L'artiste compositeur sénégalais Ismaïla Touré du mythique groupe des "Touré Kunda" est décédé ce lundi à Paris (France) des suites d'une maladie, à l’âge de 73 ans, a appris l'APS d'Alassane Sarr, l'un de ses amis d'enfance.
Il souffrait de la maladie d'Alzheimer, a précisé Sarr, qui a fréquenté avec le défunt le même collège d'enseignement moyen à Ziguinchor.
Ismaïla avait été admis il y a huit mois dans une structure sanitaire parisienne, a ajouté Alassane Sarr.
Il formait, avec son frère Sixu, le duo de choc du "Touré Kunda", groupe mythique qui a contribué à la renommée de la musique sénégalaise et africaine en France dans les années 1970-1980.
Le "Touré Kunda" était également composé de leur aîné, Amadou, décédé d'une crise cardiaque sur scène, et qui a été remplacé ensuite par Ousmane Touré.
Les frères Touré, inspirés par le remarquable cosmopolitisme qui caractérise la Casamance, leur région d’origine, dans le sud du Sénégal, ont régné avec leur groupe pendant de longues années sur la Wold Music, à partir de Paris.
Ils ont ouvert la voie aux autres musiciens en brassant divers styles, mixant les sonorités africaines avec d'autres genres musicaux tels que l'afro-beat, le jazz, le reggae, le funk et même le rock et le pop.
En 2018, dix ans après la sortie de leur précédent album "Santhiaba", en référence à ce quartier de Ziguinchor (sud), leur fief, le "Touré Kunda" faisait son grand retour sur le devant de la scène avec un nouvel album intitulé "Lambi Golo".
Il y a eu, après la sortie de cet album, une tournée anniversaire célébrant les 40 ans des “Touré Kunda”, dont la popularité internationale a été consacrée par trois disques d'or.
CONTE THEATRAL
En coproduction avec le théâtre de la Mascara de France, Grand Écart compagnie (Sénégal) monte un spectacle titré ''L’arbre et la jeune fille''. Il s'agit d'un conte théâtral qui parle de la dégradation de l’environnement, des agressions sur la nature.
En coproduction avec le théâtre de la Mascara de France, Grand Écart compagnie (Sénégal) monte un spectacle titré ''L’arbre et la jeune fille''. Il s'agit d'un conte théâtral qui parle de la dégradation de l’environnement, des agressions sur la nature, ainsi de la dégradation de la condition de la femme dans toute sa complexité. Avec ce spectacle, Grand Ecart Compagnie envisage de faire une tournée de diffusion au niveau des centres culturels régionaux du Sénégal.
Le public est convié à la première représentation qui se déroulera au Centre culturel régional Blaise Senghor, le jeudi 02 mars prochain à 18 h. Et le vendredi 03 Mars est consacré à une représentation scolaire. ''L'arbre et la jeune fille'' est le projet proposé au Sénégal.
En effet, Grand Écart compagnie est créée par deux comédiens sénégalais : Abdoulaye Seydi et Moustapha Mboup dans l’objectif de renforcer le pont entre le Sénégal et la France, dans le cadre de la collaboration culturelle Nord - Sud. Tous deux sont sortis du conservatoire d’art dramatique de Dakar et mènent tous une carrière en France. Ainsi, ils sont souvent au Sénégal pour des créations théâtrales, des laboratoires, des formations.
BEL HOMMAGE A OUSMANE SEMBENE AU FESPACO
Un buste du réalisateur sénégalais Sembène Ousmane a été installé, dimanche, au siège du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco) en hommage à celui qui fut l’un des initiateurs de cette manifestation.
Ouagadougou (Burkina Faso), 26 fév (APS) – Un buste du réalisateur sénégalais Sembène Ousmane a été installé, dimanche, au siège du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco) en hommage à celui qui fut l’un des initiateurs de cette manifestation et qui aurait eu cent ans, cette année.
C’est après une procession allant du rond-point des cinéastes au siège du Fespaco, que le buste réalisé par le sculpteur burkinabè Siriki Ky a été dévoilé devant l’ambassadeur du Sénégal au Burkina Faso, Mbaba Coura Ndiaye. Alain Sembène, fils du réalisateur sénégalais, a assisté à la cérémonie aux côtés de nombreuses autres personnalités du cinéma et des compagnons de route de son père.
L’ambassadeur du Sénégal à Ouagadougou, Mbaba Coura Ndiaye, a salué la générosité de Sembène Ousmane, qui a participé à toutes les éditions du Fespaco depuis la naissance de la Semaine du cinéma africain en 1969, mais n’a jamais voulu prendre part à la compétition, préférant laisser la place à d’autres cinéastes. Il souligne que le Burkina Faso et le Fespaco ont toujours honoré le doyen des cinéastes africains.
‘’Depuis le premier jour de mon arrivée à Ouagadougou, j’ai vu l’une des plus belles avenues qui porte le nom de Ousmane Sembène. Le Burkina Faso et le Fespaco lui ont toujours rendu hommage’’, s’est-il réjoui. L’ambassadeur a par ailleurs magnifié l’amitié entre le Burkina Faso, le Mali, le Sénégal et toute l’Afrique. Tout en souhaitant une pleine réussite aux ‘’frères’’ du Mali, pays invité d’honneur de cette édition, il s’est dit convaincu qu’ils relèveront le défi après le passage du Sénégal comme invité d’honneur, il y a deux ans.
Le ministre burkinabè de la Communication et de la Culture, Jean-Emmanuel Ouedraogo, estime que Sembène Ousmane est ‘’un fils d’Afrique, du Burkina, du Mali, du Sénégal’’. C’est un panafricain et son œuvre continue d’inspirer le cinéma africain de façon générale. Son esprit est toujours sur le Fespaco dont il a été l’un des principaux initiateurs (..)’’, a-t-il dit.
Le buste de Sembène Ousmane, installé à l’entrée du bâtiment central du siège du Fespaco, fait ressortir les traits du cinéaste, inséparable de sa pipe. Il n’est pas loin du buste de Paulin Soumanou Vieyra, un autre cinéaste sénégalais d’adoption, qui a été un mentor pour le réalisateur de ‘’Le Mandat bi’’.aa
PAR Marèma Touré Thiam
HOMMAGE-ANNIVERSAIRE À IBA DER THIAM
EXCLUSIF SENEPLUS - Iba Der Thiam n’a pas simplement conceptualisé et chanté les vertus cardinales de notre société ; elles fondaient son éthique et informaient sa conduite. Il en a été l’incarnation vivante (1/2)
L’inauguration, le 10 février 2023, de l’Université Iba Der Thiam de Thiès (UIDT), a été également, une célébration légèrement anticipée de l’anniversaire du parrain. Né le 26 février 1937 et décédé le 31 octobre 2020, le Professeur Iba Der Thiam aurait, effectivement, eu 86 ans en ce mois de février 2023. Je pleure encore le conjoint qui m’a traitée comme une épouse choyée. Je pleure l’époux qui m’a protégée comme un père l’aurait fait pour sa propre fille. Je pleure le compagnon qui m’a respecté comme un pair intellectuel. Je pleure le camarade respectueux qui n’a jamais douté de ma capacité de mener mes propres réflexions et de décider de mes propres choix !
Aussi, au moment où mes larmes s’estompent doucement pour laisser la place à la méditation, l’impératif de rédiger le discours du parrain, pour la cérémonie d’inauguration de l’UIDT, m’a imposé l’agréable devoir de rendre cet ultime hommage à l’homme exceptionnel dont j’ai eu la chance de partager la vie pendant vingt-quatre années.
En visite chez nous, le 4 novembre 2020, pour présenter ses condoléances, lors de la disparition, de notre regretté patriarche, le président Macky Sall s’était, en effet, saisi de l’occasion pour annoncer à un auditoire, déjà ému par sa considération, sa grande décision de donner à l’université publique de Thiès, le nom du Professeur Iba Der Thiam. Heureuse coïncidence ! Tout liait la capitale combative du rail, à l’ultime syndicaliste, qu’il venait, encore une fois, de glorifier !
Lors de sa dernière apparition publique avec le Professeur, le 2 août 2018, au cours de la cérémonie la remise des distinctions aux lauréats du Concours général, l’attitude filiale et le témoignage sincère du président Sall avaient marqué l’assistance. En sa qualité de grand maître de l'ordre national du Lion, il avait également élevé le Professeur au rang de grand officier, reconnaissant ainsi, la vertu et le dévouement du Grand Serviteur du Sénégal, dans les hautes fonctions qu’il a occupées.
Au nom de notre famille, je voudrais sincèrement remercier le président Macky Sall pour son assistance aux soins et tous ses gestes courtois et discrets dont le très obligeant Général Pr Mouhamadou Mbengue, son médecin personnel, pourrait témoigner. Son accompagnement et celui de son gouvernement à la réécriture de l'Histoire Générale du Sénégal : des origines à nos jours (HGS), qui était si cher au Professeur, ont également contribué à faire de ce projet une réalité désormais patente.
S’il est de notoriété que l’homme, que nous célébrons depuis sa disparition, a marqué des générations entières à travers son action publique connue et reconnue, je témoigne publiquement, que le Professeur Iba Der Thiam, a été avant tout, un père de famille exemplaire et un mari modèle. Il n’est pas facile d’aborder la trajectoire plurielle et l’œuvre multidimensionnelle de ce grand africain qui avait fait don de sa vie à sa communauté, à la nation sénégalaise, au monde noir et à la Ummah islamique.
Comme le dit si bien, le proverbe chinois « La lumière du soleil cache ses taches et ses éclipses montrent sa grandeur » ! Il faut nettement le dire, le militant Iba Der a été au cœur de toutes les nobles luttes de sa génération mais aussi de toutes les controverses syndicales et politiques qui les ont ponctuées. L’historien patriote a même été mêlé à un débat épistémologique passionné mais riche des leçons tirées de cette critique constructive, qui marqua son projet titanesque de réécriture de l’HGS. C’est le sens de l’exercice presque périlleux, qu’en témoin intime de la dernière partie de son existence, je voudrais m’essayer, pour éclairer de ma propre lanterne l’itinéraire complexe de ce grand serviteur du Sénégal.
Toutefois, dans ce premier jet de l’hommage global que je rends à sa mémoire, je voudrais m’en tenir à l’identité et aux valeurs de l’homme et revenir sur la pertinence du système de parrainage des établissements scolaires dont le ministre Iba Der Thiam a été le précurseur, en attendant de partager les parties relatives à ses trajectoires professionnelle, syndicale et politique.
De l’identité et des valeurs de l’homme
Aux étudiantes et étudiants de l’UIDT, je voudrais simplement confier que l’histoire de la vie de leur parrain est riche de leçons à retenir pour toute la jeunesse africaine. Cette existence est d’autant plus riche, au demeurant, que l’intéressé l’a totalement vouée à lutter pour la dignité de la personne humaine, la souveraineté de notre Continent et la fierté retrouvée du peuple africain.
L’identité intrinsèque de l’homme comme le combat permanent de l’intellectuel pour l’indépendance nationale, les libertés syndicales, l’unité africaine et l’édification d’une société juste, équitable et solidaire étaient fondés sur les valeurs cardinales de notre société. L’histoire était sa passion ; l’éducation et la culture, ses outils de transmission des vertus cardinales de notre peuple.
Pour comprendre la personnalité d’Iba Der Thiam et son attachement viscéral aux cultures africaines, il faut questionner l’environnement, qui a forgé l’identité de l’homme. Ressortissant du Baol, du Saloum et du Ndoucoumane, cet homme de la savane sahélienne portait dans sa stature et dans son âme les marques indélébiles de l’espace de son enfance qui a façonné son caractère singulier. Comme un chevalier arpentant les plaines sablonneuses du Sénégal, il laissait partout sa marque. Attaché aux promenades désertiques et aux vastes champs de son terroir, Iba Der avait un horizon infini.
Fier, altier, la tête toujours haute et le regard franc, même ceux qui n’ont pas été dans son intimité pouvaient deviner la rigueur morale qu’il imposait à sa personne aguerrie. Avec sa légendaire éloquence, son propos véridique, Iba Der Thiam a vulgarisé, à travers son attitudes les valeurs de Fit (la bravoure), de Kolleré (foi et fidélité en amitié), d’audace et de loyauté, si chères à notre société.
Dans un contexte où chaque peuple a besoin de références, de modèles, de symboles et de valeurs, pour éviter d’être phagocyté par le courant mondialiste sous ses facettes multiples, il offrit à notre jeunesse des points d’ancrage et des repères dont le seul exemple que je prendrais, ici, est la vidéo, devenue virale au lendemain de son décès, dans laquelle il définit le Ngor et le Jom.
Comme le miroir de son exposé sur le Jom, il portait en bandoulière les valeurs de fierté ; de refus du déshonneur ; de résistance dans l’oppression ; de courage dans l’adversité ; de stoïcisme dans la souffrance. Et au-delà de tout cela, il était caractérisé par sa volonté de relever tous ses défis ; la révolte légitime contre toute tentative d’humiliation par l’argent, la force, la puissance ; le refus de tout compromis ou de toute compromission ; le rejet de l’opportunisme, de la bassesse, du profit facile, des avantages non mérités ; et surtout la volonté d’être et de demeurer conforme à l’idéal que toute une société se fait de la seule vie qui mérite d’être vécue.
le Ngor dont il dit que : C’est une tension morale, une forme de sublimation de la dignité. C’est la résignation dans le dénuement. C’est le renoncement volontaire à tout ce à quoi on n’a pas droit. C’est le rejet de tout ce qui est petit, vil, mesquin, indigne ou dégradant. C’est une morale du devoir et une philosophie de la rigueur inflexible, permanente et souveraine qui n’accepte aucune concession avec sa conscience, avec ses faiblesses, avec ses passions, peut également être posé comme l’autoportrait de l’auteur de sa définition.
Le lectorat aura ainsi compris qu’Iba Der Thiam, n’a pas simplement conceptualisé et chanté les vertus cardinales de notre société ; elles fondaient son éthique et informaient sa conduite. Il en a été l’incarnation vivante !
Le combat ontologique du parrain de l’Université Iba Der Thiam de Thiès a d’abord été un combat pour la construction d’un leadership personnel ; un combat pour exister, être et demeurer dans l’excellence. Combat de fidélité et de reconnaissance envers tous ceux qui ont épaulé Adjaratou Ndiaye Sy, sa valeureuse mère, qui inculqua à son fils, l’art d’être un homme debout dans toutes les postures.
Cette dame dont la mythique élégance, lui auraient été léguée par son ascendante, la linguère du Ndoucoumane Codou Bigué Ndaw, a fait de son fils orphelin, un adulte sensible et humaniste. Un homme qui savait mobiliser sa force physique, son intelligence et son pouvoir, pour protéger les femmes placées sous son autorité, et accompagner les luttes nationales et continentales pour l’équité de genre. Mon défunt époux était un He for She, un modèle prémonitoire des concepts positifs qui émergent, aujourd’hui, du langage onusien !
Combat contre la fatalité d’une situation familiale qui l’a très vite privé de la figure paternelle, avec le décès prématuré de son père Abdou Kader Thiam, un symbole de loyauté. Son label de dignité, il le tient également, de son ancêtre paternel, Mbakhar Thiam, dont il hérita, sa légendaire bravoure.
Je voudrais associer à cet hommage, une autre femme qui a été centrale dans la trajectoire d’Iba Der, sa suprême épouse, Thérèse Jamilie Kattar, la mère de ses enfants Awa et Kader Thiam. J’ai, maintes fois, entendu Iba témoigner avec passion de la générosité et du dévouement de cette épouse modèle. Institutrice comme lui, Thérèse vécut son arrestation avec dignité. Elle accompagna son époux au détriment de sa propre carrière.
Avec une affection sincère, j’aimais lui dire que c’était elle la distinguée historienne, l’agrégée de l’ombre, qui avait généreusement, légué ses titres et ses grades à son leader syndical et époux chéri, pour qu’il jouisse de leurs diplômes et galons en son nom propre. Aujourd’hui, Jamilie et son homme reposent, côte à côte à Yoff pour l’éternité. Pour l’un comme pour l’autre mon admiration demeure ! A ces esprits exceptionnels, j’exprime, encore une fois, mon profond respect. Puisse le Seigneur les accueillir à Firdawsi, au plus haut de son paradis céleste. Paix à leurs âmes !
Son fils d’adoption Ibrahima Faye qui a été « son ombre » durant 28 ans, témoigne de la fidélité de l’homme. Ils ont été ensemble jusque dans la Mosquée de Liberté 4, où Serigne Mor Diop, son guide spirituel, s’acquitta magistralement du mandat qu’il lui avait confié, de diriger son rituel mortuaire. Leur séparation définitive n’adviendra qu’au cimetière de Yoff, où il le rendit à son Seigneur.
Panafricaniste convaincu, la renaissance africaine était son crédo ! Il avait pris acte du fait que, de nos jours, les dominants n’ont plus besoin, d’occuper ou de soumettre physiquement, un territoire, un peuple ou même un segment de la société. Il suffit, simplement, de l’influencer, économiquement, culturellement, mentalement, politiquement, aux plans linguistique et diplomatique, pour totalement l’assujettir, le coloniser ou même l’asservir. Nanti de sa claire conscience des enjeux contemporains, Der a combattu, tout le long de sa vie, les manifestations méta-souveraines du puissant mouvement d’uniformisation des peuples et sa visée de tailler toutes les sociétés sur le même patron. En toute lucidité, il résista à toutes les formes de domination, à toutes les forces internes et externes qui s’employaient à soumettre les catégories minorées de la société, comme les femmes et même les jeunes, à la loi du plus fort. Avec sagacité, il fit face aux courants standardiste, impérial, raciste et/ou sexiste qui font abstraction des spécificités culturelles et nient l’égalité de tous les humains quels que soient leurs pays, leurs sexes, leurs races ou leurs classes sociales.
Le parrain, la rectrice et la ville d’accueil de l’UIDT : des analogies notoires !
En nommant, la première femme rectrice de notre pays, le président Macky Sall a posé un acte civilisationnel[1], comme la nomination de Mame Madior Boye, première femme à avoir arborer, les atours de Premier ministre dans notre pays. En effet, en projetant une dame, le 4 mars 2001, à la tête du gouvernement, c’est l'ensemble des caractéristiques relatives à la gouvernance, foncièrement masculine, de l’État sénégalais moderne, que le président Abdoulaye Wade avait ainsi secoué. Pour l’université sénégalaise, également, l’installation de la Pre Ramatoulaye Diagne Mbengue, en décembre 2017, au rectorat de l’Université de Thiès, plus qu’un acte symbolique, venait clôturer un paradigme structurant. Une nouvelle ère, d’expérimentation de la mixité au sommet était ainsi ouverte pour ce temple du savoir.
Cette première est devenue un précédent historique avec la consécration, de la pionnière en Chimie des solutions et du Traitement des eaux, Pre Codou Mar Diop, comme Rectrice de l’Université Amadou Mahtar Mbow (UAM) jusqu’à son admission, en janvier 2020, à faire valoir ses droits à une pension de retraite. La nomination, en juillet 2020, comme Rectrice de l’Université du Sine Saloum El-Hadj Ibrahima Niass (USSEIN) de ma valeureuse petite sœur, Pre Coumba Toure Kane, spécialisée en Bactériologie-Virologie, résonna comme une consolidation d’une tendance que l’on pourrait considérée comme un germe d’émergence d’une « culture de la mixité » dans la gestion l’université sénégalaise.
Toutefois, à l’heure où nous saluons, la nouvelle règle imposée de haute lutte, qui exige que les recteurs et rectrices soient désormais élu-e-s par leurs pairs universitaires, il importe d’attirer l’attention de tous les « démocrates » que ce nouveau paradigme ne doit pas se traduire par le statu quo sur l’impératif de conserver l’équité de genre comme un cap pour l’élargissement fécond de la démocratie. Le « peuple des sachants » doit rester conscient que l’inclusion de toutes les sensibilités et perspectives est salutaire pour l’université. La dictature stricte du nombre ne joue, hélas, pas au profit des femmes dans cet univers qui, disons-le, reste encore fondamentalement acquise à l’idéologie patriarcale qui informe la société globale.
Pour revenir à l’UIDT, je me réjouis de constater que c’est la très affable et brillante, Pre Ramatoulaye Diagne Mbengue, une petite sœur de longue date, qui y assume, avec compétence et humanisme, les fonctions de Rectrice de l’UIDT. Il importe, également, de souligner que la saga du parrain se confond avec celle de la capitale rebelle qui accueille cette belle université. A l’instar du leader syndical, Iba Der Thiam, Thiès a été actrice des combats héroïques pour l’indépendance politique et les revendications syndicales dans notre pays. Le parrain et la ville d’accueil d’IUDT ont marqué de leurs empreintes, l’histoire des travailleurs du Sénégal, de l’Afrique et du monde ouvrier en général. C’est Iba Der lui-même qui, dans son mémoire de maitrise, relata « La grève des cheminots du Sénégal de septembre 1938» (Université-Dakar, 1972), et mît en exergue la singularité de la cité du rail, dans son interprétation de « La tuerie de Thiès » avec ses 7 morts et 125 blessés.
Je ne saurais survoler, ici, toutes les qualités qui font d’Iba Der Thiam une excellente référence pour notre pays. Autant de repères restent à surligner, mais on peut déjà retenir que sa philosophie existentielle, son style de vie, sa voix forte et écoutée ont toujours trouvé sens dans la camaraderie solidaire et la pugnacité qui ont marqué la trajectoire trépidante de ses 83 années d’action féconde au service du Sénégal, de l’Afrique et des causes justes dans le monde entier. Un tel bilan honore le prestigieux parrain de l’UIDT. Combien de personnes peuvent se glorifier d’un itinéraire si florissant et d’une contribution si significative à la cause des militants de l’égalité, de la justice et l’équité dans tous les domaines ?
Comme le parrain de l’UIDT, sa Rectrice a, à son palmarès une belle carrière qui l’a menée, de son statut initial de professeur de Lycée au sommet de la hiérarchie universitaire en tant que Professeure titulaire des Universités et aujourd’hui Rectrice. La personnalité de cette philosophe, dont la renommée suscite, au-delà du Sénégal, de ses collègues et des cercles féminins, une grande fierté, me revoie à l’ultime foi d’Iba Der dans la centralité et le leadership de la femme en Afrique où les patrimoines culturels sont, dans leur majorité des matrimoines.
C’est de la même manière, que l’historien du peuple faisait vibrer les salles du monde entier, chaque fois qu’il fallait dire l’histoire ou chanter la gloire des Africain-e-s, qu’il faisait résonner, sa voix puissante au débit saccadé, pour conter les batailles ardues menées par les femmes du Sénégal et du continent, pour payer leur part du Prix du combat pour l’égalité. Fort de sa fabuleuse mémoire, sa remarquable précision, sa faculté de donner une nette intelligibilité aux faits évoqués, pour que ses récits ne souffrent d’aucune équivoque, le Grand Professeur, retraçait les itinéraires héroïques de ces grandes figures féminines, qui inculquèrent à la société entière les vertus et principes inaliénables de nos communautés.
Comme le tribun hors pair, dont les collègues certifient que c’est avec autant d’aisance qu’il abordait l’épopée religieuse et l’épopée garmi, pour mettre un accent sur sa maitrise exceptionnelle des registres pluriels de l’histoire du Sénégal, de l’Afrique, et des Diasporas africaines, et l’éclectisme des répertoires qu’il pouvait réunir dans une même conversation, la Pre Ramatoulaye Diagne Mbengue qui est, à fois, Spécialiste de logique mathématique, d'épistémologie et de philosophie islamique se singularise également par l’éclectisme de son vaste champ de connaissances.
De mon point de vue, ce qui lie fondamentalement le parrain et la Rectrice de l’UIDT, c’est surtout leur commun attachement aux valeurs référentielles de notre société ; ces vertus cardinales qu’ils arborent tous les deux avec fierté et humilité, et dont aucun titre ou grade, n’a su aliéner les racines si solides. « L’humilité mon choix, l’excellence ma voie », la devise de l’UIDT, est si bien incarnée par son Parrain mais également par sa Rectrice, sa Ville d’accueil et de ses étudiant-e-s. Bon sang ne saurait mentir !
Iba Der Thiam et le système de parrainage des établissements scolaires, un lien intrinsèque !
Le palmarès d’éducateur du Professeur Iba Der a été couronné par sa nomination, en 1983, en tant que ministre de l’Éducation Nntionale, par le président Abdou Diouf. Il cumulera cette fonction avec celle de ministre de l’Enseignement supérieur de 1985 à 1988. Malgré sa posture de ministre, Iba Der demeura un enseignant engagé. Au sommet des lauriers et de la reconnaissance, en fervent militant de l’école publique, dont il était le produit et le serviteur par excellence, il mobilisa tout son génie et toute son énergie pour redorer le blason de ce système éducatif, dont ses seules qualités intrinsèques lui auront permis d’y avoir occupé toutes les fonctions. Son magistère de ministre a incontestablement contribué à l’instauration d’un nouveau paradigme de gestion démocratique du personnel, de recentrage des programmes et surtout de réconciliation de l’école avec son milieu.
A travers, le programme historique et très populaire de parrainage des foyers scolaires, qui joua un rôle à la fois symbolique et pédagogique, le ministre Iba Der, célébra les plus vertueux des fils et filles des terroirs d’accueil de ces établissements à qui il donnait leurs noms. Il permit aux populations de s’approprier l’institution scolaire et de contribuer à la production de l’histoire locale à travers les recherches biographiques sur les parrains. Aujourd’hui encore les familles de ces illustres personnalités sont restées en symbiose avec leurs écoles filleules.
C’est dans cette historicité que s’inscrit le geste grandiose des parrainages actuels ! En gravant sur les frontons de nos universités, les noms de personnalités de tous les terroirs du Sénégal, le président Macky Sall a bel bien raison d’élargir cette tradition républicaine forgée par Iba Der Thiam. Comme le souligne l’éminent philosophe Mamoussé Diagne, le savoir interroge l’identité du maître et de l’apprenant, mais avant tout celle du lieu de sa transmission. La carte scolaire, transformée en livre d’histoire et en récapitulatif de la culture, a enseigné à tous, la fonction essentielle de l’acte de baptême : élever au rang du symbole et de la culture, en l’arrachant à l’anonymat.
Nous avons assisté, le 10 février 2023, à l’inauguration, de l’université à laquelle le président a donné le nom d’Iba Der Thiam. Il y a quelques semaines, j’ai eu l’honneur d’accompagner la famille du patriarche Amadou Maktar Mbow au baptême de l’UAM à Diamniodio. En donnant à l’Université du Sine Saloum le nom de Vénéré El-Hadj Ibrahima Niass, le président Sall honore tous les intellectuels non europhones d’Afrique. Ils rejoignent ainsi d’autres fils du pays, qui ont porté au plus haut le flambeau du mérite national depuis leur illustre précurseur est Cheikh Anta Diop dont Iba Der n’évoquait jamais, le nom, sans dire « notre maître à tous ».
Quant à l’IUDT, je voudrais répéter que choix que le président Macky Sall a porté sur le parrain est d’une pertinence avérée. S'il fallait chercher un modèle de tous les temps à notre jeunesse, nous dit le Pr Mamadou Fall, l’exemple du Professeur Iba Der Thiam résonnerait des milles vertus d'une bonne référence. Il a donné à toutes ses charges et responsabilités un contenu plein qui frisait la perfection. Dans le rôle du père comme dans celui de l’instituteur, il portait avec fierté les palmes de l'excellence.
Ses élèves admiraient son courage, ses étudiants admiraient sa science, ses collègues de l’Université et de l'Assemblée nationale admiraient la courtoise éloquence d'un vrai tribun du peuple. Il a porté la toge du professeur comme une équipée du faiseur d’hommes qu’il a su rester jusqu'au bout de sa vie. On n’oubliera jamais comment il a porté le nom du Sénégal dans les cénacles du monde entre, l’UNESCO et tout le système des nations-unies, l'ISESCO ou l'Union africaine. La cause du Sénégal et de l'Afrique savait reconnaître sa voix de sincérité et de lucidité.
Sur les autres registres de sa riche existence, le grand Professeur a, également, donné au Sénégal des modèles qu’il incarna jusqu’à la fin de sa vie, sur l’engagement politique des intellectuels et la vertu dans l’espace public. Dans la terminologie de Gramsci, Iba Der Thiam serait la figure symbiotique de l’intellectuel traditionnel doublé de l’Intellectuel organique.
Député du peuple, il a donné à la vertu en politique son sens pratique par l’exemple. Il a également assuré une intelligibilité universelle aux concepts qui fondent la morale du devoir et la philosophie de l’action. Il a théorisé et s’est posé en modèle d’une philosophie de la rigueur inflexible, permanente et souveraine qui n’accepte aucune concession avec sa conscience, avec ses faiblesses, avec ses passions. La persévérance devant les obstacles et la résilience dans les moments difficiles ont fait de lui le parfait allié dans toutes les bonnes causes du Sénégal et de l’Afrique.
Sa loyauté en amitié et en compagnonnage en faisait toujours une cible distinguée qu'aucune intimidation ne pouvait ébranler. A ses élèves et étudiants, il a donné le modèle du travailleur infatigable, avec un don de soi sans réserves et sans conditions. Aux enseignants, il a donné l’horizon d’une école nouvelle rivée sur les vertus cardinales de notre peuple et ouverte aux vents fécondants d’une modernité maîtrisée. Au peuple du Sénégal et ses élites, il a servi jusqu’à son dernier souffle. Au Sénégal, il a balisé l’avenir sur le socle dur de son unité historique.
Le nom d’Iba Der Thiam rime, également, avec son appartenance sublimée à l’Islam et la Ummah. Tous ceux qui l’ont fréquenté ont été témoin de la ferveur exceptionnelle du musulman qui plaçait ses obligations religieuses au-dessus de tout. Ses relations avec toutes les confréries du Sénégal étaient excellentes. Tous les foyers islamiques du pays se sont rendus à notre domicile à l’annonce de son décès.
Dans toutes ses postures, la seule boussole d’Iba Der Thiam était le Sénégal. L’Afrique était sa patrie et la Ummah sa Communauté. Son engagement militant reposa sur la même sincérité et le même style engagé. C’est avec la même générosité qu’il défendait ses causes. C’est avec la même verve, qu’il parlait de ses camarades comme de ses adversaires. Désintéressé, qu’il était de toutes formes de prébendes, de richesses matérielles et même de prestige, son intégrité était reconnue de tous. Iba Der Thiam était un combattant à la foi inébranlable. En politique comme en religion, ce sont ses seules convictions, qui guidaient toutes ses décisions.
Aucune des vertus léguées par ses ancêtres, ne s’est estompée, entre les mains du grand serviteur du Sénégal. Pour paraphraser ce que Lamine Guèye, qu’il aimait tant citer, disait du Sénégal, le preux Iba Der Thiam, « n’était lui-même que dans la grandeur » !
Combien sont ceux qui, après avoir occupé toutes les fonctions qu’il a eues à exercer, n’ont laissé comme unique héritage matériel à leur famille biologique qu’une seule demeure dont l’acquisition remonte, au moment où il occupait sa position d’instituteur ?
Merci encore au président Maky Sall de l’avoir tant honoré. Je voudrais aussi étendre la reconnaissance de notre famille à ses prédécesseurs, les présidents Abdoulaye Wade et Abdou Diouf pour leur compagnonnage avec l’illustre défunt. Et également au président Léopold Sédar Senghor, qui malgré le contexte d’adversité, montrait toujours son respect pour l’homme et l’intellectuel.
Pour ne pas conclure, je rappelle que dans un autre jet, je reviendrais sur les autres aspects de la vie d’Iba Der Thiam et réitère mon engagement à fournir aux étudiantes et étudiants de l’UIDT, un livret entier qui rend compte de la vie de leur parrain.
C’est à vous étudiantes et étudiants de l’UIDT qu’il appartient, désormais et en premier lieu, de faire vivre les valeurs et de continuer l’œuvre de votre illustre parrain !
Repose en Paix Narou Adji Sy ; Kor Soda Libidor ; Thiam Mbakhar, tu as élargi ton héritage séculaire. « Sa Jan Waac na ». Que Janatul Firdawsi soit ta demeure éternelle !
Dre Marèma Touré Thiam est sociologue, veuve du grand Professeur.
[1] Pour paraphraser le jugement que l’éminent philosophe, Pr Djibril Sa,b, avait porté sur la loi sur la parité.
SAFI FAYE, GÉNÉRIQUE DE FIN POUR UNE PIONNIÈRE
La fille de Fadial, s’en est allée dans la nuit du mercredi 22 février. Première femme à passer derrière les cameras au Sénégal et en Afrique noire, Safi Faye laisse à la postérité, une œuvre puissante et engagée
Une géante du cinéma sénégalais vient de partir. Safi Faye, la fille de Fadial, s’en est allée dans la nuit du mercredi 22 février. Première femme à passer derrière les cameras au Sénégal et en Afrique noire, Safi Faye laisse à la postérité, une œuvre puissante et engagée. De «Lettre paysanne», film censuré par Senghor, à «Mossane», pour lequel elle s’est battue pour arracher à des «producteurs voleurs», Safi Faye a pleinement vécu sa vie de cinéaste. En 2017, invitée d’honneur du Festival du film-documentaire de Saint-Louis, elle avait accordé une interview au Quotidien. Quelques temps forts de cet entretien.
Longue pause cinéma
«Mossane a été un film écrit et fini 15 ans après. J’ai mis 15 ans pour l’écrire. J’ai dû le réécrire 7 ou 8 fois, parfaire tout le temps et ensuite chercher tous les financements. Je les ai trouvés. Ensuite, tout le monde dit que c’est une légende, alors que c’est moi qui ai tout inventé. Pour arriver à ce stade d’invention de nouvelles images poétiques, j’ai épuisé tout ce que j’avais comme créativité. Et je ne suis pas quelqu’un qui puisse faire des films d’adaptation d’un livre ou d’une œuvre de quelqu’un d’autre. Et c’était tellement long, dur et dépressif. Je n’ai plus envie de souffrir, parce que Mossane a été bloqué pendant sept ans en Justice. Des producteurs français avaient volé les droits. Cette douleur m’a fait prendre conscience que je n’ai plus de plaisir. Jusqu’à Mossane, tout ce que je faisais, c’était avec plaisir. Et pour moi, le plaisir va avec la création. Et dès l’instant que j’ai souffert, que j’ai été malade, que ma santé a été remise en question, j’ai peur de me lancer encore dans de grandes œuvres. Et j’estime aussi que vu toutes les critiques positives sur Mossane comme œuvre, ce serait aléatoire pour moi de réussir une œuvre comme celle-là. Mais je n’ai pas arrêté de faire des films, parce que je suis en train d’ordonner et de mettre à jour toutes mes archives personnelles. Le fait d’avoir été institutrice m’a donné l’opportunité de ne jamais jeter un bout de papier. Depuis que je me connais, les photos pendant que j’allais à l’école, au lycée ou que j’enseignais à l’Ecole normale, j’ai tout archivé. Et pendant le Festival mondial des arts nègres, j’ai été détachée de l’enseignement pour recevoir tous les intellectuels africanistes que Senghor avait invités pour ce festival. Donc, j’ai des tonnes de documents que je suis en train d’ordonner. C’est un travail très difficile, mais j’aime la recherche.»
Projet de film
«Je prépare un film de 45 minutes sur moi, parce que je n’aimerais pas qu’on fasse un film sur moi après ma mort. Je laisserai ce dernier document avant de mourir. Je ne filme pas, mais dans ma tête, un film est en train de mûrir. Je le ferai à mon rythme, qui est un peu plus lent qu’à mes débuts. Je n’ai pas de contraintes, mais c’est beaucoup de travail. Les Américains qui ont des fondations de conservation savent que j’ai une collection de documents, d’archives personnelles qu’aucun autre n’a. Et donc là, ils viennent de travailler sur les archives de Ousmane Sembène. Ils sont allés partout dans le monde pour y accéder. Or moi, j’ai tout.»
Bataille judiciaire autour de Mossane
«Le cameraman, c’était celui qui avait gagné la Caméra d’or avec Fassbender. Il a tourné les films des grands cinéastes et il a aimé mon écriture. Il a dit : «Safi, tu ne peux pas me payer, mais je ferai ton film.» Ce sont vraiment des choses inimaginables qui me sont arrivées. On a fait le film avec ferveur et amour. Et les Français ont accaparé mes droits comme s’il s’agissait d’un film de commande. Mais ce qu’ils ne savaient pas, c’est que moi, dès que j’écris un film, je vais l’inscrire à la Société des auteurs. Et cette dernière ne pardonne pas comme ça, qu’on essaie de voler des droits d’auteur. C’est respecté comme le droit des livres. Mais j’avais derrière moi tous les coproducteurs. On est allé en Justice. Et ce qu’il y a, c’est que quand ça va en Justice, ça prend 7 ans. Il y a des délais, des convocations, chacun prend un avocat. Cela a été une bataille juridique pour qu’on me rende mon film. Et quand on me l’a rendu, je l’avais juste tourné, il fallait le monter. Comme par hasard, je l’avais tourné en 90 et on me l’a rendu juridiquement par le Centre national du cinéma (Cnc) en 96. J’avais tout le monde de mon côté, mais les Français, c’étaient des voleurs.»
Le Festival de Cannes
«Cannes ne prend que le film de l’année, fait dans l’année. Et pour une fois, Cannes a dit : «on n’a jamais vu un chef-d’œuvre comme ça», et ils l’ont sélectionné. Personne n’en revenait. Et le Sénégal était fier. Cannes, ce n’est pas seulement le plus grand festival du monde. Et on a vu le drapeau du Sénégal flotter parmi tous les drapeaux du monde. C’était une fierté pour Abdou Diouf. Il a convoyé tout le monde à Cannes. J’ai oublié ma douleur et ma peine. Parce que j’étais malade, maigre et tout. Et le succès est arrivé. Mais le succès n’est pas arrivé là. Il est arrivé depuis que j’ai commencé à filmer. Djibril Diop Mambety, je me rappelle, quand je montais les marches, il a enlevé son écharpe et il a couvert le tapis rouge de son écharpe de bas en haut. C’est pour cela que j’étais très affectée après le film. Je n’ai pas dormi de la nuit. Je suis quelqu’un qui aime travailler en écriture et en imagination. J’ai fait la plus grande école de cinéma. A Louis Lumière, on t’apprend tout. Moi, j’ai fait cinéma et photographie. Pratiquement, toutes les photos du film, c’est moi qui les ai faites pendant la répétition. Pratiquement, tous mes autres films sont allés à Cannes. Fadial est le premier film africain sélectionné à Cannes. Lettre paysanne est allé à Cannes, mais pas à Cannes officiel. Au moment de Lettre paysanne, je l’ai soumis à la quinzaine des réalisateurs, ils ne l’ont pas pris. Mais à ce moment-là, les parties politiques, les communistes, les socialistes, parallèlement, faisaient aussi leur festival de Cannes et donc moi je suis allée dans la section communiste, donc du journal L’Humanité.»
Attachement au pays sérère
«Quand je suis venue en France d’abord, mes parents sont venus voir si mes conditions de vie étaient positives. Sinon, mon père m’aurait ramenée. Après la Mecque, ils passaient à Paris pour voir. Parce que c’étaient des parents aimants, possessifs, mais qui avaient confiance en moi, et ils se disaient, moi vivant à l’étranger, tous leurs enfants s’en sortiraient. Donc, j’avais déjà la mission de conseiller mes sœurs : «Ayez le Bac avec mention ! Si vous avez le Bac avec mention, vous aurez une bourse.» Le cinéma, à cette période-là, il fallait vivre en Europe pour pouvoir en faire. Il n’y avait rien, à la télévision, c’étaient des images de la France qu’on nous montrait. Mais chaque année, je suis ici au Sénégal.»
«Lettre paysanne»
«J’étais la première à oser aborder ces questions. Parce que tous sont devenus des citadins. Et tous tournent leurs films, pas dans leur village, mais pratiquement à Dakar. Moi j’ai mon village, j’ai tout ancré sur mon village. Et je sais que quand je tourne, Sembène vient, tout le monde vient voir dans mon village. On est tous nés de la terre, on est tous des paysans. Je suis la première à avoir donné la parole aux paysans. Parlez, videz votre sac ! Parce que j’ai trouvé l’agronome, l’économiste, je l’ai trouvé, n’étant pas allés à l’école, mais ils analysaient la situation économique aussi bien que René Dumont, qui était le plus grand agronome d’Europe. Il fallait que je le montre. C’est leur parole.
Message aux jeunes cinéastes
Je suis contente de vivre leur siècle. Parce que c’est celui de l’informatique. Nous, notre siècle, on touchait la pellicule. Tout était manuel, c’étaient de gros matériels. Ils ont la chance d’être dans le numérique. Tout ce que j’ai à leur dire, c’est qu’ils ne seront jamais riches avec leurs films. Parce que tout ce qui restera à l’auteur d’un film, ce sont les droits d’auteur si le film est inscrit dans les sociétés de droits d’auteur. Quand Youssou Ndour chante, il reçoit des droits d’auteur, partout dans le monde, même si ses chansons passent au Japon. C’est comme cela que ça doit être pour le cinéma. Ensuite, il faut essayer de ne pas faire n’importe quoi, mais de faire ce qu’ils ont envie de faire : une histoire avec un début et une fin. C’est leur imagination qui doit les guider. C’est pour cela que je ne fais pas de films d’adaptation. Et ne jamais se décourager parce qu’un échec, c’est provisoire. Si on persévère, on arrive à son but. Le succès arrive, mais avant, il y a plein d’échecs. Il faut avoir le courage de les assumer et de faire son autocritique et essayer d’inventer de nouvelles images. Ma mère me disait, comment tu peux souffrir comme ça et continuer. Mais c’est tellement obsédant un film que dès qu’on l’a fini et donné au public, on pense à un autre. Moi, ça a toujours été comme ça. Je n’ai pas fini. Je travaille sur un autre film qui sera encore plus difficile.
EN ÉGYPTE, UN SPECTACLE DE KEVIN HART ANNULÉ SUR FOND DE CONTROVERSE
L’humoriste américain devait se produire pour la première fois au Caire, le 21 février. Mais son spectacle a été annulé la veille au soir. Plusieurs appels au boycott avaient circulé sur les réseaux sociaux égyptiens, accusant Kevin Hart d’“afrocentrisme”
Le célèbre comédien américain Kevin Hart a annulé son spectacle au Caire, prévu mardi 21 février. Les organisateurs invoquent des raisons logistiques. Mais cette décision survient “à la suite d’un tollé au sein du pays, une colère liée à des propos antérieurs de l’humoriste en faveur de l’afrocentrisme”, un courant de pensée qui place les populations noires et l’Afrique au centre de l’histoire mondiale, rapporte Middle East Eye.
La presse arabe revient sur cette polémique. Après l’annonce d’un spectacle de Kevin Hart, plusieurs médias de la région avaient rapporté des propos qu’aurait tenus l’humoriste concernant l’éducation des personnes noires aux États-Unis. Selon le site d’informations panarabe, qui relaie à son tour les propos incriminés sans les sourcer, il aurait déclaré : “Nous devons enseigner à nos enfants la véritable histoire des Africains noirs, l’époque où nous étions rois d’Égypte et pas seulement l’époque esclavagiste qui domine les cours aux États-Unis. Vous souvenez-vous du temps où nous étions rois ?”
Mais “les détracteurs de Hart l’accusent de déformer l’histoire et de s’approprier aux dépens des Arabes le passé antique égyptien, en affirmant que des Africains noirs étaient jadis rois d’Égypte”, explique Middle East Eye.
Jusqu’en 1970, les populations du «MofEwi» vivaient sous le regard bienveillant du souverain Affilédio Manga qui s’est éteint la même année. 42 ans après cette disparition, tout le village attend l’arrivée au trône d’un successeur
Jonas Souloubany Bassene et Gaustin Diatta |
Publication 24/02/2023
En Basse-Casamance, la royauté y existe depuis plusieurs siècles. Jusqu’en 1970, les populations du «MofEwi» (la terre du roi, ancien royaume du Bandial) vivaient sous le regard bienveillant du souverain Affilédio Manga qui s’est éteint la même année, soit deux ans avant le « Bukut » (rites initiatiques) de 1972. Quarante-quatre ans après cette disparition, tout le village attend l’arrivée au trône d’un successeur. Voyage dans l’antre du « roi de la pluie », défunt-gérant du « Funir », le fétiche le plus contraignant de la zone.
Enampore, nom poétique d’une douce localité de la Basse Casamance et terre vénérable bardée d’histoires. En effet, ce royaume a perdu son roi en 1970, maisconserve jusqu’ici toute sa sacralité. Pour se rendre dans ce terroir du dernier roi Affilédio Manga, il faut, à partir du village Brin, dans la commune de Nyassia (département de Ziguinchor), emprunter une route latéritique longue de plus de dix kilomètres. En cette période de l’année, celle-ci est mal arrosée, avec souvent des nids-de-poule qui rendent le voyage difficile. A bord d’un taxi-brousse, l’on admire la beauté du paysage constitué d’un tapis herbacé plus ou moins verdoyant. De loin, on aperçoit des tas de gerbes de riz bien rangées et couvertes avec des tissus de couleur blanche. La Casamance, c’est le riz à perte de vue dans les rizières. On est aussi attirés par les vaches dans les rizières de Badiate, Essyl ou encore Kameubeul. Le périple est loin d’être un long fleuve tranquille. Le véhicule fonce à vive allure sur le royaume.
Après quelques minutes de route, Enampore est à portée de main, avec ses atypiques cases à impluvium qui tiennent encore debout et accueillent le visiteur. Ses forêts se situant même au milieu des habitations et des bois sacrés implantés çà et là, en disent long sur la capacité de ce village à conserver sa religion traditionnelle. Bienvenue à Enampore qui abrite le royaume d’Affilédio et sans roi depuis plus de quatre décennies. Berceau du conservatisme, Enampore qui situé sur la rive gauche du fleuve Casamance, entre Oussouye et Ziguinchor, attend toujours l’arrivée de son nouveau roi. Le monarque Affilédio qui gérait « Funir », le fétiche suprême n’est plus depuis 1970. Cependant, Charles Manga, plus connu sous le nom de Bakodia a été désigné (dans la lignée des Manga), pour assurer la gestion des affaires courantes traditionnelles. Il peut être considéré comme un gouverneur. Ce dernier assure cette fonction depuis plus de cinq ans et est connu et respecté de tous dans le royaume. Il lui revient la charge et « l’honneur »de jouer ce rôle jusqu’au jour où le royaume aura un nouveau roi.
DÉCÈS DE LA CINÉASTE SAFY FAYE
L'une des femmes pionnières du cinéma africain, est morte mercredi à Paris, à l'âge de 80 ans. Elle sera inhumée à Fadial, son village natal, situé dans la région de Fatick
La cinéaste Safy Faye, l'une des femmes pionnières du cinéma africain, est décédée mercredi à Paris, à l'âge de 80 ans, a appris l'APS de son ancien distributeur en Afrique de l'Ouest, Johnny Spencer Diop.
Elle sera inhumée à Fadial, son village natal, situé dans la région de Fatick (centre), selon Diop.
"Notre grande sœur était malade depuis un certain moment et était hospitalisée en France. Elle fait partie de femmes cinéastes qui ont balisé la voie pour les plus jeunes", a dit à l'APS son ancien collaborateur.
Safy Faye avait abandonné son poste d'enseignant pour s'adonner au cinéma, à la suite du Festival mondial des arts nègres de 1966 à Dakar, rappelle le site d'information du journal sénégalais Le Quotidien.
A ce festival, elle avait rencontré le cinéaste français Jean Rouch (1917-2004), qui lui avait confié un rôle à jouer dans son film "Petit à petit", ajoute le même média dans une interview de la cinéaste publiée en 2017.
Entrée au cinéma, Safy Faye est allée poursuivre des études d'ethnologie à la Sorbonne (France). Elle était devenue une figure emblématique du cinéma africain, car étant l'une des premières femmes du continent à exercer le métier de réalisateur.
"Mossane", l'un de ses derniers films - sa filmographie est essentiellement consacrée à la paysannerie et à la vie des femmes -, a été présenté dans la section "Un certain regard" de l'édition 1996 du Festival de Cannes.
CES MONUMENTS, SITES ET PATRIMOINES HISTORIQUES A VALORISER
Au Sénégal, lorsqu’on parle de destinations touristiques, les esprits se tournent vers cinq ou sites bien connus du pays. Chacune de ces zones offre, en effet, de quoi tenter une évasion soit en famille, soit en solo, histoire de se changer les idées.
Au Sénégal, lorsqu’on parle de destinations touristiques, les esprits se tournent vers cinq ou sites bien connus du pays. Chacune de ces zones offre, en effet, de quoi tenter une évasion soit en famille, soit en solo, histoire de se changer les idées, de décompresser. Le balnéaire sur la Petite Côte, l’écotourisme et le balnéaire en Casamance et dans les Iles du Saloum (l’une des plus belles baies du monde), le tourisme cynégétique, de découverte et culturel à Kédougou (chutes de Dindefelo, pays Bassari et Bédik), le balnéaire et la découverte à Saint-Louis (Parc de Djoudj), le balnéaire et le tourisme d’affaires et mémoriel à Dakar (Ile de Gorée, Lac Rose, Monument de la Renaissance…). Ces localités et leurs offres touristiques constituent ce qu’on appelle dans le jargon du tourisme, des «produits d’appel». On les utilise pour vendre la destination Sénégal à l’étranger. Elles sont la vitrine du tourisme sénégalais. D’ailleurs, les six pôles touristiques du pays ont été constitués autour de ces sites touristiques.
Sauf que la tyrannie de ces produits phares qui consacrent la forte prédominance du tourisme balnéaire (54 % de l’offre) et d’affaires (33 % de l’offre) semble inhiber les quelques attraits touristiques que ne manque pas de receler l’hinterland sénégalais, ces régions absentes de la carte touristique. On peut citer Matam, Louga, Tambacounda (hors Parc Niokolo Koba), Diourbel, Kaffrine, Kaolack, Kolda… Peu valorisés, peu exposés, leurs atouts, atours et attraits peuvent pourtant, à l’heure où le Chef de l’Etat exhorte son Gouvernement à développer les «zones touristiques émergentes», valoir beaucoup de satisfaction au Sénégal dans sa quête de faire du tourisme un véritable vecteur de développement.
Justement, ce dossier tente de mettre en lumière les potentialités jusqu’ici inexploitées dans quelques-unes de ces localités où le tourisme compte pour du menu fretin.
Monuments et sites et patrimoines historiques : Ces attractions touristiques peu connues de la région de Louga
La région de Louga dispose de sites et de monuments historiques d’une rare particularité et pouvant constituer un patrimoine touristique attractif. Du mythique « Puits de Calom » à Ndande à la stratégique « Tata d’Alboury Ndiaye » à Linguère en passant par la « Case du tirailleur » de Thiowor, le « Musée du Damel du Cayor » de Dékheulé, ce potentiel demeure cependant inexploité.
« Le tourisme local peut se développer à partir des sites et des monuments historiques qui sont un riche patrimoine qu’il est difficile de trouver ailleurs ». Cette remarque de Youssouf Mbargane Mbaye, historien et président du réseau régional des communicateurs traditionnels de Louga, renseigne sur l’existence de potentiels sites touristiques dans la région de Louga.
Le 26 décembre 2018, le Président de la République du Sénégal inaugurait le « Musée du Damel de Cayor », à Dékheulé, dans le département de Kébémer. Un lieu connu pour son passé colonial et où le résistant Lat Dior Diop a livré son dernier combat et son mausolée érigé à quelques mètres du Musée. Les populations de la localité avaient nourri l’espoir que le Musée allait être une attraction et un pôle de convergence de touristes. Mais jusque là, ce symbole de la résistance anti coloniale n’est pas visité comme on s’y attendait. Selon Mame Mor Sylla, maire de la commune de Mbacké Kadior (dont dépend le village de Dékheulé) : « Le seul mouvement vers le Musée dont je peux parler, c’est la rencontre annuelle qu’on y organise. A part ça, je n’ai rien constaté de nouveau et je ne peux pas en dire plus ».
A quelques kilomètres de Dékheulé, dans le même département de Kébémer, la commune de Ndande abrite le mythique « Puits de Calom Fall ». Ce monument historique du 13ème siècle renferme des mystères. D’une profondeur de 34 mètres et un diamètre de 9 mètres, le « Puits de Calom Fall » aiguise les curiosités. Et selon Serigne Mbacké Fall, conservateur des sites historiques de Ndande, « ce site qui n’a pas livré tous ses secrets liés à son histoire et aux mystères qu’il renferme reçoit peu de visiteurs ».
Dans la commune de Léona (département de Louga), notamment au village de Thiowor, trône la « Case du tirailleur » érigé en Musée par l’Association des amis du musée des Forces armées (Asamu) en hommage à Abdoulaye Ndiaye, dernier survivant des tirailleurs sénégalais de la première guerre mondiale, décédé le 11 novembre 1998, à l’âge de 104 ans, la veille de sa décoration à la Légion d’honneur par l’ambassadeur de France au Sénégal. Mais ce patrimoine historique ne constitue pas, jusque-là, un point d’attraction de visiteurs. Dans le département de Linguère, la commune de Yang Yang, ancienne capitale du royaume du Djoloff, garde encore les vestiges de l’armée du résistant anti colonialiste Alboury Ndiaye. Point de départ des expéditions militaires de l’ancien « Bourba » contre l’armée coloniale, Yang Yang garde encore les anciens bâtiments et les aménagements de l’ancien résistant dont le « Tata » qui était une forteresse dans la stratégie militaire du roi d’alors.
Le « tourisme responsable communautaire » : Un palliatif
Malgré tous ces sites et monuments historiques, la région de Louga est encore loin d’être une zone touristique privilégiée par les visiteurs. Selon Youssouf Mbargane Mbaye, « si on avait mis à profit ce potentiel historique, la région de Louga serait une zone touristique attractive ». Une situation que déplore d’ailleurs Babacar Sarr, président du Festival international de folklore et de percussion (Fesfop) de Louga qui organise annuellement un événement culturel international avec des invités en provenance de pays étrangers. Mais le président du Fesfop renseigne qu’à défaut de sites touristiques aménagés pour satisfaire la curiosité des invités du Fesfop, les organisateurs de l’événement ont opté pour le « tourisme responsable communautaire ». « Il s’agit de partager nos réalités avec les européens en les logeant dans les maisons, dans les cases avec les mêmes modes de vie », explique-t-il. Mieux, renseigne le président du Fesfop, « les invités partagent avec nous les mêmes repas, dorment sous les moustiquaires et finalement, ils vivent les mêmes réalités que nous durant leurs séjours ».
Toutefois, Babacar Sarr se désole de l’absence de service de tourisme dans la région de Louga. « On ne peut pas comprendre pourquoi le Ministère du tourisme n’a aucun service administratif dans la région de Louga qui renferme des monuments et des sites historiques très importants », regrette-t-il. Citant le Puits de « Calom Fall », le village historique de Diéwol, la frange côtière sur l’Océan atlantique, le Lac de Guiers, entre autres, le président du Festival international de Folklore et de percussion (Fesfop) de Louga est convaincu que la mise à profit de ce patrimoine historique et cultuel pourrait faire de la région de Louga une très forte attraction touristique avec ses impacts sur le plan économique.
LE FESPACO S'ADAPTE À L'INSÉCURITÉ AU BURKINA FASO
La 28ème édition de l'incontournable festival du cinéma africain s'ouvre samedi à Ouagadougou, capitale du Burkina Faso, avec pour thème principal "la paix" au moment où la violence jihadiste ensanglante plus que jamais le pays
C'est le premier Fespaco depuis la prise de pouvoir des militaires au Burkina, lors de deux coups d'Etat en 2022, le premier en janvier, le deuxième en septembre.
Quelque 10.000 festivaliers sont attendus, selon Haby Ouattara, coordinatrice du Fespaco (Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou), qui se tient tous les deux ans.
"On est agréablement surpris, ça nous encourage et ça nous réconforte", ajoute-t-elle, tout en reconnaissant que la situation sécuritaire est dans toutes les têtes.
Selon Mme Ouattara, la fragilité du pays liée aux attaques jihadistes "a influencé l’organisation du festival", notamment le dispositif de sécurité, qu'elle ne souhaite pas détailler.
Le thème de cette 28e édition - "cinémas d'Afrique et culture de la paix" - a été choisi en conséquence, pour coller à "l'actualité", précise-t-elle.
Plusieurs films ont pour sujet principal "le terrorisme", comme "L'envoyée de Dieu" de la Nigérienne Amina Abdoulaye Mamani et "Epines du Sahel" du Burkinabè Boubakar Diallo.
"Les créateurs sont toujours influencés par ce qu'ils voient", explique Haby Ouattara.
Et malgré l'insécurité, le festival a choisi de délocaliser certains évènements.
Habituellement, les films sont projetés dans différents endroits de la capitale et de sa périphérie, "pour donner accès au cinéma à des gens qui ne l'ont pas".
Cette fois, ils s'étendront jusqu'à d'autres villes, auprès des personnes déplacées par la violence jihadiste.
"On ne peut pas faire comme si ces personnes n'existaient pas.On veut les faire rêver, leur permettre de s'évader", pointe Haby Ouattara. "C’est une première, mais on espère que ça va être la dernière et qu'elles ne regarderont plus les films en tant que personnes déplacées", affirme-t-elle.
Des membres de l'organisation du Fespaco rejoindront des déplacés à Kaya (centre-nord) et à Dédougou (centre-ouest), deux villes proches de localités ayant connu des attaques récemment.
Le 8 février, deux employés de MSF ont été tués sur la route entre Dédougou et Tougan par des hommes armés, et 15 personnes sont mortes le même jour à quelques km de Kaya dans une autre attaque.
Les violences liées aux attaques jihadistes, qui se sont multipliées ces derniers mois, ont fait plus de 10.000 morts au Burkina Faso depuis 2015, selon des ONG, et quelques deux millions de déplacés.
- Mali invité d'honneur -
Le Mali "symbole de résilience" pour les organisateurs, est l'invité d'honneur du Fespaco 2023.Comme le Burkina, ce pays voisin est ciblé par des attaques jihadistes et dirigé par des militaires putschistes.
L'équipe du Fespaco rappelle que plusieurs films maliens ont été primés par le passé, et que le cinéma trouve toujours sa place dans ce pays, malgré le contexte politique.
Cette année, 170 oeuvres ont été sélectionnées en compétition officielle, dont quinze longs métrages de fiction en lice pour briguer l'Etalon d'or du Yennenga, un trophée et un prix d'une valeur de 20 millions de francs CFA (environ 30.000 euros).
Cette récompense suprême du festival porte le nom de la princesse fondatrice du royaume des Mossis, ethnie majoritaire au Burkina Faso.
Le jury qui le décernera sera présidé par la productrice tunisienne Dora Bouchoucha.
Le Cameroun et la Tunisie sont les pays les plus représentés, avec deux films chacun.
Les autres sont originaires du Burkina, du Sénégal, d'Egypte, du Nigeria, du Mozambique, d'Angola, du Kenya, de l'Ile Maurice, du Maroc et d'Algérie.Un film de la République dominicaine a également été retenu.
En marge des projections, sont prévus comme lors de chaque édition des rencontres entre producteurs, distributeurs, réalisateurs et diffuseurs, des ateliers d'accompagnement à l'écriture et au développement, des colloques et des débats.
Cette édition célèbrera le centenaire de la naissance du réalisateur sénégalais Ousmane Sembène, figure emblématique du cinéma africain mort en 2007.
La biennale du Fespaco, qui durera jusqu'au 4 mars, présente depuis 1969 des films de réalisateurs africains et de la diaspora.