Dakar, 13 sept (APS) – Le Fonds monétaire international (FMI), en raison de perspectives macroéconomiques ‘’difficiles’’ pour le Sénégal, prévoit maintenant une croissance du PIB réel de 6,0 % pour le pays à la fin de l’année, contre une estimation de 7,1 % faite en juin.
‘’Les perspectives macroéconomiques pour le reste de l’année 2024 restent difficiles. La croissance du PIB réel est désormais projetée à 6,0 %, une révision à la baisse par rapport à la prévision de 7,1 % de juin 2024’’, déclare l’institution financière dans un communiqué publié à la fin du séjour à Dakar de quelques-uns de ses fonctionnaires.
‘’La croissance du secteur non-hydrocarbures devrait ralentir à 3,3 %, contre une projection antérieure de 4,8 %’’, ajoute le FMI, concernant les raisons pour lesquelles il dit s’attendre maintenant à une croissance moins élevée que celle prévue en juin pour la fin de l’année.
Ses fonctionnaires affirment que l’inflation globale devrait atteindre en moyenne 1,5 % en glissement annuel.
Le déficit du compte courant devrait se réduire à 12,7 % du PIB, en raison du démarrage de la production d’hydrocarbures dans un contexte de performance modérée des exportations non-hydrocarbures, signale la mission du Fonds monétaire international.
Elle a relevé une ‘’absence de mesures budgétaires supplémentaires’’, à cause de laquelle ‘’le déficit devrait dépasser 7,5 % du PIB, bien au-delà des 3,9 % prévus dans le budget initial’’.
Au Sénégal, le FMI constate une baisse des recettes et une augmentation des dépenses en subventions énergétiques et en paiements d’intérêts. ‘’Par conséquent, la dette de l’administration centrale devrait rester supérieure au critère de convergence de l’UEMOA fixé à 70 %.’’
‘’En l’absence de mesures supplémentaires, atteindre l’objectif de déficit de l’UEMOA à 3 % du PIB en 2025 prendrait plus de temps que prévu initialement’’, préviennent les fonctionnaires du Fonds monétaire international.
‘’Dans ce contexte, ajoutent-ils, les autorités [sénégalaises] sont encouragées à mettre en œuvre des mesures fortes, notamment la rationalisation des exonérations fiscales et la suppression progressive des subventions énergétiques non ciblées et coûteuses.’’
Cette mesure devrait faciliter ‘’un retour rapide à l’objectif de déficit budgétaire et placer la dette publique sur une trajectoire résolument décroissante’’.
‘’En outre, des efforts supplémentaires sont nécessaires pour traiter l’accumulation d’impayés envers les entreprises privées, en particulier dans les secteurs de la construction et de l’énergie. Un inventaire de ces passifs devrait être réalisé et un plan d’apurement, avec un calendrier crédible et transparent, devrait être mis en place pour garantir une résolution dans des délais raisonnables’’, conseille l’institution financière aux pouvoirs publics sénégalais.
Elle estime que ‘’des efforts supplémentaires sont également nécessaires pour faire avancer le programme de réformes structurelles, notamment la révision de la formule de tarification des produits pétroliers, l’avancement du diagnostic des coûts de production de l’électricité, et l’amélioration de la viabilité financière de la société nationale d’électricité’’.
‘’S’agissant du secteur financier, le personnel du FMI se félicite des progrès réalisés dans la mise en œuvre de l’ensemble des mesures recommandées […] pour faciliter la sortie du pays de la ‘liste grise’’’, lit-on dans le communiqué.
Il affirme que ‘’les autorités [sénégalaises] ont réaffirmé leur engagement en faveur des réformes qui sous-tendent le programme appuyé par le FMI’’.
Le gouvernement sénégalais a ‘’également renouvelé [son] engagement pour la transparence, la bonne gouvernance et la responsabilité publique’’, en plus d’avoir assuré aux fonctionnaires du FMI qu’un ‘’audit général des finances publiques est en cours de finalisation’’.
Les membres de la mission du Fonds monétaire international disent avoir eu des ‘’discussions franches et constructives’’ avec les autorités du pays qu’ils ont rencontrées, dont le Premier ministre, Ousmane Sonko, le ministre de l’Économie, du Plan et de la Coopération, Abdourahmane Sarr, et leur collègue Cheikh Diba, chargé des Finances et du Budget.
par Mohamed Gueye
BESOIN URGENT DU NERF DE LA GUERRE
Avec des élections prévues le 17 novembre, le Sénégal s'engage dans une période d'incertitude budgétaire qui pourrait nuire à ses relations avec ses partenaires internationaux
Le président Bassirou Diomaye Faye, contre tout engagement présidentiel et malgré tous les risques, a décidé d’exécuter la commande de son Premier ministre. C’est, en effet, le chef du gouvernement qui, en réplique aux exigences des députés qui l’avaient contraint à une date pour faire sa Déclaration de politique générale (Dpg), avait annoncé que cela n’allait pas se faire. Ousmane Sonko avait même affirmé que «le 12 septembre, ces gens auront bien d’autres préoccupations que d’attendre une Dpg».
Les députés qui auraient eu des doutes sur la question, ont pu se rendre compte hier que le duo au sommet de l’Etat fonctionnait encore en parfaite harmonie. Pour le moment, la volonté du Premier ministre prime sur toute autre volonté, ou même sur les logiques économiques. Or, cela semble mener le pays vers une terrible impasse financière et économique. Le Président, en dissolvant l’Assemblée, a décidé de convoquer le corps électoral le 17 novembre pour l’élection d’une nouvelle chambre.
Il ne nous dit pas d’où il va tirer les moyens pour organiser les prochaines élections. La dernière chronique de Madiambal Diagne mettait déjà en garde : «Le Sénégal a raté ses échéances du mois de juillet dernier avec le Fmi, induisant un non-décaissement de la somme de 230 milliards de francs Cfa. Un autre décaissement en faveur du Sénégal, de 169 milliards, est prévu pour le mois de décembre 2024. Ces sommes sont indispensables pour le budget de l’Etat…» Or, cet argent du Fmi ne pourrait être débloqué, on l’a dit plusieurs fois ici, que sous certaines conditions. Madiambal Diagne l’a expliqué : «Le gouvernement n’a même pas encore adopté en Conseil des ministres, un projet de Loi de finances rectificative. C’est dire que si l’Assemblée nationale se trouve dissoute avant d’avoir fini de voter une Lfr, cette question, pomme de discorde majeure avec nos partenaires, ne sera pas réglée d’ici la fin de l’exercice budgétaire au 31 décembre 2024. En conséquence, la gestion budgétaire souffrira de lacunes, d’anachronismes et de carences qui vont rattraper l’exercice 2025.»
L’ancien directeur de la Solde, M. Charles-Emile Ciss, en a rajouté dans un texte publié en début de semaine, pour rappeler «l’urgence d’élaborer une Loi de finances rectificative permettant au gouvernement, conformément aux dispositions de la nouvelle Loi organique relative aux lois de Finances, de disposer d’une autorisation budgétaire couvrant les actes de dépenses initiés par ses membres (ministres, directeurs généraux, etc.).
Le second risque, non moins majeur en cas de dissolution, c’est que toutes ces opérations budgétaires présentes ou à venir (Budget 2024, Budget 2025) ne seraient pas légalement couvertes et le Sénégal plongerait dans une obscurité budgétaire inédite puisque l’Exécutif, en vertu du principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs, ne peut s’autoriser à percevoir des impôts et à dépenser.
En effet, la Constitution réserve cette compétence exclusivement au Parlement…»
Le Peuple sénégalais doit donc s’attendre à connaître une longue crise qui, si on n’y prend garde, va se prolonger durant l’année à venir. Et il faudra s’attendre à ce que ce hiatus dans la gestion du budget de l’Etat, et surtout la légèreté avec laquelle cette situation politique aura été conduite, ébranle les relations du Sénégal avec nos partenaires internationaux.
LE FMI PRÉCONISE DES MESURES FORTES POUR STABILISER LES FINANCES PUBLIQUES
Le Fonds monétaire international, après avoir constaté un ralentissement de l’activité économique, recommande aux autorités du pays de recourir à une suppression progressive des subventions énergétiques non-ciblées.
Le Fonds monétaire international (FMI), après avoir constaté un ralentissement de l’activité économique au Sénégal, dit s’attendre à des ‘’perspectives difficiles’’ pour le reste de l’année et recommande aux autorités du pays de recourir à ‘’des mesures fortes’’, dont une ‘’suppression progressive des subventions énergétiques non-ciblées et coûteuses’’.
‘’L’activité économique a ralenti au cours du premier semestre 2024, et les perspectives demeurent difficiles pour le reste de l’année’’, affirme l’institution financière sur son site Internet.
Ce constat a été fait par des fonctionnaires du FMI, qui ont séjourné au Sénégal pendant une semaine.
‘’La position budgétaire devrait se détériorer en raison d’une baisse des recettes et de l’augmentation des dépenses en subventions énergétiques et en paiements d’intérêts’’, prédisent les membres de la mission du Fonds monétaire international à la fin de leur séjour.
Ils recommandent au gouvernement sénégalais de prendre des ‘’mesures fortes, notamment la rationalisation des exonérations fiscales et la suppression progressive des subventions énergétiques non-ciblées et coûteuses’’.
De telles mesures ‘’sont nécessaires pour assurer un retour rapide à la cible de déficit de l’UEMOA et placer la dette publique sur une trajectoire résolument décroissante’’.
Les membres de la mission ont rencontré des autorités sénégalaises, dont le ministre des Finances et du Budget, Cheikh Diba.
Les personnalités avec lesquelles ils ont discuté ‘’ont réaffirmé leur engagement en faveur des réformes qui sous-tendent le programme appuyé par le FMI et se tiennent prêtes à prendre des mesures vigoureuses pour remettre les finances publiques sur une nouvelle trajectoire de réduction du déficit et de l’endettement public’’.
La mission de l’institution financière et les autorités locales ont poursuivi les discussions entamées en juin, concernant le programme économique sénégalais soutenu par des accords conclus par les deux parties dans le cadre du Mécanisme élargi de crédit du FMI, pour un montant d’environ 1,5 milliard de dollars américains, à peu près 887,4 milliards de francs CFA.
Le FMI rappelle qu’il entretient avec le Sénégal un programme de soutien à ‘’la résilience’’ et à ‘’la durabilité’’ de l’économie du pays, autour d’un budget d’environ 320 millions de dollars américains, quelque 189,3 milliards de francs CFA.
‘’L’économie sénégalaise a enregistré une croissance plus lente que prévue au cours du premier semestre de 2024. La croissance du produit intérieur brut réel s’est établie à 2,3 % au premier trimestre, et les indicateurs de conjoncture suggèrent un ralentissement similaire au deuxième trimestre’’, a relevé Edward Gemayel, le chef de la mission ayant séjourné au Sénégal.
M. Gemayel signale que ‘’ce ralentissement reflète une activité plus faible dans les secteurs minier, agro-industriel, de la construction et, dans une moindre mesure, du secteur primaire’’.
‘’L’inflation globale a ralenti pour atteindre une moyenne de 2,2 % en glissement annuel au premier semestre de l’année, sous l’effet de la baisse des prix internationaux des matières premières et d’une demande intérieure modérée’’, a indiqué le fonctionnaire du FMI.
Il constate que l’exécution budgétaire du Sénégal a révélé, à la fin du mois d’août, ‘’un manque à gagner significatif en termes de recettes, tandis que les dépenses sont restées globalement conformes aux prévisions’’.
‘’En conséquence, le déficit budgétaire s’est creusé et, en raison de la faiblesse des marges de liquidité, les autorités ont eu recours à des emprunts commerciaux externes coûteux à court terme’’, observe le Fonds monétaire international.
LE PARI RISQUÉ DE DIOMAYE
L'espoir d'une accalmie politique post-présidentielle s'envole. Le président, en dissolvant l'Assemblée, relance les tensions plutôt que de les apaiser. Cette décision, visant à protéger son Premier ministre, attise les braises politiques
La dissolution de l'Assemblée nationale était devenue un secret de Polichinelle. Et le président Bassirou Diomaye a acté cette décision hier lors de son adresse à la nation. Mais dans un contexte politico-social peu reluisant, surtout avec la recrudescence de l'émigration irrégulière, le président Bassirou Diomaye Faye ne prend-il pas un risque avec ces prochaines élections législatives prévues le 17 novembre prochain ?
Les querelles politiques sont loin visiblement de connaître leur épilogue au Sénégal. Et ceux qui, lassés par les années de plomb à cause des soubresauts politiques, pensaient tourner la page des polémiques électoralistes avec la dernière élection présidentielle, peuvent déchanter. Il leur reste une autre paire de manches si l'on se fie aux propos du président Bassirou Diomaye Faye qui a annoncé hier la dissolution de l'Assemblée ́nationale tout en fixant la date des élections législatives pour le 17 novembre prochain. Mais en voulant sauver son puissant Premier ministre Ousmane Sonko d'une DPG en queue de poisson voire d'un lynchage parlementaire de la part des députés de BBY, Bassirou Diomaye Faye prend certainement le risque d'organiser des élections législatives qui seront tout sauf une sinécure pour les nouveaux tenants du pouvoir. Loin s'en faut.
Parce que même si la coalition au pouvoir pense surfer sur l'euphorie de la victoire historique et éclatante de la dernière présidentielle, force est de dire que depuis, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts. Et à l'épreuve des rigueurs du pouvoir, le Pastef et son ''Projet'' essaient de trouver leur marque de manière plus ou moins poussive. Entre certaines sorties ratées, la dernière en date est celle du ministre de la Santé Ibrahima Sy, et l'affaire Cheikh Omar Diagne qui défraie la chronique, les premiers pas du régime n'ont pas été de tout repos. De même, si la jeunesse a participé fortement à l'élection de Bassirou Diomaye Faye, il faut dire que l'avènement de ce nouveau régime n'a pas calmé leur ardeur concernant l'émigration irrégulière qui connaît une recrudescence dans le pays. Et dans ce dédale, l'opposition ne rate aucune occasion pour tirer avec véhémence sur Diomaye, Sonko et compagnie.
La popularité d'Ousmane Sonko, le seul gage de réussite
Par ailleurs, le Pastef et ses alliés ne doivent leur ascension fulgurante et leurs dernières victoires électorales retentissantes qu'à la seule popularité de leur leader Ousmane Sonko. Un constat d'ailleurs largement partagé par le président Bassirou Diomaye Faye. Lors de son dernier face-à-face avec la presse, le chef de l'Etat a fait savoir à qui voulait l'entendre qu'il devait son élection à son actuel Premier ministre. Tous les analystes sont d'accord que c'est Ousmane Sonko qui a ''élu'' les maires et les députés.
Mais cette popularité suffira-t-elle à persuader les Sénégalais de leur donner la majorité parlementaire en novembre ? L'emblématique homme politique pourra-t-il encore embarquer les jeunes avec la même ferveur ? Les jours et les semaines qui viennent nous édifieront sur la question.
''Déminage'' impossible des bastions de BBY avec les législatives
Mais ce qui est sûr, c'est que les prochaines élections seront âprement disputées. D'autant qu'avec les contraintes des urgences, les nouveaux tenants du pouvoir n'ont pas le temps pour la politique et ne sont pas encore arrivés à ''déminer'' les bastions de l'ancien régime, même si le PM était en déplacement le week-end passé au cœur du ''titre foncier'' de Macky Sall, à Matam. L'ancien chef du gouvernement Amadou Ba, arrivé deuxième lors de la dernière élection présidentielle avec plus de 30%, n'a pas dit son dernier mot. Il compte lancer prochainement sa formation politique. D'autres figures politiques moins représentatives politiquement mais avec une assise médiatique comme Bougane Guèye Dany et Thierno Allassane Sall déclarent déjà la guerre au tandem Diomaye-Sonko. En attendant, la politique dicte toujours sa loi au Sénégal.
PAR Anta Babacar Ngom Diack
UN PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE NE RUSE PAS
Remise en cause de la valeur de la « parole présidentielle » et de la « signature présidentielle ». Les arguments avancés pour la dissolution de l'Assemblée cachent une tentative de consolidation d'un pouvoir sans partage
Mobilisons-nous pour imposer la cohabitation le 17 novembre 2024
Le président de la République, Bassirou Diomaye Faye, vient de dissoudre l'Assemblée nationale. Nous prenons acte de sa déclaration. Ce n'est pas une surprise. Mieux, c'est une décision qui était plus qu'attendue, compte tenu de la piètre qualité de cette législature depuis maintenant deux ans.
Si la légalité de l'acte posé par le président de la République ne souffre d'aucune contestation, la forme rompt de façon flagrante avec les principes d'éthique républicaine et d'élégance démocratique que nous sommes en droit d'attendre de la plus haute magistrature de notre pays.
Le précédent est dangereux et inquiétant. Il s'agit de la remise en cause de la valeur de la « parole présidentielle » et mieux de la « signature présidentielle ». Un président de la République ne ruse pas ! Les arguments avancés cachent maladroitement une tentative de consolidation d'un pouvoir sans partage, loin des aspirations de millions de Sénégalais qui avaient espéré un véritable renouveau démocratique. En votant à plus de 54%, nos compatriotes avaient choisi la rupture. Ce qu'ils récoltent aujourd'hui est une trahison de cette espérance, un retour aux calculs politiques que notre peuple a rejetés et combattus avec courage et détermination. On a envie de dire « Tout ça pour ça »!
Le vote d'une loi d'orientation budgétaire n'aurait de sens que s'il est adossé aux orientations d'une déclaration de politique générale. La suppression des fonds spéciaux de la présidence sonnerait plus fort comme signal de rationalisation du train de vie de l'État, en lieu et place de la dissolution du CESE et du HCCT, qui ne présente aucune urgence, surtout en l'absence d'une majorité parlementaire sécurisée. Les arguments évoqués pour la dissolution de l'Assemblée nationale voleraient beaucoup plus haut, si son Excellence Monsieur le président de la République s'était contenté de prendre ses responsabilités constitutionnelles sans verser dans le dilatoire et les calculs politiciens.
En choisissant la date du 17 novembre 2024, le chef de l'État a pris le minimum de ce que la loi lui conférait pour organiser des élections transparentes et apaisées. Mais malheureusement, là encore, la ruse politique a pris le dessus sur le compromis politique et le dialogue inclusif.
Ce qui s'est produit aujourd'hui est un signal d'alarme. Le moment est venu de dire "Non" à la dérive autoritaire en gestation. Les Sénégalais sont mis devant leurs responsabilités. La démocratie, pour être équilibrée et juste, doit être en mesure de s’autoréguler. C'est pourquoi l'Alternative pour la Relève Citoyenne appelle à la mobilisation sans précédent. Il nous incombe de barrer la route à ces manœuvres de force et de protéger nos institutions en imposant la cohabitation au régime actuel.
Le 17 novembre 2024, il ne s'agira pas simplement d'une élection. Il s'agira de l'avenir de notre démocratie. Il s'agira de dire que nous, citoyens sénégalais, refusons des pratiques qui mettent en péril nos acquis républicains. Mobilisons-nous pour un Sénégal où le pouvoir n'est plus un monopole, mais une responsabilité partagée, contrôlée et équilibrée !
Nous avons besoin de solutions concrètes, pas de manœuvres politiques. Le président évoque la souveraineté du peuple. Oui, la souveraineté appartient au peuple et elle ne doit pas être instrumentalisée pour justifier des calculs politiques.
Face à cette situation, nous, l'Alternative pour la Relève Citoyenne, tenons à réaffirmer notre détermination inébranlable à porter la voix du peuple à l'Assemblée nationale. L'État n'est pas un terrain de jeux, et il devient urgent de constituer une Alternative Responsable face à ce gouvernement, et ceci dans l'intérêt unique du peuple sénégalais.
Anta Babacar Ngom Diack est présidente d’ARC.
LE SENEGALAIS ABDOURAHMANE DIALLO CONFIRMÉ À LA TÊTE DU FSA
Nommé Directeur général par intérim après le décès en juin 2023 de son prédécesseur, le Malien Ahmadou Abdoulaye Diallo, le Sénégalais Abdourahmane Diallo a été confirmé au poste de Directeur général du Fonds de Solidarité Africain (FSA).
Nommé Directeur général par intérim après le décès en juin 2023 de son prédécesseur, le Malien Ahmadou Abdoulaye Diallo, le Sénégalais Abdourahmane Diallo a été confirmé au poste de Directeur général du Fonds de Solidarité Africain (FSA).
À l’issue d’un long processus d’appel à candidatures, de sélection et d’audition devant les administrateurs, notre compatriote Abdourahmane Diallo a été confirmé dans ses fonctions de Directeur général du Fonds de Solidarité Africain (FSA), selon un communiqué reçu hier, jeudi 12 septembre 2024. Le cadre sénégalais assurait l’intérim depuis le décès de son prédécesseur en juin 2023.
Pièce maîtresse du FSA au cours des dernières années en tant que Directeur central en charge des Finances, et numéro deux du Fonds, M. Diallo était responsable de la mobilisation des ressources et de l’élargissement de la base actionnariale du FSA. Il a été l’artisan principal de la certification du Fonds à la norme ISO 9001 Version 2015, et a conduit l’institution à une notation financière internationale. Le FSA bénéficie actuellement d’une notation Investment Grade, délivrée par Moody’s, ainsi que d’une notation régionale AAA (WU) attribuée par GCR West Africa, filiale de Moody’s.
Diplômé d’un Executive MBA de l’IAE Paris Sorbonne, d’un Master en Économie Internationale et Globalisation de l’Université Pierre Mendès France de Grenoble, et d’un Master en Finance et Ingénierie Financière, entre autres, Abdourahmane Diallo combine une solide formation académique avec une expérience reconnue dans les levées de fonds, l’ingénierie financière et l’organisation. Sa nomination à ce poste, qui illustre, s’il en était encore besoin, l’excellence de l’expertise sénégalaise au sein des institutions internationales, contribue ainsi au rayonnement de notre pays. Véritable outil d’intégration africaine, compte tenu de son envergure géographique (CEDEAO, CEEAC, COMESA et UMA), le Fonds de Solidarité Africain contribue de manière significative au développement économique et au progrès social dans ses États membres.
Le Fonds compte actuellement vingt-trois pays membres. Il est observateur à l’Union africaine (UA) et membre de l’Alliance des Institutions Financières Multilatérales Africaines (AAMFI), créée sous les auspices de l’UA pour jouer un rôle de catalyseur dans le développement économique durable et l’autonomie financière en Afrique. L’AAMFI regroupe notamment : la Société Financière Africaine (AFC), la Banque Africaine d’Import-Export (Afreximbank), le Fonds de Solidarité Africain (FSA), le Groupe de la Banque de Commerce et de Développement (TDB Group), la Société Africaine de Réassurance (Africa Re), l’Agence pour l’Assurance du Commerce et des Investissements en Afrique (ATIDI), la Banque de Développement Shelter Afrique (SHAFDB) et ZEP – RE (PTA Reinsurance Co.).
CETTE ANNEE, NOUS AVONS EU UNE CAMPAGNE CATASTROPHIQUE
D’année en année, les campagnes qui se succèdent deviennent de plus en plus mauvaises. Pis, celle de cette année a été «catastrophique», selon Mamou Gueye, vice-président de l’Interprofession du secteur
La filière mangue est aujourd’hui confrontée à d’énormes difficultés notamment le coût élevé de la production, la présence de la mouche qui contamine le produit, ainsi que la rude concurrence avec d’autres pays exportateurs. Du coup, d’année en année, les campagnes qui se succèdent deviennent de plus en plus mauvaises. Pis, celle de cette année a été «catastrophique», selon Mamou Gueye, vice-président de l’Interprofession mangue.
Le Sénégal est un grand producteur de mangues, avec trois grandes zones de production de mangues que sont notamment les Niayes, le Centre et le Sud. Ces sites regorgent d’énormes potentialités. Mais on assiste de plus en plus à une perte de vitesse au niveau de la filière. Pour cette année, la campagne d’exportation du produit a été très mauvaise. Ce qui a causé d’énormes pertes aussi bien aux producteurs qu’aux exportateurs. «Cette année, nous avons eu une campagne catastrophique, parce que la première génération de mangues est arrivée prématurément avec un lot de soucis. Il y avait la chute des mangues. Ce qui fait que la production n’était pas en grande quantité. Nous avons pu récolter ce qui était à point.
On a eu un décalage d’une vingtaine de jours pour reprendre la deuxième génération. Et cette deuxième génération est arrivée en abondance durant la saison des pluies, période où il y a une prolifération de la mouche des fruits. Ce fléau perturbe d’année en année les campagnes d’exportation», a expliqué Mamou Guèye, viceprésident de l’Interprofession mangue et président de la Plateforme d’innovation mangue zone des Niayes.
Cette situation a causé beaucoup de préjudices aux acteurs de la filière, car l’Union européenne, qui est le premier pays d’exportation de la mangue sénégalaise, a ses exigences. «Comme la mouche de la mangue est une mouche de quarantaine, une fois qu’une expédition arrive en Europe et qu’on trouve sur une mangue une piqûre, toute la cargaison sera détruite. Parce que les Européens évitent que cette mangue contamine les autres fruits. L’Union européenne a ses exigences par rapport au nombre d’intersections qui sont dues aux piqûres de mouches. Arrivés à un lot de 10 intersections, nous sommes au rouge. Avec la Direction de la protection des végétaux (Dpv) pour éviter que le Sénégal arrive à ce stade, dès qu’on accède au seuil de 10 intersections, on arrête la campagne. Cela se passe toujours au mois d’août qui est la période où la mangue arrive à un niveau très abondant», a-t-il indiqué.
Pour contourner toutes ces difficultés liées aux exigences de l’UE, les exportateurs ont ouvert une fenêtre avec le Maroc qui était moins exigeant par rapport à ces intersections. Malheureusement, cette année, cela n’a pas eu les effets escomptés à cause de la concurrence avec d’autres pays. «Presque les deux tiers de la production sont allés sur le Maroc et il y avait beaucoup de camions qui sont arrivés au Maroc. Mais la malchance que nous avons, c’est que l’Egypte et l’Espagne ont déversé beaucoup de mangues dans ce pays. Ils nous ont concurrencés. Ce qui a fait que notre campagne est arrêtée. Nous avons une bonne partie de la production sur les plantations. Des cargaisons sont restées dans nos chambres froides et nous étions obligés de vendre à perte», se désole M. Guèye.
Selon lui, la campagne de cette année n’a même pas atteint les 80 mille tonnes ; alors qu’elle a une fois atteint les 240 mille tonnes durant ces dernières années. «On s’attendait vraiment, cette année, à faire les 240 mille tonnes. La production et l’exploitation ont subi un revers catastrophique. Ce qui restait devrait pouvoir aller vers la transformation», a-t-il laissé entendre.
Seulement, a-t-il souligné, le Sénégal manque d’unités de transformation qui pouvaient capter la production non-exportée, parce que le marché local ne peut pas consommer toute cette quantité de mangues. «Personnellement, j’étais en train de tester un marché sur Dubaï. J’ai fait une expédition dans ce pays. C’est bien de tenter d’autres parts de marchés pour que, si l’Union européenne avec ses exigences freinent nos exportations, qu’on puisse entrer dans d’autres marchés», a confié Mamour Guèye. Pour garder la mangue au frais, des unités de conservation existent à Noflaye où il y a 5 compartiments que les exportateurs utilisent. Il y a un autre à Sangalkam. C’est au niveau de ces unités que le produit est traité et conservé, avant son expédition vers l’étranger.
UNE FILIÈRE EN PERTE DE VITESSE
Malgré son statut de premier produit horticole d'exportation, l'industrie de la mangue connaît des difficultés. Des exportations en baisse, une transformation encore artisanale et des défis logistiques freinent son essor
Au Sénégal, la mangue est le premier produit horticole d’exportation. Elle est l’un des fruits les plus consommés et une des filières les plus dynamiques du secteur horticole du Sénégal. La mangue enregistre annuellement une production qui se situe entre 150 000 à 200 000 tonnes ; ce qui équivaut à 65% de la production totale de fruits et légumes. Il reste néanmoins des opportunités à saisir pour améliorer la chaîne de valeur de la mangue et exploiter pleinement son potentiel économique dans la région.
L 'Afrique de l'Ouest reste la zone principale d'approvisionnement des pays européens en mangue, avec une production annuelle de mangues estimée à 1,4 million de tonnes. Cela représente environ 4% de la production mondiale, selon le Conseil de l’Afrique de l’Ouest et du Centre pour la recherche et le développement agricole. Cette proportion témoigne de l'importance de la culture de la mangue dans la région et de son potentiel économique. La mangue est un produit agricole essentiel pour l'économie de la région.
En plus de l'exportation, la mangue est également destinée à la consommation locale et joue ainsi un rôle essentiel dans la sécurité alimentaire et l'économie locale. De fait, la mangue occupe une place significative dans l'économie en tant que produit d'exportation, de consommation locale et de valeur ajoutée. Néanmoins, il reste des opportunités à saisir pour améliorer la chaîne de valeur de la mangue et exploiter pleinement son potentiel économique dans la région.
Au Sénégal, la mangue est le premier produit horticole d’exportation. Elle est l’un des fruits les plus consommés. Cependant, son potentiel de valorisation pour l’exportation et la transformation reste largement inexploité. La mangue fraiche du Sénégal se positionne de mieux en mieux dans les marchés internationaux. Elle est une des filières les plus dynamiques du secteur horticole du Sénégal. Elle enregistre annuellement une production qui se situe entre 150 000 à 200 000 tonnes ; ce qui équivaut à 65% de la production totale de fruits et légumes.
Les exportations de mangues, quant à elles, ont fait des bonds importants entre 1998 et 2021. Ainsi, de 288 tonnes, elles sont comprises maintenant entre 21 000 tonnes en année favorable à 13 000 tonnes pour une production totale de 200.000 tonnes. Ces exportations sont essentiellement destinées aux marchés de l’Union européenne (UE) : Allemagne, Pays-Bas, France, Belgique qui représentent 65% des exportations de la mangue sénégalaise. Ensuite, il y a les destinations sous régionales (Mauritanie, Ghana, Maroc) et enfin le Moyen-Orient (Dubaï). Malgré les nombreux efforts consentis, la filière est aujourd’hui confrontée à beaucoup de problèmes. En effet, chaque année, plusieurs milliers de tonnes de mangues sont perdues à cause des mauvaises pratiques agricoles, de l’absence de pistes de production, d’une logistique insuffisante et inappropriée, de l’insuffisance des infrastructures de collecte, de conditionnement et de transformation. Par ailleurs, la transformation de la mangue qui est assurée par de Petites et moyennes entreprises (PME), reste au stade secondaire et artisanal. Il y a aussi la mouche des fruits, la concurrence des fruits d’origine latino-américaine et le renforcement des normes phytosanitaires dans les pays importateurs qui constituent une barrière pour les exportations. Au Sénégal, les exportations de mangues se sont élevées à 12 000 tonnes au cours de la campagne 2023, selon les données officielles. Ce stock est en recul de 25% par rapport aux 16000 tonnes expédiées un an plus tôt. Donc, la filière est sur une pente descendante depuis le record de 24 581 tonnes de mangues expédiées sur le marché international en 2021. L’Union européenne est la principale destination pour les mangues sénégalaises. Mais surle marché du bloc économique, la concurrence est rude avec la forte présence des fournisseurs sud-américains comme le Brésil et le Pérou.
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FIN DE LA COHABITATION
Diomaye annonce la dissolution de l'Assemblée et fixe la date des nouvelles législatives au 17 novembre. Il dresse un réquisitoire contre la majorité parlementaire, l'accusant de saboter son action à travers une série d'obstructions
Le président Bassirou Diomaye Faye a frappé fort ce jeudi 12 septembre 2024, en annonçant la dissolution de l'Assemblée nationale. Dans un discours à la nation, le jeune chef d'État a justifié sa décision par une "obstruction systématique" de la majorité parlementaire, accusée de "ramer à contre-courant de la volonté populaire".
Il a évoqué une série de blocages : refus d'organiser le débat budgétaire, rejet d'une réforme constitutionnelle promise, et même "usurpation des prérogatives présidentielles". Pour lui, la cohabitation est devenue impossible avec une Assemblée qu'il qualifie de "dernier avatar bloquant du régime déchu".
Cette décision, prise en vertu de l'article 87 de la Constitution, marque un tournant dans la jeune présidence de Faye, élu en mars dernier sur un programme de rupture. De nouvelles élections législatives sont prévues le 17 novembre 2024
par Boubacar Boris Diop
ÉCHANGER POUR CHANGER LE MONDE
Il vaut mieux être alphabétisé dans sa langue que dans une langue d'emprunt. C'est ce que commandent le simple bon sens et un souci d'efficacité. Nos pays sont presque toujours beaucoup moins anglophones ou francophones qu'on le croit
L'alphabétisation, un droit fondamental et un pilier du progrès social. C'est le message fort que délivre l'écrivain sénégalais Boubacar Boris Diop lors de la Journée internationale de l'alphabétisation célébrée le 9 septembre 2023 à Yaoundé. Dans son discours publié ci-dessous, il explore les enjeux complexes de l'éducation en Afrique et dans le monde. Diop invite à repenser notre approche de l'apprentissage, en mettant l'accent sur l'importance des langues maternelles.
Il y a une certaine beauté, morale et philosophique, dans la tradition des ''Journées internationales'' et l'on ne peut que se féliciter de l'opportunité de dialogue que nous offre celle de ce 9 septembre 2024 à Yaoundé.
Qu'il me soit donc permis de vous dire à cette occasion ma fierté d'être partie prenante d'un exercice qui, au-delà de l'invite au vivre-ensemble, appelle à une méditation individuelle et collective sur le bon usage du savoir, sujet vital s'il en est. Cette pause réflexive des femmes et des hommes de bonne volonté, sans cesse renouvelée depuis bientôt soixante ans, nous permettra d'explorer les voies menant à une éducation universelle pouvant favoriser le dialogue entre les peuples et, ce faisant, la paix parmi toutes les nations de la terre.
Je ne peux résister à la tentation de partager avec vous, d'entrée de jeu, un souvenir de jeunesse qui m'est souvent revenu à l'esprit au cours des dernières semaines. J'appartiens à une génération d'intellectuels africains qui ne fut pas toujours très raisonnable, qui fut même souvent prompte dans les années 70 à prendre au mot les plus audacieuses utopies. Parmi celles-ci figurait en bonne place le rêve d'une société sans école. Nous faisions circuler entre nous pour en discuter avec passion le célèbre ouvrage d'Ivan Illich ainsi intitulé du reste. Il ne faut cependant pas se fier à son titre provocateur et d'une brutalité étudiée car pour Illich il s'agissait moins de se débarrasser de l'école que de la débarrasser de tout ce qui pourrait l'empêcher d'être accessible à tous. C'était une sorte de profession de foi démocratique au sens le plus fort du terme et l'essayiste autrichien nous glissait en quelque sorte à l'oreille l’idée qu'en révolutionnant les méthodes d'acquisition de la connaissance on en vient à révolutionner la nature même de cette connaissance ainsi que son impact social.
Mais aujourd'hui, avec des décennies de recul et pas mal de cheveux blancs, on a plutôt envie de relativiser le potentiel subversif de cette thèse qui se voulait, pour reprendre le mot du poète, un coup de feu en plein concert. C'est en effet une chose de se désoler à juste titre que les lieux d'apprentissage soient partout si désespérément fermés et une autre de donner l'impression de vouloir les dynamiter.
C'est précisément l'alphabétisation, par définition ouverte au grand nombre, qui aidera le mieux à forcer les portes de la citadelle réservée à une toute-puissante caste de lettrés. Voilà sans doute pourquoi, de John Kennedy à Nelson Mandela en passant par Koffi Annan, Amarty Sen et la jeune prix Nobel pakistanaise Malala Yousafzai, ils sont nombreux à avoir souligné que l'alphabétisation est un droit humain fondamental. Mais c'est peut-être Frederick Douglass qui en exprime le mieux l'importance lorsqu'il dit y voir "le fondement de la civilisation et le pilier de tout progrès social et économique." Douglass parlait assurément en connaissance de cause. À en croire son biographe David William Blight, le petit esclave de Baltimore, formellement interdit de lecture par ses maîtres, leur avait désobéi en cachette pendant des années et était devenu au final une des plus éminentes figures politiques de son époque et un immense orateur. Douglass a du reste sobrement résumé en 1845 son propre destin en une seule phrase : ''Education and slavery were incompatible with each other''. Ce constat du "prophète de la liberté" - dixit Blight - ne devrait-il pas s'appliquer à toutes les communautés humaines ? Je crois bien que pour nous tous la réponse va de soi.
Il est de fait difficile d'imaginer une société humaine véritablement éclairée sans une large circulation, à l'horizontale, des intelligences et du savoir. C'est elle qui permettra à chaque membre du groupe de développer une pensée critique, de participer pleinement à la vie civique et de mieux comprendre le monde qui l'entoure. Le temps est venu d'en finir avec l'approche réductrice dépeignant la personne alphabétisée comme un rescapé d'extrême justesse des ténèbres de l'ignorance quasi au soir de sa vie et qui, sachant au moins lire et écrire, devrait être bien content de ne pas mourir idiot.
En vérité il ne s'agit pas pour l'adulte en apprentissage d'ânonner des sons et de déchiffrer laborieusement des signes. Il s'agit de bien plus que cela.
En accédant à l'éducation les humains acquièrent non seulement des connaissances pratiques mais aussi la capacité de se remettre en question et de faire avec leurs semblables cette chose merveilleuse qui s'appelle échanger pour changer le monde. Voilà qui bâtit des ponts entre les peuples et les cultures et ouvre la voie vers un univers aux possibilités de progrès quasi infinies.
Que l'éducation soit un des principaux indicateurs du développement humain ne doit donc étonner personne. Les statistiques montrent que les taux d'alphabétisation élevés sont corrélés à une réduction de la pauvreté, à une amélioration de la santé publique et à une plus grande stabilité économique.
Mais comme bien souvent les statistiques, même parfaitement fiables, peuvent aisément fausser la lecture des situations. Dans le cas d'espèce, le risque de malentendu est dû au fait que le mot alphabétisation renvoie à des réalités différentes d'une aire de civilisation à une autre ou même plus globalement d'un continent à un autre. Si en Afrique les chiffres, tout en étant en constante amélioration, restent plus bas qu'ailleurs, c'est en raison des conflits, de la pauvreté, de la crise du système éducatif et des disparités aussi bien de genre qu'entre les villes et un monde rural trop facilement abandonné à son sort. En outre, les données et la dynamique en matière d'alphabétisation ne sont pas du tout les mêmes selon qu'on parle de l'Afrique du Nord ou de l'Afrique subsaharienne.
C'est parce qu'il mérite une attention particulière que je n'ai pas mentionné le problème linguistique parmi les obstacles à une éducation de masse réussie. Voici à ce propos la question essentielle et elle est toute simple : dans quelle langue l'Africain, enfant ou adulte, doit-il apprendre à lire et à écrire ? Beaucoup y répondent, avec l'agacement de ceux qui n'ont pas de temps à perdre, par une autre question : pourquoi pas en portugais, en anglais ou en français, langues certes non-africaines mais tout de même utilisées depuis toujours à l'école ?
À mon humble avis, ce n'est certainement pas aussi... simpliste.
L'exemple de Cheikh Anta Diop est une parfaite illustration de la complexité du sujet. Le linguiste sénégalais, d'habitude iconoclaste, reste assez consensuel lorsqu'il s'en tient à une analyse pour ainsi dire en surplomb : « Sans une éducation sérieuse, observe-t-il, aucune nation ne peut espérer atteindre le développement. L'alphabétisation est le fondement même de tout progrès. » Mais dès qu'il se focalise sur l'Afrique, le ton se fait plus militant pour ne pas dire plus martial et il écrit : « L'alphabétisation est un outil de libération, non seulement de l'individu, mais aussi de toute une communauté. C'est par l'éducation que nous pouvons comprendre notre histoire, notre culture et notre place dans le monde. »
Et voilà que, comme bien souvent, la réflexion sur un problème particulier concernant l'Afrique nous fait dériver lentement vers la lancinante question des langues nationales. C'est un point crucial qui ne cesse d'interpeller l'écrivain que je suis tout comme mes aînés et inspirateurs, Cheikh Anta Diop, que je viens de nommer, mais aussi Ngugi wa Thiong'o et Cheik Aliou Ndao.
Le temps qui m'est imparti ne me permet malheureusement pas de creuser davantage ce sujet pourtant crucial. J'aimerais juste formuler ici ce qui me paraît une évidence : il vaut mieux être alphabétisé dans sa langue que dans une langue d'emprunt. C'est ce que commandent le simple bon sens et un souci d'efficacité. Il ne s'agit pas là d'une position abstraite puisque toute mon existence a été faite d'allers-retours entre le wolof, ma langue maternelle et celle qui a été imposée à mon peuple par la conquête coloniale. J'ai été des années durant professeur de lettres françaises dans différents lycées du Sénégal puis de Wolof à l'université Gaston Berger de Saint-Louis ; après une production littéraire exclusivement en français voilà 20 ans que j'écris en wolof, cette dernière production incluant trois romans et la traduction de la pièce d'Aimé Césaire Une saison au Congo. Je crois donc pouvoir dire que l'être humain apprend et comprend infiniment mieux à partir de sa langue de vie, celle qu'il parle en société et dans le cercle familial. Et nos pays sont presque toujours beaucoup moins anglophones ou francophones qu'on le croit. Je ne connais pas les chiffres pour le Cameroun où nous nous trouvons aujourd'hui mais au Sénégal les chiffres de l'Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD) publiés en mai dernier sont sans équivoque : après des siècles d'utilisation obligatoire du français à l'école, seuls 0,6% de mes compatriotes s'en servent à l'heure actuelle au quotidien. Les classes-pilotes de l'Unesco où les cours sont dispensés dans les langues nationales, montrent bien du reste que votre institution a une claire conscience de tels enjeux. Ceux-ci sont éminemment culturels car le savoir ne saurait être acquis au prix d'une scission de son âme, au prix d'un écartèlement trop douloureux comme c'est si souvent le cas en pays dominé. De quel dialogue entre les peuples parle-t-on quand un des interlocuteurs n'a le choix qu'entre silence et bégaiement ? Cela revient à nier l'identité de l'Autre puisque comme le rappelle Ngugi wa Thiong'o "La langue, n'importe quelle langue, a une double nature : c'est à la fois un moyen de communication et un vecteur de culture.." Et l'auteur de Decolonizing the Mind de donner l'exemple de l'anglais, parlé en Grande-Bretagne, en Suède et au Danemark, notant toutefois que "pour les Danois et les Suédois, c'est seulement un moyen de communication avec les non-Scandinaves."
Dans l'idéal, l'échange que postule une alphabétisation universelle se doit d'aller bien plus profond que le seul commerce des mots, il doit nous rendre capables de découvrir les autres à partir de leur langue, de lire leurs histoires pour nous enrichir de leur perspective unique sur les êtres et les choses. On n'accède à la meilleure part de soi-même qu'en acceptant de voir le monde à travers les yeux de nos semblables de l'autre côté du miroir. Ainsi peut-on espérer vaincre la peur qui naît de l'ignorance et qui est le ferment des haines les plus irrationnelles.
En dépit des nombreux défis que nous connaissons tous, promouvoir l'alphabétisation à travers un système éducatif ambitieux, c'est investir dans la compréhension mutuelle et la paix. C'est poser un acte de foi en l'humanité et en notre capacité à susciter un monde plus harmonieux.