SenePlus | La Une | l'actualité, sport, politique et plus au Sénégal
2 décembre 2024
International
par l'éditorialiste de seneplus, pierre sané
LE PRÉSIDENT DOIT DEMANDER PARDON AU PEUPLE SÉNÉGALAIS
EXCLUSIF SENEPLUS - Il nous appartient de nous assurer qu’il nous organisera une élection sans « tricheries ». Ce qui demeure un défi majeur y compris le jour du scrutin. La vertu n’est pas une marque de fabrique de ce régime
Au Sénégal, on se dirigeait cahin-caha vers une élection présidentielle qui devait enfin clore un magistère heurté et en ouvrir un nouveau plus serein. Comme précédemment le processus électoral avait été marqué par les controverses habituelles liées au Code électoral, au fichier, à la participation d’Ousmane Sonko, au système de parrainage, etc. Rien de nouveau. Le président avait encore convoqué un dialogue visant à produire un accord porté ensuite par un projet de loi et un passage à l’Assemblée. S’étant enfin assuré de l’exclusion d’Ousmane Sonko, le président avait émis un décret convoquant le corps électoral à une date permettant l’investiture du nouveau président dans les délais constitutionnels. Le Conseil constitutionnel avait achevé son travail en validant 20 candidatures et en suscitant les mécontentements usuels. La campagne électorale pouvait enfin commencer, annonçant le début de la fin. Les Sénégalais, le peuple souverain attendaient patiemment ce rendez-vous de la délivrance.
Et puis patatras !
Le 3 février, le président nous annonce d’un ton péremptoire, en trois minutes et avec deux heures de retard, « J’annule tout ». Pourquoi ? A cause d’accusations de corruption épinglant deux membres du Conseil. La majorité parlementaire dans la précipitation en profita pour allonger la durée du mandat du président en lui servant son fameux « dessert.» Le tout en trois jours et en violation flagrante des dispositions intangibles, constitutionnelles.
L’incroyable légèreté des raisons avancées avec désinvolture et la mauvaise foi manifeste ont suscité un tollé général dans le pays ainsi qu’à l’international. La riposte s’est alors organisée autour d’un non massif et résolu. La répression est encore une fois violente avec un usage excessif de la force par la gendarmerie, causant la mort de trois jeunes sénégalais tués par balles réelles et s’ajoutant aux soixante victimes des répressions sanglantes de juin 2021 et mars 2023. Macky Sall s’est alors rendu compte qu’il s’était engouffré dans une impasse et a commencé a se chercher désespérément une porte de sortie. Comment se sort-on d’une voie sans issue ? Pourtant le panneau de sens interdit était clairement affiché !
Le Conseil constitutionnel s’étant ré-approprié ses compétences a statué que Macky Sall et sa majorité parlementaire avaient violé la Constitution du pays et le Conseil a procédé purement et simplement a l’annulation des textes soumis. Injonction ayant été donné à l’exécutif de poursuivre le processus électoral et d’organiser l’élection dans les délais permettant d’éviter une vacance dans l’exercice de la fonction présidentielle. Ce à quoi le président s’est engagé.
Va-t-il s’y tenir ? Il faut dire qu’il y a une rupture de confiance entre le peuple et son président. Faut-il le croire ?
Car la question qui interpelle, c’est pourquoi ? Pourquoi avoir crée cette crise dont les conséquences sont désastreuses ? En matière de vies perdues, de blessés, de nouvelles cohortes d’arrestations, de pertes économiques, de dysfonctionnements institutionnels, de dégringolade de la réputation internationale du Sénégal ? A deux mois de son départ de la tête du pays ?
Pourquoi ? Ignorance coupable de la Constitution ? Violation délibérée de notre pacte fondamental ? Assurance que le Conseil constitutionnel allait entériner cette forfaiture ? Peur obsessionnelle de perdre le pouvoir au profit d’une alternative populaire et déterminée ? Sans réponse à ces questions quelles garanties avons-nous que le président va se soumettre aux injonctions du Conseil constitutionnel ?
Il semblerait que le discours du 3 février ait été une réponse angoissée à la probabilité d’une victoire du candidat du Pastef. Contrairement à ce que disent certains, Macky Sall n’avait rien planifié, n’a rien anticipé et n’a pas de stratégie de sortie de crise. Il s’agite dans l’improvisation au jour le jour à la recherche de voies de contournement de la loi et des règles, et de pare-feux pour contrer les incendies qu’il a lui même allumés. C’est un homme sans convictions avec une prédilection pour les coups tordus, mais il reste affligé du handicap de l’incompétence. Le seul cap qui l’obnubile, c’est la conservation du pouvoir le plus longtemps possible et la main basse sur le pétrole. « Apaisement », « Dialogue », « Réconciliation » ne sont que des parades destinées à gagner du temps.
Va-t-il se résoudre maintenant à suivre le droit chemin en commençant par demander pardon aux familles de toutes ces victimes abattues par sa police ?
Il n’y a que deux possibilités pour une nouvelle date du scrutin : les dimanches du 3 mars ou du 10 mars. C’est un problème technique auquel les « services compétents » doivent s’atteler comme requis par le Conseil constitutionnel. Nul besoin de dialogue. Avait-il dialogué avant de convoquer le corps électoral initialement ? Avait-il dialogué avant d’annuler cette convocation ?
Le dialogue semble être “l’arme fatale”de Macky Sall.
L'Arme fatale (Lethal Weapon) est une comédie policière américaine réalisée par Richard Donner et sortie en 1987. C'est le premier opus d'une série de quatre films, poursuivie avec L'Arme fatale 2 (1989), L'Arme fatale 3 (1992) et L'Arme fatale 4 (1998). Même réalisateur, mêmes acteurs (Mel Gibson, Dani Glover) même histoire, même scénario, même épilogue. On s’en lasse ! D’ailleurs, un 5ème film initialement prévu en 2020 n’a toujours pas vu le jour. Ce qui sera probablement le sort du nouveau dialogue qu’on nous annonce.
Notre président s’inspire d’une comédie policière pour nous servir une comédie politique à répétition et de très mauvais goût. Car dans une démocratie, le dialogue est permanent et ne saurait être circonscrit à un événement circonstanciel au palais de la République. Le dialogue requiert une certaine disposition d’esprit fondée sur une culture démocratique, animé par une bonne foi réelle et une capacité d’écoute sincère. Attributs qui font cruellement défaut à notre président.
Comment convaincre le peuple qu’on est ouvert au dialogue lorsqu’on ferme la télévision Walfadjiri à sa guise et qu’on bâillonne les “sans voix”? Se privant ainsi de la possibilité de les entendre sans filtre ? Comment convaincre la classe politique lorsqu’on interdit l’accès à la télévision nationale de candidats validés pour l’enregistrement de leurs messages de campagne ? Ou lorsqu’on aboutit en prison pour un post Facebook comme le Secrétaire général du Pastef ?
Quelle est l’opportunité d’un dialogue après avoir pris une décision qu’il faut maintenant avaliser et où il s’agit en fait d’en gérer les conséquences ? Par ”consensus presidentiel” ? Qu’est-ce que ce dialogue fondamentalement asymétrique ou les conclusions sont portées au président pour décision selon son bon vouloir ? C’est quoi ce dialogue ou les communicants du pouvoir se sont immédiatement mis à caqueter : Sonko « inflexible » face à la « mansuétude » du président ?
Au Sénégal, on réprime violemment pour « préserver la paix », on gaze les manifestants pacifiques pour les amener à « dialoguer », on tue pour « contenir la violence », on libère des détenus innocents pour faire de la place pour de nouvelles cohortes de détenus tout aussi innocents et ce pour “apaiser” la situation. Une terminologie plus appropriée serait :”Otages”.
Au fond, le président appelle à un dialogue pour négocier une amnistie générale destinée bien sûr à couvrir ses propres crimes et ceux de ses complices. Encore faudrait-il qu’ils demandent pardon au préalable. Et que dire de sa dernière trouvaille, son appel immoral à l’armée ?
Quand Macky Sall s’essaie à la subtilité, sa balourdise naturelle reprend le dessus. La menace et le chantage sont tellement lumineux que tous les Sénégalais comprennent aussitôt. Il nous dit en français facile, soit vous acceptez mon décret d’annulation et de report, soit je remets les clés du palais à l’armée.
Nous Sénégalais propriétaires de ce pays, propriétaires du pétrole et du gaz, propriétaires de ce palais, propriétaires de ce mandat, n’avons pas notre mot à dire
Quelle outrecuidance ! Quelle morgue ! Quelle arrogance!
Il pense ainsi pouvoir réaliser son ambition déclarée de réduire l’opposition à sa plus simple expression en installant au moment de son départ un régime militaire pour parachever son obsession. De fait, il traite désormais tous les Sénégalais en ennemis, puisqu’ils se sont rangés majoritairement du côté de l’opposition
A-t-il renoncé ?
Ce président aura tout simplement été une calamité pour le Sénégal. Chaque fois qu’il commet une illégalité, il nous surprend encore en tombant plus bas. Et quand il atteint le fond, il continue à creuser tel un forcené. Et certains veulent aller dialoguer avec un homme qui déclenche un coup d’État et après aspire à le prolonger avec un putsch. Faire une passation de service volontaire avec un gradé de l’armée ? On aura tout vu.
Quand on est dans une impasse, il faut tout simplement admettre qu’on s’est trompé de chemin et faire demi-tour avant qu’il ne soit trop tard. Un président a le droit de faire preuve d’humilité et de demander pardon.
Mais je ne suis pas sûr qu’il pourra trouver cette disposition dans son fumeux“code d’honneur“ou ce qu’il en reste. Il nous appartient donc de lui imposer le chemin et de nous assurer qu’il nous organisera une élection sans « tricheries », ce qui demeure un défi majeur y compris le jour du scrutin. Car la vertu n’est pas une marque de fabrique de ce régime.
Le Conseil constitutionnel a indiqué la voie de sortie de l’impasse.
Par Dialo DIOP
QUI DONC A PEUR DU SUFFRAGE UNIVERSEL EN AFRIQUE ?
Tel un poing dans un gant de velours, Macky Sall appelle l’opposition véritable à un énième « dialogue national », tout en la réprimant férocement et en la menaçant aujourd’hui d’un possible coup d’Etat militaire (1/2)
Première partie : Senghor, père du système du parti-État
Tel est pris qui croyait prendre, dit la fable !
Ivre de son pouvoir absolu, le président sortant Macky Sall, usant et abusant de la force et de la ruse, est tombé dans son propre piège. Il est en effet passé maître dans l’art pervers de dire et de se dédire, de faire puis de défaire, de signer telle quelle la Charte de gouvernance démocratique des Assises Nationales comme candidat, avant d’y annexer des réserves fictives une fois installé au palais présidentiel, prétextant qu’il ne s’agit « ni de la Bible, ni du Coran », de se proclamer « gardien de la Constitution » tout en la foulant aux pieds chaque fois que de besoin, etc.
Sentant sa fin prochaine, voilà qu’il s’affiche désormais en apprenti-dictateur, évoluant ouvertement vers une dictature déclarée et assumée : tel un poing dans un gant de velours, il appelle l’opposition véritable à un énième « dialogue national », tout en la réprimant férocement et en la menaçant aujourd’hui d’un possible coup d’Etat militaire !
Mettant ainsi brutalement fin à la prétendue « exception sénégalaise » en Afrique, avec l’effondrement désormais évident de la vitrine trompeuse du tant vanté « modèle de stabilité démocratique », au terme d’une longue agonie de plus d’un demi-siècle…
Une rétrospective historique s’impose, même réduite à la seule dimension politico-électorale de la question démocratique en Afrique, avec le Sénégal pris pour « type de description »
Rappelons d’abord qu’au temps de la domination coloniale directe, le droit de vote était réservé à une minorité de « citoyens français » (dont une poignée d’autochtones et de métis), l’immense majorité des « sujets indigènes » en étant « légalement » exclue par le sinistre Code de l’Indigénat, qui ne sera aboli qu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale (1946).
Par la suite et jusqu’à la cascade des fausses indépendances octroyées, consécutives à l’unique et retentissant « Non » historique de Sékou Touré au pseudo-référendum de Charles de Gaulle (1958), c’est le régime hybride du « double collège » électoral qui va prévaloir.
Depuis lors, nous continuons à subir une domination indirecte de type néocolonial. Au sein de l’ancien empire français d’Afrique, le mode privilégié d’accession au pouvoir d’Etat, et de sa transmission, reste le modèle dévoyé d’Haïti, première république libre, c’est-à-dire non esclavagiste, des Amériques et de la Caraïbe (1804) : coups d’Etat à répétition, avec ou sans assassinat du président déchu, élections truquées et donc violentes, dictature du clan Duvalier (père et fils) avec ses milices armées (Tonton macoutes), trafics en tous genres, etc.
Signalons à titre de comparaison, qu’aux États-Unis d’Amérique, après l’abolition formelle de l’esclavage à la fin de la Guerre de Sécession (1865), les Africains déportés vont devoir poursuivre leur lutte d’émancipation durant un siècle supplémentaire avant d’arracher le droit de voter (1965), un an après l’obtention des droits civiques ayant mis fin à la ségrégation raciale dans les lieux publics ! Tandis qu’en France républicaine, le même droit de vote n’a été reconnu aux femmes qu’en 1947 !
Soulignons, par ailleurs, que le plus ancien mouvement africain de libération, l’ANC d’Afrique du Sud fondé en 1912, (avant la révolution bolchévique en Russie) fut le dernier à accéder au pouvoir en n’arrachant le droit de vote au régime d’apartheid afrikaner qu’en 1994 (après la désintégration de l’URSS) ! Un scrutin sans listes électorales ni carte d’électeur, qui s’est déroulé paisiblement dans l’ensemble du pays, sauf au Kwazulu Natal dont le chef Buthelezi s’est désespérément opposé au principe majoritaire du suffrage universel : une personne, une voix.
Pour en revenir au Sénégal officiel, chacun sait qu’après le « Oui » frauduleux lors du référendum gaulliste et l’éclatement provoqué de l’éphémère Fédération du Mali, le 20 août 1960, c’est l’élimination machiavélique de l’aile nationaliste du premier gouvernement de l’Union Progressiste Sénégalaise (UPS), incarnée par le Président du Conseil Mamadou Dia et celle de ses compagnons d’infortune, victimes du faux coup d’Etat du 17 décembre 1962, qui va faire basculer durablement le pays dans l’impasse du néocolonialisme senghorien.
Dès 1963 et dans la foulée du pseudo-référendum constitutionnel truqué, l’élection présidentielle senghorienne du 1er décembre va se solder par le massacre de centaines de citoyens par l’armée, à partir d’hélicoptères, aux Allées du Centenaire notamment…
Une tragédie occultée dans la mémoire collective, marquant pourtant l’avènement du système de Parti-Etat, qui perdure jusqu’à nos jours. Ce monolithisme politique va se doubler d’un monolithisme syndical, au lendemain de la grève générale des étudiants et des travailleurs de mai-juin 1968, sanctionnée par la dissolution de l’UNTS au profit de la CNTS, adepte de la « participation responsable ». Ainsi, ce que l’on pourrait appeler la première année blanche scolaire et universitaire au Sénégal date-t-elle de 1969. Mais, la persistance de cette crise politique, économique et sociale va contraindre le président Senghor d’abord à se doter d’un Premier Ministre (Abdou Diouf : 1970), puis à tolérer la création d’un parti non pas d’opposition, mais dit de « contribution » (PDS d’Abdoulaye Wade :1974). Il va, par contre, s’opposer jusqu’au bout à la reconnaissance du Rassemblement National Démocratique (RND) de Cheikh Anta Diop, de 1976 à 1981, n’hésitant pas à recourir à une « loi constitutionnelle » sur mesure, selon laquelle il n’existerait que trois courants de pensée politique dans le monde contemporain: le « socialisme démocratique» pour son propre parti devenu socialiste (PS), le « libéralisme démocratique » imposé au PDS Me Wade, qui se réclamait jusqu’alors du « travaillisme », et enfin le « marxisme-léninisme » proposé au RND.
Si Me Wade s’est plié à ce diktat idéologique, Cheikh Anta Diop s’y refusa catégoriquement, s’étonnant de l’absence du panafricanisme dans cette « nomenclature idéologique » ad hoc !
Tout au contraire, fort de son bon droit et récusant l’option de la clandestinité, il va poursuivre au grand jour l’édification d’un parti de masse. N’hésitant pas à interpeller le chef du parti-Etat par lettre ouverte ou à lancer le journal du RND, Siggi qui deviendra Taxaw, afin d’échapper à une interdiction pour faute d’orthographe ; ou bien à pétitionner massivement, à l’intérieur du pays comme à l’étranger, pour la légalisation du parti, ou encore à pousser à la fondation du premier Syndicat des Cultivateurs, Éleveurs et Maraîchers du Sénégal, qui fonctionne encore près d’un demi-siècle plus tard…
Par ailleurs, il convient de relever qu’avant sa démission pour prendre une retraite politico- administrative en France, le proconsul français Senghor a pris le soin d’installer au pouvoir son Premier Ministre Abdou Diouf, à la faveur d’une autre manipulation constitutionnelle par voie parlementaire, (article 35 ancien) lui permettant d’achever le mandat en cours…
Cependant, dès son accession au sommet de l’Etat, le successeur désigné fit mine de prendre le contrepied de son bienfaiteur. Notamment, en initiant une certaine ouverture du jeu politicosyndical et médiatique. Au-delà d’un multipartisme élargi, et non pas intégral, inauguré par la reconnaissance du RND, il va favoriser un pluralisme syndical ainsi qu’une relative liberté de la presse tant écrite qu’audio-visuelle, notamment à la radio-télévision d’Etat. Malgré ces avancées démocratiques limitées, cet héritier politique de Senghor va suivre ses pas pour l’essentiel ; d’abord en persistant dans la violation délibérée de l’article 32 ancien de la Constitution, qui interdisait le cumul des fonctions de chef de l’Etat et de chef de Parti : un « maa tey » fondamental, base même du système du Parti-Etat et source de tous les abus de pouvoir. Cette disposition légale restera néanmoins lettre morte jusqu’à la survenue de l’alternance en l’an 2000. Sauf que le nouveau président Wade, en bon politicien opportuniste, la contournera en supprimant purement et simplement cette incompatibilité dans sa Constitution de 2001 ! De plus, cette dernière, qui a institué le droit à la marche pacifique, sera par la suite annulée de facto, par l’interdiction de manifester au centre-ville de Dakar sur simple arrêté de son ministre de l’Intérieur du moment, Ousmane Ngom…
De même, l’on ne saurait passer sous silence la tragédie du 16 février 1994 qui, au terme d’un meeting légal tenu à Gibraltar sur demande du RND, dans le cadre de la Coordination des Forces Démocratiques (CFD), donnera lieu au massacre d’au moins une demi-douzaine de policiers innocents par des éléments infiltrés, au Triangle Sud : un crime de sang demeuré impuni à ce jour…
Enfin et surtout, après vingt ans au pouvoir, le président Abdou Diouf va solliciter un septennat supplémentaire, ce qui lui sera fatal à l’issue d’un second tour remporté par une coalition de coalitions de l’opposition au sein d’un « Front pour l’Alternance » (FAL 2000).
A l’image de son prédécesseur, il va s’offrir une retraite dorée en métropole, tous deux embrigadés au service de la « défense et de l’illustration » de la culture française !
Dès son avènement tardif, le prétendu « Pape du Soppi », d’emblée ivre de pouvoir, va réduire le changement promis au simple renouvellement partiel du personnel politicien dirigeant, tout en pratiquant sans aucune gêne une continuité aggravée dans sa politique tant intérieure qu’extérieure. Deux exemples suffisent pour en témoigner :
D’une part en début de mandat (2002), survient le naufrage du bateau le Joola, avec environ deux mille morts. Ce qui en fait la plus grande catastrophe de l’histoire de la marine marchande en temps de paix, quoique le navire fût sous commandement militaire…
Ce traumatisme massif a marqué la rupture du contrat de confiance qui, croyait-on, liait le père Wade à « son peuple ». En tout cas, une cassure brutale aggravée par la gestion calamiteuse des suites humaines et administratives de la tragédie, avec la tardiveté des secours, le refus de renflouer l’épave et surtout le traitement scandaleux réservé au rapport accablant de la commission d’enquête.
D’autre part en fin de mandat, cet adepte autoproclamé du « panafricanisme » va jeter le masque lors de l’agression tripartite franco-anglo-étatsunienne (OTAN) contre le chef de l’Etat libyen, Mouammar Kadhafi (2011). D’abord en sabotant la mise en œuvre de la résolution consensuelle du Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union Africaine en faveur d’une médiation entre belligérants libyens, ensuite et surtout en conduisant son infâme mission à Benghazi, accompagné de son fils Karim et sous escorte aérienne militaire française, avec une couverture en direct des radio-télévisions françaises…De ce fait, le père Wade aurait dû être traduit devant la Haute Cour de Justice pour flagrant délit de haute trahison de l’Afrique. Deux décennies plus tard, les peuples soudano-sahéliens continuent de payer un lourd tribut humain, économique et écologique pour cette forfaiture demeurée impunie.
Pourtant, ce n’est pas ce crime aux conséquences dévastatrices pour notre continent qui va coûter son trône au président Wade, mais plutôt sa tentative à peine voilée d’organiser une succession de type dynastique en faveur de son fils bien-aimé. Ceci, sous le couvert d’une énième manipulation de la Constitution via la Chambre d’enregistrement parlementaire.
Il aura fallu le soulèvement massif du peuple de Dakar et sa banlieue, un mémorable 23 juin 2011, autour de la bien nommée Place de Soweto (une fois n’est pas coutume !), où siège l’Assemblée nationale, pour le contraindre à renoncer à son projet de révision scélérate. Ce désaveu populaire du président sortant, briguant un troisième mandat inconstitutionnel, se verra confirmé quelques mois plus tard par une humiliante défaite électorale au second tour, face à une nouvelle coalition de coalitions qui, ironie de l’histoire, bénéficiera à un de ses anciens poulains, injustement banni !
L'UA ACTE L'EXCLUSION OFFICIELLE D'ISRAËL DE L'ORGANISATION
Israël n'est désormais plus le bienvenu à l'Union africaine. Après une expulsion mouvementée il y a un an et les critiques contre son offensive à Gaza, l'État hébreu se voit définitivement privé de son statut d'observateur
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 18/02/2024
Après des années de tensions, l'Union africaine (UA) a officiellement retiré son statut d'observateur à Israël lors de son sommet qui s'est tenu du 17 au 18 février 2024 à Addis-Abeba, en Éthiopie. Cette décision marque la fin d'un long débat sur la présence de l'État hébreu au sein de l'organisation panafricaine.
L'incident qui avait précipité ce retrait de statut s'était produit en février 2023. Une délégation israélienne avait alors été expulsée sans ménagement de l'Assemblée générale de l'UA alors que se tenaient les discussions entre chefs d'États africains. L'Afrique du Sud et l'Algérie s'opposaient fermement au statut d'observateur d'Israël. Cependant, la question n'avait pas été officiellement tranchée à l'époque.
Un an plus tard, le débat a été définitivement clos suite à l'opération militaire d'Israël dans la bande de Gaza en octobre 2023. "Le dossier concernant l’accréditation d’Israël est clos", a déclaré un haut cadre de l'UA cité par Le Monde. La porte-parole de la commission de l'UA, Ebba Kalondo, a précisé que "Israël n’est pas invité au sommet" . Après deux ans en tant qu'observateur, Israël se retrouve donc exclu de l'institution.
À l'inverse, l'Autorité palestinienne était au centre des discussions. Le Premier ministre palestinien Mohammad Shtayyeh, invité à la tribune, a reçu de longs applaudissements pour son discours sur la défense de la Palestine face au colonialisme. Les dirigeants africains présents ont vivement condamné les actions d'Israël à Gaza, qualifiées de "plus flagrante violation du droit humanitaire international" par le président de la Commission de l'UA, Moussa Faki Mahamat.
L'Afrique du Sud, à l'origine du dépôt d'une plainte contre Israël devant la Cour internationale de justice (CIJ) pour "génocide" contre les Palestiniens, a été félicitée. En janvier 2024, la CIJ a effectivement donné raison à Pretoria sur ce point, une victoire "célébrée" à l'UA selon la chercheuse Liesl Louw-Vaudran.
Toutefois, l'influence d'Israël sur le continent africain reste importante, fruit d'années de diplomatie intensive depuis les années 2010 selon Le Monde. Bien que banni formellement, des représentants israéliens ont encore été aperçus à Addis-Abeba pendant le sommet. Israël continue à entretenir des relations étroites avec de nombreux pays africains dans les domaines de la sécurité, du renseignement et de la défense.
DIOMAYE PRÉSIDENT EXIGE LE RESPECT DE L'ÉCHÉANCE PRÉSIDENTIELLE
La coalition veut une date de vote avant le mandat la fin du mandat de Macky Sall. Elle exige aussi plus de transparence et la libération de ses candidats emprisonnés
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 18/02/2024
La situation politique reste tendue après la décision du Conseil constitutionnel censurant le report des élections et annulant la révision constitutionnelle visant à prolonger le mandat du président Macky Sall. Dans un communiqué publié le 17 février, la coalition Diomaye Président dirigée par le candidat Bassirou Diomaye Diakhar Faye s'est fait l'écho des attentes du peuple sénégalais en matière de transparence et de respect du calendrier électoral.
Tout d'abord, la coalition a tenu à présenter ses "condoléances attristées au peuple sénégalais", faisant référence aux morts lors des récentes manifestations contre le report du scrutin. Elle a affirmé partager "la peine et la douleur que vivent tous nos compatriotes" dans ce "contexte douloureux".
Sur le fond, la coalition s'est félicité de la décision du Conseil constitutionnel qui, selon une citation du communiqué, "consolide nos acquis démocratiques et raffermit le pacte républicain remis en cause par le report illégal du scrutin". Elle a en particulier souligné l'annulation de la loi visant à prolonger le mandat du président et la confirmation que "la date de l'élection ne peut être reportée au-delà de la durée du mandat".
C'est pourquoi la coalition "exige le respect strict de cette échéance indépassable dans la détermination d'une nouvelle date du scrutin", qui devra donc se tenir "impérativement avant l'expiration du mandat du président de la République (le 2 avril)".
Elle a également appelé à "une plus grande transparence du processus électoral" à travers une "vérification accrue du fichier électoral et des mécanismes de surveillance et de supervision du vote". Le communiqué précise également que "tous les candidats doivent être soumis au principe constitutionnel de l'égalité de traitement", estimant que la libération du candidat Bassirou Diomaye Diakhar Faye est une "exigence populaire et respectueuse de la Constitution".
La coalition Diomaye Président a par ailleurs demandé la libération "urgente" d'Ousmane Sonko, leader de l'opposition, tout en se félicitant de celle des autres "détenus politiques". Elle a appelé à libérer les "prisonniers politiques encore injustement incarcérés".
Elle a enfin invité "les forces vives de la nation à rester vigilantes" et interpellé "la communauté internationale" afin de faire respecter par le gouvernement sénégalais "ses engagements internationaux" et les "droits fondamentaux des citoyens".
LE SOMBRE DIAGNOSTIC DE CLÔTURE DU SOMMET DE L'UNION AFRICAINE
Le 37e sommet de l'Union africaine, qui s'est achevé le 18 février à Addis-Abeba, a laissé transparaître de sérieuses inquiétudes quant à la déstabilisation croissante que connaît le continent
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 18/02/2024
Le 37e sommet de l'Union africaine, qui s'est achevé le 18 février à Addis-Abeba, a laissé transparaître de sérieuses inquiétudes quant à la déstabilisation croissante que connaît le continent, selon les propos tenus en clôture par l'ambassadeur Bankole Adeoye, Commissaire du Conseil paix et sécurité de l'organisation.
Comme le rapporte RFI dans son compte rendu, M. Adeoye a fait part des craintes exprimées par les chefs d'État et de gouvernement participant à ce sommet au sujet de la multiplication des putschs militaires en Afrique ces derniers mois. Il a notamment cité les six pays actuellement suspendus de l'UA pour ne plus respecter la voie démocratique : trois pays du Sahel (Mali, Burkina Faso, Guinée), le Gabon et le Soudan.
Le commissaire a rappelé la politique de "zéro-tolérance" adoptée par l'Assemblée face aux changements anticonstitutionnels de pouvoir, avec la suspension systématique des pays concernés. Il a également insisté sur le soutien apporté par l'UA aux processus de transition afin de restaurer l'ordre constitutionnel, via des programmes menés avec des partenaires comme le PNUD.
Tout en reconnaissant les défis, Bankole Adeoye a souligné les progrès accomplis sur la voie du renforcement démocratique, avec pas moins de 13 élections observées l'an dernier et 15 à venir cette année. Il a aussi mis en avant la nécessité d'opérationnaliser la Force africaine en attente pour intervenir dans les crises, ainsi que le rôle clé joué par le président angolais dans le dossier de la RDC.
En dépit de ces avancées, ce sommet a aussi montré les divisions persistantes entre nombre d'États membres sur certains des conflits évoqués. À l'heure où l'UA rejoint le G20, certains observateurs s'interrogent sur sa capacité à trouver des positions communes face aux enjeux sécuritaires du continent.
L'ASSEMBLÉE NATIONALE DÉNONCE UN REVIREMENT JURISPRUDENTIEL DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
Selon le parlement, l'annulation de la loi actant le report de la présidentielle constitue "une immixtion dans le domaine réservé du législatif" et "porte atteinte à la souveraineté du pouvoir constituant parlementaire"
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 18/02/2024
L'Assemblée nationale du Sénégal a vivement réagi à la décision rendue le 15 février dernier par le Conseil constitutionnel concernant le report de l'élection présidentielle. Dans un communiqué publié le 18 février, l'institution parlementaire dénonce "un revirement jurisprudentiel" de la part du juge constitutionnel.
En effet, par cette décision, le Conseil constitutionnel a déclaré inconstitutionnelle la loi portant dérogation à l'article 31 de la Constitution, adoptée à la majorité qualifiée par l'Assemblée nationale le 5 février. Cette loi visait à corriger les "nombreux dysfonctionnements" constatés dans le processus de validation des candidatures à la présidentielle, selon les termes du communiqué parlementaire.
Pour l'Assemblée nationale, la censure de cette loi constitutionnelle "remet en cause la souveraineté du pouvoir constituant de l'institution parlementaire".
Tout en prenant acte de la décision du juge constitutionnel, l'Assemblée nationale réaffirme son "attachement aux valeurs de démocratie et plus particulièrement à la séparation des pouvoirs", selon le communiqué.
LE SÉNÉGAL APPELÉ À PLUS D'EXEMPLARITÉ DÉMOCRATIQUE
"Pour avancer réellement, et accéder au statut de démocratie impeccable, dont il se flatte, le Sénégal devrait cesser de se comparer à son environnement francophone, pour se mesurer aux démocraties anglophones, lusophones du continent"
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 18/02/2024
Selon Jean-Baptiste Placca, éditorialiste à RFI, le Sénégal devrait s'inspirer des démocraties anglophones et lusophones d'Afrique, comme le Cap-Vert voisin, afin de faire progresser durablement son système démocratique.
Dans son éditorial du 17 février, il estime que "pour avancer réellement, et accéder au statut de démocratie impeccable, dont il se flatte, le Sénégal devrait cesser de se comparer à son environnement francophone, pour se mesurer aux démocraties anglophones, lusophones du continent".
Selon l'éditorialiste, la crise politique récente autour du report des élections a mis en lumière certaines faiblesses des institutions sénégalaises. "Peut-être n'ont-ils pas, en leurs institutions, la confiance qu'ils proclament", souligne-t-il, en questionnant la capacité du Conseil constitutionnel à s'imposer face au pouvoir exécutif.
Toutefois, la décision du Conseil constitutionnel invalidant le report du scrutin a "désamorcé la crise" et démontré, selon M. Placca, l'importance de disposer "d'institutions fortes", à l'image des démocraties anglophones et lusophones qui "respectent davantage les décisions de leurs juridictions suprêmes".
L'éditorialiste conclut en appelant le Sénégal à s'inspirer des "efforts" fournis par des pays comme le Cap-Vert pour parvenir à un système démocratique "impeccable". Une remise en question nécessaire selon lui pour renforcer durablement l'État de droit et la confiance des citoyens en leurs institutions.
PAR Ciré Clédor Ly
INQUIÉTUDES ET LIBRE OPINION D’UN MILITANT DES DROITS DE L'HOMME
EXCLUSIF SENEPLUS - Si aucune date n’est fixée pour le jour de l’élection, la situation sera davantage plus confuse et les effets pervers du coup d’Etat institutionnel avorté se feront sentir
Le Sénégal a été considéré comme le pays le plus stable en Afrique, en raison de ses valeurs républicaines et de son ancrage à la démocratie ainsi qu'à l'État de droit.
ous les régimes politiques qui se sont succédé ont pu conjurer les crises politiques, grâce à l'usage d'une violence d'État strictement proportionnée et nécessaire au rétablissement de l'ordre et de la sécurité publique.
Celui qui nommait aux emplois civils et militaires disposait de la force publique, mais avait toujours à l’esprit la primauté du droit, l’impérieuse nécessité du respect de l'équilibre des pouvoirs, la cohésion sociale dont le cousinage réel ou mythique était un socle garant de la paix et de la stabilité.
La paix et l’image du Sénégal étaient à leurs yeux inestimables ; la concertation, le dialogue national ou la médiation valaient leur pesant d'or et rétablissaient toujours une entente durable ainsi que la cohésion.
Malheureusement, le pays a sombré dans les bas-fonds d’une déchéance démocratique, de l’effondrement de l’État de droit, de la dégénérescence de l'ensemble de ses institutions,de la décadence culturelle et, jamais le peuple sénégalais n’a été victime d’autant de cruautés et d'atteintes aux libertés, dans Les libertés publiques et le droit à la justice, la liberté d’expression jusqu’à la liberté de penser, la liberté et le droit d'association, ont été confisqués par des hommes politiques et des magistrats ; le sang a coulé à flots pour la confiscation du pouvoir, une ligue des institutions ayant à n’en pas douter une unité de dessein s’est créée et renforcée, pour contenir le désir, le choix et l’aspiration des Sénégalais à une rupture et à un changement structurel.
L’appel au dialogue ne doit nullement occulter la face hideuse de Janus, et être une occasion pour continuer intelligemment de laisser la bride autour du cou d’innocentes victimes, avec des libertés provisoires en lieu et place de non-lieux qui restituent la dignité humaine et mettent fin à l'injustice collective parce que, vécue et ressentie par tous ceux qui, au Sénégal comme hors de nos frontières, ont suivi les événements douloureux.
Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a une fois de plus, raté son rendez-vous avec le peuple, lequel lui assigne le devoir de veiller sur le respect de la Constitution et des valeurs qu'il a lui même bien énoncées à l’Attendu 19 de sa décision 1/C/24, rendue le 15 février 2024, car l’attendu 20 suivant laisse un goût d’inachevé et une incertitude, qui ne pérennisent pas la relative stabilité observée par les citoyens depuis qu’il a été saisi de la question sous-jacente du respect du calendrier électoral.
La réponse à cette dernière question était pourtant tranchée et scellée, lorsque le Conseil a annulé la loi votée par l'Assemblée nationale et le décret abrogeant celui qui avait fixé la date des élections au 25 février 2024, car le décret d’abrogation disparaissait avec ses effets juridiques, et celui abrogé était désormais censé ne l’avoir jamais été.
Ainsi, vu l’intérêt majeur du contentieux qui lui était soumis, ainsi que ce qui pouvait être considéré comme une évidence à savoir que la loi votée par l'Assemblée nationale était incompatible et inconciliable avec d'autres dispositions de la Constitution et la sacralité de la disposition tripotée, le conseil Constitutionnel a aussi tardé à rendre sa décision, alors que l’hypothèse d’un second tour n’est pas exclue par la loi électorale, même si les Sénégalais ont massivement exprimé leur choix d’en finir avec le système actuel dès les premières heures du scrutin.
Si le scrutin est transparent et loyal, le Conseil constitutionnel n’aura probablement pas à proclamer les résultats définitifs au-delà du 2 avril 2024, ni à s’inquiéter d’un peu probable second tour.
Par ailleurs, le 20e attendu de la décision du Conseil constitutionnel est une boîte de Pandore. Si aucune date n’est fixée pour le jour de l’élection conformément aux lois en vigueur et pour la reprise à zéro de la campagne électorale le 25 février 2024, la situation sera davantage plus confuse, chaotique, et les effets pervers du coup d’Etat institutionnel avorté se feront sentir, sans compter le risque pour le nouveau président élu de ne pas présider la fête de l’indépendance du 4 avril 2024.
Les peuples mûrissent toujours des épreuves cruelles que leur font endurer ceux qui ont la charge et la mission de les servir. Ils apprennent de leurs erreurs dans le choix de leurs dirigeants politiques et le mode de désignation de leurs juges.
Ciré Cledor Ly est avocat à la Cour.
PAR Tierno Monénembo
ILS SONT DEVENUS FOUS
L'Afrique est à bout de souffle. Fomenter des coups d'État, tripatouiller les institutions ou saborder une organisation telle que la Cedeao par les temps qui courent revient à lui servir le verre du condamné
À Niamey, à Ouagadougou et à Bamako, les juntes au pouvoir quittent la Cedeao (pour aller où, mon Dieu ?) sans donner un préavis et sans même respecter le délai d'un an prescrit par la convention. À Conakry, le lieutenant-colonel Mamadi Doumbouya, récemment autoproclamé général d'armée (excusez du peu !), pourchasse les journalistes et les activistes de la société civile après avoir coupé à coups de ciseaux le réseau Internet.
Au Sénégal, Macky Sall reporte la présidentielle, initialement prévue ce 25 février, et s'offre un an de plus dans le but manifeste de ruser avec le tabou du troisième mandat.
À croire qu'ils se sont passé le mot : « Défonce le plafond et moi je brise le mur ! Et toi, mets le feu à la toiture pendant que cet autre pulvérise la véranda ! » La maison Afrique est en démolition et cette fois-ci, ce sont des Africains qui sont les maîtres d'œuvre de cette lamentable entreprise.
Double sacrilège
Ce qui se passe en ce moment équivaut à un double sacrilège. L'unité et la démocratie, ces deux belles causes que l'on croyait sinon sacrées, du moins, nobles, tombent du pinacle et sont foulés aux pieds par de jeunes aventuriers fougueux, sans légitimité, sans expérience. Inutile de relire Byden, Du Bois, Padmore, Gavey ou Nkrumah pour se convaincre que l'unité africaine n'est ni une utopie ni une coquetterie intellectuelle mais une nécessité vitale. Des micropays comme les nôtres n'ont aucune chance de survie dans le monde tel qu'il est. L'heure est aux mégapoles, aux méga-États, aux méganations. Aujourd'hui, un pays de moins de 100 millions d'habitants n'en est pas un. Cela, même les vieilles nations européennes qui sont pourtant des puissances économiques et militaires l'ont intégré dans leur logiciel, malgré les guerres séculaires qui les ont opposées naguère.
Assimi Goïta, Ibrahima Traoré et Abdourahamane Tiani ne manquent pas d'arguments pour justifier leur incroyable décision : ils fustigent la Françafrique, prônent la libération du continent et l'émancipation de l'homme noir. Seulement, n'est pas Sankara qui veut. Les Africains savent d'expérience que le vieux couplet révolutionnaire est à double tranchant : s'il enflamme la jeunesse, il favorise aussi la carrière des démagogues et des opportunistes.
C'est sûr que la Cedeao est loin d'être parfaite. Néanmoins non seulement elle a le mérite d'exister, mais elle est dans son rôle quand elle condamne les putschs. Nous devons la préserver même si beaucoup d'entre nous la prennent pour une coquille vide, jusqu'au jour où nous réussirons à y loger un contenu. On ne renie pas la case familiale sous le prétexte que sa toiture laisse passer l'eau de pluie, on la répare, on l'améliore, on la perfectionne.
L'indépendance réelle de l'Afrique est un devoir qui nous incombe, à tous, mais ne perdons pas de vue que la division est la plus sûre alliée de la domination étrangère. L'Afrique cessera d'être le jouet des grandes puissances le jour où elle gravera sur le front de ses édifices cette devise qu'elle aurait dû faire sienne aux premières heures de la décolonisation : « L'unité d'abord, le reste, après. »
Afrique cherche démocratie désespérément !
Quant à la démocratie, le bilan des régimes militaires et des partis uniques est suffisamment éloquent pour engager là-dessus un débat de sophistes. Si jamais elle était un luxe alors, nous devrions donner les yeux de la tête pour nous la payer et en finir une fois pour toutes avec le règne des présidents à vie et des maréchaux de pacotille. Par chance, elle ne l'est pas, c'est une demande universelle, c'est la pente naturelle de l'Histoire moderne.
Inutile de chercher loin, les malheurs de l'Afrique proviennent de deux manques, j'allais dire, stupéfiants : celui de l'unité et celui de la démocratie. L'Afrique est à bout de souffle. Fomenter des coups d'État, tripatouiller les institutions ou saborder une organisation telle que la Cedeao par les temps qui courent revient à lui servir le verre du condamné.
Le génie en politique, ce n'est pas de savoir ce qu'il faut faire, c'est de savoir ce qu'il ne faut pas faire.
8 MOIS APRÈS, LA CASAMANCE TOUJOURS COUPÉE DE DAKAR
Au port de Ziguinchor, « il n'y a plus d'activité, plus de mouvement ». La route et l'avion ne sont pas des alternatives viables économiquement. L'impact est énorme, de l'ordre de milliards de francs CFA
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 17/02/2024
À huit mois de la suspension des liaisons maritimes entre Dakar et Ziguinchor, décrétée en juin 2023 officiellement pour des «raisons de sécurité nationale» après des émeutes, la situation reste inchangée, au désespoir des habitants de la région du sud, rapporte un reportage de RFI réalisé sur place.
Au port de Ziguinchor, «il n'y a plus d'activité, plus de mouvement», témoigne le docker Lamine Diedhiou, qui vient chaque jour vérifier s'il y a du changement, en vain. «Quand je rentre à la maison le soir, ma femme et mes enfants me regardent, mais je n'ai plus de travail et donc plus d'argent», déplore-t-il.
Une situation également difficile pour Malamine Mané, président d'une entreprise de manutention portuaire. «En temps normal, on gérait le chargement et déchargement de produits agricoles comme le riz, le mil, l'anacarde ou la noix de cajou. On embauchait jusqu'à 300 personnes pendant la saison de l'anacarde. Aujourd'hui, c'est l'arrêt complet des activités», regrette-t-il.
Les pêcheurs sont aussi touchés, comme Kébé Samb qui voyait ses poissons et crevettes expédiés rapidement vers Dakar par bateau, mais doit désormais les vendre congelés sur place, avec des pertes financières.
La route et l'avion ne sont pas des alternatives viables économiquement, selon Jean Pascal Ehemba, président de la Chambre de commerce de Ziguinchor, interrogé par RFI. «L'impact est énorme, de l'ordre de milliards de francs CFA», estime-t-il, appelant l'Etat à soutenir la reprise des liaisons maritimes.
Lors de sa récente visite dans la région, le Premier ministre Amadou Ba avait annoncé une prochaine reprise des ferrys. Le commandant du port promet des travaux sur les bateaux et le chenal, mais sans date fixée. Les habitants de Ziguinchor croisent les doigts pour voir enfin le trafic reprendre et leur économie repartir.