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24 novembre 2024
Culture
MULTIPLE PHOTOS
ARTISTE CREE DES ŒUVRES DONT LE SOUBASSEMENT EST DIVIN
C’est un géant aux mains géniales, aux pieds solides et à l’esprit magistral qui nous accueille dans son atelier au Village des arts de Dakar. Cet homme au regard vif, coiffé de son bonnet et de canne naine fétiche, s’impose sans trop en décider
C’est un géant aux mains géniales, aux pieds solides et à l’esprit magistral qui nous accueille dans son atelier au Village des arts de Dakar. Cet homme au regard vif, coiffé de son bonnet et de canne naine fétiche, s’impose sans trop en décider tel un gourou des univers plastiques. Du haut de ses 50 ans de carrière, qu’il fête (ou qu’on lui fête plutôt) en grande pompe cette année, Zulu Mbaye se dit tout de même encore dans sa quête artistique. « Poète des formes et des couleurs » selon Moussa Sène Absa, « magnifique artiste au bleu inimitable » d’après Abdoulaye Diallo Le berger de l’île de Ngor, préfère encore son « jeu » au « je ». Toutefois, les deux s’entêtent à se confondre. Le maître plasticien nous entretient des pulsations de ses 69 ans d’art, pardon, de ses 50 ans d’art.
Quand Mouhamadou Mbaye a-t-il senti devenir Zulu Mbaye ?
J’ai signé Mouhamadou Mbaye durant les dix premières années de ma carrière, autant sur mes tableaux que les tapisseries. Il faut savoir que j’ai fait une cinquantaine de tapisseries avec les Msad (Manufactures sénégalaises des arts décoratifs) de Thiès. À un moment, je revendiquais sans fard ma négro-africanité et je cherchais un nom qui collait mieux à mon identité plastique. Ensuite, je me suis dit que je suis musulman et non arabe, et que mon exercice était loin de la religion. C’était d’abord Mouham-ou Mbaye Zulu, ensuite Mouham Zulu que je trouvais encore long, avant de choisir définitivement Zulu Mbaye, en 1981. Le nom s’est aussitôt révélé plus marketing, plus marquant, plus incisif et plus original.
42 ans après, vous continuez de penser que votre identité plastique se distingue de celle musulmane ?
Oui. Je conçois que ce sont deux religions différentes. On a tendance à penser religions révélées, mais notre animisme est bien une religion. Je ne colle pas cette identité animiste à ma peinture, elle est totalement ma peinture. Elle est d’aspect, de philosophie et de pensée animistes. Mon art renvoie toujours à tous ces symboles.
Il s’agit là de l’animisme non dans son sens païen, mais plutôt de celui qui définit l’âme spirituelle de l’Africain…
Tout simplement ! Le paganisme est un culte, mais l’animisme est une spiritualité. Voyez nos célébrations cultuelles, nos rapports à la nature, etc. Nous confondons même instinctivement nos confessions religieuses et cette spiritualité animiste au quotidien. Moi, je choisis de ne pas m’en cacher. Mon histoire, ma culture, ma géographie, tout est animiste. Nous avons été autre chose avant l’avènement de l’islam, que je revendique également.
Dix ans avant d’avoir une signature définitive, vous cherchiez une identité artistique ou vous confirmiez votre affirmation ?
Le changement n’a pas concerné ma peinture. Je continuais et continue aujourd’hui de faire ce que signait Mouhamadou Mbaye.
Qu’entendez-vous nous dire quand vous affirmez que vous peignez « sur le modèle de Dieu » ?
L’artiste crée des œuvres dont le soubassement est divin. Je ne suis pas un plasticien abstrait, mais ma peinture puise dans mon imaginaire coloré et la nature. Ce sont les créations de Dieu qui sont nos modèles. Quelque artiste qu’on puisse être, on ne peut jamais créer ce que Dieu n’ait déjà créé. On « crée » à l’image de Dieu.
Quel environnement de votre enfance a vraiment modelé ou impacté votre âme d’artiste ?
Beaucoup pensent que je suis né à Thiès. Mais je suis né dans le village de Ndiakhaté, en 1954. Mon père était un tidiane, homonyme de Seydi El Hadj Malick Sy. C’est le khalife Serigne Babacar Sy qui l’a élevé au rang de moukhaddam et on me raconte qu’il appelait mon père « goorgi ». Quand les villages environnants ont voulu un exégète du Coran, Khalifa Babacar Sy y a envoyé mon père et c’est ainsi qu’il s’est installé à Ndiakhaté. La confusion est intervenue parce que j’ai habité Thiès après l’école élémentaire de Lam-Lam. Mon père était déjà mort et j’ai rejoint ma mère à Thiès. C’est intéressant parce que je me rends compte que ma première relation avec la nature, c’est véritablement à Ndiakhaté. Je reviens en images sur ces premiers épisodes de ma vie dans « Zulu l’Africain ». Dans ce film, je vais me ressourcer et interroger les baobabs qui m’ont vu naître. C’est là-bas que tout a commencé. C’est là que j’ai gardé des moutons, habité la nature, eu ma première enfance, où j’ai eu mon premier cheval hérité de mon homonyme et oncle qui m’a élevé à la suite de mon père décédé quand j’avais 4 ans. Tout est assurément parti de Ndiakhaté. J’y étais jusqu’à mes 12 ans. Cet environnement a forgé mes premiers pas, mes premiers regards et mes premiers sentiments d’homme.
Vous célébrez l’Afrique par votre art, votre style et votre nom d’artiste. Aujourd’hui, que « L’Afrique célèbre Zulu », n’est-ce pas un sacre ?
Être célébré par ses pairs africains est génial. Il y aurait pu y avoir des Occidentaux et des Asiatiques, parce que je suis un artiste international. Mais je reste cramponné à ce caractère africain. Il faut aussi savoir que le Maroc a besoin d’affirmer son soft power culturel. Que ça se passe au Sénégal est une heureuse situation parce que, jusqu’au début des années 2000, notre pays était le fer de lance du mouvement artistique africain. Ce n’est pas pour rien que nous accueillons la Biennale de l’art africain contemporain à Dakar et qu’on a le Village des arts. C’est une belle rencontre de symboliques dont je suis le simple prétexte. « L’Afrique célèbre Zulu », c’est très beau, mais je précise que le monde est invité.
Dans votre vocabulaire pictural, vous explorez beaucoup l’imaginaire africain, tout en provoquant un renouveau permanent. Comment vous réussissez cette alchimie ?
L’art est telle une université où on va découvrir des choses. Il faut d’abord dire que je suis très Égyptien. Nous avons une civilisation de 5 000 ans née en Égypte que nous avons peuplée à cette période. Cette âme égyptienne nous est restée et ma peinture prend ses racines et ses formes dans cette civilisation négro-pharaonique. Il suffit de voir mes œuvres pour constater ces influences. Je crois à la réincarnation. Je me dis quelquefois que j’ai dû vivre auparavant en Égypte et que ma mémoire a enregistré des souvenirs qu’elle restitue dans mon art. J’ai rencontré l’écrivaine et égyptologue Gallinca, en 1985, qui m’a dit que je verrais l’épine dorsale des hiéroglyphes égyptiens si j’élaguais les motifs décoratifs de mes œuvres. Elle comparait mes œuvres avec des images de l’Égypte ancienne qu’elle m’a montrées. J’ai remarqué que mes peintures y ressemblaient au ¾. J’en ai eu une conscience éclairée qui n’est pas vaine et qu’une vie antérieure expliquerait. Ce sont mes réminiscences.
50 ans d’activités plastiques, avec des messages à travers vos œuvres. Ne pensez-vous pas avoir quelque part influencé la génération qui a aujourd’hui un discours marqué panafricanisme et kémitisme ?
Je ne saurai dire si j’ai eu une influence, mais je suis sûr que ces gens parlent de moi. C’est un propos que j’ai toujours porté et dit. C’est un mouvement que je suis depuis mes débuts, sur le plan physique et intellectuel. C’est beaucoup plus profond pour moi. C’est toute une existence que je résume dans la peinture. Je fais partie aussi de l’École de Dakar qui continue d’influencer l’art. Beaucoup ont écrit dans des catalogues que ce qui s’est fait entre 1960 et 1980 est une illustration de la poésie de la négritude de Senghor. C’est faux ! Quand deux artistes vivent dans le même espace avec la même histoire et la même culture, si on ne voit pas d’affinités dans leurs œuvres, l’un d’eux a forcément dévié du bon chemin. Senghor était inspiré de la cosmogonie négro-africaine, et nous de l’École de Dakar avions les mêmes influences. Mais j’ai eu un supplément après ma rencontre avec Gallinca.
La peinture, comme tout art, est comme une promenade sur un chemin sans fin. Tu marches étape par étape, sans rupture, voire sans altération. On voit encore dans mes œuvres des couleurs et des formes bien connues de l’École de Dakar, mais que j’utilise de moins en moins parce que j’ai dépassé ce problème de négritude. Aujourd’hui, c’est l’Homme qui m’intéresse. L’Homme qui n’a ni couleur ni culture ni d’histoire. Qu’allait peindre Adam, le tout premier homme, si on lui avait donné des pinceaux et des couleurs juste après sa création ? Quand je peins aujourd’hui, j’essaie de pénétrer l’esprit de cet homme originel et dépouillé d’appartenances. J’avoue, c’est impossible de s’en détacher totalement. Mais je rends son pourcentage le plus infime possible. C’est là que je sens une forme d’universalité dans ma quête picturale. Quand j’ai commencé avec ce que j’appelais « signes » à l’époque, que l’Égyptienne Gallinca a apparenté aux hiéroglyphes, ça a fait tache d’huile au Sénégal. J’avais beaucoup influencé la peinture de cette période. C’est ma fierté. Il y a bien des raisons pour que je sois sorti du lot. L’une d’entre elles est que j’ai influencé beaucoup de peintres de ma génération.
Quel impact a eu sur vous Pierre André Lods quand vous le rencontriez en 1970 dans son atelier de Médina ?
Je suis ensuite venu à Dakar pour faire de la comptabilité après avoir arrêté mes études en classe de 4e au collège. Mon tuteur m’a proposé d’intégrer les armées ou d’étudier la comptabilité, car il était hors de question que je reste désœuvré. Au Lycée Malick Sy de Thiès, j’avais un professeur de latin qui remarquait mes dessins copiés des Aventures de Zembla notamment. Je croise ce professeur un jour dans les rues de Dakar-Plateau et il me les rappelle. Il m’a demandé de le rejoindre à une invitation dans un atelier, le jeudi suivant. C’était l’atelier de Pierre Lods, à la Médina. C’était le déclic. Et le conseil qu’il m’a donné après avoir vu mes dessins, qui est le conseil le plus précieux qui m’ait été donné, c’est de ne pas entrer à l’École des Beaux-arts. Je crois fermement que je n’aurais jamais été Zulu Mbaye si j’avais suivi la formation académique. On n’apprend pas à quelqu’un d’être artiste, on le conseille. C’est ce conseil qui a explosé ma liberté et m’a mené à ma signature.
Lods a révélé aux Africains leur véritable identité picturale. Il a été d’abord professeur à Poto-Poto au Congo, où il était venu en missionnaire en 1945. Le peintre fabuleux qu’il était y a construit une grande maison qui était un lieu de rencontres d’artistes. C’est ainsi qu’il a créé l’École des peintres de Poto-Poto, en 1951. Ensuite, en 1958, Senghor, qui a senti les indépendances, a fait un périple et a visité cette école. Comme il avait le projet du Festival mondial des arts nègres, il a créé l’École des Beaux-arts. Il a ainsi invité Lods au Sénégal, qui n’était donc pas un coopérant. À deux, ils ont encouragé, encadré et accompagné les artistes. Lods, à l’École des arts, sélectionnait les artistes qui avaient plus de talent. Parallèlement à son enseignement à l’École des arts, il avait ouvert ce fameux lieu appelé les Ateliers libres de Pierre Lods.
Quelle signification donnez-vous à l’École de Dakar, et quelle est son influence sur la dynamique picturale du moment ?
Elle est la base de ce qui se fait aujourd’hui. Jusqu’aujourd’hui, quand il y a une sélection nationale, 75% des œuvres choisies sont signées des artistes de cette école. Une école ne meurt jamais. Le problème, ce sont les gens et leur complexe qui ne veulent pas parler d’art africain. Moi, je revendique l’art africain. On parle d’art d’autres pays ou régions du monde, pourquoi ne pas parler du nôtre ? Les artistes africains, et pas que sénégalais, ont comme une haine d’eux-mêmes et de leur héritage. Ils foulent au pied leurs identités fondamentales pour paraître au goût du jour et à l’air du temps. C’est d’ailleurs dommage qu’on crée des modes artistiques. L’art est une permanence qui évolue en s’affinant et en se prolongeant, mais aucun complexe ne doit ruiner notre progrès artistique et culturel. Je me demande si nous n’avons pas peur de nous-mêmes, de ce que nous sommes essentiellement. J’aime citer Tahar Ben Jalloun qui dit dans « Moha le fou, Moha le sage » ceci : « Autrefois, c’étaient les Occidentaux qui nous déshabillaient. Maintenant, c’est nous qui ôtons nos haillons et les jetons dans les fosses de la honte ». Nous avons honte de nous. Nous refoulons cette « négrité » en nous par complexe, et certains dits artistes n’y échappent. Il faut sublimer nos legs. Il ne faut pas altérer l’École de Dakar, mais le garder et dépasser. Comment ? En digérant son propos et lui apporter une touche nouvelle, en l’ouvrant à ce monde qui se rétrécit et a beaucoup à donner. Si on écrase ce qu’on est, on ne contribue pas à façonner un nouveau monde.
Est-ce parce que vous avez réussi la digestion des messages de vos identités et les alertes du temps que vous vous distinguez en maître aujourd’hui ?
Mieux, c’est cela qui m’a formé alors que j’aurais pu être déraciné après avoir vécu vingt ans en Europe. C’est pourquoi cette vie ailleurs n’a jamais pu m’influencer. J’ai toujours refusé d’être autre chose que ce que je suis. Partout, je revendique mon identité, car j’ai compris sa valeur et sa charge au point d’y puiser l’énergie pour vivre. Le choix de mon nom Zulu le dit. Ce n’est pas en référence à Chaka Zulu, mais en hommage à tout le peuple zulu et leur histoire. Ce séjour en Europe n’a pas pu pervertir mon art, car ce qui peint en moi est en moi. Il m’habite. C’est le levier et l’énergie qui me poussent à porter mon art et à me porter moi-même.
Vous êtes parmi les artistes visuels qui travaillent le mieux les deux extrêmes : l’aisance matérielle comme mentale, et le dénuement total…
Car je suis un Baye Fall de confession, avec toute sa philosophie. Cette doctrine colle mieux à ma personnalité humaine et artistique. Je trouve aussi que les Baye Fall sont les premiers musulmans. Dieu aime les gens qui se rapprochent de Lui. C’est aussi une forme. On dit qu’il y a moins de grains de sable sur terre que de voies que Dieu peut tracer comme religions. L’ordre Baye Fall est un comportement. Il me suffit, il me donne une aisance spirituelle et morale qui se prolonge dans ce que vous décrivez.
Cette voie propice à la méditation ne fait-elle pas que vous soyez un féru de la recherche plastique ?
J’ai fait de l’art ma vie. J’estime n’avoir rien fait d’autre de mes 69 ans. Je ne sais faire rien d’autre que peindre. Je ne sais même pas quoi faire d’un marteau et d’un clou. Alors oui. Je pense d’ailleurs qu’une seule vie ne suffit pas pour effectuer tout ce que je veux faire avec mon art. Au-delà des recherches, j’ai consacré toute ma vie et mon identité à l’art.
Comment encadrez-vous votre inspiration dans la petite surface d’une toile ?
Il faut d’abord trouver ce qu’est une inspiration, je crois. On confond souvent inspiration et imagination. L’imagination est quand vous vous dites que vous voulez peindre un arbre ou un chat qui dort. L’inspiration est l’acte, et elle est de source divine. Ce n’est pas une simple cuisine de l’esprit. Quand l’inspiration se révèle à vous, vous n’êtes pas conscient pour décrypter la situation. Vous ne sentez plus que vous êtes Zulu Mbaye avec un pinceau sur la main. Où est-ce que vous étiez en ce moment ? Je ne le sais pas, mais je sais que les chefs-d’œuvre sortent souvent de ce voyage. Je sens juste une force supérieure qui m’habite et impose ses formes et ses couleurs. C’est cette force qui délimite les œuvres.
Votre plus grande satisfaction durant ces 50 ans ?
Être peintre. Je ne pense pas que j’aurais connu la même béatitude avec un autre métier.
Votre plus grande épreuve ?
Essayer quelque chose que je ne réussis pas. Ça fait mal, ça prouve heureusement que l’homme n’est que peu de chose. Ça te ramène à ton état véritable de simple créature, et que le seul créateur demeure Dieu.
Quid de Nietti Gouy ?
Je suis rentré de mon premier séjour en France pour participer à la Biennale de Dakar de 1992. Un jour, je rencontre un Français fabuleux qui m’achète un tableau et me demande où se trouve mon atelier. Je lui dis que je ne suis pas encore installé parce que je reviens d’un long périple. Il m’a proposé de m’acheter un tableau par mois, pour avoir un fonds. Je vendais à l’époque mes tableaux à pas moins de 750.000 FCfa. J’ai trouvé une maison au Almadies à côté de chez Youssou Ndour. À l’époque, c’était encore en friche. La maison a vite pris une allure internationale, avec la visite et le séjour de plusieurs artistes internationaux. Des artistes sénégalais venaient aussi habiter et peindre avec moi. C’est ainsi que j’ai mis en place Nietti Gouy (les Trois baobabs). Le nom vient des trois baobabs au seuil de la maison. Cette maison a accueilli le tout premier Off du Dak’art. Ça m’avait valu le surnom de « Père du Off » par la presse culturelle. Ce n’était pas en vrai un Off, mais plutôt un boycott de la Biennale. L’État du Sénégal avait voulu ghettoïser l’art sénégalais à travers la Biennale et il l’a réussi aujourd’hui. J’avais dit mon refus et ça s’est manifesté avec ce premier Off. J’avais intitulé cette exposition « Amour interdit », considérant qu’on nous interdisait de faire notre amour entre artistes. L’art est ouvert. Nous étions invités partout et ne pouvions accepter qu’on exclut des confrères d’autres continents. S’enfermer entre artistes africains ghettoïse l’art africain.
CINQUANTENAIRE DE LA CARRIÈRE DE L’ARTISTE ZULU MBAYE
Des noces d’or tout en majesté
« L’Afrique célèbre Zulu Mbaye ». Un vaste programme à l’honneur d’un géant aux cinquante années de pratique majuscule des arts plastiques. Il s’agira de célébrer ce mohican de l’École de Dakar, de mettre en lumière son œuvre singulière pour la jeunesse en quête de modèle et de diffuser sa lecture des arts contemporains, entre autres.
Un splendide tableau pour un maître incontesté de l’art. Pour le cinquantenaire de la carrière de plasticien de Zulu Mbaye, une exposition-hommage sera organisée du 27 octobre au 10 novembre 2023 au Musée Théodore Monod, par le Sénégal et le Maroc (à travers l’Agence marocaine de coopération internationale). Vingt-et-un artistes de 11 pays d’Afrique vont exposer 60 œuvres au total, sous le commissariat de Omar Diack et de Zulu Mbaye lui-même. Ce dernier, « poète et magicien des formes et des couleurs », montrera 20 de ses œuvres à l’occasion. Le vernissage est prévu le 27 octobre, avec 45 artistes invités. Un panel sur le thème « L’art comme levier de rapprochement des peuples » sera aussi reçu au Musée Théodore Monod, le lendemain, dans l’après-midi. Ce même 28 octobre au soir, aura lieu le second vernissage, à l’Espace Vema. Le 29 octobre, il y aura la projection du film « Zulu l’Africain ».
En 2019, Zulu Mbaye était invité par l’Université internationale de Rabat pour une conférence entre quelques des 9 000 artistes étrangers qui vivent au Maroc et les étudiants. « Avant de partir, j’avais échangé avec le journaliste et le curateur Massamba Mbaye qui m’avait proposé de faire une exposition. Je lui avais répondu que je n’avais pas les moyens pour cela, et que je ne pouvais pas me permettre de l’amateurisme après 49 ans de carrière. J’ai toujours voulu faire les choses avec rigueur et professionnalisme. Donc, quand j’étais au Maroc, je me suis souvenu du projet et j’en ai parlé avec le Directeur de la Coopération internationale du Maroc. Je lui expose mon idée d’inviter deux artistes de la sous-région. Il me répond qu’il me propose mieux : inviter dix pays africains à Dakar, en plus du Maroc. L’histoire est née ainsi », révèle Zulu Mbaye.
LA RENCONTRE BIENHEUREUSE AVEC LE MAROC ET SON ROI
Il rentre à Dakar avec cette proposition et un jour, Racine Talla, Directeur de la Rts, sera l’artisan de la participation sénégalaise après un appel téléphonique fortuit. « Il m’a fait recevoir par le Chef de l’État, Macky Sall, qui m’a gracieusement soutenu pour l’événement et avec beaucoup d’enthousiasme. Il a été retenu que le Maroc se charge du voyage des artistes invités et de leurs œuvres, et le Sénégal prendrait ensuite le relai », explique le plasticien de 69 ans. C’est au Village des arts, où nous avons rencontré Zulu Mbaye, mercredi dernier, que commence l’histoire de ces noces d’or. Il était assis tranquillement dans son atelier, quand sa quiétude était subitement perturbée par un convoi de huit grosses voitures luxueuses. « En tant que président du Village, je suis allé à leur rencontre. Quand je me suis approché, toute la délégation convergeait vers un homme en jean, chapeau, chemise à fleurs et des bottes dentelées. Je lui ai dit « Bonjour monsieur », il a souri et je me suis présenté. Je lui ai proposé de visiter le Village et au premier atelier, je me suis effacé pour le laisser discuter avec l’artiste résident. Là, j’ai demandé au garde du corps et, tout étonné, il me répond « C’est le roi du Maroc ». Je disais ensuite passablement « mon altesse », « mon roi » et il en souriait », se remémore Zulu Mbaye en se marrant. C’était un jeudi de novembre 2016.
Le roi avait visité ce jour la moitié du Village, avant de demander à rentrer, car il était fatigué. Mais il avait promis de revenir le lendemain après la prière du Jummah (14h). « J’étais stressé parce que le bruit avait couru que le roi a acheté des œuvres dans tous les ateliers qu’il a visités. Ceux qui ne l’ont pas reçu m’en avaient voulu. Mais il est effectivement revenu le lendemain et a acheté 144 œuvres en ces deux jours, dans tous les ateliers, en billets d’euros neufs. Il faut dire que tous les artistes étaient millionnaires », se rappelle Zulu. Ce contact lui vaudra plus les faveurs et la sympathie du roi. Il vit aujourd’hui entre les deux pays.
TRACE AWARDS TV, VIVIANE CHIDID, MEILLEURE ARTISTE FÉMININE DE L’AFRIQUE DE L’OUEST
Le lead vocal du Djolof band, Viviane Chidid, a été désignée »meilleure artiste féminine de l’Afrique de l’Ouest » par Trace awards Tv lors d’une cérémonie organisée à Kigali au Rwanda, a appris l’APS à travers différents médias.
Le lead vocal du Djolof band, Viviane Chidid, a été désignée »meilleure artiste féminine de l’Afrique de l’Ouest » par Trace awards Tv lors d’une cérémonie organisée à Kigali au Rwanda, a appris l’APS à travers différents médias.
La star sénégalaise, »très contente » de recevoir cette distinction, a dédié son prix à toutes les femmes. Elle a remporté le prix devant Tiwa Savage du Nigeria, Josey de Côte d’Ivoire, entre autres artistes nominées.
La reine du Djolof band a été aussi nominée dans la catégorie ‘’meilleure artiste Francophone’’.
Le groupe Trace qui a célébré par la même occasion son vingtième anniversaire a lancé l’initiative dénommée ‘’Trace awards et festival’’, un évènement dont l’objectif est de consacrer les musiciens chanteurs, les créateurs et entrepreneurs musicaux de l’Afrique et de sa diaspora.
L’évènement s’est tenu les 19 et 20 octobre 2023 au Rwanda.
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ECRANS NOIRS, CLARENCE DELGADO REMPORTE LE PRIX DU MEILLEUR SCÉNARIO AFRIQUE
Le cinéaste sénégalais Clarence Thomas Delgado a remporté le prix du meilleur scénario Afrique lors de la 27ème édition du festival ‘’Ecrans Noirs’’ (14 au 21octobre) » avec son film intitulé “Que le père soit”
Yaoundé, 23 oct (APS) – Le cinéaste sénégalais Clarence Thomas Delgado a remporté le prix du meilleur scénario Afrique lors de la 27ème édition du festival ‘’Ecrans Noirs’’ (14 au 21octobre) » avec son film intitulé “Que le père soit” , a constaté l’APS.
« C’est une reconnaissance de mon travail, c’est un honneur et un grand plaisir de recevoir ce prix”, s’est réjoui le lauréat, qui a reçu cette distinction, samedi, lors de la cérémonie de clôture du festival.
»Tout passe par un scénario pour réaliser un film. Ce prix équivaut au plus grand prix du festival“, a fait valoir le réalisateur qui a été l’assistant de Ousmane Sembene dans toute sa filmographie.
Selon Clarence Thomas Delgado, »le film est une histoire d’amour, un hymne à l’enfant, à la femme et même à l’homme égoïste’’.
C’est une manière dit-il, “de remettre en question les relations d’amour’’.
Pour le directeur de la cinématographie Germain Coly, il est important dans ces compétitions que le Sénégal puisse sortir avec des prix.
Il dit tirer un bilan satisfaisant de la participation du Sénégal à ce rendez-vous culturel dans la capitale camerounaise.
“Le Sénégal a participé avec satisfaction à ce festival. Il était aussi présent dans le domaine de l’expertise. Notre compatriote Souleymane Kébé, le talentueux producteur, a assuré une formation pour plus d’une cinquantaine de jeunes producteurs », a t-il déclaré.
En plus, a indiqué M. Coly, “l’expertise sénégalaise dans la politique cinématographie aussi, a été sollicitée, conformément à la politique définie par le président de la République Macky Sall’’.
Le Grand prix Ecran d’or a été décerné au film “ Mon père le diable“, d’un jeune cinéaste camerounais.
SALIOU MBAYE FAIT ŒUVRE DE MEMOIRE
Le livre « Ndande Fall Keur Madame » est la reconstruction d’une histoire locale inscrite dans le dessin global de la colonisation.
L’ancien directeur des archives du Sénégal (1976-2005), le professeur Saliou Mbaye, fait œuvre de mémoire, en consignant dans un ouvrage autobiographique les souvenirs de son enfance passée dans les années 1950 à Ndande Fall, un bourg rural, fief des Damels du Cayor, dans l’actuelle région de Thiès. La cérémonie de dédicace et de présentation de l’ouvrage de 365 pages, intitulé « Ndande Fall Keur Madame, souvenirs d’un enfant du terroir » (éditions Présence africaine), s’est effectuée samedi 21 octobre, au Warc de Dakar.
Le livre « Ndande Fall Keur Madame » est la reconstruction d’une histoire locale inscrite dans le dessin global de la colonisation. Dans cette œuvre, l’auteur décrit un terroir marqué par le produit par excellence de l’empire français en Sénégambie qui est l’arachide. Cette doublure géographique du terroir répertorie les mutations sociales, économiques, politiques et culturelles de familles et de communautés sommées de s’adapter, en puisant dans leurs propres ressources et dans celles des acteurs étrangers. « J’ai vécu à Ndande entouré de ma famille, j’ai vu la construction du chemin de fer et vécu de merveilleuses choses dans cette ville. Cet ouvrage est une mémoire (souvenirs-ndlr), la mémoire d’un enfant qui a vu naître beaucoup de choses au temps de la colonisation. J’aimerais juste remercier ma famille, particulièrement mon épouse, mes amis, frères et collègues ici présents », a affirmé Saliou Mbaye. Selon l’auteur, cet ouvrage est le fruit d’un travail entamé en 2018 à la demande de son petit-fils qui voulait un livre écrit pour lui. Il combine à la fois des enquêtes de terrain et des recherches en archives et en bibliothèque, à Dakar et en France. L’ouvrage comprend deux parties de trois chapitres chacune et est axé sur une présentation historique et géographique de Ndande Fall dans les années 1950, ainsi qu’une présentation de la famille de l’auteur et de son cursus scolaire, à une époque marquée par un « plein essor économique » en lien avec la traite de l’arachide. L’ancien enseignant à l’Ecole des bibliothécaires, archivistes et documentalistes (EBAD) du Sénégal revient aussi sur son passage au lycée Faidherbe de Saint-Louis (1959 à 1967), ses vacances scolaires à Louga et la seule année qu’il avait passée à l’université de Dakar, de 1967 à 1968, avant d’aller poursuivre ses études en France.
L’ouvrage du professeur Saliou Mbaye est un « livre de transmission » et « un hymne certes à la famille, mais [aussi] à l’amitié », selon l’historienne et universitaire Penda Mbow. « C’est un ouvrage foisonnant d’informations et de vie avec une panoplie de personnages. Il raconte différentes histoires de famille, une histoire de peuplement, le mouvement des populations, une description d’éléments techniques agraires, une étude du voisinage, l’évolution des transports et de la communication, le chemin de fer, les mutations de la société à Ndande Fall », avec la traite arachidière. Saliou Mbaye raconte tout cela avec « une précision extraordinaire », indique-t-elle.
La cérémonie qui était présidée par le Professeur Seydou Madani Sy, ancien recteur de l’Ucad et ancien ministre, a été organisée en présence d’une foule d’invités. Parmi ceux-ci, Adama Fall actuel maire de Ndande qui, après avoir félicité l’auteur pour son ouvrage l’a remercié pour avoir immortalisé le terroir. « Il pensait ne jamais finir cette œuvre à cause de problèmes de santé mais par la grâce de Dieu, il a pu le terminer. La question du dialogue inter religieux dans ce livre est très importante de même que la géographie de Ndande ». « Moi, de par cet ouvrage, je pense que Saliou tente de sauver son enfance à l’aide de ses souvenirs enfouis », a confié pour sa part Fadel Dia, géographe et écrivain.
Quant au professeur Seydou Madani Sy, qui a signé la préface du livre, il a noté que l’ouvrage de M. Mbaye, « au-delà de son caractère de récit autobiographique, est le fruit d’un travail scientifique historique »..
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JAH GAL DOULSY, PROPHETE CHEZ LES AUTRES ?
Comme le dit l'adage nul n'est prophète chez soi. Jah Gal Doulsy crée des œuvres, mais ce n'est qu'à l'étranger que son art est reconnu manifestement puisque c'est la ou il les vend.
Comme le dit l'adage nul n'est prophète chez soi. Jah Gal Doulsy crée des œuvres d'art , mais ce n'est qu'à l'étranger que ses creation sont reconnues manifestement puisque c est la ou il les vend.
Artiste designer, créateurs de costumes, il compte parmi les artistes africains qui ont collaboré à donner corps au projet "Musée abandonné" de l'artiste argentin Diego Bianchi dans le cadre de la Biennale internationale d'art contemporain du Sud Global.
Ses poupées géantes faites de plastique en tout genre impressionnent à plus d'un titre (l'expo est encore en cours au Centre culturel espagnol de Dakar.
En marge du vernissage de l'exposition, le samedi 30 septembre dernier, Jah Gal Doulsy a répondu à quelques questions d'AfricaGlobe Tv.
«BEAUCOUP D’ARTISTES AFRICAINS ESSAIENT DE COPIER CE QUI SE FAIT EN EUROPE»
Zulu Mbaye, un des peintres sénégalais les plus connus, a gagné le droit de partager sans fioriture son regard sur le monde. Au cœur du Village des arts où il nous reçoit, c’est un homme sage et riche de ses nombreuses expériences qui se livre
Au moment de célébrer ses 50 ans de pratique artistique, l’homme s’est entouré de grands noms de la peinture africaine. Abdoulaye Konaté, Siriki Ki ou encore El Anatsui, voilà quelques-uns des artistes qui occuperont les cimaises du Musée Theodore Monod, le 27 octobre prochain, pour «célébrer Zulu Mbaye». Reconnaissance pour un homme qui aime à se présenter comme un «Sénégalais artiste». Zulu Mbaye, un des peintres sénégalais les plus connus, a gagné le droit de partager sans fioriture son regard sur le monde. Au cœur du Village des arts où il nous reçoit, c’est un homme sage et riche de ses nombreuses expériences qui se livre.
Plus de 50 ans de pratique artistique, que retenir de cela ?
Un grand vécu. C’est en 1970 que j’ai commencé la pratique artistique. Donc, une vie d’artiste très chargée que j’ai vécue ici et ailleurs en Europe, aux Usa. Pendant 50 ans, je n’ai fait que peindre. Je ne sais rien faire d’autre dans ma vie que peindre. En 2019, j’ai eu l’idée de fêter mes 50 ans parce que Massamba Mbaye est venu me voir et m’a dit : «Grand, 50 ans, ça se fête.» J’ai voulu le faire en 2020, mais comme le Covid19 était là, j’ai dû le repousser à 2023. J’ai eu, en tant que président du Village des arts, l’honneur de recevoir ici, en novembre 2016, le Roi Mohamed VI. Et j’ai eu à passer deux journées avec lui pour visiter les ateliers des artistes. Et en mars 2017, Sa Majesté m’invite à l’exposition, L’Afrique en capitale, dans le musée qui porte son nom à Rabat. C’est comme ça que j’ai commencé à rencontrer les décideurs marocains, de grands artistes et depuis quatre ans, je vis entre le Sénégal et le Maroc. Il faut dire que Sa Majesté m’a ouvert les portes du Maroc artistique et culturel. En 2019, quand je suis allé au Maroc me soigner, j’ai parlé au directeur de l’Agence marocaine de coopération internationale (Amci), de mon souhait d’organiser mes 50 ans. Il me dit : «On peut vous soutenir en invitant dix pays africains à Dakar pour vous rendre hommage.» C’est comme ça que l’idée est née, mais quand je suis rentré à Dakar en janvier2020, j’en parle à mon ami Racine Talla de la Rts, qui me dit : «Non, on ne peut pas regarder un pays étranger venir célébrer notre fils. Je vais en parler au Président Macky Sall.» J’ai été reçu par le Président qui a gracieusement soutenu et accompagné cet évènement. Et le 27 octobre prochain, avec une dizaine de pays africains invités, je vais célébrer ces 50 ans de pratique artistique dans deux espaces simultanément. Le Musée Theodore Monod, le 27 octobre, et l’Espace Vema, le 28 octobre. 46 exposants qui vont célébrer Zulu Mbaye, je pense que c’est une marque de reconnaissance, une sorte de consécration que l’on m’offre de mon vivant. Beaucoup n’ont pas cette chance-là. Il y aura un panel intitulé : «L’art comme levier de rapprochement des peuples.» L’art, la culture on va dire, est d’ailleurs le plus grand vecteur de rapprochement des peuples. Et c’est donc l’occasion de se parler entre différentes cultures, différentes sensibilités artistiques. C’est le sens que je donne à ce panel qui va regrouper d’éminentes personnalités, de grands hommes de culture de plusieurs pays, le 28 octobre au Musée Theodore Monod. Le 3e jour aussi, il y aura un film que je suis en train de faire depuis 4 ans sur mon travail et qui s’appelle Zulu, l’Africain.
Vous vous voyez d’abord comme un Africain ?
Je suis africain de naissance, de cœur, culturellement, historiquement. Je le revendique. Tout le monde sait que je revendique cette africanité à travers ma peinture, mon attitude, mon comportement, ma vie. Et c’est le cas même en Europe où j’ai vécu plus d’une vingtaine d’années, et où je ne m’habillais qu’africain. Et c’est une fierté, une manière de montrer notre appartenance, notre spécificité d’Africain. On n’a rien à envier aux autres. Il faut s’affirmer. Quand je vois aujourd’hui que beaucoup d’artistes africains, pour se faire connaître à l’international, essaient de copier ce qui se fait en Europe, parler d’art conceptuel, machin truc, j’ai envie de gerber. C’est comme si on n’avait pas de génie. Et pourtant, notre imaginaire de négro-africain est très riche. Nous sommes chargés par une force qui a bouleversé le monde par la rencontre entre Picasso et la statuette négroafricaine. A partir de ce moment, au début du 19e siècle, toutes les expressions artistiques étaient bouleversées. Ça ne s’arrête pas seulement à la peinture, mais la musique, la danse.
Les Occidentaux en ont tiré profit, mais pas les Africains, c’est ce que vous voulez dire ?
Mais c’est parce que nous avons une haine de nous-mêmes. Nous nous sous-estimons, nous foulons aux pieds ce que nous sommes et ça, personnellement, je ne le supporte pas. Tahar Ben Jelloun, dans un de ses livres, Moha le Fou, Moha le sage, disait : «Autrefois, c’étaient les étrangers qui nous déshabillaient. Aujourd’hui, c’est nous qui ôtons nos haillons et les jetons dans les fosses de la honte.» Par exemple, ici au Sénégal, si tu portes un thiaya, c’est comme si tu étais… on préfère se mettre en costume, cravate, on se dit qu’on est dans l’air du temps. Nous avons des choses à montrer au monde, à proposer et il faut que nous croyions à ça, que nous arrêtions de nous regarder avec des yeux d’ailleurs. Nous sommes là à mimer, singer et copier les autres. C’est comme si nous avions peur de nous-mêmes. Et pourtant, nous avons une belle histoire, une belle civilisation qui a enfanté toutes les autres civilisations du monde. Mais par-là, sont passés les religions, l’esclavage, la colonisation. Ça nous a donné des complexes et les artistes doivent être là pour faire resurgir ces ruptures qu’on a créées en nous. Il faut les combattre et c’est tout le sens que je donne à ma pratique artistique, mon œuvre, ma vie artistique. Il faut déconstruire et il faut redéfinir l’art. Les autres sont venus voir nos statuettes et nous ont dit, c’est de l’art. Oui c’est de l’art ! Bien que, quand on va dans les académies occidentales, les canaux de beauté qu’on y enseigne, la composition, il y a une rencontre. Alors que nos sorciers africains qui sculptaient, sortaient naturellement ces règles que l’on retrouve dans des académies, mais ce n’est pas pour des questions esthétiques, c’était plus que ça. Nos œuvres étaient chargées, nos œuvres n’étaient pas des décorations que l’on mettait dans un salon, dans des musées, des cages de verre et de fer. Comment se fait-il qu’autrefois, quelqu’un portait un masque, quelqu’un d’autre tapait à coup de tambours codifiés, un troisième esquissait quelques pas de danse et il pleuvait. Voilà, ce qu’était fondamentalement notre art. Je pense qu’il faut que les Africains, par le biais d’évènements comme la Biennale, essaient de montrer leur génie. Etre là à montrer que nous sommes des élèves qui savent réciter leurs leçons … Les autres nous regardent et rient sous cape. Nous croyons que puisqu’on fait la même chose que ce qui se fait à Paris, on existe. On n’existe pas. Et c’est pour ça que je ne participe plus à la Biennale de l’art africain contemporain de Dakar.
Vous avez une seule participation à cette biennale…
En 1992. En 1996, au Nietti Gouy à Almadies, j’ai organisé le premier Off qui n’était pas encore le Off, et que j’appelais un boycott intitulé Amour interdit. On voulait ghettoïser l’art africain, vivre en autarcie alors que nous devons nous ouvrir au monde, inviter les artistes du monde entier, faire la fête avec le monde à Dakar. Et comme l’Etat sénégalais avait d’autres préoccupations, moi j’ai fait ce boycott pour revendiquer cette ouverture de l’art africain au monde. Quand on nous a interdit ça, j’ai appelé l’exposition Amour interdit. Et aujourd’hui, je suis content que la presse parle du Off de la biennale et qu’à chaque édition, il y ait 300, 400 expositions.
Vous n’aimiez pas le format dans lequel la Biennale s’inscrivait ?
Oui. La Biennale, à cette époque, aux deux tiers, était soutenue par la coopération française et par d’autres représentants de cette même coopération. Et ce sont eux qui donnaient des ordres aux organisateurs. On leur a dit d’africaniser la Biennale. L’édition de 2014 avec le Pr Babacar Mbaye Diop, il a initié une exposition parallèle au In, Regards croisés, dans laquelle il y avait d’autres nationalités occidentales. Ça, c’était une manière de s’ouvrir, mais depuis, ils sont repartis dans leur erreur et ont refermé la Biennale aux artistes étrangers. Il faut ouvrir la Biennale. Comme toutes les biennales, Sao Paulo, Venise, elles sont ouvertes au monde. Il n’y a pas de coloration raciale. Et tant que cette biennale est organisée dans cet esprit, je «m’excuse», je les laisse faire leur fête. Mais j’organise toujours des activités, je participe à ma façon en faisant des projets internationaux que tout le monde apprécie.
Sur la scène internationale, on a comme l’impression que l’art africain est perçu comme une case globale…
On est un peu considéré comme des artistes de seconde zone. Mais quand même, ça commence à s’ouvrir. Mais malheureusement, l’ouverture est pour les copistes, les bons élèves des Occidentaux. Mais pas ceux qui revendiquent leur appartenance négro-africaine comme moi. J’ai eu la chance qu’il n’y ait pas deux ou trois artistes sénégalais plus cotés que moi. Je suis sur le marché international, je n’aime pas en parler, mais je suis dans les galeries. Les gens confondent exposer à Paris et être sur le marché international. Ce sont deux choses différentes.
Vous êtes autodidacte comme on dit…
Comme tous les artistes. On apprend des choses à l’Académie comme on apprend des choses comme moi, dans l’atelier. L’académie, c’est pour connaître le rudiment. Mais le véritable apprentissage, c’est dans l’atelier. Et ça, même après 50 ans de pratique, dans l’atelier, tu apprends. Donc tout le monde est autodidacte. L’artiste est fondamentalement autodidacte parce que personne ne lui enseigne. J’ai fait les Ateliers libres de Pierre Lods pendant 7 ans, sans contraintes, sans qu’on me donne des notes, des sujets. A l’école des beaux-arts, les élèves font 4 ans. L’art n’aime pas le dirigisme. On doit laisser à l’artiste la liberté de faire son travail. Je ne crois pas aux professeurs d’art, mais plutôt aux conseillers d’art. Quelqu’un qui a la même expérience que moi et qui me conseille. L’esprit de l’enseignement des écoles, c’est copier ce qui se fait en Occident. Les élèves restent dans le même moule et je pense qu’au Sénégal, on ne peut plus parler d’une école des beaux-arts. Quand une école ne peut pas fournir à l’élève un pinceau ou un tube de peinture, c’est quand même grave. Et quand on met cette école des beaux-arts dans des petits appartements, il faut que l’Etat réfléchisse à cette situation. Les artistes, les apprenants en art méritent beaucoup plus que ça.
L’Ecole de Dakar est très renommée, en ce moment, quels sont les courants qui parcourent l’art sénégalais ?
Depuis l’avènement de l’Ecole de Dakar, il n’y a pas eu de, je n’ose pas dire nouveauté, mais le soubassement de ce qui se fait aujourd’hui, provient de cet Ecole de Dakar. Seulement, cette Ecole de Dakar, il faut la dépasser, lui apporter un plus, mais sans rupture. C’est ça ma démarche. Quand on regarde mon travail, on sent que je viens de cette Ecole de Dakar, mais j’apporte un plus, je suis ouvert aux autres souffles du monde et je sais ce qui se passe dans le monde. Je vis le 21e siècle et forcément, il y a des influences, des nouveaux souffles qui viennent vers moi. Mais j’essaie, avant de les pratiquer, de les digérer, les comprendre. Je ne prends pas tout simplement un concept qui vient d’ailleurs, qui n’a rien à voir avec moi, pour en faire mon discours artistique. Il faut toute une spiritualité, une religiosité et un regard clair. L’art ne traduit que ce que nous sommes. Nous avons des différences avec les autres, des différences civilisationnelles, historiques et même géographiques. Nous sommes en Afrique avec le soleil. Et ça déteint sur la palette chromatique des artistes. Ils font des couleurs vives, qui chantent. C’est l’environnement, mais ces spécificités, il faut savoir les décoder. Toute ma vie, j’ai réfléchi à ces questions et c’est pourquoi, beaucoup pensent que je suis difficile. Je ne suis pas difficile. Je ne veux pas me mentir tout simplement. En art, quand on ment, on ment sur son travail, son œuvre. C’est pour ça que quand je regarde l’œuvre de quelqu’un, même sans le connaître, je peux dire les caractéristiques de l’individu. S’il est timide, agressif, violent. Parce que l’art ne ment pas.
Il y a aussi le cas de ce Village des arts où nous sommes. Quelle est la situation en ce moment ?
Catastrophique ! On nous a offert une mine d’or, mais on est en train de cultiver des cacahuètes dessus. Quand des gens d’un autre pays arrivent ici et que je leur dis qu’on ne paie pas le loyer, l’eau et l’électricité, ils tombent par terre parce que ça ne se fait nulle part. Ailleurs, les artistes participent à la vie de leur village des arts. Mais ici, on nous a offert tout ça. Mais nous sommes en train de dormir et le village va à vau-l’eau. Par notre manque d’organisation, notre laxisme, l’incompréhension aussi de cet outil qui est la fenêtre de l’art sénégalais. Par exemple, à chaque fois qu’il y a une sélection nationale, 75% des sélectionnés sortent de ce Village des arts. Il y a de grands artistes, mais il y a aussi un manque terrible d’organisation. Alors que ce village peut accueillir le monde entier. Où est ce qu’il y a un village avec 52 signatures ? Si on était organisés, on aurait pu bénéficier de beaucoup de choses pour animer le village.
Il y avait un projet de rénovation sur le village…
C’est tombé à l’eau. On nous avait sommés de déguerpir un moment, mais les artistes se sont battus pour garder leur outil de travail. Parce que quand même, sortir de ce village serait un suicide collectif. Un artiste qui n’a que son atelier pour peindre, où les gens peuvent le trouver et acheter son travail, si on l’amène à Guédiawaye ou Mbadakhoune parce qu’il habite là-bas, il va mourir de sa belle mort parce que personne ne s’intéressera à son art là-bas. Ils ont eu raison de se battre pour garder cet outil parce que leur profession en dépend. Avec le ministre de la Culture, on est en train d’échanger. Il faut que le ministère s’implique dans ce village qui appartient à l’Etat sénégalais. Les artistes qui y vivent sont des Sénégalais et ce sont les ambassadeurs de l’art sénégalais dans le monde. Ce ne sont pas comme des menuisiers ou des mécaniciens qui gagnent leur pain. Nous ne sommes pas en reste dans l’œuvre de construction nationale. Un artiste qui vend une toile à 2000, 3000 euros, ça entre dans l’économie nationale. Nous participons à l’économie de ce pays. Nous apportons de la valeur ajoutée à l’économie de ce pays. Par exemple, le Roi du Maroc, en deux jours, a acheté 144 pièces dans ce village. Tous les artistes étaient devenus des millionnaires. Et cet argent va dans l’économie du pays. Il ne faut pas prendre les artistes pour des fainéants ou des dormeurs. Moi je suis polygame, j’ai 8 enfants. Je les nourris, je les mets à l’école, je paie leurs études, je paie mes loyers. Il ne faut pas penser que les artistes sont des gens en dehors de la société. Ils sont au milieu.
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SORANO SUNUGAL, SYMBOLE DU MOUVEMENT D’ENSEMBLE DU PEUPLE SÉNÉGALAIS
La nouvelle trouvaille totémique de la compagnie du théâtre national Daniel Sorano intitulé « Sorano Sunugal », symbolise le mouvement d’ensemble du peuple sénégalais et son engagement à la préservation des traditions artistiques
Dakar, 20 oct (APS) –La nouvelle trouvaille totémique de la compagnie du théâtre national Daniel Sorano intitulé « Sorano Sunugal », symbolise le mouvement d’ensemble du peuple sénégalais et son engagement à la préservation des traditions artistiques, a déclaré le ministre de la Culture et du Patrimoine historique, en procédant, jeudi, à son inauguration.
‘’Le totem incarne plus qu’une simple œuvre signalétique et d’embellissement. Il symbolise le mouvement d’ensemble du peuple du Sénégal, notre engagement envers la préservation de nos traditions artistiques et renforce notre lien avec les peuples de l’eau d’ici et d’ailleurs’’, a souligné Aliou Sow.
Ce totem construit sous forme de pirogue, demeurant un symbole culturel, revêt d’une « signification profonde dans de nombreuses cultures à travers le monde », a indiqué le ministre, en présence de son collègue en charge de l’Artisanat, Birame Faye ainsi que l’ancien ministre de la Culture Mbagnick Ndiaye.
Réalisé par trois jeunes artistes sculpteurs, le totem en question est une pirogue de huit mètres de long et quatre 4, 5 mètres de hauteur qui va embellir le boulevard de la République, a-t-on appris lors de la cérémonie d’inauguration.
Il est composé de balafon, de la kora et un tam-tam, des instruments traditionnels mettant en valeur l’identité culturelle du Sénégal.
Selon le ministre de la Culture et du Patrimoine historique, « le totem incarne des valeurs telles que le voyage, l’unité, la tradition et surtout la résilience ».
‘’En inaugurant ce totem, nous célébrons notre héritage culturel commun, nos voyages en tant que société et notre capacité à surmonter les grands défis’’, a-t-il souligné.
Le ministre a par ailleurs salué le travail ‘’remarquable’’ abattu par le directeur général de Sorano Ousmane Baro Ndione qui dit-il, « en un an, a fait du théâtre Daniel Sorano une destination, un lieu où tout le monde a envie d’aller en famille », parlant d’une diversification des activités de la compagnie à travers notamment les concepts ‘’Sorano chez vous’’, ‘’Sorano à l’école’’ et ‘’Sorano et sa diaspora’’.
Deux bus pour la mobilité des artistes et une salle de sport dédiée à l’amélioration du cadre de vie et de la performance physique et émotionnelle des artistes ont été également réceptionnées en marge de la cérémonie d’inauguration.
Il en est de même pour une nouvelle salle de spectacle de 250 places et une galerie d’exposition.
LA 34EME EDITION DES JCC ANNULEE EN SOLIDARITE AVEC LE PEUPLE PALESTINIEN
Le ministère tunisien des Affaires culturelles a décidé d’annuler la 34ème édition des Journées cinématographiques de Carthage (JCC), en solidarité avec le peuple palestinien qui subit « une tragédie inacceptable »
Dakar, 20 oct (APS) – Le ministère tunisien des Affaires culturelles a décidé d’annuler la 34ème édition des Journées cinématographiques de Carthage (JCC), en solidarité avec le peuple palestinien qui subit « une tragédie inacceptable », a appris l’APS du comité directeur du festival.
Les JCC étaient prévues pour se tenir du 28 octobre au 4 novembre dans la capitale tunisienne, avec le Sénégal comme invité d’honneur.
Le programme de la manifestation prévoyait un hommage au cinéaste Ousmane Sembène, dans le cadre de la célébration du centenaire de la naissance du premier lauréat du Tanit d’or des Journées cinématographiques de Carthage lors de sa création en 1966.
»Le comité directeur de la 34e session des Journées cinématographiques de Carthage a l’immense regret de vous informer, que dans le contexte de la tragédie inacceptable subie actuellement par les populations palestiniennes frères, le ministère tunisien des Affaires culturelles a décidé, ce 19 octobre 2023, l’annulation de la session prévue du festival des Journées cinématographiques de Carthage », lit-on dans un communiqué.
Cette décision s’inscrit « dans le cadre de la solidarité manifestée au plus haut niveau en Tunisie avec le peuple palestinien », en raison de la « situation critique » que vivent les habitants de Gaza soumis à « un siège complet » et victimes de bombardements quotidiens, en réaction aux attaques meurtrières du Hamas en territoire israélien le 7 octobre.
Le gouvernement israélien a coupé l’électricité, le carburant, l’eau et la nourriture à Gaza dans le cadre de ce siège, ce qui fait craindre une catastrophe humanitaire de grande ampleur.
Avant l’annonce de l’annulation pure et simple du festival, le comité directeur des Journées cinématographiques de Carthage avait indiqué que la session 2023 se tiendrait en solidarité avec la Palestine et « dans le respect des luttes d’un peuple qui subit meurtres et destructions et qui résiste pour reconquérir sa terre ».
Le communiqué publié à cet effet portait sur une « annulation du côté festif du festival », les organisateurs précisant que la session va se dérouler « avec la ferme conviction que l’engagement des JCC en faveur d’une Palestine libre passe aussi à travers des projections de films, de débats et de rencontres ».
La liste des films en compétition, toutes catégories confondues, avaient déjà été dévoilés, dont « Le mouton de Sada » du Sénégalais Pape Bounama Lopy.
Les noms des présidents des jurys avaient aussi été dévoilés. Il s’agit du réalisateur tchadien Mahamat Saleh Haroun pour la fiction et de la productrice tunisienne Dora Bouchoucha pour les documentaires.
L’affiche du festival, qui rendait hommage aux figures féminines du cinéma tunisien, avait également été rendue publique.
JCC 2023, UNE EDITION SUR FOND DE SOLIDARITÉ AVEC LA PALESTINE
La 34ème édition des Journées cinématographiques de Carthage (JCC), prévues du 27 octobre au 4 novembre en Tunisie, va se tenir en ‘’solidarité avec la Palestine »
Dakar, 18 oct (APS) – La 34ème édition des Journées cinématographiques de Carthage (JCC), prévues du 27 octobre au 4 novembre en Tunisie, va se tenir en ‘’solidarité avec la Palestine », a appris l’APS des organisateurs.
‘’Les Journées cinématographiques de Carthage tiendront leur session de 2023 en solidarité avec la Palestine et dans le respect des luttes d’un peuple qui subit meurtres et destructions et qui résiste pour reconquérir sa terre’’, écrit un communiqué des promoteurs reçus, mercredi, à l’APS.
Le texte parle notamment d’une ‘’annulation du côté festif du festival’’ et précise qu’il y aura un lancement direct de la 34ème session avec la projection des films de la compétition officielle.
A cet effet, les organisateurs annoncent que la session va se dérouler avec ‘’la ferme conviction que l’engagement des JCC en faveur d’une Palestine libre passe aussi à travers des projections de films, de débats et de rencontres’’.
‘’Plus que jamais, le cinéma, l’art et la culture restent parmi les moyens de résistance les plus habilités à s’opposer aux discours insidieux et perfides de nombreuses productions audiovisuelles », souligne la même source, notant que ‘’l’idée d’une Palestine libre a été au cœur des préoccupations des organisateurs ainsi que du public des JCC’’.
Les Journées cinématographiques de Carthage ont été pensées depuis leur création pour être ‘’une plateforme de réflexion et de résistance’’, estiment les initiateurs.
En faisant allusion aux JCC, le document parle ‘’d’un espace rassemblant des cinéphiles d’Afrique et du monde arabe, pour défendre l’art et la beauté face à la laideur des politiques répressives’’.
Elles constituent également un lieu pour « discuter des films et, à travers eux, des questions et problématiques mondiales et essentiellement la cause palestinienne », poursuit le communiqué.
‘’Grâce aux Journées cinématographiques de Carthage, une carte des films indépendants du continent et du Proche-Orient a été établie et des générations de cinéastes et de créateurs ont partagé leur croyance en des valeurs telles que la liberté de création, l’indépendance, la résistance et le refus des oppressions’’, peut-on lire dans le même document.
Le texte indique que les JCC ont toujours été ‘’l’un des plus importants espaces, et aussi un lieu de consécration pour les différentes expressions et la richesse du cinéma arabe engagé pour la cause palestinienne’’.
L’édition de cette année rend hommage au cinéaste palestinien, Hany Abu Assaad, souligne le communiqué qui évoque par ailleurs la longue participation des cinéastes de la Palestine, à l’image de Hani Jawharia, Borhan Alaouié, Rachid Masharawi, Mai Masri, Jean Chamoun, Michel Khleifi, Elia Suleiman, Najwa Najjar, Raed Andouni et Mohamed Bakri.
Le jury des films longs métrages et courts métrages documentaires sera présidé par la productrice tunisienne Dora Bouchoucha et celui des films fictions par le réalisateur tchadien Mahamat Saleh Haroun, rappelle la même source.
par l'éditorialiste de seneplus, alymana Bathily
KEHINDE WILEY : LA CHOQUANTE GLORIFICATION DU POUVOIR NÉOCOLONIAL AFRICAIN
EXCLUSIF SENEPLUS - Avec ces portraits de chefs d’État africains, il opère une rupture artistique par rapport à ses œuvres antérieures. L’hubris de ces dirigeants, leurs égos démesurés, rencontré ici la naïveté politique de l’artiste Africain-américain
Alymana Bathily de SenePlus |
Publication 16/10/2023
L’exposition du peintre Africain-Américain Kehinde Wiley ouverte le 26 septembre dernier au musée du Quai Branly à Paris intitulée « Dédale du pouvoir » ou « Maize of Power » est une glorification d’autocrates et de despotes africains.
Elle se compose de douze portraits de très grands formats de chefs d’Etat africains contemporains : Olusegun Obasanjo. (Nigeria), Alassane Ouattara (Côte d’Ivoire), Paul Kagamé (Rwanda), Denis Sassou-Nguesso (République du Congo), Alpha Condé (Guinée), Faure Gnassingbé (Togo), Sahle-Work Zewde (Ethiopie), Macky Sall (Sénégal), Nana Akufo-Addo (Ghana), Félix Tshisekedi (RDC) et Hery Rajaonarimampianina (Madagascar).
Ces tableaux qui reprennent comme toute l’œuvre du peintre les canons de la portraiture aristocratique, royale et militaire européenne des 17e, 18e et 19e siècle, suggèrent par les pauses, les attributs exhibés et l’éclairage tantôt l’autorité calme, l’audace inspirée, la vision prophétique, la majesté et la grâce au pouvoir. Ils confèrent ainsi à ces chefs d’État africains les attributs qu’ils cherchent à s’octroyer habituellement par la force et par une propagande effrénée, avec la complicité de thuriféraires et de propagandistes rétribués par toutes sortes de rapines et de prébendes.
Pourtant, contrairement aux artistes européens classiques dont il s’inspire, Wiley n’est pas le peintre de cour de ces présidents africains. Ils ne l’ont ni payé ni récompensé.
C’est lui-même qui a initié le projet qu’il a réalisé selon ses propres canons et méthodes, en mettant en œuvre son imaginaire et ses fantasmes.
Ces portraits sont cependant en complet déphasage dans leur signification avec les œuvres antérieures du peintre.
Considérons son « Napoleon traversant les Alpes » de 2005, œuvre iconique, qui est une reconstruction détournée de « Bonaparte franchissant le Grand-Saint Bernard », portrait équestre de Napoleon Bonaparte de Jacques Louis David. La figure héroïque de Napoléon devient sous son pinceau celle d’un jeune Noir quelconque, nommé Williams, habillé en streetwear des ghettos américains : pantalon de treillis, boots Timberland et bandana.
Regardons son portrait du rappeur Ice T de 2005 représenté dans le cadre et la composition de « Napoléon 1er sur le trône impérial » de Jean Dominique Ingres.
Ces œuvres sont éminemment révolutionnaires : elles subvertissent la peinture occidentale classique et la détournent pour montrer et valoriser des personnages d’Africains-Américains ordinaires.
Wiley se préoccupait alors en effet de « placer des jeunes Noirs dans des situations de pouvoir, établie par des sources historiques …Le but de la peinture étant de s’en prendre à l’histoire de la création d’images, à l’histoire du pouvoir dans la création d’images et façonner un espace pour les gens qui qui n’occupent pas d’ordinaire cet espace… ».
Son portrait du président Barack Obama qui date de 2018, qui l’a consacré comme l’un des plus grands noms de la peinture contemporaine, est naturellement une représentation du Noir au pouvoir. Mais aucunement dans le mode hagiographique : ici aucune emphase, aucune référence à une grandeur surhumaine. Obama qui pose en tant que 44e président des Etats-Unis d’Amérique, est représenté assis sur une simple chaise, le buste légèrement penché en avant, les bras croisés sur les jambes, dans une pause naturelle. Seule touche excentrique, le fond touffu de fleurs de lys, de chrysanthèmes et de jasmins.
Obama avait en effet exigé de l’artiste qu’il soit représenté avec sobriété.
« Je lui expliqué », rappellera-t-il plus tard, « qu’il devait se retenir…que j’avais assez de problèmes politiques, pour qu’il me représente en Napoléon… »
Hubris et culturalisme
Avec ces portraits de chefs d’État africains, Kehinde Wiley opère une rupture artistique par rapport à ses œuvres antérieures, particulièrement par rapport à son portrait du président Obama.
Aucune subversion ici, aucun second degré, aucun détournement de sens révolutionnaire. C’est plutôt l’emphase dans la mise en scène et la glorification du sujet représenté.
C’est que l’hubris de ces chefs d’État, leurs égos démesurés, leur désir pathétique et souvent criminel de capturer et de représenter le pouvoir totalement et sans partage, ont rencontré ici la naïveté politique de l’artiste Africain-américain. Celui-ci est visiblement inspiré par le culturalisme nationaliste noir, cet avatar idéologique de la Négritude, selon lequel le Noir au pouvoir, c’est l’avènement du Black Power, l’apothéose de la lutte de libération Noire.
La Dédale du pouvoir, un faux-pas
De ce fait, au plan artistique, la Dédale du pouvoir représente un faux-pas dans l’œuvre de Kehinde Wiley.
Les grands artistes se fourvoient quelques fois en commettant des œuvres antithétiques par leur formes ou leurs sens à leurs réalisations antérieures et à leur crédo artistique.
Ceci n’enlève cependant rien à l’importance de cet artiste qui reste l’un des plus grands peintres contemporains, sans doute l’un des plasticiens Africains-américains les plus significatifs de l’histoire avec Jacob Laurence et Jean-Michel Basquiat.