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25 novembre 2024
Culture
L'AFRIQUE EST UN RESERVOIR INEPUISABLE DE DECIBELS
Autrefois professeur d’histoire-géographie, Baaba Maal est également un parolier doué, doté d’une lointaine vision panafricaine. Une posture qu’il incarne avec classe et humilité dans sa lutte pour le bien-être écologique de la planète
Né il y a plus d’une trentaine d’années d’une passion commune entre amis et nourri par les richesses multiples d’une culture nomade, le « Daandé Leñol » (la voix du peuple) est l’un des groupes de musique les plus emblématiques de l’Afrique subsaharienne. Poussé au sommet par un leader charismatique polyglotte et doué dans les arts du spectacle, Baaba Maal a réussi le challenge d’inscrire son « Yéla » natal au concert des merveilles musicales dans le monde. Après un show époustouflant au Zénith de Paris puis au Royal Festival Hall à Londres en juin 2022, nous avons eu un entretien à cœur ouvert avec l’artiste qui est revenu sur les grands moments de sa carrière.
Autrefois professeur d’histoire-géographie, Baaba Maal est également un parolier doué, doté d’une lointaine vision panafricaine. Une posture qu’il incarne avec classe et humilité dans sa lutte pour le bien-être écologique de la planète et des êtres qui y vivent. C’est un engagement militant fort appréciable en Afrique et en dehors du continent. Tout au long de sa carrière, Baaba Maal s’est fixé pour vocation de servir son peuple et le continent noir par le biais de son art. Avec l’élaboration et la réalisation de projets de développement structurants dans les secteurs de la santé, de l’environnement, des infrastructures, il a beaucoup contribué au développement de son Fouta natal, dans le Sénégal des profondeurs. « J’ai une pensée particulière pour toutes les personnes, musiciens, collaborateurs, fans et famille qui nous ont quittés en cours de route et qui, comme nous, croyaient aussi fortement au projet du « Daandé Leñol », affirme-t-il, avec un brin de tristesse. Baaba Maal rend ainsi grâce à Dieu qui lui a permis de vivre aujourd’hui encore intensément sa passion artistique, dans la paix et avec une excellente santé. Plus de trois décennies durant, Baaba Maal et ses amis du « Daandé Leñol » ont fait danser plusieurs générations de mélomanes dans des sonorités variant entre traditionnel et modernité. Avec aisance et une technique de voix maîtrisée, Baaba Maal valse sans fausses notes dans tous les genres musicaux, du reggae au dance-hall en passant par le la salsa, la techno, le blues, le pop et mbalax prop le re au Sénégal. La carrière de Baaba Maal, c’est également de grandes œuvres à succès qui ont contribué à faire flotter le drapeau du Sénégal sur les plus grandes scènes du monde, les plus inattendues, aux confins de la planète. « C’est aussi ça le pouvoir de la musique et de toutes les formes d’arts qui ont la capacité de briser les codes et créer une synergie entre les peuples venus d’horizons divers, de croyances et de coutumes différentes », dixit l’artiste. « Djam Leeli » qui l’a fait découvrir à son producteur Chris Blackwell, « Baayo » en hommage à sa mère rappelée à Dieu à son insu, « Lam Toro » ou alors « Firin’In Fouta » consacré aux Grammy Awards et récemment « Télévision » sont tous des albums à succès qui ont placé Baaba Maal parmi les plus hautes personnalités artistiques dans le monde, une icône incontestable de la musique africaine. « La carrière d’un artiste est aussi souvent empreinte de rencontres d’abord, au sein de la famille du « Daandé Leñol » avec des arrivées de musiciens, techniciens, arrangeurs, managers et autres collaborateurs à qui nous devons, pour beaucoup, la construction et la réalisation de nos projets les plus fous. Les musiciens et le staff du « Daandé Leñol » ont très tôt compris les enjeux du projet culturel panafricain pour la renaissance et la reconnaissance de la culture peulh que constitue cet orchestre. Ils y ont adhéré et se sont généreusement investis pour porter haut et fort, comme son nom l’indique, la voix du peuple qui nous a missionnés avec des exigences », a affirmé Baaba Maal. Parmi les belles rencontres faites le long de son périple musical enchanteur, il y a également des icônes comme Carlos Santana, Bono, Brian Eno, la famille de Bob Marley (sa mère, son épouse, ses enfants, ses petits-enfants), entre autres. Dans un autre registre, il y a aussi la notoriété gagnée sur le terrain et qui a ouvert la voie à des missions institutionnelles avec les Nations unies, les Ong, les gouvernements et la société civile sur des questions essentielles liées à l’humanité.
CURIOSITÉ & MÉLANGE DE GENRES
Ses différentes productions et son parcours révèlent en Baaba Maal un artiste curieux qui n’aime certainement pas la monotonie. « Je suis ouvert à tous les styles musicaux d’où qu’ils peuvent me parvenir, du Boundou à l’Indonésie en passant par l’autre bout du monde. Du Fouta Djalon au Macina, toutes les musiques me parlent, avec des ressentis différents et innovants », dixit l’artiste. Ses nombreux voyages dans le monde auront permis à l’enfant de Podor d’aller à la rencontre des genres musicaux différents avec lesquels il ne s’impose aucune limite pour pousser loin sa curiosité afin de mieux comprendre les possibles liens avec les racines africaines. Cette curiosité artistique qu’il pense légitime pour un artiste a entrainé Baaba Maal jusque dans la musique électronique que l’on retrouve également dans certains de ses albums. « La connexion avec d’autres genres musicaux est réelle et naturelle » pour Baaba Maal qui affirme, par ailleurs, que le jazz, le blues et le reggae sont des musiques innées pour les Africains. « Dans ma collaboration avec le comédien jamaïcain Makabi invité dans le morceau « Yélé », j’ai été heureux de montrer à la face du monde que les racines du reggae et de la musique cubaine sont bien africaines. » Pour démontrer les liens entre les cultures africaines et celles du reste du monde, Baaba Maal a jugé nécessaire de concentrer des recherches accentuées sur la jonction entre les styles, les sonorités et les différents styles musicaux. Des recherches qui ont abouti à la conception, entre autres, des titres avec des mélodies cubaine comme « African Woman » et jamaïcaine dans « Yélé ». Les chorégraphies et l’harmonie des couleurs dans les installations scéniques, les costumes sont une autre forme d’expression de la familiarité entre les cultures du monde.
MUSIQUE & CINÉMA, ARMES DE SÉDUCTION MASSIVE
Depuis quelques années, Baaba Maal fait des merveilles dans le 7ème art, un autre registre dans lequel il séduit le monde, notamment par la puissance de sa voix, mais aussi par ses talents de comédien. Cela ne surprendrait guère ses camarades et aînés, particulièrement le Ministre Mme Aminata Mbengue Ndiaye du lycée Charles de Gaulle de Saint-Louis, où il excellait déjà avec la troupe théâtrale de l’établissement. « Je remercie particulièrement Sembène Ousmane qui m’a permis, en premier, d’utiliser ma voix dans le long métrage « Guélewar », un film culte qui fait partie des plus grands succès du cinéma africain », dit-il. Ce succès lui a ouvert la voie pour d’autres échanges cinématographiques du genre notamment dans le téléfilm « Nder en flammes » du réalisateur Amadou Moctar Bèye, et ailleurs dans le monde avec Peter Gabriel dans « Passion », puis Ridley Scott avec « La chute du faucon noir » suivi de « Black Panther », etc. Selon Baaba Maal, la musique africaine, sous toutes ses formes, est un art d’échanges et d’ouverture, d’où son succès dans le monde. L’enfant prodige de Podor est d’ailleurs très à l’aise à tout type d’échange artistique. En témoignent ses titres à succès dans lesquels le sens profond des textes et les bases mélodiques originales traduisent pleinement l’ouverture à d’autres cultures du monde. « Souka-Naayo », titre dans lequel a participé la famille irlandaise des « Screaming Orphans », est remarquablement riche de cet échange entre la musique celtique d’Irlande et celle sénégalaise. La collaboration avec Barry Reynolds dans la composition du titre « Fanta » témoigne également de l’ouverture significative de la musique africaine authentique vers des styles venus d’ailleurs. À en croire Baaba Maal, ces échanges ont également pour objectif d’imposer la musique africaine au sommet et de lui éviter d’être éclipsée par les grosses compositions commerciales aux sources diverses. « La musique africaine a des connexions certaines avec tous les styles de musique dans le monde. Il faut cependant savoir les déceler en poussant très loin notre curiosité pour mieux en profiter », estime l’artiste.
ENGAGEMENT DES CHŒURS DU SAHEL
Les précurseurs ont déjà balisé le terrain des échanges et de l’implantation de la musique africaine dans le concert des grands styles musicaux du monde, notamment avec Féla Kuti, Manu Dibango, le groupe Xalam, Aly Farka Touré ou encore Doudou Ndiaye Rose avec son orchestre de tambours. La diversité richissime des arts africains et de la musique, plus particulièrement, la rend inépuisable et toujours fraîche dans la proposition de nouvelles sonorités à l’air du temps. « L’industrie mondiale de la musique et de la culture, en général, est en perpétuelle mutation. Elle a besoin de se renouveler en permanence. L’Afrique, dans ce cas, représente une source inépuisable de décibels, de couleurs et d’énergies du fait notamment de sa jeunesse capable à tous égards de se projeter », soutient Baaba Maal. Selon lui, l’Afrique a tous les atouts pour ravitailler en abondance le monde entier sans épuiser ses ressources culturelles et artistiques. Dans cette dynamique, le Roi du Yéla annonce, en plus de son prochain album international, une production parallèle purement locale avec des airs et des mélodies du Sahel pour aborder les sujets d’actualité dans ce terroir africain. L’insécurité dans le Sahel, l’instabilité politique, le désarroi des populations sont autant de sujets abordés dans cet album avec des invités représentant chacun un pays dans l’Afrique subsaharienne. Le chanteur et ses hôtes élèvent la voix sur l’éducation, les menaces de crise alimentaire, la protection de l’environnement, l’érosion côtière, l’avancée du désert, etc., pour marquer leur engagement pour le droit à une vie sereine et normale des populations du sahel. De plus en plus déterminé à utiliser sa musique pour orienter les dirigeants vers les voies du changement, Baaba Maal estime que l’intérêt de la jeunesse pour l’agriculture, l’élevage, la pêche…doit aussi être encouragé pour un retour nécessaire à la terre, seul moyen d’atteindre notre autosuffisance alimentaire.
TRANSITION DIGITALE & ACCOMPAGNEMENT DE L’ÉTAT
Il est important de travailler d’emblée sur la relève car, selon le lead vocal du « Daandé Leñol », ses collègues et lui ne peuvent être fiers que « si l’on sent la nouvelle génération évoluer dans l’excellence, le professionnalisme et avec humilité. Cette génération doit faire mieux que nous et, surtout, sortir du cadre national qui leur est très peu profitable au final ». Le monde évolue à une vitesse considérable, pour Baaba Maal, il est donc urgent d’arrêter « cette hémorragie structurelle qui asphyxie le milieu des arts et de la culture en Afrique ». L’artiste se réjouit par ailleurs de l’intérêt particulier des Africains binationaux pour leur terre d’origine. « Fort de sa jeunesse dynamique, le continent a la capacité de se réinventer pour mieux profiter de ses ressources. C’est ce qui est en train de se passer », avance Baba Maal.
Les deux années pandémiques de la Covid-19 ont permis de repenser le modèle économique dans l’industrie culturelle. La digitalisation du secteur de la musique était devenue cruciale, notamment la phase de commercialisation des produits. Aujourd’hui, toutes les formes d’art et de spectacles se sont adaptées au digital, de la création à la consommation, entrainant ainsi un grand gain de temps, d’énergie, etc. « La Covid-19 nous a appris à réorganiser notre quotidien et notre environnement professionnel avec le digital. Il est désormais possible de faire des concerts virtuels et même des enregistrements à distance.
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LE LAC ROSE, UNE OEUVRE D'ART AU DAK'ART
Pourquoi je m'appelle GABON? Qu'est-ce qui m'a poussé à faire focus sur le Lac Rose dans mon oeuvre?. L'artiste jamaïcain, dans la deuxième partie de l'entretien avec AfricaGlobe, répond à ses questions et d'autres.
Dans la deuxième partie de l'entretien accordé à AfricaGlobe, Yrneh Gabon, le Jamaïcain qui a retrouvé ses racines dans les communautés balantes du Sénégal, de la Gambie et de la Guinée-Bissau, alerte sur la menace qui pèse sur le Lac Rose dont il est tombé amoureux.
Jamaïcain de naissance, étatsunien d'adoption et sénégambien de lointaine origine, cet artiste multidisciplinaire n'exclut pas un retour définitif, mais planifié en terre africaine.
Pour mémoire Yreneh Gabon a consacré une exposition sur Le Lac Rose dans la cadre de la 14è édition de l'art africain contemporain de Dakar.
Une exposition complexe autour du sel dans tous ses états, autour du Lac Rose qu'il a reconstitué presque à l'ancien palais de justice, agrémenté de différentes problématiques, des fragments d'histoire de l'esclavage et de la la domination occidentale du monde noir par le Blanc.
Venu des Amériques, Yrneh semble plus sensible à la dégradation que subit le Lac Rose que ceux qui le voit, le côtoie et fréquente le plus souvent.
Selon lui le Lac Rose qu'il a vu 5 ou 6 ans plus tôt n'est plus le même que celui d'aujourd'hui. Il y a donc urgence à le sauver notamment du changement climatique.
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KEN BUGUL, ON FAIT TROP D'ENFANTS AU SÉNÉGAL
Y-a-t-il un rapport entre démographie et émigration ? Quels sont les 3 visages du mal sénégalais ? Comment les contre-valeurs sont-elles devenues valeurs au Sénégal ? Les réponses de l'écrivaine Ken Bugul lors d'une table ronde avec José Manuel Farjado
Malgré les drames fréquents qui ont lieu dans la Méditerranée ou dans le désert, et dont les médias se font largement l'écho, les candidats à l’émigration irrégulière ne sont nullement découragés. Lors d’une table ronde sur le réalisme littéraire, en juin dernier, Ken Bugul a tenté d’analyser les causes profondes de cette bravade du danger par la jeunesse africaine et sénégalaise, en particulier.
En discussion avec son confrère espagnol José Manuel Farjado, à l’Instituto Cervantes de Dakar, Ken Bugul a dit les vérités qu’on n’aime pas toujours entendre.
D’abord, pour l’écrivaine, au-delà de la prégnance du chômage, du manque de formation, de perspectives et du dénuement, il y a l’humiliation et la pression sociale auxquelles sont soumis les jeunes. L’inconsidération est ambiante dans les familles quand vous êtes sans le sou.
Dans la même veine, l’écrivaine note la mort du droit d’aînesse dans la société sénégalaise. N’est respecté que quiconque expose de manière ostentatoire, voire indécente, ses espèces sonnantes et trébuchantes.
Pire, trois entités participent peu ou prou à cette inversion de valeurs d’après l’auteur du « Baobab fou ». Il s’agit d’«un lobby religieux cupide», «des médias nuls » et « des politiciens».
Face à un tel tableau, les jeunes en quête, eux aussi, de leur brevet de respectabilité, vont chercher vaille que vaille à s’en sortir. Dans cette quête, l’aventure européenne, ô combien périlleuse, est une option.
Ensuite, Ken Bugul pointe-t-elle du doigt la question de la démographie et d’environnement qui contribuent au fort désir des jeunes de partir. Pour ce qui est de la démographie, on s’émeut souventes fois quand quelqu’un ose dire à tort ou à raison qu’on fait trop d’enfants en Afrique et surtout quand le propos provient d’un Blanc.
Et bien Ken Bugul le dit tout de go : «On fait trop d’enfants en Afrique», déclare-t-elle avant de nuancer. En effet, pour elle, c’est une question d’organisation.
On peut bel et bien faire beaucoup d’enfants, mais il faut que cette démographie soit en adéquation avec un espace vital convenable. Si on décide de faire beaucoup d’enfants, il faut que les infrastructures suivent ainsi que les services sociaux.
Ce n’est manifestement pas le cas dans le Sénégal d’aujourd’hui comme dans d’autres pays africains. Quand on fait de plus en plus d’enfants dans un environnement non de moins en moins adapté, on finit par se sentir à l’étroit et mal à l’aise. Ce qui engendre d’autres problèmes.
Tenez, l’écrivain relève qu’à Dakar on est à l’étroit avec un environnement pollué et irrespirable par endroit. Un tel cadre combiné au manque de perspectives, ne garantit aucun épanouissement aux jeunes pour les maintenir chez eux. Ils préfèrent explorer d’autres horizons en quête de mieux-être et de qualité de vie.
Ken Bugul alerte sur le fait que, in fine, nous connaitrons une société de plus en plus encline à la violence du fait de tous ces problèmes sociaux si on n’y est pas déjà tout simplement. Pour mémoire, le dernier roman de Ken Bugul "Le trio bleu" porte sur l'émigration irrégulière.
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JE N'AI L'AIR DE RIEN, MAIS JE SAIS CE QUE JE VAUX
Ce petit bonhomme de 41 cm n’a l’air de rien, mais c’est un trésor. La valeur actuelle de la statuette est estimée à milliard de FCFA, selon Serigne Touba. Acquise au Ghana, il y a plus de 50 ans, c’est l’une des pièces phares et rares du collectionneur.
Ce petit bonhomme de 41 cm que vous voyez n’a l’air de rien. Mais c’est un trésor. La valeur actuelle de la statuette est estimée à milliard de francs CFA, selon son détenteur.
Acquise au Ghana, il y a plus de 50 ans, c’est l’une des pièces phares et rares de la riche collection de Serigne Touba Sène, grand collectionneur d’art africain contemporain et antique.
La statuette aurait une vie d’environ 2000 ans, d’après le collectionneur qui parle de d’une expertise réalisée par un spécialiste Suisse sans donner plus de détails.
De nombreuses statuettes comme celle-ci sont souvent exhumées des tombes en terroir ashanti du Ghana. Il s’agirait des présents que l’on faisait accompagner à des défunts dans leur dernière demeure en guise de viatique.
Lors de la dernière biennale de l’art africain contemporain Dakar, beaucoup ont dû passer à côté de cette statuette sans s’imaginer qu’elle vaut.
L’œuvre d’art a été exposée au Marché international de Dakar, (MIAD) projet monté par le plasticien kalidou Kassé au Monument de la Renaissance africaine.
Si le collectionneur consens à donner sa valeur actuelle de la statuette, il reste circonspect sur le prix de son acquisition il 5 décennies.
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MULTIPLE PHOTOS
DES RACINES ET DES SOUCHES DU DAK'ART
Intitulé « De cruce », cette oeuvre de l'artiste Emmanuel Tussore donne une « interprétation de l’image de souffrance, un regard contemporain sur le thème de la crucifixion et de ses souffrances multiples représentations dans l’art ».
L’artiste français Emmanuel Tussore a proposé lors de la dernière biennale de l’art africain contemporain de Dakar, une exposition quelque peu exotique, à l’ancien palais de justice de Dakar.
Il s’agit de ces énormes souches ou de racines de différentes essences majestueusement dressées sur des pieux d’acier dans une des salles de l’ancien palais de justice.
Intitulé « De cruce », cette exposition donne une « interprétation de l’image de souffrance, un regard contemporain sur le thème de la crucifixion et de ses souffrances multiples représentations dans l’art ». Ce 21è siècle n'est-il pas traversé par la question de la nature et de sa soumission à l’homme qui en dispose comme il le veut?.
L’emplacement de ces souches ou racines, pose aussi les questionnements liés au déracinement et à l’identité, interroge notre rapport à l’altérité, à l’étranger en particulier.
Nous vous proposons de revoir cette exposition toute en musique en compagnie tu titre "Nanonle" du chanteur béninois John Arcadius.
LA FAMILLE D'OMAR BLONDIN DIOP DEMANDE LA RÉOUVERTURE DE SON DOSSIER
C’est avec beaucoup d’intérêt que le public du Théâtre national Daniel Sorano a suivi la grande première du film Omar Blondin Diop, un révolté, écrit et réalisé par Djeydi Djigo, producteur et réalisateur sénégalais
Le 11 mai 1973, Omar Blondin Diop, jeune philosophe sénégalais, opposant au régime du président Léopold Sédar Senghor, était retrouvé mort en détention sur l’île de Gorée. La version officielle du suicide a été largement contestée par de nombreuses voix, dénonçant un assassinat. Quarante-neuf ans après, le documentaire écrit et réalisé par Djeydi Djigo qui revient sur l’affaire, a été projeté ce mercredi au Théâtre national Daniel Sorano. Occasion pour la famille de demander une réouverture du dossier.
C’est avec beaucoup d’intérêt que le public du Théâtre national Daniel Sorano a suivi la grande première du film Omar Blondin Diop, un révolté, écrit et réalisé par Djeydi Djigo, producteur et réalisateur sénégalais. Il régnait une ambiance lourde mercredi soir à la salle de Daniel Sorano. Les cinéphiles ont été bien servis en émotion à travers ce long métrage qui retrace la mort et l’idéologie que défendait Omar Blondin Diop. Il met aussi en lumière différentes pistes possibles pour éclairer ce drame. Une heure avant la projection, une longue file s’était déjà formée sur le trottoir, aux abords du Théâtre Daniel Sorano. Il faut présenter son carton d’invitation pour entrer dans la salle. La projection a débuté par un hommage appuyé en la mémoire du juge Moustapha Touré, le premier Doyen des juges d’instruction de l’histoire de la magistrature. C’est lui qui a instruit le dossier de Omar Diop. Et le film s’est achevé sous une salve d’applaudissements, à 20h 02 minutes précises. Fruit de 4 années de re-cherche, le film Omar Blondin Diop un révolté est essentiellement composé d’images d’archives et de vidéos récupérées de l’Institut national de l’audiovisuel de la France (Ina). A 31 ans, Djeydi Djigo dresse un portrait passionnant de Omar Blondin Diop dont la fougue et les idées continuent d’impressionner les jeunes sénégalais. Aujourd’hui, quarante-neuf ans après sa mort violente dans la geôle de l’île de Gorée à Dakar, Djeydi Djigo signe un film d’une grande intelligence esthétique, qui enquête sur la vie et les circonstances tragiques de la mort de ce jeune révolutionnaire des années Senghor.
Ce film visiblement bien apprécié, a plongé les spectateurs dans cette période durant laquelle, selon Ousmane Diop Blondin, membre de la famille de Omar, «le pays vivait sous le régime du parti unique avec une presse, une radio, une télévision publique sous contrôle». Une autre raison consécutive de ce qui précède, dit-il, «c’est que l’affaire Omar Blondin Diop peut être probablement considérée comme l’un des facteurs qui ont accéléré l’ouverture démocratique et l’avancée des libertés publiques au Sénégal». Dans ce long et inlassable travail de l’histoire à la recherche de la vérité des faits, «un homme aura joué un rôle discret mais souvent méconnu». Il s’agit du juge Moustapha Touré, indique le frère de Omar, Ousmane Diop Blondin. Alors, d’après son réalisateur, par devoir de mémoire et par devoir historique, on devait connaître la vérité sur ce drame. «L’objectif de ce documentaire, ce n’est plus de découvrir Omar, mais la réouverture du procès pour que la vérité soit rétablie», a expliqué Djeydi Djigo juste après la projection. Il existe assez d’éléments dans le documentaire qui prouvent que la thèse officielle est fausse et que finalement, la vérité doit être sue de tous, dit-il. Et ce documentaire plaide pour une ouverture du procès afin que la vérité soit rétablie, indique le réalisateur. Dans Omar Blondin Diop, un révolté, les témoignages historiques pourraient changer les choses. Ce film, selon son réalisateur, peut être perçu comme un médium pour que ce procès soit rouvert. Et signant ce documentaire engagé, cet essai filmique autour d’une comète politique, Djeydi Djigo entend bousculer l’histoire officielle. Il fait acte de courage. «Il existe assez d’éléments dans le documentaire, qui prouvent que la thèse officielle est une fausse thèse. Et le juge Touré l’a bien dit dans le film et tous les témoignages vont dans ce sens-là. J’espère qu’il y aura une réouverture du procès», a-t-il laissé entendre. A la fin de la projection, le public était partagé entre joie, tristesse et espoir.
Il y a 49 ans, était assassiné Oumar Blondin Diop…
Omar Blondin Diop est une étoile filante dont la trajectoire s’est s’arrêtée dans la geôle de Gorée, le 11 mai 1973. Les incohérences de la version officielle de l’Etat embrasent le pays. La population, en réaction, exprime sa colère. Le pays est au bord du chaos. Toute une Nation réclame la vérité. Mais qui était Omar ? Opposant à la politique «pro-occidentale» et «antipopulaire» du pouvoir de Léopold Sédar Senghor, Omar Blondin Diop est mort dans sa cellule, à la Prison centrale de Gorée où il avait été détenu depuis sa condamnation, à trois ans de réclusion, pour «atteinte à la sûreté de l’Etat», par un Tribunal spécial le 23 mars 1972. Sa photo trône aujourd’hui dans la salle du Musée historique de l’île de Gorée, qui fut à l’époque le Fort d’Estrées et servait de prison civile pour les détenus politiques. Omar Blondin Diop avait 26 ans lorsque l’administration pénitentiaire sénégalaise annonça son suicide par pendaison dans la nuit du 10 au 11 mai 1973. En 2013, un de ses frères cadet, le docteur Dialo Diop, a saisi la Justice sénégalaise pour une demande de réouverture du dossier, afin de faire la lumière sur ce drame. Toujours rien. Hélas ! Pour Ousmane Diop Blondin, la famille mène des investigations supplémentaires. Et il y a déjà, dit-il, des éléments qu’ils peuvent mettre à l’actif de la démarche pour la réouverture du procès. D’après Ousmane Diop Blondin, aujourd’hui, si on veut que la Justice sénégalaise soit crédible aux yeux de tout le monde, il ne faut pas laisser le dossier inachevé dans les couloirs et dans les tiroirs de la Justice. «Il faut qu’on accepte d’aller jusqu’au bout de la recherche de la vérité et pas s’arrêter au milieu de la rivière. Et là, on est au milieu de la rivière», a-t-il expliqué en marge de l’évènement.
«Quel gâchis que Omar ne soit plus là !»
Ce film est un sérieux et méthodique travail d’investigation qui a duré des années, avec peu de moyens. Mais il met en lumière différentes pistes possible, a révélé le frère de Omar. Depuis 1973, l’instruction est inachevée et ce n’est pas possible. «Quel gâchis que cet homme ne soit plus là ! Ce n’est pas parce que c’est mon frère que je dis ça. Mais c’est parce qu’ils sont nombreux dans les pays africains, des gens qui sont fauchés dans leur jeunesse comme Sankara. Omar était un homme de valeur», témoigne-t-il. Enfin, l’assistance aura appris de la projection du documentaire de Djeydi Djigo, que la vie est un combat. Et les idées servent à se battre. «Omar a perdu mais il n’a pas perdu devant l’histoire. Il a perdu devant un pouvoir d’une certaine époque. Et son combat reste juste aujourd’hui. Même s’il y a décalage de contexte, les grosses tendances de l’humanité n’ont pas changé. On est entrain toujours de jouer à la loi du plus fort et l’Afrique reste toujours dans la position du plus faible», déplore sur un ton émouvant Diop Blondin.
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SAARABAA : LA COVID-19 EXISTE, JE L’AI RENCONTRÉE
EXCLUSIF SENEPLUS - Abdoulaye Elimane Kane revient dans ce nouveau livre, sur son expérience avec le coronavirus dont il a souffert en février 2021, étant asthmatique. L'auteur évoque aussi les implications de la prise en charge médicale de la pandémie
SenePlus publie ci-dessous, les bonnes feuilles du nouveau livre d'Abdoulaye Elimane Kane, "Saarabaa. La Covid-19 existe, je l’ai rencontrée", récemment paru aux éditions L'Harmattan Sénégal. L'ancien ministre y relate son expérience d'asthmatique infecté par le virus en février 2021 et les implications de la lutte contre cette pandémie.
Préface
Djibril Samb, médaille d’argent de l’Académie française, Professeur émérite des universités, Grand-Croix de l’ordre du Mérite.
Abdoulaye Élimane Kane, professeur émérite des universités de son état, est un écrivain accompli qui s’est essayé à tous les genres littéraires, de l’essai au roman en passant par l’autobiographie et la littérature de jeunesse 1, entre autres. Il est donc rompu à toutes les techniques de l’écriture. L’on ne s’étonnera pas qu’aujourd’hui, avec ce nouveau livre, peu volumineux mais dense, intitulé : "Saarabaa. La Covid-19 existe, je l’ai rencontrée", il explore un genre particulier : le récit.
Le livre d’Abdoulaye Élimane Kane, en effet, est un récit au sens que retient, en première intention, la 9e édition du Dictionnaire de l’Académie française (sub verbo), suivant ses ipsissima uerba : « Relation, narration, orale ou écrite, d’un événement ». Qu’entend-on par événement, ici ? En seconde dénotation, cette fois, les Immortels définissent ainsi ce substantif : « Ce qui survient, ce qui arrive, en un temps et en un lieu déterminés ». Si l’on regarde la définition de l’événement par l’Académie, elle comporte trois composantes consistant en une substance « factuelle » et deux coordonnées, géométrique (un lieu) et physique (un temps). Le lecteur retiendra que, dans le sens précis où je l’entends, l’événement ne renvoie à rien de controuvé ni d’irréel.
1 Christian Chelebourg, Francis Maucoin, La littérature de jeunesse, Paris : Armand Colin, 2007, 126 p
Avant – propos
J’avais l’intention de prendre part à des initiatives très pertinentes concernant des témoignages sur la perception des différents aspects de la pandémie créés par la Covid-19. J’ai hésité entre plusieurs formules. Celles qui m’avaient le plus tenté étaient les suivantes. Broder sur une parole de la sagesse des Haalpulaaren que j’ai mise en exergue dans deux ouvrages portant en partie sur la maladie : « La santé est l’article premier de la prospérité. » Une telle approche m’aurait permis de puiser dans différentes sources de l’actualité médicale des arguments venant confirmer la pertinence de cette assertion. J’ai aussi été tenté de consacrer une telle contribution à l’application d’un autre aphorisme qui fait l’éloge de la médecine comme activité singulière parmi toutes celles qui concourent à réaliser un équilibre entre l’homme comme être biologique et son environnement social et naturel. C’est au philosophe et médecin Georges Canguilhem que nous devons cette assertion : « La médecine est un art au carrefour de plusieurs savoirs. »
Première partie
Le choc
La Covid-19 existe. Je l’ai rencontrée. Vivant avec une maladie chronique, l’asthme, depuis près de quarante ans, je suis un spécimen de ce que convoite la Covid-19 : les avis scientifiques n’ont cessé de faire savoir que ceux qui sont porteurs d’une comorbidité sont davantage susceptibles de souffrir de l’infection de ce virus. Aussi, prenant les précautions d’usage imposées par l’asthme tout en observant les mesures et gestes barrières, j’ai fait de mon mieux dès les premières annonces relatives à l’apparition de ce virus pour ne pas être vulnérable. Lorsqu’en début février 2021, j’ai ressenti les premiers symptômes de ce qui se révélera par la suite être une attaque du virus, le monde est depuis un an soumis à la loi de la Covid-19 qui n’a épargné aucun pays et a fait s’effondrer de nombreux pans de la vie économique, sociale et culturelle. Le virus est entré au Sénégal le 2 mars 2020 et le pays a enregistré son premier mort, Pape Diouf, le célèbre ancien administrateur de l’Olympique de Marseille, en fin mars.
L’Afrique est présentée dans les médias – et plus prudemment par l’OMS – comme le continent qui a le mieux résisté à cette pandémie alors que d’autres annonces faites au cours des premières semaines de l’apparition du virus faisaient craindre une hécatombe dans cette partie du monde. Le Sénégal est même cité dans le top des dix pays de notre Planète où il y a eu le moins de morts et où le système de santé a bien géré cette épidémie. Certains jours, on notait avec satisfaction zéro mort, et l’optimisme était de mise. Puis il y a eu cette seconde vague qui a tout remis en cause : recrudescence des cas de contamination, hausse du nombre d’hospitalisations, augmentation du nombre de décès même si, dans le même temps on note un nombre plus élevé de guérisons que de morts. Cette deuxième vague a commencé au Sénégal en début décembre 2020 et a duré quatre mois, y compris donc celui du mois de février 2021 au cours duquel j’ai senti les premiers symptômes de l’infection. Une troisième vague surviendra sans doute, voire une quatrième. Trois nuits de calvaire et besoin de comprendre C’est au cours de cette deuxième vague qu’un soir, vers 19 h, j’ai brusquement senti un refroidissement de tout le corps. J’ai pensé tout de suite à une grippe car il fait très froid en cette période à Dakar et la Cité où j’habite jouxte le lac du Technopole d’où nous parviennent de fréquentes rafales de vent.
Au cours de la période qui a précédé mon infection j’observais un régime alimentaire particulier et une hygiène de vie qui pouvaient expliquer cette nouvelle physionomie contrastant avec celle que j’ai longtemps affichée et plus conforme à l’idée qu’on se fait d’un asthmatique à vie. S’agissant justement de l’asthme, depuis un bon moment, je ne m’en plaignais plus ; je n’avais pas fait de visite médicale liée à une menace ou à un début de crise d’asthme depuis longtemps et il m’arrivait même d’oublier que j’ai toujours, par précaution, ma Ventoline par devers moi. Au cours de cette période de relatif bien-être, je monte les escaliers sans être essoufflé et chaque jour j’effectue à pied le tour de la Cité, où j’habite, pour une trentaine de minutes. En somme je suis bien dans ma peau, entouré par ma femme, mes enfants, leurs épouses et leurs enfants dans une ambiance chaleureuse. Comment ai-je été infecté, par qui, dans quelles circonstances ? Questions à nombreuses inconnues que beaucoup de patients infectés ont dû se poser. Passer en revue des hypothèses – la bonne vieille recette de Socrate / Platon pour chercher la vérité – est une méthode qui peut, à défaut de trouver la réponse, aider à circonscrire le champ des possibles.
Quatrième partie : réflexions sur les implications sociales, éthiques et épistémologiques de la lutte contre la Covid-19
Pour conforter cette position, il importe de l’examiner à la lumière d’une autre question rendue centrale par les conséquences des atermoiements, erreurs, tâtonnements et démissions liés à la soudaineté de la survenue de la pandémie, à la cécité et à l’imprévoyance de certaines politiques publiques : la santé doit-elle être la priorité des priorités ? J’ai, à ce propos, plus d’une fois cité un adage de ma langue maternelle, le Pulaar. L’aphorisme qui l’exprime porte une leçon de sagesse à méditer. Cet adage dit ceci : - « La santé est l’article premier de la prospérité. » : traduction non littérale. Sa traduction littérale est intéressante à mentionner : - « La santé est la fille aînée de la prospérité. » Le commentaire de ces deux versions est de nature à faire prendre conscience de la signification et de l’importance de la question qui nous occupe ici, à savoir si la santé est la priorité des priorités. Commençons par la traduction littérale : elle signifie que, de tout ce que la prospérité a produit, la santé est la première née. En conséquence : la prospérité d’abord, le reste ensuite avec la santé en tête. La première version (traduction non littérale) comporte une option nette pour une affirmation de la primauté absolue de la santé sur toutes autres questions, y compris la prospérité elle-même. Si la prospérité demeure le dénominateur commun de ces deux traductions, le statut accordé respectivement à la santé et à la prospérité dans l’ordre de préséance diffère d’une version à l’autre. Dans la version « littérale », la prospérité est la condition fondamentale de toute vie sociale bonne ; et la santé est élevée au rang de première bénéficiaire de cette manne qui la rend possible. Elle est la première née de la prospérité, elle n’a été possible qu’avec la prospérité du groupe même si elle occupe une place de choix. Dans la version non littérale la santé apparaît comme la condition de la prospérité. Elle est elle-même prospérité et métaphore de la prospérité car n’étant pas assimilable à un bien matériel au sens où l’on considère habituellement celle-ci : espèces sonnantes, biens immobiliers, objets en nature, bétail, etc. L’on comprend dès lors aisément que les tenants d’une conception techno-économiste du développement soient favorables à la version « littérale » et soient enclins à articuler des arguments visant à subordonner une politique de la santé à des conditions et résultats économiques. Nul ne peut nier que pour investir dans les domaines porteurs de croissance, de bien-être et de prospérité il est utile, voire nécessaire, que de la richesse soit produite. Et que des proportions variables de celle-ci soient affectées à différents secteurs en fonction de leur ordre de priorité. L’intérêt de la version non littérale, qui fait de la santé une priorité absolue réside en ceci : soutenir que sans la santé aucune perspective de prospérité ne peut être envisagée. La santé précède et conditionne le développement et donc la prospérité. Avec possibilité de répondre par ‘oui‘ à chacune des questions suivantes qui pourraient ruiner une telle thèse : - Même en cas de pauvreté ? Avant même qu’on ait des routes, des écoles, des maisons solides ? Et d’autres questions du même ordre. La radicalité d’une telle position n’est soutenable que parce qu’elle est la traduction d’un autre primat : la vie sur tout autre chose. Et dans cette notion de vie il y a certes le manger, le boire, l’habitat, les soins du corps, les loisirs, l’imaginaire et d’autres composantes du bien-être au sens large mais ces éléments énumérés sont, aussi, des composantes de la vie et de la santé. Cette position radicale est surtout une manière de rappeler les décideurs à leurs devoirs : on ne peut pas faire de la santé la parente pauvre d’une société qui aurait pour valeur première l’accumulation et le profit au bénéfice d’individualités ou de groupes privilégiés, situation qui condamne la majorité de la population à se « débrouiller » pour survivre ou à attendre que la prospérité des dits groupes dégage des excédents à distribuer à d’autres catégories de citoyens et à des secteurs jugés plus ou moins subalternes, dont celui de la santé.
Retour sur Saarabaa, une métaphore de la santé ? Dans ce récit, j’ai, à plusieurs reprises, fait mention de cette œuvre musicale, après avoir rappelé dans quelles circonstances malheureuses je l’ai découverte et comment elle a été présente dans mon esprit au cours d’un long mois d’hospitalisation. Tout au long de cette épreuve, j’ai été écartelé entre l’envie de connaître le sens de cet air devenu, malgré moi, un mantra et le souci de ne pas ajouter à l’anxiété d’un moral rythmé par entre des hauts et des bas. En cause : les deux sentiments contradictoires que ce mantra a fait naître en moi dans les différentes occurrences de son surgissement, tantôt la tristesse, tantôt une certaine forme d’entrain. C’est par conséquent cette ambivalence qui m’a amené, aux différentes étapes de mon traitement, à prendre la décision, dès que je recouvrerai la santé, de pousser plus avant mes investigations sur les différentes interprétations de cet air afin de tirer au clair ce qui pour moi est jusque-là resté une énigme : s’agit-il d’une œuvre exaltant la gloire du personnage désigné dans son titre ? Avons-nous plutôt à faire avec un chant de détresse ? Cette œuvre étant chantée en langue wolof, un idiome que je comprends et pratique couramment pour quelles raisons le sens des paroles ne m’a pas été accessible après avoir écouté, dans mon bureau, au cours de cette nuit de souffrance, les interprétations de Samba Diabaré Samb et d’un orchestre mauritanien ? Essentiellement pour la raison suivante : si le refrain « nañu dem Saarabaa, nañu ñibi Saaraba est transparent et immédiatement intelligible il n’en n’est pas de même pour les autres paroles. En effet les griots ont une élocution particulière et, étant des poètes ils usent d’un langage imagé, marqué par une tendance à l’emphase quasi permanente car la louange occupe une place centrale dans la pratique de leur métier d’artistes. Déjà, je me doutais bien que Saarabaa comme toponyme ne correspondant à aucune localité du Sénégal d’aujourd’hui : ce nom pourrait alors évoquer un village, une contrée, un royaume du passé, effacés de nos mémoires et conservés grâce à une technique de substitution au nom propre comme par exemple « La ville Lumière » pour dire Paris. D’où la nécessité de pousser plus avant cette investigation. Après ma sortie d’hôpital, j’ai tenu à observer la période de convalescence sans courir aucun risque de la perturber. Aussi n’ai-je pas ouvert mon bureau ni travaillé sur mon ordinateur pour procéder par moi-même à la recherche de ces informations complémentaires.
«SUNU DËKK» INAUGURE LA MAISON EIFFAGE
Baba Ly, Daouda Bâ, Gorgui Boye et Maodo Niang, accompagnés de Théodore Diouf, un maître de l’Ecole de Dakar, ont présenté Sunu Dëkk dans ce nouvel écrin dédié aux arts et à la culture.
La Maison Eiffage a servi de cadre d’expression à quatre artistes sénégalais. Baba Ly, Daouda Bâ, Gorgui Boye et Maodo Niang, accompagnés de Théodore Diouf, un maître de l’Ecole de Dakar, ont présenté Sunu Dëkk dans ce nouvel écrin dédié aux arts et à la culture.
A l’occasion de la 14e Biennale de l’art contemporain africain de Dakar, ces artistes sénégalais ont été choisis pour exposer leurs œuvres. «Nous avons sélectionné les artistes Maodo Niang, Daouda Bâ, Baba Ly et Gorgui Boye, ainsi qu’un ensemble d’œuvres appartenant à la Collection Eiffage, qui est composée de plus de 300 œuvres d’art de plus de 170 artistes sénégalais principalement et d’ailleurs», a informé Théo Petroni, commissaire de l’exposition. .
Ces artistes évoluent chacun dans un domaine bien précis. Daouda Bâ a fait un travail de recyclage avec des canettes de fruits qu’il a lui-même transformées pour créer des œuvres d’art. Une forme de lutte pour la protection de l’environnement. Baba Ly, un artiste plasticien du village des arts, s’est inspiré du Covid-19 pour créer ses œuvres. «J’ai travaillé sur une série qui s’appelle la métamorphose. C’est une remise en question par rapport à tout ce que l’on a vécu, subi pendant la pandémie du Covid-19», a-t-il expliqué.
C’est, pour lui, une manière de montrer les répercussions de la pandémie sur la vie des gens. Son exposition est aussi composée de tableaux qui parlent de la technologie et de son impact sur les êtres humains. «Ce vernissage permet de montrer qu’au Sénégal, il y a une histoire de l’art et des artistes», a dit Théo Petroni. En plus de cette exposition, quelques-unes des œuvres composant la Collection Eiffage ont été exposées. Il s’agit notamment de l’œuvre du maître sénégalais, Iba Ndiaye.
Et selon les dirigeants de l’entreprise, la Maison Eiffage est un projet mûri dans le but de disposer d’un lieu polyvalent, «destiné à faire rayonner la collection de l’entreprise auprès du public et à héberger des expositions temporaires».
Ainsi, des tableaux de tout genre, des bustes et des images, une maquette de ville, entre autres, sont quelques-unes des œuvres montrées dans la Maison Eiffage.
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CINÉMA, ON PEUT S'ATTAQUER À TOUS LES SUJETS...
Y-a-t-il des sens interdits en matière de production cinématographique au Sénégal? Peut-on traiter de tout sujet de société sans censure? Les sujets intimes peuvent-ils être abordés sans réprimandes? Les réponses de la productrice Kalista Sy.
Productrice de séries, dans le cadre du lancement de l’application Weerwi destinée au suivi des règles et au cycle menstruel, Kalista Sy assuré la réalisation de la web série Weerwi, très éducative pour les jeunes adolescentes.
En marge du lancement de l’application Weerwi, jeudi à Dakar, nous l’avons interviewée sur sa participation à ce projet. Selon elle, la question des règles ne doit pas être seulement une affaire des jeunes adolescentes ou de femmes tout court, mais ça doit être une question qui concerne aussi bien les hommes que les femmes et même les parents de manière générale.
Répondant sur le cinéma sénégalais, Kalista explique qu’il est en évolution avec de nouveaux regards. Pour la célèbre productrice, la meilleure manière de faire évoluer le cinéma sénégalais et africain, c’est que les Africains racontent leurs propres histoires africaines et sénégalaises.
Malgré la controverse suscitée par certains épisodes de « Maitresse d’un homme marié», sa fameuse série, Kalista Sy assure qu’il n’y a pas de sens interdit dans le cinéma, que l’on peut bel et bien s’attaquer à tous les sujets, mais tout est dans l’angle d’attaque.
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KEN BUGUL, BOUBACAR BORIS DIOP M'AVAIT VEXÉE...
Dans son échange sur le réalisme littéraire avec l'écrivain espagnol José Manuel Farjado, lors du Benengeli 2022, à l’Institut Cervantes de Dakar, Ken Bugul (Mariétou Mbaye), raconte pourquoi et comment elle s'est lancée dans l'écriture avec sa trilogie.
Dans son échange sur le réalisme littéraire avec l'écrivain espagnol José Manuel Farjado, lors du Benengeli 2022*, Ken Bugul, de son vrai nom Mariétou Mbaye, raconte comment elle s'est lancée dans l'écriture en dévoilant l'histoire à partir de laquelle son aventure d’écrivain a véritablement démarré. Elle précise aussi comment Boubacar Boris Diop y a participé peu ou prou.
C'est avec «La folie et la mort» que Ken Bugul s'est vraiment sentie en confiance pour poursuivre l'écriture et a décidé de poursuivre l'écriture. Elle signait d’ailleurs réellement son entrée dans la fiction parce que son aventure littéraire a commencé avec des romans autobiographiques.
Les premières publications de Ken Bugul sont une trilogie composée de «Le baobab fou», «Riwan ou le chemin de sable» et «Cendres et Braises». Selon elle, cette trilogie était écrite dans une démarche plutôt thérapeutique que dans un projet purement littéraire.
D’ailleurs après ces premières publications, la célèbre écrivaine voulait tout simplement ranger calepin et stylo, estimant avoir atteint son objectif, avoir réussi à se soigner. Partant, elle ne trouvait pas vraiment opportun de poursuivre l’aventure.
Mais par défi, elle reprend sa plume et elle publie « La folie et la mort» après avoir été titillée par Boubacar Boris Diop. En effet, sa trilogie avait été bien apprécié par ce dernier. Mais Ken Bugul l’a assuré qu’elle n’est pas écrivain et qu’elle prévoyait d’ailleurs d’arrêter.
Boubacar Boris Diop lui dit alors si elle préférerait aller acheter les ingrédients de cuisine à vendre plutôt qu’à s’investir dans l’écriture dont elle a déjà le talent. La romancière décidée alors de relever ce défi avec «La folie et la mort».
Après ce roman réaliste, elle s’est mise à fond dans l’écriture et n'a plus pensé à renoncer. Bien au contraire. Ken Bugul est à plus d’une dizaine de romans. «Le trio bleu» est son onzième livre et elle travaille sur son dernier ouvrage.
NB : *Benengeli est la semaine internationale des lettres du monde francophone.