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25 novembre 2024
Culture
LES MEMBRES DU COMITÉ DE SÉLECTION DU FESPACO CONNUS
La délégation générale du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco) a publié mardi la liste des membres de son comité chargé de sélectionner les films en compétition pour sa prochaine édition prévue au 25 février
Dakar, 19 juil (APS) – La délégation générale du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco) a publié mardi la liste des membres de son comité chargé de sélectionner les films en compétition pour sa prochaine édition prévue du 25 février au 4 mars 2023.
Le producteur mozambicain Pedro Pimenta, la productrice exécutive tunisienne Lina Chabanne, l’enseignant, réalisateur et scénariste burkinabè Guy Désiré Yaméogo et le Malgache Laza Razanajatova, directeur artistique du Festival court de Madagascar, font partie du comité, a-t-on appris du délégué général du Fespaco, Alex Moussa Sawadogo.
La Burkinabè Claire Diao, critique de cinéma, la programmatrice de films béninoise Farah Clémentine Dramani-Issoufou, le critique et programmateur de cinéma camerounais Enoka Julien Ayemba, et la réalisatrice et scénariste kényane Hawa Essuman sont également membres du comité, a ajouté M. Sawadogo lors d’une conférence de presse donnée à Ouagadougou.
Les personnes choisies constituent ‘’une équipe dynamique de professionnels’’ du cinéma et de l’audiovisuel, a-t-il souligné lors de la conférence relayée par le site Internet du Fespaco.
La délégation générale a tenu compte de ‘’la dimension genre’’, raison pour laquelle elle a choisi quatre femmes et autant d’hommes, selon Alex Moussa Sawadogo.
La 28e édition du Fespaco, l’un des plus grands festivals de cinéma d’Afrique, a pour thème : ‘’Cinéma d’Afrique et culture de la paix’’.
‘’Nous savons que nos cinématographies façonnent les attitudes, les comportements et les opinions. C’est la raison pour laquelle la culture de la paix, qui est un processus permanent, doit transparaître dans les créations cinématographiques’’, a commenté la ministre burkinabè de la Communication, de la Culture, des Arts et du Tourisme, Valérie Kaboré, sur la RTB, la télévision nationale du Burkina Faso.
Les cinéastes et réalisateurs désireux de prendre part à la prochaine édition du Fespaco peuvent s’inscrire depuis mars dernier, et les inscriptions se poursuivront jusqu’au 31 octobre prochain, rappelle la délégation générale.
La compétition officielle comprend huit catégories, dont la ‘’fiction long métrage’’, la ‘’fiction court métrage’’, le ‘’documentaire long métrage’’, les ‘’films des écoles’’, le ‘’Fespaco séries et shorts’’, le ‘’film d’animation’’ et les ‘’films du Burkina Faso’’.
La hors-compétition est composée de quatre catégories.
DE L’ŒUVRE POLÉMIQUE À L’ATTRACTION TOURISTIQUE MAJEURE
Le monument de la Renaissance africaine, cette statue de 52 m de hauteur serait la deuxième plus grande au monde. Découverte d’un monument inédit au cœur de la capitale sénégalaise
Avec ses plages paradisiaques et ses îles, le Sénégal est une destination touristique de moyenne importance. Si le nombre de visiteurs a décru à partir de 202O en raison de la pandémie de covid-19, il avait quand même atteint plus de 1 400 000 touristes en 2017. Parmi les endroits les plus visités, le monument de la Renaissance africaine. Cette statue de 52 m de hauteur serait la deuxième plus grande au monde. Découverte d’un monument inédit au cœur de la capitale sénégalaise !
Commençons par localiser la statue : elle est située en bordure du village traditionnel de Ouakam sur la colline des Mamelles, à l’ouest de Dakar. Cette gigantesque statue de bronze et de béton représente une famille africaine avec un père, une mère et leur enfant fixant un horizon lointain, probablement l’Amérique où avaient été déportés des millions d’esclaves africains il y a plusieurs siècles. Elle avait été réalisée à l’initiative de Me Abdoulaye Wade, un ancien président de la République connu pour ses idées panafricanistes. L’œuvre a été réalisée sur huit ans de 2002 à 2012 avec deux ans pour la construction proprement dite qui a été le fait d’ingénieurs, de techniciens et d’ouvriers nord-coréens. On attribue les plans de la statue à l’architecte casamançais Pierre Goudiaby Atepa. Par cette statue, le président Abdoulaye Wade avait voulu représenter « une famille sortant des entrailles de la terre pour aller vers la lumière ».
Par les entrailles, il faisait référence à l’esclavage, aux guerres que l’Afrique a subies et à la colonisation. Chaque personne de la famille a aussi une signification : le père représente la force familiale, la mère l’enracinement tandis que le doigt de l’enfant pointe vers le futur. La statue a été inaugurée le 4 avril 2010, date du cinquantième anniversaire de l’indépendance du Sénégal. Ce jour représente la libération du peuple sénégalais de la domination française. A travers un discours mémorable, le président Abdoulaye Wade avait expliqué en présence de plusieurs de ses pairs africains, la signification de cette statue qu’il avait dédiée non seulement aux Sénégalais mais aussi à tous les Africains.
Le visiteur qui arrive au pied de la statue a la possibilité de découvrir le musée dédié à la construction du monument mais aussi une exposition de différents artistes. Ce pour un tarif de 1000 francs CFA soit un peu moins de deux euro. Le gigantesque bâtiment est bâti sur trois étages :accessibles au public. Au rez-de-chaussée figurent des panneaux retraçant la construction du monument mais aussi évoquant les figures de célèbres combattants noirs qui ont marqué l’histoire comme Rosa Park ou Martin Luther King.
Au premier étage, le jour de notre visite, se trouvait l’exposition de l’artiste Djibril Goudiaby intitulée Mémoire. Il souhaite représenter la diversité culturelle mais aussi la mémoire africaine. Plusieurs sculptures sont mises en scène comme un berger peuhl ou un lutteur sénégalais. Un personnage retient particulièrement l’attention : L’homme du futur. Cet homme représente, pour l’artiste, une victime de l’évolution.
À travers lui, l’artiste veut nous mettre en garde les Africains sur le danger des évolutions qui pourraient les amener à se perdre. Le deuxième étage abrite un salon où l’ancien président Abdoulaye Wade a reçu les nombreuses délégations de pays africains lors de l’inauguration. De plus, différents cadeaux offerts au Sénégal à cette occasion reposent dans cette salle comme une natte de la Mauritanie, une échelle du Ghana et bien d’autres présents.
De l’autre côté, les visiteurs peuvent admirer une salle du trône venue d’Angola. Un peu plus loin, il est possible de profiter d’une exposition avec des tableaux qui représentent les quatre présidents sénégalais qui se sont succédé au pouvoir à savoir Léopold Sédar Senghor, Abdou Diouf, Abdoulaye Wade puis celui en fonction, Macky Sall.
Des Afro-Américains connus sont aussi représentés tel que Barack Obama et Martin Luther King. Le tableau le plus émouvant montre la porte de Gorée, un point important de la traite négrière survenue au XIXe siècle. Enfin, un tableau représentant l’Afrique comme berceau de l’humanité est laissé à l’interprétation du visiteur. Pour 2000 francs CFA de plus, il est possible de monter au quinzième étage afin d’avoir une vue panoramique sur Dakar.
Controverse
Controverse Il faut tout de même préciser que la construction de ce monument avait suscité une vive polémique à l’époque, d’aucuns soutenant que l’œuvre relevait du paganisme et que l’Islam bannissait les statues. D’autres encore avaient pointé le coût « exorbitant » du monument. De plus, les tenues portées par les personnages avaient été jugées indécentes. Le choix de la Corée du Nord comme maîtresse d’œuvre a été mal perçue, mais aussi le budget dépensé pour ce monument. La construction a coûté douze milliards de francs CFA. Alors que la population ne mange pas toujours à sa faim, des manifestations ont eu lieu pour dénoncer cette hypocrisie de la part de l’État. En somme, si vous venez en visite au Sénégal, c’est définitivement l’une des attractions que nous vous conseillons de découvrir. Non seulement le Monument de la Renaissance africaine fait partie du patrimoine culturel du Sénégal mais aussi il permet de mettre en lumière l’Afrique et la faire rayonner dans le monde entier.
«LE TRAVAIL DU DIRECTEUR ARTISTIQUE A ÉTÉ SABOTÉ»
Artiste invité et exposant du «Doxantu», Ousmane Dia ne mâche pas ses mots pour dénoncer les manquements de la Biennale de Dakar
Après quatre ans, Dakar a renoué avec sa Biennale d’art contemporain. Pendant un mois, la ville a vibré au rythme de l’art. Les rideaux tombés, arrive le moment de faire le bilan et il est loin d’être positif. Artiste invité et exposant du «Doxantu», Ousmane Dia ne mâche pas ses mots pour dénoncer les manquements de cette édition.
La 14e Biennale d’art contemporain de Dakar vient de s’achever. On le sait, il y a eu quelques couacs dans l’organisation. Quel bilan pouvez-vous en faire ?
Il y a eu malheureusement beaucoup de couacs qui ont même grandement écorné l’image de notre pays alors que tout indiquait que la biennale allait connaître un succès retentissant. L’Etat a mobilisé deux milliards de nos francs, donc quatre fois plus que la dernière édition. Il y a eu plusieurs sponsors, des œuvres de qualité, des artistes de dimension mondiale. Seulement, il y a eu plusieurs couacs qui, à mon avis, ne se justifient pas. Je citerais par exemple le fait qu’on ait reçu le programme de la biennale à deux jours de l’ouverture. Plusieurs actes de vandalisme sur les œuvres de Caroline Guèye et Mbaye Diop. Ces deux artistes ont été primés, mais leurs œuvres ont été vandalisées dans le cadre de l’exposition internationale. On a volé 6 téléphones sur l’installation de Mbaye Diop. Ce n’est pas tout puisque l’œuvre de Serigne Mbaye Camara se trouvait par terre le jour du vernissage du programme Doxantu. Un artiste étranger est même reparti avec son œuvre sous le bras tandis que des artistes de Doxantu ont été sommés de réaliser leurs œuvres en quatre jours. Je dis que le travail du directeur artistique (Dr El Hadji Malick Ndiaye) a été saboté, et pourtant ce jeune très compétent et avant-gardiste s’est battu pour donner une dimension internationale à cette biennale en proposant le concept de Doxantu, sans compter d’autres innovations qu’il souhaitait apporter pour impliquer la banlieue dakaroise. Pour une manifestation aussi importante, je ne peux pas comprendre que toute la scénographie (exposition internationale, pavillon sénégalais et Doxantu) ait été confiée au vaillant Khalifa Dieng, avec des moyens humains, matériels et financiers très limités. Malgré cela, il a réussi l’impossible. C’est la même chose pour le Pavillon Sénégal.
Le critique d’art Massamba Mbaye n’a pas été accompagné comme il le souhaitait pour répondre aux besoins des artistes qui exposaient dans le pavillon au Musée des civilisations. Des journalistes étrangers n’avaient pas reçu leurs accréditations à deux jours de l’ouverture officielle de la biennale malgré le fait d’avoir respecté toutes les conditions. On a vu des collaborateurs du Secrétariat général à bout de souffle, sans parler d’énormes problèmes dans la communication et des médiateurs culturels qui ont travaillé tous les jours pendant plus d’un mois, de 9h à 19h y compris les samedis et dimanches pour percevoir un salaire de 50 mille francs Cfa. Et les agents du ministère de la Culture n’ont pas été impliqués. Ce sont là, quelques-uns des problèmes que nous avons recensés et nous comptons aborder le sujet plus largement dans une semaine ici à Dakar.
Les rideaux sont tombés sur cette 14e édition à laquelle vous avez participé comme artiste invité. Quels ont été, selon vous, les points forts de ce grand rendez-vous culturel ?
Indubitablement il y a eu des points forts, et le premier d’entre eux, c’est de réussir à tenir la biennale après quelques années d’hibernation, surtout du fait de la pandémie. Ensuite la puissance publique a mobilisé deux milliards de nos francs pour donner à l’évènement un succès éclatant et des sponsors de taille se sont aussi mobilisés. Enfin il y a eu la qualité des œuvres et celle des artistes qui ont travaillé d’arrache-pied autour de ce grand rendez-vous culturel.
La biennale était articulée autour du thème : «I Ndaffa, Forger.» Comment vous vous êtes approprié ce thème ?
J’avais une folle envie de participer à la biennale mais quand j’ai vu le thème, je me suis dit qu’occasion ne pouvait être plus belle parce que là, c’est vraiment ma tasse de thé. C’est cela qui a motivé toute l’énergie que j’ai eue pour réaliser des œuvres monumentales et uniquement avec du fer.
Votre sculpture, «Ni Barça, ni Barsak», trône désormais sur un rondpoint de l’Ucad. Quel en est le message ?
Mon intime conviction est que la solution n’est ni à Barça, ni à Barsak mais ici au Sénégal. Je dois à la vérité de dire que j’ai plusieurs fois été interpellé sur le thème mais depuis lors, je réfléchissais. C’est une question très complexe, surtout pour moi qui suis sénégalais établi à l’étranger. Sous ce rapport, le discours que je tiens doit être cohérent et suffisamment explicite pour ne pas me faire tirer les oreilles par des jeunes quasi «aveuglés» par les migrations, et j’avoue que c’est assez pesant. Une fois de la suite dans mes idées, j’ai mobilisé un designer et un ami qui monte mes expositions avec lesquels je travaille beaucoup pour mettre le projet en 3D. Finalement, nous avons pu trouver quelque chose de cohérent par rapport à ma personnalité, à mon écriture plastique et surtout par rapport à ce que j’avais envie de mettre en relief. Si vous jetez un regard sur l’œuvre, vous vous rendrez compte qu’il y a un socle qui fait 4m de diamètre, une pirogue qui est en train de couler. C’est ce moment précis que j’ai capté, où y a le sauve-qui-peut, beaucoup de personnages autour qui vont dans tous les sens et, en haut de la pirogue, j’ai mis un enfant et un adulte. L’un pointant du doigt l’Occident et l’autre l’Afrique. Et ce sont des doigts accusateurs.
La religion que je me suis faite autour de ce phénomène qui, malheureusement, perdure, c’est que nos autorités tout comme l’Occident ont une grande part de responsabilité. Mais, cela ne doit guère dédouaner les jeunes qui ont choisi cette méthode irrégulière et dangereuse de migrer. Cette personne qui indexe l’Afrique, c’est pour exprimer le fait que c’est extrêmement désolant qu’à ce jour, nos dirigeants n’aient pas réussi à mettre en place des projets de développement réalistes et adaptés qui puissent fixer les jeunes dans leurs terroirs. Seulement, il faut aussi déplorer le fait que ceux qui veulent voyager régulièrement, et qui ont des invitations, soient soumis à des tracasseries au niveau des ambassades qui leur refusent le visa, et souvent pour des motifs fallacieux. Je disais que l’Etat du Sénégal devrait par exemple créer des bureaux avec des juristes et imposer à toutes les ambassades présentes sur le territoire sénégalais que quand on refuse un visa à un Sénégalais, qu’il ait l’opportunité de faire un recours et si cela échoue, que l’argent investi dans le visa soit restitué.
Les ambassades disent que ce sont des frais de dossier, mais c’est énormément d’argent et je déplore ce paternalisme européen à notre endroit. Il est dit que l’on a débloqué un fonds pour lutter contre l’émigration clandestine, mais allez savoir comment les choses sont gérées. L’équipe qui vient est prise en charge avec ce fonds, elle est logée dans d’excellentes conditions avec des véhicules de luxe. Elle va à Tambacounda, déroule une formation sur une semaine et donne à chaque jeune, 150 mille francs, c’est pour régler quoi ? Il faut que nos autorités soient beaucoup plus ambitieuses que cela. L’Occident veut soutenir pour arrêter ce phénomène, ok, mais qu’il vienne soutenir nos projets. Qu’il nous laisse dérouler les projets qu’on a envie de mettre en place. J’avais fondé le Collectif des artistes plasticiens en 2000.
Entre 2000 et 2018, on a réussi à faire 14 projets d’échanges artistiques et culturels. Il y a eu plus de 1700 artistes qui se sont rencontrés. En 2004 par exemple, nous avons fait venir 79 artistes de 18 nationalités jusqu’à Tambacounda. Ce projet intitulé TGD (Tambacounda-Genève-Dakar) a permis à beaucoup de jeunes sénégalais d’aller en Suisse, et il se tenait une année à Genève, l’année suivante à Tambacounda et celle d’après à Dakar. Et beaucoup de jeunes dakarois et de Tambacounda ont pu exposer pour la première fois au Palais des Nations unies à Genève. A travers ces projets, nous avons propulsé 12 artistes sénégalais qui ont exposé au Salon Europe Art, un des plus grands de Genève. Tous ces jeunes ont découvert l’Europe et savent ce qui s’y passe. Ces jeunes, une migration irrégulière ne les intéresse plus. Le mythe est tombé chez eux.
Vous aimez interpeller finalement ?
J’aime en effet interpeller, mais sur des bases solides. Mon humble avis est que c’est pour cela d’ailleurs que l’Union européenne n’a pas voulu soutenir le projet «Ni Barsa, Ni Barsak». Après, ils disent toujours que c’est trop cher mais moi, je suis ambitieux pour mon pays. Je ne vais pas faire une sculpture de 2m avec deux bouts de métal. J’ai une sculpture à Genève, à l’hôpital cantonal et qui est une commande publique. Mes prix ne se négocient pas. S’ils sont capables de mettre ce prix pour leurs pays, moi je veux des sculptures de la même valeur et de la même dimension plastique pour mon pays.
PAPE NGADY FAYE, IMPORTATEUR DE LA LITTÉRATURE AFRICAINE
Arrivé illégalement il y a 17 ans dans le sud de l'Italie, il a commencé à vendre des livres dans la rue un peu par hasard. Des années plus tard, il a obtenu la nationalité italienne et fondé sa maison d'édition itinérante
Papa Ngady Faye est un immigré sénégalais en Italie. Arrivé illégalement il y a 17 ans dans le sud de l'Italie, il a commencé à vendre des livres dans la rue un peu par hasard. Des années plus tard, il a obtenu la nationalité italienne et fondé sa maison d'édition itinérante pour fournir aux vendeurs de livres des ouvrages de qualité.
Chapeau de paille sur la tête – il échangera en cours d’interview avec un chapeau melon – et chemise colorée, Papa Ngady Faye décroche l'appel tout sourire. Calé dans son fauteuil, l'Italien d'origine sénégalaise raconte son parcours, entrecoupé par les cris de sa plus jeune fille. Son frère, discret, exécute devant lui sa prière sur son tapis. L'ambiance est apaisée et l'on ressent tout de suite la plénitude de l'homme qui a trouvé sa voie dans la vie.
L'Italien du Sénégal
Papa Ngady Faye est né en 1970 à Dakar. Ses parents sont originaires de Sokone, dans l'ouest du pays. Il fait partie de la caste des griots, les bardes sénégalais. « Mon père est un lion rigoureux. Ses paroles sont des cadeaux et on l'a compris quand on est arrivé ici », se souvient le vendeur de livres, la voix douce, mais hésitante, de celui qui n'a pas parlé français depuis longtemps. « Il nous disait : "Il faut toujours savoir que rien n'est gratuit dans la vie, il ne faut jamais tenter d'avoir les choses facilement." Parce qu'aujourd'hui, tu es ici, mais demain, tu ne sais pas où tu passeras la nuit. » Après l'école, Papa Ngady Faye travaille comme docker dans le port de Dakar, puis comme chef de chantier pour un entrepreneur immobilier.
Au bout de quelques années à travailler, il décide de partir en Europe. Avec un visa français, le jeune père de 35 ans, qui a laissé sa femme et ses deux filles au Sénégal, entre en Italie en juillet 2005. Pourquoi l'Italie ? Pour son mode de vie. « J'aimais leur manière de s'habiller : je m'habillais bien au Sénégal, à tel point que beaucoup de mes amis m'appelaient déjà "l'Italien"… Et j'ai toujours soutenu l'Italie au foot », s'amuse-t-il. Preuve de son attachement à son père, là-bas, il se fait appeler Amadou, comme lui. Papa Ngady Faye pour le Sénégal, Amadou, pour l'Italie… sans jamais oublier ni l'un ni l'autre : il garde des liens forts avec sa terre et sa famille restée au pays.
Hélas, seulement cinq mois après son arrivée, sa femme sénégalaise décède dans son pays d'origine. Il trouve un soutien dans la douleur. « Tu trouveras toujours des personnes qui t'aideront, qui te guideront, il y a de nombreux Sénégalais ici qui vendent beaucoup de vêtements, de livres, de bracelets. Et moi, j'ai eu la chance de rencontrer la vente de livres », reconnaît-il.
Pourtant, ce n'était pas gagné. À l'origine, il n'est pas particulièrement attaché à la littérature, même s'il s'y dit sensible. Il est même plutôt déçu de ne pouvoir travailler comme maître de chantier. Rapidement cependant, il se laisse conquérir par l'expérience. « J'étais beau, j'étais jeune, j'étais souriant. Je trouvais que des personnes mal habillées avaient plus de difficulté à gagner de l'argent, donc je m'habillais bien, j'étais poli… Les gens venaient prendre des photos avec moi ! ». Surtout, il aime le contact avec les gens et les échanges qui s'ensuivent.
De vendeur à conteur
Quatre ans plus tard, une rencontre va véritablement changer sa vie là-bas. Celle avec son ex-femme, Antonella Colletta. Il l'a rencontrée par hasard, sur une plage, en lui vendant un livre : ça ne s'invente pas. Elle est professeure de français, traductrice et chercheuse en littérature africaine et antillaise francophone. Sans même s'en rendre compte, comme un vrai griot, il lui conte sa vie et, passionnée, cette dernière se décide à la coucher sur papier : « On parlait de manière naturelle, comme ça, et le livre s'écrivait petit à petit. Quand elle me l'a lu, je suis resté une journée sans comprendre ce qu'il s'était passé (rires). »
Le chanteur et artiste camerounais, Blick Bassy, signe «Bikutsi 3000». Dans ce «conte afro-futuriste» et «féministe», le continent africain s’émancipe du colonialisme et de l’impérialisme grâce à la danse des femmes. Reportage à l’avant-première de ce spectacle qui s’est tenue en juin au Musée du quai Branly, à Paris.
Tout commence par cet avertissement au spectateur : «Ce conte comporte des faits historiques réels.» Et puis, il y a les images de l’abattage d’un arbre à partir duquel on fabrique des tambours. Tout cela avant qu’une conteuse n’apparaisse en vidéo sur les longues tentures qui servent d’écran. Dès les premiers moments, Bikutsi 3000 nous amène loin de nos bases, aux confins de Mintaba, le continent africain. La trame de ce «conte afro-futu¬riste» et «féministe» imaginé par l’artiste camerounais, Blick Bassy, croise effectivement la grande histoire. En 1885, lors de la Conférence de Berlin, 14 pays parmi lesquels l’Alle¬magne, la France, la Grande-Bretagne, les Etats-Unis ou le Portugal, décident de se partager l’Afrique et d’imposer le système colonial. La reine du Nkolmesseng entre alors en résistance. Elle a pour objectif de défaire, d’ici 2050, Mintaba du colonialisme et de l’impérialisme grâce à une armée de femmes qui se bat par la danse.
«On danse tout le temps»
La narration se déploie en cinq tableaux qui représentent des époques et lieux différents. On part de Nkolmesseng en 1885, l’actuel Cameroun, pour arriver à Umugezi, le Rwanda, et le Burundi de 2050. Entre-temps, on a parcouru tout le continent et plus d’un siècle et demi. Traversé par les danses traditionnelles de chaque pays (Cameroun, Namibie, Togo, Tanzanie, Rwanda et Burundi), Bikutsi 3000 trouve sa pulsation dans cet art. Pourquoi en faire le pilier de tout le conte ? «Dans nos différentes tribus, on danse tout le temps, pour les guérisons, les naissances, les deuils. Chez les Bamilékés par exemple, les funérailles sont un moment de danse intense. La danse permet de passer d’une dimension à une autre», constate Blick Bassy. Cette danse n’est jamais très loin de la transe, elle appelle ici à une nécessaire transformation et à une prise de conscience des populations. Dans cette histoire panafricaine, ce sont les femmes qui jouent les premiers rôles. Elles sont conteuses, mais aussi prêtresses vaudous, reines, guerrières ou chanteuses, surtout elles sont de toutes les images. Ayant fait confiance à quatre jeunes danseuses de danse africaine ou de hip-hop, Blick Bassy leur a laissé les coudées franches pour chorégraphier ses tableaux. Un choix qui s’avère tant ces filles vont bien ensemble !
Mélange des formes artistiques
Spectacle plein d’idées et disons-le, un rien touffu… Bikutsi 3000 mêle allègrement les disciplines artistiques. Au conte et à la danse, il faut ajouter la vidéo, l’animation et la musique. Pour illustrer son propos, Blick Bassy est allé chercher des images et sons issus de la collection du Musée du quai Branly. Ces archives lui ont permis de construire les séquences vidéo et de composer une bande-son faite tantôt de ces enregistrements de terrain, tantôt de musique électronique. Ce qui porte la pièce, c’est justement la musique. Partant de ces enregistrements de rites et cérémonies, elle va progressivement vers les musiques urbaines africaines et le dancehall. C’est d’ailleurs quand les beats frappent dur que le spectacle trouve sa vibration.
Alors, après que les corps se sont donnés, on voit les danseuses avancer dans le clair-obscur et l’on entend juste leur souffle… On regrettera cependant sur la longueur que les formes artistiques se télescopent trop, la vidéo prenant le pas sur ce qui se passe sur le plateau et sur les éclairages. Présenté au quai Branly, Bi¬kutsi 3000 est l’épilogue de la carte blanche que le Musée des arts premiers a donnée à Blick Bassy, parallèlement à l’exposition Sur la route des chefferies du Cameroun, du visible à l’invisible. Depuis mai, le chanteur et artiste complet camerounais a donné un concert, mis un coup de projecteur sur la jeune garde des voix féminines africaines, proposé des performances et des installations. A propos de cela, l’artiste expliquait qu’il s’agissait d’une très belle occasion de dire «sa vision de la réalité de l’Afrique» et d’afficher son point de vue sur une gestion déconnectée des traditions et réalités culturelles de chaque pays. Pour Blick Bassy, Bikutsi 3000 est un projet plus global, tout autant qu’un spectacle. Il s’agit d’un «plaidoyer à la reconnexion aux valeurs traditionnelles et à l’environnement pour pouvoir gérer le monde» ! Suite logique d’une création qui a eu lieu entre Paris et Yaoundé, le spectacle devrait tourner un peu partout l’année prochaine et donner lieu à sa version africaine.
WALLY SECK INTRONISÉ « BOROM SALOUM »
Comme une véritable bête de scène, le chanteur Wally Ballago Seck a offert un concert de haute facture, au stade Lamine Guèye de Kaolack, dans la nuit du lundi au mardi.
Comme une véritable bête de scène, le chanteur Wally Ballago Seck a offert un concert de haute facture, au stade Lamine Guèye de Kaolack, dans la nuit du lundi au mardi. « Le Bercy Saloum » acte 2 qui se tient chaque lendemain de Tabaski a été une confirmation pour le « Faramarène ». Le public, venu en masse, a voyagé sous les belles envolées de l’artiste qui a revisité son répertoire. Ce qui lui a valu le titre « Borom Saloum ».
Le lendemain de la Tabaski est aussi une fête. C’est un moment de retrouvailles. La structure Leila Event a initié « Bercy Saloum » pour rester dans cette ferveur de fête et regrouper tous les natifs de la région de Kaolack et environs. Après une première réussite, le « Bercy Saloum » est devenu un rendez-vous culturel attendu par les mélomanes. Pour cette deuxième édition, le choix est encore porté sur le « Faramarene », le chanteur du peuple, Wally Ballago Seck. Cet acte 2, qui s’est tenu au stade Lamine Guèye de Kaolack, a répondu à toutes les attentes. Bref, il y avait du monde en cette soirée du lundi 11 juillet autant à l’extérieur qu’à l’intérieur du stade. Les tribunes, les chapiteaux des vips, ainsi que la fosse communément appelé « Guetou Beye » étaient noirs de monde.
Le public au rendez-vous
Déjà à 20 heures, la capitale du Saloum a commencé à bouillonner. Il y avait une file indienne au niveau des salons de beauté, à l’image de celui qui se trouve vers « bateau le Joola ». Deux heures plus tard, les avenues ont commencé à se boucher. Des Jakartas, taxis, véhicules particuliers en file, avancent en direction du stade Lamine Guèye. L’entrée est filtrée. Elle est surveillée comme du lait sur le feu par les forces de l’ordre pour éviter tout débordement. Le public cosmopolite était composé de gens de tout âge : jeunes, adultes, vieux... Personne ne voulait rater cet évènement dont le parrain est le directeur général de la Senelec, Pape Demba Bitéye, un natif de la ville.
« Nous sommes des vieux, mais fans de Wally. Il adore Saloum », lance un couple confortablement assis dans leur voiture. Il était 23h30. La file indienne était toujours longue. Les inconditionnels du chanteur étaient dans leur 31. Ils brillaient de mille feux. Il y en avait de toutes les modes. Chacun avait son choix. Les grandes dames, papy et mamy, ont opté pour les tenues africaines, les tailles basses, avec la coupe « péplum » qui est tendance actuellement, robes longues, assorties avec des foulards de tête, des boubous trois pièces, ou encore des boubous demi-saison… Les moins jeunes se sont bien épinglés dans leur ensemble costume cravate ou pantalon assortie avec une chemise, comme à l’italien. Des jeunes filles sont emmitouflées dans des robes longues traîne avec des paillettes, mini-jupes, avec de hauts talons, des têtes bien coiffées avec de longs cheveux avec des cils débordants, des maquillages flashs leur donnant une allure de poupée Barbie. Par contre, avec la chaleur qui régnait à Kaolack, d’autres ont opté pour le style décontracté en s’habillant en jean simple ou déchiré, assorti soit avec un tee-shirt ou un body de couleur blanche, casquette bien vissée sur la tête. Mais aussi avec des bling-bling comme accessoire.
Wally casse la baraque
À 00 heure, le stade est bondé, le public surexcité. Toutes les contrées étaient représentées, mais le spectacle est loin de démarrer. Le Dj de la première partie de la soirée a été géré par Serigne Aliou Thiam. Des jeunes artistes comme Khadim Temps, Bilou, Galass, Ablaye Bongo, Shiffa, entre autres, ont tenu le public en haleine avant l’arrivée de la star du jour, le golden boy de la musique.
C’est à 3 heures 20 que le tonitruant animateur vedette, Dj Boubs, tout de blanc vêtu, chauffe le public, annonçant l’arrivée de l’héritier de Thione Seck. C’était l’extase. Les cris nourris. Les lumières s’éteignent. Seules celles des téléphones portables éclairent le lieu. Après avoir été galvanisé par l’animateur de Itv/Iradio, c’est à 3 heures 30 que le héros de la soirée est apparu sur scène.
Habillé dans un style décontracté avec une chemise africaine de couleur blanche, des chaussures vans de la même couleur, assortie d’un jeans bleu délavé, Wally fait une entrée spectaculaire, sous les feux d’artifice. L’ambiance était à son paroxysme. Il embraye aussitôt par une belle balade musicale pour remercier ses fans. Le public scande : « Yaye borom Saloum », « Fi ya fi nek », « tu es le meilleur ». Et c’était parti pour plus de 3 heures de spectacle non-stop.
Comme à son habitude le fils du regretté Thione Seck n’a pas forcé son immense talent pour émerveiller le public venu très nombreux. Après cette entrée en matière bien réussie, Wally, en véritable bête de scène, en complicité avec son public, enchaîne avec le percutant titre « Tidiane-Yi ». Il se sent à l’aise, car il est bien soutenu par son armada de musiciens aguerris, tous habillés en tenue traditionnelle de couleur blanche.
Code couleur : blanc
En tout cas, la couleur blanche était en vogue lors de ce concert. C’est à la fin du 3e titre qu’il consent à saluer chaleureusement le public. Une occasion saisie pour exprimer toute sa joie de se retrouver devant le public de son pays. Il a surtout relevé toute sa fierté d’animer le « Bercy Saloum » pour la 2e année consécutive. Conscient d’avoir bien tâté le pouls du public, il se libère et fait monter le tempo. Le morceau « Mirna » était le clou du spectacle. Le public l’entonne en chœur et s’en donne à cœur joie avec des pas de danses endiablés. Avec la danse sensuelle de Awa, ses reins entourés des cristaux de perles, le public s’exclame. Avant de poursuivre avec la chanson « Yobanté » en duo de feu avec Am Bongo. Avant d’enchaîner avec « Bamba », « Wurus » le single qui cartonne, et de boucler la boucle avec « Didiakh », en complicité avec Benjamin adulé par le public. C’est vers 6 heures que le show a pris fin. Il a fallu des heures après pour que le public puisse sortir du stade à cause d’un embouteillage monstre. Rendez-vous est pris pour l’année prochaine. C’était une réussite pour la promotrice, Mme Moreau de la Leila Events.
DES ARTISTES INTERNATIONAUX À PODOR
La 5ème édition du Festival Slam Legend a vécu du 26 juin au 5 juillet dans la ville de Podor.
La 5ème édition du Festival Slam Legend de Podor a été marquée par la participation d’artistes internationaux et diverses activités dans les communes de Podor et Ndioum. Durant dix jours, les artistes qui ont répondu à l’invitation de Adama Sy alias Double Servo, promoteur du festival, ont mis de l’ambiance dans la ville de Podor et initié plusieurs jeunes à leur art.
La 5ème édition du Festival Slam Legend a vécu du 26 juin au 5 juillet dans la ville de Podor. Le promoteur Adama Sy, Double Servo de son nom d’artiste, et ses invités ont eu droit à un accueil chaleureux au quartier Thioffy à leur arrivée à Podor.
Parmi les invités, des slameurs sénégalais abonnés au festival et surtout des artistes venus de la Guyane, de la France, du Canada et de la Belgique. La présence de Chris Combette, Koloni, Mirmonde de la Guyane, Mel de la Belgique, Enora de la France, Ilam et Mat du Canada, Yonta Men de la Mauritanie, Marielle Kensai et Amandine a donné à la 5ème édition, une dimension internationale.
Les artistes invités et le slameur Double Servo ainsi que des artistes locaux comme Aly Ba et Samba Silèye Sarr ont produit 11 titres au terme de leur résidence artistique. «La résidence artistique est une continuité du projet Africa 2020 organisé l’année dernière en Guyane. Elle fait partie du grand projet de coopération culturelle visant à effacer les frontières et à rapprocher les peuples», explique Double Servo.
La pléthore d’artistes conviés à Podor ont déroulé des activités d’initiation au dessin et à la poésie. Ainsi les enfants de la commune de Podor ont bénéficié de séances d’art graphique, de chants et de danse. Les slameurs Double Servo et Cheikh Slam ont animé un master class autour du slam au profit des étudiants de l’Université virtuelle de Ndioum. Une séance très appréciée par les étudiants qui n’ont pas manqué de demander au promoteur de «départementaliser le Festival Slam Legend».
Après plusieurs jours de résidence artistique, les populations podoroises et les invités ont assisté à un grand concert au Cdeps de Podor. Un concert que les artistes ont déroulé sous la forme d’une restitution de la résidence artistique. A la tombée des rideaux de la 5e édition du Festival Slam Legend, les artistes participants ont produit une œuvre sur le thème des changements climatiques.
J'AI DES CHOSES À DIRE
Rencontre avec l'artiste-plasticien ivoirien Pascal Nampémanla Traoré
Il faut remonter à l’enfance, aux origines, à mon lieu de naissance. Je viens du village de Kpéfélé, à côté de Katiola, au Nord de la Côte d’Ivoire. Je suis issu du peuple Tagbana qui est de la famille des Sénoufos connus pour leur tradition de masques et une culture très ancrée, très forte avec des cycles d’initiation. J’ai quitté très tôt ce berceau de traditions pour aller dans le Sud de la Côte d’Ivoire, à Rubino chez mon oncle qui était enseignant. Je suis retourné pour la première fois dans mon village vers l’âge de 15 ans. Mais j’ai gardé une image intacte de ce royaume d’enfance : des odeurs, des rues, plein de choses.
Dès la classe de CE1, je me suis mis à dessiner. Et à la demande de mes enseignants, je faisais le tour des classes pour illustrer les apprentissages de la semaine suivante. C’était ma corvée de chaque dimanche mais aussi mes premiers exercices. Et puis j’avais un aîné qui était dans une école d’art à Bingerville qui m’a montré comment faire des ombres, des lumières, des volumes avec le crayon. A la demande de mes parents, j’ai attendu d’obtenir au moins le brevet pour intégrer le Lycée artistique d’Abidjan et par la suite, l’Ecole des Beaux-Arts d’Abidjan.
Votre parcours artistique est riche, dites-nous en plus ?
Au départ, je voulais être sculpteur. Mais au cours de ma formation j’ai découvert la communication et les arts graphiques qui m’ont permis de pratiquer la photographie et la vidéo. Après mes études, j’ai commencé à travailler dans une imprimerie, ensuite dans une agence de publicité. Un jour, je réponds à une annonce dans le quotidien national Fraternité Matin d’une agence qui recrutait un Directeur artistique à Dakar. J’avais déjà lu des choses sur ce qui se passait à Dakar dans la Revue Noire, le travail de Bouna Médoune Sèye, le milieu du cinéma, Joe Ouakam, j’avais le sentiment qu’il y avait un bouillonnement créatif au Sénégal. Je me retrouve quelques mois plus tard au Sénégal avec l’idée d’y travailler quelques années et rentrer… Mais j’y suis encore.
C’est lors de la Biennale DAK’ART 2004 que j’ai fait une première expo, « Yeux dans Yeux ». J’ai rencontré le fascinant Joe Ouakam qui a beaucoup compté pour moi et Bouna Médoune Sèye avec qui nous avons cheminé pendant deux ans au gré des résidences de création, de peinture performative et des expositions. Il y avait aussi un groupe d’amis avec qui on manageait un groupe de reggae. J’étais dans un bouillon de cultures et de recherche. A partir de là, malgré la charge de travail, tous les deux ans, je faisais une exposition parce que j’avais beaucoup de choses à dire ! Et souvent, mes questionnements et mon travail interrogeaient la société de consommation…que je voyais de près dans le milieu de la pub. Je me souviens souvent de ma jeunesse où certains objets du quotidien étaient en bois ou en terre cuite. Des objets faits pour durer dans le temps. Aujourd’hui, le monde occidental a occulté tout cela comme si cela n’était plus vrai ou n’avait jamais existé. Dans un mouvement de folie de cette société de consommation, on est passé de l’inaltérable au « tout jetable » parce que cela rapporte de l’argent. C’est un peu le fil conducteur de mon travail. A chaque projet, je saisis un thème et je trouve le médium adapté pour mieux exprimer cette idée. Je travaille sur différents supports du papier d’emballage kraft au papier journal en passant par la photo et la vidéo pour créer un univers et raconter un peu notre humanité. Chaque exposition est une proposition nouvelle. Je ne suis pas à la recherche d’une écriture mais j’ai quelque chose à dire !
A quel moment avez-vous décidé de lâcher la publicité pour vous consacrer pleinement à votre création ?
En 2011, j’ai décidé d’arrêter de travailler dans la publicité parce qu’il y avait des possibilités de résidences d’artistes auxquelles je ne pouvais participer à cause de mon travail en agence qui m’occupait à plein temps. Je sentais que tout mon être était aspiré par ce besoin de création.
La vie d’artiste n’est pas simple tous les jours parce que financièrement c’est toujours instable mais cela vaut la peine de vivre pleinement ce qui nous passionne, ce qui nous habite. Et puis, il y a toujours quelques projets de communication que l’on me confie mais plus dans le cadre de ces grosses boîtes qui font tourner la publicité qui est le moteur de cette société de consommation.
Depuis 2017, je me suis beaucoup impliqué dans le laboratoire AGIT’ART autour de Joe Ouakam avec des projets à forte valeur sociale, notamment dans les écoles en milieu défavorisé pour sensibiliser sur les problèmes environnementaux et aussi réinsérer l’activité artistique en milieu scolaire.
L'AFRIQUE EST UN RÉSERVOIR INÉPUISABLE DE DÉCIBELS
Poussé au sommet par un leader charismatique polyglotte et doué dans les arts du spectacle, Baaba Maal a réussi le challenge d’inscrire son « Yéla » natal au concert des merveilles musicales dans le monde - ENTRETIEN
Né il y a plus d’une trentaine d’années d’une passion commune entre amis et nourri par les richesses multiples d’une culture nomade, le « Daandé Leñol » (la voix du peuple) est l’un des groupes de musique les plus emblématiques de l’Afrique subsaharienne. Poussé au sommet par un leader charismatique polyglotte et doué dans les arts du spectacle, Baaba Maal a réussi le challenge d’inscrire son « Yéla » natal au concert des merveilles musicales dans le monde. Après un show époustouflant au Zénith de Paris puis au Royal Festival Hall à Londres en juin 2022, nous avons eu un entretien à cœur ouvert avec l’artiste qui est revenu sur les grands moments de sa carrière.
Autrefois professeur d’histoire-géographie, Baaba Maal est également un parolier doué, doté d’une lointaine vision panafricaine. Une posture qu’il incarne avec classe et humilité dans sa lutte pour le bien-être écologique de la planète et des êtres qui y vivent. C’est un engagement militant fort appréciable en Afrique et en dehors du continent. Tout au long de sa carrière, Baaba Maal s’est fixé pour vocation de servir son peuple et le continent noir par le biais de son art. Avec l’élaboration et la réalisation de projets de développement structurants dans les secteurs de la santé, de l’environnement, des infrastructures, il a beaucoup contribué au développement de son Fouta natal, dans le Sénégal des profondeurs. « J’ai une pensée particulière pour toutes les personnes, musiciens, collaborateurs, fans et famille qui nous ont quittés en cours de route et qui, comme nous, croyaient aussi fortement au projet du « Daandé Leñol », affirme-t-il, avec un brin de tristesse. Baaba Maal rend ainsi grâce à Dieu qui lui a permis de vivre aujourd’hui encore intensément sa passion artistique, dans la paix et avec une excellente santé. Plus de trois décennies durant, Baaba Maal et ses amis du « Daandé Leñol » ont fait danser plusieurs générations de mélomanes dans des sonorités variant entre traditionnel et modernité. Avec aisance et une technique de voix maîtrisée, Baaba Maal valse sans fausses notes dans tous les genres musicaux, du reggae au dance-hall en passant par le la salsa, la techno, le blues, le pop et mbalax prop le re au Sénégal. La carrière de Baaba Maal, c’est également de grandes œuvres à succès qui ont contribué à faire flotter le drapeau du Sénégal sur les plus grandes scènes du monde, les plus inattendues, aux confins de la planète. « C’est aussi ça le pouvoir de la musique et de toutes les formes d’arts qui ont la capacité de briser les codes et créer une synergie entre les peuples venus d’horizons divers, de croyances et de coutumes différentes », dixit l’artiste. « Djam Leeli » qui l’a fait découvrir à son producteur Chris Blackwell, « Baayo » en hommage à sa mère rappelée à Dieu à son insu, « Lam Toro » ou alors « Firin’In Fouta » consacré aux Grammy Awards et récemment « Télévision » sont tous des albums à succès qui ont placé Baaba Maal parmi les plus hautes personnalités artistiques dans le monde, une icône incontestable de la musique africaine. « La carrière d’un artiste est aussi souvent empreinte de rencontres d’abord, au sein de la famille du « Daandé Leñol » avec des arrivées de musiciens, techniciens, arrangeurs, managers et autres collaborateurs à qui nous devons, pour beaucoup, la construction et la réalisation de nos projets les plus fous. Les musiciens et le staff du « Daandé Leñol » ont très tôt compris les enjeux du projet culturel panafricain pour la renaissance et la reconnaissance de la culture peulh que constitue cet orchestre. Ils y ont adhéré et se sont généreusement investis pour porter haut et fort, comme son nom l’indique, la voix du peuple qui nous a missionnés avec des exigences », a affirmé Baaba Maal. Parmi les belles rencontres faites le long de son périple musical enchanteur, il y a également des icônes comme Carlos Santana, Bono, Brian Eno, la famille de Bob Marley (sa mère, son épouse, ses enfants, ses petits-enfants), entre autres. Dans un autre registre, il y a aussi la notoriété gagnée sur le terrain et qui a ouvert la voie à des missions institutionnelles avec les Nations unies, les Ong, les gouvernements et la société civile sur des questions essentielles liées à l’humanité.
Curiosité & mélange de genres
Ses différentes productions et son parcours révèlent en Baaba Maal un artiste curieux qui n’aime certainement pas la monotonie. « Je suis ouvert à tous les styles musicaux d’où qu’ils peuvent me parvenir, du Boundou à l’Indonésie en passant par l’autre bout du monde. Du Fouta Djalon au Macina, toutes les musiques me parlent, avec des ressentis différents et innovants », dixit l’artiste. Ses nombreux voyages dans le monde auront permis à l’enfant de Podor d’aller à la rencontre des genres musicaux différents avec lesquels il ne s’impose aucune limite pour pousser loin sa curiosité afin de mieux comprendre les possibles liens avec les racines africaines. Cette curiosité artistique qu’il pense légitime pour un artiste a entrainé Baaba Maal jusque dans la musique électronique que l’on retrouve également dans certains de ses albums. « La connexion avec d’autres genres musicaux est réelle et naturelle » pour Baaba Maal qui affirme, par ailleurs, que le jazz, le blues et le reggae sont des musiques innées pour les Africains. « Dans ma collaboration avec le comédien jamaïcain Makabi invité dans le morceau « Yélé », j’ai été heureux de montrer à la face du monde que les racines du reggae et de la musique cubaine sont bien africaines. » Pour démontrer les liens entre les cultures africaines et celles du reste du monde, Baaba Maal a jugé nécessaire de concentrer des recherches accentuées sur la jonction entre les styles, les sonorités et les différents styles musicaux. Des recherches qui ont abouti à la conception, entre autres, des titres avec des mélodies cubaine comme « African Woman » et jamaïcaine dans « Yélé ». Les chorégraphies et l’harmonie des couleurs dans les installations scéniques, les costumes sont une autre forme d’expression de la familiarité entre les cultures du monde.
Musique & cinéma, armes de séduction massive
Depuis quelques années, Baaba Maal fait des merveilles dans le 7ème art, un autre registre dans lequel il séduit le monde, notamment par la puissance de sa voix, mais aussi par ses talents de comédien. Cela ne surprendrait guère ses camarades et aînés, particulièrement le Ministre Mme Aminata Mbengue Ndiaye du lycée Charles de Gaulle de Saint-Louis, où il excellait déjà avec la troupe théâtrale de l’établissement. « Je remercie particulièrement Sembène Ousmane qui m’a permis, en premier, d’utiliser ma voix dans le long métrage « Guélewar », un film culte qui fait partie des plus grands succès du cinéma africain », dit-il. Ce succès lui a ouvert la voie pour d’autres échanges cinématographiques du genre notamment dans le téléfilm « Nder en flammes » du réalisateur Amadou Moctar Bèye, et ailleurs dans le monde avec Peter Gabriel dans « Passion », puis Ridley Scott avec « La chute du faucon noir » suivi de « Black Panther », etc. Selon Baaba Maal, la musique africaine, sous toutes ses formes, est un art d’échanges et d’ouverture, d’où son succès dans le monde. L’enfant prodige de Podor est d’ailleurs très à l’aise à tout type d’échange artistique. En témoignent ses titres à succès dans lesquels le sens profond des textes et les bases mélodiques originales traduisent pleinement l’ouverture à d’autres cultures du monde. « Souka-Naayo », titre dans lequel a participé la famille irlandaise des « Screaming Orphans », est remarquablement riche de cet échange entre la musique celtique d’Irlande et celle sénégalaise. La collaboration avec Barry Reynolds dans la composition du titre « Fanta » témoigne également de l’ouverture significative de la musique africaine authentique vers des styles venus d’ailleurs. À en croire Baaba Maal, ces échanges ont également pour objectif d’imposer la musique africaine au sommet et de lui éviter d’être éclipsée par les grosses compositions commerciales aux sources diverses. « La musique africaine a des connexions certaines avec tous les styles de musique dans le monde. Il faut cependant savoir les déceler en poussant très loin notre curiosité pour mieux en profiter », estime l’artiste.
Engagement des choeurs de Sahel
Les précurseurs ont déjà balisé le terrain des échanges et de l’implantation de la musique africaine dans le concert des grands styles musicaux du monde, notamment avec Féla Kuti, Manu Dibango, le groupe Xalam, Aly Farka Touré ou encore Doudou Ndiaye Rose avec son orchestre de tambours. La diversité richissime des arts africains et de la musique, plus particulièrement, la rend inépuisable et toujours fraîche dans la proposition de nouvelles sonorités à l’air du temps. « L’industrie mondiale de la musique et de la culture, en général, est en perpétuelle mutation. Elle a besoin de se renouveler en permanence. L’Afrique, dans ce cas, représente une source inépuisable de décibels, de couleurs et d’énergies du fait notamment de sa jeunesse capable à tous égards de se projeter », soutient Baaba Maal. Selon lui, l’Afrique a tous les atouts pour ravitailler en abondance le monde entier sans épuiser ses ressources culturelles et artistiques. Dans cette dynamique, le Roi du Yéla annonce, en plus de son prochain album international, une production parallèle purement locale avec des airs et des mélodies du Sahel pour aborder les sujets d’actualité dans ce terroir africain. L’insécurité dans le Sahel, l’instabilité politique, le désarroi des populations sont autant de sujets abordés dans cet album avec des invités représentant chacun un pays dans l’Afrique subsaharienne. Le chanteur et ses hôtes élèvent la voix sur l’éducation, les menaces de crise alimentaire, la protection de l’environnement, l’érosion côtière, l’avancée du désert, etc., pour marquer leur engagement pour le droit à une vie sereine et normale des populations du sahel. De plus en plus déterminé à utiliser sa musique pour orienter les dirigeants vers les voies du changement, Baaba Maal estime que l’intérêt de la jeunesse pour l’agriculture, l’élevage, la pêche…doit aussi être encouragé pour un retour nécessaire à la terre, seul moyen d’atteindre notre autosuffisance alimentaire.
Transition digitale & accompagnement de l'État
Il est important de travailler d’emblée sur la relève car, selon le lead vocal du « Daandé Leñol », ses collègues et lui ne peuvent être fiers que « si l’on sent la nouvelle génération évoluer dans l’excellence, le professionnalisme et avec humilité. Cette génération doit faire mieux que nous et, surtout, sortir du cadre national qui leur est très peu profitable au final ». Le monde évolue à une vitesse considérable, pour Baaba Maal, il est donc urgent d’arrêter « cette hémorragie structurelle qui asphyxie le milieu des arts et de la culture en Afrique ». L’artiste se réjouit par ailleurs de l’intérêt particulier des Africains binationaux pour leur terre d’origine. « Fort de sa jeunesse dynamique, le continent a la capacité de se réinventer pour mieux profiter de ses ressources. C’est ce qui est en train de se passer », avance Baba Maal.
Les deux années pandémiques de la Covid-19 ont permis de repenser le modèle économique dans l’industrie culturelle. La digitalisation du secteur de la musique était devenue cruciale, notamment la phase de commercialisation des produits. Aujourd’hui, toutes les formes d’art et de spectacles se sont adaptées au digital, de la création à la consommation, entrainant ainsi un grand gain de temps, d’énergie, etc. « La Covid-19 nous a appris à réorganiser notre quotidien et notre environnement professionnel avec le digital. Il est désormais possible de faire des concerts virtuels et même des enregistrements à distance.
L'AFRIQUE EST UN RESERVOIR INEPUISABLE DE DECIBELS
Autrefois professeur d’histoire-géographie, Baaba Maal est également un parolier doué, doté d’une lointaine vision panafricaine. Une posture qu’il incarne avec classe et humilité dans sa lutte pour le bien-être écologique de la planète
Né il y a plus d’une trentaine d’années d’une passion commune entre amis et nourri par les richesses multiples d’une culture nomade, le « Daandé Leñol » (la voix du peuple) est l’un des groupes de musique les plus emblématiques de l’Afrique subsaharienne. Poussé au sommet par un leader charismatique polyglotte et doué dans les arts du spectacle, Baaba Maal a réussi le challenge d’inscrire son « Yéla » natal au concert des merveilles musicales dans le monde. Après un show époustouflant au Zénith de Paris puis au Royal Festival Hall à Londres en juin 2022, nous avons eu un entretien à cœur ouvert avec l’artiste qui est revenu sur les grands moments de sa carrière.
Autrefois professeur d’histoire-géographie, Baaba Maal est également un parolier doué, doté d’une lointaine vision panafricaine. Une posture qu’il incarne avec classe et humilité dans sa lutte pour le bien-être écologique de la planète et des êtres qui y vivent. C’est un engagement militant fort appréciable en Afrique et en dehors du continent. Tout au long de sa carrière, Baaba Maal s’est fixé pour vocation de servir son peuple et le continent noir par le biais de son art. Avec l’élaboration et la réalisation de projets de développement structurants dans les secteurs de la santé, de l’environnement, des infrastructures, il a beaucoup contribué au développement de son Fouta natal, dans le Sénégal des profondeurs. « J’ai une pensée particulière pour toutes les personnes, musiciens, collaborateurs, fans et famille qui nous ont quittés en cours de route et qui, comme nous, croyaient aussi fortement au projet du « Daandé Leñol », affirme-t-il, avec un brin de tristesse. Baaba Maal rend ainsi grâce à Dieu qui lui a permis de vivre aujourd’hui encore intensément sa passion artistique, dans la paix et avec une excellente santé. Plus de trois décennies durant, Baaba Maal et ses amis du « Daandé Leñol » ont fait danser plusieurs générations de mélomanes dans des sonorités variant entre traditionnel et modernité. Avec aisance et une technique de voix maîtrisée, Baaba Maal valse sans fausses notes dans tous les genres musicaux, du reggae au dance-hall en passant par le la salsa, la techno, le blues, le pop et mbalax prop le re au Sénégal. La carrière de Baaba Maal, c’est également de grandes œuvres à succès qui ont contribué à faire flotter le drapeau du Sénégal sur les plus grandes scènes du monde, les plus inattendues, aux confins de la planète. « C’est aussi ça le pouvoir de la musique et de toutes les formes d’arts qui ont la capacité de briser les codes et créer une synergie entre les peuples venus d’horizons divers, de croyances et de coutumes différentes », dixit l’artiste. « Djam Leeli » qui l’a fait découvrir à son producteur Chris Blackwell, « Baayo » en hommage à sa mère rappelée à Dieu à son insu, « Lam Toro » ou alors « Firin’In Fouta » consacré aux Grammy Awards et récemment « Télévision » sont tous des albums à succès qui ont placé Baaba Maal parmi les plus hautes personnalités artistiques dans le monde, une icône incontestable de la musique africaine. « La carrière d’un artiste est aussi souvent empreinte de rencontres d’abord, au sein de la famille du « Daandé Leñol » avec des arrivées de musiciens, techniciens, arrangeurs, managers et autres collaborateurs à qui nous devons, pour beaucoup, la construction et la réalisation de nos projets les plus fous. Les musiciens et le staff du « Daandé Leñol » ont très tôt compris les enjeux du projet culturel panafricain pour la renaissance et la reconnaissance de la culture peulh que constitue cet orchestre. Ils y ont adhéré et se sont généreusement investis pour porter haut et fort, comme son nom l’indique, la voix du peuple qui nous a missionnés avec des exigences », a affirmé Baaba Maal. Parmi les belles rencontres faites le long de son périple musical enchanteur, il y a également des icônes comme Carlos Santana, Bono, Brian Eno, la famille de Bob Marley (sa mère, son épouse, ses enfants, ses petits-enfants), entre autres. Dans un autre registre, il y a aussi la notoriété gagnée sur le terrain et qui a ouvert la voie à des missions institutionnelles avec les Nations unies, les Ong, les gouvernements et la société civile sur des questions essentielles liées à l’humanité.
CURIOSITÉ & MÉLANGE DE GENRES
Ses différentes productions et son parcours révèlent en Baaba Maal un artiste curieux qui n’aime certainement pas la monotonie. « Je suis ouvert à tous les styles musicaux d’où qu’ils peuvent me parvenir, du Boundou à l’Indonésie en passant par l’autre bout du monde. Du Fouta Djalon au Macina, toutes les musiques me parlent, avec des ressentis différents et innovants », dixit l’artiste. Ses nombreux voyages dans le monde auront permis à l’enfant de Podor d’aller à la rencontre des genres musicaux différents avec lesquels il ne s’impose aucune limite pour pousser loin sa curiosité afin de mieux comprendre les possibles liens avec les racines africaines. Cette curiosité artistique qu’il pense légitime pour un artiste a entrainé Baaba Maal jusque dans la musique électronique que l’on retrouve également dans certains de ses albums. « La connexion avec d’autres genres musicaux est réelle et naturelle » pour Baaba Maal qui affirme, par ailleurs, que le jazz, le blues et le reggae sont des musiques innées pour les Africains. « Dans ma collaboration avec le comédien jamaïcain Makabi invité dans le morceau « Yélé », j’ai été heureux de montrer à la face du monde que les racines du reggae et de la musique cubaine sont bien africaines. » Pour démontrer les liens entre les cultures africaines et celles du reste du monde, Baaba Maal a jugé nécessaire de concentrer des recherches accentuées sur la jonction entre les styles, les sonorités et les différents styles musicaux. Des recherches qui ont abouti à la conception, entre autres, des titres avec des mélodies cubaine comme « African Woman » et jamaïcaine dans « Yélé ». Les chorégraphies et l’harmonie des couleurs dans les installations scéniques, les costumes sont une autre forme d’expression de la familiarité entre les cultures du monde.
MUSIQUE & CINÉMA, ARMES DE SÉDUCTION MASSIVE
Depuis quelques années, Baaba Maal fait des merveilles dans le 7ème art, un autre registre dans lequel il séduit le monde, notamment par la puissance de sa voix, mais aussi par ses talents de comédien. Cela ne surprendrait guère ses camarades et aînés, particulièrement le Ministre Mme Aminata Mbengue Ndiaye du lycée Charles de Gaulle de Saint-Louis, où il excellait déjà avec la troupe théâtrale de l’établissement. « Je remercie particulièrement Sembène Ousmane qui m’a permis, en premier, d’utiliser ma voix dans le long métrage « Guélewar », un film culte qui fait partie des plus grands succès du cinéma africain », dit-il. Ce succès lui a ouvert la voie pour d’autres échanges cinématographiques du genre notamment dans le téléfilm « Nder en flammes » du réalisateur Amadou Moctar Bèye, et ailleurs dans le monde avec Peter Gabriel dans « Passion », puis Ridley Scott avec « La chute du faucon noir » suivi de « Black Panther », etc. Selon Baaba Maal, la musique africaine, sous toutes ses formes, est un art d’échanges et d’ouverture, d’où son succès dans le monde. L’enfant prodige de Podor est d’ailleurs très à l’aise à tout type d’échange artistique. En témoignent ses titres à succès dans lesquels le sens profond des textes et les bases mélodiques originales traduisent pleinement l’ouverture à d’autres cultures du monde. « Souka-Naayo », titre dans lequel a participé la famille irlandaise des « Screaming Orphans », est remarquablement riche de cet échange entre la musique celtique d’Irlande et celle sénégalaise. La collaboration avec Barry Reynolds dans la composition du titre « Fanta » témoigne également de l’ouverture significative de la musique africaine authentique vers des styles venus d’ailleurs. À en croire Baaba Maal, ces échanges ont également pour objectif d’imposer la musique africaine au sommet et de lui éviter d’être éclipsée par les grosses compositions commerciales aux sources diverses. « La musique africaine a des connexions certaines avec tous les styles de musique dans le monde. Il faut cependant savoir les déceler en poussant très loin notre curiosité pour mieux en profiter », estime l’artiste.
ENGAGEMENT DES CHŒURS DU SAHEL
Les précurseurs ont déjà balisé le terrain des échanges et de l’implantation de la musique africaine dans le concert des grands styles musicaux du monde, notamment avec Féla Kuti, Manu Dibango, le groupe Xalam, Aly Farka Touré ou encore Doudou Ndiaye Rose avec son orchestre de tambours. La diversité richissime des arts africains et de la musique, plus particulièrement, la rend inépuisable et toujours fraîche dans la proposition de nouvelles sonorités à l’air du temps. « L’industrie mondiale de la musique et de la culture, en général, est en perpétuelle mutation. Elle a besoin de se renouveler en permanence. L’Afrique, dans ce cas, représente une source inépuisable de décibels, de couleurs et d’énergies du fait notamment de sa jeunesse capable à tous égards de se projeter », soutient Baaba Maal. Selon lui, l’Afrique a tous les atouts pour ravitailler en abondance le monde entier sans épuiser ses ressources culturelles et artistiques. Dans cette dynamique, le Roi du Yéla annonce, en plus de son prochain album international, une production parallèle purement locale avec des airs et des mélodies du Sahel pour aborder les sujets d’actualité dans ce terroir africain. L’insécurité dans le Sahel, l’instabilité politique, le désarroi des populations sont autant de sujets abordés dans cet album avec des invités représentant chacun un pays dans l’Afrique subsaharienne. Le chanteur et ses hôtes élèvent la voix sur l’éducation, les menaces de crise alimentaire, la protection de l’environnement, l’érosion côtière, l’avancée du désert, etc., pour marquer leur engagement pour le droit à une vie sereine et normale des populations du sahel. De plus en plus déterminé à utiliser sa musique pour orienter les dirigeants vers les voies du changement, Baaba Maal estime que l’intérêt de la jeunesse pour l’agriculture, l’élevage, la pêche…doit aussi être encouragé pour un retour nécessaire à la terre, seul moyen d’atteindre notre autosuffisance alimentaire.
TRANSITION DIGITALE & ACCOMPAGNEMENT DE L’ÉTAT
Il est important de travailler d’emblée sur la relève car, selon le lead vocal du « Daandé Leñol », ses collègues et lui ne peuvent être fiers que « si l’on sent la nouvelle génération évoluer dans l’excellence, le professionnalisme et avec humilité. Cette génération doit faire mieux que nous et, surtout, sortir du cadre national qui leur est très peu profitable au final ». Le monde évolue à une vitesse considérable, pour Baaba Maal, il est donc urgent d’arrêter « cette hémorragie structurelle qui asphyxie le milieu des arts et de la culture en Afrique ». L’artiste se réjouit par ailleurs de l’intérêt particulier des Africains binationaux pour leur terre d’origine. « Fort de sa jeunesse dynamique, le continent a la capacité de se réinventer pour mieux profiter de ses ressources. C’est ce qui est en train de se passer », avance Baba Maal.
Les deux années pandémiques de la Covid-19 ont permis de repenser le modèle économique dans l’industrie culturelle. La digitalisation du secteur de la musique était devenue cruciale, notamment la phase de commercialisation des produits. Aujourd’hui, toutes les formes d’art et de spectacles se sont adaptées au digital, de la création à la consommation, entrainant ainsi un grand gain de temps, d’énergie, etc. « La Covid-19 nous a appris à réorganiser notre quotidien et notre environnement professionnel avec le digital. Il est désormais possible de faire des concerts virtuels et même des enregistrements à distance.