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24 novembre 2024
Culture
NDER, DANS LES MÉANDRES DE L'OUBLI
Plus de 200 ans plus tard, l’usure a eu raison des stigmates de la bataille de Nder et donc du sacrifice de ces héroïnes. L’ancienne capitale du Walo n’a que son aura tant la localité est dépourvue d’infrastructures
Situé au fin fond du département de Dagana, le village de Nder est inscrit en lettres d’or dans l’histoire du Sénégal grâce à l’épopée des femmes qui se sont consumées par le feu dans une case pour échapper à la captivité des Maures Trarza. Plus de 200 ans plus tard, l’usure a eu raison des stigmates de la bataille de Nder et donc du sacrifice de ces héroïnes. L’ancienne capitale du Walo n’a que son aura tant la localité est dépourvue d’infrastructures. Ce qui n’enlève en rien la fierté des femmes de Nder, reconnaissantes de leurs aïeules héroïnes qui ont forgé en elles, le culte du travail mais aussi le sens de la personnalité.
« Talatay Nder ! » Ces deux mots dépassent largement les frontières du Sénégal. Ils rappellent la mort collective de braves femmes de cette contrée enfouie au cœur du Walo. En 1820, elles ont préféré s’immoler par le feu dans une case pour échapper à la captivité des Maures Trarza. Par cet acte de bravoure, ces femmes, avec à leur tête la « Linguère » Fatim Yamar Khouraye, épouse du « Brack », ont honoré Nder et le Sénégal tout entier. Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis cette belle épopée. Aujourd’hui, dans ce village, la vie est calme, morose. Et un visiteur qui y met les pieds pour la première fois aura du mal à croire que ce village a marqué l’histoire du Walo, du Sénégal. Et de fort belle manière !
Perdu dans le fin fond du Walo, le village de Nder, ressemble à un mirage au milieu d’un désert. Aucun panneau n’indique la position de cette ancienne capitale du Walo. Y accéder relève d’un exercice délicat tellement la piste est cabossée. Le corridor latéritique est rouge par endroit, sablonneux au niveau des virages. Il s’élance sur près de 17 kilomètres à partir du bitume qui s’arrête au village de Colonat. Avec la pluie de la veille, des nids-de-poule jonchent la route sur cette terre argileuse. Le paysage est verdoyant, décoré de cours d’eau verts avec des hameaux disparates et des champs.
Après plusieurs minutes de manœuvre, Nder se dévoile enfin. Le visiteur est frappé par les grandes concessions, la succession de cases, de quelques maisons en dur. Au milieu des cours, le sol est bien tamisé et des tentes en paille servent de cuisine.
Une case en forme de musée, pas encore fonctionnelle, des concessions en bois, une pauvreté extrême… En nous rendant au site où les femmes de Nder se sont donné la mort il y a 203 ans, notre attention est attirée par un groupe de femmes autour d’une borne fontaine. Des bouteilles d’huile vides de 20 litres et des seaux sont disposés sur les lieux. En voyant le photographe prendre des images, les femmes se pressent pour décrire leur calvaire, mais refusent de parler devant le micro. « Vraiment nous sommes fatiguées de venir acheter de l’eau tous les jours », lâchent-elles, la mine dépitée. « Vous avez tous entendu parler de Nder avant d’y venir. Certainement vous êtes surpris de trouver la localité dans cette situation malgré toute son aura. Même s’il y a quelques avancées, le village devait avoir un autre visage, mais, il n’y aucune trace de développement ici », confie Mamadou Thioye, notable qui connaît par cœur l’histoire du village.
Une dame embouche la même trompette sur un ton bourru : « on dirait que l’effort de ces ancêtres guerrières n’est pas récompensé ». « Vous voyez ce que nous vivons par vous-mêmes, je ne peux pas parler. Il faut s’adresser aux autres », dit la gérante de la borne fontaine qui était en train de remplir un seau avec un tuyau.
Prétextant qu’elle n’habite plus Nder depuis son mariage, Issère Thioye, venue en vacances chez ses parents, se résigne à être la porte-parole du moment, après quelques moments d’hésitation. La jeune dame regrette le statut de la localité où tant de femmes se sont sacrifiées. « Les femmes de Nder ne méritent pas une telle peine au regard du rôle qu’elles ont joué dans l’histoire. Elles sont mortes pour ce terroir, mais regardez où nous en sommes aujourd’hui. Nous avons énormément de difficultés, mais la pire c’est avec l’eau. Il n’y a pas de branchements sociaux dans les maisons. Il n’y a que deux fontaines. Nous sommes obligées d’acheter l’eau tous les jours. La bouteille nous revient à 20 FCfa et le seau à 10 FCfa », confie-t-elle sous les acquiescements des autres dames.
Alors qu’elle échangeait avec nous, une vieille dame, marchant difficilement, arrive avec trois bouteilles sous l’aisselle droite et une quatrième à la main droite. « Je suis malade depuis plusieurs jours, mais je suis obligée de venir chercher de l’eau moi-même, sinon je n’en aurais pas, car je n’ai personne pour m’aider », dit-elle. Le même spectacle s’offre à la seconde borne fontaine.
Pendant que des femmes cherchent le liquide précieux, un groupe d’hommes assis sur une natte discutent à quelques encablures. Parmi eux, le chef du village. Casquette vissée sur la tête, lunettes noires, Abdoulaye Diaw, briefé par Issère Thioye, prend congé de ses compagnons et se dirige vers nous. Informé de l’objet de la visite, il enfile une veste sur son tee-shirt malgré la chaleur accablante pour nous conduire au site où a eu lieu le sacrifice mémorable. Un musée y est érigé.
Une histoire, mille versions
« Talatay Nder » ou l’histoire des femmes de Nder qui, en 1820, se sont immolées dans une case pour éviter la captivité est entrée dans l’agenda des organisations de lutte des droits des femmes. À la veille de chaque 8 mars, cet événement survenu, il y a plus de 200 ans, est célébré. S’il a été rapporté que les femmes avaient pour bourreaux des maures Trarzas, Mamadou Thioye affirme que les assaillants étaient plutôt les hommes de l’Almamy du Fouta.
D’après lui, l’histoire de « Talatay Nder » est partie d’une femme toucouleur venue du Fouta avec son mari. Le couple avait fait escale à Nder. « Les guerriers du Brack, submergés par la beauté de la dame se sont dits que le mari n’en était pas digne. Ainsi, ont-ils tendu une embuscade au mari et l’ont enseveli. La femme a été ensuite conduite à la cour royale et elle est devenue reine », relate-t-il.
Et de poursuivre : « alors que les gens du Fouta cherchaient le couple, un maure qui a assisté à la scène est allé le raconter à l’Almamy du Fouta qui a décidé d’attaquer Nder sur le coup. Le maure lui a dit que c’était trop risqué en lui suggérant d’attendre le moment propice afin d’obtenir la victoire ».
À l’en croire, le jour tant attendu est arrivé lorsque le « Brack » s’est rendu à Saint-Louis sur invitation du Gouverneur de l’Aof. « Le Brack était parti avec quelques guerriers. Sur place, il ne restait que quelques hommes. Chaque matin, ils se rendaient à la pêche mais aussi veillaient sur les femmes. Le maure en a profité pour informer l’Almamy ». Celui-ci a décidé de passer à l’attaque. « À la vue de la poussière, les femmes ont réalisé qu’il s’agissait d’un danger. Ainsi, ont-elles enfilé les tenues de guerre de leurs époux. Après une rude confrontation, les assaillants ont fui », avance toujours M. Thioye. Qui poursuit : « les femmes ont décidé de les poursuivre. Malheureusement, la casquette de l’une d’elles est tombée. Ses tresses flottaient et les assaillants se sont rendu compte que leurs adversaires étaient des femmes. Se sentant touchés dans leur égo mâle, ils ont décidé d’attaquer à nouveau pour éviter le déshonneur. Après de violents combats, les femmes étaient à cours de munitions car elles n’avaient plus de poudre. Ainsi, la « Linguère » a-t-elle fait comprendre aux autres qu’elles risquaient la captivité et qu’il était préférable de mourir que d’être esclaves. La suite, narre M. Thioye, « après concertations, elles ont mis à l’abri les femmes castées et une princesse de la cour royale, nommée Seydané du fait de son état de grossesse. Le reste a mis le feu à la case du roi. Elles ont commencé à entonner des chants jusqu’à ce qu’elles soient consumées complètement par le feu. Les hommes en voyant les flammes ont quitté le fleuve mais c’était trop tard… »
Toujours d’après notre « historien », lorsqu’il a été informé, le « Brack » a voulu se venger de l’Almamy. « Tous les deux se sont donné rendez-vous à Dialawaly, entre Dagana et Mbilor où ils se sont livrés à une rude bataille et l’Almamy a pu se sauver malgré la mort de son cheval », renseigne Thioye. Avant de conclure avec assurance : « c’est la vraie histoire de Nder. Évidemment, il y a plusieurs versions et certains affirment même que le combat, c’était entre Nder et les Maures. Pour raffermir les relations entre les Maures et les Walo-Walo, le Brack avait donné en mariage sa fille au roi Trarza, Mouhamed Amdel. Leur fils s’appelle Yeli. »
CINÉMA SÉNÉGALAIS, LA STRUCTURATION EST UNE URGENCE
e président du Réseau des entreprises sénégalaises de production audiovisuelle et cinématographique (RESPAC), Oumar Sall a souligné, mardi, l’urgence de la structuration du cinéma sénégalais pour aider à son développement.
Dakar, 19 sept (APS) – Le président du Réseau des entreprises sénégalaises de production audiovisuelle et cinématographique (RESPAC), Oumar Sall a souligné, mardi, l’urgence de la structuration du cinéma sénégalais pour aider à son développement.
‘’Aujourd’hui, nous avons des urgences méconnues par la gouvernance actuelle de la cinématographie et de l’audiovisuelle et qui touchent la structuration du secteur. Les gens ne comprennent pas les priorités des acteurs’’, a-t-il dit lors d’une rencontre de partage avec des partenaires financiers.
Selon lui, ce réseau des entreprises sénégalaises de production audiovisuelle et cinématographique dont la mission est de porter la défense de ses membres et de leurs sociétés, travaille pour avoir un environnement sain afin de maitriser le cadre macroéconomique et avoir une industrie cinématographique et audiovisuelle et un écosystème favorable.
‘’Le RESPAC, c’est la défense de nos entreprises, de la création, de l’emploi. Nous avons un outil, le Fonds de promotion de l’industrie cinématographique et audiovisuel (FOPICA) et nous ne remercierons jamais assez le chef de l’Etat pour l’avoir alimenté, mais il y a un gros problème de rationalisation et de structuration et de pérennisation de ce fonds’’, a fait savoir Oumar Sall, par ailleurs directeur général de ‘’Cinékap’’ , une maison de production qui a remporté deux Etalons d’or de Yennenga, en 2013 et en 2017, avec les films ‘’Tey’’ (2012) et ‘’Félicité’’ (2017) du réalisateur Alain Gomis.
»Le cinéma sénégalais est en otage depuis un an. (…) on laisse les problèmes de structuration pour en faire un cinéma événementiel’’, a t-il déploré.
Il a dénombré de nombreux chantiers sur lesquels il est urgent de travailler aujourd’hui, à savoir, la mise en place de financements innovants, d’un fonds de garantie ou d’une agence de crédit d’impôt.
‘’Il faut qu’on accompagne le capital humain pour permettre une formation et une professionnalisation du secteur’’, a t-il plaidé.
»Nous réfléchissons sur les démarches à adopter pour rendre nos voix audibles avec les Gafam (l’acronyme des géants du web) afin qu’ils participent au financement du cinéma. Le respect des quotas pour les films nationaux dans les salles de cinéma implantées ici, le problème de la distribution, de l’exploitation des films, et l’employabilité sont également des urgences, car le cinéma est un métier digne », a dit le président du RESPAC qui annonce pour bientôt l’organisation des assisses des industries cinématographiques et audiovisuelles.
Les producteurs Mokhtar Ndiouga Ba, Magui Awadi, Djibril Dramé et le distributeur Ousseynou Thiam membres de ce réseau ont abondé dans le même sens ‘’pour la survie » de l’entreprise cinématographique.
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LES AFRICAINS EN ONT MARRE D'ÊTRE MÉPRISÉS
L'écrivaine Fatou Diome estime que la jeune génération africaine est plus informée, plus affirmée et plus exigeante en matière de dignité et de respect. Une situation qui reflète selon elle, la dynamique changeante du monde
Fatou Diome, membre de l'Académie royale de Belgique et auteure à succès, évoque l'évolution des perceptions de l'Afrique. Elle plaide pour un partenariat entre l’Afrique et l’Europe qui soit mutuellement bénéfique et non exploiteur. L'écrivaine exprime son engagement à écrire et à aborder les questions qui lui tiennent à cœur, en soulignant l'importance de la liberté d'expression et en résistant aux tentatives de limiter la créativité d'un auteur.
MURIDUG BAAY FAAL
Portrait du fondateur du mouridisme, Cheikh Ahmadou Bamba, extrait de Mémoire corrective tome 2, publié aux éditions Harmattan Sénégal par Pape Samba Kane. Le texte a été publié pour la première fois le 21 juillet 1995 dans les colonnes Cafard libéré
Le 21 juillet 1995, paraissait dans les colonnes du Cafard Libéré, journal satirique, ce portrait du fondateur du mouridisme. Publié dans le recueil en deux tomes sous le titre Mémoire corrective (Harmattan-Sénégal), ce texte garde toute sa fraîcheur, son actualité. SenePlus le publie à nouveau en guise d’hommage en ces jours de célébration pour la communauté mouride.
Cheikh Ahmadou Bamba
(Mémoire Corrective Tome 2 Page 309)
Les œuvres des véritables grands hommes sont toujours frappées de légendes entretenues par l’amour des humains pour le prodigieux, car celles-ci deviennent inextricables de la réalité, la véritable qui, elle-même, souvent, chez les êtres d’exception, frise l’irréel. L’œuvre du fondateur du mouridisme, Cheikh Ahmadou Bamba, n’échappe pas à la règle. Au contraire, elle en est tout imprégnée du fait justement que la stricte réalité de ses exploits, dits par les merveilleux conteurs de culture mouride, est un chapelet d’émerveillements pour les âmes pures. Les enfants que restent les véritables croyants.
Les incrédules, eux, Dieu (c’est le prophète Mohamed –PSL– qui l’a dit) a mis un sceau sur leur cœur. Et ceux qui ne croient pas en Dieu ne peuvent croire en l’homme, surtout s’il est Cheikh Ahmadou Bamba. Voici quelqu’un qui a converti des rois à la foi (Bourba Djolof Samba Laobé fut son premier), qui pratiquera sept ans durant, seul musulman dans toute une contrée, le jeûne, la prière et la méditation, dans une ascèse totale après avoir accepté, sans une plainte, le décret divin signant son exil par le colon français affolé par l’adhésion sans faille de foules toujours grandissantes à son enseignement. Voici quelqu’un qui a voué sa vie au Prophète Mohamed (PSL), laissé des écrits impérissables destinés à chanter sa gloire ! Voici un poète immense, un philosophe, un précurseur de la pensée et de la pratique émancipatrice ! Et cet homme s’est fait tout petit, sa vie durant, dans un léger boubou blanc sans ornement et sans poche. Il a levé et lève encore, soixante-huit ans après sa mort, des foules énormes sans jamais avoir touché d’autre arme que « le Livre sacré ». Il a cependant combattu l’oppression, l’hypocrisie. Avec des mots. Et quels mots !...
« Accours vers le Sultan, m’ont-ils dit, afin d’obtenir des dons qui te suffiraient pour toujours ! Dieu me suffit, ai-je répondu, et je me contente de Lui. Et rien ne me satisfait sauf la religion et la science ». Ça pourrait être de Jalal Eddine I Rumi ou de Cheikh Abdoul Khadr Jelääni, ces mystiques soufis honnis par les princes (le style et la tonalité sont les mêmes) et dont les écrits font aujourd’hui l’objet d’une ruée à la traduction dans l’édition occidentale.
Et si certains orientalistes occidentaux ont tenté de présenter Cheikh Bamba comme un sectateur, c’est que leurs sombres intérêts étaient trop évidemment menacés par l’éclairage de son enseignement. Et si le dépit des colons n’a jamais inspiré au Cheikh que mépris, la fausse dévotion de certains de ses frères en religion lui imposa quelques colères inspirées. Voici, dans son œuvre majeure : « Massalik Al Jinaan », ce qu’il leur a dédié : « La plupart des cheiks de notre époque ne sont que des fourbes, des coquins. Ces vilains rusés, se targuant de perfection et de sainteté, accablent les gens par leurs multiples et diverses relations. Les chefs religieux de ce genre sont parmi les mercantiles, qui courent après le profit matériel, il faut les fuir »… (Cité dans le spécial Wal Fadjri l’Aurore du samedi 16 juillet 1995).
Né en 1854 au milieu du 19ème siècle, au Baol, à l’apogée du colonialisme, du métissage de la christianisation et de la fierté de l’assimilation, il eut pour mission, une fois devenu adulte, après une enfance et une adolescence essentiellement studieuses, de révéler aux masses combien Nasaraan et Shaïtan rimaient bien.
Le colon a pris la mouche, mais le cours de l’histoire n’en a été que plus impétueux. En son absence, de mai 1895 à novembre 1902, ses disciples maintinrent et ravivèrent la flamme qu’il avait allumée dans le cœur des musulmans sénégalais. Son éloignement et les récits de ses exploits aux talibés et aux musulmans augmentèrent son aura. A Mayombe, au Gabon, lieu de son exil, ses geôliers qui l’observent vivre, prier, méditer et s’obstiner à respecter scrupuleusement, dans la précarité de sa condition, les prescriptions coraniques sur la propreté, la charité, etc., en viennent à l’admirer.
La première année de son exil, après avoir jeûné tout le mois de ramadan, Cheikh Ahmadou Bamba, le jour de la korité, voulant respecter la recommandation coranique de la prière en commun, sortit de sa cellule en quête de quelque lieu de regroupement. Sans trop d’illusion, mais soucieux de faire son possible pour l’accomplissement de son devoir, il marcha, de-ci, de-là, pendant longtemps, avant de se résoudre à prier seul. Il le fit sous les regards amusés de deux jeunes filles qui se tordaient de rire devant chaque geste de ce rite étrange à leurs yeux. C’est Cheikh lui-même qui le raconte dans les récits écrits sur son exil qui, tous, illustrent de façon émouvante sa pugnacité et ses capacités de résistance psychologique qui lui permirent de préserver et sa raison et sa foi.
Une autre anecdote concerne un jour de tabaski. Après avoir prié et immolé le coq qu’il avait pu se procurer, il entreprit de trouver un musulman à qui le donner en offrande. Il erra encore, s’obstina à demander jusqu’à ce qu’on lui indique un militaire du nom de Mamadou qui se trouvait dans un camp. Il alla au camp, le trouva et fit son devoir de musulman avant de retourner à ses méditations.
Si le départ en exil fut triste pour ses disciples, le retour fut triomphal, et ceux qui avaient souhaité voir la flamme s’éteindre du fait de l’exil à travers lequel ils espéraient même la disparition du Cheikh, virent leurs soucis augmenter. Le colon devint plus inquiet, les délateurs plus haineux, les rivaux plus jaloux.
Cheikh Ibra Fall, Mame Cheikh Anta Mbacké, Mame Thierno et ses enfants avaient su tenir la maison dans la stricte ligne tracée par le guide, et la famille s’était considérablement agrandie. Même son ancien maître maure, Cheikh Sidya Baba, qui dira de lui qu’il est « un bienfait que le Seigneur nous a accordé… un océan », sera présent à l’accueil à Dakar, enthousiaste. Mais le colon est incrédule : on ne rassemble pas tant de foules, mobilisant tous ses amis et parents pour leur encadrement rien que pour plaire au Prophète de Dieu. Non ! Il continue à chercher des armes, les preuves de la préparation d’une insurrection, n’importe quoi ! Il ne trouve rien, mais…
Un autre exil suivra, un an plus tard, moins rude et moins lointain cette fois, chez Cheikh Sydia, en Mauritanie, un exil négocié et que le Cheikh accepte pour aller parfaire son élévation, écrire odes et chants pour son «bien-aimé», le Prophète Mohamed (PSL).
Méditations, prière, écritures et ascèse ont marqué la vie de cet homme qui n’a jamais harangué aucune foule, n’a jamais flatté personne, qui n’était ni prince ni courtisan à sa naissance, mais dont le nom a fait le tour du monde et la doctrine prospéré à travers le globe. L’évocation de son nom met des milliers d’individus dans un état second, ses écrits procurent science et émotion. Jeunes et vieux à travers le monde ont donné un sens à leur vie en faisant de lui leur guide et inspirateur. Cheikh Ahmadou Bamba a réussi tout cela en respectant les prescriptions coraniques, sans rien aliéner des vraies richesses de son peuple.
S’il existe un symbole de « l’islam noir », c’est le mouridisme sans voile ni aucun autre mimétisme…Cheikh Ibra Fall et ses disciples, la perpétuation du culte Baay Faal, avec sa liturgie propre, en sont les manifestations les plus spectaculaires. Le Cheikh Ahmadou Bamba, jamais n’a comparé quiconque à Lamp Fall, « Boroom Baax ». Sa caution au «défricheur» a été totale et les Baay Faal portent en eux l’intime conviction d’avoir Bamba avec et parmi eux.
La légende et la réalité mêlées veulent que le fondateur du mouridisme ait prié sur l’eau, que ses écrits aient pesé sept tonnes, qu’il ait rendu dociles les animaux les plus féroces, qu’il ait dompté les djinns à Wiir-Wiir… Elles veulent aussi que personne n’ait jamais été le coiffeur du Cheikh. Et les supputations excitées des Baay Faal sur son gros turban ont plongé dans la transe plus d’un adepte de Cheikh Ibra, rêvant que Bamba fût rasta.
Quoi qu’il en soit, Bamba a légué une œuvre qui, bien tenue, sauvera et des âmes et des vies. Celui qui disait qu’on reconnaît un véritable marabout à ce que dès qu’on l’aperçoit, on pense à Dieu, rirait beaucoup s’il nous voyait nous prosterner devant de grosses bagnoles habitées par de gros repus aux mallettes pleines de billets.
Notes : Le culte, bien entendu, continue, Bamba ayant laissé une œuvre impérissable et une doctrine qui s’affirme de jour en jour et essaime à travers le monde. Le mouridisme n’appartient plus au seul Sénégal, et aux Etats-Unis comme en Europe, partout naissent des Maisons de Ahmadou Bamba, des écoles et des mosquées mourides.
DÉCÈS DE LAURENCE GAVRON SCHÄFER
La cinéaste, écrivaine et photographe a quitté ce monde, laissant derrière elle un riche héritage de passion, de curiosité et d'énergie. Une commémoration spéciale est en préparation à Dakar, avec la projection de ses films
Le 14 septembre 2023 - C'est avec une grande tristesse qu'à SenePlus nous annonçons le décès de Laurence Gavron Schäfer, survenu à Paris. Après une courageuse bataille contre la maladie, elle a quitté ce monde, laissant derrière elle une riche héritage de passion, de curiosité et d'énergie.
Laurence Gavron Schäfer était une figure emblématique ayant touché de nombreux cœurs à travers le monde. Son parcours, marqué par des expériences diverses à Paris, Dakar et New York, et par son engagement dans diverses communautés culturelles, a laissé une empreinte indélébile.
Elle était reconnue pour son travail polyvalent en tant que cinéaste, écrivaine et photographe. Sa capacité à s'immerger et à s'intégrer dans différentes cultures l'a distinguée dans ses nombreux domaines d'activité.
Une cérémonie funéraire aura lieu au cimetière de Bagneux le lundi 18 septembre 2023 à 16h30. Les participants sont priés d'arriver à 16h00.
De plus, une commémoration spéciale est en préparation à Dakar, avec la projection de ses films, témoignages de sa profonde connexion avec la région.
Toutes les condoléances et les témoignages de soutien sont profondément appréciés en ces temps difficiles.
LAURENCE GAVRON N’EST PLUS
La cinéaste, photographe et femme de lettres franco-sénégalaise, Laurence Gavron, connue pour ses travaux sur la mémoire, est décédée dans la nuit du mercredi au jeudi à l’âge de 68 ans à Paris, des suites d’une longue maladie
La cinéaste, photographe et femme de lettres franco-sénégalaise, Laurence Gavron, connue pour ses travaux sur la mémoire, est décédée dans la nuit du mercredi au jeudi à l’âge de 68 ans à Paris, des suites d’une longue maladie, a appris l’APS auprès de sa famille.
L’artiste, née à Paris en 1955, a commencé à fréquenter le Sénégal il y a plus de trente ans. Elle y a réalisé des films documentaires, écrit des romans et effectué des travaux photographiques rendant compte d’un attachement à un pays, à ses arts, son histoire et à sa culture. Elle vivait à Dakar depuis 2002 et a acquis la nationalité sénégalaise en 2008. Elle avait en préparation un film sur Alioune Diop, le fondateur de la revue Présence Africaine et de la maison d’édition du même nom.
Le Sénégal et des aspects de la vie des Sénégalais sont au cœur de ses quatre romans : ‘’Marabouts d’ficelle’’ (La Baleine, 2000), les polars ‘’Boy Dakar’’ (Le Masque, 2008) et ‘’Hivernage’’ (Le Masque, 2009) et ‘’Fouta Street’’ (Le Masque, 2017 – Prix du roman d’aventures 2017).
Au cinéma, la plupart de ses documentaires ont été réalisés au Sénégal, dressant le portrait d’artistes – ‘’Ninki Nanka, le Prince de Colobane’’, 1991 – portrait du cinéaste Djibril Diop Mambety), ‘’Le Maître de la parole – El Hadj Ndiaga Mbaye, la mémoire du Sénégal’’, 2004, ‘’Samba Diabaré Samb, le gardien du temple’’, 2006, ‘’ Yandé Codou Sène, Diva Séeréer’’, 2008. Elle effectue aussi une plongée dans la vie des communautés, réalisant, en 1999, ‘’Naar bi, loin du Liban’’, sur les Libanais au Sénégal), en 2005, ‘’Saudade à Dakar’’, sur les Cap-verdiens établis à Dakar), en 2008, ‘’Assiko !’’, ‘’Si loin du Vietnam’’ (2016).
Laurence Gavron est également l’auteur de ‘’Y’a pas de problème ! : fragments de cinémas africains’’ (1995), ‘’Sur les traces des mangeurs de coquillages’’ (2000), sur les fouilles archéologiques dans le Sine-Saloum. ‘’Juifs Noirs, les racines de l’olivier’’ (2015) et ‘’Le Père du marié’’ (2022) figurent aussi dans sa filmographie. Le long-métrage de fiction ‘’Hivernage’’, d’après son roman éponyme, n’était pas encore sorti.
Titulaire d’une maîtrise de lettres modernes, option cinéma, en 1977, Laurence Gavron débute sa carrière comme journaliste et critique de cinéma en publiant des articles ou critiques de films pour différents journaux et revues, dont ‘’Positif’’, ‘’Cahiers du cinéma’’, ‘’Libération’’ et ‘’Le Monde’’. Elle a aussi travaillé pour la télévision, comme assistante, journaliste et réalisatrice sur ‘’Cinéma, Cinémas’’, ‘’Étoiles et Toiles’’, ‘’Métropolis’’, ‘’Absolument Cinéma’’, ‘’Après la sortie’’…
Laurence Gavron a débuté la réalisation de films documentaires en 1980 avec le portrait d’Eddie Constantine, ‘’Just like Eddie’’. S’en suivent des courts-métrages de fiction, ‘’Fin de soirée’’, ‘’Il maestro’’ (1986).
Gavron était aussi photographe. Elle a réalisé une série sur la culture du sel à Palmarin, les Peuls dans le Djolof et le Ferlo, le travail du coton au Sénégal oriental. Ces travaux ont fait l’objet d’expositions à Gorée, Regards sur cours (2006, 2013), à la mairie de Dakar-Plateau (2006), au Goethe Institut (2007), aux Cours Sainte-Marie de Hann (2007), au Musée de la Femme Henriette-Bathily à Gorée (2007), à l’Institut français de Dakar (2011).
TOUBAB DIALAW, RÉCIT D'UNE PARTIE DU ROMAN NATIONAL
Première zone de peuplement des Lébous du Cap-Vert, Toubab Dialaw a revêtu, au cours de l’histoire, les habits de centre de commerce et de transit des esclaves vers Gorée, comptoir commercial et aujourd’hui localité touristique prisée
El Hadji Ibrahima Thiam, Fatou Diéry Diagne et Moussa Sow |
Publication 13/09/2023
Première zone de peuplement des Lébous du Cap-Vert, selon une certaine tradition orale, Toubab Dialaw a revêtu, tour à tour, au cours de l’histoire, les habits de centre de commerce et de transit des esclaves vers Gorée, comptoir commercial et aujourd’hui localité touristique prisée et lieu d’expression artistique couru. Des pans d’histoires qui, mis bout à bout, confèrent à Toubab Dialaw une place importante dans le récit du roman national.
Fin août. Toubab Dialaw se réveille par un temps grisâtre, annonciateur d’une averse qui ne peut faire que du bien aux âmes de cette cité vallonnée qui ploient sous une chaleur d’étuve. Le trait d’horizon se confondant à la crête des massifs, s’assombrit davantage. Après quelques coups de vent, comme pour signifier qu’il est temps pour la rue de se mettre à l’abri, le ciel laisse alors tomber des gouttelettes salvatrices. Le relief de cette localité côtière, déjà revêtue d’une végétation luxuriante, scintille davantage sous l’effet de l’eau de pluie. D’un côté, des éminences sur lesquelles trônent des bâtisses de gens de fortune, de l’autre, des vallées encaissées où se niche le village traditionnel. Toubab Dialaw est une enfilade de dénivelés qui ondulent comme ces vagues qui viennent s’écraser sur ses côtes où les plages, en cette période d’hivernage, ont beaucoup perdu de leur surface. Normal, nous souffle-t-on, c’est la saison de la haute marée. La plage Bataye, où s’est écrite une partie de l’histoire de Toubab Dialaw, subit les caprices des ressacs de la mer.
De Wassawa à « Di na law »
Mais, pour comprendre comment cette zone touristique prisée, doublée d’un creuset culturel fécond est devenue ce qu’elle est, il faut prêter oreille à la tradition orale. Selon Barham Ciss, célèbre traditionaliste et fin connaisseur de Toubab Dialaw et de l’histoire des Lébous, tout est parti de l’endroit qui se trouve aujourd’hui derrière la Brigade de la gendarmerie, installée là où la route principale se scinde en deux (la bretelle gauche menant vers ce qu’on peut appeler la zone résidentielle où pullulent des résidences secondaires et qui se prolonge jusqu’à Ndayane et le chantier du port ; la bretelle droite conduisant vers les dédales du quartier Ngouy et de sa place publique). « On l’appelait ‘’Wassawa’’, le premier endroit occupé par les premiers habitants. Par ailleurs, c’est le premier village au bord de la mer, habité par des Lébous », explique celui qui se fait appeler « Ambassadeur Lébou gui ». Cependant, trois ans plus tard, une mystérieuse maladie du sommeil frappe la population. Seuls, y ont échappé ceux qui étaient partis aux champs. « À leur retour, ils ont retrouvé presque tout le village endormi. Comme explication à ce phénomène, ils ont avancé des raisons d’ordre mystique, que certainement avant de prendre possession des lieux, ils n’avaient pas fait les libations nécessaires », ajoute Barham Ciss. C’est ainsi que les anciens ont décidé, armés de leur bâton, de trouver un autre lieu dans les parages. Ils ont découvert l’actuel emplacement de ce qui constitue, aujourd’hui, le village traditionnel de Toubab Dialaw. « Ils se sont écriés : ‘’fi di na law’’, c’est-à-dire ‘’ce lieu fleurira’’ jusqu’à donner naissance à d’autres localités et c’est ce qui va arriver. Par déformation c’est devenu ‘’Dialaw’’ », indique Barham.
Comptoir commercial et zone de transit des esclaves
Toutefois, ce n’est là qu’une partie de l’histoire derrière le nom de Toubab-Dialaw. Si « Dialaw » vient de là, l’autre élément du nom composé, c’est-à-dire « Toubab » viendra s’y greffer lors de la traite négrière quand Toubab Dialaw était un lieu de transit des esclaves vers Gorée et quand il était également un grand comptoir commercial où se déroulaient d’intenses transactions des produits agricoles comme l’arachide et le mil. « Les paysans y venaient vendre leurs récoltes aux Blancs qui les chargeaient dans les bateaux. Sur le chemin du retour, ils rencontraient d’autres qui allaient vers le comptoir commercial et qui leur demandaient « ani Toubab ba » (où est le Blanc), ils leur répondaient « Mi ngui Dialaw » (il est à Dialaw) et c’est de là qu’est venu le nom de Toubab Dialaw », souligne Barham Ciss.
Des vestiges et des sites historiques, témoins du passage de la traite négrière dans la zone, mais aussi du troc et du commerce entre les Blancs négriers et les royaumes de l’intérieur, notamment du Cayor et du Baol, il en existe encore à Toubab Dialaw. Par exemple, le grand rocher dénommé « Xeru Baye Damel » (le rocher du Damel), juste en face de la mer. « Selon la tradition orale, il appartenait au Damel du Cayor d’y installer ses troupes qui venaient faire le troc avec les Blancs. Pour marquer leur territoire, ils ont donné au site des noms qui renvoient à leurs localités d’origine, en l’occurrence ici le royaume du Cayor d’où le nom de ce grand rocher », précise Massogui Thiandoum, natif de Toubab Dialaw, Sociologue et analyste des dynamiques communautaires de développement. On raconte aussi que les Rois du Baol, les Teignes, venaient là, eux aussi, vendre leurs esclaves et s’installaient dans le ravin entre l’actuel village de Toubab Dialaw et Kelle Guedj, ravin qu’ils baptisèrent « Lambaye », du nom de leur capitale, dans l’actuelle région de Diourbel. Le ravin, aujourd’hui occupé par des résidences secondaires, était parsemé de grands arbres (Dob) aujourd’hui tous disparus. Le village de Kelle Guedj correspond à un autre village dans le Cayor. L’équipe Navétanes de Toubab Dialaw s’appelle Damel, c’est tout dire. Damel, Lambaye… des noms, dans cette contrée Lébou, ont quelque chose d’incongru. « Les Lébous n’avaient pas d’esclaves et ne pratiquaient pas l’esclavage », tient à préciser Barham Ciss.
Berceau des Lébous du Cap-Vert (région de Dakar)
On le voit donc, parler de l’histoire de Toubab Dialaw, c’est aussi évoquer un pan peu connu de l’histoire de la traite négrière sur les côtes sénégalaises ; mais c’est aussi retracer une partie de l’histoire du peuple Lébou. En effet, selon Barham Ciss, Toubab-Dialaw est le berceau originel des Lébous du Cap-Vert. D’après lui, c’est d’ici qu’est parti Thilew Ndethiou Samb pour fonder Ngor ; Waré Mbengue pour créer Yoff ; Mame Ndakh Ndoye pour aller fonder Saly. « Tous les fondateurs des 121 villages de la région du Cap-Vert, aux bord de la mer, de Yoff à Warang, sont partis de Toubab Dialaw », dit-il. Et c’est à Toubab Dialaw, ajoute-t-il, que les douze Pencs se sont retrouvés pour élire un Jaraaf pour la première fois. Ces douze Pencs sont Dialaw, Bargny, Teungueth qui en compte deux, Mbao, Thiaroye, Dakar, Ouakam, Ngor, Yoff, en plus des deux Pencs qui se trouvent à Diender, dans les Niayes. Barham Ciss explique que, chez les Lébous, on retrouve des variantes communautaires issues des lignées maternelles originelles suivantes : les Dëngaañ, les Dindir, Ay, les Dorobé, les Jaasiraatoo, les Sumbaar, les Tétofi Beeñ, les Waneer, les Xaagaan, les Xonx Boppa, les Yuur, Yokam. « Les Xaagaan sont ceux qui sont apparentés aux Sérères, les Xonx Boppa aux arabes ou maures, Yuur ceux qui ont des liens avec les Diolas, à travers des liens de sang, du mariage », précise-t-il.
Le fameux miroir de Dialaw
À Toubab-Dialaw, on aime à se rappeler du fameux grand « miroir de Dialaw ». Cet objet a contribué à rendre célèbre cette localité dans le passé. Ce miroir, à l’époque, était, semble-t-il, « le plus grand que les Blancs avaient fait débarquer dans la zone », pour l’offrir aux Lébous. « Un miroir, c’était un mythe. Il avait été installé sur la place publique de Ngouy, adossé à un grand baobab qui est tombé il n’y a pas longtemps. Les gens venaient de partout, rien que pour se voir dans le miroir. Une légende venait de naître, tout le monde ne parlait que du « miroir qui se trouve à Toubab Dialaw ». Cela avait même suscité une chanson populaire à l’époque et les gens dansaient lorsqu’ils se voyaient dans le miroir », confie, avec un peu d’amusement, le traditionaliste lébou.
MACKY SALL RECOMMANDE LA PRATIQUE RÉGULIÈRE DES LANGUES NATIONALES
S’exprimant en Conseil des ministres, Macky Sall ‘’a demandé au Premier ministre de renforcer la mise en œuvre de la politique nationale d’alphabétisation, à travers une meilleure connaissance et une pratique régulière, par l’écrit et l’oral’’
Le président de la République a demandé au gouvernement, mercredi, de veiller à ce que les langues nationales fassent l’objet d’‘’une pratique régulière’’ dans les administrations, les médias, les programmes scolaires et universitaires.
S’exprimant en Conseil des ministres, Macky Sall ‘’a demandé au Premier ministre de renforcer la mise en œuvre de la politique nationale d’alphabétisation, à travers une meilleure connaissance et une pratique régulière, par l’écrit et l’oral’’.
Il veut que cette mesure soit appliquée ‘’dans les administrations et les programmes scolaires et universitaires’’, en vue de la maîtrise, par les Sénégalais, des ‘’langues nationales codifiées’’.
‘’En outre, le chef de l’État a invité le ministre de l’Éducation nationale et le ministre de la Communication à développer […] des programmes d’apprentissage et de vulgarisation des langues nationales’’, rapporte le communiqué du Conseil des ministres.
Macky Sall recommande que cette mesure soit mise en œuvre ‘’avec le concours des médias publics et privés’’.
Il a tenu à ‘’féliciter’’ et à ‘’encourager les acteurs et autres opérateurs en alphabétisation, qui travaillent au quotidien sur le terrain, pour la vulgarisation de nos langues nationales’’.
Les acteurs de l’alphabétisation contribuent au ‘’développement du système éducatif et à la préservation de notre commune volonté de vivre ensemble’’, a souligné M. Sall.
‘’Le chef de l’État a rappelé au gouvernement la place primordiale de l’alphabétisation dans le système d’éducation et de formation, dans la bonne appropriation des politiques publiques’’ également, ajoute le communiqué du Conseil des ministres.
Il annonce que ‘’le président de la République a demandé au ministre de l’Éducation nationale de veiller à la bonne organisation de la 48e édition de la Semaine nationale de l’alphabétisation, du 8 au 14 septembre’’.
LE VERBE LIBRE OU LE SILENCE », DE FATOU DIOME, UN VIBRANT PLAIDOYER POUR LA LIBERTÉ DES ÉCRIVAINS
L’écrivaine franco-sénégalaise Fatou Diome, membre de l’Académie royale de Belgique, plaide pour la liberté d’écriture et des écrivains dans son dernier essai intitulé « Le verbe libre ou le silence », paru en août dernier.
Dakar, 11 sept (APS) – L’écrivaine franco-sénégalaise Fatou Diome, membre de l’Académie royale de Belgique, plaide pour la liberté d’écriture et des écrivains dans son dernier essai intitulé « Le verbe libre ou le silence », paru en août dernier.
Ce livre de 185 pages édité par la maison d’édition française Albin Michel est un cri du cœur, un ras-le-bol de l’auteur envers une certaine attitude qu’elle nomme « la cavalière », ces éditeurs « censeurs, donneurs de directives et de leçons », qui sont certes « bien sûr respectables », mais qui, selon elle, restent « des commerçants ».
La romancière pose ainsi un débat sur la liberté d’écrire ou le silence et revient en large sur le plaisir d’écrire en estimant que l’écriture égale « liberté, plaisir et jubilation ».
Fatou Diome démarre son livre par une ode à l’écriture, délecte ses lecteurs de son plaisir d’écrire la nuit, une complicité avec cette dernière qu’elle partage avec des sommités comme Balzac, Sembène Ousmane ou Shakespeare.
« L’acte d’écrire avait quelque chose d’une libération jubilatoire – On écrit pour aller d’urgence à l’essentiel – J’ai toujours pensé qu’écrire est l’une des façons les moins bêtes de perdre son temps. L’écriture n’est pas l’adversaire, mais le fidèle allié », martèle-t-elle dès le premier chapitre du texte, qui en compte sept.
Au fil des pages, la romancière défend la liberté des auteurs et de l’écriture, en même temps qu’elle met au banc des accusés les éditeurs ou éditrices qui naguère avaient « pour mission d’accompagner une œuvre ».
« Désormais certains (…) mettent la main à la pâte pour plier le roman au goût du jour, oubliant que le métier d’écrire est une aventure solitaire, un engagement de soi, vital et nécessaire », écrit Fatou Diome, ajoutant : « On écrit parce qu’on ne pourrait vivre sans. »
Pour celle dont l’écriture est de l’archéologie et pour qui il faut aller au fond des choses, « le verbe libre, plus de vérité et moins de jeu de dupes ! la fraternité ne rassemble pas ».
Fatou Diome part d’une expérience « traumatisante » vécue avec une éditrice, pour écrire ce livre. Elle raconte cet échange téléphonique dans une quinzaine de pages (pp. 49-62).
« J’ai choisi de m’occuper de toi. J’ai donc récupéré ton dernier manuscrit ; je l’ai même déjà lu (…) J’ai bien compris l’idée du livre, mais tu dois changer certaines choses, il faut que tu resserres… Tu dois enlever ceci… tu dois plutôt ajouter cela… Il doit être comme ceci… Et comme cela… Donc, tu dois … il faut que tu… Il faut que… » écrit Fatou Diome.
Elle rapporte ainsi la conversation téléphonique qu’elle a eue avec cette cavalière qui a interrompu la danse de sa plume et transformé son écriture en un champ de bataille, un lieu d’asphyxie.
Pour l’auteure du roman « Le Ventre de l’Atlantique », publié en 2003 aux éditions Anne Carrière (France), chacune des interventions de la cavalière sur son livre gâchait plusieurs nuits d’écriture. Pour la première fois, elle a pensé à arrêter d’écrire, « du moins de publier », précise-t-elle.
Révoltée contre ces bâtisseurs de cloisons
La romancière franco-sénégalaise n’en a pas seulement que contre ces éditeurs « cavalières censeurs ». Elle dénonce aussi cet acharnement de ces bâtisseurs de cloisons à tenir les écrivains dans une cage, s’opposant ainsi à ce qu’est fondamentalement la littérature, « un entrelacs de bras de mer qui naissent tous du même océan de l’existence humaine et convergent vers lui pareillement ».
Elle estime que la littérature n’est ni africaine, encore moins francophone ou féminine. « La littérature se soucie vraiment de l’ensemble du genre humain, toute barrière séparant l’humain de son frère n’est qu’une hérésie contre le projet littéraire lui-même », fait-elle valoir.
Selon Fatou Diome, ces bâtisseurs de cloisons ne font pas du tort qu’aux écrivains, ils rétrécissent également l’horizon des lecteurs en segmentant les œuvres proposées.
Elle s’élève contre ces « propos scandaleux » proférés à son encontre, notamment cette analyse de ce brillantissime homme de lettres, un polyglotte, sur son livre « Inassouvies, nos vies » (2008), qui lui demande de faire « des livres moins complexes, moins philosophiques et poétiques, de plus joyeux, enfin un livre africain ».
« Il faut que vous nous écriviez de petites histoires sympathiques qui donnent envie de voyager en Afrique, ça intéressera plus le public. Et puis, vous avez un vrai talent de conteuse, faites-nous des œuvres typiquement africaines… » rapporte Fatou Diome (page 83).
Elle estime que la littérature africaine ne sera adulte que lorsque les éditeurs, les critiques, les lecteurs et les professeurs ne chercheront plus la confirmation de clichés caducs dans les textes et se contenteront d’aller vers leurs livres simplement en quête d’une littérature de qualité.
« Pourquoi un artiste européen aurait-il le droit de s’intéresser au monde entier et ses collègues africains, eux, seraient priés de rester cloîtrés dans les limites géographiques et thématiques de leur continent ? » s’interroge l’écrivaine.
Dans l’essai « Le verbe libre ou le silence » où Fatou Diome assène ses vérités légitimes, le repérage des intertextes donne plus de sens et rallie à sa cause une longue liste d’écrivains remarquables et à qui elle rend hommage. Ainsi de Gabriel Garcia Màrquez, John Steinbeck, Daniel Keyes, le sage Cheikh Hamidou Kane, Sembène Ousmane qui « tronque son rendez-vous galant pour l’écriture », ou encore Léopol Sédar Senghor, Cheikh Anta Diop.
Comme dans son roman « Le Ventre de l’Atlantique », dans ce nouvel essai, les mots sont entre flux et reflux, au rythme des vagues et des rames dans l’Atlantique qu’est la littérature.
Fatou Diome se demande ainsi si la littérature ne court pas à sa perte, parce que beaucoup d’éditeurs n’écoutent plus que le marché.
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WOLE SOYINKA RETOURNE À LA FICTION
Le nouveau livre du prix Nobel de littérature, "Chroniques du pays des gens les plus heureux du monde, explore la complexité du Nigeria et de son peuple à travers des récits captivants
Catherine Fruchon-Toussaint reçoit l'écrivain nigérian Wole Soyinka, prix Nobel de littérature 1986, pour son grand retour à la fiction avec son roman "Chroniques du pays des gens les plus heureux du monde" (Seuil).
Farce littéraire, machination redoutable et réquisitoire cinglant contre la corruption des élites, "Chroniques du pays des gens les plus heureux du monde" est un grand roman !