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24 novembre 2024
Culture
par Korassi Téwéché
OÙ VA L’ART AFRICAIN ? DÉFÉTICHISEZ LES RESTITUTIONS
Certes, l’Occident a un devoir de restitution. Mais là n’est pas la question. La question est : qu’avons-nous fait de la grande œuvre d’art là devant nous ? Je parle de ces vies qui meurent au quotidien
Quiconque parle aujourd’hui d’objets d’art africain s’entend dire : « Restituez notre patrimoine volé ! » Tel est le mot d’ordre. Mais que signifie cette injonction ? Qui parle ? À qui s’adresse-t-il ? Par ‘restitution’, l’on entend le retour des objets d’art africain. Ce retour est compris comme une renaissance : l’Afrique doit redevenir son propre centre ; et cela commence par le rapatriement de ses objets ‘volés’ durant la colonisation. Le destinataire du message c’est l’Occident. Celui-ci aurait, dans ses musées publics ou privés, des millions d’objets africains, dont il serait le propriétaire illégitime. Mais il n’y a pas que cela. Au-delà des objets, c’est l’âme de tout un continent qui serait prisonnière de l’Occident. Plus que de vulgaires artéfacts, c’est le principe même de l’existence d’un peuple qui serait captif. Restituer, dans ce contexte, signifierait réanimer les Africains !
Vous l’aurez compris, ce que l’on peut désormais appeler « la palabre des objets d’art africains » n’est pas une mince affaire. C’est la survie de l’Afrique qui serait en jeu. Arrêtons-nous sur cette conclusion. Oublions, pour l’instant, l’Occident. Oublions ses mensonges à répétition, sa mauvaise foi, son irresponsabilité face à ses défaites d’hier. Revenons vers nous-mêmes, et posons-nous la question : à supposer que nous avions une âme, l’avons-nous perdu ? Et si oui, aurait-elle été volée par l’Occident ? Serait-elle partie nuitamment dans ses bagages, dans ces morceaux de bois, ces amulettes, ces étoffes ? Que signifient ces objets, et comment comprendre l’injonction en vogue à nous les rendre ? De quoi s’agit-il dans cette affaire ?
Certains disent que l’âme d’un peuple se trouve dans son art et sa culture. Mais non ! L’âme d’un peuple, si elle existe, est dans la sueur de son front, dans l’air qu’il respire et les actes simples qu’il pose au quotidien, mais qui façonnent l’Histoire. L’âme ne vit pas dans des bois morts, mais dans des rencontres, quand on se met au travail, quand on s’accueille et se respecte, quand on reconnaît la valeur de chaque vie et de chaque intelligence par-delà les querelles identitaires. Telle est l’âme véritable, qui exige d’abord d’être restituée, sans quoi ni l’art ni la culture n’ont de sens. Qu’est-ce que l’art ou la culture, si ce n’est l’humain lui-même, ce vivant qui respire, se lève chaque matin, affronte l’épreuve du jour, et bâtit avec ses semblables, à partir des bribes de l’existence, un monde habitable ?
Certes, l’Occident a un devoir de restitution. Mais là n’est pas la question. La question est : qu’avons-nous fait de la grande œuvre d’art là devant nous ? Je parle de ces vies qui meurent au quotidien, celles qui gisent dans nos prisons, à qui l’on confisque la parole, que l’on expose chaque jour, ici et là, au mépris absolu et à l’abandon. La vie n’est-elle pas l’âme immortelle de tout art et de toute culture ? N’allons donc pas dire aux Africains : « votre âme se trouve ailleurs, dans un musée en Europe ! » Soignons d’abord ces vies qui trépassent sous nos yeux. Tel est, il me semble, le commencement et la fin de toute restitution.
ALIOU SOW S’ATTAQUE A NIT DOFF
Le concert «Show of de year» est annulé par le préfet de Dakar, mais le clash se fait sur les réseaux sociaux et par communiqué entre l’artiste Nit Doff et le ministre de la Culture et du Patrimoine historique.
L'annulation du concert «Show Of The year», de l'artiste Mor Talla Guèye alias Nit Doff, par le préfet de Dakar, fait couler beaucoup de salive. Le ministre de la Culture, indexé par l’artiste dans une vidéo virale sur les réseaux sociaux, s’est fendu d’un communiqué pour recadrer l’artiste rappeur.
Le concert «Show of de year» est annulé par le préfet de Dakar, mais le clash se fait sur les réseaux sociaux et par communiqué entre l’artiste Nit Doff et le ministre de la Culture et du Patrimoine historique.
En effet, la sortie fracassante sur les réseaux sociaux de l’artiste Mor Talla Guèye, pour pointer, entre autres, la responsabilité du ministre de la Culture et du Patrimoine historique dans cette mesure administrative, ne laisse pas l’autorité insensible. Aliou Sow a, à son tour, battu en brèche les allégations de l’artiste rappeur qui a soutenu ne pas être intéressé par un soutien des pouvoirs publics.
Pour le ministre, Nitt Doff entretient, à dessein, une confusion pour susciter l’indignation et la clameur publiques. Dans son communiqué, le ministre a apporté, à l'attention de l'opinion, des précisions en recadrant par la même occasion l’artiste. «L’autorisation et interdiction des manifestations publiques ne relèvent pas des prérogatives du ministre en charge de la Culture», précise-t-il avant de rappeler dans la foulée que «les mesures ayant trait à l'ordre public et à la sécurité des personnes et des biens sont exercées, en toute responsabilité, par les autorités étatiques habilitées. Et il soutient ainsi sans réserve la décision de l'autorité préfectorale».
S’agissant du soutien des pouvoirs publics, invoqué par l’artiste dans sa vidéo, le ministre de préciser que, contrairement aux allégations de Nit Doff, l'événement « Show of the year» a été bénéficiaire du Fonds de développement des cultures urbaines (Fdcu).
En effet, lâche-t-il, «c’est à travers la structure Shaheim Chamber que l’évènement a reçu, en 2020, une subvention de trois millions (3 000 000) FCFA, payée totalement en deux tranches ; en 2021 de trois millions cinq cent mille (3 500 000) FCFA payés également en deux tranches et cette année, au terme du processus de sélection de l'appel à projets, il lui a été accordé cinq millions (5 000 000) de francs CFA non encore décaissés, la procédure étant en cours», dévoile Aliou Sow.
Pour finir, il précise que les événements culturels se déroulant dans la sphère publique, nonobstant l’intérêt et le soutien qu’ils pourraient recevoir du département, ne sauraient s'affranchir des mesures de police administrative, notamment celles liées aux manifestations publiques. «Toute personne qui se permet d’insulter l’État se fera arrêter», a ajouté le ministre de la Culture.
REPLIQUE DE L’AVOCAT DE NIT DOFF, ME PATRICK KABOU : «Mon client ne va pas perdre son temps à vous répondre…»
Réponse du berger à la bergère ! La réplique de l’avocat de Nit Doff à Aliou Sow n’a pas tardé à tomber après la sortie musclée de ce dernier. Pour la robe noire, le ministre de la Culture et du Patrimoine historique, dans sa sortie « farfelue et incompréhensible» contre son client Mor Talla Guèye, a voulu juste exister. Me Patrick Kabou indique que son client ne va pas perdre son temps à répondre, car il a autre chose à faire que de polémiquer avec une autorité qui n'a pas la capacité de faire la différence entre promoteur et artiste. «Si vous avez des preuves de ce que vous avancez, mettez-les sur la table et les Sénégalais apprécieront. On peut bien comprendre, car il vient d'arriver, mais des manuels existent et pourraient l'aider surtout quand on veut se mêler d'un débat de droit administratif entre le préfet de Dakar et un Sénégalais. N'est pas juriste qui veut ! En espérant que le ministre de la Culture, nouveau membre du parquet, «arrête» mon client, ce dernier est dans la réalité quotidienne des Sénégalais », tranche l’avocat.
MAMADOU SHAHEIM DIOP, PRODUCTEUR DU SHOW OF THE YEAR : «Trouver une solution heureuse et profitable à tous…»
Selon le producteur du «Show of the Year», Mamadou Shaheim Diop, Aliou Sow a raté une belle occasion d’accomplir une de ses missions. A l’en croire, les fameux fonds dont parle le ministre de la Culture, ils y ont droit comme toute autre structure culturelle basée au Sénégal, organisant le plus grand événement de culture urbaine au Sénégal. Il révèle que la demande de subvention qui a été accordée, cette année, était pour le « Show of the Year Tour (SOTY)». N’empêche, dit-il, «le Show of the year Tour a finalement été effectué sans la perception de ces dites subventions. Nous sommes donc toujours dans l’attente du versement. Cette somme promise, bien que significative, ne représente même pas le 1/4 du budget. Vous allez donc aisément comprendre, que pour la 12e édition du SOTY dont vous parlez, aucune subvention, ni accord de principe n’a émané de l’Etat. Ce qui revient à dire que nous restons totalement indépendants de l’Etat». Par ailleurs, Mamadou Shaheim Diop invite Aliou Sow à regarder l’affiche du spectacle sur laquelle se trouve le logo du Fdcu. «Et pourtant, aucun centime n'a été décaissé par vos services. Ce fait prouve que nous vous prenons comme des partenaires, car étant sous votre tutelle et non comme des adversaires politiques. Nous faisons appel à votre autorité pour que nous puissions trouver une solution heureuse et profitable à toutes les parties prenantes», tempère le promoteur culturel.
L’ŒUVRE DE SAFI FAYE ET KHADY SYLLA
MULTIPLE PHOTOS
KADDU BEYKAT, UNE LETTRE PAYSANNE SUR LE TRAVAIL, LA TERRE ET LA SOUVERAINETÉ ALIMENTAIRE AU SÉNÉGAL
EXCLUSIF SENEPLUS - De cette culture coloniale qui a dominé la production de riz et de mil, le grand-père de Safi Faye à qui le film est dédié dira : ‘Si l’arachide appauvrit nos terres et nous appauvrit, de quelle utilité nous est-elle ?’
Série de revues sur l’oeuvre des réalisatrices Safi Faye et Khady Sylla
Co-éditrices de la série : Tabara Korka Ndiaye et Rama Salla Dieng
Khady Sylla et Safi Faye, des noms qui devraient résonner dans notre imaginaire collectif tant elles ont été pionnières, dans leur art et dans leur vie parce que pour elles, l’art, c’est la vie. Leur vie et leur œuvre nous ont particulièrement ému. Pourtant, elles semblent porter en elles, la marque de celles vouées à être des égéries en avance sur leur temps ! Le tribut en est lourd. Si lourd ! Et si dramatique. On demeure sur sa faim. Sur la promesse d’un potentiel. On reste sur le regret de ce qu’elles auraient pu être, auraient dû être, si célébrées comme le monstrueusement gigantesque Sembène. On reste sur les si…sur la fleur de toute l’œuvre dont elles étaient fécondes.
Safi Faye a en tout réalisé treize films : La Passante (1972), Revanche (1973), Kaddu Beykat (Lettre paysanne) (1975), Fad’jal Goob na nu (La Récolte est finie) (1979), Man Sa Yay (1980), Les Âmes au soleil (1981), Selbé et tant d’autres (1982), 3 ans 5 mois (1983), Ambassades Nourricières (1984), Racines noires (1985), Tesito (1989), Tournage Mossane (1990) et Mossane (1996).
Elle s’est surtout intéressée au monde rural, à l’émancipation de la femme comme à l’indépendance économique et au poids des traditions, le tout en pays sérère.
Khady Sylla pour sa part, a été une férue de l’auto-exploration, pour théoriser depuis l’expérience propre. D’abord celle des marginalisés de la société avec Les bijoux (1998), Colobane Express (1999) qui capturent l’expérience du transport urbain avec un chauffeur de car rapide et son apprenti, puis la sienne avec Une fenêtre ouverte (2005) dans lequel elle parle de la santé mentale et enfin Le monologue de la muette (2008) qui parle des conditions de travail des ‘bonnes’. Auparavent, en 1992, Khady Sylla a publié chez L’Harmattan un superbe roman : le jeu de la mer. Les mots, Khady les jongle comme elle s’y accroche car ils la maintiennent en vie. Ainsi qu’elle le reconnaît dans Une fenêtre ouverte : ‘on peut guérir en marchant’.
Dans cette série, nous vous proposons nos regards croisés sur l’oeuvre de Safi Faye et de Khady Sylla, ceux d’une curatrice, créative et chercheuse Tabara Korka Ndiaye dont le projet s’intitule ‘Sulli Ndaanaan’ et celle d’une auteure, créative et universitaire, Rama Salla Dieng, passionnée de documenter la vie et l’oeuvre des oublié.e.s, marginalisée.e.s et silencié.e.s, toutes les deux férues de film, de musique et de littérature.
Kaddu Beykat (1975), Une lettre paysanne sur le travail, la terre et la souveraineté alimentaire au Sénégal
Autrice : Rama Salla Dieng
‘Je vous écris pour vous dire que je vais bien
Quant à moi je vais bien.
C’est ainsi que commencent les lettres chez nous…
Voici ma famille, mon village, mes parents agriculteurs.’
Ainsi débute Kaddu Beykat ou Lettre Paysanne, film tourné et réalisé par Safi Faye à Fad’jal, en pays Sereer sénégalais. Fad’jal est le village des ancêtres de Safi Faye et le film raconte la condition des paysans de ce village situé à 100 kilomètres de Dakar, et dont l’agriculture est soumis aux aléas climatiques et au diktat de l’arachide. De cette culture coloniale qui a dominé la production de riz et de mil, le grand-père de Safi Faye, à qui le film est dédié et décédé seulement onze jours après la fin du tournage dira : ‘Si l’arachide appauvrit nos terres et nous appauvrit, de quelle utilité nous est-elle ?’
Les mots de son grand-père, qui fut agriculteur toute sa vie durant, résonnent d’ailleurs comme mots de fin du film. Kaddu Beykat, paru en 1975 remportera le Prix George Sadoul la même année, et reflète les qualités d’ethnographe de Safi Faye, diplômée en anthropologie sociale de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS) de Paris. Native de Dakar, Safi choisit son village Sereer comme terrain et comme objet d’études en s’intéressant à ses ‘coutumes et rites traditionnels’ pour l’obtention de son certificat d'ethnologie à l'École Pratique des Hautes Études (EPHE) de Paris.
Le mérite intellectuel du film se situe dans le fait que Safi choisit le vrai au vraisemblable. Dès le début, elle campe le cadre géographique du film :
‘Nous habitons un petit village à côté d’un bras de mer. C’est un village Sereer.
Le revenu annuel d’un paysan est de 20000 francs cfa.
Normalement il pleut trois mois par an mais depuis quelques années la pluie se fait rare. Et pourtant la terre ne ment pas… Vous allez vivre un moment chez moi’
En choisissant donc Fad’jal comme toile de fonds de l’histoire d’amour entre Ngor, un jeune paysan du village et sa promise Coumba, qu’il ne peut épouser depuis deux ans du fait de la situation de l’agriculture qui ne permet plus la subsistance du fait des changements climatiques et de la domination de la culture de rente arachidière introduite par la colonisation puis imposé par les politiques agricoles successives du gouvernement sénégalais, Safi fait le choix de l’auto-ethnographie en transposant son histoire familiale à celle de l’économie politique et sociale du bassin arachidier, microcosme vivant du Sénégal rural de l’époque.
En effet, en 1975, alors que le monde entier était soumis aux crises financières et à la crise du pétrole, le Sénégal comme presque tous les pays du Sahel était aux prises avec les sécheresses. Une situation qui sera si intenable et aux antipodes d’avec la promesse de ‘Naatange’ du président Senghor, que les autorités du pays en appelleront à l’intervention des institutions financières internationales. Trois ans plus tard, en 1978, le pays adopte le Plan d’Ajustement économique et financier qui durera jusqu’à l’adoption de la nouvelle politique agricole en 1985. Ces politiques semblent si loin des préoccupations prosaïques de survivance des paysans que lorsque le maître d’école leur lit le journal pour les informer de la teneur de ces nouvelles politiques du gouvernement, ils lui rétorquent par voix interposées produisant un concert de doléances dont l’écho produit une mosaïque de dissonances entre gouvernants et gouvernés. Sous l’arbre à palabres de Fad’jal, d’abord un homme d’âge mûr prend la parole :‘La politique ne nous concerne pas . On n’a pas vu de politique. On ne connaît que notre politique : et c’est un repas par jour pendant 6 mois (buñu añee du ñu reer).’
Puis un autre: ‘On n’a pas de bétail à égorger.’
Un jeune: ‘Pour mon mariage, mon père m’a égorgé une vache mais pourrais-je en faire de même pour mes enfants à leur mariage?’
Un autre : ‘Notre politique est qu’aucune de nos filles n’a de dot, et ne peuvent se marier car les hommes n’ont rien à leur donner. Maintenant tous nos enfants vont dans la grande ville chercher du travail.’
Terminant laconiquement par : ‘C’est cela notre politique.’
Ces doléances dépeignent bien la situation des principaux protagonistes car Ngor ne peut épouser sa bien-aimée du fait des dures réalités de la domination d’une culture de rente : l’arachide dont la production a pris le dessus sur une économie rurale jadis de subsistance et nourricière, finalement sous le joug de la sécheresse. Malgré ces pénibilités, le film révèle aussi les temporalités bien propres à Fad’jal, ce village, oasis organisé selon une division du travail bien nette basée sur le genre et l’âge. Des hommes d’âge différents sont filmés en train de cultiver la terre tandis que les femmes et les jeunes filles sont à la cuisine, s’occupent des enfants, et font le linge. De plus, il y a aussi une organisation sociale des responsabilités de production des cultures vivrières. Par exemple, la culture du riz est réservée aux femmes tandis que les hommes cultivent le mil et l’arachide. Y est montré le respect des rites, normes culturelles et cultuelles du travail qu’il soit agricole dans les champs, ou domestique, à la maison. On sème, plante et cultive en invoquant les esprits des ancêtres dans la culture Sereer: les pangool , en prenant soin de leur faire des offrandes et en veillant à enterrer certaines racines qui ont le pouvoir de fertiliser la terre.
Fad’jal est aussi bien abrité des turpitudes et charmes corrupteurs de ‘la grande ville’ à l’appel de laquelle Ngor ne résistera pourtant pas car il y va pour se trouver un travail pour réunir la dot nécessaire pour épouser sa bien-aimée. Kaddu beykat est aussi et surtout un film sur le travail qui ritualise les rôles sociaux ainsi que l’appartenance à la communauté. Mais la valeur du travail et du produit de ce travail semble avoir été anéantie. En témoignent les vieux, encore eux, sous l’arbre à palabre de Fad’jal, offrant une noix de cola à un vendeur de chaussures qui rentrera bredouille car il n’y a pas d’argent : xaalis amul.
‘Le coût de la vie est cher et on ne tire rien de la culture de l’arachide. Dans notre jeunesse, on ne manquait ni de mil ni de riz et cela durait toute l’année. Les greniers étaient toujours remplis. Maintenant quand tu cultives l’arachide, on te donne un ticket alors que tu dois pouvoir résoudre tes besoins lors des cérémonies de mariage ou de baptême. Tu cherches quelqu’un qui a de l’argent pour lui vendre ta note de crédit mais au rabais.De ce fait, tu perds ton hivernage car ton produit ne vaut rien (ne te sert à rien). C’est du vol !’
Contraint d’aller à la grande ville dans sa quête de travail et muni de son seul baluchon de vêtements, Ngor débarque à l’avenue Malick Sy de Dakar. Il trouve du travail et sera plusieurs fois renvoyé, fera tous les petits boulots imaginables, rencontrera ses sept compagnons de chambres, autant d’histoires d’infortune dans la quête de labeur. Et la ville semble représenter tout ce que n’est pas Fad’jal, le bruit, la foule, l’avidité, l’inimitié, la roublardise. Cette transposition des deux cadres de vie montre d’un côté la famille, la familiarité et de l’autre l’inconnu, la jungle et l’hostilité. Ngor fit finalement le choix du premier et exhortait les personnes de son village à ne plus préférer l’exode rural à l’agriculture dans leur terroir. Par sa voix, c’est la voix du grand père de Safi Faye qui exprime le choix de la terre, des cultures et des méthodes des aïeux car comme ils le disent à Fad’jal: ‘la terre ne ment pas’.
Quarante-huit ans après la parution de Kaddu Beykat, les paysans sénégalais semblent toujours vivre une relation distante avec leur État qui s’est peu ou prou désengagé de l’agriculture depuis les politiques d’ajustement structurel comme le raconte si bien Ken Bugul dans le Trio Bleu. De plus, au mythe du trop-plein de terres à cultiver mais pas assez de travail, la question agraire semble s’être transformée et avec elle, le cordon ombilical que maintient la mobilité entre l’urbain et le rural, le domestique et l’international comme le montre si bien Sembène dans La Noire de... Cependant la nouvelle équation semble être celle d’un trop-plein de demande de travail mais pas assez de terres, une question qui a taraudé deux autres sérères, les défunts Jacques Faye et Abdourahmane Faye.
Paix à leur âme !
Kaddu Beykat reste d’actualité car il pose en définitive les questions de la souveraineté économique (y compris agricole) et politique.
VIDEO
UN CONCERT, UNE MUSIQUE ET DU BAUM AU COEUR
Sénégalais, Laotiens, Espagnols, Cap-verdiens, Italiens, Français, c’est un public culturellement très métissé qui a pris part au concert d’African Groove. Tous dans le même dessein, ils sont venus, ils ont vu, ils ont apprécié. Reportage.
Le jardin du centre culturel espagnol a vibré récemment aux rythmes des musiques afro-cubaines et caribéenne menées par le groupe African Groove, un groupe fondé par le guitariste Bolero. Ce concert entre dans le cadre de la célébration du premier anniversaire de ce centre.
Il y a un an, l’Espagne et le Sénégal inauguraient, en grande pompe, à Dakar, le premier centre culturel espagnol de toute l’Afrique subsaharienne sous le haut patronage de la Reine Letizia Ortiz en personne, accompagnée de quelques autorités espagnoles et sénégalaises. Un concert a été organisé récemment pour commémorer sobrement, mais intensément cet anniversaire en présence de plusieusrs invités qui n'ont pas boudé leur plaisir..
Tous les continents ou presque étaient représentés à ce rendez-vous de par leur ressortissants. En plus dans l’ambassadrice de Cuba et son époux, l’on pouvait rencontrer des Laotiens, Haïtien, Cap-Verdiens, Italien, Sénégalais etc. Preuve de l’universalité de la musique. Tous sont partis vraisemblablement satisfaits. Reportage
L’ŒUVRE DE SAFI FAYE ET KHADY SYLLA
MULTIPLE PHOTOS
UNE FENÊTRE OUVERTE DE KHADY SYLLA, CRÉER OU S’ANÉANTIR
EXCLUSIF SENEPLUS - En dialogue avec Aminata Ngom et avec elle-même, Khady Sylla nous guide vers les chemins de la douleur, des silences, des stigmatisations, de l’exclusion, de l’enfermement, de l’altérité, du suicide, de la peur de soi
Série de revues sur l’œuvre de Safi Faye et Khady Sylla
Co-éditrices de la série : Tabara Korka Ndiaye et Rama Salla Dieng
Une fenêtre ouverte de Khady Sylla : Créer ou s’anéantir
Autrice : Tabara Korka Ndiaye
Khady Sylla et Safi Faye, des noms qui devraient résonner dans notre imaginaire collectif tant elles ont été pionnières, dans leur art et dans leur vie parce que pour elles, l’art, c’est la vie. Leur vie et leur œuvre nous ont ému particulièrement. Pourtant, elles semblent porter en elles, la marque de celles vouées à être des égéries en avance sur leur temps ! Le tribut en est lourd. Si lourd ! Et si dramatique. On demeure sur sa faim. Sur la promesse d’un potentiel. On reste sur le regret de ce qu’elles auraient pu être, auraient dû être, si célébrées comme le monstrueusement gigantesque Sembène. On reste sur les si…sur la fleur de toute l’œuvre dont elles étaient fécondes.
Safi Faye a réalisé en tout treize films : La Passante (1972), Revanche (1973), Kaddu Beykat (Lettre paysanne) (1975), Fad’jal Goob na nu (La Récolte est finie) (1979), Man Sa Yay (1980), Les Ames au soleil (1981), Selbé et tant d’autres (1982), 3 ans 5 mois (1983), Ambassades Nourricères (1984), Racines noires (1985), Tesito (1989), Tournage Mossane (1990) et Mossane (1996).
Elle s’est surtout intéressée au monde rural, à l’émancipation de la femme comme à l’indépendance économique et au poids des traditions, le tout en pays sérère.
Khady Sylla pour sa part, a été une férue de l’autoexploration, pour théoriser depuis l’expérience propre. D’abord celle des marginalisés de la société avec Les bijoux (1998), Colobane Express (1999) qui capturent l’expérience du transport urbain avec un chauffeur de car rapide et son apprenti, puis la sienna avec Une fenêtre ouverte (2005) dans lequel elle parle de la santé mentale et enfin Le monologue de la muette (2008) qui parle des conditions de travail des ‘bonnes’. Auparavant, en 1992, Khady Sylla a publié chez L’Harmattan un superbe roman : le jeu de la mer. Les mots, Khady les jonglent comme elle s’y accroche car ils la maintiennent en vie. Ainsi qu’elle le reconnaît dans Une fenêtre ouvre : on peut guérir en marchant’.
Dans cette série, nous vous proposons nos regards croisés sur l’œuvre de Safi Faye et de Khady Sylla, ceux d’une curatrice, créative et chercheuse Tabara Korka Ndiaye dont le projet s’intitule Sulli Ndaanaan et celle d’une auteure, créative et universitaire, Rama Salla Dieng, passionnée de documenter la vie et l’œuvre des oublié.e.s et silencié.e.s, toutes les deux férues de film et de littérature.
Créer ou s’anéantir
Dans Une fenêtre ouverte (2005), Khady Sylla nous dévoile les expériences de la maladie. La maladie veut dire la maladie mentale. Pour les malades, il n’y a pas besoin de dire l’expression en entier. Comme si c’était une évidence. Il semble que ce soit une évidence pour elle et les personnes qui s’identifient à elles, comme moi.
En dialogue avec Aminata Ngom et avec elle-même, Khady Sylla nous guide vers les chemins de la douleur, des silences, des stigmatisations, de l’exclusion, de l’enfermement, de l’altérité, du suicide, de la peur de soi et des autres, d’un trop pleins d’émotions difficiles à nommer parfois. Khady Sylla a clairement fait une recherche sur soi. Elle rappelle : après avoir fait l’expérience de l’intérieur, la douleur a envahi le monde. Une fenêtre ouverte raconte une histoire d’amitié entre deux femmes qui toutes deux se sont retrouvées là l’une pour l’autre, particulièrement en temps de maladie. Sylla, en gros plan, débite les mots en un rythme avec une intensité sans nom. Elle est pleine et même la caméra semble trop petite pour la contenir. En la regardant, on reçoit ce trop plein d’émotions vives. Son regard (nous) dérange. Ses yeux nous transpercent. Elle se filme et son corps demi-nu est plein d’expériences, de vécu. Depuis son film les surexposés, elle passe ‘de l’autre côté’ comme elle le dit. Elle rejoint ainsi son amie Aminata Ngom et d’autres malades dans le terrain de la douleur indescriptible, de la souffrance indicible et de la perte, puis de l’exploration de soi. L’image du miroir en morceaux qu’elle convoque au début du film est une représentation de soi associé à la lumière et à sa violence par moment.
‘Tu te regardes dans un miroir brisé.
Tu vois des morceaux de ton visage. Ton visage est en miettes.
Et celui qui te regarde dans le miroir brisé, il voit des morceaux d’images de ton visage.’
Elle se positionne en cinéaste transparente dans sa démarche autoréflexive. La discussion sur le consentement d’Aminata à participer au film ou non est rendue dans son intégrité à la caméra. Cette transparence de la réalisatrice nous édifie sur le fait que le consentement n’est jamais définitif et est à renégocier en permanence, surtout lorsque la personne qui l’accorde est vulnérable. D’où l’importance d’obtenir le consentement des proches, ce que Khady Sylla a recherchée en les incluant. D’abord en entamant une médiation avec la mère de Aminata, puis avec sa fille Thiané.
Sylla a une admiration pour Aminata qu’elle qualifie de résistante, ‘exhibant sa folie librement’. Khady et Aminata partagent des silences complices. Sylla fait une médiation pour que la famille accorde à Aminata des moments à elle, hors de la maison : des promenades quotidiennes comme des bouffées d’air dont pourtant Aminata ne veut pas, mais que Khady recherche ardemment. Khady Sylla s’avoue être ‘la clé’ d’Aminata et la réalisation de cette responsabilité est un terrible fardeau pour elle, qui a eu des épisodes similaires. Aminata, pour sa part, préfère rester cloisonnée. L’envie d’avant de sortir en cachette pendant des jours parfois ne l’intéresse plus du tout. Elle donne l’impression d’avoir peur de l’extérieur et surtout des autres. De la même manière que l’autre a peur de vous. Comme Khady le dit si bien dans sa narration : L’autre a peur de vous. Vous avez changé, vous avez le regard hagard, vous avez enflé. Et vous aussi qui faites peur, avez peur de l’autre’.
Elles se remémorent ensemble du poids du regard des autres sur la maladie : ‘les autres pensent que vous n’avez rien, que vous faites semblant ‘da fa reew, dara jotu ko’ alors que les malades n’ont, selon elles, aucun intérêt à prétendre. Khady Sylla se comporte comme elle prêche. La maladie, ‘c’est le moment où on a besoin que quelqu’un nous retienne sur cette terre’. À la place, comme elle se rappelle à juste titre, on nous rappelle constamment que les suicidés vont en enfer. Aminata Ngom habite dans la cité silencieuse et déserte que Khady Sylla nomme et vient peupler, dardant ses yeux hagards sur l’innommable. Dans la nouvelle cité qu’elles habitent toutes les deux dans ce film, Aminata fait l’expérience d’une féminité retrouvée, après l’étrangeté de la maternité. Sylla la sort en promenade. Toutes les deux se retrouvent devant le vendeur de perruques. Dans cette scène, Sylla veut qu’Aminata choisisse une perruque qui lui convient et elle lui retourne que le sol se dérobe sur ses pieds. Éventuellement, elle accepte d’essayer une perruque. Cette image contraste tellement avec la terrible histoire d’Aminata. C’est une femme à qui on a refusé l’expérience de la maternité car malade. Elle ne savait comment allaiter. Et personne ne lui a appris. Sylla entame une conversation entre Aminata et son autre fille Thiané. Les quelques mots que Thiané partagent sont noyés dans son regard et son silence. À quoi doit ressembler une absence d’expérience de l’enfance et de la maternité ? Deux femmes partageant le même toit en font des expériences de la vie complètement différentes.
Khady Sylla termine ce film avec ces mots laconiques :
‘Les fous errants ne sont pas des rois-mages. Ce sont des personnages à la conscience fracassée par la douleur. Même leur marche est une forme de résistance.’
Un film actuel sur la santé mentale à (re)voir absolument !
PLAIDOYER POUR UNE RELANCE DES ACTIVITES DES NOUVELLES ÉDITIONS DU SÉNÉGAL
Cinquante ans après la création des Nouvelles éditions africaines devenues Nouvelles éditions africaines du Sénégal (NEAS), d’anciens ministres de la culture, des auteurs, des bibliothécaires, des universitaires, des élèves se sont retrouvés
1972-2022 : cinquante ans que le président Léopold Sédar Senghor portait sur les fonts baptismaux, en association avec la Côte d’Ivoire et le Togo, les Nouvelles éditions africaines devenues en 1989 les Nouvelles éditions africaines du Sénégal après une scission. Lors de la célébration du cinquantenaire hier, jeudi 15 décembre, les acteurs ont fait un plaidoyer pour la relance des activités de la maison d’édition.
Cinquante ans après la création des Nouvelles éditions africaines devenues Nouvelles éditions africaines du Sénégal (NEAS), d’anciens ministres de la culture, des auteurs, des bibliothécaires, des universitaires, des élèves se sont retrouvés hier, jeudi 15 décembre et ce pour deux jours, au Grand théâtre national pour célébrer cet anniversaire avec comme parrain l’ancien président de l’Assemblée nationale Moustapha Niasse. L’occasion a été pour les différents orateurs de diagnostiquer les difficultés mais également d’appeler à la relance des activités des NEAS qu’ils considèrent comme un patrimoine national. « Nous sommes presque en crise. En effet, c’est depuis la perte du marché de l’éducation nationale parce que Senghor, en créant cette maison d’édition, nous avait donné le monopole de ce marché. Chaque année, ce sont les NEAS qui approvisionnaient même la sous-région, le Niger, le Mali mais malheureusement après cette scission, les problèmes ont surgi. Ce sont les ouvrages scolaires qui sont les locomotives d’une société d’édition qui se veut rentable », a expliqué la directrice générale des NEAS, Aminata Sy.
En effet, le monde de l’édition est en pleine mutation : entre l’apparition de nouvelles formes numériques et les difficultés liées au contexte économique, éditer aujourd’hui semble être un véritable défi pour un éditeur. A ces difficultés, les éditeurs ajoutent l’absence de la culture du livre en Afrique, le poids de la tradition orale, le niveau de l’alphabétisation, entre autres. Sur ce, ils appellent au soutien à l’édition. « L’édition est une activité de souveraineté. Chaque Etat a le droit et le devoir, non seulement d’aider son édition, mais aussi de la protéger parce que si le livre tombe entre certaines maisons d’édition, cela peut avoir des conséquences assez graves », a lancé l’écrivain Alioune Badara Bèye. Et d’ajouter : « Il faudra qu’il y ait au niveau de l’université, de l’enseignement supérieur que certains auteurs sénégalais soient dans le programme ».
Prenant la parole, l’écrivain Marouba Fall a fait savoir que le cinquantenaire des NEAS est « un moment de réfléchir sur le devenir de cette maison d’édition qui a permis à d’éminentes personnalités littéraires d’émerger ». « Je voudrais que le plaidoyer qui va surgir de ces échanges pendant deux jours, puisse alerter l’opinion nationale mais d’abord les dirigeants, le Président de la République parce qu’il intervient pour aider un peu la présence africaine mais d’abord la présence sénégalaise au nom de la préférence nationale », a-t-il dit.
Pour sa part, le directeur du livre et de la lecture, Ibrahima Lo, a fait part de « toute la grande ambition » que le ministre de la Culture qu’il est venu représenter, a pour la culture. Il a promis de soumettre les points « importants » qu’il a notés à l’appréciation du ministre. Il s’agit de « l’ordre dans le secteur de l’éducation », de « la remise des manuels scolaires aux éditeurs pour leur permettre de faire les bons qualificatifs », de « l’appel pressant pour que les écrivains sénégalais soient inscrits dans les programmes scolaires à tous les niveaux y compris l’université ». Dans le cadre des deux jours de célébration du cinquantenaire des NEAS, il est prévu des panels sur différents sujets liés au livre et à la lecture.
SAINT-LOUIS À LA RECHERCHE DE SA SPLENDEUR
Après un long déclin politique et économique et la dégradation de son héritage historique, l'ancienne capitale coloniale de l'Afrique occidentale française cherche à renaître de ses cendres
Balcon finement travaillé, peinture fraiche, grandes fenêtres ouvrant sur la rue... A Saint-Louis, dans le nord du Sénégal, cette maison a retrouvé son lustre d'antan. A ses côtés, un bâtiment est éventré et un autre en passe de s'écrouler.
L'ancienne capitale coloniale de l'Afrique occidentale française, classée au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 2000, cherche à renaître de ses cendres après un long déclin politique et économique et la dégradation de son héritage historique.
"Redynamiser la ville tout en préservant son identité", c’est le credo d’Amadou Diaw, pionnier de l'implantation de business schools en Afrique de l'Ouest et grande fortune saint-louisienne. Il rachète de vieilles maisons délabrées pour les restaurer et en faire des lieux de culture.
Sept petits musées ont ouvert leurs portes, notamment sur la photographie, "et cela va continuer", déclare le mécène qui assure avoir déjà investi quelque deux millions d’euros. "Il faut poser cette ville sur la carte culturelle du continent", clame-t-il.
Avec son plan urbain régulier, ses maisons à galerie ou à balcon et son pont métallique qui la relie au continent, l'île de Saint-Louis, dans le delta du fleuve Sénégal, garde le souvenir de l'âge d'or de la ville, enrichie par le commerce des esclaves, de la gomme arabique ou des peaux. En 1957, la capitale est transférée à Dakar. Saint-Louis, délaissée, entre en léthargie, ville du passé à l'attrait touristique certain mais largement inexploité.
Espoirs et menaces
Alors que la cité n'a jamais été aussi menacée par la montée des eaux, la perspective de voir l'important gisement de gaz découvert au large de ses côtes commencé à être exploité fin 2023 et le développement de nouvelles infrastructures font espérer aux Saint-Louisiens une renaissance. Pour les acteurs de la conservation, une dynamique s’est par ailleurs enclenchée, impulsée par des acteurs privés et suivie par des bailleurs publics.
Après la réhabilitation de la cathédrale achevée en 2020, l’Agence française de développement (AFD) a lancé des travaux de rénovation de 16 maisons appartenant au patrimoine privé pour un budget de 2,2 millions d’euros environ, auxquels s’ajoute une contribution des propriétaires de 15% en moyenne. Des travaux qui avaient convaincu le Comité du patrimoine mondial de ne pas inscrire l’île de Saint-Louis sur la liste du patrimoine en péril.
L’Unesco pointe de longue date l’état de conservation "extrêmement mauvais" de nombreux bâtiments "mettant en danger leurs occupants", les "restaurations non conformes", les nouvelles constructions "affectant l’intégrité et l’authenticité" de la ville et l’absence de mécanisme de suivi et de contrôle.
Alpha Ndiaye, 69 ans, s'arrête au milieu d'une rue, devant un bâtiment en ruine, dont les larges portes arrondies et les vastes pièces suggèrent le faste ancien. "Notre maison était là, très jolie. Vous entriez par la grande porte, puis vous montiez les escaliers en face". Il en trace le plan du doigt dans le sable.
"Quand tout s'est affaissé, j'ai été très triste. J'aurais aimé qu'on la reconstruise comme avant, que quelqu'un m'aide, mais comment faire ? Je ne suis pas le seul propriétaire et je n'ai pas les moyens", explique M. Ndiaye, longtemps aide-pharmacien à Dakar, aujourd'hui retraité. Il vit dans les décombres d'une autre maison du centre historique.
Problèmes de succession
"Le grand problème des maisons délabrées est la succession. Parfois, on ne sait pas qui sont les héritiers et donc les propriétaires", explique la maire adjointe Aida Mbaye Dieng.
"Il y a aussi ceux qui préfèrent le confort moderne au charme des maisons anciennes, ceux qui ne respectent pas les normes parce que ça coûte moins cher et les propriétaires qui ont quitté la ville et ne veulent plus investir", souligne Fatima Fall, directrice du Centre de recherche et de documentation du Sénégal, qui insiste sur le travail de sensibilisation à mener pour que les Sénégalais prennent conscience de la richesse de leur patrimoine.
Ce jour-là, des étudiants du Centre d'études des sciences et techniques de l'information (Cesti) à Dakar sont en voyage dans l'ancienne capitale. Ils découvrent les richesses de la ville, comme le bateau Bou El Mogdad, qui transportait passagers et marchandises sur le fleuve et sert désormais pour des croisières touristiques.
"J'ai tout le temps entendu parler de Saint-Louis sans vraiment connaitre. Pour moi, cette ville était associée à la France. Elle souffre de cette image alors que son histoire est très riche et complexe", estime El Hadji Yadaly Ba. "Cette ville pourrait être un pont entre les cultures. Il faudrait que les Sénégalais s'en rendent compte. Saint-Louis a les moyens de faire venir tellement de touristes", pense l'apprenti journaliste de 26 ans.
LE FRANÇAIS EDITIS LANCE UNE MAISON D'ÉDITION AU SÉNÉGAL
Les éditions Saaraba, à Dakar, ont fait paraître leurs quatre premiers titres début décembre. Cette maison "lancera des ouvrages qui reflèteront les aspirations et centres d'intérêt des Sénégalais"
Le géant français de l'édition Editis a annoncé lundi le lancement d'une maison au Sénégal, renforçant sa présence en Afrique de l'Ouest après la création d'une autre en Côte d'Ivoire.
Les éditions Saaraba, à Dakar, ont fait paraître leurs quatre premiers titres début décembre. Cette maison "lancera des ouvrages qui reflèteront les aspirations et centres d'intérêt des Sénégalais", a indiqué un dirigeant d'Editis qui présidera l'entreprise, Vincent Barbare, cité dans un communiqué d'Editis. Saaraba vise 15 à 20 livres par an, "avec une diffusion au Sénégal mais aussi en France" selon Editis, dans tous les domaines y compris la bande dessinée.
Le Sénégal est le pays d'une maison d'édition qui avait remporté le prix Goncourt 2021, Jimsaan, en coéditant "La plus secrète mémoire des hommes" de Mohamed Mbougar Sarr. Editis avait créé en 2020 à Abidjan la maison Nimba, qui édite "des livres dédiés aux cultures ivoiriennes et d'Afrique de l'Ouest". Le groupe a également indiqué lundi avoir fondé au Canada la maison Gründ Québec. Celle-ci doit éditer "des livres pour enfants québécois avec des histoires locales, des créations originales, écrites et illustrées par des talents de la province".
Editis, filiale du groupe Vivendi qui appartient au milliardaire Vincent Bolloré, est en cours de cession, avec le nom d'un repreneur qui doit être annoncé prochainement.
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AFRICAN GROOVE EN MODE SALSA À CERVANTES
Les aficionados de l'afro-cubain ont pu voyager entre trois continents en compagnie des salseros d'African Groove, qui ont tour à tour interprété avec maestria les chansons de Laba Sosseh du Sénégal, de Gnonnas Pedro du Bénin ou encore de Buena Vista...
Les aficionados de l'afro-cubain ont pu voyager entre trois continents en compagnie des salseros d'African Groove, qui ont tour à tour interprété avec maestria les chansons de Gnonnas Pedro du Bénin, Laba Sosseh du Sénégal ou encore de Buena Vista de Cuba, jeudi dernier, sous le regard intéressé du public de presque tous les continent puisque la musique, ce « bruit qui pense» selon Victor Hugo, est aussi un langage universel.
Cette soirée entre dans le cadre de la célébration de l'an de l'Instituto Cervantes, le tout premier centre culturel espagnol de toute l'Afrique subsaharienne, inauguré le 13 décembre 2021, à Dakar, par la de la reine Letizia Ortiz d'Espagne en présence des autorités sénégalaises et espagnoles.
Charles Foster est décédé hier dimanche. L’artiste comédien est parti sur la pointe des pieds, en laissant orphelin le monde de la culture. Engagé pour les causes justes, le mendiant de la paix est qualifié par ses proches et collègues de révolutionnaire, écolo et défenseur des couches démunies.
L’artiste comédien Charles Foster a rendu l’âme. Ancien comédien de la section dramatique de la compagnie du Théâtre national Daniel Sorano, il était également président de l'association des « maris battus ». Artiste comédien, géant par la taille et par le talent, Charles a fait les beaux jours du théâtre sénégalais. Les férus de théâtre gardent en mémoire son interprétation du personnage de monsieur Kims dans la pièce Fatou... Les amis et proches témoignent unanimement de son engagement pour les causes justes.
Ancien directeur de la compagnie du Théâtre national, Abdoulaye Koundoul, le cœur meurtri, témoigne que c’est avec une grande consternation qu’il a appris le rappel à Dieu de l’artiste comédien Charles Foster alias Kakatar. « Il se définissait lui-même comme le mendiant de la paix, la voix des sans-voix et des couches déshéritées : des femmes, des enfants, des oubliés mais surtout des artistes. Il a défendu durant toute sa vie la cause des artistes», confie monsieur Koundoul avant de se pencher sur ses réalisations au théâtre national et sur toutes les scènes où Charles Foster apparaissait, faisant de lui une icône parmi les figures légendaires de la dramaturgie. « On se souvient de ses combats nobles à travers les multiples projets qu’il portait. C’était une machine à produire des projets, à les porter et à les voir aboutir », ajoute l’ancien directeur des arts qui prie pour le repos de l’âme du défunt. Président de l’Association des artistes comédiens du Sénégal (Arcost), Pape Faye qualifie Charles Foster d’activiste culturel qui avait beaucoup d’idées. Il dirigeait également le mouvement des écolos verts.
Engagé pour les bonnes causes, l’artiste avait tenu à organiser, au mois de ramadan, une journée de prières pour les artistes décédés. Il avait également un projet pour la rentrée des arts, qui associe également des mouvements féministes, de défense des droits de l’Homme et des écolos. « C’est un coup dur ! Charles a toujours eu cette démarche révolutionnaire. Quand il était encore pensionnaire de la troupe dramatique du théâtre Daniel Sorano, il s’est toujours comporté comme ça. C’est de là qu’il avait créé son mouvement culturel, Charles Foster alias Kaakatar… Ce que je retiens chez le personnage, c’est qu’il sort du commun ; il est comme Issa Samb Joe Ouakam. Le personnage qu’il a joué que j’ai en tête, c’est dans la pièce de Ibrahima Sall, intitulée La République. C’est aussi une personne engagée dans l’église. C’est un incompris qui avait ses idées et s’exprimait. C’est encore une grosse perte pour le théâtre sénégalais», pleure Pape Faye.