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21 avril 2025
Femmes
LA CÉSARIENNE, NÉCESSITÉ OU EFFET DE MODE ?
Les femmes interrogées aussi bien dans les structures sanitaires que dans les rues confessent une fréquence des accouchements par césarienne - Seulement, le recours accru à cette technique contribue à la réduction de la mortalité maternelle et infantile
L’ère des césariennes. Ce n’est pas un abus de langage. Les femmes interrogées aussi bien dans les structures sanitaires que dans les rues confessent une fréquence des accouchements par césarienne. Seulement, le recours accru à cette technique contribue à la réduction de la mortalité maternelle et infantile au Sénégal.
Fatou Mbaye, trouvée à un arrêt d’autobus, tient son nourrisson dans les bras. Elle vient de sortir de l’hôpital Roi Baudouin de Guédiawaye. L’expression faciale voile la fierté d’avoir donné la vie. Elle affiche un entrain contrastant avec l’intervention chirurgicale qu’elle a subie. «Les césariennes, j’ignore pourquoi, sont devenues fréquentes. Après le respect de toutes les consultations prénatales, au bout du compte, j’ai accouché par césarienne », raconte la dame.
Ndèye Amy Sakho porte, elle, son bébé sur le dos. Elle avance, d’un pas discret, vers l’arrêt d’autobus. Cette femme de teint clair a accouché par voie basse. Mais, elle s’étonne que beaucoup de femmes subissent une intervention chirurgicale pour donner naissance. Dans la banlieue, d’autres personnes ont aussi constaté la fréquence de cette pratique. Comme par enchantement, beaucoup de bébés naissent par accouchement artificiel. Mame Diarra Fall, hésitante au premier contact, délivre une analyse similaire à celle de nos deux précédentes interlocutrices. « J’ai l’impression qu’il y a plus d’accouchements par césarienne que par voie basse. Il faut reconnaître que ce sont parfois les femmes qui l’exigent », confesse-t-elle. Au quai de débarquement de Hann village, le rivage grouille de monde. Les femmes marchandent les prix des poissons fraichement débarqués des embarcations. Yacine Wade, une vieille dame, s’éloigne de cette effervescence. Elle attend d’autres pêcheurs. Elle ne regarde pas plus loin pour expliquer la fréquence des accouchements artificiels. « De nos jours, il y a trop de problèmes sociaux au sein des familles. Lorsque vous baignez dans cette situation durant toute votre grossesse, il y a de fortes chances que vous ayez des problèmes lors de l’accouchement », analyse-t-elle.
Au bord de cette plage, où ne cessent de déferler des vagues, la brise transporte d’autres idées et apportent d’autres arguments. Mbodj Sow, plus jeune, ne rame pas à contre-courant de la vieille. Mais, elle nous plonge dans la modernité. Elle associe les complications évoquées par notre précédente interlocutrice lors de l’accouchement à l’usage des contraceptifs. « Auparavant, c’était rare d’entendre qu’une femme a accouché par césarienne. Aujourd’hui, c’est presque devenu normal. Je pense que c’est le planning familial qui est à l’origine de la fréquence des césariennes. Aussi, il est plus facile d’accoucher sans complications en étant plus jeune que lorsque l’on dépasse la trentaine », confie-t-elle.
Dans des postes de santé,comme celui de Yarakh, l’occurrence n’émeut pas les praticiens. La césarienne a sauvé des vies. La technique a fait chuter les taux de mortalité maternelle et infantile.
Les sages-femmes rencontrées veulent que l’on regarde plus ces aspects que la fréquence. Toutefois, cette fréquence est aussi symptomatique de l’accessibilité à cette pratique médicale. Le Sénégal a rendu gratuites les césariennes dans le cadre de la Couverture maladie universelle (Cmu).
TENDANCES : LES CÉSARIENNES DE CONVENANCE TIRÉES PAR LE NIVEAU DE VIE
Le requérant d’une prestation médicale a le droit de choisir son protocole de traitement. Les femmes jouissent de plus en plus de ce droit lors de l’accouchement : c’est la mode des accouchements de convenance.
Les césariennes de convenance sont un effet de mode dans les pays développés. Certaines femmes qui ont un certain niveau de vie optent pour l’accouchement artificiel. Elles se payent le luxe de se soustraire de la souffrance liée à l’accouchement par voie basse. « Il y a des femmes au niveau de vie élevé qui demandent presque, de façon systématique, d’accoucher par césarienne », rapporte le gynécologue Sédouma Yatéra, par ailleurs médecin-chef de la maternité de l’hôpital Roi Baudouin de Guédiawaye.
Au Sénégal, dans des structures de santé comme Roi Baudouin, les femmes n’exigent pas pour le moment le recours à l’intervention chirurgicale pour donner naissance. Par contre, des intellectuelles ayant un certain pouvoir d’achat ont la liberté de faire le choix dans des cliniques. « Nous n’avons pas encore noté de femmes qui prennent la décision de recourir à une césarienne. Par contre, elles se rendent le plus souvent dans des cliniques pour cela », informe le gynécologue.
La fréquence des taux d’accouchement par césarienne est associée à la typologie de la population, à leur pouvoir d’achat. Le recours à cette technique est fréquent aussi bien dans les pays développés que dans ceux en voie de développement. Lorsqu’elle est médicalement justifiée, elle peut sauver des vies. Par contre, l’Oms n’a pas encore démontré que l’accouchement par césarienne, lorsqu’elle n’est pas nécessaire, a des effets bénéfiques. Pour l’Oms, « la priorité ne devrait pas être d’atteindre un taux spécifique, mais de tout mettre en œuvre pour pratiquer une césarienne chez toutes les femmes qui en ont besoin ».
ZOOM SUR… HOPITAL ROI BAUDOUIN : UNE RÉPUTATION BÂTIE SUR LE RECOURS ADÉQUAT À LA CÉSARIENNE
L’hôpital de niveau 1 Roi Baudouin change de statut et conserve sa bonne réputation. Le recours à la césarienne y a entraîné la baisse de la mortalité maternelle et néonatale. Un indicateur : sur 7000 accouchements en 2015, seuls 7 décès maternels ont été enregistrés. Et ces cas n’ont pas été suivis dans cette structure sanitaire.
Le temps est suspendu à la salle des post-opérées de la maternité de l’hôpital Roi Baudouin situé à Guédiawaye, dans la banlieue dakaroise. Deux femmes sont dans les couloirs. A travers la porte entre-ouverte, on aperçoit des sages-femmes assises. Derrière elles, des piles de papiers sont disposées sur des étagères. La plus âgée nous ouvre la salle. Celles qui viennent de subir la césarienne sont toutes allongées. Deux d’entre-elles se sont réveillées. L’une, Nogaye Guissé, affiche le sourire ; une de sage-femme soulève son nourrisson. « Oui, je me porte bien. Tout s’est bien passée », confesse la dame sur un ton encore empreint de fatigue.
Au fond, à l’angle opposé, Absa Sène pousse aussi un ouf. Son bébé dans les bras, elle laisse apparaître des traits de soulagement. Le temps de la peur est derrière elle. Mais, elle se rappelle encore de la décision des praticiens de faire recours à cette technique. « Lorsqu’on m’a annoncé que je devais faire la césarienne, j’avais peur. Mais finalement, ce n’est pas si compliqué. L’essentiel, c’est d’être bien portant et que l’enfant soit né dans les meilleures conditions », partage Mme Sène.
Ce compartiment est particulièrement calme. L’envers du décor au hall des salles de consultations et d’échographie. Ici, il n’y a pas de places assises sur les bancs attenants aux murs. Sur les bancs en bois jouxtant les 4 murs, des femmes, certaines la mine triste, sont visiblement impatientes. D’autres se plaisent à regarder les émissions matinales diffusées sur un écran suspendu.
Quelques unes sont debout ou s’adossent au mur près de la porte de la salle d’échographie. La maternité de Roi Baudouin conserve sa bonne réputation en matière de prise en charge des accouchements. « Entre les mois de juillet et novembre, nous sommes souvent débordés. Et lorsque nous évacuons les femmes vers d’autres structures où elles ne sont pas prises en charge, nous recevons des critiques. C’est un gros problème », informe le gynécologue Sédouma Yatéra.
Jusqu’à midi, les deux halls des salles de consultations refusent du monde. Cet Etablissement public de santé a bâti, au fil des années, sa réputation sur la prise en charge des bébés prématurés, les accouchements par césarienne. Le flambeau est entretenu, suscitant l’espoir dans un milieu défavorisé. « Sur 7000 accouchements en 2015, nous avons eu 7 décès. La pratique de la césarienne a contribué à la baisse de la mortalité maternelle et infantile à Roi Baudouin », affirme le Dr Yatéra.
Dans les couloirs, les sages-femmes échangent avec d’anciennes malades. La distance entre les praticiens et les malades semble s’effacer. Les allées sont aménagées et ornées de bois disposés en forme d’œuvre. Des plantes ornementales peuplent les jardins. Mais, l’embellissement va envahir les salles d’accouchement. Le décor devant, avant tout, avoir une incidence positive sur la prise en charge des femmes. « Nous allons humaniser les salles d’accouchement. Pour le bloc opératoire, nous venons de recevoir un équipement », révèle la directrice du centre hospitalier, Ramata Danfakha Bâ. La ruée vers Roi Baudouin ne date pas de l’effectivité de la gratuité des césariennes. Cette structure sanitaire, avec l’aide des partenaires, avait conçu des tarifs forfaitaires pour les césariennes avec une contrepartie des aides des partenaires. « Nous recevons des femmes, rapporte le gynécologue, qui nous viennent de Thiès, Rufisque et des autres parties de Dakar ». Le défi est de maintenir le cap.
RAMATA DANFAKHA BA : « LES GENS NE PRENNENT PLUS DE RISQUES »
L’administratrice du centre hospitalier Roi Baudouin de Guédiawaye analyse la fréquence des césariennes par la culture de la prévention des conséquences néfastes et pour la femme et pour l’enfant. « Les gens ne prennent plus de risques, parce que si les accouchements durent, cela peut avoir des conséquences pour la femme et l’enfant », explique Mme Bâ qui s’est d’ailleurs félicitée de la baisse de la mortalité maternelle et infantile à Roi Baudouin.
TRAJECTOIRE OU EN VEDETTE : HAWA CISSOKHO, SAGE-FEMME, UNE GARDIENNE DU TEMPLE SENSIBLE À L’ÉVOLUTION DE LA SCIENCE
Dans les couloirs de la maternité de l’hôpital Roi Baudouin, Hawa Cissokho traine humblement sa silhouette qui en dit long sur son humilité. Pourtant c’est l’une des plus anciennes sages-femmes de l’établissement. Elle fait partie de la vieille garde ouverte à l’évolution des techniques des accouchements.
Hawa Cissokho regagne, presque sur la pointe des pieds, le gynécologue Sédouma Yatéra qui se dirige vers les salles des post-opérées. Le médecin la salue de façon amicale. La dame est souriante. Depuis une trentaine d’années, cette praticienne essaie de transmettre de l’entrain aux femmes qui arrivent dans cet hôpital parfois le visage fardé de frustration. L’entretien avec elle peut se résumer à revisiter l’histoire des accouchements au fil des années à Roi Baudouin. Elle campe sur les valeurs élémentaires de l’exercice de leur profession. « Une sage-femme doit être accueillante. Elle doit se mettre à la place de la femme qu’elle reçoit. Elle essaie de la comprendre », confie Mme Cissokho. Elle n’infléchit pas sur ses principes. Par contre, elle est ouverte aux flux de l’évolution des techniques et des sciences dans le domaine de la médecine.
L’un des plus anciens agents de Roi Baudouin nous plonge, avec humilité, dans l’histoire de la prise en charge des accouchements dans cette structure sanitaire. « Il y a eu toujours des affluences pour les accouchements. Je rappelle que, bien avant la gratuité, nous avons eu un forfait. Et des femmes venaient pour en bénéficier. C’est une structure sanitaire qui est connue pour son expérience en matière de prise en charge des accouchements ; même les taximen connaissent bien Roi Baudouin », explique-t-elle en souriant.
Des années 80 à nos jours, admet-elle, il y a une grande différence. Aujourd’hui, il y a de plus en plus de femmes qui accouchent par césarienne. L’expérience inspire la sagesse, la prudence.
Hawa Cissokho parle doucement. Elle pèse et soupèse ses idées avant de les transmettre. Son débit lent est certainement symptomatique de sa timidité. Ce qui est clair, sa disponibilité ne fait pas l’ombre d’un doute. En plus d’avoir accepté l’interview presque sans protocole, elle nous conduira à la salle des post-opérées où elle rassure des dames à accepter d’échanger avec nous.
Dans sa blouse rose, un foulard voile sa tête. Elle sort de sa timidité lorsqu’on prête à toutes les sages-femmes des comportements peu catholiques. « Je pense qu’il faut relativiser. Les sages-femmes font beaucoup de sacrifices. Elles essaient d’offrir le meilleur d’elles-mêmes pour répondre aux besoins des femmes. Parfois elles sont débordées, elles sont surchargées sur le plan du travail. Les populations doivent les comprendre», analyse cette native du quartier Pont de Tambacounda. D’ailleurs, c’est dans cette ville que Hawa Cissokho est tombée sur le charme de ce métier en lisant le journal « Bingo ». « La passion du métier m’est venue en lisant le journal « Bingo » où une sage-femme de Dansi Camara racontait son travail. J’étais émerveillée. Je voulais être à sa place. C’est ainsi qu’en classe de Première je me suis présentée au concours d’entrée à l’Ecole des sages-femmes », se remémore-t-elle.
La passion nourrit cette dame qui est contente de soulager ses camarades. « Après les accouchements, certaines nous demandent ce qu’elles peuvent faire pour nous. Je leur réponds que votre paix intérieure est largement suffisante », dévoile la sage-femme dont la vocation est restée intacte malgré des décennies passées dans les maternités.
LA PAROLE À… DR SEDOUMA YATERA, MEDECIN-CHEF DE LA MATERNITE DU ROI BAUDOUIN : « L’AUGMENTATION DES CÉSARIENNES DOIT SERVIR À BAISSER LES MORTALITÉS MATERNELLE ET INFANTILE »
L’augmentation de la prévalence des césariennes doit servir à baisser la mortalité maternelle et infantile. C’est l’esprit que le gynécologue de l’hôpital Roi Baudouin de Guédiawaye, Dr Sédouma Yatéra, confère à l’inflation de cette technique médicale. Dans cet entretien, il révèle que les césariennes ont influencé la baisse des taux de mortalité maternelle et néonatale dans cette structure sanitaire.
L’hôpital Roi Baudouin a enregistré une baisse de la mortalité maternelle. Quels sont les facteurs qui ont été déterminants ?
Nous avons une longue tradition de prise en charge des accouchements de manière générale et des césariennes en particulier. Cela, depuis que l’établissement était un centre de santé. Nous enregistrons entre 4000 et 6000 accouchements par an. Pour l’année 2015, sur 4235 accouchements, il y a eu 1100 césariennes. Lorsqu’on le fait le ratio, on se retrouve avec un taux de césarienne qui tourne autour de 22 et 25 %. Mais, il convient de préciser qu’il y a des césariennes qui sont obligatoires. Pour ces cas, nous ne pouvons pas ne pas recourir à l’intervention chirurgicale. En fait, nous prenons en compte les indications liées soit à l’enfant, soit à la pathologie de la mère, et nous classons cette dernière dans la catégorie des césariennes de prudence. Pour ces cas-là, nous jugeons entre l’état maternel et l’état fœtal pour voir si c’est mieux de faire une césarienne pour sauver l’enfant ou encore voir est-ce que l’acte chirurgical ne va pas éviter que les complications de la mère n’évoluent vers une complication.
Est-ce qu’il y a une augmentation des césariennes au Sénégal ?
Il y a une inflation, une tendance à une augmentation des césariennes. Au cours des dix dernières années, l’OMS a établi une fourchette de 10 à 15% de taux de césarienne par rapport au nombre total des accouchements. Ces normes de l’Oms sont dépassées depuis longtemps dans les pays développés. Si nous prenons le cas de la France, elle avait un taux de césarienne de 10 %. C’était dans les années 80. En 2015, son taux est de 22%. La France avait la prévalence la plus faible en Europe. Le Royaume-Uni est à 33%. Dans l’Amérique du Nord, c’est la flambée. Le taux oscille entre 34 à 36%. Il y a des pays où des exemples sont frappants. Le Brésil est à 47 % de taux de césarienne alors qu’en Turquie, une femme sur deux accouche par césarienne. Au Sénégal, une étude réalisée par le Centre hospitalier universitaire Aristide Le Dantec dans les établissements sanitaires où la césarienne était pratiquée avait révélé une moyenne de 31% avec des extrêmes tournant entre 26 à 35%.
Est-ce que cette augmentation des césariennes a une influence sur la baisse de la mortalité maternelle et infantile ?
Il faut retenir que l’augmentation de la prévalence des césariennes n’est pas mauvaise si elle doit contribuer à baisser le taux de mortalité maternelle et néonatale. Le but recherché à travers la césarienne, c’est de baisser le taux de mortalité. Par contre, nous devons éviter que cette flambée n’influe sur la réduction de la mortalité.
Au Sénégal, selon l’EDS 5 (Enquête démographique et de santé), nous sommes à 392 décès pour 100.000 naissances vivantes. L’Afrique de l’Ouest est la région qui a le taux le plus élevé au monde. Au total, 1020 femmes décèdent sur 100.000 femmes qui accouchent chaque année, alors que ce ratio est de 36 femmes pour 100.000 naissances vivantes pour toute l’Europe. Comparaison n’est pas raison, mais il y a une grande différence. Le gap est énorme. Donc, nous avons besoin de cette pratique pour sauver davantage de vies. A Roi Baudouin, on a une longue tradition de la gratuité. Depuis 2004-2005, nous avons mis en place un kit forfaitaire pour les accouchements par voie basse et un autre pour la césarienne. Maintenant nous avons la politique de gratuité qui a facilité l’accessibilité. Je dois dire que la Cmu compense l’établissement après la présentation des états. Je dois aussi préciser que cette accessibilité est plus liée aux indications médicales qu’à l’accessibilité financière.
Lorsqu’une femme ne peut pas accoucher par voie basse et qu’on ne le fasse pas, quelles sont les conséquences auxquelles elle est exposée ?
Si elle ne peut accoucher par voie basse et qu’on ne le fasse pas, elle court le risque de rupture de son utérus. Parce qu’il y a des contractions. L’enfant ne peut pas passer par le bassin osseux. Il y a un conflit entre l’enfant et le bassin maternel. L’utérus ne va pas supporter les contractions. Il va se rompre. Et il y aura des conséquences comme l’hémorragie qui est la première cause de mortalité lors des accouchements au Sénégal. La deuxième cause, c’est l’hypertension artérielle et les autres complications. Si la femme a une hypertension artérielle, elle convulse, c’est-à-dire qu’elle fait des crises. Et si vous ne faites pas la césarienne dans l’immédiat, elle continuera à saigner, son placenta va décoller et s’en suivront des complications qui peuvent emporter l’enfant. La césarienne doit être faite au bon moment pour prévenir des conséquences fatales aussi bien pour l’enfant que pour la mère.
PAR AILLEURS… SAVOIRS ENDOGENES ET GESTION DES GROSSESSES : LE SECRET D’INVERSER LES CAS COMPLIQUÉS
Les détentrices des savoirs endogènes ont le secret d’inverser des cas de grossesse devant déboucher sur un accouchement césarisé. Fatou Cissé fait partie de celles qui ont réussi à soustraire des femmes des accouchements artificiels. Toutefois, elle n’a pas la solution à tous les cas.
Elles sont dans leur coin. Elles refusent de se mettre au-devant de la scène. A la Cité Fadia comme à Grand Yoff en face de l’arène Adrien Senghor, les femmes détentrices de savoirs endogènes gardent jalousement leurs secrets. Elles puisent dans leur riche patrimoine pour soigner des nourrissons et bien gérer des grossesses compliquées. « J’ai réussi à inverser certains processus d’accouchement par césarienne », confesse Fatou Cissé. Elle ne se glorifie pas de ses pouvoirs. A chaque cas inversé, elle est emplie de satisfactions. Le soulagement de ces dames traumatisées qui se présentent chez-elle est une fin en soi. La rentabilité financière n’est pas une primauté pour cette dame qui commence à blanchir sous le harnais. Mais, elle n’a pas la réponse à tout. « Je ne peux rien faire contre certains cas. Je conseille à la femme de se rendre à l’hôpital. Il y a aussi le fait que l’accouchement par césarienne peut intervenir au dernier jour avant l’accouchement », fait remarquer la conservatrice des savoirs endogènes. Elle a indexé au passage le régime alimentaire des femmes enceintes qui boivent abondamment de lait, s’alimentent avec beaucoup de viandes et de la pâtisserie qui font grossir l’enfant dans le ventre. « Je dis toujours aux femmes de prendre moins de lait, de pain et tous les aliments pouvant favoriser la prise de poids du bébé. Si ce dernier grossit dans le ventre, il est évident qu’il y aura toutes les chances que la femme accouche par césarienne », s’exprime la dame. Mme Cissé, appelée « mère jaboot », prodigue des conseils pour prévenir les accouchements artificiels. Elle regrette l’absence de collaboration entre les détentrices de savoirs endogènes et les professionnels de santé. « Les médecins nous dénient des compétences de bien prendre en charge des bébés et des grossesses. Or beaucoup de femmes viennent nous voir et sont satisfaites de notre travail », note-t-elle.
Du reste, les détentrices des savoirs endogènes jouissent encore d’une grande confiance auprès de beaucoup de femmes. La modernité n’a pas encore enterré le recours aux pratiques coutumières y compris dans de grandes villes comme Dakar.
ACCOUCHEMENT : LA CHIRURGIE PEUT S’IMPOSER À TOUT MOMENT ET EN TOUTE URGENCE
Deux modes d’accouchement, mêmes risques. Le gynécologue Cheikh Atab Badji minimise la différence des risques entre les deux voies de donner la vie. Au juste, il remet sur la table la probabilité de changer d’option pour un processus d’accouchement par voie naturelle déjà enclenché. « En cas de bonne maîtrise de la technique, les risques sont grosso-modo les mêmes que pour l’accouchement par voie basse. Par contre, le risque majeur de tout accouchement par voie basse, c’est de ne pas pouvoir disposer, dans un rayon acceptable, d’une unité de césarienne en cas de besoin. Car un accouchement par voie basse est en nature imprévisible. Et le recours à la chirurgie peut s’imposer à tout moment et en toute urgence », avertit-il.
UNE CONDITION POUR FAIRE 5 CÉSARIENNES
Contrairement aux idées reçues, une femme est en mesure d’accoucher par césarienne à cinq reprises et non deux fois. Mais, il faudrait qu’elle espace ses maternités. « Une femme peut subir 5 césariennes à condition que celles-ci soient espacées », précise le Dr Sédouma Yatéra. Toutefois, deux césariennes consécutives ouvrent la porte aux accouchements par voie haute. Autrement dit, il est déconseillé aux praticiens d’exposer une femme en voulant qu’elle donne la vie par la voie basse. Les deux premières césariennes consécutives ont des conséquences sur la physiologie de l’utérus. « Il y a des césariennes liées à la cause fœtale. C’est lorsque la femme porte dans son ventre un enfant de 4 à 4,5 kilogrammes. Si on fait le rapport entre le poids et les dimensions du bassin et que l’on se rende compte qu’elle ne peut pas accoucher par voie basse, on est tenu de l’opérer », indique le gynécologue.
Par la suite, il énumère les conséquences qui peuvent survenir en cas de non-respect de ces prescriptions. « Une femme qui a été opérée deux fois de suite pour césarienne ne pourra accoucher que par césarienne pour le reste de ses grossesses. Parce que l’utérus a été cicatrisé deux fois et s’est fragilisé. Il ne faudra pas l’exposer à des contractions qui peuvent être à l’origine de complications pouvant être fatales à l’enfant et à sa mère », avertit le spécialiste.
AVIS D’EXPERT… DR CHEIKH ATAB BADJI, OBSTETRICIEN : « LA CÉSARIENNE EST UNE ARME CONTRE LA FATALITÉ »
Le gynécologue-obstétricien Cheikh Atab Badji fait l’éloge du recours à la césarienne qui reste l’alternative dans bien des cas pour sauver la vie de la mère ou du bébé. Il s’éloigne naturellement de la dramatisation de l’augmentation des césariennes. Cette technique médicale est, à son avis, une arme aux mains des obstétriciens pour vaincre la fatalité imposée par certains cas de grossesse lors des accouchements.
Cheikh Atab Badji se fait l’avocat du recours à la césarienne. Il met en avant la primauté pour sauver des vies. Le gynécologue-obstétricien tranche donc, de façon nette, entre l’accouchement naturel avec des conséquences inattendues et celui artificiel sans séquelle aucune pour la mère et l’enfant. « Que vaudrait un accouchement par voie basse dont le produit est un mort-né, ou un décès maternel, ou une fistuleuse ? » s’interroge Dr Badji. Il répond par cette exclamation : « Un gros drame social ! »
Le spécialiste vante ainsi les bienfaits d’un acte chirurgical à présenter sous un angle plus social. D’autant plus que la césarienne pèse de tout son poids dans la réduction de la mortalité maternelle et néonatale. « La peur, pour ne pas parler de diabolisation de la césarienne, moyen de recours ultime de sauvetage maternel et fœtal, arme fatale du gynécologue-obstétricien contre la fatalité, doit bénéficier d’une bonne presse afin de sauver cette frange importante de femmes victimes de leur ignorance ou des préjugés », dit Cheikh Atab Badji qui conseille de recourir à cette technique en toute connaissance et responsabilité.
Il voit ainsi une once de logique dans la hausse de la prévalence. A vrai dire, l’accroissement de la population des femmes en âge de procréer induit inéluctablement une augmentation des besoins en soins en maternité. « La hausse de la fréquence de la césarienne est un phénomène tout à fait normal. Elle est tout simplement liée à l’augmentation de la démographie, donc à la population en âge de procréation, et logiquement à la hausse du besoin de césarienne. Il est bon de rappeler, en insistant, que la césarienne est un acte médico-chirurgical qui a pour but de sauver le bébé et/ou la mère », rappelle le spécialiste.
En toute objectivité, s’exprime-t-il, la hausse de la césarienne doit être corrélée à la baisse du taux de mortalité néonatale, c’est-à-dire celui des mort-nés à la naissance. Le gynécologue relativise, dès lors, l’observation d’une ascension du recours à cette technique médicale. Il fonde son argument sur la non-satisfaction des besoins dans beaucoup de zones du monde rural où les femmes continuent de perdre la vie en donnant la vie. « Malgré cette impression de hausse du nombre de césarienne en valeur absolue, en valeur relative, le taux est encore très faible, car beaucoup de femmes meurent encore, surtout en milieu rural, en donnant la vie pour causes évitables, notamment le défaut d’accès à l’offre de services de la césarienne », note Dr Badji.
Des recours fondés sur des exigences médicales
Il objecte le rapport entre la maîtrise de cette technique médicale et une hausse de la prévalence. Pour lui, ces actes médicaux sont fondés sur les indications médicales. « La maîtrise de la technique opératoire ne saurait justifier en aucun cas un recours non motivé. La césarienne obéit à ce qu’on appelle des indications, c’est-à-dire des situations en face desquelles elle s’impose. Dans les cas où elle s’impose, elle devient obligatoire, car la vie de la mère est directement menacée », indique le gynécologue.
Son argument est corroboré par des exemples. Il ne voit pas d’autres options que l’accouchement artificiel de la femme qui a une petite taille avec un petit bassin que ne saurait traverser un bébé de poids normal. Dans ce cas précis, affirme-t-il, l’accouchement par voie basse est impossible et toute tentative dans ce sens entraîne une déchirure de l’utérus de la femme, une hémorragie interne massive, une mort rapide du bébé et, fort probablement, celle de la maman en dehors d’une intervention rapide. En outre, l’expérience a montré que même les femmes qui ont donné la vie par voie basse à plusieurs reprises ne sont pas à l’abri d’un accouchement artificiel. « Les femmes ayant antérieurement une ou plusieurs fois accouché par voie basse peuvent se retrouver avec un gros enfant dans le ventre. Ici, les risques chez la mère et le bébé sont identiques au cas précédent. Bref, il y a plusieurs indications de césarienne obligatoire », poursuit le spécialiste des soins obstétricaux.
Dans d’autres cas, l’accouchement artificiel est motivé par le souci de sauver l’enfant. En fait, physiquement, la femme peut accoucher par voie basse. Toutefois, la probabilité de la mort du bébé à la naissance ou une situation de « détresse avancée » avec une admission à la crèche pour les soins intensifs incite les praticiens de santé à ne pas prendre des risques. « Nous mettrons également dans ce registre les cas de césarienne de prudence où l’accoucheur, en parfaite connaissance des aléas de tout accouchement par voie basse, prend l’option de sortir le bébé par voie haute pour ne pas prendre de risque. C’est le cas des grossesses dites « précieuses ». Comme exemple, nous donnerons la femme de la quarantaine, presque aux abords de la ménopause, qui fait sa première grossesse soit du fait d’une longue stérilité, soit d’un mariage tardif, situation devenue fréquente, car les femmes se marient de plus en plus tardivement », détaille le gynécologue.
Les spécialistes font aussi recours à cette technique pour les femmes au seuil de la ménopause et qui n’ont pas beaucoup de chances d’avoir plusieurs grossesses. L’obstétricien, confie Cheikh Attab Badji, se dit qu’il est plus prudent de sécuriser cette naissance par césarienne, car une prochaine chance reste biologiquement peu probable.
L’heure des naissances sécurisées
L’argument du gynécologue-obstétricien sent l’invite à suivre l’évolution du temps. Il ne sert à rien d’exposer la femme aux complications et à faire souffrir le bébé. « L’époque n’est plus celle des accouchements par voie basse coûte que coûte au risque de s’en sortir avec des séquelles comme des fistules ou les souffrances du bébé. L’heure de la qualité des naissances a sonné avec l’issue d’un bon produit de conception, d’un enfant qui naît sans grand dommage », déclare Dr Cheikh Atab Badji. Pour lui, cette technique médicale reste le remède de cheval contre les complications liées à l’accouchement et aussi « l’arme » inespérée pour combattre les mortalités liées à la naissance. C’est pour toutes ces raisons que la société doit avoir un regard positif sur l’augmentation des césariennes. « Il faut concevoir la césarienne comme une solution et non un problème. Beaucoup de vies de mères et de bébés tombent parce que ces braves femmes n’ont pas la chance de bénéficier de la césarienne. La question doit porter plutôt sur comment faire pour que la femme puisse bénéficier de la césarienne en cas de besoin. C’est cela qui permet de gagner la bataille contre la mortalité maternelle », oriente-t-il.
RENDEZ-VOUS AVEC… PR CHEIKH NIANG, SOCIO-ANTROPOLOGUE A L’UCAD : « IL Y A UN ÉCHEC DANS LA PRÉPARATION PHYSIQUE DE LA FEMME »
Dans son bureau-bibliothèque au Brgm (Bureau des recherches géologiques et minières) de l’Ucad, le socio-anthropologue Cheikh Niang nous expose d’emblée 4 livres qui brossent le sujet des accouchements. En se fondant sur les auteurs et sur les travaux, le chercheur fait une analyse sans complaisance de la délivrance artificielle. La hausse de cette dernière est la résultante de l’échec de la préparation physique et physiologique de la femme à subir l’exercice initiatique.
Professeur, dans le cadre de vos recherches, vous vous êtes intéressés aux questions liées à la santé comme la maternité. Quelle analyse faites-vous de l’augmentation des accouchements par césarienne au Sénégal ?
Il y a d’abord le fait que ce n’est pas un accouchement naturel. Il n’est certainement pas sans conséquence sur le corps de la femme et sur son vécu d’une manière générale. Mais, pour comprendre le phénomène, il faut le contextualiser et voir par quel processus on est arrivé à cet état de fait. A l’échelle internationale, nous avons des taux d’acception complètement différents au Brésil, en Hollande, en Suède… Je pense qu’il y a un engouement, une tendance à accepter la césarienne du fait qu’il y a une préparation, des influences de la promotion et de sa médiatisation. Donc, il y a une sorte de conditionnement. Ensuite, l’image de la césarienne qui a été projetée est celle d’une pratique médicale pratiquement sans risque. On n’a pas suscité la vigilance, la suspicion sur la césarienne. En plus, il y a le fait qu’elle est réservée à une catégorie de la population considérée plus ou moins éduquée et privilégiée. Or si nous reposons le problème sur un autre angle, nous pouvons bien promouvoir l’accouchement par voie naturelle. Mais, cela suppose un suivi qui va bien au-delà de la grossesse.
Pouvez-vous être plus explicite sur le suivi qui va au-delà de la grossesse ?
Si nous regardons dans des cultures africaines, la préparation à l’accouchement commence dès l’enfance. Cette phase de préparation et ce processus de socialisation ne sont pas reconnus par les systèmes officiels.
Qu’est-ce que cela veut dire ?
Si nous regardons dans la littérature anthropologique, de façon spécifique l’anthropologie physique, l’accouchement est un produit social. Des changements ont commencé à s’opérer dès le paléolithique. L’Homo sapiens a pris la posture debout. Il s’est posé un problème de délivrance. Cette posture debout de l’homme va être accompagnée de l’augmentation de la taille du cerveau alors que la place de l’utérus va changer. Ce processus n’est pas suivi par l’augmentation de la taille de l’utérus. L’augmentation du cerveau n’est pas accompagnée par l’élargissement de l’utérus. C’est pour cela que les femmes africaines ont travaillé depuis des millénaires à résoudre ce problème. Il fallait conditionner la femme, la préparer physiquement dès la naissance, développer certaines parties de son corps et travailler sur les techniques d’accouchement, notamment la posture accroupie. Lorsqu’on parle d’accouchement, on dit que l’enfant est tombé. C’est comme un fruit mûr qui tombe. Et il y a une personne qui vient le ramasser. Il est attiré vers le bas par l’attraction universelle. Il y avait une préparation physique et physiologique de la femme pour faciliter l’accouchement. C’est un long processus. Je peux aussi ajouter que durant la grossesse, l’un des défis, c’est le contrôle de la respiration. La femme va subir des pressions. Elle sera formée pour qu’elle puisse contrôler sa respiration par la pratique du puisage, le fait de piler. Les vieilles femmes ont réussi à cultiver les interdits alimentaires. La femme enceinte est tenue de ne pas prendre des aliments qui la font grossir et fait grossir le fœtus. En somme, il y a beaucoup d’exercices physiques auxquels elle était soumise et qui l’aidaient le jour de la délivrance. Mais, on a reproché au système traditionnel de surmener des femmes. Ces reproches sont formulés par le système dit moderne.
A travers cette analyse, on peut comprendre pourquoi la femme traditionnelle n’est pas encline à favoriser la césarienne. Parce que quelque part, la femme sort diminuée de l’accouchement artificiel. La césarienne, c’est aussi l’échec de la préparation physique et physiologique, de sa capacité à connaître son corps, à l’écouter, à faire des diètes alimentaires. Le phénomène ne doit pas être perçu comme un indicateur de performance, mais un échec de la préparation physique de la femme. C’est un échec de ce qu’on devait faire avant et pendant la grossesse. La césarienne devrait être la toute dernière opération à faire lorsqu’on n’a pas le choix, lorsqu’il faut sauver des vies. Elle ne doit pas servir à soustraire la femme des douleurs.
Pouvons-nous déduire que la construction de l’image de cette pratique médicale s’est faite au détriment de nos savoirs endogènes ?
D’une manière générale, la « modernité » est construite sur la base de la dévalorisation de nos savoirs traditionnels. On ridiculise les pratiques de préparation et les méthodes traditionnelles de délivrance des sociétés africaines. On considère ces organisations comme primitives. En fait, cela prolonge les rapports culturels politiques projetés dans des sciences médicales. Les sciences biomédicales ne sont pas neutres. Elles portent une charge coloniale. C’est précisément contre cela qu’il faut se réorganiser et montrer qu’il faudrait les améliorer du point de leur opérationnalisation, mais ils sont pertinents du point de vue des concepts. La « modernité » a été construite en dévalorisant notre héritage, notre savoir traditionnel et des héritages non européens. Nous avons un système qui évolue dans une société en crise en prenant le parti pris de ce qui domine. Ce n’est pas étonnant que l’Afrique reste le continent qui a le taux de mortalité le plus élevé au monde. Aujourd’hui tout doit être débattu et de manière approfondie.
Beaucoup de femmes accouchent par césarienne. Est-ce qu’il n’y a pas un effet de mimétisme ?
Les sociétés ne sont pas homogènes. Certaines femmes éduquées ont tendance à préférer la césarienne. Elles peuvent, dans une certaine mesure, influencer d’autres parce que dans une société, il y a souvent une quête de modèles. On veut souvent imiter les comportements auxquels on aspire. Cette influence peut être observée chez la catégorie intermédiaire, c’est-à-dire chez celles qui ont un niveau d’études moyen. Par contre, il est fort probable que plus le niveau d’instruction est élevé et moins elles vont accepter la césarienne. Les deux extrêmes vont se toucher. Mais, cela ne suffit pas pour enclencher la manière de voir les choses.
TRANCHE D’HISTOIRE… HOPITAL ROI BAUDOUIN : LE BÉBÉ DE LA COOPÉRATION BELGE
Créé au début des années 80, l’hôpital Roi Baudouin de Guédiawaye est le berceau de la lutte contre la mortalité maternelle et infantile dans la banlieue dakaroise. Il ne faut pas y voir un lien avec le Roi Baudouin qui était orphelin de mère à l’âge de 5 ans et l’enfant mort-né de la Reine Fabiola en février 1962 et ses deux fausses couches.
L’hôpital Roi Baudouin a été fabriqué de toute pièce par les Belges. L’ancien centre de santé de référence était la limite du quartier de Guédiawaye. C’était dans les années 1980. L’établissement qui dépendait du grand département de Pikine avait une vocation précise. « Le centre de santé de référence a été construit et équipé par la Coopération technique belge. Les médecins étaient des Belges, les infirmiers et les sages-femmes étaient des Sénégalais », informe Ndiamé Sow qui avait travaillé dans le grand district de Pikine.
Implanté dans un milieu défavorisé, l’établissement avait une mission de dimension sociale et sanitaire. L’accessibilité financière et géographique aux soins de santé des habitants de cette partie de Dakar avait guidé le choix du site et fondé sa mise en place. « Roi Baudouin a été réalisé dans le but de faciliter l’accès aux soins, la lutte contre les maladies hydriques. L’établissement avait une longue tradition dans ce domaine. Mais, la structure s’est distinguée, depuis sa création, dans la lutte contre la mortalité maternelle et infantile », rapporte M. Sow.
La dimension particulière accordée à la lutte contre la mortalité maternelle et infantile peut rappeler la perte de la mère du parrain et les fausses couches de la reine Dona Fabiola de Moya.
Cette bonne réputation a été conservée au fil des années. Les Belges avaient préparé les praticiens sénégalais à prendre leur destin en main. Juste avant la fin de la coopération, les sages-femmes et les infirmiers avaient pris le soin de former des Sénégalais. « Avant la fin de la coopération, entre 1992 et 1993, les Belges ont formé tous les sages-femmes et les infirmiers du département de Pikine dans un grand institut de formation en Belgique. Ils ont reçu des formations en médecine tropicale et en santé publique », raconte Ndiamé Sow.
L’espacement des naissances et la lutte contre la malnutrition faisaient partie des axes d’intervention prioritaires du centre de santé érigé en hôpital de niveau 1 à la faveur de l’application des revendications des organisations syndicales. C’est le décret n°2010-774 du 15 juin 2010 qui a changé le statut de Roi Baudouin en même temps ceux de Youssouf Mbargane de Rufisque, de l’Institut d’hygiène et de Santé (ex-Polyclinique), de Ndamatou de Touba ainsi que des centres de santé de Tivaouane, Mbour, Linguère, Kaffrine, Richard-Toll et Sédhiou.
LE LEADERSHIP DES FEMMES DANS L'ÉLABORATION DE STRATÉGIES POUR JUGULER LE MAL
Bâtir une réponse régionale et internationale contre le terrorisme et l’extrémisme violent
Dakar abrite depuis hier, mardi 10 avril 2018, une conférence de haut niveau sur «Femmes, violence et terrorisme en Afrique de l’Ouest et au Sahel: bâtir une Réponse ré- gionale et internationale». Cette rencontre qui se termine ce mercredi, vise à assurer et renforcer la participation effective et le leadership des femmes et des organisations de femmes dans l'élaboration de stratégies de lutte contre le terrorisme et l'extrémisme violent pouvant mener au terrorisme en Afrique de l’Ouest et au Sahel.
L e terrorisme est devenu une menace importante pour la paix, la stabilité, la sécurité et le développement en Afrique de l’Ouest et au Sahel. Et, les femmes ont été les plus touchées par ce terrorisme en Afrique de l’Ouest et au Sahel. Elles subissent des actes méprisables d’abus physiques, psychologiques et de torture, surtout du groupe Boko Haram. Ainsi, dans le cadre de ses activités régionales, le Bureau des Nations Unies pour l'Afrique de l'Ouest et le Sahel (UNOWAS), organise en partenariat avec la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CÉDÉAO), le G5 Sahel, le Groupe de Travail Femmes, Jeunes, Paix et Sécurité en Afrique de l'Ouest et le Sahel, le Bureau des Nations Unies Contre le Terrorisme, avec la participation du ministère ministre de la Jeunesse, de la Construction citoyenne et de la Promotion du volontariat, une conférence de haut niveau les 10 et 11 mars à Dakar. La rencontre de deux jours ouverte, hier mardi au King Fahd Palace, à pour thème «Femmes, violence et terrorisme en Afrique de l’Ouest et au Sahel: bâtir une Réponse régionale et internationale» Partant de ce constat, le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel, Mohamed Ibn Chambas, regrette que des femmes subissent d’actes mé- prisables. «Si nous observons la région de l’Afrique de l’Ouest et du Sahel, nous conclurons que les femmes sont directement touchées par le terrorisme. Elles subissent d’actes méprisables de torture et autres abus physiques et psychologiques. Les femmes, y compris les jeunes filles, y ont été tuées, violés ou enlevées par Boko Haram, AQMI, EI et d’autres organisations terroristes œuvrant vicieusement dans l’Afrique de l’Ouest et le Sahel».
IMPACT NÉGATIF DU TÉRRORISME SUR LES FEMMES
Par ailleurs, Mouhamed Ibn Chambas déplore le forcing dont font objet les femmes sous le joug des terroristes qui les poussent à commettre des crimes. «Sous un autre angle, les femmes, ont participé, parfois malgré elles, et souvent dans l’ignorance, à des attaques terroristes en tant que combattantes, kamikazes, porteuses de munitions lors d’opérations, de recruteuses, de domestiques, de cuisinières et d’esclaves sexuelles». Par ricochet, ces actes terroristes influent considérablement sur l’économie de ces pays. «Les femmes jouent un rôle actif dans l’agriculture et les moyens de subsistance ruraux. Mais, la crainte des attaques du groupe des terroristes a conduit beaucoup d’entre-elles à se cacher ou fuir dans des camps pour personnes déplacées à l’intérieur du pays», renseigne-t-il.
DE LA NÉCESSITÉ DE COORDONNER LES INTERVENTIONS
Pour sa part, la Commissaire des affaires sociales et genre de la CEDEAO, Madame Siga Fatima Jagne, appelle à une mutualisation des actions dans la lutte contre l’extrémisme violent afin de juguler le mal à la racine. «Je vous invite à vous approprier le plan d’action 2017-2020 pour la composante Femmes, Paix et Sécurité du cadre de prévention des conflits de la CEDEAO (CPCC), adopté en février 2017, par les ministres en charge du Genre et de la Femme des 15 états membres. Il met en exerce l’importance de placer les femmes dans des positions centrales dans des questions de paix et de sécurité et souligne l’urgence de trouver des solutions aux facteurs structurels qui déterminent leur exclusion auxdits processus».
LA SENSIBILISATION, UN FACTEUR IMPORTANT
Quant à Madame Marie-Josée Kandanga de l’ONU Femmes, elle est revenue sur le rôle de sensibilisation et de prévention des femmes contre l’extrémisme violent et l’absence de ressources financières et matérielles qui amoindrissent leur chance d’y parvenir. «C’est important de tenir compte du rôle clef que doivent jouer les femmes dans cette lutte. Elles ont le potentiel. En tant que citoyenne, mère, elles peuvent bien jouer le rôle de prévention dans la lutte contre l’extrémisme violent mais aussi pour l’accompagnent et la réintégration de toutes ces personnes qui ont été affectées. C’est l’occasion de mener un plaidoyer en faveur d’appuis pour les femmes, pas seulement avec la bouche et les bonnes intentions mais par des appuis techniques et financiers».
L’ÉDUCATION DOIT JOUER UN RÔLE DE PREMIER PLAN
Venu représenter le ministre de la Jeunesse, de la Construction citoyenne et de la Promotion du volontariat, Madame Aminata Diongue, conseillère technique chargée du genre au dit ministère, aborde l’approche éducation comme un des meilleurs moyens pour lutter contre ce phénomène qui sévit en Afrique. Pour elle «au plus bas niveau, la lutte contre ce phénomène commence par l’éducation des enfants, leur surveillance, leur sensibilisation. Mais surtout leur dire ce qu’il en est. Parce que l’éducation, c’est un problème de société mais ça débute d’abord dans le ventre de la maman, la cour puis la rue avant d’aller sur la place publique, avant que l’enfant ne prenne le chemin de l’école ou de l’atelier pour aller chercher du travail».
LA PEAU DURE DES STÉRÉOTYPES
La place des femmes dans la politique est à l’image de ce qu’en pensent les Sénégalais - Une partie des citoyens doute encore de leurs capacités de gestion, d’autres sont convaincus
La place des femmes dans la politique est à l’image de ce qu’en pensent les Sénégalais. Si une partie des citoyens doute encore de leurs capacités de gestion, d’autres, par contre, en sont convaincus, même si une frange de cette dernière catégorie pense que le pays n’est pas encore prêt à être dirigé par une dame.
La dame Salimata Diallo tient son petit commerce dans un populeux quartier de la commune de Pikine-Nord. Elle ne donne pas l’air d’avoir soufflé ses 75 bougies, tant elle déborde d’énergie. Elle est d’autant plus enthousiaste à aborder la question de la place de la femme dans la politique, qu’elle est convaincue, depuis bien longtemps, qu’en matière de capacité de gestion, la femme est l’égale de l’homme. ‘’Je le dis toujours, nous les femmes devons être responsabilisées davantage dans la gestion de la cité. Nous savons gérer. C’est pour cette raison que je peine à comprendre pourquoi leurs candidatures ne passent pas. Je vote depuis les années 80, mais ça n’évolue pas. Dans la dispersion, nous n’allons jamais obtenir la majorité. Les femmes sont dans les partis politiques, mais elles y jouent les seconds rôles’’, se désole celle que l’on surnomme affectueusement ‘’Mame Diallo’’. Pour remédier à la situation, elle préconise une synergie des forces afin d’éviter d’aller au front en rangs dispersés.
Elève en classe de terminale au lycée Seydina Limamoulaye de Guédiawaye, Sokhna Awa Makalou Mbow passerait pour quelqu’une qui a une dent contre des hommes politiques. Elle ne comprend pas pourquoi la gent féminine ne parvient pas à se faire une place au soleil des instances de décision. ‘’En tant que femme, si j'ai l'occasion de voter pour une femme, je le ferai, parce que la femme a les mêmes capacités que l’homme. Quand elle veut, elle peut. Avec l'émancipation de la femme, on la retrouve dans tous les domaines de la vie. Avec ses qualités, son savoir-faire, sa pudeur, sa force, son honnêteté et son intelligence, elle peut bien gérer un pays’’, déclare cette nouvelle mariée. (…)
Abdoulaye Ba, la trentaine sonnée, trouvé dans une boutique sise aux Almadies en train de faire ses achats, est catégorique sur la question. Chauffeur de profession depuis 20 ans, il pense qu’il faut attendre encore pour voir une femme présidente de la République. ‘’Arrêtez de chercher l’impossible ! Les Sénégalais ne sont pas encore prêts à mettre à la tête du pays une femme’’, déclare le jeune homme. Selon lui, cela est dû à plusieurs paramètres. ‘’Socialement parlant, nous ne sommes pas encore prêts à le faire. Il y a des choses que les politiciens font et dont les femmes ne pourront pas faire. Tout ce qui est trahison, deal et combines ne collent pas à la femme sénégalaise. Du coup, même si je le souhaite, je sais que ce n’est pas demain qu’on aura un Sénégal dirigé par une femme’’, pense-t-il.
Technicienne de surface et originaire d’un village du Sine-Saloum, Maïmouna Sène est contre toute idée de mettre une femme dans la gestion des affaires. En fait, son vécu et ses origines lui font croire qu’une femme ne fera pas l’affaire. ‘’Je suis foncièrement contre. A chaque fois que je vote, ma carte va à un homme. Nous les femmes aimons trop les détails et cela ne fait pas bouger un pays. La gestion demande beaucoup de rigueur et d’abnégation que nous n’avons pas. Pour dire vrai, la place de la femme, c’est dans son ménage. Du moins, c’est ce que j’ai connu et vécu depuis ma tendre enfance. En ville, la réalité est autre’’, laisse entendre cette demoiselle dont l’accent laisse aisément deviner son appartenance ethnique sérère. Avant de presser le pas pour rejoindre son lieu de travail à Fann-Hock.
Professeur de français dans un établissement scolaire privé de la ville de Rufisque, M. Ba se donne à cœur joie sur la question. Et contrairement à Maïmouna Sène, non seulement il est pour la promotion des femmes, mais il trouve même faible la place qu’elles occupent actuellement. ‘’Je juge anormal que, sur les 4 grandes institutions du pays, il n’y ait qu’une seule femme à la tête (Aminata Tall, Présidente du Cese) de l’une d’elles. Les femmes doivent se mobiliser davantage. Je pense que c’est la seule façon de changer la donne. Elles sont minoritaires dans toutes les instances de représentation et de décision, et pourtant, elles sont plus nombreuses. Donc, où se trouve le problème ?’’, se demande-t-il. M. Ba a sans doute réponse à sa propre question, puisqu’il conseille aux femmes de ne plus accepter d’être ‘’du bétail électoral’’. Avec sa voix rauque et imposante, il croit dur comme fer qu’un jour, une dame sera au palais.
‘’Depuis 60 ans, les hommes dirigent et rien ne marche’’
A Thiès, la ville rebelle, des femmes ont été rencontrées non loin de la promenade des Thiessois, dans les quartiers Médina Fall, Guinaw Rails, Diakhao, mais aussi au ‘’Bayalou ya Khoudia Badiane’’. Les positions sont plutôt partagées. Si les unes sont pour qu’une femme préside aux destinées des Sénégalais, les autres ont quelques réserves. ‘’Mettons les hommes au-devant pour diriger. Nous, de notre côté, nous allons les accompagner’’, disent quelques-unes. Non ! Rétorque les autres. ‘’Depuis 60 ans, les hommes dirigent et rien ne marche. Donc, essayons avec les femmes pour voir. Elles vont mettre le pays sur les rampes de l’émergence. Nous devons croire en nous-mêmes. On ne doit plus accepter de jouer aux applaudisseuses, encore moins de passer tout notre temps à remplir les salles de réunion ou les meetings ; bref, d’être à la solde des hommes’’, répliquent des dames qui s’activent dans la vente des produits locaux.
‘’Franchement, nous sommes dans une société qui a ses normes. Les femmes doivent se limiter à la gestion du ménage, à l’éducation des enfants. Il faut qu’on arrête d’être des suivistes. Nous sommes au Sénégal, donc, on ne devrait pas s’aventurer dans certaines considérations du genre : donner plus de pouvoir aux femmes. Ça va nous créer plus de problèmes que de solutions’’, soutient, par contre, un habitant de Tassete, dans la région de Thiès.
Selon le vieux Aymirou Sylla, chacun doit jouer sa mission dans la société. Et celle de la femme, d’après lui, est de rester à la maison !
UNE NAGEUSE SÉNÉGALAISE BAT UN RECORD DE FRANCE
Jeanne Boutbien, a fait tomber le record national du 50 m dos, vieux de 13 ans, lors de la 2e journée du Championnat de France universitaire de natation en bassin
La nageuse sénégalaise d’origine française, Jeanne Boutbien, a battu le record national du 50m dos, vieux de 13 ans, lors de la 2e journée du Championnat de France universitaire de natation en bassin de 25 mètres qui s’est déroulée à Sarcelles du 6 au 7 avril 2018, rapporte la commission Communication de la Fédération sénégalaise de natation et de sauvetage (FSNS) dans un communiqué reçu lundi à APA.
« Notre internationale Jeanne Boutbien bat le record du Sénégal du 50m dos avec un nouveau chrono de 31”27 », souligne le communiqué avant de rappeler que l'ancien chrono de 31”38, vieux de 13 ans, était détenu par Khadija Ciss qui l’avait réalisé à Chalon sur Saone, en France, le 3 décembre 2005.
Née à Dakar en 1999, Jeanne Boutbien, une blonde de 19 ans, est l’un des espoirs sur qui le Sénégal compte pour décrocher une médaille olympique d’ici 2024.
En septembre 2016, le ministère sénégalais des Sports avait lancé un projet dénommé ‘’Génération 2024’’, financé à hauteur de 100 millions de FCFA, et s’appuyant sur une élite sportive de 120 jeunes athlètes, sélectionnés dans 12 disciplines différentes dont la natation.
Ils seront formés d’ici les Jeux olympiques de 2024 en vue de décrocher des médailles internationales, notamment olympiques. Jusqu’ici, Amadou Dia Ba, médaillé d’argent aux 400 m haies des Jeux olympiques de Séoul (Corée du Sud) en 1988, est le seul Sénégalais à monter sur un podium olympique.
REPRÉSENTATION DES FEMMES DANS L'ESPACE POLITIQUE
‘’Les femmes sont souvent confrontées au plafond de verre qui limite leurs possibilités’’, selon Dr Oumoul Khaïry Coulibaly Tandian - ENTRETIEN
Malgré une meilleure représentation des femmes à la faveur de la loi sur la parité promulguée par le président Abdoulaye Wade en 2010, les femmes restent encore sous-représentées dans la vie politique. Selon Dr Oumoul Khaïry Tandian, les obstacles sont à la fois économiques, sociologiques, politiques… Cette socio-anthropologue plaide pour une éducation et une formation des filles et une autonomisation économique des dames.
Comment jugez-vous la place des femmes sur l’échiquier politique ?
Le Sénégal a adopté, en 2010, la loi instituant la parité hommes-femmes, dans le sens de l’égalité parfaite, qui a permis un accroissement substantiel de la représentation des femmes dans les institutions électives et semi-électives. Cette loi prévoit une représentation équitable en imposant comme conditions de recevabilité des listes le respect de la parité par les partis politiques, coalitions de partis ou candidatures indépendantes, suivant une répartition alternée des sexes des candidats. D’ailleurs, le Sénégal est cité en exemple comme faisant partie des 7 pays africains qui sont dans le top 20 des pays où la représentativité des femmes en politique est assez importante. Nous avons 47 % de femmes dans les collectivités locales et 41 % à l’Assemblée nationale. Toutefois, de nombreux défis demeurent : les femmes sont encore sous-représentées dans la vie politique aussi bien comme électrices, élues que dans l’Administration publique. Même si le nombre de femmes élues augmente, elles peinent à franchir certaines barrières. Par exemple, on ne compte qu’une dizaine de femmes maires et peu d’entre elles sont à la tête d’une grande municipalité. La parité dans les bureaux des assemblées élues, municipale, départementale, nationale, n’est pas toujours appliquée. En outre, les femmes sont souvent cantonnées dans les commissions considérées comme ayant moins d’enjeux, comme les affaires sociales, par exemple. Elles accèdent difficilement aux fonctions dirigeantes dans les partis politiques et institutions étatiques. Aucun grand parti au Sénégal n’est dirigé par une femme, par exemple. Elles sont, le plus souvent, utilisées dans les partis politiques pour leurs capacités mobilisatrices ou pour faire du ‘’saupoudrage’’. Mais les femmes se mobilisent de plus en plus pour revendiquer leurs droits et la loi sur la parité en est un exemple. L’engagement militant des femmes de la société civile a donné naissance au projet de loi et le président Wade en a fait une loi. En fin stratège politique, le président Wade avait compris l’intérêt d’accéder à cette demande des femmes.
Depuis l’indépendance, les femmes ne sont pas assez bien représentées dans les instances de décision. Qu’est-ce qui explique cela ?
Il y a de nombreux facteurs parmi lesquels on peut citer les pesanteurs sociologiques, c’est-à-dire les mentalités, les stéréotypes, les croyances qui freinent à la fois l’engagement politique des femmes et leurs possibilités d’être élues et d’accéder aux instances décisionnelles ; les contraintes socio-économiques comme la pauvreté, en particulier féminine, l’analphabétisme des femmes, leurs responsabilités sociales, entre autres.
Mais vous savez, très souvent, le manque de formation des femmes peut être mis en avant pour justifier leur sous-représentativité. Mais, au-delà de la simple question des compétences, cette situation est le résultat des inégalités qui structurent les relations de genre dans tous les domaines, y compris les lieux d’exercice du pouvoir, et qui freinent la jouissance effective, par les femmes, de leurs droits en tant que citoyennes.
Elles constituent 51 % de l’électorat, on dit même que ce sont les femmes qui élisent. Pourquoi les candidates ont du mal à passer ?
Comme je le disais tout à l’heure, les femmes rencontrent encore de nombreuses résistances à la fois structurelles et conjoncturelles pour accéder aux positions leur permettant d’être élues, et quand elles le sont, elles sont souvent confrontées au plafond de verre qui limite leurs possibilités de progresser.
Une femme a-t-elle la chance de devenir présidente, dans un futur proche ?
Pourquoi pas ? Je ne suis pas devineresse. Le Sénégal a déjà eu 2 femmes au poste de Premier ministre. Parallèlement, des femmes ont été candidates au poste de président de la République. Mais, malheureusement, jusqu’à maintenant, aucun grand parti, en mesure de gagner les élections, n’a investi une femme.
Comment faire pour changer la donne ?
Vous savez, les femmes ne demandent pas de la charité. Elles veulent juste que l’égalité des droits déjà consacrée par la Constitution sénégalaises soit respectée et appliquée. Mais il faut aussi renforcer le leadership des femmes par leur autonomisation à la fois économique, politique, sociale et légale. Elles seront ainsi davantage outillées pour revendiquer leurs droits, mais aussi être à la hauteur des responsabilités qui leur seront confiées. Le préalable, c’est d’éduquer davantage les filles, femmes de demain, et leur donner les mêmes chances que les garçons de réussir. La loi sur la parité, si elle est appliquée, favorise la candidature et l’élection des femmes. Mais elle ne suffit pas, à elle-seule, pour changer les choses. Un travail pédagogique de communication sur ce qu’est la loi sur la parité devrait être fait pour une meilleure adhésion de tous. Car beaucoup font la confusion entre la lutte pour les droits des femmes et la guerre des sexes.
L'ORFÈVRE SÉNÉGALAISE DE LA CÉRAMIQUE
À la tête de sa marque, la Sénégalaise Faty Ly explore traditions et cultures africaines à travers ses créations - Cette passionnée de gastronomie rend hommage au patrimoine du pays de la Teranga
Katia Touré |
Jeune Afrique |
Publication 07/04/2018
«Nous, les Sénégalais, sommes ouverts sur le monde tout en restant profondément attachés à notre culture », soutient la céramiste Faty Ly. Avec ses créations destinées à l’art de la table, cette passionnée de gastronomie rend hommage au patrimoine du pays de la Teranga.
En témoigne sa collection intitulée Nguka, un assortiment de pièces de vaisselle en porcelaine dorées à l’or fin et sur lesquelles sont reproduits des portraits de femmes wolofs rappelant le travail des maîtres de la photographie de Saint-Louis. Au-delà du Sénégal, sa série de mugs en porcelaine, Les Sapeuses, se veut un clin d’œil à la RD Congo…
Si l’argile a longtemps été sa matière de prédilection, la designeuse de 47 ans, native de Dakar, s’est peu à peu tournée vers la chromolithographie, une technique d’impression sur porcelaine, pour le moment impossible à mettre en œuvre au Sénégal. Aussi la reproduction de ses croquis est-elle réalisée en France, dans une manufacture de Limoges.
« J’ai grandi au sein d’une famille qui avait le goût de l’art et du savoir-faire artisanal. Mêler ces deux dimensions, c’est mon leitmotiv. Ma grand-mère possédait des statuettes de la sculptrice et potière casamançaise Seyni Awa Camara. C’est de là que me vient ma passion pour la poterie et la céramique. »
Collaborations avec Diénébou Zon et des artisans du Burkina Faso et du Mali Une passion qui la mène, en 2000, au Salon international de l’artisanat de Ouagadougou (SIAO), où elle fait la connaissance de Diénébou Zon, une potière de Bobo-Dioulasso. Conquise par le travail de cette dernière et bien décidée à entamer une collaboration, Faty Ly choisit d’ouvrir l’année suivante son propre atelier à Dakar, dans le quartier du Point E.
« Avec Diénébou, nous avons réalisé des pièces de poterie décoratives mais aussi des objets utilitaires, comme des assiettes ou des bols. J’ai également travaillé avec d’autres artisans du Burkina Faso et du Mali afin de promouvoir leur travail sur le bronze, le bois ou le textile », raconte celle qui a appris le métier de galeriste à Drouot Formation, à Paris, dans les années 1990.
Outre ces activités, Faty Ly étudie le design en céramique à l’école Central Saint Martins de Londres, avant de s’installer au Sénégal en 2010.
Aujourd’hui, son atelier est essentiellement tourné vers la confection des produits de sa marque, Fatyly, lancée en 2015. Elle y travaille seule, faisant appel au besoin à de la main-d’œuvre. Ses assiettes, services à thé et à café en porcelaine ou encore ses luminaires en argile sont disponibles à Dakar et à Abidjan mais aussi à Lagos.
Bientôt, ses créations seront mises en vente en Suisse et aux États-Unis. Prix moyen de ses pièces : entre 22 500 et 95 000 F CFA [entre 34 et 145 euros]. « Ma clientèle est une clientèle de niche, féminine et africaine », ajoute la créatrice, qui refuse de donner son chiffre d’affaires. En ce moment, elle s’attelle à finaliser sa prochaine collection, d’inspiration ivoirienne, qui devrait être dévoilée courant mai. « J’ai également dans l’idée de me lancer dans la création d’œuvres d’art. »
LA FRANCO-SÉNÉGALAISE QUI VEUT RAPPROCHER KIGALI ET PARIS
Sira Sylla, parlementaire de La République en marche (LREM), préside groupe d’amitié France-Rwanda-Burundi à l’Assemblée nationale française
Ce samedi 7 avril, la députée française Sira Sylla, présidente du groupe d’amitié France-Rwanda, devait assister, à Paris, à la cérémonie commémorant le génocide des Tutsis. Un premier pas vers une normalisation, encore largement virtuelle, de la relation bilatérale ?
L’an prochain à Kigali… une parlementaire française assistera officiellement à la 25e commémoration du génocide commis en 1994 contre les Tutsis du Rwanda. C’est en tout cas l’engagement pris par Sira Sylla, députée (La République en marche, LREM) de la Seine-Maritime et présidente depuis peu du groupe d’amitié France-Rwanda-Burundi à l’Assemblée nationale française.
Belle relation diplomatique
Mardi 3 avril, cette parlementaire de 38 ans, d’ascendance sénégalaise, recevait au Palais Bourbon, à Paris, l’ambassadeur du Rwanda en France, Jacques Kabale. « De riches échanges qui présagent d’une belle relation diplomatique », résume Sira Sylla dans un Tweet posté au terme de la rencontre.
« Notre dîner s’est très bien passé. La prochaine étape sera une rencontre de l’ambassadeur Kabale avec l’ensemble du groupe d’amitié », indique-t-elle à Jeune Afrique.
De son côté, le diplomate rwandais, en poste à Paris depuis 2009, qualifie la rencontre d’« excellente ». « L’entretien a été franc et riche. J’ai ressenti une volonté d’œuvrer au rapprochement de nos deux pays à laquelle je n’étais pas habitué avec le groupe d’amitié qui a officié durant la précédente législature », indique Jacques Kabale à JA.
Depuis juillet 1994, la relation bilatérale entre la France et le Rwanda a alterné entre phases de glaciation diplomatique et crises ouvertes, sur fond d’accusations portées par Kigali contre le rôle trouble joué par Paris avant, pendant comme après le génocide. À l’exception d’une courte phase de réchauffement, durant le mandat de Nicolas Sarkozy, jamais la normalisation de la relation entre les deux pays n’a été inscrite à l’ordre du jour.
« Le précédent groupe d’amitié n’avait d’amical que le nom, ajoute Jacques Kabale. En cinq ans, ils n’ont jamais fait le déplacement au Rwanda. Sa présidente, membre de la commission de la défense, avait une position alignée sur celle de l’armée française. Lors de nos rares rencontres, jamais les députés du groupe n’ont été plus de trois – sur une quinzaine de membres – à me recevoir. »
Challenge
« Le Rwanda est un grand pays, je voulais relever le challenge », répond Sira Sylla quand on l’interroge sur les motivations qui l’ont conduite à assumer la fonction, sensible, de présidente de ce groupe d’amitié si particulier. « Outre l’ambassadeur Kabale, j’ai également reçu des membres de la diaspora rwandaise. »
Née en France de parents sénégalais originaires du département de Matam, dans la vallée du fleuve Sénégal (Nord), Sira Sylla revendique une certaine conscience panafricaine. « Je ne renie pas ma double culture. J’ai accompagné le président Macron lors de son voyage au Sénégal, et je serai le 8 avril à Dakar dans le cadre de la Francophonie. »
Diplomatie parlementaire
À l’en croire, le ministère français des Affaires étrangères verrait d’un bon œil cette initiative visant à réduire le fossé entre Paris et Kigali : « L’exécutif nous encourage à développer la diplomatie parlementaire », confie-t-elle.
Sira Sylla aurait souhaité être présente à Kigali ce 7 avril afin d’assister à la commémoration officielle, aux côtés de quatre ou cinq autres députés français. Mais le groupe d’amitié qu’elle préside, créé fin 2017 et officiellement constitué le 21 février dernier, n’a pas été en mesure de concrétiser ce projet à temps, du fait d’une absence de budget et de conflits d’agenda.
Une délégation à Kigali en 2019
Elle assure en revanche qu’elle sera présente lors des deux commémorations organisées cette année à Paris : le 7 avril, au parc de Choisy, sous le patronage de la maire de la capitale, Anne Hidalgo, et de l’association de rescapés Ibuka France ; et le 10 avril, à la mairie du IIIe arrondissement, dans le cadre de la cérémonie organisée par l’ambassade du Rwanda en France.
« Nous effectuerons une mission au Rwanda cette année, où nous comptons notamment nouer des liens avec des parlementaires rwandais », indique Sira Sylla. La députée assure en outre qu’une délégation du groupe d’amitié sera présente à Kigali le 7 avril 2019, pour la 25e commémoration du génocide perpétré contre les Tutsis.
À ses côtés pourrait bien figurer son collègue Hervé Berville, député (LREM) des Côtés-d’Armor, l’un des trois vice-présidents du groupe d’amitié. Né au Rwanda en 1990, rescapé du génocide, durant lequel ses parents ont perdu la vie, ce Breton d’adoption envisagerait lui aussi de rallier cette mission de bons offices au « pays des mille collines ».
Dans un communiqué publié ce 7 avril, le Quai d’Orsay signifiait quant à lui une évolution notable dans la manière dont la France officielle évoque le génocide de 1994.
« Le 7 avril 1994 commençait l’une des pires atrocités de notre temps. En quelques mois, le génocide des Tutsis au Rwanda, que la communauté internationale n’a pas su empêcher, faisait près d’un million de victimes innocentes parce qu’elles étaient Tutsis ou s’opposaient à la folie meurtrière du régime rwandais.
La France, sur son territoire comme à l’étranger, s’associe à la population rwandaise pour honorer le souvenir des victimes et saluer la dignité des survivants et la capacité de réconciliation du peuple rwandais. […] »
Reste à savoir si les actes à venir, côté français, seront conformes à ces éléments de langage renouvelés.
Productrices de jus de fruits locaux et autres produits dérivés, ces femmes ont vu leurs revenus considérablement augmenter, grâce à la vente en ligne.
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QUAND LE SEXE S'EXPOSE DANS LA RUE
A première vue, la société sénégalaise paraît pudique - Pourtant, derrière ce puritanisme se cache un érotisme débridé qui fait voler en éclats cette fausse réputation
A première vue, la société sénégalaise paraît pudique. Le sexe est tabou. On n’en parle pas publiquement. Pourtant, derrière ce puritanisme se cache un érotisme débridé qui fait voler en éclats cette fausse réputation. En vérité, le sexe est mis en vitrine dans la rue publique. Des draps de lit, vaisselles, petits pagnes appelés «Béthio» en passant par de suggestives perles en plus des dessous qui font tournoyer des têtes sont exposés avec en filigrane de jolis mots ou d’exquis croquis qui mettent en valeur la pratique sexuelle en plus d’un condensé de phrases que la pudeur ne nous permet pas de dévoiler. Ce qui a l’avantage de mettre à rude épreuve le sens des esprits puritains. L’œil perspicace et coquin du Témoin est allé visiter cet univers érotique à ciel ouvert.
Le sexe n’est plus un tabou au Sénégal. Ça, tout le monde doit en convenir si l’on se fie aux scandales qui meublent la toile. Qu’on le pratique ou pas, qu’on en parle ou pas, ça reste toujours pratiqué, maissouvent caché. Ce qui fait que le sexe a longtemps été un sujet tabou. Apparemment, avec le changement des valeurs et les nouvelles influences technologiques, l’approche au sexe prend des chemins pour le moins tortueux et qui montre que des cloisons se sont écroulées.
Des tabous brisés
Les tabous tombent pour laisser place à une nouvelle émancipation sexuelle. Des femmes ont été ainsi victimes des nouvelles technologies de l’information avec l’avènement desréseaux sociaux à travers Watshap et autres. Dans certaines de ces vidéos dont les femmes qui se disent libérées sont souvent victimes, elles se lâchent carrément et font tomber des masques et tabous. Elles se découvrent et montrent qu’elles ne sont plus des saintes. Le sexe se vit avec des pratiques qui dévoilent également qu’elles sont à l’école de la pornographie. Et jusque dans la rue… Au coin d’un marché de la capitale, une jeune dame expose ses articles. Draps de lit, oreillers, tasses sont posés çà et là. Jusque-là, rien d’anormal. Mais il suffit de pousser la curiosité pour se rendre compte de l’originalité de ces articles. Sur le drap de lit, on est attiré par un dessin qui représente un couple dans une position équivoque et pour le moins troublante pour des esprits chastes. C’est l’image d’un couple qui s’accouple avec des phrases suggestives qui feraient se boucher les oreilles à un imam. D’autres figures et mots plus évocateurs les uns les autres illustrent les autres articles. Les dessinssont pour le moinstrès osés et les motstout autant provocateurs. Bref, toutes les pratiques sexuelles et interdits illustrent les motifs. En tout cas, même si des personnes avouent que ces articlesleslaissent de marbre, d’autres disent que ça renforce leur fantaisie sexuelle tout en rendant plussavoureuse leur vie de couple. Toute personne normale ne pouvant rester de marbre face à ces appels du sens. « Il n y a rien de méchant, c’est dans le cadre de l’intimité et de la vie privée que tout cela se passe. Et dans l’intimité d’un couple tout est permis pour faire plaisir à son partenaire. Ce qui permet de sortir de la monotonie. Alors nay meti », lâche le regard provocateur M. Ibrahima Ly que nous avons rencontré dans un restaurant.
Toutefois, notre interlocuteur se désole que ces articles soient exposés dans la rue et au contact des tout petits. Si M. Ly se laisse aller à ce jeu d’érotisme, ce n’est pas le cas pour son ami, A Ndaw, lequel pense que ces procédés ne peuvent rien apporter en termes d’érotisme ou de sensualité. En tout état de cause, il estsûr que cette manière de procéder est anachronique par rapport à nos cultures et traditions. A en croire notre interlocuteur, tout cela participerait à rendre banal l’acte sexuel en ce sens que c’est juste une invite à une bestialité inopportune. « Je suis heureux de ne jamais rencontrer cette éventualité et de ne pas en connaître. Et pourtant, je suis sexuellement très libre et très ouvert. Il est préférable que la femme qui utilise ces trucs, attende la tombée de la nuit pour les mettre, sinon les domestiques, les enfants peuvent voir cesimages obscènes et cela pourrait avoir de fâcheuses conséquences sur le quotidien de ces innocents», fait savoir M Ndaw. D’après cet homme qui se veut pragmatique, avant, seul l’époux avait ce privilège de voir les petits pagnes et autres accessoires intimes de ses femmes. Mais aujourd’hui, tout le monde y compris les enfants y ont accès. « Une personne n’a pas sincèrement besoin de ça pour s’épanouir et réveiller son libido. Cela n’a rien à voir avec le ‘’Jongue’’. Beaucoup de femmes utilisent ces artifices pour marquer leur territoire, mais il y a d’autres manières pour y arriver sans pour autant être aussi vulgaire avec ces articles qui ne sont pas loin des images pornographiques », lâche une jeune fille qui se dit pourtant sexuellement émancipée.
« Ces pratiques rendent agréable la vie conjugale »
Face à ce flot de critiques, Amy Sylla, une vendeuse de ces produits, affirme que ses articles s’écoulent discrètement. Certaines parmises amies n’osant pasles exposer dansla rue en vue d’épargner les regards chastes. « A part celles qui les connaissent et qui veulents’en procurer, personne ne connaît ces pagnes. Ils sont gardés hors de vue des enfants. Même chez moi, je fais attention afin que les enfants n’aient pas accès à ces produits», rassure-t-elle. Et si notre interlocutrice avoue de l’intérêt de beaucoup de femmes et d’hommes pour ces produits, d’autres les regardent de façon dédaigneuse. C’estle cas de Mariétou. Cette belle liane avoue n’être pas intéressée par ces pagnes aux dessins provocateurs. «Je ne vois vraiment pas l’utilité de ces pagnes. Je les trouve encombrants. On est obligé de les cacher dans la chambre. Or, ce n’est pas évident, vu la configuration de nos chambres. Pour la plupart d’entre- nous, nos enfants ont accès à tous les coins etre coins de nos chambres. Alors moi, je préfère sauvegarder du mieux que je pourrais l’innocence de mes enfants et mon intimité plutôt que de faire plaisir à un homme qui, très souvent, a tendance à aller voir ailleurs», analyse-t-elle froidement. Pour Aïssatou Seck, ces pagnes font partie de nos us et coutumes, qu’on le veuille ou non. Avant d’ajouter, qu’il y a une nette différence entre les femmes qui utilisent ces pagnes et celles qui font sans cet arsenal de séduction. Suivant ses explications, ces femmes qui se veulent prudes ont tendance à voir leur mari aller bitumer ailleurs et, elles se réveillent un beau jour pour s’entendre dire que celui-ci leur a trouvé une coépouse.
‘’Kharitou Jeeg Yi’’, un vendeur qui se frotte les mains
Bien entendu, ces articles ne pourraient existersansles orfèvres du dessin. La plupart d’entre eux sont des hommes. Cependant ils avouent n’exécuter que des commandes de la clientèle. « On ne leur propose rien, ce sont elles qui nous disent ce qu’elles veulent et on exécute la commande sans se faire prier », confie ce jeune homme quise réclame être l’ami des femmes mariées et dont l’officine, nichée à l’Unité 4 des Parcelles Assainies, est connue des femmes qui tiennent à leur époux. C’est la raison pourlaquelle on l’appelle ‘’Xaritou Jeeg Yi’’. « Depuis très longtemps je m’active dans ce commerce, car ça marche à merveille », tient-il à nous rassurer. Cet ami desfemmes mariéestravaille avec une équipe de jeunes pé- tris de talent qui ont tous atteint la majorité. « Nous confectionnons ces étoffes car les femmes en raffolent », fait- il savoir. Et à l’en croire, selon la confession de ses nombreuses clientes, cela participe à donner du sel et du piquant à leur vie conjugale. « Des femmes qui ne s’épanouissaient plus dans leur couple viennent souvent m’annoncer que leur mari est devenu plus attentionné et accroc qu’avant ». Ce qui fait que chaque jour, celui quise réclame être l’ami des dames mariées reçoit une vingtaine de femmes qui viennent se procurer de nouveaux articles avec à chaque commande, de nouveaux croquis plus « hot ».
Cependant, avoue notre interlocuteur, la plupart de ces femmes le font en cachette. « Ce sont des articles qui ne sortent des tiroirs ou armoires que la nuit. Même nous qui les fabriquons, nous n’osons pas les exposer et c’est à huis clos que l’on exécute les commandes. L’accès de nos ateliers étant interdit aux enfants », fait-il savoir. Dans le lot de sa belle brochette de clientes, des femmes de toutes les classes d’âge et de catégoriessociales dont des cadres mariées sur le tard, il compte également dans sa clientèle des filles célibataires qui viennent se procurer ces « mari bonheur » pour faire plaisir à leurs copains. Des produits très recherchés et dont les prix s’échangent selon les accessoires. Par exemple, les lingettes coûtent 8000 FCFA et les draps de lit s’échangent entre 10 000 ou même 12 000 FCFA. Bref, des produits offerts à une clientèle exigeante que de petits détaillants viennentse procurer pour les étaler au coin de nos nombreux marchés. Ce qui donne souvent des allures d’un marché érotique à ciel ouvert. Dans tous les cas, nombreux sont les femmes quirestent accrochées à ces produits pour mieux ferrer les hommes. Et rares sont les mecs qui ne tombent pas dans le piège face à une invitation pareille. Une libération sexuelle qui ne dit pas son nom. C’est de bonne guerre…
«LES JEUNES FILLES SONT DOUBLEMENT DISCRIMINÉES EN RAISON DE LEUR SEXE ET DE LEUR ÂGE»
Entretien avec Dr Selly Ba, sociologue, chercheure et membre du Mouvement citoyen
ENTRETIEN AVEC… Dr Selly Ba, sociologue, chercheure et membre du Mouvement citoyen
Comment appréciez-vous la participation des jeunes femmes dans les partis politiques au Sénégal ?
Les institutions politiques ont traditionnellement été créées et dominées par les hommes qui décident des règles du jeu politique. Bien qu’elles aient fait d’é- normes progrès pour devenir plus accessibles aux jeunes et aux femmes, il semble que ces efforts n’aient pas été suffisants pour briser la structure hiérarchique de ces institutions. Les jeunes sont souvent exclus ou ignorés comme potentiels candidats aux postes d’élus en raison de leur âge, mais aussi des possibilités limitées et du manque consé- quent d’expérience, malgré leur poids numérique. La limite d’âge pour être candidat, notamment à la Présidentielle (35 ans), repré- sente une barrière bien plus concrète. En plus, la politique est généralement considérée comme un espace pour les hommes expérimentés en politique en raison d’un système gérontocrate, mais également patriarcal. Ce qui fait que les femmes sont souvent désavantagées dans l’accumulation d’expé- riences pour s’engager en politique. Ce qui justifie la position quasi inexistante des jeunes filles, car elles sont doublement discriminées en raison de leur sexe et de leur âge. A titre d’exemple, la représentation des filles au niveau institutionnel est insignifiante. Malgré les avancées juridiques et institutionnelles, la participation politique des jeunes femmes demeure très faible.
Est-ce que les jeunes militantes occupent des postes qu’elles méritent en dehors des mouvements de jeunes femmes qui leur sont réservés de facto, vu leur engouement pour la chose politique ?
Pratiquement non, en raison des querelles de positionnement, du système politique gérontocrate et patriarcal. L’autre contrainte évoquée est le manque de temps en raison de l’activité professionnelle. Ce qui fait qu’elles sont minimisées durant les réunions.
Dans ce cas, participentelles réellement à la prise de décisions ? Est-ce que leur voix compte réellement au niveau de leur parti ?
La jeunesse a du mal à se faire entendre. Elle est classée dans la zone des immatures. Le plus souvent, les politiques qui sont menées par les décideurs ne répondent pas à leurs attentes. Les filles sont taxées des fois de ne pas être fortement engagées. A ce niveau, il est important de préciser qu’elles sont préoccupées par l’emploi comme tout jeune de leur âge.
Observez-vous une émergence du leadership féminin jeune au Sénégal en matière politique ?
Si pourtant, je note une présence de jeunes filles leaders sur le terrain politique. Elles sont en train de faire leur petit bonhomme de chemin, et elles sont en train de se construire
Que faut-il faire pour mieux accompagner les jeunes militantes politiques ?
La formation politique est plus que nécessaire dans les partis politiques, car il n’y a plus d’école de parti. Il est important de former les filles sur les systèmes politiques, la citoyenneté, le management, les questions de leadership, de con fiance en soi, de droits humains, de genre, pour plus de pugnacité.