essaye de tenter Saly dans cela. Femmes dévouées, femmes aimantes, vous verrez que Saly est une prostituée.
Mais malgré la précarité de sa vie, les mœurs qu’elle a eu à embrasser dans sa vie, elle est restée fondamentalement ancrés sur des valeurs. Elle n’a pas suivi Elise dans son invite. Et vous verrez dans le livre Saly, en amenant ce cadeau qu’elle offre à Elise, lui offrir un foulard. Et elle offre à Anita une pierre noire pour lui permettre de se rappeler ce très beau roman qui s’appelle Pierre de patience, parce qu’elle sait que Anita est aujourd’hui dans une posture avec beaucoup de chagrin, beaucoup de souvenir par rapport à ce qu’elle vit.
On vous connaît patron d’une société pétrolière. Comment êtes-vous venu à l’écriture ?
On ne vient pas à l’écriture. Je pense que l’écriture, on l’a peut-être dans son Adn et qu’on la sort un jour. J’ai toujours aimé la littérature, j’ai toujours aimé lire les classiques. Donc j’ai fait une formation scientifique et financière, mais j’ai toujours aimé lire. Si bien que peut-être c’est une face cachée en moi qui se révèle, c’est tout. Mais l’écriture, on naît avec. C’est comme un vers qui est dans votre tête et que un jour vous accouchez tout ce qui est à l’intérieur. Mais pour écrire aussi, il faut beaucoup lire.
Comment écrivez-vous ?
J’écris à la maison après le travail, quand l’idée ou l’inspiration me vient. Et aujourd’hui, avec les nouvelles technologies, on peut écrire facilement. On n’est même plus obligé d’être sur une table pour écrire. On peut écrire à partir de notre téléphone, de notre ordinateur, on peut écrire à partir de tout. Donc, c’est ce qui fait qu’à chaque fois que l’inspiration arrive, je peux écrire. Je ne me fixe pas d’objectif.
«FEU ROUGE» SUR LES PLANCHES A SAINT-LOUIS
Cette pièce écrite par Oumar Ndao, le regretté dramaturge et professeur d’université, a été présentée vendredi dernier à l’Institut français de Saint Louis.
Après le Maroc où la pièce a remporté deux prix dans un festival, les étudiants de la promotion 2019 de la section arts dramatiques de l’Ecole nationale des arts (Ena) ont présenté leur pièce de théâtre «Feu Rouge». Cette pièce écrite par Oumar Ndao, le regretté dramaturge et professeur d’université, a été présentée vendredi dernier à l’Institut français de Saint Louis.
Feu rouge, la pièce écrite par Oumar Ndao, le regretté dramaturge et professeur à l’Université de Dakar, a fait l’objet d’une représentation théâtrale à l’Institut français de Saint-Louis vendredi dernier. Les artistes préposés à dérouler le spectacle sont tous des étudiants de la section arts dramatiques de l’Ecole nationale des arts, Promotion 2019. Pendant un tour d’horloge, les étudiants ont déroulé leur talent avec une mise en scène assurée par leur prof, Corinne Berges.
Au total, 4 artistes ont assuré le spectacle. Il s’agit de Mankeur Dièye dans le rôle de Baye, premier aveugle sédentarisé qui ne compte que sur la mendicité pour manger. Bachir Samb dans le rôle de Njangan, son compagnon, guide et jeune frère qui rêve d’aller à l’école. Fainké dans le rôle de Clark, deuxième aveugle, réfugié, déplacé, abimé par son vécu parce que provenant d’un pays déchiré par la guerre. Alioune Sané dans le rôle de Badou, jeune et fidèle compagnon de Clark qui, malgré tout, aime la vie. «Ce n’est pas pour tout le monde que le rouge est la couleur de la violence, du sang...
Pour cet aveugle qui mendie, le feu qui devient rouge c’est cela l’espoir : les voitures s’arrêtent et il peut recevoir l’aumône. Jusqu’au jour où arrive un autre aveugle. Feu rouge, c’est un carrefour de vies plongées dans la misère, le désarroi, l’errance...Partir ? Rester ? Fuir ? Attendre un signal de la vie», dit Corinne Berges, prof à l’école nationale des arts. «Feu rouge est une pièce réaliste qui témoigne de l’histoire parfois récurrente de notre monde africain, confronté au quotidien à la misère et à chaque carrefour à la mendicité», ajoute celle qui souligne que c’est une représentation théâtrale qui traduit «une réalité qui tape à la vitre et cogne les âmes quand le regard ne s’est pas encore habitué.
Feu rouge c’est l’histoire d’une rencontre de deux binômes, quatre personnages, nomades ou sédentaires, qui tentent de survivre à leur condition», poursuit-elle tout en ne manquant pas de souligner que «c’est l’histoire de gens désespérés qui fuient ou qui attendent une aide». «J’ai voulu m’attacher à l’humain derrière la misère, celui qui échange, se mesure, partage, s’approprie, regrette, souffre, joue, rit, chante, aime, et rêve... Ces états d’être qui humanisent, et qui nous permettent de montrer ce monde sans tomber dans le misérabilisme. Il y a de la vie dans chaque rencontre de solitude, nous le devons aux vivants», fait-elle remarquer.
«Le plateau est vide. Quatre lampes solaires portables éclairent le parcours sans espoir des personnages, mais malgré tout elles sont aussi un signe de vie, une lueur dans l’obscurantisme aveuglant et ambiant», ajoute la metteuse en scène. «En fond de scène sont projetées des photographies de Marie Jampy-Baron sur des pieds et des chaussures, qui sont pour moi de vrais témoignages de vécu, d’identité, d’empreinte de l’histoire. Et quand le temps passe et que le poids de la vie affaisse les corps, notre regard est dirigé sur ce que nous foulons, ce sur quoi nous tomberons», décrit aussi Mme Berges.
Après l’avoir offerte au public, les étudiants de la 19ème promotion envisagent de jouer la pièce dans tous les autres centres culturels et participer à d’autres festivals dans la sous-région et dans le monde. «Le public de Saint-Louis a bien apprécié la représentation de la pièce. Il y a un bon retour sur la mise en scène, sur l’histoire, le jeu des acteurs», se réjouit Fainké.
ISS 814 DECROCHE UN DISQUE DE PLATINE AUX USA
C’est un pas de géant vers la consécration ! Iss 814, qui a fini d’écrire sa renommée au Sénégal, frappe à la porte du marché international. Après son disque d’or avec l’ancien membre de la Sexion d’assaut, Lefa, le beatmaker a reçu un disque de platine
Les jours passent et se ressemblent pour Iss 814. Après son disque d’or obtenu en collaboration avec le rappeur français Lefa, le beatmaker vient de décrocher un disque de platine aux Etats-Unis. Une grande première dans le rap sénégalais.
C’est un pas de géant vers la consécration ! Iss 814, qui a fini d’écrire sa renommée au Sénégal, frappe à la porte du marché international. Après son disque d’or avec l’ancien membre de la Sexion d’assaut, Lefa, le beatmaker a reçu un disque de platine aux Etats-Unis.
Le natif de Guédiawaye a eu plus de 500 mille téléchargements dans une plateforme de streaming dédiée aux beatmakers. «Ce n’est que les débuts du commencement» a commenté Iss 814 promettant ainsi «des disques de diamant, de crystal car ce sont des hommes comme nous qui les gagnent. Pourquoi pas nous ?». C’est l’artiste Fou Malade qui en a fait l’annonce lors d’un After Ndogu organisé par le Guédiawaye Hip-Hop. Première édition, cette rencontre permet aux acteurs culturels de débattre sur des questions de l’heure en période de Ramadan. Il y a quelques jours, c’était au tour de Dip Dound Guiss et Iss 814 de s’épancher sur le thème «Hiphop et emploi des jeunes».
Pour le rappeur de GrandYoff, le rap est une vocation. «J’ai toujours été correct. Je devais être un exemple de réussite pour mes frères et sœurs. Mais c’est après le bac que j’ai su que j’allais faire carrière dans le rap», a dit Dip pour camper le décor. C’est le même son de cloche pour Iss 814. «Après avoir produit une musique pour une maison de production audiovisuelle, j’avais encaissé 1 million Cfa. Certes mes grands frères avaient réussi dans les études. Mais je me suis toujours demandé la finalité des études. Avant ma carrière, je dormais au salon dans la maison familiale. Maintenant j’ai un appartement et je paye moi-même mes billets d’avion», a déclaré Iss 814. Interrogé sur la capacité du hip-hop de créer des emplois, les deux artistes ont donné l’exemple de leurs staffs. «Nous sommes des produits que des gens derrière nous commercialisent. Ils vivent de cela alors qu’il nous reste beaucoup de choses à faire. Si nous parvenons à formaliser cette entreprise, ce sont des emplois que nous allons créer», a expliqué Iss 814 dont l’objectif est de mettre en place un grand label de production. Ce que Dip a déjà réalisé.
En effet, avec Rep’til musique, Dip a signé beaucoup d’artistes qui ont une renommée au Sénégal. Malal Talla, imitateur du concept, a déclaré qu’être «banlieusard n’est pas une fatalité. Il faut refuser d’être un fardeau. Si Dip et Iss 814 ont réussi, c’est parce qu’ils ont su se valoriser et sortir des sentiers battus».
SANTHIABA, LE QUARTIER COSMOPOLITE OÙ LA BAGARRE ÉTAIT INTERDITE
Créé avant l’indépendance du Sénégal, ce premier quartier à consonance wolof doit sa quiétude à Chérif Younouss Aïdara, un homme de culture et notable influent qui avait réussi à fédérer tout le monde autour de lui
Symbole des retrouvailles par excellence entre les ethnies, le quartier Santhiaba, niché au cœur de la ville de Ziguinchor, est un havre de paix. Créé avant l’indépendance du Sénégal, ce premier quartier à consonance wolof doit sa quiétude à Chérif Younouss Aïdara, un homme de culture et notable influent qui avait réussi à fédérer tout le monde autour de lui. Dans cette terre ancienne, dit-on, il était formellement interdit aux habitants de se donner en scène de violence. La bagarre y était interdite.
Des habitations captivantes divisées en carrés témoignent forcément d’un passé lointain. Dans une des rues de cette partie de la commune de Ziguinchor, l’on découvre des vestiges d’une antériorité centenaire. Nous sommes à Santhiaba, en plein centre-ville. Un des premiers quartiers de la ville de Ziguinchor qui doit son appellation aux pêcheurs originaires de Saint-Louis (les Guet-Ndariens qui l’ont baptisé Santh-ba).
Fondé avant l’accession du Sénégal à la souveraineté internationale, Santhiaba est une localité qui accueille des habitants d’origines variées. Les ethnies qui le composent sont nombreuses. Ici, se mêle une diversité culturelle sans précédent. Les Bainounks, les Sérères, les Wolofs, les Mancagnes, les Manjacques, les Bissau-guinéens, les Diolas venus des départements d’Oussouye et de Bignona, etc., s’y côtoient. Malgré ce choc culturel, aucun antagonisme n’y règne. Santhiaba a sa propre devise : « Ici, la bagarre est interdite ». C’est l’Adn de ce quartier. Cette règle, jadis instaurée par Chérif Younouss Aïdara, l’un des premiers occupants, y est toujours en vigueur. De son vivant, il y avait enseigné le Coran au profit des générations futures jusqu’à son rappel à Dieu. Cet héritage est jalousement préservé à Santhiaba et enseigné à toutes les générations. Dans ce « gros village », tout le monde se connaît. En dépit de la modernité qui guette les peuples, avec la célèbre formule ou adage « chacun pour soi et Dieu pour tous », les populations, indique-t-on, continuent de se fréquenter et prennent le thé ensemble à la devanture ou à l’intérieur des maisons. Dans les moments les plus difficiles, elles sont toujours ensemble.
Selon le Chef de village de Santhiaba, Mamadou Lamine Sène, l’entraide est la règle n°1 dans ce quartier qui l’a vu naître. C’est pourquoi, précise-t-il, il est « très difficile voire impossible » de voir deux habitants de Santhiaba se battre dans ce périmètre. Les différends émanant de ce vieux quartier se réglaient à Boucotte « Sindian », un autre quartier qui se situe dans la ville de Ziguinchor. « On nous a toujours dit que c’était interdit. Cela n’était pas permis. Étant jeunes, on allait à Boucotte Sindian pour solder nos comptes. Mais, jamais on s’est battu dans notre quartier. On avait honte de faire une chose pareille. On a transmis ce qu’on a appris de nos grands-parents et parents à nos filles et fils. Du coup, tout le monde sait que personne n’a le droit de se bagarrer ici. Nous vivons dans une quiétude totale. Et tout cela, on le doit à Chérif Younouss Aïdara qui nous a offert ce beau cadeau », certifie Mamadou Lamine Sène. N’empêche, certains qui sont même au courant de cette mesure ont tenté de la violer. Cependant, l’actuel chef de quartier, qui a hérité du fauteuil de son père, rappelle que ces derniers ont très vite été rappelés à l’ordre par leurs camarades. Jusqu’à présent, dit-il, les parents veillent sur cette règle devenue générale au fil du temps. « On peut tout accepter sauf voir deux jeunes qui se battent ici. Chérif Younouss Aïdara a toujours œuvré pour qu’une entente cordiale règne dans ce quartier et entre les différentes ethnies qui le composent. Pour moi, les gens qui vont tenter de violer cette loi un jour sont indignes d’être de vrais habitants de ce beau quartier », poursuit le gardien du temple, soulignant l’impératif d’avoir en bandoulière le respect de l’autre.
COMMENT CHERCHEURS ET MUSÉES ENQUÊTENT SUR L'ORIGINE DES OBJETS PILLÉS EN AFRIQUE
Rien qu’en France, quelque 150 000 œuvres africaines se trouvent dans les réserves des musées. Le travail de restitution commence en Europe, à très petits pas
Le Monde Afrique |
Roxana Azimi |
Publication 02/05/2021
Le mouvement semble désormais inexorable. En mars, l’université écossaise d’Aberdeen annonçait la restitution au Nigeria d’une tête en bronze représentant un oba (roi) du royaume du Bénin, acquise en 1957. Le même mois, le Humboldt Forum, à Berlin, sous le feu des critiques, envisageait le retour des 440 bronzes qu’il détient. En avril, c’était au tour du Horniman Museum de Londres d’engager le dialogue pour le retour de 15 bronzes issus de ce même Etat précolonial situé dans le sud de l’actuel Nigeria.
Pour Abuja, qui a émis des demandes de restitution depuis les années 1970, cette mobilisation tardive sonne comme une victoire. Felicity Bodenstein, aussi, savoure secrètement chaque annonce. La jeune historienne allemande, maîtresse de conférence à l’université de Paris-I, a participé au lancement en octobre 2020 de la plate-forme Benin Digital.
L’objectif de ce projet, porté par le musée Am Rothenbaum de Hambourg et financé à hauteur d’1,2 million d’euros par la Fondation Siemens, est ambitieux : réunir en ligne d’ici à 2022 quelque 5 000 œuvres de l’ancien royaume du Bénin, disséminés dans le monde entier après le raid punitif mené en 1897 par les forces britanniques.
Rétribués en objets, les membres du corps expéditionnaire les ont pour la plupart vendus à leur retour en Europe. Des milliers de pièces en ivoire, de sculptures et de plaques moulées en laiton et en bronze ont ainsi été dispersées sur une vingtaine d’années. Elles sont aujourd’hui au cœur de plusieurs collections majeures, à Vienne, Oxford, Berlin et surtout à Londres, où le British Museum conserve plus de 700 bronzes.
Le rapport Savoy-Sarr, comme un détonateur
Au musée du quai Branly, à Paris, on en dénombre vingt, dont deux arrivés en 1898 et 1900 sans autres détails, avec une attribution à l’époque erronée. C’est dire si les données manquent.
Felicity Bodenstein l’admet : « La provenance complète reste l’information la plus difficile à obtenir. » Les registres d’entrée des musées mentionnent au mieux le nom du dernier vendeur ou donateur, rarement les patronymes des tout premiers acquéreurs. Mais aujourd’hui, poursuit-elle, « il y a une obligation de transparence ».
La publication, en novembre 2018, du rapport Savoy-Sarr appelant à la restitution par la France du patrimoine africain a agi comme un détonateur. « La recherche de provenance est devenue un axe prioritaire des musées », confirme Emilie Salaberry, directrice du musée d’Angoulême, qui détient quelque 7 000 objets africains.
C'est un jeu de société aux règles très simples. Mais c'est aussi beaucoup plus que cela ! L'awalé, connu dans toute l'Afrique sous divers noms et variantes, porte en lui la vision du monde de ceux qui le pratiquent depuis des siècles
C'est un jeu de société aux règles très simples. Mais c'est aussi beaucoup plus que cela ! L'awalé, connu dans toute l'Afrique sous divers noms et variantes, porte en lui la vision du monde de ceux qui le pratiquent depuis des siècles. Au départ, c'est un jeu de semailles, un jeu qui "consiste" à planter et à récolter des graines...
par l'éditorialiste de seneplus, ousseynou bèye
MAKHTAR DIOUF, UN REBELLE À LA TÊTE BIEN FAITE
EXCLUSIF SENEPLUS - Il est de la race de ces anticonformistes qui questionnent incessamment leur société pour lui faire accoucher le meilleur. Nous découvrons dans son dernier ouvrage, la qualité d’un intellectuel dans le sens plein du terme
Ousseynou Bèye de SenePlus |
Publication 29/04/2021
Dans mon micro-univers d’intellectuel insoumis, tel est le titre du dernier ouvrage publié récemment par l’économiste de renom, Makhtar Diouf, édité par NEAS dans sa collection « Essai, monde d’hier, monde de demain ».
Cet intellectuel « libre » et fier de l’être nous invite à la fois à entrer dans son intimité et à revisiter l’essentiel de ses écrits, quatre décennies durant. Une mine d’informations et d’idées. Un vrai trésor.
Avant d’en arriver aux écrits (essais, conférences, articles, correspondance…), l’auteur commence par « quelques éléments d’autobiographie », et dès l’entame de son propos précise :
"Ce texte n’est pas un Mémoire. L’auteur de Mémoire est généralement une personnalité publique, souvent politique (ce que je ne suis pas), qui raconte des événements passés dans lesquels il a été à la fois témoin et acteur…
L’autobiographie se situe à un niveau beaucoup plus modeste… Je me contente ici de présenter quelques séquences de ma vie qui ont jalonné mon parcours intellectuel.
Le ton est donné : nous n’avons affaire ni à un professeur assis sur son piédestal en train de contempler son nombril, encore moins à un politicien soucieux, avant tout, de faire passer ses arguments, d'imposer son point de vue, de « vendre » des projets prêts-à-porter. « L’intellectuel insoumis » n’en sera que plus à l’aise pour traiter de tous les sujets qui intéressent la société, y compris (nous devrions dire : ‘avant tout’)… des sujets politiques. Évidemment, le plus souvent, sous l’éclairage des théories économiques, son domaine de prédilection.
Mais, commençons par le commencement : la vie intime ou la vie tout court de l’enfant de la Médina. Pour le reste, le lecteur sera renvoyé aux écrits de l’auteur qui agrémentent toute la deuxième partie de l’ouvrage.
L’autobiographie
De la Médina à la Gueule-Tapée
« Un royaume d’enfance », comme dirait Senghor, dans ces quartiers populeux (même pour l’époque) de la Médina (anciennement appelé « Alwar ») et de la Gueule-Tapée, abrite cette vie qui commence un 19 mars 1942, dans « la grande maison familiale ». Ceux de la génération de l’auteur (et les moins vieux !), natifs de ces lieux quasi paradisiaques, se souviendront avec beaucoup de nostalgie, des endroits emblématiques de ces quartiers. Le cimetière « Alwar » de Soumbedioune, lieu sacré s’il en est ; la baie éponyme avec ses pirogues multicolores et son marché aux poissons qui ne désemplissait pas de ses femmes aux tenues bigarrées ; les Abattoirs de la Corniche-Ouest où venaient, comme des moutons de Panurge, se faire égorger les gros bœufs après avoir traversé tranquillement tout le quartier ; le dispensaire Polyclinique de l’Avenue Blaise Diagne qui recevait quotidiennement pendant les grandes vacances les courageux – et les moins courageux - candidats à la circoncision ; les soirées de kasak, véritables fêtes populaires et les salles de cinéma « Pax », et « Rio », interdites au garçon, Makhtar, car « notre éducation familiale est stricte » ; le grand canal en chantier qui ira longer le futur Lycée Maurice Delafosse, en construction ; des écoles coraniques à chaque coin de rue, et l’école primaire de la Médina (aujourd’hui école Alassane Ndiaye Allou, l’emblématique instituteur, reporter d’alors, un autre intellectuel de son temps) avec ses directeurs de l’époque, tout aussi exceptionnels : Pape Guèye Fall, Abdou Camara…
Chacun de ces lieux est associé à des souvenirs d’enfance de l’auteur qui se plaît à nous les restituer avec délectation. En même temps, le septuagénaire d’aujourd’hui saisit l’occasion pour nous faire, avec beaucoup d’émotion, des confidences sur ses parents :
"Mon père qui repose au cimetière de Soumbedioune deux ans seulement après ma naissance ; rien sur sa date et son lieu de naissance…
Ma mère, elle, a quitté ce monde en 1989 à l’âge de 87 ans…"
En 1953 le lycée Van Vollenhoven « considéré à l’époque comme centre d’excellence », ouvre précocement ses portes au brillant élève qui a dû sauter le CE1 dans son cursus primaire. C’est le lieu d’évoquer les amis d’enfance ainsi que les associations de jeunesse. Mais un souvenir lui restera en particulier : le cortège du Général de Gaulle venu, en 1958, nous « donner » l’indépendance :
"Nous sommes des milliers de jeunes debout le long de la baie de Soumbedioune à crier à son passage : 'Indépendance, Momsarew !'…
L’après-midi je ne vais pas à la Place Protêt… Je n’ai jamais compris pourquoi certains de nos aînés, parce que présents et brandissant des pancartes ont cherché à passer à la postérité comme les revendicateurs exclusifs de l’indépendance, jusqu’à créer un club de « Porteurs de Pancartes ».
Signes précurseurs de l’insoumission…
Les navettes entre Dakar et Paris
Avec la première partie du baccalauréat, le jeune homme embarque pour la première fois pour la France où il est inscrit pour des études de ‘Télécommunication-Signalisation’ à l’École nationale d’aviation civile (Enac). Guère intéressé par cette filière, il prépare seul la deuxième partie du bac et obtient, très fier, son diplôme :
"C’est, je puis dire, la plus grande satisfaction intellectuelle de ma vie, car je n’avais jamais mis les pieds dans une classe de Terminale."
Inscrit en Sciences économiques, il va étudier la matière qu’il venait de découvrir et pour laquelle il eut un véritable coup de foudre. A la Faculté, il rencontrera Moustapha Niasse, étudiant en droit, alors leader des étudiants de l’Union progressiste sénégalaise et qui deviendra son ami pour la vie. Rebelle au parti de Senghor et de l'actuel président de l'Assemblée nationale, il n’en adhère pas pour autant au PAI, parti marxiste d’opposition, alors fort coté dans les milieux étudiant et universitaire. Du reste, ses amis marxistes ne le trouveront jamais « assez clair ». Marginalisé à Droite comme à Gauche, sans que cela ne le dérange nullement, il s'explique :
"Je suis d’une indépendance d’esprit qui ne me permet pas d’être embrigadé dans le carcan d’un parti politique…"
Cette période sera marquée par des allers et retours incessants entre Dakar et Paris.
Retour sur Dakar. Inscrit une première fois au Département de Sciences économiques, il est vite déçu par le niveau des enseignants qu’il trouve très bas (surtout comparés à ceux de Paris) ; parmi eux, « un certain Abdoulaye Wade » :
"Il leur manque, écrit-il, beaucoup en termes de formation pour être de véritables économistes."
Nouveau tour à Paris après l’examen de 3e année. Poursuite des études en sciences économiques ; inscription en Doctorat en même temps qu’une formation d’Inspecteur des Impôts et une autre en Administration des entreprises.
Diplômé de grandes écoles, le jeune Makhtar rentre à nouveau à Dakar. Embauché à la Sar comme cadre administratif, il démissionnera la même année (1968) :
"… Je ne supporte pas l’ambiance. Je dois dire que je suis aussi choqué par l’exploitation dont les travailleurs africains, ouvriers et employés, sont l’objet dans cette entreprise qui pourtant engrange de gros bénéfices."
Un autre retour à Paris pour terminer et soutenir sa thèse… en usant de stratagème, car "lorsqu’on n’est pas étudiant membre du parti de Senghor, il faut user de ruse pour pouvoir aller étudier en France."
Recruté comme Assistant au département d’Économie de l’Université de Paris I, il comptera parmi ses collègues Alpha Condé, futur président de la République de Guinée. C’est en juin 1969 qu’il soutient sa thèse de Doctorat d’État. Il est admis avec la mention « Très bien », « le maximum qui à l’époque est conféré par la Faculté ».
Une nouvelle fois rentré dans sa ville natale, le jeune universitaire rejoint la Faculté de Sciences économiques, comme chargé de cours : "Quand j’intègre le département d’Économie, je suis bien accueilli par les deux seuls Africains qui y sont en poste…"
Par contre ses relations avec ses collègues expatriés ne sont pas toujours des meilleures, « compte tenu de leurs comportements seigneuriaux de temps colonial… ».
Parallèlement, Makhtar Diouf enseignait dans certains établissements d’enseignement supérieur. Déclinant alors de nombreuses offres pour des postes à l’extérieur, autrement mieux rémunérés.
En conclusion de cette carrière universitaire et de ces prestations sous contrat avec l’État sénégalais, l’universitaire n’est pas peu fier : "En tout cas, je me sens honoré d’avoir participé avec mes collègues de la Faculté comme de l’Enam à la formation de grands cadres du pays, ayant occupé d’importantes responsabilités dans le privé comme dans le public."
Il les cite nommément ; on y trouve, pêle-mêle : d’anciens Premiers ministres ou ministres, un président d’Assemblée nationale, des Ambassadeurs, des Directeurs de société…
Cependant, l’universitaire a fait l’objet de nombreuses tracasseries dans l’exercice de ses fonctions de la part du régime senghorien, alors très répressif et particulièrement frileux face à toute contestation, ou même de simples critiques dans un cadre purement scientifique. Il se souvient :
"C’est depuis l’époque de Senghor que je suis perçu comme un perturbateur par le régime, du fait de mes conférences très suivies à l’Université, au Centre Daniel Brottier, à la Chambre de Commerce… Il est vrai que je ne fais pas partie de ceux qui caressent le régime dans le sens du poil. Lorsque je dis du ’’socialisme africain’’ de Senghor qu’il n’est ’’ni socialisme ni africain’’, cela en égratigne plus d’un."
L’auteur termine cette partie autobiographique en abordant de nombreux thèmes, fort variés – le sport même, particulièrement le football dont il fut un grand adepte et pratiquant, aura sa part de revue et d’analyse. D'un « micro-univers », ne nous amène-t-il pas alors à un « macro-univers » ? En tout état de cause, il ne serait pas aisé, ici, de relever toutes ces questions, de façon exhaustive. Nous en abordons brièvement trois, dans l’ordre où l’auteur lui-même les présente : ses relations avec le marxisme, celles avec l’Islam, et celles avec Cheikh Anta Diop. Un choix arbitraire ou subjectif ?… C’est selon…
Ses rapports avec le Marxisme
Pour ce qui est de sa relation au marxisme, l’auteur, dès le départ, campe le débat : "Il m’a souvent été collé l’étiquette de marxiste. C’est ici, je crois, le lieu d’apporter des éclaircissements sur ce point."
On peut relever que le contact initial de Makhtar Diouf avec cette grande doctrine qui a dominé les 19e et 20e siècles fut des plus ambigus ; il revient sur cette première rencontre qui eut lieu à la faveur du cours d’un éminent « marxologue » : "Dans son cours sur le marxisme, je suis séduit par la partie économique, mais dérouté par la partie philosophique. Et il y a de quoi, pour un jeune Sénégalais qui entend dire que pour Marx il n’y a pas de créateur, que Dieu n’existe pas."
La documentation que le jeune universitaire, quelque peu perturbé, va chercher dans les bibliothèques parisiennes ne le mènera pas loin : aucune preuve de « l’inexistence d’un Dieu créateur ». D’autre part, il confesse : "… Je suis aussi rebuté par le matérialisme historique selon lequel la lutte des classes est le moteur de l’histoire."
Et de préciser :"Du peu que je connais de l’histoire de l’Afrique, je ne vois pas en quoi la lutte de classes a pu être le moteur déterminant de l’histoire du continent."
Enfin, l’universitaire « rebelle » n’est guère adepte du terme de « dictature du prolétariat », pourtant concept fondamental dans la doctrine politique de Karl Marx.
« La cause est entendue » : Makhtar Diouf n’est pas marxiste.
Pourtant l’ambiguïté demeure, car il ne cache pas son adhésion totale à l’économie politique marxiste. La prise de position est nette, claire et précise : "Pour moi, Marx est le plus grand de tous les économistes connus jusqu’à ce jour, et Le Capital est le meilleur ouvrage d’Économie politique."
Il ne sera donc pas surprenant de voir l’enseignant accorder une large place dans ses cours à l’Économie politique marxiste. Même s’il a toujours eu à cœur d'en faire « une présentation objective ».
Par ailleurs, dans sa pratique militante (syndicale, culturelle, politique), Makhtar Diouf a souvent compté parmi ses « compagnons de lutte » des militants communistes, dont certaines de ses fréquentations parisiennes, alors qu’il était jeune étudiant. Il ne sera cependant jamais membre de leurs organisations politiques. C’est du reste, lors du regroupement avec des membres du PIT (Parti de l’Indépendance et du Travail) d’obédience marxiste, autour du journal Ande Sopi (Ànd Soppi, devrait-on écrire !) qu’il fait la connaissance du président Mamadou Dia, fondateur de cet organe. C’est la naissance d’une belle et longue amitié avec le Grand Mawdo qu'il évoque avec émotion.
Ses rapports avec l’Islam
"Mon cheminement avec l’Islam est dans une certaine mesure celui de la plupart des jeunes de ma génération issus des grandes villes du pays. L’école coranique avant l’école française, tous les jours de la semaine sauf le jeudi."
Ce cheminement va continuer de façon tout aussi classique : l’école française au primaire, puis au secondaire, tout en poursuivant les études coraniques le jeudi et le dimanche, « et bien entendu pendant les grandes vacances ». Mais avec l’adolescence, les distractions de tous ordres (compétitions sportives, cinémas, matinées et soirées dansantes…) l'éloignent sensiblement du religieux, « même si, sous l’œil vigilant des parents on continue à prier ». Et ce ne sont pas les séjours à l’étranger qui vont améliorer la situation. Le comble, c’est que, comme pour la plupart des disciples des daara des grandes villes, "la formation à l’école coranique que j’ai connue à l’époque se réduit au jangu gumba (njàngu gumba), c’est-à-dire apprentissage par cœur et récitations de versets du Coran sans en connaître le sens."
Mais avec l’âge, les choses vont changer. Et c’est l’occasion de se rappeler la citation d’un écrivain français, Alexis Carrel que notre auteur nous reproduit : « Un peu de philosophie éloigne de la religion, beaucoup de philosophie y ramène ».
Par la grâce donc d’une prise de conscience nouvelle, Makhtar Diouf s’initie à la langue arabe, achète des livres et se rapproche des érudits islamiques. Dans les années 70 à Paris même, il fréquente un groupe d’amis, des compatriotes portés vers la religion, dont certains sont des arabisants. Rentré au pays, il approfondit ses connaissances par des études plus pointues : "Je suis ce tafsir…, le Coran en mains pendant 13 ans sans interruption de 13 h à 17 h."
Makhtar Diouf sera même parmi les membres fondateurs du Cerid (Cercle d’études et de recherches ’’Islam et Développement’’), mouvement qui, à l’époque avait polarisé bon nombre d’intellectuels de ‘formation occidentale’ mais très motivés par la question religieuse, islamique : "structure permanente et de veille très encouragée par Serigne Abdoul Aziz Sy Dabakh et Serigne Madior Cissé de Saint-Louis."
L’économiste émérite poussera son engagement jusqu’à mener de façon approfondie l’étude de la zakat ; ce qui lui vaudra de donner des cours et des conférences sur le sujet dans le pays et à l’extérieur, en Afrique et dans les pays arabes. Enfin, il effectuera les pèlerinages de la Oumra et du Haj.
Pourtant « l’intellectuel insoumis » n’est jamais loin ; même en matière religieuse, il a son mot à dire. Son mot pour dire, honnêtement, ce qu'il n'apprécie pas :
"Il est certaines pratiques de l’Islam, ici à Dakar, dont j’ai du mal à m’accommoder. Comme ces appels répétés, parfois agressifs, à la prière du matin, souvent deux heures avant la prière, avec des haut-parleurs réglés au maximum."
L’intellectuel qu’il est ne se contente pas d’exprimer ses états d’âme, il les fonde sur des sources coraniques ou historiques qu’il ne manque pas de développer. Comme sa profonde conviction religieuse qu’il puise de la vérité du livre sacré :
"Je peux dire que mon ancrage permanent dans l’Islam s’explique par le constat de la véracité du message coranique."
Enfin, l’auteur, sur le point de clore cette partie autobiographique de son œuvre, abordera ses rapports avec Cheikh Anta Diop.
Sa relation avec Cheikh Anta Diop
Il est tout de même remarquable que l’éminent égyptologue soit la seule personnalité universitaire et/ou politique à qui Makhtar Diouf dédie un chapitre à part dans cette partie autobiographique de son ouvrage :
"La dimension intellectuelle de Cheikh Anta Diop est telle que l’ayant connu, je ne puis manquer d’évoquer les rapports que j’ai entretenus avec lui."
Pourtant Makhtar Diouf ne connaît personnellement Cheikh Anta Diop que sur le tard, en 1980, c’est à dire six ans seulement avant la disparition de ce dernier.
"C’est au lycée Van Vo où il a lui-même fait ses études secondaires, que nous entendions parler de lui, sans l’avoir jamais vu."
C’est donc bien plus tard qu’un de ses collègues l’accompagne à une rencontre que Cheikh Anta organise à son domicile avec les jeunes universitaires de son parti, le Rassemblement National Démocratique (RND) :
"Nous avons tout de suite sympathisé et j’ai vu qu’il me connaissait : du fait de mes articles de Ande Sopi, et par ceux de mes étudiants militants de son parti qui lui parlaient de mes cours ’’Intégration des économies africaines’’ dans lequel son nom revenait souvent."
Le savant se montra « ravi de l’existence d’un tel enseignement à l’Université », mais le chargé de cours à l’Université qui portera plus tard le nom de l’égyptologue ne s’en arrêta pas là :
"… Si bien que chacun de mes étudiants de 4e année a son livre (Les fondements économiques et culturels d’un État fédéral d’Afrique Noire), je dirai même son manuel, car tout à fait conforme à l’esprit de mon cours."
Cependant, Makhtar Diouf demeure réfractaire à « tout embrigadement dans le carcan d’un parti politique » ; mais cette fois-ci, « l’insoumission » n’aura pas l’occasion de se manifester :
"Je n’adhère pas au RND, ce qu’il (Cheikh Anta) ne m’a jamais demandé, mais je continue à le rencontrer dans son bureau du laboratoire Carbone 14 de l’Ifan."
Ceux qui ont connu Cheikh Anta Diop ne seront pas surpris par ce comportement à la fois de courtoisie et de réserve, voire de pudeur.
Il est aussi remarquable de noter qu’Abdoulaye Wade, leader du PDS, avec qui l’auteur entretenait le même commerce, par des rencontres fréquentes à son bureau, observait un comportement identique, n’ayant jamais demandé à Makhtar d’adhérer à son parti.
Quant à Cheikh Anta Diop, il acceptera de préfacer l’œuvre de son jeune collègue, Intégration économique, perspectives africaines : "Il en est d’autant plus ravi que dans la conclusion de son livre Les fondements… il avait formulé le souhait qu’un jour, de jeunes économistes africains viennent le compléter en apportant une touche plus économique au problème de l’intégration régionale africaine."
Et… un vendredi de 1986, Makhtar, souffrant, se rend au bureau de Cheikh pour s’excuser de son éventuelle absence à une table ronde prévue le lendemain (nous sommes en février, et non ‘mars’) :
Mais le bureau est fermé alors que c’est toujours à cette heure que je l’y rencontrais. Je rentre à la maison me coucher, et au début du journal parlé de 20 h de Radio Sénégal, la nouvelle tombe : le décès du professeur Cheikh Anta Diop. Au moment où je frappais à la porte de son bureau vers 17 h, il était à la morgue de l’hôpital Fann, ayant été terrassé par une crise cardiaque vers 15 h à son domicile… Géant du savoir, il l’était.
En guise de conclusion
Dans mon micro-univers d’intellectuel insoumis : rarement le titre d’un ouvrage aura si bien reflété son contenu. De la première à la dernière page de cette autobiographie, nous découvrons la qualité d’un intellectuel dans le sens plein du terme – celui-là qui pense son milieu et le monde, dans le passé et le présent, comme dans le futur ; avec le bonheur d’une fécondité rare, à même d’accoucher le devenir de l’espèce humaine, en corrélation avec le développement de sa société.
Un intellectuel, certes, mais de la race des « insoumis », ces anticonformistes positifs qui questionnent incessamment leur société pour lui faire accoucher le meilleur. Ceux-là ne peuvent pas se « contenter » de l’existant contre lequel ils sont en perpétuel combat. Pour le transformer, comme Marx l’aurait voulu, mais aussi pour le nourrir de sa spiritualité, comme Marx ne l’aurait pas imaginé. Mais comme l’aurait sûrement aimé Cheikh Anta Diop.
La deuxième partie du livre est consacrée aux écrits de l’auteur, sous le titre : Interventions sur l’actualité économique. En termes de volume elle est de loin plus importante que la première, réservée à l’autobiographie, et que nous avons pris le parti de présenter en détail, au vu de la qualité qu’elle recèle.
Cette qualité n’est pas seulement liée à sa teneur, qui en fait une mine d’informations et d’idées. C’est qu’elle révèle le talent d’une belle plume, qu’on a plaisir à lire – sans hâte. Et cela, en dépit de quelques coquilles relevées çà et là.
Pour la compilation de ses écrits que l’auteur nous sert volontiers dans la deuxième partie, nous nous contentons, ici, d’indexer quelques titres à l’attention du lecteur friand de connaissances et qui ne manquera pas de s’en abreuver.
Interventions sur l’actualité
Ces interventions sur l’actualité portent certes, sur les questions économiques, mais embrassent également de nombreux autres domaines, fort variés : la géopolitique, la politique intérieure sénégalaise, la religion et le sport, sans compter les hommages rendus à Raymond Barre (2007) et au Grand Mawdo Mamadou Dia (2009).
Ainsi sur les questions économiques, les textes ci-dessous ont particulièrement retenu notre attention :
Le socialisme africain de Senghor : ni socialisme ni africain (1976)
Patriotisme économique et mondialisation (2010)
À propos des A.P.E. (2007)
Séparatisme et réalisme : leçon d’ailleurs (2oo5)
Le Nepad n’est pas un document africain (2006)
Problématique de l’État-nation (2013)
S’agissant de la politique intérieure sénégalaise, on peut relever, entre autres, les titres ci-après :
Candidature de Wade : du côté des valeurs éthiques et démocratiques (2012)
Acte III de la décentralisation : l’ombre de Cheikh Anta Diop (2014)
À propos de la religion, nous nous sommes surtout arrêté sur les articles relatifs à la laïcité et sur un autre ayant fait l’actualité au Sénégal et soulevé les passions : la réponse courtoise et argumentée à l'ouvrage du Professeur Oumar Sankharé :
CHEIKH OUMAR HANN INDEXE L’ARROGANCE ET L’IMMATURITÉ DE CERTAINS SYNDICALISTES
Le ministère de l’Enseignement supérieur de la recherche et de l’innovation (MSRI) a apporté des éclairages sur les différents points de revendications du SUDES/ESR mentionnés dans leur préavis de grève couvrant la période du 20 avril au 31 décembre 2021
Le ministère de l’Enseignement supérieur de la recherche et de l’innovation (MSRI) a apporté des éclairages sur les différents points de revendications du SUDES/ESR mentionnés dans leur préavis de grève couvrant la période du 20 avril au 31 décembre 2021. Le ministère de l’enseignement supérieur dit avoir rencontré, dès sa prise de fonction, à trois reprises une délégation du SUDES/ESR.
Cependant, il dit déplorer « l’attitude de certains dirigeants du SUDES/ESR qui, sous prétexte de revendications basées sur l’exigence d’une remise en cause des acquis d’un syndicat majoritaire, se singularisent par une arrogance, voire une immaturité, et des attaques injustifiées et continuelles à l’endroit de toutes les composantes du sous-secteur de l’Enseignement supérieur (ministère, autorités académiques et pédagogiques, syndicat majoritaire) ».
Ainsi, le ministère a rappelé qu’il applique la politique du Gouvernement en matière d’enseignement supérieur tout en réitérant sa détermination à s’appuyer sur les partenaires sociaux qui peuvent légalement et légitimement défendre les intérêts de leurs militants.
Auparavant, le ministère est revenu sur les différents points. S’agissant de l’abrogation ou de la modification substantielle de la loi 2015-26 relative aux universités publiques exigée par le SUDES/ESR, le ministère rappelle que cette loi découle d’un large consensus entre le gouvernement et l’ensemble de la communauté universitaire et constituait une des recommandations consensuelles nationales de la CNAES.
NÉCESSITÉ DE RENFORCER L’ENCADREMENT PÉDAGOGIQUE DES ÉTUDIANTS
Pour ce qui est du plan de recrutement des PER réclamé par le SUDES/ESR, le ministère dit être conscient de la nécessité de renforcer l’encadrement pédagogique des étudiants. Il a, à cet effet, autorisé en 2020, sur fonds propres, la création de 200 nouveaux postes d’enseignants, en plus de ceux créés pour les besoins des nouvelles universités. Des efforts seront encore faits pour le renforcement de l’encadrement.
Le ministère a également indiqué qu’il est loin de vouloir affaiblir l’UVS, a, au contraire, pris la décision de la renforcer afin qu’elle poursuive sa belle progression. En ce qui concerne le financement et l’équipement des laboratoires de recherche des Universités, le ministère informe que le Président de la République a encore décidé d’octroyer une enveloppe supplémentaire de 50 milliards de FCFA entièrement destinée aux équipements scientifiques et de laboratoires.
Ainsi, tous les établissements d’enseignement supérieur public du pays qui ont transmis leurs besoins et les services compétents du MESRI ont entamé les procédures d’acquisition. De même, le ministère de l’Enseignement supérieur a rappelé avoir entamé un programme volontaire visant à doter les enseignants de bureaux à l’UCAD, à l’UGB et à l’UADB pour un montant de plus de 500 millions FCFA.
Cet effort sera maintenu avec la livraison des complexes en cours. Concernant la dotation des enseignants en ordinateurs portables, le MESRI rappelle que les programmes du type « un enseignant-un ordinateur » ne sont plus d’actualité à l’heure où un nombre grandissant d’étudiants viennent à l’université avec leurs propres ordinateurs.
AMINATA SOW FALL CELEBRE SES QUATRE-VINGT ANS
L’universalité de ses romans ne fait plus l’ombre d’un doute. Celle que l’on surnomme avec affection la Grande royale de la littérature sénégalaise, séduit par l’élégance de sa plume. Jamais un mot de trop. Juste ce qu’il faut pour se faire comprendre
Elle ne cherche pas une notoriété par les médias et ne rue pas non plus dans les brancards par un discours tapageur ou racoleur comme savent si bien le faire certains de nos intellectuels. Elle, on ne l’entend presque jamais. Elle se contente d’exprimer sa vision du monde par ce qu’elle sait le mieux faire. L’écriture !
Elle ne le dit pas souvent, mais de toutes les femmes écrivaines du continent, elle demeure celle qui porte le souffle de beaucoup de jeunes et vieux du monde. L’universalité de ses romans ne fait plus l’ombre d’un doute. Aminata Sow Fall, celle que l’on surnomme avec affection la Grande royale de la littérature sénégalaise, séduit par l’élégance de sa plume. Jamais un mot de trop. Juste ce qu’il faut pour se faire comprendre. Elle est loin du clinquant ou de cette race d’intellectuels qui pérore dans les médias à longueur de journée en se répétant à l’envi.
« Il y a quelque chose de paradoxal chez vous. Vous êtes présente sur la scène littéraire sans être visible. Au Sénégal, par exemple, vous êtes presque effacée. » A cette question posée par une journaliste doublée d’une critique littéraire, Mme Aminata Sow Fall répondait avec ce sourire maternel qui ne la quitte presque jamais, ceci : « Cela est dû à mon tempérament. C’est aussi une question de choix. Je ne fais que ce que j’ai à faire et ce que je sais faire. Et ce que je sais faire, c’est écrire. J’y mets toute ma passion et mon énergie. Je ne cherche pas à me faire voir, à me créer une audience. C’est le seul domaine où je suis fataliste. Je ne vais pas au-devant des choses. Je suis de nature plutôt retirée. Je ne vais pas, par exemple, intervenir dans le domaine politique. Si je dois le faire, ce sera à travers la littérature… ».
C’est cette pionnière de la littérature africaine francophone, Grand prix de la Francophonie de l’Académie française (2015), que Le Témoin rend hommage à l’occasion de la célébration de son quatre vingtième anniversaire, ce mardi 27 avril, à travers la plume de femmes et d’hommes de culture. Dieu lui prête vie, encore et encore !