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2 mai 2025
International
POUR UN NOUVEAU PACTE POLITIQUE
À la lumière d'une gouvernance défaillante ayant aliéné le citoyen, le rapport des Assises nationales propose une reconfiguration en profondeur tant institutionnelle que sociétale du Sénégal à l'aune d'une présidentielle décisive - RÉSUMÉ RAPPORT GÉNÉRAL
Fruit de vastes consultations populaires à travers le pays, le rapport des Assises nationales passe au crible plus de 50 ans de pratiques démocratiques au Sénégal. À l'aune d'un diagnostic sans concession, il ausculte les dysfonctionnements structurels de l'exercice du pouvoir : instrumentalisation rampante des institutions, personnalisation excessive de l'exécutif, déficit avéré de contre-pouvoirs, etc.
Le résumé des conclusions des travaux des Assises Nationales ci-dessous se fait l'écho des enseignements de cette consultation nationale citoyenne. SenePlus, après la publication de l'intégralité des travaux de la Commission nationale de réforme des institutions (CNRI) tout au long de la semaine a souhaité terminé cette série par ce résumé d'une initiative unique en son genre dans l'histoire moderne du Sénégal. La mise à profit des conclusions des Assises nationales est d'une urgence absolue, à l'heure où le pays traverse une crise multidimensionnelle réclamant des changements en profondeur. Les propositions promues dans ce document charnière semblent plus nécessaires que jamais afin de répondre aux aspirations populaires en matière de transparence, d'équité et de bonne gouvernance.
La crise que vit notre pays nourrit une question qui habite tous les esprits : « où va le Sénégal » ? Pour répondre à cette question, il importe de s’adosser à nos traditions et à notre culture de dialogue.
C’est dans cet esprit que des segments de la société civile, de la société politique et de la diaspora ont décidé de la tenue des Assises nationales, lesquelles, en procédant par une démarche ouverte, inclusive, participative et transparente, avaient pour objectif général de trouver une solution consensuelle à la crise qui secoue notre pays.
Cette réflexion collective prend en charge la séquence qui va de l’indépendance à nos jours. Quatre objectifs étaient poursuivis :
1°) faire l’état des lieux dans différents domaines et secteurs de la vie nationale et locale ;
2°) proposer des éléments de bilan de l’orientation des politiques publiques nationales et locales ;
3°) réfléchir sur les conditions de refondation de l’État et des institutions ;
4°) répondre à la question : quel projet de société partagé pour le Sénégal ?
Les résultats de cette réflexion ont été restitués autour de deux axes :
le bilan des politiques publiques et du vivre en commun de 1960 à aujourd’hui ;
la stratégie de sortie de crise.
Pour le premier axe relatif au bilan, il apparaît que le Sénégal traverse une crise multidimensionnelle. Qu’est-ce qui, dans le fonctionnement de la société, peut expliquer les dérives observées dans la gouvernance des institutions étatiques et sociales ? Qu’est-ce qui explique l’instrumentalisation des institutions, malgré les dispositions juridiques et la tradition de dialogue de notre pays ? Pourquoi le fonctionnement du jeu politique peine-t-il à réguler et à équilibrer les relations entre les acteurs politiques ? Existe-t-il des règles ou mécanismes permettant de sauvegarder les valeurs républicaines, sociales et culturelles fortes dans lesquelles les Sénégalais peuvent se retrouver ? Comment “verrouiller” la Constitution, pour éviter toute dérive, et stabiliser les institutions sans entraver la liberté d’initiative ni induire une rigidité préjudiciable à leur fonctionnement ? Les solutions se trouvent-elles seulement dans les textes et, dans ce contexte, quelle place et quel rôle attribuer à la vertu ?
Voilà quelques interrogations qui permettent de dresser le bilan du vivre en commun.
La question des valeurs occupe une position transversale
Elle affecte l’Etat, les institutions, la création de richesse et la gestion du patrimoine ainsi que la gouvernance sociale et le développement durable. Les trois sources de valeurs modernes, traditionnelles et religieuses sont en interaction dans un « pays Finistère », ouvert aux apports extérieurs. Dans ces conditions, pluralisme et diversité sont devenus les traits caractéristiques du Sénégal mais cela va avec des risques de dévoiement par les élites de tous ordres comme par les simples citoyens. Le télescopage des différentes sources engendre, d’une part, l’écartèlement des acteurs entre valeurs globales de plus en plus dominantes et valeurs locales, d’autre part, la résistance au changement qui se manifeste notamment à travers le renversement de la hiérarchie des valeurs, l’instrumentalisation de la religion, de l’administration, de la constitution et des lois et règlements. Les leviers de changement devront tenir compte des tendances lourdes dont les principales ont pour origine le dynamisme démographique, l’urbanisation rapide et la déstructuration de la famille dans un contexte de paupérisation.
La gouvernance institutionnelle est une préoccupation centrale
La gouvernance est caractérisée, depuis 1960, par un dévoiement des institutions de la République. Le phénomène est cependant bien plus marqué depuis 2000, avec des manipulations répétées de la Constitution, un leadership institutionnel exclusiviste et directif, ainsi qu’un déséquilibre des pouvoirs qui prend sa source, il faut le reconnaître, dans l’après-crise de 1962. Cela s’explique par des institutions et une gestion du pouvoir calquées sur le modèle de la Cinquième République française, mais aussi par un renforcement de la tendance à la personnalisation du pouvoir.
La garantie de l’exercice effectif des libertés et des droits humains s’impose
Le Sénégal a ratifié les principales conventions internationales ayant trait aux libertés et aux droits humains. Toutefois, leur application révèle des violations de droits, une protection insuffisante des libertés, une instrumentalisation flagrante des services publics et judiciaires, des inégalités de toutes sortes entraînant une forme d’exclusion d’une partie des citoyens, un accaparement des médias d’État et la multiplication de radios à caractère ethnique et religieux.
Le bilan de la gouvernance locale et de la citoyenneté met en évidence le manque de rigueur dans le découpage administratif, la faiblesse des ressources locales par rapport aux compétences transférées, l’immixtion du pouvoir central dans la gestion locale et l’implication insuffisante des populations dans la prise de décision. Cela traduit un manque de vision partagée dans la gestion du terroir, accentué par la pauvreté et l’analphabétisme des populations, la faiblesse du niveau de qualification des dirigeants élus des collectivités locales, l’insuffisance de l’implication, voire la non-implication des citoyens dans la définition et la mise en œuvre des politiques publiques.
L’examen du système partisan et du système électoral montre, entre autres, une inflation de partis politiques (environ 150) avec une absence notoire de démocratie interne pour la plupart et un financement non maîtrisé qui pèse sur le processus et la pratique politiques, un code électoral à l’origine consensuel en 1992 mais qui fait, désormais, l’objet de modifications unilatérales, en violation des dispositions et recommandations de la CEDEAO, avec en particulier le non-respect du calendrier électoral. À cela s’ajoute le boycott, par une partie significative de l’opposition, des élections législatives du 3 juin 2007, suite à l’élection présidentielle contestée du 25 février 2007. Enfin, au sein du Sénat restauré en 2007, les membres nommés par le Président de la République représentent à eux seuls une proportion équivalente à la majorité qualifiée.
Sur le plan des institutions, des libertés et de la citoyenneté, les tendances qui se confirment ont trait :
au déséquilibre et à la confusion des pouvoirs ;
à la faiblesse des contre-pouvoirs ;
à la personnalisation du pouvoir exécutif ;
à la perversion de l’exercice du pouvoir à travers la corruption, la perception et l’utilisation des partis politiques et de l’appareil d’État comme moyen d’enrichissement et de promotion individuelle et catégorielle, la faible prise en compte de la souveraineté nationale dans les options politiques et dans les politiques publiques, l’accaparement et le détournement des mandats, notamment les mandats électoraux ;
au non-ancrage des institutions dans les réalités sociales et culturelles avec, entre autres, un leadership aliéné par l’interférence du pouvoir religieux, le poids des pouvoirs traditionnels et religieux sur les groupes, les communautés et la classe politique ; un rapport au pouvoir et une culture politique qui ne sont pas en congruence avec l’option politique fondamentale (République, laïcité, État de droit, etc.) ; un manque de confiance des citoyens envers les institutions ; la non-appropriation par le plus grand nombre du modèle politique institutionnalisé ;
à une faible indépendance des corps de contrôle et à la non-neutralité de l’administration face à une corruption grandissante et à une multiplication des cas d’enrichissement illicite ;
à des velléités irrédentistes et à la difficulté d’assurer une cohésion sociale du fait du développement de sentiments d’injustice et d’inégalité.
Si l’on considère les stratégies de sortie de crise, toute alternative devra inévitablement chercher à répondre aux questions suivantes :
Comment crédibiliser les institutions et travailler à l’irréversibilité des acquis démocratiques ? Comment amener les citoyens à devenir les garants d’un tel processus ?
Comment assurer, d’un côté, un équilibre adéquat des pouvoirs et, de l’autre, renforcer et élargir les contre-pouvoirs ? Comment institutionnaliser les processus participatifs dans l’élaboration, le suivi et le réajustement des textes fondamentaux ?
Comment s’accorder sur une laïcité positive qui reconnaisse notre diversité au plan des valeurs cultuelles, des croyances religieuses et notre égalité devant la loi ?
La solution à la crise requiert une profonde autocritique et un consensus autour de valeurs et comportements concernant notre rapport au bien commun, nos modèles de réussite sociale et de consommation, ainsi que les prérequis d’un renouveau citoyen. En effet, l’exclusion de larges segments de la population des circuits modernes de production et de redistribution, la concurrence que différents pouvoirs parallèles mènent à l’État, l’ignorance de notions comme celles d’État, de Nation, de Patrie, le brouillage des repères et cadres moraux, les conséquences de la globalisation et de l’urbanisation, l’affaiblissement de la famille, appellent une refondation des institutions, ainsi que de l’action individuelle et collective pour renouveler nos modèles, nos manières de faire et façons de penser, nos modes de gouvernance, nos orientations économiques et sociales, nos rapports aux êtres et aux choses.
Refondation des institutions et des libertés
La refondation des institutions requiert un consensus fort autour de principes directeurs qui ont trait :
à la laïcité de l’État ;
à la République démocratique, comme forme de l’État ;
à l’État unitaire et décentralisé, comme forme d’organisation ;
au pluralisme culturel, politique, syndical et médiatique ;
à la responsabilité des autorités publiques et à leur obligation de rendre compte ;
à la concertation et à la participation ;
à une constitution consensuelle, connue du peuple, sacrée et stable, assortie d’une procédure de révision juridiquement fixée, empêchant toute possibilité de manipulation ;
à une Charte des libertés, de la démocratie et de la bonne gouvernance approuvée et amendée directement par le peuple souverain.
La refondation concerne aussi la gouvernance institutionnelle (comprenant le régime politique, les pouvoirs constitutionnels, le système électoral et les partis politiques), la gouvernance locale et le cadre d’expression citoyenne, la garantie effective des droits humains, le pluralisme culturel et social, la démocratie sociale, le pluralisme médiatique, les visions et les valeurs.
L’ordonnancement de la nouvelle gouvernance institutionnelle doit respecter impérativement la séparation et l’équilibre des pouvoirs, le principe du contrôle, tout en mettant en corrélation pouvoir et responsabilité.
Le pouvoir exécutif
Le président de la République, qui ne sera plus chef de parti et ne concentrera plus entre ses mains l’essentiel des pouvoirs, se verra appliquer les principes de responsabilité et de révocabilité. Il en sera de même pour le Premier ministre.
Le président de la République devra incarner l’unité nationale et garantir le fonctionnement régulier des institutions. Il sera le Chef des Armées, nommera les ambassadeurs du Sénégal et recevra l’accréditation des ambassadeurs des pays étrangers.
Issu de la majorité, le Premier ministre sera responsable devant le Parlement. Les ministres seront auditionnés avant d’être nommés.
Une attention particulière sera accordée à la stabilité de la nomenclature administrative, trop souvent malmenée, et à la neutralité de l’administration, réputée servir l’État et la Nation et censée être soumise à l’autorité de la loi. Le nouveau système garantira la neutralité de l’administration et de ses agents. Par ailleurs, l’administration devra être transparente dans ses procédures de recrutement et de carrière, de rémunération, de commandes publiques et d’information.
Le pouvoir législatif
Le Parlement, qui tire sa légitimité du suffrage universel, avec une représentation de la diaspora, verra ses pouvoirs renforcés pour contrôler l’action du gouvernement et impulser la vie politique. Il pourra faire objection à la nomination de ministres. Dans l’ordonnancement institutionnel proposé, les cumuls de mandat seront limités et rationalisés. Il sera également exigé des candidats aux fonctions électives de l’intégrité morale et de réelles qualités humaines.
La représentation nationale doit aussi aller dans le sens de la diversité sociale et culturelle et favoriser la parité.
Le pouvoir judiciaire
Ce pouvoir a en charge la régulation de l’équilibre des institutions, le respect de la loi et la garantie du respect des droits des citoyens. Son indépendance et l’extension de son champ de compétence seront affirmées dans le nouvel ordonnancement institutionnel.
La Cour constitutionnelle est la gardienne de la Constitution, de son esprit et de son application. Le Conseil supérieur de la Magistrature sera soustrait de la tutelle du Président de la République et placé sous celle du Président de la Cour constitutionnelle. Ainsi, les institutions judiciaires seront désormais : la Cour constitutionnelle, la Cour de Cassation, le Conseil d’État, la Cour des Comptes, les Cours et Tribunaux. Le lien étroit de sujétion entre le ministre de la Justice et le parquet sera rompu.
L’administration
L’administration sera rétablie dans sa posture de professionnalisme et de soumission exclusive à la loi. Son organisation sera reprécisée pour une meilleure stabilité et une rationalité qui mettront de l’ordre dans le recours inconsidéré aux Agences. Ses procédures seront réformées en vue d’une meilleure garantie d’efficacité et de transparence pour ses usagers, pour ses travailleurs, pour l’utilisation de ses moyens matériels et financiers, ainsi que pour ses fournisseurs et prestataires de travaux et de service. Sa neutralité sera garantie, en particulier par des mesures d’incompatibilité et d’inéligibilité. Enfin, le principe de l’obligation de rendre compte lui sera systématiquement applicable.
Les corps de contrôle
L’indépendance des corps supérieurs de contrôle de l’Etat nécessite leur constitutionnalisation, car ils encadrent l’action publique y compris celle des hautes autorités de l’État. Il sera créé une Autorité indépendante chargée de la vérification générale de l’État à la place de l’Inspection générale d’État. Le Vérificateur général sera nommé pour sept ans non renouvelables. Et la Cour des Comptes verra ses missions et ses moyens renforcés. Les deux institutions pourront saisir les Tribunaux en tant que de besoin. Pour améliorer le rendement du travail des fonctionnaires des mesures d’incitation permettront de récompenser les meilleures d’entre eux.
La lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite sera appuyée par un organe public indépendant doté du pouvoir d’auto-saisine et de saisine des tribunaux, ainsi que de prise de mesures conservatoires.
Le patrimoine de l’État et les libéralités
La normalisation des fonds spéciaux, singulièrement celle des fonds politiques et des fonds secrets, ainsi que la déclaration de patrimoine des membres du gouvernement, des candidats à des postes électifs et de certains hauts fonctionnaires contribueront à moraliser la vie politique et à consolider la démocratie sénégalaise. L’octroi comme la réception de cadeaux seront réglementés avec précision de manière à leur donner un caractère symbolique.
La modernisation du système partisan et le système électoral
Comme l’inflation actuelle de partis politiques n’est pas un signe évident de vitalité de la démocratie, il importe de procéder à la rationalisation du système de création et de fonctionnement des partis. Il convient par ailleurs de soumettre ceux-ci à des règles de bonne gouvernance, de mettre en place un code de bonne conduite associative et, par le biais d’une loi, de régler la question de leur financement. Les partis doivent aussi assumer leur rôle par rapport à l’éducation et à la socialisation de leurs militants. Le système électoral (code, fichier, mode de scrutin, etc.) doit être transparent, avec un processus et un fichier d’une crédibilité incontestable. Le respect du calendrier républicain contribuera aussi à asseoir la confiance des acteurs par rapport au système électoral. Cette confiance, qui est un impératif pour le bon fonctionnement de la démocratie, se trouve à la base de la proposition de création d’une Autorité de Régulation de la Démocratie dûment dotée de pouvoirs et de ressources adéquats.
La gouvernance locale et la participation citoyenne
Le découpage administratif, la libre administration des collectivités locales, l’élargissement de leurs compétences et le renforcement de leurs moyens doivent obéir strictement à la logique du développement et à l’approfondissement de la démocratie. C’est pourquoi, il a été proposé l’institutionnalisation de mécanismes d’interpellation démocratique et citoyenne et l’autorisation des candidatures indépendantes à l’occasion de toutes les compétitions électorales.
Le pluralisme des médias
Le système démocratique visé ne peut pas se concevoir sans une presse responsable et libre qui joue son véritable rôle de contre-pouvoir. Aussi, sera soutenue la professionnalisation de la presse. En outre, sera élaborée une politique de communication permettant un appui aux médias et la promotion d’entreprises de presse viables. De plus, sera institué un Observatoire de l’audiovisuel. Une Haute Autorité indépendante veillera au respect du pluralisme médiatique.
La garantie des droits humains et de la citoyenneté
Il ne s’agit pas seulement de proclamer des droits mais surtout d’en garantir le respect en abolissant toutes les dispositions liberticides, en instituant un Juge des libertés ayant pouvoir de protéger les citoyens contre les arrestations arbitraires et les abus de la détention préventive. Le respect des minorités, la promotion des droits économiques et sociaux et la redéfinition des rapports entre le citoyen et l’État seront assurés en vue de consolidation de la citoyenneté. C’est la même philosophie qui justifie la nécessaire mise en cohérence des textes juridiques entre eux et avec les conventions internationales.
L’effectivité de l’exercice de la citoyenneté suppose le respect du pluralisme avec la sauvegarde de la diversité sociale et culturelle et la valorisation des langues nationales par le biais d’une politique culturelle et linguistique inclusive.
Gouvernance sociale
Après environ un demi-siècle d’indépendance, l’on ne peut qu’être frappé par le sentiment général d’insatisfaction des populations, tant en ce qui concerne leurs conditions de vie que la dégradation continue du cadre de vie dans les villes comme dans les campagnes.
Le système éducatif, qui est plus sous l’influence de programmes financés par des partenaires techniques et financiers que sous l’inspiration d’une vision politique propre, souffre de plusieurs maux. On note la dispersion des moyens, le faible taux brut de scolarisation (TBS) dans le moyen et le secondaire, un taux d’achèvement de la scolarité insuffisant, un taux de redoublement élevé et la baisse de la qualité. La progression du taux d’alphabétisation est lente et les objectifs en matière de construction de salles de classe sont faiblement atteints dans le primaire. Plusieurs classes fonctionnent encore dans des abris ou locaux provisoires. L’enseignement supérieur ne peut plus faire face à la demande tant en ce qui concerne les infrastructures que l’encadrement. En outre, l’action gouvernementale des dernières décennies s’est plus préoccupée de quantité que de qualité pas d’un rendement satisfaisant et d’une meilleure adéquation du système éducatif à la situation aux besoins du pays.
Au-delà des mesures indispensables et pressantes pour consolider les acquis, il est nécessaire et urgent de repenser et de réorienter la politique et les stratégies d’éducation/formation, sur la base d’un dialogue social et politique incluant toutes les couches de la population, en vue de la recherche d’un consensus fort et précis, permettant de définir un système scolaire et universitaire efficient, un modèle d’école adapté, les responsabilités des acteurs et le type de partenariat souhaités.
L’examen du secteur de la santé montre, malgré certains acquis, qu’en matière d’infrastructures, le Sénégal reste éloigné des normes internationales de couverture médico-sanitaire. Les coûts des prestations sont trop élevés par rapport au revenu moyen des populations. Par ailleurs, il existe une grande disparité et un grave déséquilibre entre la capitale et le reste du pays où l’accès aux soins spécialisés reste difficile voire inexistant. On note aussi l’absence de politique planifiée de formation et de recrutement de personnel soignant, le défaut de motivation pour servir dans les zones reculées, la pléthore d’agents peu ou pas qualifiés. D’un autre côté, la mauvaise application de la réforme hospitalière est aggravée par un endettement massif et une corruption favorisés par l’absence d’un contrôle digne de ce nom dans les établissements de santé.
De façon générale, les graves lacunes du système national de santé et de protection sociale peuvent être attribuées à un manque de volonté politique des autorités d’accorder à la santé publique la priorité qu’elle mérite, et de lui allouer, en conséquence, des ressources et des capacités de gestion appropriées. S’impose alors la nécessité d’une révision des dérives actuelles, en particulier celle de la privatisation rampante des prestations des soins qui a pour double conséquence leur renchérissement constant et l’impossibilité pour le plus grand nombre de Sénégalais d’y accéder.
Sur la question essentielle de la culture, la crise économique des années 1980, avec l’application des politiques d’ajustement structurel et de restrictions budgétaires, a entraîné la fin du mécénat d’État qui a caractérisé la période initiale. Aujourd’hui, outre l’habituelle instabilité ministérielle et l’absence de plan national de développement culturel, c’est la trop grande centralisation des infrastructures et de la vie culturelle à Dakar, au détriment des autres régions, qui est unanimement déplorée. À l’heure actuelle, la politique culturelle se réduit à de « grands projets » qui ne tiennent pas compte des besoins globaux et des exigences imposées par la prise en compte de la diversité culturelle.
Une politique culturelle digne de ce nom ne saurait se limiter à un chapelet d’édifices isolés les uns des autres, encore moins à des manifestations plus ou moins folkloriques et sans lendemain. Elle suppose une concertation large et ouverte à tous les acteurs, créateurs et autres professionnels des arts, de la culture et de la communication, à même d’en assurer la restructuration fondée sur les besoins et les aspirations de la majorité de nos concitoyens. Enfin, elle doit tenir compte de la diversité qui caractérise le pays et permettre d’éveiller le niveau de conscience culturelle de la jeunesse, afin de la préparer à faire face, intelligemment et efficacement, aux risques d’agression culturelle véhiculés par certains médias transnationaux.
La politique sportive pêche dans son application et la législation dans ce domaine n’est pas en cohérence avec les choix stratégiques en matière de formation des petites catégories, de détection des talents, d’infrastructures et d’affectation foncière, de ressources humaines et de répartition des subventions entre les fédérations. Depuis une vingtaine d’années, on assiste à une montée en puissance du “mouvement navétane”, à la perte de vitesse des clubs traditionnels et à la léthargie du sport scolaire et militaire.
Le dialogue social, politique et citoyen reste le parent pauvre des politiques publiques
Malgré les efforts fournis par l’État en matière de politique sociale depuis 1960, force est de constater que les résultats obtenus restent très en-deçà des attentes des citoyens. En ce qui concerne l’instauration de la démocratie sociale qui privilégie le dialogue et la concertation entre les partenaires sociaux en vue de solutions durables dans le monde du travail, le Sénégal est passé d’un système mono partisan avec syndicalisme monocolore à un multipartisme avec pluralisme syndical. Cependant, il s’agissait d’un système largement perfectible avec des conflits récurrents et parfois très durs.
Sur le plan politique, les émeutes qui ont suivi la proclamation des résultats des élections de 1988 ont conduit à l’entrée de l’opposition au gouvernement puis à l’adoption d’un Code électoral consensuel. Sur le plan social, le dialogue qui s’est progressivement installé autour des politiques économiques et sociales s’est structuré à la faveur de la dévaluation du Franc CFA.
Dans la période récente, cette option de dialogue social et citoyen, structuré et périodique, est interrompue depuis 2005, sans raison apparente, avec des risques sérieux pour la paix sociale.
Les éléments de progrès en matière de gouvernance sociale sont à rechercher dans la priorité à donner à la satisfaction des besoins fondamentaux des populations : droits à la nourriture, au logement, à la santé, à l’éducation, à un environnement sain, à la mobilité, à l’information, à un système de solidarité cohérent et viable. En privilégiant le bien commun, l’État du Sénégal doit se placer nécessairement dans une perspective de rupture par rapport aux pratiques et politiques actuelles.
Création de richesse et gestion des finances publiques
L’examen des tendances récentes de l’économie montre un ralentissement de la croissance, l’aggravation des déficits budgétaire et extérieur, l’accentuation des inégalités sociales et la persistance de la pauvreté.
Le ralentissement de la croissance s’est accompagné de l’accélération de tensions inflationnistes, ce qui pèse sur le pouvoir d’achat des ménages. La baisse du taux de croissance, observée en 2006, résulte de la perte d’importantes parts de marché à l’exportation, suite à l’essoufflement de la plupart des secteurs traditionnels d’exportation du pays (arachide, produits halieutiques), du tourisme, et aux difficultés d’entreprises comme les Industries chimiques du Sénégal (ICS) et la Société nationale d’électricité (SENELEC). Le climat des affaires ne s’est pas beaucoup amélioré au cours de ces dernières années. Et c’est ainsi qu’en 2007, le Sénégal occupe le 100e rang sur 131 pays dans le classement du Forum économique mondial.
Concernant le profil de la croissance, de l’indépendance à nos jours, il apparait qu’en dehors de quelques circonstances exceptionnelles (flambée des prix des matières premières entre les deux chocs pétroliers) et de la période consécutive à la dévaluation du franc CFA de 1994, la croissance du PIB est généralement restée inférieure au croît démographique, ce qui s’est traduit par une tendance à la baisse du PIB par tête. Ceci s’explique par le lourd héritage et la dépendance de l’activité économique vis-à-vis d’une filière arachidière en perte de vitesse et dont la production est mal commercialisée et insuffisamment transformée, une détérioration de la productivité globale des facteurs, la faiblesse des taux d’épargne et d’investissement.
On peut citer la récurrence des déséquilibres qui résultent du fait qu’après l’avènement de l’indépendance, le Sénégal n’a pas fondamentalement remis en cause le modèle économique antérieur qui avait créé un système productif désarticulé, extraverti et dominé, très largement consacré aux activités de service, singulièrement au commerce, au détriment de la production agricole et industrielle. Dans ces conditions, les activités de service, le commerce en particulier, n’ont jamais permis à la production agricole ou industrielle de se développer ; d’où les profils de crise permanente de ces deux secteurs.
Les parts du secteur primaire et de l’agriculture, en particulier dans le PIB, baissent à partir de 1968, sans s’accompagner du boom industriel observé en Corée, chez les Tigres asiatiques ou lors du démarrage des pays développés.
Les orientations à donner aux politiques gouvernementales, en matière de croissance, visent d’abord à promouvoir la croissance potentielle à travers l’épargne et le taux de croissance à travers l’investissement productif.
Si l’on considère le degré d’insertion dans les transactions liées à l’économie internationale, aucune solution ne peut faire abstraction de la nécessité de redéfinir un positionnement agricole et industriel qui rompe la dépendance vis-à-vis de l’extérieur et permettre de passer à l’industrialisation. A cet effet, il s’agit de mieux s’ancrer dans l’UEMOA et la CEDEAO.
Le secteur dit informel joue un rôle central dans l’économie et la société sénégalaises. Il reste un fournisseur essentiel autant pour les biens de consommation courante que pour les services aux ménages, à travers les boutiques, les ateliers et les marchés ; par ailleurs, il remplit une fonction reconnue en matière de formation du capital humain. Nonobstant ce fait, ce secteur est marginalisé par les politiques publiques et subit des contraintes importantes de la réglementation économique et financière.
Les principales de ces contraintes concernent les difficultés d’accès au financement, la concurrence interne qui s’explique par la surpopulation du secteur, le faible recours aux méthodes modernes de gestion y compris la comptabilité, la confusion entre le patrimoine des affaires et celui de l’entrepreneur, la faible productivité.
Le financement de l’économie est caractérisé par la faiblesse du recours à l’investissement par l’épargne, une dette publique extérieure dont la baisse est le résultat de plusieurs restructurations et annulations de la dette, une forte augmentation du financement extérieur, grâce notamment aux transferts de fonds des émigrés et aux crédits bancaires.
Le bilan des politiques macro-économiques révèle une situation préoccupante des finances du pays, avec le déficit budgétaire actuel qui atteint un niveau comparable à celui des années d’ajustement, en dépit du rendement fiscal qui croît depuis la dévaluation du franc CFA et du contexte d’allègement substantiel de la dette extérieure. En l’absence de politique monétaire réelle, le principal instrument de politique économique aux mains de l’État se réduit au budget à travers l’impôt et l’emprunt. La politique commerciale ne fait pas l’objet d’une gestion prévisionnelle alors que, de 1960 à nos jours, la balance commerciale est déficitaire et que la couverture des importations par les exportations se détériore davantage depuis 2000.
Le fait que le franc CFA soit dans une parité rigide avec l’euro prive l’économie nationale d’un des leviers utilisés dans d’autres pays pour sauvegarder la compétitivité et, de façon plus générale, les comptes extérieurs. Quant au marché de l’emploi, le secteur informel en détient la part majoritaire (95 % en milieu urbain), mais c’est aussi lui qui crée la quasi-totalité des nouveaux emplois.
Au total, la croissance économique est non seulement peu génératrice d’emplois, mais les rares emplois créés sont générés par des secteurs à faible productivité et à bas niveau de rémunération. Les travailleurs bénéficient, certes, d’un dispositif de protection sociale, mais parmi eux moins de 5 % sont affiliés au système de sécurité sociale. L’environnement des affaires souffre de beaucoup de maux dont les difficultés de trésorerie, celles relatives à l’accès au crédit, la faible utilisation des outils de gestion et de la comptabilité, etc.
Lebilan des politiques sectorielles permet de noter qu’en plus de ne pas couvrir les besoins alimentaires du pays, l’agriculture n’assure pas à ses acteurs des emplois ou des revenus suffisants ; de surcroît, elle surexploite les ressources naturelles qui sont en dégradation continue. Les exportations agricoles sont peu diversifiées et en baisse, en termes de rentrée de devises.
L’agriculture, confrontée à plusieurs difficultés, est caractérisée notamment par :
le manque de planification, des objectifs irréalistes, ne tenant compte ni des potentialités ni des habitudes alimentaires ni des marchés explorés (programmes spéciaux maïs, manioc, etc.) ;
le manque de concertation avec les organisations de producteurs, dans la définition des priorités, des stratégies et des programmes ;
la suppression des structures d’appui et de prestation de services aux agriculteurs, comme la SONAGRAINES et la privatisation de la SONACOS dans un manque total de transparence ;
la mise en veilleuse des industries d’équipement et d’engrais et le recours à des importations qui, financièrement et économiquement, ne profitent qu’à quelques affairistes, au détriment du pays et des paysans ;
la quasi-suppression du crédit agricole, pour les paysans individuels et les Organisations de Producteurs (OP) à qui sont imposées des conditions de plus en plus difficiles à remplir.
D’autres difficultés résident dans la liquidation des structures paysannes et la mise à l’écart des OP les plus représentatives, l’affectation mal ciblée des subventions, un sous financement ou une absence de financement de la collecte des récoltes. Les résultats mitigés des politiques successives montrent la nécessité de changer la perception du monde rural et l’approche de son développement en concertation avec les acteurs eux-mêmes. Il devient donc impérieux de changer de paradigme.
L’élevage et la pêche ne sont guère mieux lotis. Ils font face, respectivement, aux importations et à la surexploitation des ressources.
Les difficultés que connaissent les secteurs de l’industrie et de l’énergie sont structurelles. S’agissant de l’industrie, taillée pour l’ex-fédération des territoires de l’AOF, elle a dû réévaluer ses surcapacités de production puis se diversifier notamment dans l’agro-alimentaire, la chimie, les mines et le textile. Elle a exploré, sans grand succès, l’expérience de zones franches et la promotion des petites et moyennes industries dont les diverses structures d’accompagnement n’ont pas survécu à la crise de financement connue pendant la période d’ajustement structurel. Ainsi, concentrée sur un spectre étroit de secteurs et d’unités, l’industrie voit son taux de croissance diminuer sensiblement et sa répartition se concentrer à Dakar et ses environs. Dans la période récente, ses principaux fleurons (ICS, SONACOS, SAR, SENELEC) sont confrontés à une crise de gestion persistante. Au total, sa situation appelle un repositionnement stratégique.
La situation de l’énergie peut être résumée à travers le constat d’une double dépendance vis-à-vis des énergies fossiles (électricité et transports) et des ressources ligneuses (énergie domestique). La faiblesse de l’énergie hydraulique, malgré le barrage de Manantali, et la timidité du développement des énergies solaire et éolienne rend le pays dépendant des sources polluantes et onéreuses qui affectent la compétitivité des entreprises et ruinent le budget des ménages avec une discontinuité récurrente des approvisionnements et de la fourniture.
En matière d’énergie, il faut noter la négligence du recours à la tourbe dont dispose le pays et aux énergies renouvelables (éolienne et solaire) pour lesquelles les potentialités sont énormes. La revue des secteurs inclut également les ressources minières, les BTP, le tourisme et les transports aériens, la petite et moyenne entreprise, la micro-finance et le foncier, la recherche et les TIC.
équité territoriale et développement durable
Concernant l’aménagement du territoire et l’environnement, les déséquilibres géographiques hérités de l’époque coloniale se sont accentués, avec environ les deux tiers d’une population, estimée aujourd’hui à près de douze millions d’individus, concentrés sur moins du cinquième du territoire national. La situation est caractérisée par des déséquilibres d’ordre spatial, socio-économique et environnemental. En effet, les établissements humains, les activités économiques, les grandes infrastructures et les équipements sociaux sont concentrés dans la région de Dakar. On observe, par ailleurs, une dégradation accélérée de l’environnement et du cadre de vie et une prise en compte insuffisante des menaces liées au recul du couvert végétal, à l’avancée de la mer. Il faut aussi signaler la surexploitation des ressources halieutiques et minières.
Le Sénégal a précocement développé une réflexion sur l’aménagement du territoire en lui faisant une place dans sa planification et sa programmation budgétaire. Mais le caractère impératif du visa de l’aménagement a progressivement perdu de sa vigueur, avec les difficultés financières et la réforme des instruments de planification du début des années 1980. Il faut rappeler que le Sénégal s’est doté d’un plan national d’aménagement du territoire, validé en 1997, et qui n’a pas encore connu de véritable application. Ainsi, en l’absence de normes, les choix clientélistes ont pris de plus en plus d’importance. Il en résulte une exploitation non optimale du territoire et des ressources, comme c’est le cas dans l’agriculture où la pluviométrie, les terres arables, la population active et la production ne sont pas mises en cohérence. Par exemple, les zones à la fois les plus pluvieuses et les plus étendues sont les moins peuplées et représentent une part plus faible des superficies cultivées et de la production.
Toute politique d’aménagement durable du territoire suppose une approche concertée large, visant à promouvoir un processus d’élaboration de stratégies cohérentes, afin d’assurer l’accompagnement territorial des mutations sociales et environnementales, tout en considérant les transformations et les évolutions économiques. Une telle politique, fondée sur les principes de polycentrisme, de durabilité et de diversité, serait alors un « cadre de mise en cohérence des aspirations exprimées par les populations sénégalaises tenant compte des potentialités environnementales au niveau des différents terroirs ».
Une déconcentration équitable des moyens à l’échelle du territoire et une démarche cohérente de décentralisation présentent d’importants atouts, parmi lesquels on peut citer des interventions qui sont prioritaires pour asseoir une gestion prudente de l’environnement. Il s’agit d’inverser les tendances lourdes concernant la dégradation et la réduction des ressources naturelles, des milieux et cadres de vie, en vue d’assurer, dans la société, un environnement sain, productif et agréable, améliorant les conditions de vie et de travail des populations de l’espace national et sous-régional et ce, en ciblant quatre axes stratégiques :
la contribution à la gestion durable des ressources naturelles pour la “lutte contre la pauvreté” et l’insécurité alimentaire ;
la gestion des établissements humains et la lutte contre les pollutions et nuisances pour la promotion d’un environnement sain ;
le renforcement des capacités pour une gestion durable et concertée de l’environnement ;
le suivi de la mise en œuvre des accords multilatéraux sur l’environnement et la promotion de partenariats durables.
Valorisation du Sénégal et des Sénégalais de l’extérieur
Au chapitre dela politique extérieure, trois constats majeurs ont permis de définir de nouvelles orientations pour la politique étrangère :
une diversification utile mais brouillonne des relations diplomatiques ;
une gestion des ressources humaines empreinte d’informel ;
des ressources financières plus importantes, mais à l’efficacité douteuse de leur utilisation.
Le Sénégal a toujours mené une politique étrangère dynamique, en contribuant largement à la marche du continent vers son indépendance et son unité, à la libération des dernières colonies, au démantèlement de l’Apartheid, en adhérant aux principales conventions internationales, en participant à toutes les opérations de maintien de la paix. Ces résultats ont été obtenus grâce notamment à un personnel diplomatique de qualité. Cependant, dans la période récente, des changements importants sont notés au niveau des critères de choix du personnel diplomatique et du processus de nomination qui n’est pas toujours conforme aux usages. Malgré le triplement des allocations budgétaires, on peut s’interroger sur l’efficacité de cette politique, le rôle et la mission des représentations, voire leur utilité en fonction des critères objectifs d’une carte diplomatique. En tout état de cause, il est nécessaire de restaurer l’image du Sénégal. La redéfinition de la politique extérieure sera fondée sur des critères d’objectivité et d’efficacité. De plus, notre représentation devra privilégier l’Afrique et la sous-région et travailler à exiger une révision des règles de fonctionnement et de prise de décision des organisations internationales (Nations unies, G8, etc.).
La question de l’intégration régionale devient cruciale. De l’Organisation de l’Unité africaine à l’Union africaine se lisent l’histoire et les hésitations sur la question de l’intégration africaine, surtout devant l’obstacle majeur que constitue la souveraineté des États. L’élaboration du NEPAD constituait un nouveau départ avec une approche qui se voulait plus pragmatique. Mais le NEPAD tarde à réaliser les promesses de sa création, du fait de problèmes de leadership, de l’incapacité à définir une stratégie de mobilisation de ressources. Pour ce qui est de l’intégration régionale, on note des avancées dans le domaine de la coopération et de l’intégration monétaire, de l’implication dans les conflits, au niveau de l’UEMOA, de la CEDEAO, de certains organismes spécialisés. Cependant, beaucoup reste à faire, avec, notamment, la redéfinition des missions de certains organismes, une implication plus forte des populations, la construction d’infrastructures régionales, l’adoption d’une monnaie unique.
L’absence d’une politique migratoire digne de ce nom est à noter. Pays carrefour qui a une longue tradition d’émigration, le Sénégal joue un rôle important dans les dynamiques migratoires. L’estimation du nombre de Sénégalais installés à l’extérieur, principalement en Afrique, fait l’objet de chiffres très variés, les statistiques officielles donnant 650 000 émigrés et le ministère chargé des Sénégalais de l’extérieur 2 000 000 d’individus. Phénomène marginal avant la mise en place des visas et des autres barrières à l’entrée des pays d’Europe, l’émigration clandestine a pris des proportions d’autant plus dramatiques que les moyens de transport et les voies utilisés mettent en péril de nombreuses vies humaines.
L’émigration a généré en 2007 des transferts de fonds de plus de 500 milliards de FCFA. Ces transferts ne sont pas faciles à comptabiliser et sont peu orientés vers des activités créatrices de richesses. La diaspora est faiblement impliquée dans les politiques de coopération bilatérale et le cadre institutionnel de la politique migratoire est en perpétuel changement. Il importe d’assurer la représentation de la diaspora dans les instances délibératives de la nation, de créer une Assemblée des Sénégalais de l’extérieur et des Maisons des Sénégalais de l’extérieur et, sur le plan social, de renégocier les conventions collectives pour la protection sociale des ayant-droits ainsi que des conditions adéquates de versement des pensions de retraite. Sur le plan économique, il faut promouvoir un fonds de développement orienté vers le soutien à la création d’entreprises.
Les recommandations des Assises peuvent se résumer en trois catégories.
La première est celle des exigences citoyennes fortes formulées pour normer le jeu politique, économique et social par des règles crédibles, consensuelles et structurantes, qui placent le citoyen au centre des affaires publiques et mettent le dispositif institutionnel, social et économique au service exclusif de son bien-être. La deuxième catégorie est celle des prescriptions destinées à guérir le malade Sénégal des crises de sa vie politique, économique et sociale et qui, de ce fait, requièrent des mises à jour régulières. Enfin, la troisième, celle des contributions formulées pour prendre en charge des problématiques courantes que les futurs candidats à l’exercice du pouvoir auront à enrichir à la lumière de leurs doctrines, idéologies et programmes pour différencier leurs offres politiques.
MALI, L'OTAGE SUD-AFRICAIN, GERCO VAN DEVENTER, LIBÉRÉ APRÈS SIX ANS DE CAPTIVITÉ
Il avait été capturé en Libye en novembre 2017 puis vendu au Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (JNIM) et transféré au Mali où il avait partagé une partie de sa captivité avec l'otage français Olivier Dubois.
iGFM (Dakar) Gerco van Deventer avait été capturé en Libye en novembre 2017 puis vendu au Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (JNIM) et transféré au Mali où il avait partagé une partie de sa captivité avec l'otage français Olivier Dubois. Il a été libéré samedi et transmis aux autorités algériennes à la frontière avec le Mali, selon la fondation sud-africaine Gift of the Givers qui sert de médiatrice depuis 2018.
L'otage sud-africain Gerco van Deventer va pouvoir passer Noël en famille. Il a été libéré samedi 16 décembre et transmis aux autorités algériennes à la frontière avec le Mali, selon la fondation sud-africaine Gift of the Givers qui sert de médiatrice depuis 2018. Selon elle, aucune rançon n'a été payée.
La libération de Gerco Van Deventer met fin à plus de six ans de détention. Cet ambulancier sud-africain avait été kidnappé le 3 novembre 2017 dans le sud de la Libye avant d'être vendu au Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (Jnim), lié à al-Qaïda, et transféré dans le nord du Mali.
Le journaliste français Olivier Dubois, libéré le 20 mars 2023, avait indiqué avoir passé un peu plus d'un an et demi de captivité avec Gerco van Deventer dans le désert malien.
LE PRÉSIDENT TCHADIEN DÉPENSE PRÈS D'UN MILLION D'EUROS EN COSTUMES DE LUXE À PARIS
Entre confections haut de gamme et gabardines de créateurs, Déby fils s'est offert une impressionnante collection vestimentaire lors de séjours parisiens. Problème, le coût faramineux de ces achats contraste avec la pauvreté extrême de son pays
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 17/12/2023
D'après une enquête réalisée par Mediapart et publiée le 15 décembre 2023, Mahamat Idriss Déby Itno, président du Tchad depuis 2021, a déboursé près d'un million d'euros (915 070 euros précisément) chez un tailleur de costumes de luxe parisien.
Selon le média d'investigation, le chef d'État tchadien se serait offert pas moins de 57 costumes sur mesure d'une valeur unitaire allant de 9 000 à 13 000 euros, 100 chemises à 800 euros, huit abacosts (veste de smoking) à 8 000 euros, neuf sahariennes (veste légère) à 7 500 euros. Une débauche d'achats de vêtements de luxe qui laisse perplexe quand on sait que le Tchad, dont 35% de la population vit dans une "extrême pauvreté" avec moins de 2,15 dollars par jour selon la Banque mondiale, figure parmi les pays les plus pauvres de la planète.
Les paiements auraient été effectués depuis une société tchadienne nommée "MHK Full Business" disposant d'un compte à la Banque commerciale du Chari. Interrogé par Mediapart, le porte-parole de la présidence tchadienne n'a pas souhaité communiquer l'origine des fonds utilisés.
Ce ne serait pas le premier cas de folles dépenses de dirigeants africains à Paris. Mediapart rappelle qu'entre 2009 et 2013, le président du Congo-Brazzaville Denis Sassou-Nguesso et sa famille auraient dépensé 7,7 millions d'euros dans la capitale française, de même que Papa Massata Diack, intermédiaire sénégalais condamné en 2023 pour corruption, qui aurait acheté pour 1,7 million d'euros de montres et objets de luxe dans une boutique des Champs-Élysées.
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AKON CITY SUR LA SELLETTE
Vendue comme une solution de rêve pour loger la diaspora africaine, Akon City n'aura finalement accouché pour l'heure que d'un seul bâtiment, loin des 6 milliards de dollars et de la nouvelle ville futuriste promis au Sénégal
C'était le projet fou du rappeur américain Akon : construire au Sénégal une ville high-tech du futur, à l'image du Wakanda du film Black Panther. Las, 3 ans après la pose de la première pierre, le rêve semble tourner au fiasco.
Sur les images de présentation, on y voyait des grattes-ciel ultramodernes, un stade de foot, une marina, des commerces... Bref, 6 milliards de dollars d'investissements pour faire sortir de terre une cité idéale pour la diaspora africaine.
Mais sur place, c'est la douche froide : un seul bâtiment a vu le jour, le centre d'accueil, sorte de vitrine désespérément vide du projet. Le Covid et l'absence de routes ont servi d'excuses faciles. Car l'État sénégalais commence à perdre patience.
Akon a certes payé rubis sur l'ongle pour acquérir les terres. Mais aucune infrastructure digne de ce nom n'a encore été construite. Le Sénégal lui accorde deux mois pour tenir ses promesses, avant de résilier le bail des 50 hectares.
Gros coup de pression donc sur le chanteur, attendu en urgence à Dakar le mois prochain pour rassurer sur l'avenir de son projet.
LE PREMIER SATELLITE MADE IN SÉNÉGAL BIENTÔT DANS L'ESPACE
L'aventure spatiale du Sénégal est sur le point de décoller: après plusieurs années de formation, le tout premier engin conçu localement, Gaindesat, est prêt à être lancé depuis les États-Unis grâce à la fusée Falcon 9 de SpaceX
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 17/12/2023
Le lancement par une fusée SpaceX du premier petit engin spatial conçu et fabriqué par des ingénieurs sénégalais est prévu au cours du premier semestre 2024 depuis la Floride, selon une dépêche du quotidien français Le Monde publiée le 15 décembre 2023. Baptisé Gaindesat, ce nanosatellite de dix centimètres d'arête doit être officiellement réceptionné par l'État du Sénégal le même jour, avant son décollage à bord d'une fusée de l'entreprise américaine SpaceX fondée par Elon Musk.
Une fois en orbite, Gaindesat aura deux missions principales. La première consistera à collecter des données pour le compte d'agences sénégalaises telles que la Direction de la gestion et de la planification des ressources en eau, l'Agence nationale de l'aviation civile et de la météorologie ou l'Office des lacs et des cours d'eau. "Ces structures ont des stations un peu partout sur le territoire sénégalais pour faire des mesures. Mais c'est compliqué et coûteux de récupérer les données, il faut même parfois se déplacer sur place pour brancher un ordinateur. Avec le satellite, on va pouvoir mieux communiquer avec les stations et partager les informations collectées", explique Ismaïla Sall, responsable technique du projet et ingénieur spatial sénégalais de 28 ans, formé à Montpellier.
La seconde mission consistera à prendre des images satellites du Sénégal grâce à une caméra embarquée, afin de collecter des données pour de futurs développements. Le satellite passera au-dessus du pays environ quatre fois par jour pendant six à sept minutes. Avec ce premier nanosatellite, le Sénégal deviendra le deuxième État francophone d'Afrique subsaharienne après Djibouti à disposer de son propre engin spatial.
L'aventure spatiale sénégalaise a débuté en 2019 avec un premier accord signé avec ArianeGroup, finalement retiré du projet en raison de la pandémie de Covid-19. En parallèle, le pays s'est doté en 2023 d'une agence spatiale nationale dirigée par l'astronome Maram Kairé. Pour former les ingénieurs à la fabrication du satellite, conçu par le Centre spatial universitaire de Montpellier, une convention a été signée pour plus d'un million d'euros. Huit ingénieurs et cinq techniciens sénégalais ont ainsi été formés afin qu'ils puissent à leur tour transmettre leurs compétences.
Gaindesat sera placé en orbite basse, à environ 550 km d'altitude, pour une durée de vie estimée à cinq ans. Bien que le Sénégal ne prévoie pas pour le moment un deuxième satellite, le coordinateur du projet assure que "notre objectif est de créer un nouveau secteur d'activité embauchant beaucoup". Avec la formation de jeunes ingénieurs, le pays espère ainsi développer un écosystème propice à l'émergence d'entreprises spatiales nationales.
MOBILISATION POUR COLINE FAY, LA FRANÇAISE EMPRISONNÉE À DAKAR
Libérez Coline Fay ! Les appels à la libération se multiplient pour cette Française de 26 ans arrêtée au Sénégal il y a un mois. Ses soutiens dénoncent les conditions de détention et son accusation "politisée"
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 17/12/2023
Coline Fay, une militante écologiste française de 26 ans, est incarcérée au Sénégal depuis le 17 novembre dernier. Sa situation inquiète députés et famille, qui réclament son intervention rapide pour obtenir sa libération.
Coline Fay a été arrêtée devant la Cour suprême de Dakar alors qu'elle participait pacifiquement à une manifestation. Elle est depuis accusée, selon son avocat Juan Branco, de "complot contre l'autorité de l'État", ce qui l'expose à de lourdes sanctions.
Les députés écologiste Aurélien Taché et insoumise Sophia Chikirou, cosignataires d'une lettre ouverte avec Me Branco à la ministre française des Affaires étrangères Catherine Colonna, dénoncent une "situation préoccupante". Ils appellent à "l'intervention urgente" de la France "pour assurer la libération" de Coline Fay.
Selon eux, cette arrestation s'inscrit "dans un climat de tension politique" au Sénégal, avec des "dérives autoritaires" du régime de Macky Sall envers l'opposition, notamment Ousmane Sonko, emprisonné et défendu par Me Branco.
Lors d'un rassemblement à Grenoble, le frère de Coline Fay a dit vouloir "interpeller le ministère pour la faire libérer au plus vite", expliquant être "dans le flou". Incarcérée dans des conditions difficiles, Coline Fay aurait entamé une grève de la faim de 12 jours.
Militante écologiste installée au Sénégal, Coline Fay y travaillait comme kinésithérapeute auprès des femmes. Sa situation inquiète ses soutiens, qui réclament une libération immédiate.
LE RAPPORT DE LA CNRI, L’INTÉGRAL
Renouveler les règles du jeu démocratique au Sénégal : c'était l'ambitieux mandat confié à la CNRI. Ce document revient sur l'impressionnante démarche participative entreprise pour associer les citoyens à la réflexion sur la réforme institutionnelle
SenePlus a publié, tout au long de la semaine écoulée, le rapport général de la Commission nationale de réforme des institutions (CNRI) en quatre différentes parties. L'object de ces publications est de mettre à l'ordre du jour du calendrier électoral l'ensemble des mesures préconiées par ce creuset citoyen de rénovation de l'armature institutionnelle du Sénégal. Ci-dessous, SenePlus a compilé les quatre parties pour publier ainsi l'intégralité du rapport général de la CNRI, ci-dessous.
INTRODUCTION
Le présent rapport rend compte des travaux de la Commission nationale de réforme des institutions –CNRI- chargée, aux termes de l’article 2 du décret n°2013-730 du 28 mai 2013 l’instituant, de « formuler toutes propositions visant à améliorer le fonctionnement des institutions, à consolider la démocratie, à approfondir l’État de droit et à moderniser le régime politique ». Ce décret fait suite au décret n°2013-682 en date du 17 mai 2013 nommant M. Amadou Mahtar Mbow, ancien Directeur général de l’UNESCO, Professeur à la retraite, Président de ladite Commission.
Aux termes de l’article 4 du décret n°2013-730, la CNRI est ainsi composée :
Président : M. Amadou Mahtar Mbow Professeur à la retraite ;
Vice-président, M. Mamadou lamine Loum, Inspecteur du trésor ;
Rapporteur : M. Abdoulaye Dièye, Juriste, enseignant à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar ;
Rapporteur adjoint : M. Moussa Mbaye, Sociologue, Psychologue ;
Mme Aminata Diaw Cissé, Professeur de Philosophie à l’Université Cheikh Anta Diop ;
Mme Ndèye Marie Diédhiou, Institutrice ;
M. Abdoulaye Bara Diop, Sociologue, Ancien Directeur de l’IFAN ;
M. Serigne Diop, Professeur de droit à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar ;
Me Sidiki Kaba, Avocat, Président de la Ligue Sénégalaise des Droits de l’Homme[1] ;
M. Cheikh Hamidou Kane, Administrateur civil, Ancien Gouverneur de région, ancien Représentant régional de l’Unicef, Écrivain ;
M. Ahmadou Fadel Kane, Professeur de Géographie à l’UCAD, à la retraite ;
M. Amadou Moctar Mbacké, Magistrat à la retraite, ancien agent judiciaire de l’Etat ;
M. Saliou Mbaye, Archiviste, documentaliste, spécialiste des institutions sénégalaises ; Ancien Directeur des Archives nationales du Sénégal, Professeur à l’EBAD ;
M. Aloyse Raymond Ndiaye, Professeur de Philosophie à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar ;
M. Mazide Ndiaye, Économiste, Coordonnateur du Comité de Veille sur le processus électoral ;
M. Seydou Madani Sy, Professeur à la retraite, spécialiste des institutions sénégalaises, Ancien Doyen de la Faculté de droit, ancien Recteur de l’UCAD ;
Mme Maïmouna Ndongo Touré, Magistrat à la retraite ;
M. Samba Traoré, Professeur de Droit à l’Université Gaston Berger de Saint Louis ;
M. Babacar Touré, Journaliste. Directeur d’un des premiers groupes de presse du Sénégal.
La CNRI s’est appuyée sur une plateforme technique coordonnée par Mme Ndella Ndiaye et comprenant MM. Mamadou LY, Sidy Cissé, Ibou Fall et Kader Gueye.
Le mandat reçu du président de la République
Le Président de la République, à travers les deux textes cités plus haut, rendait officielle la Commission nationale chargée de la réforme des institutions mais l’intention de créer celle-ci avait été annoncée le 14 septembre 2012, à l’occasion de la Journée nationale des Institutions.
Par une lettre remise à M. Mbow au cours d’une audience qu’il lui a accordée le 28 novembre 2012, Monsieur le Président de la République charge ce dernier d’« organiser une large concertation nationale sur les réformes à mettre en œuvre à court, moyen et long termes, pour doter le pays d’une armature institutionnelle moderne, à la mesure de son ambition de devenir et de rester une grande nation de démocratie ».
Aux termes de la lettre du Président de la République, les propositions que la concertation aurait à lui soumettre devraient notamment prendre en charge les problématiques suivantes :
« …
La consolidation de l’Etat de droit ;
L’équilibre des Pouvoirs entre l’Exécutif, le Législatif et le Judiciaire ;
Le renforcement de l’indépendance de la Justice ;
L’approfondissement de la démocratie représentative et participative ;
Le renforcement et la protection des libertés publiques ;
Le renforcement de la décentralisation et de la déconcentration ;
La territorialisation des politiques publiques ;
La protection et la promotion des valeurs positives de notre société ;
La promotion de la bonne gouvernance, de la transparence et de l’éthique dans la gestion des affaires publiques ainsi que la culture de l’imputabilité ;
La stabilité institutionnelle ».
Le Président de la République indique en outre dans sa lettre, qu’il fallait, en tirant parti de l’expérience des « Assises nationales », veiller à ce que « la concertation soit large, participative, inclusive, démocratique et ouverte à tous les segments de notre société : acteurs politiques de la majorité comme de l’opposition, société civile, secteur privé, État, collectivités locales et ordres religieux, etc. » et qu’elle « devra s’appuyer sur les principes et orientations du programme « Yoonu Yokkute » et s’inspirer fortement des conclusions des « Assises nationales » et, en particulier, de la Charte de gouvernance démocratique.
Le décret n°2013-730 du 28 mai 2013 réaffirme en outre en son article 2 le caractère inclusif et participatif que la concertation devait revêtir et charge la CNRI de « formuler toutes propositions visant à améliorer le fonctionnement des institutions, à consolider la démocratie, à approfondir l’État de droit et à moderniser le régime politique ».
La démarche méthodologique de la CNRI
Si les décrets n’ont été signés qu’en mai 2013, c’est, dès le 16 mars 2013, que la Commission a commencé ses travaux par l’adoption d’un code de conduite et l’étude des voies et moyens pouvant lui permettre de mener à bonne fin la tâche qui lui était confiée. Un document de travail élaboré à cet effet fut remis le 07 mai 2013, au cours d’une audience, au Président de la République. Ce document indiquait tout le processus qui devait être suivi jusqu’à la fin des travaux, notamment les principes de base et les stratégies de mise en œuvre des consultations à mener.
Conformément au mandat qu’elle a reçu, la CNRI a estimé que pour que la concertation soit la plus large, la plus participative et la plus inclusive possible, il fallait interroger les citoyens par des méthodes pouvant leur permettre d’exprimer directement leurs points de vue soit individuellement soit de manière collective. Aussi, deux questionnaires furent-ils élaborés. Ils ont servi de support aux consultations qui ont été menées dans tout le pays. Pour préparer ces questionnaires, la CNRI a estimé devoir s’appuyer sur un bref diagnostic de l’évolution des institutions et des pratiques constatées durant les cinquante années d’indépendance, et en particulier au cours de la dernière décennie. En effet, une réforme des institutions n’a de sens que si elle découle d’une évaluation préalable des insuffisances et des dysfonctionnements dont elle montre l’existence et qu’il importe de redresser et elle n’a de chance de succès que si elle est précédée d’une large consultation avec les citoyens.
I-DISPOSITIF ET OUTILS DES CONSULTATIONS CITOYENNES
Pour mener un dialogue fructueux avec les citoyens, la CNRI a mis en place un dispositif et créé des outils pouvant permettre à tout sénégalais le désirant de participer aux consultations citoyennes à travers, d’une part, les panels citoyens, d’autre part, les enquêtes par questionnaires adressés aux organisations politiques et de la société civile (dites « porteurs d’enjeux ») ou aux citoyens.
Le dispositif
Le dispositif repose principalement sur les panels citoyens destinés à recueillir la « commande » citoyenne, consolidée par les résultats des enquêtes auprès des porteurs d’enjeux ; toutefois, pour s’assurer de la pertinence du diagnostic établi, la CNRI a organisé au surplus des fora populaires dont les débats ont porté sur les constats figurant dans ce diagnostic.
Les panels citoyens ont réuni des citoyens sélectionnés de manière à constituer un échantillon représentatif de la population de chaque département en tenant compte du genre, de l’âge, de la profession, de l’habitation, etc. En utilisant un questionnaire adapté et en constituant les citoyens en groupes suffisamment équilibrés pour que les opinions de toutes les catégories de la société puissent s’exprimer, leurs points de vue ont été recueillis sur les principes généraux et les orientations à donner aux réformes considérées comme indispensables;
Les enquêtes par questionnaires faites auprès des diverses organisations politiques, syndicales ou de la société civile désignées sous le vocable «porteurs d’enjeux» ont permis à celles-ci de se prononcer autant sur la pertinence et/ou les orientations primordiales que sur les options et modalités des réformes susceptibles d’être entreprises ainsi que sur le fonctionnement des institutions.
Parallèlement aux panels citoyens, le questionnaire d’enquête (porteurs d’enjeux) a été diffusé partout dans le pays pour permettre à tout citoyen ou toute organisation le souhaitant de participer au débat sur les institutions. Il a enfin été possible de remplir le questionnaire directement en ligne sur le site internet de la Commission.
Les fora populaires ont été ouverts à tous les citoyens voulant y participer. Ils ont permis de larges débats sur les questions institutionnelles en s’appuyant sur les éléments du diagnostic établi par la CNRI; l’objectif recherché était de vérifier la conformité du diagnostic établi avec le point de vue des populations.
Les outils
Les instruments de la concertation ont été constitués par un guide d’entretien pour les panels citoyens et d’un questionnaire d’enquête, détaillé et très précis, à l’adresse des porteurs d’enjeux.
Le guide d’entretien pour les panels citoyens et les enquêtes. Ils ont été confectionnés sur la base des résultats de l’analyse du fonctionnement des institutions et de la pratique constitutionnelle depuis des décennies, l’objectif étant de connaître les points de vue des citoyens sur les réformes institutionnelles à envisager. Ils ont été établis de telle sorte que les réponses correspondent de facto à des orientations en matière de réforme. Ils devaient permettre d’établir clairement la « demande citoyenne » en termes de réformes institutionnelles.
Le questionnaire destiné aux porteurs d’enjeux. Il devait permettre à ceux qui sont consultés de se prononcer sur le contenu même des réformes susceptibles d’être envisagées.
Les questionnaires n’enferment pas ceux qui sont consultés dans le choix d’options préalables ; il est laissé à ceux-ci la possibilité de les compléter en y évoquant des problèmes qui leur paraissaient correspondre à des exigences fondamentales en matière de réformes institutionnelles
Pour toucher le maximum de citoyens et les amener à se prononcer en toute connaissance de cause, ces outils ont été traduits dans les six langues nationales prévues par la Constitution mais également en arabe. Ainsi, pour la première fois dans l’histoire du pays, les populations ont été étroitement associées à la réflexion sur le contenu que devait revêtir la Constitution de l’Etat et ce, en utilisant les langues qu’elles parlent.
II-RENCONTRES DE LANCEMENT DU PROCESSUS DES CONSULTATIONS CITOYENNES
Avant la mise en œuvre du programme ainsi établi, la CNRI a tenu à rencontrer d’abord la presse, puis l’ensemble des partis politiques et des organisations de la société civile légalement reconnus pour leur donner des informations sur le processus et les enjeux des consultations.
La rencontre d’information avec la presse
La CNRI a tenu dans une rencontre avec la presse, le 20 juin2013, à faire connaître la raison d’être de la commission, sa composition, ses méthodes de travail, le dispositif qu’il a mis en place. Les points soulevés par les journalistes ont été les suivants : le critère du choix des membres ; le produit attendu des consultations citoyennes ; l’efficacité du dispositif retenu pour toucher le maximum de sénégalais ; les assurances reçues du Président de la République quant à l’application effective des propositions qui seront faites ; le mode d’approbation des réformes, par voie référendaire ou par voie parlementaire ; nouvelle Constitution ou non ; le budget de la CNRI…
Cette rencontre d’information avec la presse a, au moins, eu le mérite d’apporter une meilleure compréhension du processus des consultations citoyennes qui n’avaient pas encore démarré.
La rencontre avec les partis politiques.
La CNRI a organisé dans la matinée du 22 juin 2013 à Dakar une rencontre avec les partis politiques. Sur plus de deux cents (200) partis invités[2], quatre-vingt sept (87) ont pris part à la rencontre. Sur les invitations envoyées, soixante-dix-huit (78) ont été retournées au siège de la CNRI avec la mention « inconnu à l’adresse indiquée ».
Cette rencontre a permis à la CNRI de recueillir les points de vue, avis, suggestions, recommandations et critiques des participants. Les interventions ont principalement porté sur la durée de six mois de la mission de la CNRI qui, selon certains, serait trop courte, selon d’autres, excessive; la référence au « yoonu yokkuté » et aux « Assises nationales », les garanties qu’aurait reçues la CNRI de Monsieur le président de la République quant à la suite à donner au processus ; la nécessité d’entreprendre des démarches pour intégrer dans les concertations les partis politiques qui ne s’estiment pas concernés par les travaux portant sur les réformes ; la pertinence de l’organisation de nouvelles concertations alors que les conclusions des Assises Nationales ne sont pas mises en œuvre; la nécessité de prendre en considération la production intellectuelle des religieux, la durée de la mission par rapport à la date des élections locales ; les sources de financement et le montant du budget de la CNRI ; ce que devrait être la place des partis politiques dans le processus entrepris ; l’appréciation et l’attitude qu’il convenait d’avoir par rapport aux partis sans siège ni adresse...
Cette réunion a été suivie de rencontres individuelles avec des leaders de partis politiques notamment ceux de l’opposition qui n’y avaient pas participé. Ces rencontres ont permis de lever bien des malentendus.
La rencontre avec les organisations de la société civile.
La rencontre avec les organisations de la société civile a eu lieu dans l’après-midi du 22 juin 2013. Trente organisations de la société civile ont répondu à l’invitation (la plupart étant des coalitions ou organisations faîtières). Leurs interventions ont principalement porté sur: les moyens à mettre en œuvre par la CNRI pour atteindre les villages les plus reculés ; la nécessité d’aller au-delà des termes de références, les voies et moyens à utiliser pour mettre fin à l’émiettement syndical, la nécessité d’aller au-delà des six langues nationales pour toucher le maximum de Sénégalais ; le pourquoi de l’évocation du « yoonu yokkuté » ou de la référence aux « Assises nationales » ; l’aspect communication qu’il convient d’améliorer ; la nécessité de procéder aux réformes qui permettront le contrôle de l’économie sénégalaise par des nationaux ; l’obligation d’impliquer les Sénégalais de l’extérieur…
Des réponses appropriées ont été données à ces diverses interrogations. Les participants (société civile comme partis politiques) se sont félicités de la tenue de ces rencontres et ont salué le caractère rationnel de la démarche suivie par la CNRI, l’ouverture du processus à tous et la place donnée à l’avis du citoyen dans le choix des orientations fondamentales de la réforme.
Par ailleurs, pour tenir compte des souhaits exprimés par ses membres, en se conformant également à la lettre du chef de l’État en date du 28 novembre 2012, qui demandait que « la concertation soit ouverte à tous les segments de notre société y compris les ordres religieux », la CNRI a effectué des visites aux familles religieuses et leur a donné toutes les informations sur le processus.
Visite aux familles religieuses.
Des visites de courtoisie et d’information ont été organisées auprès des dignitaires religieux qui, selon leur disponibilité, ont reçu la délégation de la CNRI aux dates suivantes :
le clergé catholique, le 20 août 2013 ; La délégation a été reçue par le Président de la Conférence épiscopale.
le Khalife général des Tidianes le 21 août 2013. Elle a été reçue par le porte- parole à Tivaouane.
le Khalife général des Mourides, le 22 août 2013 à Mbacké Kadior ;
le Khalife de Léona Niassène, le 22 août 2013 à Kaolack ;
le Khalife de Médina Baye, le 22 août 2013 à Kaolack ;
le Khalife des Layennes, le 27 août 2013 à Yoff,
le khalife de Thiénaba, le 29 août 2013 à Thiénaba,
le Khalife de Ndiassane, le 29 août 2013 à Ndiassane.
la Famille Omarienne, le 23 septembre 2013,
le khalife de Médina Gounass, le29 septembre 2013
La délégation de la CNRI a été bien accueillie partout. Elle est revenue sur l’historique, la mission, le profil de ses membres et la démarche envisagée pour recueillir les avis de tous les Sénégalais qui désirent participer à la consultation sur le fonctionnement des institutions. Elle a également noté que la décision qu’elle a prise de faire traduire les documents en arabe a été saluée et bien appréciée de tous. Le caractère laïc de la République a presque partout été reconnu. Cependant, les règles à mettre en place ne doivent pas constituer une entrave à la pratique religieuse. Les Chefs religieux ont mis en exergue la nécessaire équidistance de l’Etat vis-à-vis des différentes communautés religieuses.
Des vœux de réussite, des encouragements et des prières ont été formulés.
III-TENUE DES CONSULTATIONS CITOYENNES
Une campagne d’information a été menée dix jours avant les consultations citoyennes, pour inciter les citoyens à s’impliquer dans la réflexion menée en vue de la réforme des institutions. Ses effets positifs ont été révélés par le taux de participation aux fora plus que satisfaisant dans la plupart des départements du pays.
La campagne d’information, de sensibilisation et de mobilisation.
Les consultations ayant pour vocation première de susciter un grand débat national, une intense campagne de sensibilisation et de mobilisation a été menée pour informer les citoyens et les organisations sur les modalités de participation aux concertations, en collaboration avec les radios communautaires et d’autres médias. L’objectif de communication consistait à attirer l’attention de l’opinion publique sur les concertations prévues et cela, dans un contexte particulièrement complexe caractérisé, entre autres, par l’hivernage qui entrait dans sa phase la plus délicate avec ses contraintes habituelles sur le monde rural, les vacances scolaires, la défiance ouverte d’une partie de la classe politique et de certaines personnalités de la société civile qui remettaient en cause la pertinence de la CNRI. Dans un tel contexte, il fallait lever les malentendus et donner au citoyen ou qu’il se trouve, la bonne information.
Tous les types de media susceptibles d’aider à atteindre les populations furent utilisés : la presse écrite, la radio et la télévision ; l’internet et les médias sociaux en général etc. S’agissant des canaux hors media, des films documentaires sur le processus, réseaux sociaux (Facebook, Twitter,…) ont été utilisés.
Le slogan retenu a été : « Je suis concerné par les institutions de mon Pays, donc je participe ».
L’accompagnement technique du processus des consultations citoyennes.
Pour faciliter le dialogue à la base, la CNRI a travaillé avec des organisations ayant une expérience avérée des processus participatifs et une implantation réelle sur tout le territoire national. Il s’agit de la Plateforme des Acteurs non étatiques (PFAnE) qui a eu à assurer la coordination des actions d’information des citoyens et de facilitation des consultations citoyennes dans les 45 départements du pays et de l’Organisation nationale de coordination des activités de vacances (ONCAV) qui a assuré l’organisation des Fora populaires dans toutes les localités.
Des facilitateurs chargés de modérer les débats et d’élaborer des synthèses sur les accords et champs de tension sur les différents éléments discutés, ont été recrutés dans les départements et formés le 17 août 2013 et lors d’ateliers nationaux. Pour le recrutement des facilitateurs, des critères objectifs ont été retenus : au minimum bac +2, une expérience en facilitation d’ateliers et de foras, une maitrise d’au moins une langue locale, une capacité de synthèse et de rédaction, une maitrise de l’outil informatique, une bonne connaissance du milieu ….
Les consultations citoyennes ont effectivement été organisées dans la période du 14 au 25 septembre 2013. A cette occasion, des fora (le 14 septembre 2013) et des panels (le 15 septembre 2013) ont été organisés dans les quarante-cinq départements du pays, Les panels citoyens ont enregistré 4.400 participants sur les 4.500 attendus (à raison de 100 participants dans chacun des départements). S’agissant des fora, le taux de participation a varié d’un département à un autre, mobilisant au total plus de 4400 citoyens.
Les consultations citoyennes ont ainsi permis de recueillir les points de vue des populations dans tout le pays.
Les fora et panels ont été organisés sous la responsabilité des facilitateurs chargés de modérer les débats et d’élaborer des synthèses sur les accords et champs de tension sur chacun des éléments discutés. Des superviseurs choisis parmi les membres de la CNRI renforcés par d’autres personnes ressources ont sillonné les quarante-cinq départements pour s’assurer du bon déroulement du processus des consultations.
Par ailleurs, des citoyens les plus divers ont eu à remplir le questionnaire destiné aux citoyens soit en ligne sur le site www.cnri.sn, soit à partir des versions imprimées, distribuées et collectées avec l’aide des facilitateurs de la PFAnE. Ainsi, tous les questionnaires qui ont pu être remontés à la CNRI dans les délais prévus ont pu être dépouillés et analysés.
Traitement et exploitation des données
Le traitement des données a nécessité la codification des questionnaires, dès qu’ils ont été stabilisés mais aussi l’élaboration d’un masque de saisie, la définition d’une procédure pour le traitement des données qualitatives et la mobilisation puis le recrutement des opérateurs de saisie. Cela a donné comme résultat, une présentation des résultats détaillés sous forme de tableaux et graphiques, puis a permis l’élaboration de synthèses spécifiques et transversales des résultats des panels, des enquêtes par questionnaires, etc.
L’exploitation de ces données a permis d’identifier :
les propositions ayant fait l’objet de « larges consensus »[3], sur la base desquelles un premier jet de recommandations et de dispositions constitutionnelles ont commencé à être mis en forme et discutés ;
les propositions sur lesquelles les positions étaient contrastées mais susceptibles[4] d’évoluer vers des « accords solides » à l’issue de réglages avec les représentants des différents porteurs d’enjeux ;
les points objets de rejets («désaccord manifeste ») par les citoyens et/ou les porteurs d’enjeux
les questions à soumettre à des experts pour approfondir et/ou clarifier certaines normes, dispositions ou options.
Pour identifier objectivement la « commande citoyenne », il était indispensable d’adopter une démarche dont toute étape est vérifiable. En réponse au principe de base de la concertation qui indiquait que « les consensus forts issus des consultations citoyennes à la base sont réputés primordiaux par rapport aux positions et contributions des experts et porteurs d’enjeux », la CNRI a défini une procédure de travail qui respecte les options citoyennes sur chaque question débattue[5] . Cette démarche, de nature scientifique, a permis d’assurer une lisibilité et une traçabilité de toutes les opérations de dépouillement, de compilation, de mitigation (le cas échéant), de synthèse et de présentation des données issues de l’exercice. Des critères de classement des résultats des consultations étaient établis et validés en amont du traitement de manière à s’entendre facilement sur ce qui pouvait être considéré comme consensus solide, ce qui ne l’était pas et ce qui nécessitait un approfondissement, des clarifications ou dialogues supplémentaires. Ces dernières ont été approfondies avec les porteurs d’enjeux et les experts selon le cas.
Les résultats issus des consultations citoyennes devaient s’imposer à tous, y compris aux membres de la CNRI qui, dans cette phase, interviennent au bout du processus comme un facilitateur. Dans le cas où, malgré cette démarche, des questions ne pouvaient pas déboucher sur un compromis, la CNRI a été amenée à proposer la solution qui paraissait la plus équilibrée.
Cette approche rompt avec la démarche habituelle qui consistait à mobiliser des spécialistes qui produisaient une charte fondamentale qui, même lorsqu’elle était pertinente, souffrait d’une non appropriation par les citoyens.
L’atelier de réglages avec les porteurs d’enjeux
L’objectif de cet atelier qui a réuni les représentants des partis politiques et ceux des organisations de la société civile était de recueillir les opinions des porteurs d’enjeux sur des questions qui nécessitaient un approfondissement. Cela devait permettre à la commission de lever les ambigüités et d’avoir une meilleure compréhension des positions. Les membres de la commission, notamment les modérateurs et les facilitateurs, ont pu ainsi faire évoluer certaines positions vers plus de consensus. Les résultats de ces discussions ont été exploités par la CNRI dans la suite de ses travaux, à chaque fois que de besoin.
La méthodologie utilisée et les outils mis en œuvre ont permis à la CNRI de recueillir les orientations citoyennes en matière de réforme institutionnelle. Cette demande citoyenne sera résumée dans les pages qui suivent.
IV-PRÉSENTATION SYNTHÉTIQUE DES ORIENTATIONS CITOYENNES POUR LA RÉFORME
Sur la base du diagnostic établi, une question principale a été soulevée dans chaque domaine et soumise aux citoyens, l’objectif étant de connaître les orientations citoyennes en matière de réforme institutionnelle. Le document renfermant le résultat complet des consultations citoyennes avec les scores enregistrés pour chaque rubrique est annexé au présent rapport.
LA GOUVERNANCE DÉMOCRATIQUE
Rappel du diagnostic établi par la CNRI
Si la souveraineté appartient au peuple, ce dernier a peu de moyens de contrôler l’action des élus auxquels il délègue son exercice ; ce qui nous met devant un double défi : celui de participation des citoyens et celui de reddition de compte de ses délégataires.
Quelles orientations pour rendre effective la participation citoyenne dans la gestion des affaires publiques ?
Les citoyens ont dégagé un certain nombre d’orientations qui, devraient rendre effective la participation citoyenne dans la gestion des affaires publiques. Cela va de l’implication et de la responsabilisation des citoyens dès la conception des programmes à la consultation des populations par l’État en passant par le développement d’instruments de participation citoyenne démocratique. Il y a lieu de renverser le paradigme de prise de décision sur les orientations fondamentales et dans la planification, à tous niveaux et ce, par l’interrogation des citoyens à la base pour toutes orientations et l’institutionnalisation du budget participatif. Les citoyens insistent sur le nécessaire rapprochement de l’administration des citoyens par la création de cadres consultatifs dans les villages et quartiers mais aussi sur la promotion d’une éducation à la citoyenneté renforçant les capacités des populations sur leurs droits et devoirs dans la gestion des affaires publiques, sur le contrôle citoyen et enfin, sur le renforcement de la décentralisation et de la démocratie locale.
Les citoyens sont en phase avec les dispositions qui proposent l’institutionnalisation de la concertation avant toute prise de décision majeure dans la gestion des affaires publiques, le droit accordé aux citoyens d'adresser des pétitions aux autorités en vue de défendre leurs droits ou de dénoncer les actes illégaux ou les abus de pouvoir, la reconnaissance du droit d’initiative populaire dans la procédure législative, le droit des citoyens d’initier un référendum sur des questions d’intérêt national. Les enquêtes auprès des porteurs d’enjeux (organisations politiques et de la société civile) confirment de larges accords autour de ces mêmes propositions.
Quelles orientations pour systématiser la reddition de compte ?
Les citoyens insistent sur la nécessité d’asseoir des mécanismes de reddition des comptes et de contrôle citoyen, notamment la systématisation des budgets participatifs au niveau des collectivités locales, et le suivi-évaluation des politiques publiques.
LES DROITS ET LIBERTÉS FONDAMENTAUX
Rappel du diagnostic établi par la CNRI
Concernant, les droits et libertés, on ne peut manquer de relever, d’une part, un manque d’effectivité de certains d’entre eux (y compris en matière de sécurité des citoyens) et, d’autre part, la persistance dans notre Droit de certaines dispositions liberticides.
Quelles sont les mesures proposées par les citoyens pour une protection efficace des droits et libertés ?
Les citoyens ont noté et déploré les nombreux abus en matière de garde à vue. C’est ce qui justifie la proposition récurrente de la présence obligatoire d’un avocat dès les premières minutes de la garde à vue. Après avoir reconnu la large panoplie de droits et libertés prévus dans les textes, ils déplorent le manque d’effectivité de certains d’entre eux. S’agissant de la liberté de manifestation, les citoyens estiment qu’il y a lieu de veiller à l’application de la loi, d’édicter des délais précis pour signifier aux intéressés l’interdiction d’une manifestation publique afin de permettre la mise en œuvre du droit de recours, de mieux motiver les interdictions et de garantir la sécurité des biens et des personnes.
Pour rendre effective leur sécurité, les citoyens préconisent la mise en place d’un système de sécurité de proximité, le renforcement des moyens d’intervention des forces de sécurité et l’ancrage du civisme et du patriotisme.
En ce qui concerne l’effectivité des droits des personnes vivant avec un handicap, les citoyens proposent la mise en œuvre du statut de la personne handicapée, l’élaboration et la mise en œuvre d’une politique de discrimination positive et l’adaptation des infrastructures pour leur meilleure mobilité. Ces mesures seront de nature à les préserver de l’abandon moral, de la marginalisation et de la stigmatisation.
Les citoyens partagent largement les dispositions qui préconisent que les administrés aient le droit de saisir, à tout stade de la procédure, le Juge constitutionnel par la procédure de l’exception d’inconstitutionnalité dans les affaires qui touchent aux droits et libertés fondamentaux des citoyens. Ils estiment que l’intérêt à agir et, par voie de conséquence, le droit de saisine de la juridiction compétente doit être reconnu aux organisations de défense des droits humains et environnementaux dans les affaires qui touchent aux droits, libertés et biens publics. Ils préconisent, enfin, que l’égal accès à l’information administrative soit garanti aux citoyens.
En droite ligne avec ces orientations, les porteurs d’enjeux se prononcent également en faveur de l’institution d’une Charte des libertés et de la démocratie, gage de l’attachement de notre pays aux libertés publiques, à une justice équitable, à la démocratie, à des élections sincères et transparentes, et à la bonne gouvernance. Par ailleurs, pour une administration républicaine, au service exclusif des citoyens, consacrant l’égalité de leurs droits, les porteurs d’enjeux estiment que l’État doit garantir aux citoyens le droit d’accès à l’information sur le fonctionnement de l’administration et la gestion des affaires publiques, de même que la protection des données personnelles
SÉPARATION ET ÉQUILIBRE DES POUVOIRS
Rappel du diagnostic établi par la CNRI
Les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, théoriquement indépendants les uns des autres, ne sont en fait ni séparés ni équilibrés… On note une « prédominance du Président de la République » sur les Pouvoirs législatif et Judiciaire…Il peut décider de tout, sans que sa responsabilité soit réellement engagée… Le Parlement est trop largement soumis à l’influence du chef de l’exécutif : il n’exerce pas toutes ses prérogatives dans le vote des lois et dans le contrôle efficient de l’action du gouvernement… Le Pouvoir judiciaire, supposé indépendant, se retrouve sous une certaine dépendance au Pouvoir exécutif…
Quelles orientations pour avoir un équilibre des Pouvoirs ?
Les citoyens préconisent des réformes au sein de l’Exécutif, du Législatif mais aussi du Judiciaire, avant d’en arriver à la recherche de l’équilibre des Pouvoirs.
Concernant l’Exécutif, les citoyens reconnaissent au Président de la République le pouvoir de déterminer la politique de la nation, d’avoir l’initiative des lois et de nommer aux emplois civils et militaires ; ils préconisent toutefois un certain nombre de mesures destinées à atténuer l’hypertrophie de la fonction présidentielle. C’est ainsi qu’ils estiment que le Président de la République doit cesser d’être chef de parti dès son élection. Ils insistent pour qu’un contenu soit donné à la notion de « haute trahison » et que le pouvoir de nomination du Président soit mieux encadré. Ils réclament l’instauration de l’appel à candidature pour la nomination aux postes de direction dans l’Exécutif ainsi que le respect des critères de compétence et de hiérarchie dans la nomination des personnels des différentes administrations. Ils préconisent que le droit de dissoudre le Parlement soit strictement encadré.
En ce qui concerne le Pouvoir législatif, les citoyens estiment que les réformes doivent porter en priorité sur le mode de scrutin pour l’élection des députés. Ils préconisent dans une large mesure la suppression de la liste nationale (scrutin proportionnel), l’établissement d’un profil standardisé du député par l’exigence d’un niveau minimum d’instruction. Ils préconisent également l’élection du Président de l’Assemblée nationale pour une durée égale à celle de la législature. Ils estiment nécessaire de doter le Parlement d’outils de travail modernes, notamment pour la traduction simultanée en langues nationales et d’avoir recours aux assistants parlementaires pour aider les députés. Les députés nouvellement élus doivent bénéficier des séances de formation sur leur rôle, sur les procédures du Parlement. Tous les députés doivent bénéficier autant que nécessaire des séances de renforcement de leurs capacités. Ils demandent que le Législatif ait une meilleure maîtrise de son ordre du jour. Les citoyens voient à travers l’interdiction du cumul des fonctions de chef de l’État et de chef de parti, un moyen de renforcer l’indépendance du Parlement. Cela permettrait de donner plus de liberté au député dans ses prises de position.
S’agissant du Judiciaire, les citoyens ont beaucoup insisté sur la nécessité de confier la désignation des magistrats à certains postes à leurs pairs, mais aussi et surtout, sur celle de mettre fin à la présidence par le Président de la République du Conseil supérieur de la magistrature. C’est avec une insistance particulière que les citoyens sont revenus sur cette dernière proposition. Mais, à n’en pas douter, la proposition la plus récurrente ici est celle qui demande la révision de la formule « Ministère de la justice » et la mise en place d’une structure indépendante dirigée par un magistrat choisi par ses pairs et dont le nombre de mandats est inférieur ou égal à deux (2). A défaut, les citoyens préconisent la formule d’un Ministre de la justice ne militant dans aucun parti politique.
Les citoyens, sensibles à la condition des magistrats et conscients du fait que celle-ci constitue un élément déterminant de l’indépendance de la Justice pensent qu’il y a lieu de valoriser la fonction des magistrats et des auxiliaires de justice mais aussi d’ancrer l’éthique républicaine dans le corps des magistrats. Les citoyens préconisent l’application de sanctions pénales en cas de corruption avérée mais aussi que soit entreprise par tous les moyens la lutte contre le trafic d’influence. Ils demandent que les décisions de justice puissent être mises à disposition des justiciables dès leur prononcé, et publiées.
Les citoyens souhaitent que le Juge chargé du contrôle de la légalité des actes administratifs soit rapproché des justiciables, par la possibilité de recourir aux juridictions inférieures. Ils proposent la création d’une Cour constitutionnelle en lieu et place de l’actuel Conseil constitutionnel pour clarifier, renforcer et/ou élargir ses compétences afin d’éviter les déclarations récurrentes d’incompétence notées au niveau de l’actuel Conseil constitutionnel. Pour les citoyens, il faut fonder la désignation des membres de la Cour sur la proposition des membres par leur corps d’origine et instituer l’élection de son Président par ses pairs.
Les citoyens affichent de larges consensus sur les dispositions suivantes : le président de la République, une fois élu, cesse d’être chef de parti ; le président de la République est passible de poursuites judiciaires s’il commet des crimes et délits caractérisés dans l’exercice de ses fonctions ; le principe de donner un contenu à la « haute trahison » ; la normalisation des fonctions de ministre (ministre d’État, ministre délégué, ministre sans portefeuille, ministre conseiller, etc. ; la limitation formelle du nombre de départements ministériels ; la suppression de la plupart des agences et leur incorporation dans les ministères appropriés. Les citoyens ont, par contre, montré une franche opposition à l’idée d’une confirmation de la nomination des ministres par le Parlement.
Pour rendre plus équilibrés les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire et/ou amener chaque pouvoir à exercer pleinement ses fonctions, les citoyens ne perdent pas de vue l’importance d’avoir un personnel compétent et motivé, protégé par un statut qui lui garantit une certaine liberté d’action.
Tout en confirmant les orientations dégagées par les citoyens, les enquêtes auprès des porteurs d’enjeux font apparaitre des accords très solides sur certaines dispositions visant à mieux équilibrer les relations entre les différents pouvoirs. Par exemple, le président de la République peut toujours soumettre à référendum tout projet de loi relatif aux pouvoirs publics, aux droits et libertés, mais sur proposition du Premier Ministre et après avoir recueilli l'avis du président du Parlement et de la Juridiction constitutionnelle. Il en est de même de la possibilité qu’il a de soumettre au référendum des projets de lois constitutionnelles, après avis du Parlement. Par ailleurs une volonté très nette s’est dégagée, celle de mieux encadrer le pouvoir du président de la République de dissoudre l’Assemblée nationale : elle doit être possible seulement lorsque celle-ci adopte une motion de censure contre le Gouvernement ou lui refuse sa confiance deux fois dans les douze mois et pour toute autre raison empêchant le fonctionnement normal des institutions dûment constatée par la Cour constitutionnelle.
ADMINISTRATION RÉPUBLICAINE ET CONTRÔLE
Rappel du diagnostic établi par la CNRI
L’Administration a été peu à peu déstabilisée, souvent désorganisée et rendue de plus en plus informelle… Les contrôles exercés en son sein sont souvent inopérants et mal coordonnés ou leurs résultats inexploités pour éviter de sanctionner des irrégularités avérées ; ce qui contribue au développement de la corruption qui a tendance à la gangréner dans nombre de ses secteurs névralgiques. Les citoyens ont très rarement accès à l’information administrative. La protection des données personnelles n’est pas correctement assurée.
Quelles propositions pour restaurer l’éthique, le civisme, la rigueur et l’intégrité dans la gestion des affaires publiques ? Comment moderniser et rendre l’administration publique plus républicaine et performante ? Comment réhabiliter et rendre plus efficace le travail des corps de contrôle ?
Les citoyens trouvent urgent de lutter contre la corruption, la concussion, l’enrichissement illicite, les détournements de deniers publics, les conflits d’intérêts, les prises illégales d’intérêt et l’utilisation indue des biens et services de l’Etat par l’application stricte et sans discrimination des lois et la criminalisation de certains délits économiques. Cela passe par la réhabilitation des membres des corps de contrôle, leur dotation en moyens de travail et la valorisation de leur carrière mais aussi et surtout la mise en œuvre effective de leurs recommandations. Ils préconisent l’institutionnalisation de la déclaration de patrimoine à la prise et à la cessation de fonction et la mise en œuvre effective de l’indépendance du comptable public vis-à-vis de l’ordonnateur.
Pour mettre un terme à la patrimonialisation des ressources (financières, matérielles, naturelles, de valeurs mobilières et d’immeubles, etc.), les citoyens estiment qu’il y a lieu d’inscrire dans la constitution des dispositions qui protègent les ressources publiques contre ce fléau,de retourner au contrôle systématique de l’utilisation des biens publics (véhicules, logement, etc.) qui était en vigueur dès après l’indépendance,de mettre en place des mécanismes pour rendre effective l’obligation de rendre compte, de limiter le nombre de mandats et de développer la conscience citoyenne dès le plus jeune âge.
Pour éviter la déperdition des ressources publiques, il y a lieu de lutter contre les gaspillages et les fautes de gestion. Les citoyens pensent qu’il faut rationnaliser les dépenses et renforcer le système de contrôle, privilégier l’efficacité dans la gestion et respecter strictement la réglementation en matière de passations de marchés publics.
Les citoyens sont en accord complet avec les règles suivantes : (i) l’obligation de déclaration de patrimoine par les membres du gouvernement, les directeurs des services nationaux, les directeurs généraux des entreprises nationales et des établissements publics ou semi-publics, et les gestionnaires de deniers publics ; (ii) la généralisation et la systématisation de l’appel à candidature pour les emplois de haute direction dans la fonction publique et le secteur parapublic.
Les citoyens estiment qu’un égal accès à l’information administrative devrait être garanti à tous.
Ces mêmes points de vue sont largement partagés par les porteurs d’enjeux. Ceux-ci trouvent important la transformation de l’Inspection Générale d’Etat en une Vérification Générale d’Etat qui serait une autorité indépendante chargée de la vérification générale de l’Etat aux plans administratifs, financiers, techniques et de gestion.
Par ailleurs, s’agissant de la protection des données personnelles, les porteurs d’enjeux estiment que l’Etat doit garantir aux citoyens la protection des données personnelles.
FINANCES PUBLIQUES
Rappel du diagnostic établi par la CNRI
Les finances publiques sont souvent gérées de façon peu orthodoxe, sans que soit prise suffisamment en charge la priorité à accorder aux dépenses destinées à satisfaire les besoins de base des populations ni que soit assurée l’équité dans les allocations faites aux différentes zones ou aux secteurs contribuant à l’amélioration de la condition sociale ou à la production de richesse. De plus, l’exécution des lois de finances s’effectue trop souvent sans respect des inscriptions de crédits votés par le Parlement et avec une banalisation injustifiable des dépassements budgétaires, ou encore un recours abusif aux décrets d’avance et aux marchés de gré à gré….
Comment garantir la transparence dans la gestion des finances publiqueset une répartition spatiale équitable des infrastructures, équipements et services de base ?
Sur le premier point, les citoyens en appellent au respect des principes et des règles de la bonne gouvernance, à l’instauration de l’obligation de rendre compte dans la gestion des ressources publiques et au renforcement du contrôle à tous les niveaux d’exécution. Les citoyens pensent qu’il faut rendre compte à travers le Parlement de l’exécution du budget national, systématiser, au niveau des budgets locaux, l’installation de comités de gestion qui rendent compte à intervalles réguliers, renforcer le contrôle citoyen dans l’exécution des budgets, décentraliser les infrastructures, les équipements et les services, assurer le contrôle strict des ressources financières et promouvoir une éducation pour le changement de comportement.
Ils en appellent également à l’application effective des sanctions prévues pour toute entorse à la législation financière, pour tout détournement de deniers publics et pour toute utilisation indue des biens et services de l’Etat. Cela passe par l’application de la loi dans toute sa rigueur et par la reconnaissance aux organes de contrôle de l’Etat d’un pouvoir de saisine directe de l’autorité judiciaire. Ils préconisent en outre, la création d’une commission nationale chargée de veiller à l’utilisation adéquate des moyens de l’Etat et le développement de stratégies de contrôle citoyen sur la gestion des biens publics.
S’agissant du second point, les citoyens estiment nécessaire que l’on assure une répartition équitable des infrastructures, équipements et services de base entre les différents terroirs ou zones du territoire national. Cela passe par le respect des documents locaux de planification, le retour à la stratégie de planification nationale et à la planification des investissements dans toutes les régions, avec priorité accordée aux régions déshéritées. Ils insistent sur la nécessité de tenir compte des vocations des régions, de remettre à jour les schémas d’aménagement du territoire national, de constituer une base de données des besoins et de les satisfaire par ordre de priorité et en toute équité. Pour les citoyens, il est nécessaire, avant tout, d’identifier les besoins au niveau des différents terroirs ou zones du territoire national, de veiller à responsabiliser les services décentralisés de l’Etat, de renforcer les institutions de surveillance et d’étudier les voies et moyens de faire bénéficier aux collectivités locales les taxes locales (directes ou indirectes) recouvrées par l’État.
Comment assurer une priorisation adéquate des dépenses publiques ?
Pour les citoyens comme pour les porteurs d’enjeux, il importe de déterminer des pourcentages minimaux dans le budget national à consacrer aux dépenses des secteurs de l’éducation, la santé et l’agriculture, et corrélativement, de fixer des plafonds pour les dépenses de représentation des pouvoirs publics (Présidence, Primature, Parlement).
LA CONSTITUTION
Rappel du diagnostic établi par la CNRI
La Constitution qui régit les institutions de la Nation est peu ou pas connue du peuple, alors qu’elle devrait imprégner l’esprit de chaque citoyenne et de chaque citoyen ; elle a été si souvent modifiée pour des raisons peu louables qu’elle a perdu de son caractère sacré.
Comment faire pour que la Constitution soit connue et appropriée par les citoyens ?
Pour les citoyens, il est impératif de publier la Constitution dans les différentes langues nationales et d’initier les citoyens aux fondamentaux du Droit et à la connaissance des institutions.
Pour eux comme pour les porteurs d’enjeux, les réformes actuellement en discussion qui entrainent des modifications dans la Constitution doivent nécessairement être soumises au peuple par voie référendaire.
Comment mettre la Constitution sénégalaise à l’abri des modifications intempestives et des manipulations diverses ?
L’idée de prévoir, dans la constitution, des domaines non révisables est largement préconisée par les citoyens, qui de surcroit indiquent ces dits domaines. Il s’agit des principes de la république et de l’Etat de droit, des principes de souveraineté nationale et de l’intégrité territoriale, de la séparation des Pouvoirs, de la laïcité, de la durée et du nombre de mandats du Président, de la concertation comme principe de base de la gouvernance étatique, des règles de succession du président de la République en cas de vacance du pouvoir, du calendrier électoral et des mandats électifs.
Le principe de consacrer des domaines non révisables de la Constitution fait également l’objet de très large consensus dans les enquêtes auprès des porteurs d’enjeux. A la question de savoir quels sont ces domaines non révisables de la Constitution et celles révisables par voie référendaire, on notera que les dispositions mentionnées dans le questionnaire de la CNRI recueillent en général un large assentiment auprès des porteurs d’enjeux.
Pour les citoyens, il y a lieu d’imposer le référendum si la modification porte sur des domaines comme le système électoral, la durée des mandats électifs, le calendrier républicain, le mandat du Président de la République, les modes de scrutin.
SYSTÈME ÉLECTORAL ET REPRÉSENTATION
Rappel du diagnostic établi par la CNRI
Malgré des avancées notoires qu’il importe de renforcer pour stabiliser et transformer en routine la tenue de scrutins sincères dans notre pays, la gestion des élections reste une source de conflits récurrents et de menaces sur la paix sociale. Le système des partis politiques est caractérisé par un foisonnement inquiétant, la multiplication de partis aux idéologies et objectifs souvent peu crédibles… et un clientélisme. La « transhumance », pratique opportuniste et immorale, et la mal-gouvernance sont notées dans le champ politique… On remarque une société civile engagée dont la vocation est notamment de servir de contre-pouvoir et d’organe de défense des intérêts des citoyens et qui joue un rôle de plus en plus actif dans les évènements majeurs de la vie sociale, économique, culturelle politique et dans le développement à la base. Le déficit de bonne gouvernance associative constitue, de manière générale, une limite à l’efficacité et à la crédibilité des organisations qui la composent. On note un foisonnement d’organisations syndicales de plus en plus préoccupant.
Quel mode de scrutin aux élections législatives qui puisse assurer à la fois une représentation de diverses sensibilités et une stabilité des institutions ?
Le point de vue dominant est que les députés soient élus directement par les populations des localités, ce qui implique la suppression de la liste nationale. Toutefois quelques avis contraires émanant des porteurs d’enjeux préconisent le maintien de la liste nationale et donc du scrutin mixte.
Les citoyens veulent la participation des candidats indépendants aux élections locales étant donné que c’est la pratique déjà en vigueur dans les élections présidentielle et législatives. Les porteurs d’enjeux, adhèrent à la mesure même s’ils insistent sur la nécessité de prévoir des dispositions permettant d’éviter toute dérive.
Par ailleurs, les points de vue ont été assez partagés sur certaines questions d’ordre politique abordées par les citoyens ; il s’agit notamment de la généralisation de la parité pour toutes les fonctions électives, l’introduction d’un second tour pour les élections législatives, le vote des militaires et paramilitaires, le remboursement par l’Etat des dépenses des cinq premiers partis politiques lors des élections présidentielles, législatives ou municipales. Sur ces questions, les majorités constatées ne sont pas suffisamment nettes pour permettre de fonder une orientation citoyenne claire.
Comment réduire considérablement le nombre de partis sans nuire à la liberté d’association et au libre choix des citoyens ? Quelles sont les règles et les conditions qui doivent régir la création et le fonctionnement des partis politiques ?
A ces questions, les citoyens font un certain nombre de propositions. Elles ont trait à l’augmentation du nombre de signataires nécessaire à la création d’un parti (propositions : 2000 signatures par région ou 10000 au total, répartis sur au moins 10 régions du Sénégal), à l’augmentation des cautions, au regroupement des partis en fonction de leur idéologie.
Les citoyens estiment qu’un parti politique ne peut pas rester cinq ans sans participer à une élection. Obligation doit leur être faite de participer aux élections et d’avoir au moins 5% de l’électorat, sous peine de dissolution.
Les citoyens pensent enfin que tout doit être mis en œuvre pour assurer l’alternance au sein des partis politiques.
Faut-il un financement public des partis politiques et une limitation des dépenses électorales ?
Les citoyens préconisent une limitation des budgets des campagnes électorales (plafonds à ne pas dépasser), un financement public des partis politiques, en rapport avec la représentativité de chaque parti, une conscientisation des partis à éviter le gaspillage, la création d’un comité de suivi, l’établissement de systèmes de contrôle des campagnes électorales, y compris l’origine des fonds.
Les porteurs d’enjeux, quant à eux, tombent d’accord sur la nécessité d’instituer un financement public des partis politiques, dans des conditions définies par une loi organique.
Par ailleurs, les citoyens comme les porteurs d’enjeux sont en faveur des dispositions suivantes : la fixation d’un nombre optimum de députés au Parlement ; l’exigence d’une nationalité exclusivement sénégalaise pour certaines fonctions de l’Etat (en plus de la fonction de Président de la République, où cela est déjà la règle) ; la garantie d’une libre participation des candidats indépendants à tous les types d’élection y compris les locales ; l’ élection des maires et présidents de collectivités locales au suffrage universel direct ; l’interdiction du cumul des mandats entre certaines fonctions exécutives et fonctions électives (maire et président de l’Assemblée nationale, ministre et maire, ministre et président de collectivité locale, etc.) ; l’instauration d’une stricte limitation du cumul de mandats et du nombre de mandats successifs pour toutes les fonctions électives ; l’impossibilité pour un proche parent du Président de la République de lui succéder immédiatement ; et le fait d’assurer une représentation des Sénégalais de l’extérieur au Parlement.
DIALOGUE SOCIAL
Rappel du diagnostic établi par la CNRI
Le dialogue social est dans l’impasse dans plusieurs secteurs (éducation, santé, etc.) …; à tous les niveaux de l’éducation, le système est en crise et n’arrive pas à s’adapter aux mutations de la société et aux évolutions du monde. En matière santé, les disparités (notamment entre la capitale et le reste du pays), l’insuffisance des ressources humaines et des équipements, etc., induisent de fortes inégalités devant la maladie.
Quelles mesures pour renforcer l’efficacité du dialogue social ?
Pour sortir des impasses connues dans le dialogue social, les citoyens avancent tout d’abord des moyens généraux qui ressortissent de valeurs, de principes et d’attitudes : « Vérité et transparence » « bonne foi des acteurs » « Non- discrimination ; traitement égalitaire de tous les syndicats », « écoute et proximité avec les populations »
Il est également question de sortir d’affrontements entre gouvernements et syndicats sur des aspects matériels, pour instaurer un dialogue social franc et sincère sur des questions de fond, une concertation permanente, à tous les niveaux ; il leur apparaît important que les cadres de concertation soient inclusifs et regroupent toutes les catégories sociales, avec en particulier une demande forte pour une implication de la société civile dans le dialogue social. Il convient, pour les citoyens de systématiser l’organisation de rencontres périodiques et surtout de veiller à une réelle prise en compte des propositions de ces cadres, de remonter les décisions de la base vers le sommet et d’établir une jonction entre les échelles. Il importe aussi d’une part d’assurer le fonctionnement effectif des cadres de concertation et d’autre part, pour l’Etat, de procéder à l’organisation régulière des élections de représentativité au niveau des centrales syndicales dans des secteurs comme l’éducation, de faire respecter les résultats dans la désignation des interlocuteurs des travailleurs, d’honorer les engagements pris mais aussi de faire respecter la loi sur le droit de grève.
Les citoyens prônent la restructuration et la redynamisation du Comité National du Dialogue Social –CNDS- ou la mise en place d’une structure plus opérationnelle ; certains optent pour une Haute Autorité du Dialogue Social ou un nouvel organe représentatif aux moyens renforcés.
Dans tous les cas de figure, les citoyens insistent sur un point qui leur semble fondamental pour donner un nouvel élan et plus d’efficacité au dialogue social : il s’agit de la déconcentration des mécanismes et cadres de dialogue social par la création de structures relais à l’échelle régionale et départementale.
Faut-il créer un nouvel organe à la place du CNDS (Comité National du Dialogue Social) avec des fonctions et/ou compétences renforcées ?
La réponse à cette question est franchement négative au niveau des citoyens qui estiment plutôt qu’il faut renforcer le CNDS et veiller à déconcentrer le dispositif de dialogue social avec des mécanismes ou organes fonctionnels à l’échelle régionale ou départementale.
COLLECTIVITÉS LOCALES
Rappel du diagnostic établi par la CNRI
Des collectivités locales handicapées par la précarité de leurs ressources et par l’immixtion intempestive dans leur fonctionnement d’une tutelle pesante ; elles sont encore dans l’impossibilité de jouer le rôle essentiel qui leur revient dans le développement local celui de l’intérêt des populations… Il est noté par ailleurs une certaine instabilité dans le découpage territorial, instabilité préjudiciable à la démocratie locale et au développement.
Comment s’assurer d’une dotation adéquate de ressources aux collectivités locales (impôts locaux, dotations garanties par l’état, autres) ?
Les citoyens insistent sur la nécessité d’avoir au niveau des collectivités locales une gestion transparente des finances locales et le respect de l’obligation de reddition de compte. Il faut renforcer les ressources existantes et créer d’autres types de fonds d’investissement à travers un accompagnement financier conséquent des domaines déjà transférés, un renforcement des moyens financiers des collectivités locales (fonds de dotations et fonds de concours), un pouvoir donné aux collectivités locales de créer des impôts et de les récupérer, une redéfinition des clés de répartition des ressources entre collectivités locales, un renforcement de la solidarité entre collectivités locales, un bon recouvrement des impôts locaux avec la création d’une brigade spéciale.
Y a-t-il des compétences qu’on devrait ajouter ou retrancher de celles accordées aux collectivités locales ? Si oui, lesquelles ? Pourquoi ?
Les citoyens ont fait des propositions de nouveaux domaines de compétence à transférer aux collectivités locales. Les propositions les plus récurrentes ont trait aux secteurs de l’agriculture, de l’élevage, de la pêche et de l’hydraulique. Pour certaines zones, c’est le tourisme et les mines qui sont les secteurs les plus indiqués. Les citoyens pensent que le ramassage des ordures ménagères doit rester aux collectivités locales. En conséquence, les citoyens estiment que le transfert de ces nouvelles compétences doit s’accompagner concomitamment du retrait des compétences suivantes : urbanisme et habitat, éducation et santé. Il s’agit là de domaines complexes dont la prise en charge correcte demande un haut niveau de capacités stratégiques et opérationnelles qui n’existent pas encore au niveau des collectivités locales au moment où les enjeux pour le développement national sont trop forts et pressants. D’autres citoyens pensent qu’il faut laisser les compétences comme telles et créer les conditions de leur exercice par le renforcement considérable des moyens.
Par ailleurs, les citoyens adhèrent globalement aux propositions suivantes : la transformation de toutes les communautés rurales en « communes » ; l’érection des départements en collectivités locales ; le fait que toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités locales soit accompagnée de ressources déterminées par la loi. Sur les deux premières mesures, les citoyens assortissent leur accord d’une réserve : qu’il y ait des mesures d’accompagnement.
RELATIONS ENTRE L’ÉTAT ET LES COMMUNAUTES RELIGIEUSES
Rappel du diagnostic établi par la CNRI
On constate une tendance à l’instrumentalisation de la religion et de l’Etat pour des intérêts personnels.
Quels types de relations entre l’État et les communautés religieuses ?
Pour les citoyens, l’État doit être neutre dans les affaires religieuses et confessionnelles et être équidistant par rapport aux communautés religieuses. Il ne doit pas intervenir dans les affaires religieuses et confessionnelles et, inversement, les autorités religieuses ne doivent pas exercer d’emprise sur lui. Pour eux, l’État a le devoir d’assister les institutions religieuses de manière équitable, transparente et sans discrimination, dans des conditions que doit déterminer la loi et dans le strict souci de préserver et de garantir la paix sociale et l’unité nationale.
Les chefs religieux rencontrés au démarrage des concertations ont reconnu le caractère laïc de la République et ont insisté sur la nécessaire équidistance de l’État vis-à-vis des différentes communautés religieuses.
V-CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS
Compte tenu des résultats des diverses et larges consultations auxquelles elle a procédé, dont les résultats sont analysés dans la partie précédente, des avis des experts qu’elle a sollicités ainsi que des réflexions de ses membres au cours de plusieurs réunions et séminaires, la CNRI est arrivée aux conclusions qui suivent sur les points soulevés dans la lettre de mission du Président de la République en date du 28 novembre 2012.
V-1.CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS SECTORIELLES
La consolidation de l’État de droit
L’État de droit est celui où l’Etat est soumis aux normes juridiques, au même titre que les citoyens, sous le contrôle d'une justice indépendante et impartiale. Il suppose l’existence de normes juridiques hiérarchisées, de recours à la disposition des administrés et de juridictions pour faire respecter le Droit.
Pour une consolidation de l’Etat de Droit au Sénégal, la CNRI propose un système judiciaire à la tête duquel se trouve une Cour constitutionnelle, aux pouvoirs renforcés, assurant un meilleur contrôle de la constitutionnalité des lois et garantissant la primauté de la Constitution. Ce qui contribue à un meilleur respect de la hiérarchie des normes juridiques. L’initiative d’un contrôle a priori est étendu aux citoyens qui disposent désormais du droit de saisine. En proposant la création de la Cour Constitutionnelle, la CNRI a entendu renforcer, élargir et clarifier les compétences du Juge constitutionnel, ce qui devrait conduire à moins de déclarations d’incompétence. Le contrôle a posteriori s’effectue par voie d’exception. A cet égard, la CNRI vise l’instance d’appel et non plus le niveau de la juridiction suprême où l’on peut soulever une exception d’inconstitutionnalité. Désormais, à l'occasion d'une instance en cours devant une Cour d’Appel, il peut être soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit ou est contraire aux engagements internationaux du Sénégal. Le cas échéant, la Cour d’Appel apprécie et transmet, s’il y a lieu, l’exception soulevée au Conseil d’État ou à la Cour de Cassation. Si le Conseil d’État ou la Cour de Cassation estime le renvoi nécessaire, la Cour Constitutionnelle se prononce dans un délai de deux mois. Si la Cour estime que la disposition dont elle a été saisie n’est pas conforme à la Constitution, il ne peut plus en être fait application.
La CNRI préconise le renforcement du dispositif des droits et libertés qu’elle propose de placer sous la surveillance d’un juge spécifique, le juge des libertés qui devrait pouvoir ordonner des mesures provisoires mais rapides tendant à préserver les droits du demandeur, s’il estime, comme le soutient ce dernier, que ses droits fondamentaux ont été violés. Dans le même ordre d’idées, l’intérêt à agir devant les juridictions compétentes est reconnu aux organisations de défense des droits humains et environnementaux dans les affaires qui touchent aux droits, libertés et biens publics. La CNRI propose en outre le principe de la présence de l’avocat ou une personne de son choix, après vingt-quatre heures de garde à vue et le renforcement des droits de la personne qui y est soumise.
Soucieuse de rapprocher davantage la justice du justiciable, la CNRI a proposé le rapprochement du juge de l’excès de pouvoir du justiciable soit par la création d’un ordre administratif de juridictions (Tribunaux administratifs, Cours administratives d’appel, Conseil d’État), soit par la déconcentration du contentieux de l’excès de pouvoir aux niveaux régional et départemental. Elle est partie du constat de l’éloignement de la Justice par rapport au justiciable en ce qui concerne le contentieux de l’excès de pouvoir. Il est vrai qu’avec le système d’unité de juridiction, il n’existe qu’un seul ordre de juridiction avec les mêmes juges qui sont compétents aussi bien en matière administrative qu’en matière judiciaire. Cela n’est vrai qu’en matière de plein contentieux à travers lequel, le juge du tribunal régional est compétent en toute matière. En ce qui concerne l’excès de pouvoir, on note un éloignement du juge par rapport aux justiciables, surtout du monde rural, dans la mesure où l’unique juge compétent se trouve à Dakar : c’est la Cour suprême, juge en premier et dernier ressort de l’excès de pouvoir des autorités exécutives à travers sa chambre administrative. Il faut rappeler que le recours pour excès de pouvoir est un recours contentieux par lequel tout intéressé peut demander au juge compétent d’annuler un acte administratif pour violation de la légalité. Au Sénégal, le recours pour excès de pouvoir est consacré par la Constitution en son article 72 modifié et complété par la loi constitutionnelle 2008-33 du 07 août 2008 et également par la loi organique n°2008-35 portant création de la Cour Suprême.
L’équilibre des Pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire
La CNRI estime que les nombreux dysfonctionnements notés dans l’exercice du pouvoir trouvent leur source dans l’aménagement du pouvoir d’État qui consacre une concentration de l’autorité au niveau de l’Exécutif. Ainsi, elle préconise le renforcement de l’indépendance des Pouvoirs législatif et judiciaire et une meilleure distribution des responsabilités au sein de l’Exécutif pour un meilleur équilibre.
La CNRI propose que le Président de la République demeure le chef de l’Exécutif. Il détermine la politique de la Nation. Il dispose de pouvoirs propres qu’il exerce sans contreseing mais aussi d’autres qu’il ne peut exercer que sur proposition soit du Premier Ministre soit d’autres instances comme le Conseil Supérieur de la Magistrature. Parce qu’il incarne l’unité et la cohésion nationales, il ne doit plus être Chef de parti dès qu’il entre en fonction.
Si la CNRI estime que pour des raisons liées à la stabilité des institutions, il est souhaitable que la Gouvernement dispose au niveau du Parlement d’une majorité de soutien, il y a lieu d’écarter les risques d’abus de majorité par la création des conditions de participation effective de l’opposition parlementaire au travail législatif. Celle-ci est dotée d’un statut et la présence effective au sein du bureau lui est garantie. C’est ainsi que l’un des postes de Vice-président, au moins, est réservé à l’opposition parlementaire. En outre, les postes de Questeur et de Président de la Commission de contrôle et de comptabilité sont obligatoirement répartis entre la majorité et l’opposition parlementaires. Il en est de même des fonctions de Président et de Rapporteur de la Commission des Finances.
La CNRI préconise une meilleure maitrise par le Parlement de son ordre du jour. C’est ainsi qu’elle propose que dix jours de séance par mois soient réservés par priorité, et dans l'ordre que le Gouvernement aura fixé, à l'examen des textes et aux débats dont il demande l'inscription à l'ordre du jour ; que six jours de séance par mois soient réservés par priorité et dans l'ordre fixé par l’Assemblée nationale au contrôle de l'action du Gouvernement et à l'évaluation des politiques publiques ; que deux jours de séance par mois soient réservés à un ordre du jour arrêté par l’Assemblée nationale à l'initiative des groupes de l'opposition et des députés non-inscrits et qu’ un jour de séance par quinzaine au moins soit réservé par priorité aux questions des députés et aux réponses du Gouvernement.
La CNRI a identifié la faiblesse des capacités et quelques artifices juridiques liés à la rationalisation du parlementarisme comme entraves à l’exercice des missions du parlement, notamment le vote de la loi et le contrôle de l’action gouvernementale. L’exercice de ces missions fait l’objet d’un encadrement trop rigide au point de rendre sa mise en œuvre difficile. C’est ainsi que pour atténuer les conditions de recevabilité des propositions de loi ou des amendements des députés, la CNRI préconise que les propositions ou amendements des députés soient aussi recevables lorsqu’ils sont accompagnés de mesures d’économies équivalentes sur les dépenses éventuelles en plus des propositions de recettes compensatrices. De plus, le Parlement assumera dorénavant une fonction d’évaluation des politiques publiques.
Pour le renforcement des capacités des députés, la CNRI opte pour le recrutement d’assistants parlementaires avec des profils et un mode de sélection et d’évaluation à étudier sérieusement. Elle en appelle également à la consécration du principe selon lequel l’Administration, tout en étant sous l’autorité de l’exécutif, est à la disposition de tous les autres Pouvoirs publics et notamment le Parlement.
Pour le Judiciaire, la CNRI recommande les réformes ci-dessous énumérées, devant permettre aux magistrats d’assumer pleinement leurs missions dans l’impartialité, l’équité et l’indépendance.
Le renforcement de l’indépendance de la Justice
Seule une justice indépendante à l'égard des Pouvoirs législatif et exécutif est en mesure de garantir un État de droit.L’indépendance de la Justice a toujours été formellement proclamée mais n’a pas toujours été vécue surtout en ce qui concerne les magistrats du parquet. La CNRI recommande quatre mesures aux fins de renforcer l’indépendance de la Justice.
A l’égard des magistrats du parquet, il est nécessaire de redéfinir l’autorité évoquée à l’article 6 du statut de la magistrature qui dispose que « les magistrats du parquet sont placés sous la direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques et sous l’autorité du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice… Ils peuvent être affectés sans avancement par l’autorité de nomination d’une juridiction à une autre s’ils en font la demande ou d’office dans l’intérêt du service, après avis du Conseil supérieur de la Magistrature ». Cette autorité ainsi déclinée a pu, par le passé, constituer le fondement des « instructions » données au Parquet. Celles-ci sont désormais écartées avec le renforcement des pouvoirs du Conseil supérieur de la Magistrature mis à l’abri de toute intervention politique et qui gère entièrement la carrière des magistrats (voir infra).Désormais les rapports entre le judiciaire et l’exécutif perdent toute dimension hiérarchique et se limitent à des liens administratifs et fonctionnels.
A l’égard des magistrats du siège, il faut respecter le principe de l’inamovibilité des magistrats du siège (article 5 de la loi organique n° 92-27 du 30 mai 1992 modifiée portant statut de la magistrature) qui signifie que ces derniers ne peuvent recevoir une affectation nouvelle, même par voie d’avancement, sans leur consentement préalable. Par le passé, ce principe a été souvent contourné à travers le recours aux nécessités de service qui peuvent justifier le déplacement du magistrat du siège surtout que, pour le Conseil d’État, l’autorité de nomination n’a pas à donner d’élément d’appréciation de nature à établir une quelconque nécessité de service (CE, 18 avril 2002, Mbacké Fall et autres). Le recours à la formule d’intérim a également contribué à vider de sa substance le principe de l’inamovibilité. Par conséquent, il devrait faire l’objet d’un encadrement strict.
Il faut, par ailleurs, rendre au juge d'instruction son pouvoir d’appréciation de l’opportunité de décerner ou non un mandat de dépôt, quelle que soit l’infraction.
Pour garantir la séparation des pouvoirs, le Conseil Supérieur de la magistrature est autrement composé. Celui-ci est l’organe de gestion de la carrière des magistrats. Le Président de la République et le Ministre de la justice n’en sont plus membres. Il s’agit de tirer toutes les conséquences du passage de la Justice du statut d’autorité (voir l’article 59 de la Constitution du 26 août 1960) au statut de Pouvoir. L’article 88 de la Constitution du 22 janvier2001 reprend pratiquement les dispositions de l’article 80 de la Constitution du 7 mars 1963 en énonçant un Pouvoir judiciaire, indépendant du Pouvoir législatif et du Pouvoir exécutif. Le Président de la Cour Constitutionnelle préside le Conseil Supérieur de la Magistrature. Outre le Président de la Cour Constitutionnelle, son président et deux personnalité de haut rang, désignées respectivement par le Président de la République et le Président de l’Assemblée nationale, le Conseil Supérieur de la Magistrature est composé, au titre des membres de droit, du Président du Conseil d’État, du Premier Président de la Cour de Cassation et du Procureur général près ladite Cour, des Premiers Présidents des Cours d’Appel et des Procureurs généraux près lesdites Cours et, au titre des membres élus, d’au moins un nombre égal de membres choisis conformément aux dispositions prévues par la loi organique sur le Conseil Supérieur de la Magistrature.
Le Conseil Supérieur de la magistrature veille au bon fonctionnement de la justice. Il examine et sanctionne, s’il y a lieu, les détentions préventives abusives, les défauts ou insuffisance de motivation des décisions de justice ainsi que les lenteurs préjudiciables constatées dans leur mise à disposition.
Il y a lieu de placer la Cour constitutionnelle au sommet de la hiérarchie judiciaire et de renforcer ses pouvoirs. A ce titre, elle assume des missions d’intégration et d’unification du système. Elle connaît de la constitutionnalité des lois et des engagements internationaux, des conflits de compétence entre l'Exécutif et le Législatif, des conflits de compétence entre le Conseil d'Etat et la Cour de Cassation, ainsi que des exceptions d'inconstitutionnalité soulevées devant la Cour d’Appel, le Conseil d'Etat ou la Cour de Cassation. Elle garantit les droits fondamentaux de la personne humaine et les libertés publiques. La Cour Constitutionnelle peut être saisie pour l’interprétation des dispositions de la Constitution. Elle est gardienne de la Constitution.
Pour renforcer son indépendance, il importe de consacrer le principe d’une origine diversifiée des membres de la cour constitutionnelle qui seraient nommés par le Président de la République sur proposition d’instances diverses. Leur nombre passe par ailleurs de cinq (5) à sept (7).
Le renforcement et la protection des libertés publiques
La Constitution de 2001 a la particularité d’avoir consacré les principales normes caractéristiques de l’État de droit moderne. Il n’est guère de libertés et droits qui n’aient été proclamés. La République du Sénégal garantit à tous les citoyens les libertés civiles et politiques que sont la liberté d'opinion, la liberté d'expression, la liberté de la presse, la liberté d'association, la liberté de réunion, la liberté de déplacement et la liberté de manifestation. Il est consacré dans cette Constitution la séparation et l'équilibre des pouvoirs conçus et exercés à travers des procédures démocratiques, le respect des libertés fondamentales et des droits du citoyen comme base de la société sénégalaise, le respect et la consolidation d'un État de droit dans lequel l'État et les citoyens sont soumis aux mêmes normes juridiques sous le contrôle d'une justice indépendante et impartiale. L’analyse révèle cependant un décalage entre ce qui est formellement proclamé et ce qui est effectivement mis en œuvre et donc, vécu par le citoyen.
La CNRI s’est efforcée en conséquence de renforcer le dispositif des droits et libertés et créer les conditions d’effectivité de leur jouissance par l’aménagement de mécanismes supplémentaires de protection. C’est ainsi que pour rendre effectif le droit de manifestation, les délais pour notifier une interdiction doivent être suffisants pour permettre l’exercice de recours. En outre les interdictions en la matière doivent être clairement motivées. Concernant les personnes vivant avec un handicap l’État et les collectivités publiques doivent leur garantir un libre exercice de leurs droits et les préserver de l’abandon moral, de la discrimination, de la marginalisation et de la stigmatisation. De surcroit, il est recommandé que la Cour des Comptes fasse annuellement un rapport sur l’état d’avancement de la mise en œuvre de la loi d’orientation sociale, dans ses volets liés à l’emploi, l’accès aux infrastructures (notamment scolaires, sanitaires, etc.), la mise aux normes des équipements sociaux (transport, etc.).
En matière de garde à vue, le principe qu’il s’exerce sous le contrôle du Procureur de la République a été réaffirmé. Il est immédiatement informé de la mesure et tout abus commis à ce stade peut valoir à leur auteur des poursuites pénales ou disciplinaires devant les instances compétentes. La personne gardée à vue doit être informée de ses droits, notamment le droit au silence, le droit à un examen médical et le droit de se faire assister, au terme des premières vingt-quatre heures de garde à vue par un avocat ou, à défaut, par une personne de son choix. La personne gardée à vue doit être informée de la nature de l'infraction sur laquelle porte l’enquête, ainsi que de son droit, en cas de remise en liberté, de connaître la suite de la procédure.
La CNRI a aussi proposé que tous les citoyens aient le droit d'adresser des pétitions aux autorités en vue de défendre leurs droits ou de dénoncer, s’il y a lieu, les actes illégaux ou les abus de pouvoir. La CNRI a également proposé, pour une meilleure protection des droits et libertés, l’institution d’un juge des libertés chargé de statuer dans les meilleurs délais sur les actes suspectés d'illégalité ou d'atteinte aux libertés fondamentales et la reconnaissance de l’intérêt à agir des organisations de défense des droits humains et environnementaux devant les juridictions compétentes dans les affaires qui touchent aux droits, libertés et biens publics. En effet, l’intérêt à agir des groupements a toujours soulevé des problèmes au Sénégal. Il n’est admis que pour attaquer en justice les actes individuels concernant un de leurs membres à condition que ces groupements aient reçu un mandat spécial. La CNRI propose également que les personnes morales puissent saisir la Cour constitutionnelle d’un recours lorsqu’une mesure d’ordre législatif ou réglementaire leur paraît porter atteinte aux droits fondamentaux de la personne humaine.
La CNRI considère, enfin, qu’on ne peut proclamer la séparation des Pouvoirs au préambule et dans le corps de la Constitution, érigerla présomption d'innocence comme principe de droit, rappeler que l’indépendance du Judiciaire c’est la latitude laissée aux magistrats de se prononcer sans interférence d’aucun Pouvoir et en toute liberté de conscience sur les questions qui leur sont soumises, renforcer l'indépendance du juge instructeur dans l'exercice de ses fonctions et admettre que ce dernier soit tenu, sur réquisition du parquet, de décerner mandat de dépôt contre toute personne inculpée de délits aussi insuffisamment définis que ceux prévus à l’article 80, alinéa 1 du code pénal (Cf. article 139 du code de procédure pénale). Il est vrai qu’en introduisant en 1999 l’obligation pour le Procureur de motiver dûment ses réquisitions, un pouvoir d’appréciation venait d’être implicitement conféré au juge d’instruction qui n’était lié que si la réquisition était écrite et dûment motivée. La CNRI estime qu’il y a lieu de supprimer l’alinéa 1 de l’article 80 du code pénal et, par ailleurs, de rendre au juge d'instruction son pouvoir d’appréciation de l’opportunité de décerner ou non un mandat de dépôt, quelle que soit l’infraction.
La CNRI, en proposant que les dispositions touchant aux libertés fondamentales de la personne humaine ne puissent être révisées que par voie référendaire, a entendu leur apporter une protection supplémentaire.
L’approfondissement de la démocratie représentative et participative
La souveraineté appartient au peuple et la Constitution lui assigne des fonctions constitutionnelles : la désignation des titulaires de l’autorité politique (élection), la participation à certaines décisions politiques (référendum) et la participation à la vie politique par l’intermédiaire des partis politiques. Dans la démocratie représentative, le peuple exprime sa volonté par l'intermédiaire de représentants élus à qui il délègue ses pouvoirs. La pratique révèle cependant une tendance qui consiste à reléguer le peuple au rang de faire-valoir…démocratique. Des décisions sont arrêtées et exécutées sans concertation ni même parfois information du peuple ; des consultations référendaires sont parfois organisées sans que les citoyens ne soient mis en situation de comprendre le contenu du ou des textes qu’ils doivent valider ; l’expression du suffrage est faussée par le trucage d’élections…
La CNRI, partant du fait que le peuple est la source de tout pouvoir dans une démocratie, recommande une consolidation de la démocratie participative. Le citoyen ne doit plus être considéré comme un usager passif du service public ou un simple faire-valoir. Il doit disposer du droit d’initiative en matière législative et référendaire mais aussi du droit d’initier des pétitions. L’approche participative est reflétée à travers l’érection en principe constitutionnel de la concertation avec les secteurs directement concernés de la Nation pour tout projet d’acte juridique ou de décision portant orientation ou réorientation des options fondamentales des politiques publiques. Cela va de l’implication et de la responsabilisation de certains secteurs dès la conception des programmes ou projets à la consultation des populations par l’Etat en passant par le développement d’instruments de participation mais également de contrôle citoyen de la gestion des affaires publiques.
Il doit y avoir la certitude que le système électoral comporte des règles et procédures garantissant la transparence et la sincérité des élections, l’objectif étant de contribuer à refléter de manière fidèle les opinions exprimées et qui doivent être traduites de façon correcte en voix ou en sièges. Le mode d’élection des députés doit être revu. Le souci d’avoir des scrutins plus transparents et plus démocratiques justifie la constitutionnalisation de l’Autorité de Régulation de la démocratie qui a pour mission le contrôle et la supervision de l’ensemble du processus électoral ou référendaire, de l’inscription sur les listes électorales jusqu’à la proclamation provisoire des résultats.
La CNRI recommande la reconnaissance des candidatures indépendantes aux élections locales mais aussi leur encadrement pour écarter toute dérive.
La Proposition de création d’un Conseil National des Collectivités locales et d’un Conseil consultatif des sénégalais de l’extérieur par la CNRI n’a d’autre justification que celle de consolider la démocratie participative et de favoriser une meilleure prise en compte des affaires locales et de celles de la diaspora dans les politiques et programmes publics. Le Conseil National aura à faire des propositions au Gouvernement sur toute question concernant l’amélioration du fonctionnement des collectivités locales et celle de la qualité de la vie des citoyens et la préservation de l’environnement. Le Gouvernement sera tenu de saisir, pour avis, le Conseil National sur tout projet de loi relatif à la création, à la délimitation, au fonctionnement ou à la dissolution des collectivités locales.
En ce qui concerne le Conseil consultatif des sénégalais de l’extérieur, il devra être saisi par le Gouvernement ou l’Assemblée nationale sur toutes les lois ou dispositions réglementaires touchant la condition de vie des sénégalais de l’extérieur, partie intégrante de la Nation sénégalaise, ainsi que sur les questions relatives à leur participation au développement du pays et à leur réinstallation à leur retour.
Le renforcement de la décentralisation et de la déconcentration
L’expérience de décentralisation au Sénégal remonte à la période coloniale plus précisément à 1872 avec la création des communes de Saint-Louis et de Gorée. En vérité, le mouvement communal est même plus ancien dans la mesure où, dès l’année 1778, la ville de Saint Louis avait un maire élu. En 1880, Rufisque fut érigée en commune et Dakar le sera en 1887. Ce mouvement s’est poursuivi jusqu’à l’accession du Sénégal à l’indépendance. A partir de ce moment, les autorités ont opté pour une politique de décentralisation progressive et prudente.
Si l’on se limite aux simples aspects formels, la décentralisation est une réalité incontestable au Sénégal mais elle tarde à être concrétisée par un exercice effectif, par les collectivités locales, des compétences qui leur ont été transférées. L’insuffisance des ressources financières en constitue le principal facteur explicatif.
Aux termes de l’article 6 de la loi 96-07 précitée, les transferts de compétences par l'Etat doivent être accompagnés au moins du transfert concomitant aux régions, communes et communautés rurales des moyens et des ressources nécessaires à l'exercice normal de ces compétences.
La CNRI estime que le respect strict de cette disposition aurait donné un montant très largement supérieur à celui du fonds de dotation de la décentralisation. Elle recommande une hausse substantielle du niveau des transferts financiers de l’Etat aux collectivités locales et plus particulièrement l’augmentation substantielle du Fonds de Dotation de la Décentralisation dont l’enveloppe actuelle est très en deçà de son niveau normal. Aux termes de l’article 58 du texte sus visé ce fonds créé par la loi des finances devait recevoir une dotation représentant un pourcentage donné de la taxe sur la valeur ajoutée perçue au profit du budget de l'Etat. Son montant ne devait pas être inférieur à une proportion des recettes totales de l'Etat, hors emprunts et aides extérieures fixé chaque année, compte tenu de l'évolution des transferts de compétences, par la loi de finances.
La déconcentration consiste à donner compétence à des organes qui exercent leurs fonctions dans une circonscription déterminée tout en demeurant soumis à un pouvoir hiérarchique. Elle pose ainsi le problème des limites de la circonscription et de sa place dans l’administration du territoire.
Si l’on admet que parmi les caractéristiques qu’une politique de déconcentration doit présenter, figurent en bonne place la pertinence du découpage territorial et les mesures d’accompagnement nécessaires au bon fonctionnement de l’échelon déconcentré, on perçoit l’impact négatif de tout choix mal opéré à cet égard. Aussi la CNRI recommande-t-elle la correction de certaines incohérences ou distorsions notées dans le passé dans le découpage de collectivités locales et qui n’a pu être guidé par aucune rationalité. Elle recommande, qu’à l’instar des collectivités locales qui ne doivent désormais être établies que sur la base de critères objectifs de viabilité économique et d’homogénéité géographique, qu’il en soit ainsi pour les circonscriptions administratives déconcentrées qui doivent être créées après étude sérieuse et des concertations avec les populations concernées de manière à obtenir une répartition rationnelle des pouvoirs au sein de l’Etat, entre les niveaux central et déconcentré.
La protection et la promotion des valeurs positives de notre société
La CNRI a fait le constat d’un dépérissement inquiétant des vertus de la citoyenneté, du civisme, de l’éthique, du respect du bien commun, du sens de la responsabilité et de la solidarité. Des actes d’incivisme, d’indiscipline et de défiance vis-à-vis de l’autorité étatique sont de plus en plus notés. Il en est, également ainsi de la promotion d’« anti-valeurs » préjudiciable à la bonne éducation de la jeunesse.
La CNRI admet que la jeunesse, aujourd’hui, mérite d’être entendue, elle veut sa place dans la société et elle tient à l’occuper. Elle a montré qu’elle peut être suffisamment responsable pour mener son combat contre l’injustice, l’arbitraire, le pouvoir tyrannique. La CNRI estime, tout autant, que le peuple sénégalais a le devoir de rester enraciné dans ce qu’il y a de meilleur dans nos valeurs culturelles et celles, morales et spirituelles du patrimoine commun de l’humanité.Le respect des personnes âgées, le sens de l’honneur et de l’hospitalité, les égards et la considération dus aux autorités et institutions de la République, les comportements empreints de dignité constituent des valeurs à sauvegarder.
La CNRI estime que démocratie ne doit rimer ni avec anarchie ni avec défiance de l’autorité, incivisme et indiscipline caractérisés, chantages, menaces ou offenses aux institutions qui incarnent le Pouvoir. La CNRI a fait le constat de l’existence de plus en plus visible de comportements de défiance vis-à-vis de l’autorité étatique. Elle rappelle la double acception de la notion d’État, qui correspond à un mode d’organisation sociale territorialement défini et à une autorité politique chargée de faire respecter la loi L’autorité de l’Etat doit être restaurée dans le strict respect du principe de la hiérarchie des normes en général, du monopole de l’édiction de la règle de droit et de l’emploi de la force publique. Cela passe par des décisions mûries et justifiées, bien étudiées et bien motivées, qui ne découlent ni d’une improvisation ni d’une précipitation, précédées, dans la mesure du possible, d’une concertation avec les secteurs directement concernés. Le temps d’une concertation authentique coûte souvent moins cher que celui d’un recul forcé consécutif à une décision solitaire.
La CNRI estime enfin que l’exemplarité des dirigeants ne doit souffrir d’aucune limite à quelque niveau où ils se situent, particulièrement dans la vie publique. L’engagement politique n’exclut pas l’éthique ni la vérité. La mise à l’écart des valeurs éthiques et de la vérité, leur absence ou leur mépris dans les relations entre les hommes favorisent la suspicion, la crise de confiance et privilégient les rapports de force et la violence. L’éthique, valeur cardinale de notre société doit constituer la norme structurante du fonctionnement de toutes les institutions et de l’administration, de la gestion du patrimoine public et du rapport à la nature. Les dirigeants doivent faire montre de courtoisie dans leurs rapports avec les administrés, d’humilité et de transparence dans leurs actions de tous les jours. Le comportement de ceux qui servent l’Etat doit être exempt de toute arrogance. L’équité et le mérite doivent servir de critères pour assurer un traitement égal de tous les citoyens devant le service public, qu’il s’agisse de recrutement ou de carrière d’un agent public, d’accès à l’information ou à une prestation de qualité en faveur d’un usager. Par souci d’équité, l’égal accès aux emplois publics doit être garanti à tous. Les recrutements d’agents publics s’effectuent par des procédures publiques de concours ouverts et transparents.
La promotion de la bonne gouvernance, de la transparence et de l’éthique dans la gestion des affaires publiques ainsi que la culture de l’imputabilité
La bonne gouvernance se présente difficilement comme une réalité sans un système de contrôle complet mais aussi efficient. Le paradoxe, au Sénégal, c’est qu’il existe une multiplicité de corps de contrôle dont l’efficacité n’est pas avérée du fait d’un régime juridique et d’un positionnement institutionnel qui ne favorisent pas toujours l’exercice en toute indépendance de leurs missions, la coordination de leur action et le suivi adéquat de leurs recommandations.
La CNRI recommande un réaménagement du dispositif de contrôle autour de la Cour des Comptes, de la Vérification Générale d’Etat -VGE-, de l’Office National de lutte contre la fraude et la corruption – OFNAC-, de l’Autorité de régulation des marchés publics –ARMP de la Cellule Nationale de Traitement des Informations Financières –CENTIF-, et une meilleure coordination avec les systèmes de contrôle interne.
La Cour des Comptes est l’institution supérieure de contrôle des finances publiques. Elle définit les normes, outils et procédures relatifs au système de vérification et de contrôle de l’Etat et des Collectivités publiques et assure la coordination entre les organes de contrôle, la dissémination des rapports de contrôle des services internes et de la Vérification générale d’État. La Cour des Comptes vérifie la régularité des recettes et des dépenses et s'assure du bon emploi des crédits, fonds et valeurs gérés par les services de l'Etat ou par les autres personnes morales de droit public. Elle assure la vérification des comptes et celle de la gestion des entreprises publiques et des organismes à participation financière publique majoritaire. Elle s’assure du respect effectif des priorités sectorielles et évalue le degré de réalisation des équilibres géographiques.
La Vérification générale d’État serait chargée de contrôler, dans tous les services publics de l’État, l’observation des lois qui en régissent le fonctionnement administratif, financier et comptable, d’apprécier la qualité de l’organisation et du fonctionnement de ces services, de vérifier l’utilisation des finances publiques et la régularité des opérations des administrateurs, des ordonnateurs et de tous comptables publics.
L’Office national de lutte contre la corruption veille à la promotion et à l'effectivité de la transparence et de la bonne gouvernance dans la gestion des affaires publiques. Il étudie les cas de corruption active ou passive.
L’Autorité de régulation des marchés publics a pour mission d’assurer la régulation du système de passation des marchés publics et des conventions de délégation de services publics. Elle a pouvoir d’initier toute investigation relative à des irrégularités ou des violations à la réglementation communautaire et de faire réaliser des audits techniques et/ou financiers en vue de contrôler et suivre la mise en œuvre de la réglementation en matière de passation, d’exécution et de contrôle des marchés et conventions de service public.
La Cellule Nationale de Traitement des Informations Financières collecte, analyse et traite des renseignements financiers propres à établir l’origine des transactions, ou la nature des opérations objets des déclarations de soupçons des assujettis.
La CNRI préconise une aggravation des sanctions financières, pénales et administratives applicables en cas d’infraction à la législation financière mais aussi que l
La stabilité institutionnelle
L’instabilité institutionnelle peut résulter soit du jeu des rapports entre l’Exécutif et le Législatif, soit, à l’intérieur de l’Exécutif, des décisions du Président de la République qui dispose du pouvoir discrétionnaire de nommer et de mettre fin aux fonctions de chef du Gouvernement, soit d’un usage abusif de la révision constitutionnelle.
Dans les rapports entre l’Exécutif et le Législatif, la stabilité institutionnelle est une réalité incontestable au Sénégal mais elle est réalisée au détriment de l’équilibre et d’une séparation réelle des Pouvoirs. En effet, l’aménagement institutionnel du pouvoir d’État donne une prééminence au chef de l'État. Il y a une concentration des pouvoirs au niveau de l’Exécutif dominé par le Président de la République qui assume la totalité du Pouvoir exécutif et qui exerce même, du fait de la prédominance de son parti, un certain contrôle sur le législatif. La constitutionnalisation de l’institution gouvernementale en 2001 et l’accroissement des pouvoirs du premier Ministre étaient perçus comme devant contribuer à équilibrer les Pouvoirs. Dans les faits, cela n’a jamais entamé la prépondérance présidentielle, d’abord parce qu’il y a une concordance entre majorité présidentielle et majorité parlementaire. C’est justement cette concordance de majorités qui assure la stabilité institutionnelle. Mais celle-ci est obtenue au détriment d’un ordonnancement institutionnel garantissant une mise en œuvre effective des principes de transparence, de responsabilité et de reddition de compte, une jouissance réelle des droits et libertés, une vie démocratique véritable. La démocratie est un système où tout pouvoir fait face à d’autres pouvoirs disposant de la « faculté d’empêcher ».
La CNRI, ayant constaté que la stabilité institutionnelle repose essentiellement sur la concordance entre majorité présidentielle et majorité parlementaire, a estimé devoir prévoir l’hypothèse inverse d’une non-concordance entre les majorités présidentielle et parlementaire pour éviter dans ce cas toute possibilité de crise institutionnelle. Celle-ci pourrait découler du fait que celui qui détermine la politique de la nation et qui a l’initiative des lois ne dispose pas d’une majorité de soutien au Parlement. La CNRI propose que soit prévue dans la Constitution cette éventualité. Dans ce cas, il est donc prévu que le Premier Ministre soit nommé par le président de la République sur une liste de trois (3) personnalités proposée par la majorité parlementaire. Il revient alors au Premier Ministre de déterminer et de conduire la politique de la Nation. Il a, avec les députés, l’initiative des lois. Le président de la République garde cependant toutes ses autres prérogatives. Il assure par son arbitrage le fonctionnement régulier des institutions. Il exerce certains pouvoirs sur proposition du Premier Ministre. Il met fin aux fonctions du Premier Ministre sur présentation par ce dernier de la démission du gouvernement.
Pour avoir un meilleur équilibre entre les Pouvoirs, la CNRI, comme mentionné plus haut, préconise le renforcement de l’indépendance des Pouvoirs législatif et judiciaire et une meilleure distribution du pouvoir à l’intérieur de l’Exécutif.
Pour une stabilité renforcée des institutions, la CNRI préconise l’encadrement du pouvoir de dissolution du président de la République. Il ne peut dissoudre l'Assemblée nationale que lorsque celle-ci adopte une motion de censure contre le gouvernement ou lui refuse sa confiance deux fois dans les douze mois et pour toute autre raison empêchant le fonctionnement normal des institutions dûment constatée par la Cour Constitutionnelle. En tout état de cause, il lui est interdit de dissoudre ou de suspendre une quelconque institution pendant l'exercice des pouvoirs exceptionnels.
Il ne peut être mis fin aux fonctions d’un membre de la Cour constitutionnelle avant l’expiration de son mandat que sur sa demande ou pour incapacité physique ou mentale dûment constatée par un collège de trois médecins désignés par l’Ordre des médecins saisi par la Cour. De même, les Autorités administratives indépendantes disposent de mandats irrévocables avant terme.
En ce qui concerne la stabilité constitutionnelle, la CNRI recommande le respect du caractère rigide de la Constitution. Elle propose que l’initiative de la révision constitutionnelle appartienne à la fois au président de la République, mais sur proposition du Premier Ministre, et aux députés ; que le vote de l’Assemblée nationale soit une étape obligatoire, qu’il s’agisse d’un projet ou d’une proposition de révision. Elle propose que l’approbation de toute révision constitutionnelle soit faite selon le cas soit par voie parlementaire soit par voie référendaire.
La régulation du champ politique.
La multiplication exponentielle du nombre de partis politiques amène à des interrogations légitimes sur les modalités de leur création et de leur fonctionnement. La stricte application de la loi n° 81-17 du 6 mai 1981 relative aux partis politiques modifiée par la loi n°89-36 du 12 octobre 1989 aurait sans doute permis un assainissement et une moralisation du champ politique. En effet, quels sont les partis politiques qui déposent chaque année au plus tard le 31 janvier, sous peine de dissolution, le compte financier de l’exercice écoulé ? Ce compte doit faire apparaître selon la loi, que le parti politique ne bénéficie d’autres ressources que celles provenant des cotisations, dons et legs de ses adhérents et sympathisants nationaux et des bénéfices réalisés à l’occasion de manifestations. Qui ignore le fait que les sommes dépensées durant les campagnes électorales dépassent de loin les moyens personnels des candidats et le produit de ces ressources légales ?
Quels sont les partis politiques qui n’encourent point une dissolution parce que déclarant chaque année, au plus tard dans les huit jours qui suivent la date anniversaire du récépissé de leurs statuts, les prénoms, noms, profession et domicile de ceux qui, à titre quelconque sont chargés de son administration ? Combien sont-ils, ces partis, qui auraient dû être dissous pour avoir, par leurs activités générales ou leurs prises de positions publiques, gravement méconnu les obligations qui résultent de la Constitution et qui concernent le respect des caractères républicain, laïc et démocratique de l’Etat ; l’indépendance nationale, l’intégrité du territoire et l’unité de l’État ; l’ordre et les libertés publics ? Quels sont les partis politiques qui ne reçoivent ou n’ont reçu directement ou indirectement des subsides de l’étranger ou d’étrangers établis au Sénégal ?
Le défaut de contrôle du circuit de financement des activités des partis politiques favorise les financements occultes, source de corruption et la stricte application de la loi est de nature à entrainer la réduction drastique du nombre de partis politiques.
Le Sénégal ayant ratifié les Conventions des Nations Unies et de l’Union africaine contre la corruption qui préconisent l’adoption de mesures visant à accroitre la transparence du financement des partis politiques, devrait amener l’État à étudier les modalités de mise en œuvre d’un financement public des partis politiques notamment de ceux (hors coalition) représentés à l’Assemblée nationale. Cela aura comme avantage, une meilleure maîtrise des circuits de financement des partis, la réduction des inégalités et des injustices et plus d’équité dans l’allocation des ressources publiques mais aussi et surtout la création des conditions de compétitions électorales sincères. En effet, un système électoral crédible doit promouvoir des conditions d’exercice garantissant la transparence et la sincérité du scrutin ainsi que l’égalité des candidats Un scrutin sincère est celui qui se déroule dans des conditions garantissant une expression correcte du suffrage. Tout ce qui peut fausser cette expression est à bannir ; l’inégalité des chances ne découlant que des conditions disparates de jouissance des ressources publiques est à écarter.
La CNRI propose la création d’une Autorité de Régulation de la Démocratie qui, outre la mission de contrôle et de supervision de l’ensemble du processus électoral, assure le contrôle de la régularité du fonctionnement et du financement des partis politiques, la vérification du financement des campagnes électorales. Elle organise aussi la tenue de concertations régulières entre les acteurs du jeu politique.
Elle propose que la délivrance d’un récépissé attestant la création d’un parti politique soit assujettie à la production d’une liste de 10.000 adhérents domiciliés dans 10 régions au moins à raison de 700 adhérents au moins par région.
La restauration de la crédibilité et de l’autorité de l’Administration publique
La CNRI a fait le constat que l’Administration publique souffre de divers maux dus notamment à une politique d’externalisation non contrôlée qui la déstabilise et la décrédibilise. Elle a aussi noté que les dysfonctionnements dus à des chevauchements (entre les missions confiées aux agences et autres structures assimilées et celles incombant aux services de l’Administration), à des abus et des dérives dans leur gestion financière et dans celle de leurs ressources humaines, sont encore notables en dépit de l’adoption de la loi d’orientation 2009-20 du 4 mai 2009 sur les agences d’exécution. La CNRI a également noté que si cette politique d’externalisation était justifiée par l’exigence accrue des usagers du service public en termes de « célérité et d’efficacité et la complexité des procédures administratives », elle a eu comme effets pervers une marginalisation et une « décrédibilisation » de l’Administration publique. Celle-ci a perdu une bonne part de sa neutralité, de son efficacité et de son professionnalisme. La CNRI a enfin fait le constat d’une certaine anarchie dans les appellations des organes créés dans le cadre de cette politique d’externalisation. Si certains sont dénommés « Agences », d’autres, « Haute autorité », « Office », « Autorité », « Conseil » ou « Haut conseil ». Des mesures de correction s’imposent.
La CNRI recommande une vérification de l’état d’exécution des dispositions de l’article 16 de la loi 2009-20 précitée, une évaluation de la politique d’externalisation avec l’accent mis sur les performances réalisées par les différentes structures et une suppression de toutes les structures qui n’ont pas eu des résultats probants. Pour la CNRI, il faut redonner à l’Administration publique toute sa crédibilité et toute son autorité. Cela passe par une normalisation de sa structuration qui doit répondre aux normes d’organisation les plus généralement reconnues, des unités de base aux directions nationales ; elle passe également par un système de recrutements privilégiant la transparente et l’équité avec des dispositifs appropriés qui promeuvent la compétence et le mérite. Cela se réalise par le recours systématique à l’appel à candidature pour les hautes fonctions dans les secteurs public et parapublic et le recours au concours pour l’essentiel des postes inférieurs.
La CNRI réaffirme avec force que l’Administration publique doit être apolitique, neutre et impartiale. Elle est dédiée au service de l’intérêt général et ne doit être détournée de ses missions à des fins personnelles ou partisanes. Ses agents sont soumis à la loi et à un code de conduite qui les obligent à n’accepter ni solliciter, directement ou indirectement, au Sénégal ou à l’étranger, aucun don, cadeau ou libéralité dans l’exercice de leurs fonctions. Ils ne peuvent non plus faire des dons et libéralités de biens mobiliers ou immobiliers appartenant à l’État ou à ses démembrements.
C’est compte tenu des avis exprimés lors des consultations citoyennes et des conclusions ci-dessus que la CNRI a élaboré le texte ci-joint d’une nouvelle Constitution dont elle propose au président de la République l’adoption par voie référendaire.
Brève présentation du texte de constitution proposé par la CNRI
Le texte de Constitution comporte 148 articles non comprises les dispositions transitoires et finales au nombre de 5. Il est structuré en douze titres précédés d’un préambule.
Le premier titre, intitulé « Principes généraux » traite en trois sections, respectivement, des attributs et symboles de l’Etat, des principes d’organisation et de fonctionnement de l’Etat et de la souveraineté.
Le titre 2 porte sur les libertés fondamentales, droits et devoirs du citoyen.
Les titres 3, 4 et 5 ont trait aux trois Pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Le titre consacré au Pouvoir exécutif comporte deux sections se rapportant respectivement au Président de la République et au Gouvernement. Dans le titre 4 sont traités en trois (3) sections de l’organisation et du fonctionnement de l’Assemblée nationale, du domaine de la loi et de la procédure législative. Le titre 5 consacré au Pouvoir judiciaire est structuré en cinq (5) sections traitant des dispositions générales, de la Cour Constitutionnelle, du Conseil d’État, de la Cour de Cassation et de la Cour des Comptes.
Le titre 6 est consacré aux rapports entre les Pouvoirs, plus précisément aux rapports entre l’Exécutif et le Législatif (section 1), aux rapports entre l’Exécutif et le Judiciaire (section 2) et entre le Législatif et le Judiciaire (section 3).
Le titre 7 concerne la Haute Cour de Justice et le titre 8, les organes consultatifs (Conseil économique, social et environnemental -section 1-, Conseil National des collectivités locales -section 2-, et Conseil Consultatif des Sénégalais de l’Extérieur -section 3-)
Le titre 9 traite, en quatre (4) sections, des Autorités administratives indépendantes. Dans la première il y a des dispositions générales suivies des trois (3) autres relatives respectivement au Médiateur de la République, à l’Autorité de Régulation de la Démocratie et au Conseil National de Régulation de la Communication.
Dans lestitres 10, 11 et 12 sont traités les collectivités locales, les traités internationaux et la révision constitutionnelle.
Tout au long de ses travaux, la CNRI a tenu à s’écarter du débat quelque peu simpliste sur la nature parlementaire ou semi-parlementaire, présidentielle ou semi-présidentielle du régime à instaurer. La conviction largement partagée de ses membres a été d’adopter une démarche pragmatique fondée sur la prise en compte des préoccupations largement partagées par les citoyens à savoir : garantir la séparation et l’équilibre des Pouvoirs, l’exercice démocratique du pouvoir, l'inviolabilité de la dignité humaine et la promotion du bien-être de tous mais aussi le renforcement de la justice sociale et de la solidarité.
Partant du diagnostic qu’elle a établi au démarrage de ses travaux (confirmé par les citoyens et porteurs d’enjeux) et qui a révélé que les Pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, théoriquement indépendants les uns des autres, ne sont en fait ni séparés ni équilibrés, la CNRI a cherché, à travers les dispositions suivantes, un aménagement du Pouvoir d’Etat qui garantisse un meilleur équilibre et une séparation plus nette des Pouvoirs :
1- Le président de la République détermine la politique de la Nation mais ne peut exercer certains pouvoirs que sur proposition soit du Premier ministre soit d’autres instances. Parce qu’il incarne l’unité nationale, il ne doit plus être chef de parti dès sa prise de fonction.
2- En ce qui concerne le Parlement, il a été remédié aux risques d’abus de majorité avec la création des conditions de participation effective de l’opposition parlementaire au travail législatif.
En outre, il y a une meilleure maitrise par le Parlement de son ordre du jour. Les députés, bénéficiant de l’apport d’assistants parlementaires sont mieux armés pour faire face aux exigences que leur impose la complexité du travail parlementaire.
3- Sur le plan Judiciaire, les compétences du juge constitutionnel ont été renforcées pour garantir le respect des droits fondamentaux de la personne humaine et régler les conflits de compétence entre l'Exécutif et le Législatif entre autres missions. Il n’y a plus d’autorité directe du Garde des Sceaux sur les magistrats du parquet. Les pouvoirs du Conseil Supérieur de la Magistrature, organe de gestion de la carrière des magistrats sont renforcés.
La CNRI tout en renforçant la panoplie des droits et libertés reconnus aux citoyens a entendu leur accorder une meilleure protection en les plaçant sous la surveillance d’un Juge des libertés. Pour rendre plus effectifs ces droits et libertés, elle estime qu’il y a lieu d’ouvrir au citoyen, un droit de recours auprès du juge constitutionnel lorsqu’il estime qu’une mesure d’ordre législatif porte atteinte à ses droits fondamentaux, de reconnaitre aux organisations de défense des droits humains et environnementaux un intérêt à agir devant les juridictions compétentes dans les affaires qui touchent aux droits, libertés et biens publics. En matière de garde à vue, la CNRI recommande la présence de l’avocat (ou d’une personne de son choix, le cas échéant) à la fin des premières vingt-quatre heures de la garde à vue, et le renforcement des droits de la personne.
Estimant que si les citoyens ont des droits et libertés qu’il convient de garantir et de protéger, ils ont également des devoirs à accomplir, la CNRI réaffirme l’obligation pour tout citoyen sénégalais de respecter scrupuleusement la Constitution et les lois et règlements. Le citoyen a le devoir de défendre la patrie contre toute agression et de contribuer à la lutte contre la corruption et la concussion, de respecter, de faire respecter le bien public et de s’abstenir de tous actes de nature à compromettre l’ordre, la sécurité, la salubrité et la tranquillité publics mais aussi de préserver les ressources naturelles et l’environnement du pays, d’œuvrer pour le développement durable au profit des générations présentes et futures et enfin, d’inscrire à l’état-civil, les actes le concernant et ceux qui sont relatifs à sa famille dans les conditions déterminées par la loi.
Le souci de donner plus de crédibilité et de renforcer le système de représentation justifie la constitutionnalisation de l’organe qui a pour mission le contrôle et la supervision de l’ensemble du processus électoral ou référendaire mais aussi la proposition de création d’un Conseil National des Collectivités locales et d’un Conseil consultatif des sénégalais de l’extérieur pour, respectivement, une meilleure prise en compte des affaires locales et de celles des sénégalais de la diaspora dans les politiques et programmes publics.
D’autres innovations et modifications importantes ont été introduites par rapport aux dispositions constitutionnelles actuellement en vigueur. Certaines d’entre elles constituent de véritables innovations en ce sens qu’elles n’ont jamais figuré dans un texte constitutionnel au Sénégal. Il s’agit notamment des dispositions suivantes :
Pour une meilleure protection des droits et libertés et une consécration des devoirs du citoyen :
L’obligation du référendum pour toute modification d’une disposition relative aux libertés fondamentales de la personne humaine : Art.150 al.3.
L’institution d’un juge des libertés : Art.51 al 2.
La reconnaissance de l’intérêt à agir devant les juridictions compétentes des organisations de défense des droits humains et environnementaux, dans les affaires qui touchent aux droits, libertés et biens publics : Art 51 al 3.
La réglementation de la garde à vue : Art.22.
L’élargissement des candidatures indépendantes à tous les types d’élection : Art.14 al 2.
La reconnaissance du droit de pétition aux citoyens : Art26.
L’introduction du référendum d’initiative populaire : Art.13 al 2.
L’introduction en faveur du citoyen du droit initiative législative : Art.94 al 2.
La reconnaissance au citoyen d’un droit de recours auprès du juge constitutionnel : Art.109.
Le principe d’une consultation des citoyens pour les attributions liées au patrimoine foncier et ou aux ressources naturelles : Art 15 et suiv.
La constitutionnalisation du droit d’accès à l’information administrative et de protection des données personnelles : Art.6 et 34.
Le droit à l’information et à la protection des données personnelles qui font l’objet d’un suivi par le médiateur : Art.142.
La constitutionnalisation des devoirs du citoyen : Art.52.
Explicitation du principe de la laïcité : Préambule, Art.30 al2.
Le principe d’une assistance de l’État aux communautés religieuses, de manière transparente et sans discrimination : Art.30 al 3.
L’interdiction des milices privées et groupes paramilitaires et encadrement juridique strict des sociétés privées de sécurité : Art. 28.
La traduction et la large diffusion de la Constitution en langues nationales : Art. 154.
La notion de progrès expressément mentionnée dans le texte du serment du Président élu : Art. 61
L’introduction à l’école publique de l’éducation religieuse à la demande des parents : Art. 43.
Pour un meilleur équilibre et un strict respect de la séparation des Pouvoirs :
La redéfinition des rapports entre l’Exécutif et le Judiciaire : Art.105- 106.
L’interdiction faite au Pouvoir exécutif d’entraver le cours de la justice ou de s’opposer à l’exécution d’une décision de justice : Art.129.
L’institution d’une Cour constitutionnelle Art. 1O7-108
L’interdiction faite au Pouvoir législatif de statuer sur des contentieux juridictionnels, de modifier une décision de justice ou de s’opposer à son exécution : Art. 130.
L’encadrement du droit de dissolution de l’Assemblée nationale : Art.120.
Appréciation par l’Assemblée nationale de la durée de l’exercice des pouvoirs exceptionnels et possibilité d’y mettre fin en cas d’abus dûment constaté par la Cour Constitutionnelle : Art. 123 al 3.
Le renforcement du Parlement (droit d’amendement parlementaire aménagé pour une meilleure effectivité et prérogatives de fixation de son ordre du jour par le Parlement renforcées)
L’autorisation parlementaire avant tout envoi, engagement ou retrait de troupes dans des conflits armés à l’extérieur : Art.92.
La définition de la Haute trahison : Art.131 al 2.
L’élargissement des autorités susceptibles d’être traduites devant la Haute Cour de Justice : Art.132.
Pour le renforcement du système consultatif :
L’institution d’un Conseil national des Collectivités locales : Art.135.
L’institution d’un Conseil Consultatif des Sénégalais de l’Extérieur : Art.137.
Pour le renforcement des instances de régulation au service du citoyen :
La détermination constitutionnelle du régime juridique des Autorités administratives indépendantes : Art 138.
L’institution d’une Autorité de Régulation de la Démocratie : Art.143.
La Constitutionnalisation de l’Organe de Régulation de la communication. Art.141.
La Constitutionnalisation du Médiateur de la République : Art. 139 et 141.
Pour la normalisation de la vie publique et des pratiques administratives :
Les limitations et le non cumul des mandats : Art. 76 al 4.
La fixation du nombre de députés : Art :80.
Les limitations du nombre de ministres : Art.76 al 5.
La Constitution prévoit et réglemente l’hypothèse d’une non-concordance entre les majorités présidentielle et parlementaire : Art.75.
Le certificat attestant l’aptitude physique et mentale du candidat à la présidence intègre le dossier de candidature : Art.59.
Limite supérieure de l’âge d’un candidat à la Présidence de la République : Art 58.
La réglementation constitutionnelle des conditions de recrutements d’agents publics et de nomination aux fonctions de direction de services nationaux, d’organismes du secteur parapublic et de nomination des autorités administratives indépendantes : Art.11.
La normalisation des cadeaux, dons et libéralités dans l’Administration publique Art.9 à 11.
La normalisation des titres et fonctions de ministre : Art.76.
La réaffirmation des principes de fonctionnement de l’Administration publique : Art.9.
La déclaration de patrimoine : Art.6 al 2 ; 62 ; 80 al 4 ; 107 al 8.
Pour le renforcement de la rationalité et de l’équité dans les budgets national et locaux.
Le dispositif de renforcement des finances locales (dotation collectivités locales) : Art.135.
L’évaluation par la Cour des Comptes du respect effectif des priorités sectorielles et le degré de réalisation des équilibres géographiques et en fait mention dans son Rapport annuel : Art. 104.
Pour la préservation des ressources naturelles et de l’environnement.
La fixation d’un contenu précis des obligations de l’État en matière environnementale : Art.41.
Les dispositions sur le foncier et les autres ressources naturelles : Art.15 à 18
V-2.RECOMMANDATIONS FINALES
La CNRI ayant fait le constat de l’ampleur des modifications qu’elle propose, recommande l’adoption d’une nouvelle Constitution au lieu d’une simple révision de celle en vigueur. Elle suggère la traduction de l’avant-projet de Constitution dans les langues nationales avant toute soumission au peuple.
Une partie des recommandations qu’elle a faites a trouvé traduction dans l’avant-projet de constitution qui a été élaboré.L’adoption des textes infra constitutionnels s’avère nécessaire pour rendre la loi fondamentale applicable dans son ensemble. La CNRI recommande en particulier et en priorité l’adoption des lois organiques sur le Conseil Supérieur de la Magistrature, la Cour constitutionnelle et l’Autorité de Régulation de la Démocratie. Cette dernière, mise en place, devra organiser des concertations avec la classe politique et les autres acteurs autour du mode de scrutin aux élections législatives pour qu’on ait, comme par le passé, des règles électorales consensuelles. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, la CNRI propose de donner suite à la volonté largement exprimée par les populations de suppression de la liste nationale, et de consacrer la mise en œuvre du scrutin majoritaire à deux tours à l’échelle des circonscriptions électorales (l’échelle du département ayant la préférence des citoyens).
Une deuxième partie des recommandations n’ayant pas vocation à figurer dans une Constitution nécessitera l’institution d’une Commission restreinte de suivi de leur mise en œuvre. Celle-ci sera chargée d’identifier les textes en vigueur qu’il convient de modifier à cette fin.
La CNRI a enfin noté que bon nombre de préoccupations récurrentes exprimées par les citoyens ne découlent pas toujours d’une absence de réglementation mais parfois d’un défaut d’application du cadre juridique qui existe. Elle en veut pour preuve la dilapidation décriée du patrimoine foncier ou les atteintes à la tranquillité publique. Elles découlent parfois d’un défaut de mise en place des mesures d’accompagnement nécessaires en termes de textes d’application ou de structure sans lesquels aucune effectivité n’est garantie.
En effet, la CNRI est partie du constat qu’en dépit du fait que le système foncier sénégalais est légalement dominé par le principe d’inaliénabilité des terres qui caractérise celles du domaine national et du domaine public de l’État, il y a dans la réalité une aliénation souvent illégale d’une partie non négligeable du patrimoine foncier au profit d’intérêts divers, parfois extérieurs au pays au risque de priver à long terme les paysans de terres et le Sénégal, des leviers essentiels de sa liberté et de son développement. L’inaliénabilité constitue une précaution contre les dilapidations éventuelles des patrimoines publics. Le simple respect de la loi qui aménage des techniques (ECUP ou immatriculation) et des garanties (utilité publique, indemnisations ou remboursement des impenses) et soumet à autorisation législative la vente des biens du domaine privé de l’État est de nature à préserver le patrimoine foncier. Il reste évident que les citoyens et collectivités concernés doivent être informés de tout acte ou opérations juridiques envisagées sur ces terres. La CNRI déplore le retard dans l’adoption des décrets d’application de la loi d’orientation agro-sylvo-pastorale en vigueur depuis 2004. Dans le même ordre d’idées la préoccupation liée à l’accès aux documents administratifs ne découle pas d’un vide juridique mais du fait que la Commission d’accès sur l’information administrative et la protection des données personnelles tarde à être fonctionnelle. En effet, aux termes de la loi n° 2006-19 du 30 juin et du décret n°2006-596 du 10 juillet 2006, les documents administratifs sont l’ensemble des documents reçus par les autorités administratives dans l’exercice de leur fonction, qu’ils soient nominatifs ou non nominatif. L’accès aux documents non nominatifs est libre et gratuit sauf quelques restrictions (sécurité de l’État, honneur des familles et des individus, etc.). L’accès aux documents nominatifs est libre et gratuit pour les ayants droits ; il est partiel pour les non ayants droits. Tout citoyen a droit d’accès aux documents nominatifs le concernant. La demande est faite auprès de l’autorité qui détient le document et qui est tenue de répondre dans les deux mois, soit par une réponse positive, soit par une réponse négative écrite et motivée. Si au bout de deux mois, aucune réponse implicite ou explicite n’est parvenue au demandeur, ou si la réponse ne lui paraît pas satisfaisante, il saisit la Commission d’accès sur l’information administrative et la protection des données personnelles tarde à être fonctionnelle.
S’agissant des atteintes à la tranquillité publique, la CNRI a noté que l’apathie des autorités étatiques n’est pas le résultat d’un défaut de base légale pour agir. Aux termes de l’article 129 du code des collectivités locales, les représentants de l'État exercent les pouvoirs de réprimer les atteintes à la tranquillité, telles que le tumulte excité dans les lieux d'assemblée publique, les attroupements, les bruits et rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique.
[1] Nommé ministre de la Justice en septembre 2013, M. Kaba n’a pas participé à la suite des travaux de la CNRI.
[2] Sur la base d’une liste fournie par le ministère de l’Intérieur
[3] Noter que nous avons classé les propositions en fonction de leurs scores, avec la nomenclature suivante : Au-dessus de 95% d’avis favorables = « très large consensus » ; Entre 90 et 95 % = « large consensus » ; Entre 85,01 et 90% = « accord très solide » ; Entre 80 et 85% = « accord solide » ; Entre 70 et 79,99% = « majorité confortable » ; Plus de 60 et Moins de 70% = « majorité ». Ces critères de classement ont été établis de façon ad hoc et n’ont d’autre but que d’aider à distinguer plus clairement des niveaux d’adhésion aux différentes propositions de réforme On peut estimer que ces items ont été classés selon un barème volontairement sévère car il s’agit de promouvoir les consensus les plus solides pour en tirer les orientations de la réforme en vue.
[4] À la lecture des résultats et/ou après analyse au sein de la Commission
[5] Bien que les résultats des panels citoyens soient déterminant, la CNRI a pris en compte, lors de ses délibérations, les données de toutes les consultations ainsi que de celles des questionnaires des citoyens et ceux remplis directement en ligne.
LE PLAN DE RETOUR DE KARIM WADE
Logistique, programme d'accueil, financement de la campagne: dans le camp de Karim Wade, tout semble prêt pour l'arrivée au bercail du candidat du PDS
Il ne leur manque que la date exacte du retour de leur champion. Pour tout le reste, les partisans de Karim Wade et militants du Pds sont suffisamment outillés pour accueillir leur candidat. Les véhicules et la logistique de campagne sont prêts, ainsi que le programme de la campagne. Karim Wade ne se retrouvera pas dans l’impréparation.
Malgré les spéculations sur la volonté de Karim Wade de se présenter à la prochaine Présidentielle, dans son camp les choses se passent comme si ses partisans avaient la ferme conviction que le candidat du Parti démocratique sénégalais (Pds) sera bien présent à Dakar lorsque la campagne électorale va démarrer. Certains de ses proches assurent que la date a même déjà été retenue, mais qu’elle ne sera pas annoncée à l’avance, pour maintenir le suspense.
Mais pour tout le reste, à savoir la logistique, le comité d’accueil et le programme de son arrivée, tout a déjà été ficelé. Ceux de ses proches, qui ont accepté de s’adresser au journal Le Quotidien, ont exigé que leur anonymat soit préservé, au risque pour eux «d’être exclus du cercle des proches». Ils assurent ainsi que la toute première chose que fera Karim Wade, à son arrivée au Sénégal, sera de prendre l’Autoroute Ila Touba, pour se rendre dans la capitale de la Mouridiya. Le fils du Président Wade va aller faire son ziar auprès du Khalife général des Mourides, Serigne Mountakha Mbacké. Il sera accompagné de ses compagnons de voyage, ainsi que de la délégation qui sera venue l’accueillir.
Bien qu’il sera difficile, au vu des circonstances, de rééditer l’exploit du retour de Abdoulaye Wade en 2000, le Pds compte néanmoins sur une sortie massive de ses partisans et du public pour participer à l’accueil.
Pour éviter de donner l’impression d’organiser un rassemblement, et d’essuyer des tirs de lacrymogènes, comme tant d’autres candidats, la délégation va voyager en toutes petites troupes et entrer dans la ville religieuse par plusieurs entrées, pour se retrouver devant la résidence du khalife et accompagner leur champion dans son ziar. Il s’agit, en effet, de démontrer également que le fils du Président Abdoulaye Wade a toujours l’affection de ses coreligionnaires mourides, à l’instar de son père, qui a fini par faire de Touba son bastion électoral.
L’arrivée de Karim Wade sonnera le début effectif de la campagne de ses partisans. Ses «frères», comme s’appellent les membres du Pds, ont vu arriver à Dakar, beaucoup d’argent, envoyé par Karim Wade. Ses militants parlent d’une «cagnotte impressionnante constituée pour battre campagne». La logistique ne serait pas non plus en reste. Une manière de dire que si le Pds ne se fait pas entendre, ce n’est pas du fait d’une quelconque impréparation matérielle. Reste à savoir quand son «lutteur» va entrer dans l’arène… politique !
CNRI, UNE NOUVELLE CONSTITUTION
Un avant-projet de Constitution renforçant les droits et libertés des Sénégalais, garantissant un meilleur équilibre des pouvoirs et consacrant de nouvelles institutions au service du citoyen comme le juge des libertés ou le conseil consultatif (4/4)
SenePlus publie tout au long de cette semaine, en quatre parties, l'intégralité du rapport général de la Commission nationale de réforme des institutions (CNRI) afin de mettre à l'ordre du jour du calendrier électoral l'ensemble des mesures préconiées par ce creuset citoyen de rénovation de l'armature institutionnelle du Sénégal. Ci-dessous, la dernière partie (4/4).
C’est compte tenu des avis exprimés lors des consultations citoyennes et des conclusions ci-dessus que la CNRI a élaboré le texte ci-joint d’une nouvelle Constitution dont elle propose au président de la République l’adoption par voie référendaire.
Brève présentation du texte de constitution proposé par la CNRI
Le texte de Constitution comporte 148 articles non comprises les dispositions transitoires et finales au nombre de 5. Il est structuré en douze titres précédés d’un préambule.
Le premier titre, intitulé « Principes généraux » traite en trois sections, respectivement, des attributs et symboles de l’État, des principes d’organisation et de fonctionnement de l’État et de la souveraineté.
Le titre 2 porte sur les libertés fondamentales, droits et devoirs du citoyen.
Les titres 3, 4 et 5 ont trait aux trois Pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Le titre consacré au Pouvoir exécutif comporte deux sections se rapportant respectivement au Président de la République et au Gouvernement. Dans le titre 4 sont traités en trois (3) sections de l’organisation et du fonctionnement de l’Assemblée nationale, du domaine de la loi et de la procédure législative. Le titre 5 consacré au Pouvoir judiciaire est structuré en cinq (5) sections traitant des dispositions générales, de la Cour Constitutionnelle, du Conseil d’État, de la Cour de Cassation et de la Cour des Comptes.
Le titre 6 est consacré aux rapports entre les Pouvoirs, plus précisément aux rapports entre l’Exécutif et le Législatif (section 1), aux rapports entre l’Exécutif et le Judiciaire (section 2) et entre le Législatif et le Judiciaire (section 3).
Le titre 7 concerne la Haute Cour de Justice et le titre 8, les organes consultatifs (Conseil économique, social et environnemental -section 1-, Conseil National des collectivités locales -section 2-, et Conseil Consultatif des Sénégalais de l’Extérieur -section 3-)
Le titre 9 traite, en quatre (4) sections, des Autorités administratives indépendantes. Dans la première il y a des dispositions générales suivies des trois (3) autres relatives respectivement au Médiateur de la République, à l’Autorité de Régulation de la Démocratie et au Conseil National de Régulation de la Communication.
Dans lestitres 10, 11 et 12 sont traités les collectivités locales, les traités internationaux et la révision constitutionnelle.
Tout au long de ses travaux, la CNRI a tenu à s’écarter du débat quelque peu simpliste sur la nature parlementaire ou semi-parlementaire, présidentielle ou semi-présidentielle du régime à instaurer. La conviction largement partagée de ses membres a été d’adopter une démarche pragmatique fondée sur la prise en compte des préoccupations largement partagées par les citoyens à savoir : garantir la séparation et l’équilibre des Pouvoirs, l’exercice démocratique du pouvoir, l'inviolabilité de la dignité humaine et la promotion du bien-être de tous mais aussi le renforcement de la justice sociale et de la solidarité.
Partant du diagnostic qu’elle a établi au démarrage de ses travaux (confirmé par les citoyens et porteurs d’enjeux) et qui a révélé que les Pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, théoriquement indépendants les uns des autres, ne sont en fait ni séparés ni équilibrés, la CNRI a cherché, à travers les dispositions suivantes, un aménagement du Pouvoir d’État qui garantisse un meilleur équilibre et une séparation plus nette des Pouvoirs :
1- Le Président de la République détermine la politique de la Nation mais ne peut exercer certains pouvoirs que sur proposition soit du Premier ministre soit d’autres instances. Parce qu’il incarne l’unité nationale, il ne doit plus être chef de parti dès sa prise de fonction.
2- En ce qui concerne le Parlement, il a été remédié aux risques d’abus de majorité avec la création des conditions de participation effective de l’opposition parlementaire au travail législatif.
En outre, il y a une meilleure maitrise par le Parlement de son ordre du jour. Les députés, bénéficiant de l’apport d’assistants parlementaires sont mieux armés pour faire face aux exigences que leur impose la complexité du travail parlementaire.
3- Sur le plan Judiciaire, les compétences du juge constitutionnel ont été renforcées pour garantir le respect des droits fondamentaux de la personne humaine et régler les conflits de compétence entre l'Exécutif et le Législatif entre autres missions. Il n’y a plus d’autorité directe du Garde des Sceaux sur les magistrats du parquet. Les pouvoirs du Conseil Supérieur de la Magistrature, organe de gestion de la carrière des magistrats sont renforcés.
La CNRI tout en renforçant la panoplie des droits et libertés reconnus aux citoyens a entendu leur accorder une meilleure protection en les plaçant sous la surveillance d’un Juge des libertés. Pour rendre plus effectifs ces droits et libertés, elle estime qu’il y a lieu d’ouvrir au citoyen, un droit de recours auprès du juge constitutionnel lorsqu’il estime qu’une mesure d’ordre législatif porte atteinte à ses droits fondamentaux, de reconnaitre aux organisations de défense des droits humains et environnementaux un intérêt à agir devant les juridictions compétentes dans les affaires qui touchent aux droits, libertés et biens publics. En matière de garde à vue, la CNRI recommande la présence de l’avocat (ou d’une personne de son choix, le cas échéant) à la fin des premières vingt-quatre heures de la garde à vue, et le renforcement des droits de la personne.
Estimant que si les citoyens ont des droits et libertés qu’il convient de garantir et de protéger, ils ont également des devoirs à accomplir, la CNRI réaffirme l’obligation pour tout citoyen sénégalais de respecter scrupuleusement la Constitution et les lois et règlements. Le citoyen a le devoir de défendre la patrie contre toute agression et de contribuer à la lutte contre la corruption et la concussion, de respecter, de faire respecter le bien public et de s’abstenir de tous actes de nature à compromettre l’ordre, la sécurité, la salubrité et la tranquillité publics mais aussi de préserver les ressources naturelles et l’environnement du pays, d’œuvrer pour le développement durable au profit des générations présentes et futures et enfin, d’inscrire à l’état-civil, les actes le concernant et ceux qui sont relatifs à sa famille dans les conditions déterminées par la loi.
Le souci de donner plus de crédibilité et de renforcer le système de représentation justifie la constitutionnalisation de l’organe qui a pour mission le contrôle et la supervision de l’ensemble du processus électoral ou référendaire mais aussi la proposition de création d’un Conseil National des Collectivités locales et d’un Conseil consultatif des sénégalais de l’extérieur pour, respectivement, une meilleure prise en compte des affaires locales et de celles des sénégalais de la diaspora dans les politiques et programmes publics.
D’autres innovations et modifications importantes ont été introduites par rapport aux dispositions constitutionnelles actuellement en vigueur. Certaines d’entre elles constituent de véritables innovations en ce sens qu’elles n’ont jamais figuré dans un texte constitutionnel au Sénégal. Il s’agit notamment des dispositions suivantes :
Pour une meilleure protection des droits et libertés et une consécration des devoirs du citoyen :
L’obligation du référendum pour toute modification d’une disposition relative aux libertés fondamentales de la personne humaine : Art.150 al.3.
L’institution d’un juge des libertés : Art.51 al 2.
La reconnaissance de l’intérêt à agir devant les juridictions compétentes des organisations de défense des droits humains et environnementaux, dans les affaires qui touchent aux droits, libertés et biens publics : Art 51 al 3.
La réglementation de la garde à vue : Art.22.
L’élargissement des candidatures indépendantes à tous les types d’élection : Art.14 al 2.
La reconnaissance du droit de pétition aux citoyens : Art26.
L’introduction du référendum d’initiative populaire : Art.13 al 2.
L’introduction en faveur du citoyen du droit initiative législative : Art.94 al 2.
La reconnaissance au citoyen d’un droit de recours auprès du juge constitutionnel : Art.109.
Le principe d’une consultation des citoyens pour les attributions liées au patrimoine foncier et ou aux ressources naturelles : Art 15 et suiv.
La constitutionnalisation du droit d’accès à l’information administrative et de protection des données personnelles : Art.6 et 34.
Le droit à l’information et à la protection des données personnelles qui font l’objet d’un suivi par le médiateur : Art.142.
La constitutionnalisation des devoirs du citoyen : Art.52.
Explicitation du principe de la laïcité : Préambule, Art.30 al2.
Le principe d’une assistance de l’État aux communautés religieuses, de manière transparente et sans discrimination : Art.30 al 3.
L’interdiction des milices privées et groupes paramilitaires et encadrement juridique strict des sociétés privées de sécurité : Art. 28.
La traduction et la large diffusion de la Constitution en langues nationales : Art. 154.
La notion de progrès expressément mentionnée dans le texte du serment du Président élu : Art. 61
L’introduction à l’école publique de l’éducation religieuse à la demande des parents : Art. 43.
Pour un meilleur équilibre et un strict respect de la séparation des Pouvoirs :
La redéfinition des rapports entre l’Exécutif et le Judiciaire : Art.105- 106.
L’interdiction faite au Pouvoir exécutif d’entraver le cours de la justice ou de s’opposer à l’exécution d’une décision de justice : Art.129.
L’institution d’une Cour constitutionnelle Art. 1O7-108
L’interdiction faite au Pouvoir législatif de statuer sur des contentieux juridictionnels, de modifier une décision de justice ou de s’opposer à son exécution : Art. 130.
L’encadrement du droit de dissolution de l’Assemblée nationale : Art.120.
Appréciation par l’Assemblée nationale de la durée de l’exercice des pouvoirs exceptionnels et possibilité d’y mettre fin en cas d’abus dûment constaté par la Cour Constitutionnelle : Art. 123 al 3.
Le renforcement du Parlement (droit d’amendement parlementaire aménagé pour une meilleure effectivité et prérogatives de fixation de son ordre du jour par le Parlement renforcées)
L’autorisation parlementaire avant tout envoi, engagement ou retrait de troupes dans des conflits armés à l’extérieur : Art.92.
La définition de la Haute trahison : Art.131 al 2.
L’élargissement des autorités susceptibles d’être traduites devant la Haute Cour de Justice : Art.132.
Pour le renforcement du système consultatif :
L’institution d’un Conseil national des Collectivités locales : Art.135.
L’institution d’un Conseil Consultatif des Sénégalais de l’Extérieur : Art.137.
Pour le renforcement des instances de régulation au service du citoyen :
La détermination constitutionnelle du régime juridique des Autorités administratives indépendantes : Art 138.
L’institution d’une Autorité de Régulation de la Démocratie : Art.143.
La Constitutionnalisation de l’Organe de Régulation de la communication. Art.141.
La Constitutionnalisation du Médiateur de la République : Art. 139 et 141.
Pour la normalisation de la vie publique et des pratiques administratives :
Les limitations et le non cumul des mandats : Art. 76 al 4.
La fixation du nombre de députés : Art :80.
Les limitations du nombre de ministres : Art.76 al 5.
La Constitution prévoit et réglemente l’hypothèse d’une non-concordance entre les majorités présidentielle et parlementaire : Art.75.
Le certificat attestant l’aptitude physique et mentale du candidat à la présidence intègre le dossier de candidature : Art.59.
Limite supérieure de l’âge d’un candidat à la Présidence de la République : Art 58.
La réglementation constitutionnelle des conditions de recrutements d’agents publics et de nomination aux fonctions de direction de services nationaux, d’organismes du secteur parapublic et de nomination des autorités administratives indépendantes : Art.11.
La normalisation des cadeaux, dons et libéralités dans l’Administration publique Art.9 à 11.
La normalisation des titres et fonctions de ministre : Art.76.
La réaffirmation des principes de fonctionnement de l’Administration publique : Art.9.
La déclaration de patrimoine : Art.6 al 2 ; 62 ; 80 al 4 ; 107 al 8.
Pour le renforcement de la rationalité et de l’équité dans les budgets national et locaux.
Le dispositif de renforcement des finances locales (dotation collectivités locales) : Art.135.
L’évaluation par la Cour des Comptes du respect effectif des priorités sectorielles et le degré de réalisation des équilibres géographiques et en fait mention dans son Rapport annuel : Art. 104.
Pour la préservation des ressources naturelles et de l’environnement.
La fixation d’un contenu précis des obligations de l’État en matière environnementale : Art.41.
Les dispositions sur le foncier et les autres ressources naturelles : Art.15 à 18
I-1.RECOMMANDATIONS FINALES
La CNRI ayant fait le constat de l’ampleur des modifications qu’elle propose, recommande l’adoption d’une nouvelle Constitution au lieu d’une simple révision de celle en vigueur. Elle suggère la traduction de l’avant-projet de Constitution dans les langues nationales avant toute soumission au peuple.
Une partie des recommandations qu’elle a faites a trouvé traduction dans l’avant-projet de constitution qui a été élaboré.L’adoption des textes infra constitutionnels s’avère nécessaire pour rendre la loi fondamentale applicable dans son ensemble. La CNRI recommande en particulier et en priorité l’adoption des lois organiques sur le Conseil Supérieur de la Magistrature, la Cour constitutionnelle et l’Autorité de Régulation de la Démocratie. Cette dernière, mise en place, devra organiser des concertations avec la classe politique et les autres acteurs autour du mode de scrutin aux élections législatives pour qu’on ait, comme par le passé, des règles électorales consensuelles. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, la CNRI propose de donner suite à la volonté largement exprimée par les populations de suppression de la liste nationale, et de consacrer la mise en œuvre du scrutin majoritaire à deux tours à l’échelle des circonscriptions électorales (l’échelle du département ayant la préférence des citoyens).
Une deuxième partie des recommandations n’ayant pas vocation à figurer dans une Constitution nécessitera l’institution d’une Commission restreinte de suivi de leur mise en œuvre. Celle-ci sera chargée d’identifier les textes en vigueur qu’il convient de modifier à cette fin.
La CNRI a enfin noté que bon nombre de préoccupations récurrentes exprimées par les citoyens ne découlent pas toujours d’une absence de réglementation mais parfois d’un défaut d’application du cadre juridique qui existe. Elle en veut pour preuve la dilapidation décriée du patrimoine foncier ou les atteintes à la tranquillité publique. Elles découlent parfois d’un défaut de mise en place des mesures d’accompagnement nécessaires en termes de textes d’application ou de structure sans lesquels aucune effectivité n’est garantie.
En effet, la CNRI est partie du constat qu’en dépit du fait que le système foncier sénégalais est légalement dominé par le principe d’inaliénabilité des terres qui caractérise celles du domaine national et du domaine public de l’État, il y a dans la réalité une aliénation souvent illégale d’une partie non négligeable du patrimoine foncier au profit d’intérêts divers, parfois extérieurs au pays au risque de priver à long terme les paysans de terres et le Sénégal, des leviers essentiels de sa liberté et de son développement. L’inaliénabilité constitue une précaution contre les dilapidations éventuelles des patrimoines publics. Le simple respect de la loi qui aménage des techniques (ECUP ou immatriculation) et des garanties (utilité publique, indemnisations ou remboursement des impenses) et soumet à autorisation législative la vente des biens du domaine privé de l’État est de nature à préserver le patrimoine foncier. Il reste évident que les citoyens et collectivités concernés doivent être informés de tout acte ou opérations juridiques envisagées sur ces terres. La CNRI déplore le retard dans l’adoption des décrets d’application de la loi d’orientation agro-sylvo-pastorale en vigueur depuis 2004. Dans le même ordre d’idées la préoccupation liée à l’accès aux documents administratifs ne découle pas d’un vide juridique mais du fait que la Commission d’accès sur l’information administrative et la protection des données personnelles tarde à être fonctionnelle. En effet, aux termes de la loi n° 2006-19 du 30 juin et du décret n°2006-596 du 10 juillet 2006, les documents administratifs sont l’ensemble des documents reçus par les autorités administratives dans l’exercice de leur fonction, qu’ils soient nominatifs ou non nominatif. L’accès aux documents non nominatifs est libre et gratuit sauf quelques restrictions (sécurité de l’État, honneur des familles et des individus, etc.). L’accès aux documents nominatifs est libre et gratuit pour les ayants droits ; il est partiel pour les non ayants droits. Tout citoyen a droit d’accès aux documents nominatifs le concernant. La demande est faite auprès de l’autorité qui détient le document et qui est tenue de répondre dans les deux mois, soit par une réponse positive, soit par une réponse négative écrite et motivée. Si au bout de deux mois, aucune réponse implicite ou explicite n’est parvenue au demandeur, ou si la réponse ne lui paraît pas satisfaisante, il saisit la Commission d’accès sur l’information administrative et la protection des données personnelles tarde à être fonctionnelle.
S’agissant des atteintes à la tranquillité publique, la CNRI a noté que l’apathie des autorités étatiques n’est pas le résultat d’un défaut de base légale pour agir. Aux termes de l’article 129 du code des collectivités locales, les représentants de l'État exercent les pouvoirs de réprimer les atteintes à la tranquillité, telles que le tumulte excité dans les lieux d'assemblée publique, les attroupements, les bruits et rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique.
À suivre, l'intégralité du rapport ce samedi 16 décembre 2023.
LA COUR DE JUSTICE DE LA CEDEAO EXIGE LA LIBÉRATION DE BAZOUM
Mohamed Bazoum n’est pas libre de ses mouvements depuis le renversement de son régime par l’armée. Ce vendredi, la Cour de Justice de la CEDEAO a rendu un arrêt ordonnant sa libération ainsi que sa femme et son enfant.
Mohamed Bazoum n’est pas libre de ses mouvements depuis le renversement de son régime par l’armée. Ce vendredi, la Cour de Justice de la CEDEAO a rendu un arrêt ordonnant sa libération ainsi que sa femme et son enfant détenus à Niamey. La Cour appelle les putschistes à remettre en liberté le président élu à la tête du Niger en avril 2021 et ceci sans conditions.
En donnant raison aux avocats de Bazoum, la Cour qui siège à Abuja au Nigeria met encore plus la pression sur le Conseil national pour la sauvegarde de la Patrie (CNSP), qui a pris le pouvoir le 26 juillet grâce à un coup d’Etat militaire.
Avant ce verdict, la Cour avait rejeté la demande de levée de sanctions imposées au Niger par la CEDEAO.