SenePlus | La Une | l'actualité, sport, politique et plus au Sénégal
23 avril 2025
International
par l'éditorialiste de seneplus, tidiane sow
TROIS LEÇONS DE KASPAROV
EXCLUSIF SENEPLUS - Analyser les combinaisons possibles pour atteindre la finale de la CAN, c’est bien. Mais cela ne sert pas à grand-chose si on ne comprend pas qu’il faut remporter le prochain match. En l’occurrence, battre la Gambie lundi
Dans les années 2010, j’étais directeur technique d’IBM en Afrique du Sud. Je dirigeais le AIC (African Innovation Center), laboratoire où s’élaboraient et se testaient les technologies du futur. Nous organisions des Software Days, journées dédiées aux logiciels et ouvertes à nos clients et à tous les passionnés d’innovations technologiques.
En ces occasions, nous invitions de grandes personnalités mondiales à venir « étonner » notre public. Cela me permit de rencontrer de hauts personnages au contact desquels j’ai tiré plusieurs leçons de leadership.
C’est ainsi que j’ai pu rencontrer, entre autres : Al Gore, ancien vice-président des Etats-Unis, à Maropeng, berceau de l’humanité en Afrique du Sud ; Gary Bailey, ancien gardien de but de l’équipe de football de Manchester United à Johannesburg ; David Coulthard, ancien pilote de Formule 1 à Abou Dhabi et Garry Kasparov, ancien champion du monde d’échecs à Johannesburg.
Ces quatre, à titre divers, m’ont marqué de façon singulière. Ils avaient merveilleusement su transposer, les leçons de vie acquises dans leur champ professionnel, dans le contexte de l’innovation, du management et du leadership.
J’ai été particulièrement subjugué par Garry Kasparov, maitre mondial incontesté du jeu d’échecs pendant une quinzaine d’années. Capable de parler de pratiquement n’importe quel sujet avec une pertinence et un brio déconcertants, le personnage est d’une vivacité d’esprit fascinante.
Savoir repérer ses mauvaises prises de décision
Développer une stratégie, analyser les faiblesses de l’adversaire et gérer une crise sont les concepts fondamentaux dans le jeu d’échecs, nous dira-t-il. Si un joueur commet de façon répétée des mouvements de pions peu judicieux, cela relève souvent d’un domaine spécifique de faiblesse dans son système de décision en général. Il est alors courant que cette faiblesse s’observe également dans sa réalité quotidienne, en dehors des champs de jeu d’échecs.
Il nous surprit en nous demandant à quand remontait notre dernière mauvaise prise de décision. Chacun fouillait dans ses souvenirs pour remonter à des années en arrière. Erreur ! En réalité, cette action nous semblait lointaine, parce qu’une fois prises, nous jetions nos décisions au rebus et nous passions d’emblée à autre chose, répétant ainsi le même processus défectueux ayant conduit aux mêmes résultats désastreux. Ce fut la première leçon apprise de Kasparov.
C’est ainsi, qu’à mes clients en coaching joueurs d’échecs, je propose des parties, pour pouvoir ensuite analyser avec eux les séquences déployées. Cela nous permet, bien vite, de discerner leur capacité de décision.
Ne pas changer une stratégie qui marche par quelque chose qui convient à l’adversaire
Son jeu interminable qui le consacra champion du monde, lui permit de comprendre son propre jeu. Cette épreuve lui révéla non seulement ses propres faiblesses, mais aussi l’importance de les découvrir. Dans ce tournoi, son adversaire Karpov qui avait pris l‘avantage sur lui en imposant une agressivité typique de son jeu, changea de stratégie en cours de partie pour devenir plus prudent. Cette volte-face le perdit et lui permit, à lui Kasparov, de gagner le titre de champion du monde pour la première fois.
« Leçon : Quand on a établi une stratégie et qu’elle fonctionne, il ne faut pas la changer pour quelque chose qui convient à l’adversaire
Ce fut la deuxième leçon apprise de Kasparov.
En Juin 2021, le Pastef mit le pouvoir à genoux en occupant la rue. Au lieu de consolider son avantage, et maintenir cette attitude de victoire à tout prix qu’il avait toujours montrée, il changea de stratégie. Il écouta les chefs religieux et permit au pouvoir de revenir dans la partie. Macky fera un discours de circonstance, affirmera avoir compris la jeunesse et ... achètera des chars équipés de drones distributeurs de gaz lacrymogènes.
Tel Karpov, le Pastef devra apprendre de ses erreurs.
Je vois seulement le coup d’après, mais c’est toujours le bon coup
La troisième leçon relève d’une interrogation très actuelle à l’heure de l’intelligence artificielle.
Comparer « l’intelligence » de la machine qui réside en grande partie dans le calcul et celle de l’homme qui provient du sens.
Kasparov livra deux matchs [1] contre Deep Blue [2], une machine fabriquée par IBM. Kasparov remporta la première manche en 1996 [3].
Et en 1997, lors de l’édition revanche, la machine Deeper Blue remporta la victoire sur Kasparov [4].
Nous étions tous curieux de savoir les raisons de la défaite de Kasparov. Était-ce la puissance de calcul de la machine ou le « génie » d’une intelligence artificielle embarquée dans Deeper Blue ?
Kasparov était convaincu que certains coups effectués par Deeper Blue étaient l'œuvre d'un grand maitre humain. [5]
La question qu’on lui posa fut de savoir combien de coups d’avance il entrevoyait avant de déplacer un pion. L’arbre de décision augmente de façon géométrique et imaginer cinq coups d’avance équivalait à des millions de positions possibles. Je pensais que c’est dans ce domaine que la machine avait l’avantage sur lui.
Il nous étonna en nous expliquant que la puissance de calcul, la projection des coups à l’avance n’était pas ce qui créait un champion de jeu d’échecs. Selon lui, un ordinateur peut prendre en compte des milliers de coups à la seconde, mais ne saurait pas distinguer pourquoi un coup serait meilleur qu’un autre. Cette capacité d’évaluation échoit beaucoup plus à l’homme qu’à l’ordinateur.
Voir loin ne sert pas si vous ne comprenez pas ce que vous regardez.
Comme dirait J. R. Capablanca [6] : « Je vois seulement le coup d’après, mais c’est toujours le bon coup ». Telle fut la troisième leçon du maitre.
Analyser les combinaisons possibles pour atteindre la finale de la CAN, c’est bien, mais cela ne sert pas à grand-chose si on ne comprend pas qu’il faut remporter le prochain match (le coup d’après). En l’occurrence, battre la Gambie lundi prochain (le bon coup).
Allez les Lions !
Dr Tidiane Sow est coach en communication politique.
[2] IBM est familièrement appelé « Big Blue », le nom du supercalculateur a ensuite évolué en « Deep Blue » (Bleu profond) et « Deeper Blue » (Bleu plus profond) lors du match revanche
[3] Kasparov remporta le match contre Deep Blue par 4 à 2
[4]: Deeper Blue remporta le match contre Kasparov par 3,5 à 2,5
[5] Il s’avéra qu’il n’en fut rien. C’était un bogue dans le supercalculateur d’après les ingénieurs de IBM
[6] Jose Raul Capablanca : cubain, champion du monde d’échecs de 1921 à 1927
G. Kasparov et Dr Tidiane Sow, IBM software day, Johannesburg, May 2011
VIDEO
LES ÉLÉPHANTS LANCENT PARFAITEMENT LEUR CAN
Devant leur public au stade d'Ebimpé, les footballeurs ivoiriens sont idéalement lancés dans la compétition continentale. Grâce à des buts de Fofana et Krasso, ils se sont imposés 2-0 face aux modestes Djurtus bissau-guinéens
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 13/01/2024
La sélection ivoirienne de football a idéalement lancé sa Coupe d'Afrique des Nations 2023 en s'imposant 2-0 face à la Guinée-Bissau samedi lors du match d'ouverture organisé au stade d'Ebimpé à Abidjan, selon les informations rapportées par l'AFP.
"La Côte d'Ivoire a idéalement lancé le bal, dans un tournoi au cours duquel elle a l'ambition d'honorer son statut de favori pour tenter de décrocher une troisième étoile, après les victoires de 1992 et 2015, et de briser la malédiction de l'organisateur, qui n'a plus remporté la CAN depuis l’Égypte au Caire en 2006", indique l'agence de presse.
Les Ivoiriens ont rapidement pris les devants dans cette partie grâce à un but de Seko Fofana dès la 4e minute. Puis Jean-Philippe Krasso a scellé le score à la 58e minute. Malgré cette défaite, les "Djurtus" guinéen-bissauiens "ont pourtant bien résisté dans l'ensemble", souligne l'AFP.
Lors de la seule autre fois où la Côte d'Ivoire a accueilli la CAN, en 1984, "le tournoi avait viré au fiasco avec une élimination au premier tour", rappelle également l'agence.
D'après les propos rapportés par l'AFP du milieu ivoirien Franck Kessié, "une CAN à domicile cela représente beaucoup, on est tous conscient de ce qui nous attend, on a bien bossé". Le joueur de l'AC Milan a appelé les supporteurs ivoiriens "à être unis" dans leur soutien à l'équipe nationale.
Côté organisation, la Côte d'Ivoire ne a pas lésiné sur les moyens pour que cette 33e édition de la CAN soit "la plus belle", avec des investissements de l'ordre de 1,5 milliard de dollars selon l'AFP. Quelque 20 000 bénévoles, 17 000 membres des forces de l'ordre et 2 500 stadiers seront mobilisés durant le mois de compétition.
LA MAGIE DE LA CAN
Au-delà du terrain, la Coupe d'Afrique des Nations qui s'ouvre en Côte d'Ivoire ce samedi, a des vertus continentales insoupçonnées. En réunissant près d'un Africain sur deux, elle célèbre une Afrique unie dans sa diversité
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 13/01/2024
Chaque deux ans, la Coupe d'Afrique des Nations (CAN) rassemble les foules à travers le continent. Plus qu'une compétition footballistique, cette grand-messe du ballon rond joue un rôle social et politique majeur en Afrique, comme le souligne Jean-Baptiste Placca, rédacteur en chef de RFI, dans son éditorial du 13 janvier.
En effet, pour de nombreux supporters, assister à la CAN dans le pays hôte est souvent "l'unique occasion de découvrir ce pays et quelques réalités de l'Afrique", observe le journaliste. Peu d'Africains ont les moyens de voyager sur leur continent, aussi vastes que divers. La CAN offre cette chance inestimable de sortir de son "bantoustan" et d'échanger avec les autres peuples africains.
Mais au-delà des voyageurs, la CAN rassemble des millions de téléspectateurs à travers 24 sélections nationales. Son audience fait d'elle "l'événement qui mobilise le plus sur le continent", plus encore que la politique. Orchestratrice de ces moments de "communion", elle apporte à des sociétés parfois meurtries par les conflits intercommunautaires un brin de "bonheur simple".
Car sur les terrains aussi, la CAN célèbre l'unité retrouvée. Jamais une équipe nationale n'a exclu tel ou tel groupe ethnique, souligne J-B Placca. Bien au contraire, les "onze titulaires" rassemblent sous le maillot national des joueurs de toutes origines. Cette mixité des effectifs, garante du succès sur le terrain, illustre en creux la cohésion que le football parvient souvent seul à établir entre des communautés divisées par ailleurs.
Certes, les dirigeants politiques tentent parfois d'instrumentaliser l'événement à leur gloire. Mais accueillir la CAN demeure "l'occasion pour chaque pays de mettre en valeur sa diversité" auprès du reste du continent, estime le rédacteur en chef. Une opportunité que même les régimes les plus autoritaires ne peuvent s'empêcher de saisir, conscients de l'impact diplomatique, économique et touristique d'un tel événement.
L'anecdote révélatrice d'un homme d'affaires ouest-africain, découvrant dans les années 1990 la Côte d'Ivoire prospère alors que son propre pays stagnait, illustre parfaitement le rôle de la CAN comme révélateur des réalités contrastées d'un continent trop méconnu de ses propres habitants. Fédératrice des peuples, célébration de la diversité africaine, la CAN incarne ainsi bien plus qu'un simple tournoi sportif.
Avec sa dimension humaine et symbolique, elle demeure, aux yeux de nombreux observateurs comme Jean-Baptiste Placca, la manifestation la plus représentative d'une Afrique unie dans sa diversité.
ISRAËL BOUSCULE L'UNITÉ AFRICAINE
Longtemps unanime dans son soutien à la Palestine, l'Afrique se fissure sous les coups de boutoir de la diplomatie israélienne. Expertise économique, technologies militaires, pressions religieuses: les marges de manœuvre de Tel-Aviv se sont élargies
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 12/01/2024
Depuis plusieurs décennies, Israël mène une offensive diplomatique soutenue pour rétablir et renforcer ses liens avec les pays africains, après la rupture des années 1970 suite à la guerre du Kippour. Si cette politique a déjà porté certains fruits d'un point de vue économique et sécuritaire, elle sème aussi la discorde sur le continent concernant la question palestinienne. En s'appuyant sur des informations fournies par le site d'information en ligne XXL, cet article propose d'analyser l'impact de l'offensive israélienne et les risques qu'elle fait peser sur l'unité historique de la politique étrangère africaine sur ce dossier.
Dès les années 1950 et 1960, profitant de l'accession à l'indépendance des nouveaux États africains, Israël s'était lancé dans une politique de "diplomatie périphérique" visant à étendre son influence sur le continent. "Guidé par sa « doctrine de diplomatie périphérique », axée sur le développement de liens étroits avec les pays musulmans non arabes, Israël a immédiatement commencé à courtiser les dirigeants des nouveaux États en envoyant des experts dans les domaines de la technique, de l’éducation, de la construction et de l’agriculture, issus du Centre de coopération internationale du ministère des Affaires étrangères", rapporte XXL. Cette stratégie a porté ses fruits puisque, selon le site, "très peu d’États africains peuvent prétendre ne pas devoir leur développement post-indépendance à la contribution de l’aide et de l’expertise israéliennes dans différents domaines".
Toutefois, la guerre des Six Jours en 1967 a fait basculer la majorité des pays africains dans le camp adverse, choqués par le traitement réservé aux Palestiniens. Mais depuis les années 1980, Israël a redoublé d'efforts pour renouer le dialogue. S'appuyant sur une diplomatie combinant aide économique et sécuritaire, Tel-Aviv est parvenu à rétablir des liens officiels avec 39 pays africains à la fin des années 1990.
Ces dernières années, l'offensive d'Israël s'est encore intensifiée sous l'égide du Premier ministre Benyamin Netanyahu. Comme le souligne XXL, sa politique africaine repose sur le commerce, l'aide au développement et le renforcement des capacités de défense, via la fourniture massive d'armements. Or, c'est précisément sur ce dernier point que les critiques sont les plus vives. En effet, "les technologies militaires israéliennes pour la surveillance, la collecte de données et la cyberguerre font office de véritable aimant pour les États africains", constate XXL. Le site fait notamment référence au controversé logiciel espion Pegasus, vendu à de nombreux régimes du continent et utilisé contre l'opposition.
Par ailleurs, l'influence croissante du christianisme évangélique pentecôtiste en Afrique, "un soutien solide du sionisme" selon le site, a permis à Israël de gagner en popularité auprès des opinions publiques. Au Nigeria par exemple, les évangéliques "ont formé un bloc électoral important" favorable à Tel-Aviv.
Résultat, entre les dividendes économiques et sécuritaires tirés de cette coopération d'un côté, et les pressions religieuses et idéologiques de l'autre, l'offensive israélienne a réussi à faire évoluer les positions de nombreux États africains sur le conflit israélo-palestinien. Comme le note XXL, trois camps se sont aujourd'hui formés sur le continent : pro-israélien, pro-palestinien et non-aligné.
Cette polarisation grandissante, à rebours de l'unité traditionnelle de vues africaines sur cette question, menace l'intégrité de l'Union africaine selon le site. En divisant les États membres, l'influence croissante d'Israël fragilise la défense des valeurs fondatrices du continent relatives au droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Reste à savoir si cette tendance sera durable ou si l'Afrique saura préserver sa cohésion sur ce dossier stratégique à l'avenir.
L'AMBIANCE À J-1 DE L'OUVERTURE DE LA CAN
Le plus grand tournoi du football africain, démarre samedi en Côte d’Ivoire. Le pays hôte, qui attend jusqu'à 1,5 million de visiteurs, se dit prêt. De quoi réjouir de nombreux Africains sur un continent réputé pour sa ferveur autour du ballon rond
Le plus grand tournoi du football africain, démarre samedi en Côte d’Ivoire. Le pays hôte, qui attend jusqu'à 1,5 million de visiteurs, se dit prêt. De quoi réjouir de nombreux Africains sur un continent réputé pour sa ferveur autour du ballon rond.
TROIS HUMANITAIRES ENLEVÉS DANS LE NORD DU CAMEROUN
De nationalité camerounaise et basés à Maroua, ces trois employés de l'ONG Première Urgence Internationale (PUI) ont été enlevés mercredi à Yémé, dans la région de l'Extrême-Nord du Cameroun.
Trois humanitaires de l'ONG Première Urgence Internationale (PUI) ont été enlevés mercredi à Yémé, dans la région de l'Extrême-Nord du Cameroun, a-t-on appris jeudi auprès de l'organisation.
"Première Urgence Internationale confirme à son grand regret que trois personnes de son équipe ont été enlevées dans l'Extrême-Nord du Cameroun", a précisé l'ONG dans un courriel transmis jeudi à l'AFP. Les trois employés kidnappés sont de nationalité camerounaise et basés à Maroua, dans l'une des trois antennes de l'ONG dans le pays.
"Nos équipes étaient en déploiement dans la zone de Kossa, dans le village de Yémé, dans le cadre d'activités de sécurité alimentaire et de lutte contre la malnutrition" lorsque le rapt a eu lieu, a précisé Anne-Gaëlle Bril, responsable géographique pour le Cameroun de PUI, une ONG française.
Invoquant des raisons de sécurité, elle n'a pas souhaité donner plus de détails sur les circonstances de l'incident.
Les équipes de l'organisation effectuent régulièrement des déplacements sans escorte de sécurité, conformément "aux valeurs du mouvement humanitaire dans son ensemble, notamment de neutralité et d'indépendance", a-t-elle ajouté.
L'organisation est implantée depuis 2008 au Cameroun et a pour mission de répondre aux besoins sanitaires, alimentaires et éducatifs des populations affectées par les attaques armées.
Depuis 2009, le groupe islamiste Boko Haram et sa faction rivale l'Etat islamique en Afrique de l'Ouest (ISWAP) opèrent dans cette région du pays située à la frontière avec le Nigeria, le Tchad et le Niger.
En février 2022, cinq employés de l'ONG Médecins sans frontières avaient été enlevés avant d'être libérés un mois plus tard au Nigeria voisin.
PAR Ndèye Codou Fall
COMMENT ÉCRIRE LE WOLOF SANS FAUTES ?
À travers à son nouvel ouvrage "Dawal ak bind làmmiñu wolof" avec EJO-Éditions, le docteur Mamour Dramé propose ce samedi, un outil pratique pour mieux maîtriser l'orthographe de la langue wolof, si souvent malmenée dans les écrits publics
Spécialisée dans les langues nationales, EJO-Éditions vient de publier, outre Géntug Saa-Afrig, recueil de nouvelles d’Alpha Youssoupha Guèye, un manuel didactique de Mamour Dramé intitulé Dawal ak bind làmmiñu wolof.
L’ouvrage se présente en deux volumes, à savoir le livre de l’enseignant et celui de l’apprenant. Ce découpage en facilite grandement l’utilisation pour ceux qui, maniant avec aisance la langue wolof, aimeraient pouvoir l’écrire sans les trop nombreuses fautes d’orthographe qui polluent littéralement l’espace public – messages et panneaux publicitaires, titres d’émissions télévisées, sigles d’associations ou de formations politiques entre autres.
Docteur en linguistique, chercheur à l’IFAN, Mamour Dramé est aussi depuis de nombreuses années un militant actif et résolu des langues nationales. Ils sont nombreux, ceux qui au Sénégal comme à l’étranger, ont pu mesurer la qualité de son enseignement du wolof, à distance ou en présentiel.
C’est ce pédagogue passionné qui répondra aux questions de ses lecteurs ce samedi 13 janvier 2024 à 10 heures à l’IFAN/UCAD. Il y sera en conversation avec deux de ses pairs, les linguistes Adjaratou Oumar Sall et Mame Thierno Cissé. Les trois universitaires, spécialistes de la langue wolof et par ailleurs membres de la structure « Fonk Sunuy Làmmiñ », débattront du mode d’emploi d’un ouvrage tel que Dawal ak bind làmmiñu wolof mais aussi, plus généralement, des enjeux de l’enseignement et de l’apprentissage de nos langues nationales.
Le livre sera proposé à 7000 CFA le volume.
par Abdourahmane Ba
UNE ÉLECTION CRUCIALE FACE AUX ECHECS DU PSE
L’élection de 2024 représentent une chance de tracer une nouvelle voie vers un développement inclusif et durable. Une utilisation stratégique des revenus pétroliers et gaziers, couplée à une industrialisation ciblée
À l'approche de l’élection cruciale de 2024 au Sénégal, le pays fait face à un tournant décisif, marqué par des enjeux politiques et les limites du Plan Sénégal Émergent (PSE). Cette période offre l'opportunité de réorienter les efforts vers une gouvernance transparente et une diversification économique plus robuste. Le prochain régime devra tirer parti des ressources pétrolières et gazières pour stimuler l'industrialisation et créer des emplois, tout en mettant en place des politiques de développement durable. Des réformes dans la gouvernance, la justice, et la décentralisation sont essentielles pour restaurer la confiance des citoyens et assurer une distribution équitable des bénéfices. La mise en œuvre de ces changements est vitale pour le Sénégal afin de garantir un avenir inclusif et prospère pour tous.
À la veille d'une élection présidentielle décisive au Sénégal (février 2024), le paysage politique se trouve fortement dominé par des manœuvres tactiques centrées sur le processus de parrainage, une pratique qui semble viser l'élimination ou l'affaiblissement des adversaires politiques les plus significatifs du régime actuel. Cette situation, combinée avec l’absence d’évaluations indépendantes rigoureuses et des partenaires techniques et financiers qui adoptent un langage trop diplomatique « pour ne pas froisser Laam-tooro Universel », risque d'éclipser les débats cruciaux sur des questions économiques et sociales pressantes, ainsi que sur les orientations stratégiques des politiques publiques à venir. Dans ce contexte préélectoral chargé, l'importance d'une analyse critique et évaluative par des experts indépendants devient primordiale pour maintenir une perspective équilibrée.
En tant qu'expert évaluateur international en évaluation des politiques publiques, mes observations et analyses sur les données socioéconomiques récentes du Sénégal disponibles, fondées sur des informations probantes validées au niveau national et à l’international, révèlent des contreperformances notables dans la réalisation du PSE. Il est impératif de diffuser ces constatations pour potentiellement contribuer dans l’enrichissement le débat électoral, en déplaçant l'accent des manœuvres politiciennes vers des discussions plus constructives et centrées sur des politiques de développement essentielles au progrès et au bien-être des citoyens sénégalais et de leurs partenaires internationaux.
Le PSE, promulgué en 2014 par le régime sortant avec l’enterrement du Plan « Yoonu Yokkute » lancé en 2012, vise à propulser le Sénégal vers une émergence économique et sociale. Ses objectifs principaux sont de positionner l'économie sur un chemin de croissance forte, inclusive et durable, tout en créant des emplois et en préservant l'environnement et les ressources naturelles. Le plan cherche également à consolider un système politique basé sur la démocratie, la bonne gouvernance et l'État de droit. Il met l'accent sur la promotion des valeurs culturelles essentielles telles que le travail, l'évaluation, la responsabilité, la citoyenneté et la solidarité. Enfin, il vise à assurer la sécurité nationale, à développer de manière équilibrée le territoire sénégalais, à renforcer la cohésion nationale et à contribuer à la paix et à l'intégration au sein du continent africain.
En dépit d'un accent mis sur d'imposantes infrastructures dans le cadre de la mise en œuvre du PSE - autoroutes, Bus Rapid Transit (BRT), Train Express Régional (TER), et autres projets majeurs concentrés essentiellement dans l’axe Dakar-Thiès-Diourbel, dont certains sont toujours en cours d’exécution et d'autres affichant des impacts mitigés sur le quotidien des citoyens - l'analyse de la performance du PSE jusqu'en 2023 révèle des échecs critiques. Ces projets d'envergure, bien que symbolisant le progrès, n'ont pas suffi à impulser une croissance économique alignée ou supérieure aux moyennes régionales de l'Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA) malgré la crise dans les pays du Sahel, Mali, Burkina Faso et Niger, et en Guinée et Guinée Bissau. Cette situation est le reflet d'une stratégie de développement économique peu diversifiée et inefficace, surtout dans les secteurs clés l’économie sénégalaise.
Parallèlement, les politiques de développement humain et social semblent avoir été reléguées au second plan, comme en témoigne l'inexploitation du potentiel de la démographie jeune du pays et des lacunes persistantes dans les domaines de l'éducation et de la formation professionnelle, entraînant une hausse de l'immigration clandestine. Le secteur agricole, traité comme le parent pauvre du PSE, connaît une croissance insuffisante, illustrant un écart considérable entre les objectifs ambitieux et les réalisations concrètes. L'escalade de l'inflation ces dernières années révèle des défauts dans la gestion macroéconomique, affectant principalement les populations vulnérables et révélant des manquements dans les politiques fiscales et sociales. En outre, les problèmes de gouvernance sous le régime actuel, marqués par des pratiques de corruption et des faiblesses dans l'État de droit, la justice et la gestion des ressources publiques, mettent en lumière une discordance entre les investissements dans les infrastructures et l'impact réel de ces mesures sur le développement économique, social et institutionnel du pays.
Axe 1 : Promesses non tenues, le fiasco de la transformation économique
L'analyse de la performance dans la mise en œuvre de l'axe 1 du PSE - Transformation structurelle de l’économie et Croissance - en 2023 révèle des incohérences substantielles dans l'exécution des politiques de développement économique. La croissance économique du pays, enregistrée à 4,2% en 2022, est significativement inférieure à la moyenne de 5,6% de l'UEMOA. Ce chiffre, bien qu'indiquant une certaine dynamique haussière depuis la crise liée à Covid-19, suggère une insuffisance dans l'efficacité des stratégies de diversification économique, particulièrement dans les secteurs à haute valeur ajoutée comme la chimie, l'horticulture, et les technologies de l'information et de la communication. Cette sous-performance pointe vers un écart notable entre les politiques économiques planifiées et leur mise en œuvre effective.
Sur le plan démographique, d’après les données du dernier recensement national, le Sénégal présente une structure de population jeune, avec 39,2% de la population en dessous de 15 ans, et la moitié de moins de 19 ans. Cependant, cette jeunesse démographique n'est pas actuellement exploitée de manière optimale dans la constitution du capital humain, une lacune qui se reflète dans la préparation insuffisante de la main-d'œuvre pour les exigences d'une économie moderne et diversifiée. Ces lacunes se sont manifestées avec l’immigration clandestine désespérée montante et inquiétante vers l’Europe et les Etats-Unis d’Amérique. Le déséquilibre entre les objectifs éducatifs du PSE et les résultats en termes de compétences et de formation de la main-d'œuvre souligne un manque d'alignement énorme entre les besoins démographiques et la planification du développement des ressources humaines où les gouvernements successifs du régime depuis 2014 ont montré des faiblesses certaines dans l’atteinte des résultats escomptés.
L'analyse de la distribution démographique révèle aussi des disparités de genre, avec un rapport de masculinité de 110,8 garçons pour 100 filles chez les moins de 15 ans, et une inversion de cette tendance en faveur des femmes dans les tranches d'âge de 15-34 ans et plus de 60 ans (sic !). Ces données (si confirmées !) impliquent la nécessité d'une planification de développement inclusive plus accrue qui tienne compte de ces dynamiques de genre, signalant des transitions démographiques cruciales, dans la formulation des politiques économiques et sociales. Ce qui a été complétement ignoré dans la mise en œuvre initiale du PSE.
Parlons du secteur agricole avec une part significative de la population (45,6% des ménages), qui montre une croissance très limitée de 0,3% en 2023 (comparée à la croissance démographique de 2,9%), ce qui indique un manque d'efficacité dans l'application des politiques de modernisation agricole tant chantée dans le PSE. Ce déficit, un des plus patent des contreperformances du PSE, montre clairement une inadéquation entre les ambitions de modernisation du secteur agricole formulées dans le PSE et les résultats très faibles obtenus, soulignant l'écart entre les objectifs politiques et leur réalisation pratique.
Enfin, le pic inflationniste de 14,1% en novembre 2023, point culminant d’une crise cyclique des systèmes de production et d’approvisionnement des marchés au Sénégal, pose des questions critiques sur la stabilité macroéconomique du pays, pourtant tant chanté par un gouvernement qui nous a habitué à des chiffres de croissance qui font rêver. Cette inflation élevée qui affecte en première place les populations les plus défavorisées et sans résilience souligne des insuffisances dans la conception et la mise en œuvre effective des politiques fiscales destinées à stabiliser l'économie et les filets sociaux pour protéger les ménages vulnérables qui constituent la majorité au Sénégal, surtout en milieux rural et péri-urbain. Ce qui est aggravé par l'hétérogénéité des tailles de ménages pointé par le dernier recensement national et les disparités entre les zones urbaines et rurales en l’absence d’une approche différenciée des politiques publiques pour répondre aux besoins spécifiques variés des populations.
En somme, l'analyse évaluative de la mise en œuvre de l'axe 1 du PSE révèle une absence d’une stratégie et d’un plan cohérent pour mieux aligner les politiques économiques, éducatives et de développement avec les réalités démographiques et économiques complexes du Sénégal, en vue de promouvoir une croissance économique durable et inclusive, objectif important du PSE.
Axe 2 : L'Effondrement du Capital humain et de la Protection sociale dans le PSE
L'évaluation des performances du Sénégal dans l'implémentation de l'axe 2 du PSE – Capital humain, Protection sociale et Développement durable – révèle aussi des contre-performances notables. La décélération de la croissance économique du Sénégal, passant de 6.5% en 2021 à 4.2% en 2022, a eu un impact significatif sur le financement des secteurs clés tels que l'éducation et la santé. Cette réduction de la croissance, exacerbée par des chocs économiques externes, a entraîné un recul des investissements dans ces domaines essentiels au développement du capital humain. Par exemple, le budget alloué à l'éducation, essentiel pour atteindre les objectifs du PSE en matière d'éducation de qualité pour tous, a subi des contraintes majeures, limitant ainsi l'amélioration de l'accessibilité et de la qualité de l'éducation. Cela est aggravé par les crises universitaires successifs et l’état de chantier des universités régionales dans leur majorité.
En novembre 2022, l'inflation au Sénégal a atteint un sommet historique de 14,1%, exerçant une pression accrue sur les ménages à faible revenu et exacerbant leur vulnérabilité économique. Cette montée vertigineuse du coût de la vie a non seulement menacé les avancées en matière de protection sociale, mais a également rendu illusoires les efforts de redistribution de revenus aux plus pauvres et la protection sanitaire des retraités. L'escalade des prix des biens et services essentiels ainsi l’augmentation des prix ou la surfacturation de l’électricité a frappé de plein fouet les ménages vulnérables, accroissant leur basculement dans la pauvreté, un enjeu majeur que le PSE s'efforce de résoudre sans succès.
La situation macroéconomique, caractérisée par une détérioration du déficit du compte courant exacerbée par l'augmentation des coûts d'importation, a considérablement restreint la capacité du pays à allouer des ressources suffisantes pour les investissements domestiques essentiels, en particulier dans les domaines prioritaires du PSE. Cette réalité, impactant directement la balance des paiements, a limité l'espace budgétaire nécessaire pour les investissements clés en capital humain et en protection sociale, freinant ainsi les objectifs ambitieux du PSE. De plus, la situation budgétaire du pays, marquée par un déficit budgétaire de 6.7% du PIB et une dette publique alarmante de 76.6% du PIB en 2022, pose d'importantes contraintes financières et de solvabilité. Cette conjoncture de dette croissante et de déficit budgétaire élevé entrave la capacité du gouvernement à financer des initiatives cruciales pour le développement du capital humain et l'établissement de filets de protection sociale robustes, essentiels pour le progrès et la stabilité sociale du pays. Malgré l'implémentation de mesures telles que les transferts monétaires pour réduire la vulnérabilité économique, l'efficacité de ces interventions reste questionnable. La persistance de la pauvreté et de la vulnérabilité, en particulier dans les régions rurales, suggère que les mesures actuelles ne sont peut-être pas suffisamment ciblées ou étendues pour répondre efficacement aux besoins des populations les plus démunies.
Les inondations successives tout au long de la mise en œuvre du PSE, exacerbées par les changements climatiques, ont mis en lumière la vulnérabilité du secteur agricole. Cette vulnérabilité a fini de mettre à nu l’absence d'une stratégie de développement durable qui intègre effectivement la résilience climatique. Le secteur agricole, un pilier de l'économie sénégalaise, est le parent pauvre du PSE et n’a pu assurer sa durabilité face aux défis climatiques.
Les réformes économiques prévues, notamment dans le domaine des subventions à l'énergie et des ajustements fiscaux, devant présenter des opportunités de réallouer les ressources vers des priorités plus urgentes, n’ont fait que réduire la résilience des populations de plus en plus pauvres. Par ailleurs, ces réformes initiées n’ont pas enregistré les succès escomptés surtout dans leur capacité à atténuer les impacts sur les ménages vulnérables et à favoriser une croissance inclusive, alignant ainsi les dépenses publiques avec les objectifs ambitieux du PSE.
En somme, l'analyse des données économiques récentes suggère que le Sénégal est confronté à d'importants défis dans la réalisation des objectifs de l'axe 2 du PSE. Les contraintes budgétaires, l'inflation élevée, la vulnérabilité aux chocs climatiques et la persistance de la pauvreté et de la vulnérabilité économique sont autant de facteurs qui entravent les progrès dans le développement du capital humain, la protection sociale et le développement durable.
Axe 3 : Le PSE et la quête inachevée de transparence et d'équité au Sénégal
L'analyse approfondie des performances du Sénégal dans la mise en œuvre de l'axe 3 du PSE - Gouvernance, Institutions, Paix et Sécurité - révèle des contreperformances notables dans plusieurs domaines clés. La gouvernance, un élément central de cet axe, montre des signes de faiblesses, notamment en termes de corruption et de détournement de fonds publics. Des rapports indiquent que des ministères clés, tels que ceux des Transports, de la Santé, et de l'Éducation, sont touchés par ces pratiques, ce qui entrave l'efficacité des politiques publiques et compromet l'allocation optimale des ressources.
Dans le secteur de la justice et des droits humains, bien que des lois soient en place pour interdire les arrestations et détentions arbitraires, la réalité sur le terrain diffère. La corruption dans le système judiciaire et l'influence gouvernementale, les détenus politiques très nombreux, couplés à un arriéré judiciaire considérable, compromettent le droit à un procès équitable et l'accès à la représentation légale. Ce décalage entre la législation et la pratique soulève des questions sur l'efficacité de l'État de droit au Sénégal.
La liberté d'expression et de la presse, bien que garantie par la constitution, est soumise à des restrictions et des pressions. Des incidents de violence, le harcèlement et l’emprisonnement à l'encontre des journalistes, la fermeture des signaux de médias non favorable aux désidératas du régime, ainsi qu'une tendance à l'autocensure dans les médias gouvernementaux, limitent l'espace pour un débat public ouvert et transparent. Ces restrictions sont préjudiciables à la création d'un environnement propice au dialogue et à la reddition de comptes.
En termes de gestion des ressources publiques, le Sénégal a fait des progrès dans l'alignement des dépenses sur les priorités de développement. Cependant, la transparence et la responsabilisation restent des défis majeurs. La corruption continue d'entraver une gestion efficace et vertueuse des finances publiques, ce qui est crucial pour la confiance des citoyens et des investisseurs. C’est un des plus grands échecs du régime actuel quand analyse leurs promesses en 2012.
La décentralisation et le renforcement du pouvoir local au Sénégal représentent des leviers cruciaux du PSE pour atténuer les disparités régionales et stimuler un développement territorial harmonieux. Cependant, l'efficacité de ces réformes nécessite une évaluation et une adaptation constantes pour garantir un impact positif sur le développement local. Actuellement, l'application de ces mesures affiche des résultats inégaux, avec une tendance marquée à la discrimination basée sur l'appartenance politique des dirigeants des collectivités territoriales. Cette situation est exacerbée par des actions politiquement motivées, telles que l'arrestation de plusieurs maires de l'opposition ou l'ouverture d'enquêtes judiciaires à leur encontre, soulignant les défis persistants dans la mise en œuvre d'une décentralisation véritablement équitable et efficace.
La mise en place de mécanismes de dialogue entre l'État, la société civile, le secteur privé et les citoyens est nécessaire pour une gouvernance améliorée au Sénégal. Néanmoins, l'efficacité de ces dispositifs dans le développement et l'évaluation des politiques publiques requiert une analyse approfondie pour s'assurer de leur effectivité et impact réel, au-delà d'une simple fonction symbolique ou politique politicienne, et de leur capacité à induire des changements concrets. Toutefois, les turbulences observées lors des élections législatives de 2022, les difficultés rencontrées par les parlementaires tant de l'opposition que du régime à engager un débat constructif sur le développement national et les législations, ainsi que les tentatives de division et d'intimidation envers les députés de l'opposition, incluant des arrestations, ont sensiblement affaibli le rôle de l'Assemblée nationale dans la facilitation d'un dialogue efficace avec le gouvernement sur des questions de développement cruciales.
En ce qui concerne la paix et la sécurité, des efforts sont déployés pour résoudre les conflits internes, tels que dans la région de la Casamance. Néanmoins, la persistance de tensions et de défis sécuritaires dans certaines régions indique que des stratégies plus robustes et inclusives sont nécessaires pour garantir une paix durable et la cohésion sociale. Aussi la menace terroriste et la crise au Sahel sont des menaces qui existent et qui devront être prise en compte de manière beaucoup plus sérieuse.
En conclusion, l'exécution de l'axe 3 du Plan Sénégal Émergent révèle des faiblesses notables dans la gouvernance, la justice et la gestion des ressources publiques. La corruption et le détournement de fonds dans des secteurs clés, combinés à des problèmes dans le système judiciaire et des restrictions sur la liberté d'expression, ont entravé l'efficacité des politiques publiques. Les défis de transparence et responsabilisation persistent dans la réalisation des objectifs ambitieux du PSE en matière de gouvernance efficace et de développement durable au Sénégal.
Repenser le développement face aux échecs du PSE et aux opportunités du Gaz et du Pétrole
La période préélectorale, marquée par des stratégies politiciennes complexes et les défis échecs persistants du PSE, met en lumière l'urgence de réformes substantielles et d'initiatives ciblées pour un développement inclusif. Les élections de février 2024 se présentent comme un pivot crucial, offrant une opportunité de réorienter les politiques publiques vers une meilleure gouvernance, une économie diversifiée, et des services publics plus efficaces. L’accent doit être mis sur l'indépendance des évaluations des politiques publiques et sur une gouvernance transparente pour corriger les lacunes du PSE, notamment dans les domaines de l'éducation, de la santé, et des infrastructures.
Pour impulser un changement significatif, le prochain régime devra se concentrer sur l'exploitation judicieuse des ressources pétrolières et gazières imminentes, en les utilisant comme un levier pour l'industrialisation et la création d'emplois, particulièrement pour la jeunesse majoritaire. Une stratégie efficace d'industrialisation, axée sur la transformation locale des matières premières et le développement de secteurs clés comme l'agriculture et la technologie, est essentielle. Parallèlement, il faut assurer une gestion écologique et responsable des ressources naturelles, en instaurant des mécanismes de redistribution équitable des revenus issus du pétrole et du gaz pour financer des investissements stratégiques dans les infrastructures et les services de base.
La transparence dans la gestion des ressources publiques est primordiale pour restaurer la confiance dans les institutions. La lutte contre la corruption, la réforme du système judiciaire, et le renforcement de la liberté d'expression doivent être des priorités. La décentralisation doit être mise en œuvre de manière équitable, en évitant les pratiques discriminatoires et en favorisant un développement régional harmonieux. Le renforcement du dialogue entre l'État, la société civile, le secteur privé et les citoyens est également crucial pour une gouvernance participative.
L’élection de 2024 représentent une chance de tracer une nouvelle voie vers un développement inclusif et durable. Une utilisation stratégique des revenus pétroliers et gaziers, couplée à une industrialisation ciblée et à des politiques de développement durable, permettra de franchir un cap décisif. Pour atteindre ces objectifs, la prochaine administration doit s'engager à renforcer les capacités industrielles et technologiques du pays, investir dans l'éducation et la formation professionnelle, et assurer une gouvernance transparente et responsable.
Dr Abdourahmane Ba est expert international en évaluation de politiques publiques
Entre CAN et élections, les médias sénégalais sont sur le pont. Plongée dans les coulisses des préparatifs de L'Observateur et Seneweb, déterminés à relever avec brio le challenge de la compétition footballistique et du rendez-vous démocratique à venir
Avoir de la matière. Cette expression trouve tout son sens dans le journalisme où elle est même rangée dans le registre du jargon. Et de la matière, la presse sénégalaise ne pouvait rêver mieux. Deux actualités la lui offrent : la trente-quatrième Coupe d’Afrique des nations (CAN) de football, en Côte d’Ivoire, qui démarre ce samedi, et l’élection présidentielle du 25 février.
Deux évènements qui feront battre le pouls du Sénégal pendant deux mois. Pour le premier, qui se tient du 13 janvier au 11 février, le Sénégal aura à cœur de défendre son titre de champion d’Afrique. Pour le second, il s’agira de choisir, le 25 février, l’homme ou la femme qui présidera aux destinées du pays durant les cinq prochaines années.
Du pain béni pour les rédactions sénégalaises. Dans deux d’entre elles, le quotidien L’Observateur et le site d’informations Seneweb, sises à Dakar, on a presque fini de peaufiner les plans de couverture de ces deux évènements, qui se chevauchent quasiment. En effet, si l’équipe nationale du Sénégal arrive jusqu’à la finale de la compétition, l’on sera dans le même temps dans la ferveur de la CAN et de la campagne électorale qui démarre le 4 février.
A L’Observateur, quotidien dakarois parmi les plus forts tirages, la coïncidence entre la compétition continentale de football et le début de la campagne pour le scrutin présidentiel sénégalais ne signifie pas une plus grande pression pour l’équipe éditoriale.
‘’L’expérience des grands évènements’’
‘’Nous avons l’expérience des grands évènements avec des journalistes qui ont l’habitude de couvrir la CAN et les échéances électorales sénégalaises’’, confie, sans fausse modestie, Saliou Gackou, le rédacteur en chef.
En cette veille de CAN, le service des Sports est évidemment mis en première ligne. Son principal responsable, Idrissa Sané, a déjà la tête en Côte d’Ivoire. Il devrait y aller en compagnie d’un autre journaliste et d’un photographe. La politique des quotas établie par la Confédération africaine de football pour faire face à un nombre record de demandes d’accréditation, en hausse de 90% par rapport à l’édition précédente, au Cameroun, ne permet pas à son journal d’envoyer une équipe plus conséquente de reporters.
Pour autant, Sané, quatre CAN et deux Coupe du monde à son actif, maintient intact son enthousiasme. ‘’Il faut se réinventer à chaque CAN pour offrir à nos lecteurs une bonne couverture – nous le leur devons, mais également rivaliser avec la concurrence’’, dit-il.
A en croire son rédacteur en chef, Gackou, ‘’L’Observateur mettra l’accent sur des papiers découvertes et des papiers magazine’’. ‘’Comme nous l’avions fait lors de la dernière édition, en 2019, avec des plongées dans les familles de joueurs’’, renchérit Sané, qui se remémore ‘’l’immersion’’, un reportage de leur correspondant à Louga (nord), dans la famille de Pape Guèye, le milieu de terrain sénégalais.
‘’Pour la présente, nous privilégierons les dossiers, les reportages, les enquêtes et portraits, notamment dans les pays voisins qui partagent le même groupe à la CAN avec le Sénégal : la Gambie et la Guinée’’, ajoute Gakou. ‘’Il s’agit de faire plus que ce que nous avions l’habitude de faire, c’est-à-dire ne pas seulement se limiter aux comptes-rendus de matchs et à ce qui tourne seulement autour de la compétition. L’instantanéité de la radio et de la télé, qui a l’avantage de montrer des images, nous commande d’aller au-delà », poursuit-il.
Une couverture décalée
Pour la campagne électorale et le scrutin proprement dit, ‘’nous avons concocté un plan de couverture avec des innovations que je ne vais pas divulguer, bien entendu’’, fait savoir Gackou, avec un léger sourire. L’homme n’est pas très disert. De sa voix posée, il répond néanmoins à toutes les questions sans trop entrer dans les détails.
Une prudence compréhensible, sans doute guidée par la volonté de ne pas dévoiler la cuisine interne de son canard. Tout juste consent-il à dire que ‘’les journalistes des autres desks seront mis à contribution pour la couverture, de même que nos dix correspondants dans les régions, et les journalistes de tout le groupe Futures Médias’’, qui compte également en son sein une radio, une télé et un site d’informations.
A Seneweb, l’un des médias en ligne sénégalais les plus visités, on met les bouchées doubles pour assurer une bonne couverture de la CAN et de la présidentielle. Le site éponyme et la chaîne Youtube du média sont en pleins préparatifs. Pour l’évènement footballistique, ‘’nous avons pris les dispositions idoines’’, assure le rédacteur en chef, Adama Ndiaye. Plus précisément, ‘’une équipe d’une dizaine de journalistes et de cadreurs sera dépêchée en Côte d’Ivoire’’. Dans ce groupe d’envoyés spéciaux figurent même des présentateurs, car ‘’il est prévu de réaliser des plateaux télé’’, ajoute-t-il.
Pour mettre tout ce beau monde dans les meilleures conditions de travail, ‘’Seneweb a pris en location ses propres locaux, à Abidjan et à Yamoussoukro’’, confie ce jeune rédacteur en chef, passé par Nouvel Horizon et Intelligences Magazine. Il ajoute : ‘’Nos équipes resteront jusqu’à la fin de la compétition, quels que soient les résultats obtenus par l’équipe du Sénégal’’. D’ores et déjà, quelques journalistes et cadreurs sont sur place, appuyés par la rédaction d’Ivoire Matin, l’autre site d’informations de Seneweb ouvert à Abidjan.
Bien que le média en ligne dakarois n’ait pas encore arrêté un plan définitif de couverture de la présidentielle, ‘’la rédaction multiplie les réunions, en attendant la publication de la liste définitive des candidats’’, précise Adama. Mais, jure-t-il, ‘’ça sera une couverture qui sortira de l’ordinaire’’.
De nouvelles rubriques pour la CAN
A Seneweb, l’équipe éditoriale a fait preuve de créativité. ‘’Pour la CAN, nous avons lancé de nouvelles rubriques dont certaines, +En route pour la CAN+, par exemple, ont déjà démarré »’, informe le chef de la rédaction. ‘’En plus des reportages sur la CAN, des chroniques, des entretiens avec des spécialistes du football’’, ses équipes en réaliseront de plus ‘’décalés, sur la vie de tous les jours dans des villes ivoiriennes. Nous allons prendre l’accent ivoirien’’, sourit-il. Le nouchi – ce savoureux argot, mélange de dioula, de français et de malinké parlé notamment par les jeunes au pays d’Ahmadou Kourouma ? Voire.
Toujours est-il que ‘’la rédaction de Seneweb organisera des plateaux spéciaux, diffusera des duplex sur sa chaîne YouTube’’, fait savoir Adama. L’un des journalistes préposés à leur animation piaffe d’impatience à l’idée de les présenter. Ndèye Astou Konaté, journaliste multitâches, n’est pas du genre à se limiter à un seul desk. Elle rédige des articles pour le site internet et anime des émissions sur la chaîne YouTube. ‘’Je suis polyvalente’’, dit-elle, dans un sourire à faire fondre le plus obtus des prédicateurs.
C’est pour cette polyvalence qu’elle a été choisie pour faire partie de la délégation devant se rendre en Côte d’Ivoire. Dans la spacieuse salle de rédaction de Seneweb, où elle reçoit, un détail a toute son importance : la prédominance de journalistes féminins…
À Abidjan, la capitale économique ivoirienne et à Yamoussoukro, le camp de base de l’équipe nationale du Sénégal, qui abrite la célèbre basilique Notre-Dame-de-la Paix, Ndèye Astou s’acquittera, ‘’bien sûr de la couverture de la CAN proprement dite, mais également de la production de sujets décalés, plus softs, portant sur des volets sociaux, culturels, économiques, le quotidien de villes ivoiriennes’’. Sans doute de quartiers emblématiques d’Abidjan (Cocody, la coquette ; Treichville, le quartier le plus sénégalais de Côte d’Ivoire ; la populaire et noctambule Yopougon …).
La journaliste n’est pas novice dans la couverture de la CAN. Elle en sera à sa deuxième, après celle qui a vu les »Lions » du Sénégal remporter au Cameroun, le premier titre continental de leur histoire. Sans se risquer à un pronostic, elle croit toutefois en leur chance, et ‘’espère que la bande à Sadio Mané rééditera le coup de 2019’’.
Le coût de l’investissement humain et logistique
Pour réussir l’ambitieux pari d’une couverture inoubliable de la CAN et de la présidentielle, Seneweb n’a pas hésité à casser sa tirelire pour renforcer son équipe éditoriale et ses moyens logistiques. Selon le rédacteur en chef, ‘’ des recrutements et des acquisitions de nouveaux matériels vidéo ont été opérés pour la couverture des deux évènements’’. Et le média n’entend pas s’arrêter là. A en croire Adama, ‘’l’objectif est d’avoir jusqu’à une quinzaine de nouveaux collaborateurs : des rédacteurs et des cadreurs, pour également étoffer notre équipe de veille à la rédaction centrale et assurer un plus large maillage du territoire avec plus de correspondants régionaux.’’
Dans le cadre de ces recrutements et le financement de la couverture de la CAN, l’équipe commerciale de Seneweb, sous la houlette de Mme Diallo Fatou Kiné Diouf, a fait preuve d’ingéniosité. ‘’Rien que pour la CAN, un budget prévisionnel de plus d’une dizaine de millions de francs CFA est exécuté sous forme de préfinancement sur fonds propres, après nous être assuré de l’apport des sponsors et de nos partenaires’’, explique-t-elle.
Elle sera d’ailleurs du déplacement en côte d’Ivoire pour démarcher de nouveaux prospects, ‘’convaincre certains annonceurs partis en Côte d’Ivoire à cause des évènements politico-judiciaires sanglants de mars 2021’’.
Pour Mme Diallo, le plus grand rendez-vous évènementiel du continent, dans la première puissance économique de la zone ouest-africaine, de surcroît, offre de réelles opportunités marketing.
En attendant, dans les rédactions de Seneweb et de L’Observateur, les plans de couverture de la CAN ivoirienne et de la présidentielle sénégalaise sont déjà peaufinés et les journalistes fins prêts.
VIDEO
MULTIPLE PHOTOS
DE QUOI VOTRE AUDACE EST-ELLE LE NOM ?
"Où sont les grands leaders ? Où est la vision politique ?", s'interroge Penda Mbow. Pour cette figure intellectuelle, la multiplication des candidatures à la présidentielle révèle une crise du leadership politique que le parrainage n'a pas su résoudre
La présidentielle de 25 février ne rassure pas grand nombre d’observateurs de la vie politique pour des raisons bien évidentes. Dans cette entrevue exclusive, Penda Mbow, observatrice avertie de la vie politique sénégalaise et grande figure de la société civile livre sa fine analyse sur le processus électoral et expose ses craintes, ses doutes et son incompréhension sur cette floraison de candidature et le processus de validation qui pose question.
En effet, l’ouverture de dépôt de parrainage révèle une kyrielle de candidatures qui défie le bon sens. Le parrainage a quelque chose de mystérieux. En effet des acteurs et actrices avec une expérience politique réelle, des appareils politique échouent à faire valider leur parrainage tandis que des novices sans expérience ni envergure, passent sans encombre le filtre.
Des partis politiques insignifiants, irrespectueux de la loi et qui auraient dû être dissouts purement et simplement continuent de souffler le chaud et le froid dans l’arène de politique. Ils sont autorisés à présenter leurs candidats alors qu’on s’est permis de dissoudre un vrai parti politique influent qui a un vrai poids politique. Pour Penda Mbow, beaucoup de zone d’ombre méritent un éclairage, ne serait-ce qu’a posteriori et pour la postérité. Cela est d’autant plus urgent que presque personne ne comprend comment ça marche concrètement
Cette ’universitaire prolifique et figure de proue de la société civile sénégalaise se désole d'une expérience démocratique qui semble en panne, une démocratie qui prend des allures d’une ploutocratie (système politique tenu par le pouvoir de l’argent et des riches) et qui mérite que l’on marque une pause pour se réorganiser avant de repartir de plus belle sur de nouvelles bases. C’est peut-être le moment plus que jamais d’appliquer le résultats des Assises nationales et le recommandations de la Commission nationale de réforme des institutions (CNRI).