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17 février 2025
Politique
par Mody Niang
ENCORE NON BACHIR, LE SÉNÉGAL N’EST PAS NÉ LE 24 MARS 2024
On nous rebat les oreilles avec les supposés écarts du nouveau pouvoir. Mais que dire des dérapages présidentiels depuis mars 1963 ? Que dire surtout de ces vingt-trois dernières années ?
Dans ma contribution publiée le 30 janvier dernier, j’annonçais qu’elle serait suivie d’une seconde, peut-être d’une troisième, pour administrer la preuve à Bachir Fofana, à Papa Malick Ndour comme à de nombreux autres du même acabit qui pensent comme eux que nous sommes loin, très loin d’être amnésiques et que personne ne peut nous faire croire, une seule seconde, que le Sénégal est né le 24 mars 2024. « Un président ne doit pas dire ça », « Un président ne doit pas faire ça », répétait-il souvent dans son « lundi » publié après la Conférence des Administrateurs et des Managers publics (CAMP) du 20 janvier 2025. Même si Bachir Fofana ne le sait pas, ou feint de ne pas le savoir, fermant hermétiquement les yeux et se bouchant les oreilles sur tout ce qui s’est passé depuis le 7 mars 1963 et, en particulier, depuis ce fameux 1er avril 2000, nous connaissons des présidents, en tout cas au moins deux présidents qui ont dit plus, qui ont dit pire ; qui ont fait plus, qui ont fait pire.
En conclusion de ma première contribution, je promettais aux lecteurs qui en avaient déjà une idée, avec les déclarations sur les Perrons de l’Élysée du vieux président-politicien, lors de son premier voyage en France, après le 1er avril 2000, qu’ils en auront bien d’autres après avoir lu la seconde contribution, c’est-à-dire celle-ci. Je commencerai par l’ancien président-politicien avant de revenir sur son prédécesseur et sosie. Combien de fois, pendant douze ans, a-t-il dit ce qu’un président de la République ne doit pas dire, et fait ce qu’il ne doit pas faire. Premier ministre déjà, il votait sans carte d’identité à Fatick.
Je pourrais me contenter d’une seule de ses déclarations, que pratiquement tout le monde se rappelle d’ailleurs et qu’aucun président d’un pays sérieux n’ose faire, celle-ci : « Si je n’avais pas mis mon coude sur les dossiers que j’ai sur mon bureau, beaucoup de gens iraient en prison ». Naturellement, dès le lendemain, les commentaires sont allés bon train et dont bon nombre ne le ménageaient pas. Il comprenait alors qu’il avait commis une bévue et a voulu se corriger mais en en commettant une plus grosse encore. « Je ne parlais pas de tous les dossiers mais de celui Sindiély Wade seulement car, je ne peux pas envoyer en prison en même temps le frère et la sœur ». Donc, c’est lui qui décide de l’envoi ou non des gens en prison. Comme Bachir Fofana nous prend pour ce que nous ne sommes, je rappelle qu’il s’agissait du lourd dossier du FESMAN où Sindiély était gravement mise en cause. Le lendemain d’ailleurs ou le surlendemain, j’ai publié une contribution qui avait pour titre « Et s’il est établi que le frère et la sœur sont tous les deux des voleurs ! », Sud quotidien du 12 février 2014.
Bachir, un président peut-il dire ça, un président vraiment digne de la fonction ? Où étiez-vous, vous et les autres qui pensent comme vous ? Le président Bassirou Diomaye Faye a vraiment bon dos. Des bêtises – je ne peux les appeler qu’ainsi –, l’ancien président-politicien en a dit bien d’autres ? Je rappelle seulement, en campagne électorale pour le référendum de mars 2016, au grand Théâtre Doudou Ndiaye Coumba Rose, il a dit, en direction de la pauvre opposition : « Que cela vous plaise ou non, vous supporterez ma politique ! ». Un président de la République peut-il se permettre de dire ça, et sans état d’âme ? Oubliait-il qu’il tirait son pouvoir de gouverner de la constitution, comme l’opposition celui de s’opposer ? Vous a-t-on entendu ou lu à l’époque, vous comme les autres qui prennent plaisir à tirer à boulets rouges sur le président Diomaye et son Premier ministre ?
Dans son même « lundi », Bachir Fofana répète qu’« un président ne doit pas faire ça », mettant naturellement en cause le président Diomaye Faye dans son introduction de la CAMP. Bachir n’a d’yeux et d’oreilles que pour lui et son Premier ministre. Pourtant, des présidents, plus exactement l’ancien président-politicien et son prédécesseur et sosie ont fait pire, si toutefois Diomaye a fait
Des « hauts faits d’armes » du premier, je retiendrai seulement quelques-uns. On se rappelle le comportement inacceptable de l’ancien ministre Moustapha Diop envers les magistrats de la Cour des Comptes. Le président de la Commission des Comptes et de Contrôle des Entreprises et ses collègues se sont rendus au siège du Fonds de Promotion d’Entreprenariat féminin « pour rencontrer le staff et lui présenter le programme de travail de la vérification conformément à leur mission ». Informé de la présence des enquêteurs, Moustapha Diop, alors Ministre délégué auprès du ministre de la Femme, de l’Enfant et de la Famille, chargé de la Microfinance et de l’Économie solidaire, s’invite à la réunion. Le Président de la commission lui fait alors remarquer que sa présence ne s’imposait pas du fait que ce n’était qu’une réunion de prise de contact.
Le ministre délégué, qui n’a certainement pas apprécié les mots du président de la Commission, entre dans une colère noire et s’adresse alors à ses « invités » en ces termes vigoureux : « Vous êtes de petits magistrats de rien du tout, payés pour me déstabiliser ». Et il ne s’arrête pas en si bon chemin, selon le journal Léral net du mardi 15 juin 2015 qui rend compte de l’événement. « Vous ne faites pas partie des magistrats de la Cour des comptes, mais de la Cour de règlement de comptes », leur lança-t-il, avant de les mettre dehors sans autre forme de procès.
Le président de la Commission et ses collègues naturellement très en colère, s’en ouvrent au président de la République et exigent une sanction sévère contre le ministre délégué ? Pour toute réponse, l’ancien Président-politicien leur présente publiquement les excuses de son ministre. Monsieur Bachir Fofana, un président de la République digne de la fonction doit-il vraiment faire ça ? Où étiez-vous à l’époque, vous et les autres qui pensent comme vous ? Vous a-t-on alors entendus ou lus ?
Ce n’est pas tout Monsieur Fofana. Pendant qu’il était le Directeur général du COUD, Cheikh Oumar Hane a fait l’objet d’une enquête par l’Ofnac, vérification qui a abouti à un lourd dossier. Le 31 décembre 2018, si mes souvenirs sont exacts, après son message à la Nation, l’ancien président-politicien répondant à des journalistes, a pris publiquement sa défense alors que son dossier était entre les mains du Procureur de la République. Il est allé plus loin en reprochant à l’OFNAC d’avoir outrepassé ses prérogatives. Ce n’est pas tout. L’OFNAC fait en général des recommandations dans ses rapports d’activités. Dans celui de l’année 2014-2015, sa première recommandation était celle-ci ; « Relever de ses fonctions le Directeur du Coud pour entrave à l’exécution normale d’une mission de vérification et prendre toutes les mesures utiles pour qu’il ne lui soit plus confié la responsabilité de diriger un organisme public. »
Que s’était-il passé ? Les enquêteurs, après avoir bouclé leur mission, se sont rendu compte que ce qui se passait au Coud en matière de gestion scandaleuse, était encore bien plus grave que ce que dénonçait la plainte qui justifiait cette première mission. Un second ordre de mission chargea alors de nouveaux enquêteurs de poursuivre le travail. Cheikh Oumar sachant que ce qui l’attendait était plus grave encore, s’opposa catégoriquement à l’exécution de cette nouvelle vérification, en allant jusqu’à menacer le premier responsable des enquêteurs et à accabler la présidente de l’OFNAC d’alors de tous les péchés d’Israël.
Bachir, et vous tous et vous toutes qui pensez comme lui, imaginez-vous ce qui allait se passer malgré son lourd dossier qui dormait d’un sommeil profond sur la table du Procureur de la République et cette recommandation de l’OFNAC qui l’accablait ? Trois à quatre mois plus tard, Cheikh Oumar Hane est nommé, contre toute attente, Ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. Bachir, un président sérieux doit-il faire ça ? Vous êtes-vous fait entendre à l’époque, vous comme les autres ? Bachir, nous n’accepterons jamais qu’on fasse table rase de tout ce qui s’est passé pendant vingt-quatre longues années de nauséabonde gouvernance et nous enfermer dans les neuf mois des nouveaux gouvernants.
Et ces quelques exemples que j’ai pris sur l’ancien président-politicien ne sont que des peccadilles, comparés aux mille scandales qui ont jalonné sa nébuleuse gouvernance. Il en sera ainsi des exemples que je prendrai sur son prédécesseur et sosie, dans la prochaine contribution, celle-ci étant déjà longue ? En attendant, je rassure Bachir Fofana : ce n’est point sa personne qui m’intéresse, mais ce qu’il dit et écrit sur la gouvernance en cours depuis le 2 avril 2000. Des amis m’ont fait cas d’injures dont je serais la cible depuis la parution de ma première contribution. Heureusement que je ne lis pas de tels commentaires. Mais l’un de mes amis m’a fait parvenir par WhatsApp une vidéo où Bachir Fofana s’en prend sévèrement à ma personne. J’ai fait quand même les efforts nécessaires pour l’écouter. Voici ce qu’il dit de moi en walaf « Boo nekke ci deukk, te yaw xamoó sa bopp, tekki woó dara, Senegaal lifiy problèmes lepp, Senegaal lifiy problèmes lepp, mu man cee waxtaan, loola lepp mu teg kofa, ne ci bachir Fofana mu amul solo mii rek, lay wax. » Traduit en français, son discours donne : « Si tu vis dans un pays, en ignorant qui tu es vraiment, un pays où tu ne signifies rien, au lieu de te préoccuper du Sénégal qui en a tant besoin, tu fais de Bachir Fofana ta cible ». Il me remercie pour avoir publié une longue contribution avec pour titre : « Qui est ce Bachir Fofana ? » Il devait vraiment être hors de lui ; il ne retient même pas le titre de ma contribution qui est celui-ci : « Pour qui nous prend-il vraiment, ce Bachir Fofana ? » Deux titres totalement différents. Encore une fois, ce n’est pas sa personne qui m’intéresse.
L’animatrice de l’émission entre en jeu et dit : « Mody yaw la ame temps yi de ». Depuis ces temps derniers, tu es la cible de Mody, dit-elle. Certainement, elle n’a même pas lu la contribution. Un autre, un de ces « chroniqueurs » d’une télévision que je ne nomme pas, se fait entendre en posant une question : « C’est Mody qui a été condamné avec Papa Alé ? Oui, s’empresse de répondre Bachir : pour diffamation. Ils parlaient effectivement de la plainte de Cheikh Oumar contre Papa Alé et moi, Pape pour avoir publié un livre basé sur son lourd dossier de l’Ofnac moi, pour avoir préfacé le livre et y avoir qualifié sa gestion de scandaleuse ? Nous avons été effectivement condamnés en première instance et nos avocats avaient naturellement interjeté appel. L’audience s’est tenue il y a moins de deux mois et nous attendons la délibération. Comme Bachir Fofana et ses co-animateurs ignorent presque tout de la plainte, je leur apprends qu’elle date de février 2020 ?
Je précise bien en février 2020. Le 16 mars 2018, donc deux ans avant la plainte, j’ai publié une contribution à deux quotidiens : Walfadjri et La Cloche. Elle avait pour titre : « Communiqué de presse du Directeur général du Coud : un tissu de contrevérités ». C’était pour démentir catégoriquement la totalité d’un communiqué qu’il avait publié deux jours auparavant. La contribution est longue de cinq (5) pages où je mets en évidence tous les scandales qui ont jalonné sa gestion du Coud. Je supplie Bachir de faire l’effort de lire la contribution. Il comprendra, s’il est honnête, que je n’ai diffamé personne et devrait se poser aussi la question de savoir pourquoi ce M. Hane a attendu deux longues années pour porter plaine contre moi, parce que simplement j’avais préfacé un livre et traité sa gestion de scandaleuse ? Enfin je rappelle à Bachir que j’ai travaillé sur le dossier M. Hane, en ma qualité de Conseiller spécial de la présidente de l’Ofnac d’alors, Mme Nafy Ngom Kéïta, chargé de la lutte contre la corruption dans le système éducatif sénégalais. Je n’avais pas encore démissionné.
Bachir, j’arrête cette contribution ici. La troisième vous causera sûrement plus de soucis mais, dans tout ce que j’écrirai, vous ne lirez pas un seul mot qui fera penser à une injure. Moi, j’ai horreur des injures et préfère de loin les arguments.
LES EXCLUS DE LA RÉPARATION
Alors que le gouvernement verse une deuxième enveloppe aux ex-détenus politiques, les autres victimes des violences de 2021-2024 attendent toujours. Stations-service, commerces, banques : les pertes se chiffrent en centaines de milliards de francs CFA
Ousmane Sow et Bocar Sakho |
Publication 05/02/2025
Le gouvernement a amorcé le processus d’indemnisation des victimes des violences politico-judiciaires survenues entre 2021 et 2024. La mesure continue de soulever controverses et polémiques, du fait d’une sélection qui met à l’écart d’autres impactés par ces évènements. Pour l’instant, aucune compensation n’a été proposée aux gérants de stations-service, qui ont vu leurs matériels de service cassés et brûlés par des pillards. Les vendeurs, les banquiers, itou. Sans parler des grandes surfaces.
Le versement d’une nouvelle enveloppe financière aux ex-détenus et victimes politiques de 2021-2024 continue d’alimenter la polémique et de soulever des interrogations. Pour les autres, il leur faut encore patienter pour espérer un soutien de l’Etat, après avoir vécu des journées mouvementées avec des investissements réduits en cendres.
Pillages, incendies, destruction de matériels et de documents comptables… les pertes sont colossales. Pourtant, malgré l’arrêté ministériel n°017450 instaurant une commission d’indemnisation dédiée, aucune compensation ne leur a été proposée. «On n’a pas été contactés par rapport aux indemnisations», déplore Ibrahima Fall, Secrétaire général de l’Association des gérants de stations-service du Sénégal. Et d’ajouter : «On a appris par voie de presse que le gouvernement est en train d’indemniser les gens.» Mais ce n’est pas tout, parce que les pertes ne sont pas prises en charge par les compagnies d’assurance. Ces dernières avancent que les saccages de ces stations relèvent d’une situation d’émeute, «ce que les assurances des stations d’essence ne couvrent pas», déplore M. Fall. Un constat amer, alors même que l’Etat affiche sa volonté de réparer les préjudices causés par les manifestations. Un sentiment d’être abandonnés. Oubliés ! Pour ces professionnels des hydrocarbures, il ne s’agit pas seulement d’une question financière, mais d’une reconnaissance de leur statut de victimes. «Comme j’ai tendance à le dire, le Sénégal en entier a été témoin de cette situation. On a été victimes et s’il y a lieu de rembourser des victimes, nous devons faire partie de ces gens que l’on indemnise», insiste Ibrahima Fall.
Les gérants de stations-service laissés pour compte
Les chiffres avancés par l’association sont vertigineux : 1,102 milliard de francs Cfa de pertes sur un nombre de 54 stations saccagées, toutes enseignes confondues. Même si la marque française, Total, a été la plus affectée. Un manque à gagner considérable pour un secteur stratégique, qui peine à se relever depuis ces épisodes de violences, notamment du 1er et 2 juin 2024, suite à la condamnation à deux ans de prison ferme de Ousmane Sonko, leader du parti Pastef. Cependant, face à cette situation, Ibrahima Fall et Cie ont tenté d’interpeller les nouvelles autorités, en l’occurrence le ministre du Pétrole et du gaz et le Premier ministre, à travers des courriers officiels. En vain. «On a eu à perdre 1,102 milliard de francs Cfa sur 54 stations d’essence toutes marques confondues. Des courriers ont été adressés aux autorités étatiques. Aucune réaction à ce jour, et nous attendons la réponse», regrette Ibrahima Fall. Assurément, le processus mis en place par le régime pour indemniser les victimes des manifestations semble déjà susciter des interrogations quant à son équité. Maintenant, pour ces entrepreneurs, la suite des événements pourrait bien dépendre de la réaction des autorités. «C’est la suite qui déterminera la conduite à tenir», prévient le Secrétaire général de l’association.
Et les victimes anonymes aussi
Il y a des centaines voire des milliers de personnes anonymes, qui ont perdu leurs investissements lors de ces pillages. Un jeune entrepreneur, qui avait investi des millions dans le commerce d’électroménager, a du mal à se relever : «J’avais perdu plus de 5 millions F Cfa. Je vendais des téléphones et j’ai du mal à relancer mon business. Jusqu’ici, je n’ai reçu aucune compensation de l’Etat. On est oubliés, et les gens privilégient les acteurs politiques.» En tenant à préserver son anonymat, il pense garder intactes ses chances d’être pris en compte en cas d’indemnisation. «J’ai peur des mesures de rétorsion. C’est pour cela que nombre d’entre nous préfèrent garder le silence. Mais, je trouve que les véritables victimes ne sont pas encore assistées.»
L’assistance est le mot utilisé comme un euphémisme pour évoquer le versement d’une deuxième enveloppe financière aux supposés ex-détenus politiques. «Après les pillages de 2023, il ne me restait plus rien. On a tous attendu un appui de l’Etat pour relancer nos activités, mais rien jusque-là. Il n’y a eu aucun contact avec les autorités», ajoute un commerçant dont la boutique a été pillée en 2021. Que faire ? «Je ne sais pas ! On espère que l’Etat va se manifester en indemnisant tout le monde. Sinon, ce serait une énorme injustice, surtout que les personnes pour lesquelles ces évènements ont eu lieu sont au pouvoir. Je ne comprendrai jamais ce deux poids deux mesures», assure-t-il.
Jusqu’ici, aucun bilan exhaustif n’a été fait pour quantifier les pertes. Au lendemain des évènements de juin 2023, le président du Conseil national du patronat (Cnp) assurait qu’il était «incompréhensible que l’entreprise continue d’être ciblée, saccagée, pillée (…) en raison de différends politiques». Baïdy Agne parlait de «centaines de milliards» de francs Cfa de pertes avec un secteur très fortement touché. «Nous avons eu 14 banques impactées à travers 31 de nos agences, essentiellement dans la banlieue», déplorait à l’époque Bocar Sy, président de l’Association professionnelle des banques et établissements financiers du Sénégal (Apbefs). «Nous avons assisté à des actes de dégradation que rien ne justifie.»
Quid de la non-indemnisation ? Il faut rappeler que le gouvernement, après l’octroi d’un premier versement de plus de 108 millions aux ex-détenus et victimes politiques de 2021-2024, le ministère de la Famille et des solidarités a annoncé une nouvelle série de mesures la semaine dernière, à savoir l’octroi de 10 millions de francs Cfa à chaque famille de personne décédée, en plus de l’admission des orphelins mineurs au statut de Pupilles de la Nation.
Selon les données partagées par le ministère de la Famille, il y a 2172 ex-détenues et victimes, et 79 décès qui ont été répertoriés. En attendant la fin des investigations qui se poursuivent au niveau de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (Ansd).
KHALIFA PREND LA TÊTE DU FRONT POUR LA DÉFENSE DE LA DÉMOCRATIE
Le Front pour la défense de la démocratie a été porté sur les fonts baptismaux. Selon Les Échos, qui donne l'information, il regroupe «beaucoup de partis politiques et de mouvements» de l'opposition sénégalaise.
Le Front pour la défense de la démocratie a été porté sur les fonts baptismaux. Selon Les Échos, qui donne l'information, il regroupe «beaucoup de partis politiques et de mouvements» de l'opposition sénégalaise.
Ce nouvel organe entend «faire face» au tandem «Diomaye Faye - Ousmane Sonko», fixent les adhérents.
Ces derniers ont porté leur choix, à l'unanimité, sur le leader de Taxawou Sénégal, Khalifa Sall, comme coordonnateur. Le candidat malheureux à la Présidentielle du 24 mars dernier, souffle le journal, «a été ovationné» par les membres, lors de son installation.
« LA NOUVELLE RESPONSABILITÉ » CONTRE-ATTAQUE
Le camp de l’ancien Premier ministre et candidat malheureux à la dernière présidentielle ne compte pas laisser son leader seul face à la supposée demande de levée de son immunité parlementaire, annoncée par certains médias
Le camp de l’ancien Premier ministre et candidat malheureux à la dernière présidentielle ne compte pas laisser son leader seul face à la supposée demande de levée de son immunité parlementaire, annoncée par certains médias. Face à la presse hier, mardi 04 février 2025, « La Nouvelle Responsabilité » a dénoncé une « tentative manifeste de liquidation politique » de son patron avant d’annoncer une tournée nationale dans les prochains jours pour s’adresser aux Sénégalais.
La Nouvelle Responsabilité (NR) fait bloc autour de son leader de parti Amadou Ba, ancien Premier ministre du Sénégal, candidat sorti en seconde position à la dernière élection présidentielle en février 2024 mais aujourd’hui sous la menace d’une supposée demande de levée de son immunité parlementaire que projetterait Dame Justice.
En point de presse tenu hier, mardi 04 février 2025, « La Nouvelle Responsabilité » dit avoir appris avec surprise « l’hypothétique demande de levée de l’immunité parlementaire du député Amadou Bâ ».
Selon Cheikh Oumar Hann et les autres membres de la N R, « il s’agit d’une manœuvre visiblement orchestrée par le régime en place, visant à museler les voix discordantes de l’opposition ». Le parti de l’ancien chef du gouvernement a estimé dans la foulée que cette information, relayée dans les médias, ne peut en aucun cas « prouver qu’Amadou Bâ a été épinglé par un rapport ». « C’est un instrument de règlement de comptes, une tentative manifeste d’élimination d’hommes politiques. Ils cherchent à décrédibiliser les figures de l’opposition et à faire taire toute dissidence par des menaces judiciaires. Cette manœuvre est vouée à l’échec », a déclaré Moïse Sarr, qui a lu le communiqué de la Nouvelle Responsabilité.
Par suite, il a appelé toutes les forces vives de la nation ainsi que la communauté internationale à se mobiliser contre cette « forfaiture ». « Nous avons subi plusieurs attaques, mais nous avions jugé inopportun d’y répondre. Cependant, il est parfois nécessaire de clarifier les choses, et nous avons estimé crucial d’alerter l’opinion sur ce qui se trame». Une tournée nationale est annoncée dans les prochains jours par le parti de Amadou Ba afin de s’adresser aux Sénégalais et d’éclairer surles tenants et aboutissants de cette affaire.
L’OPPOSITION ENTRE PRAGMATISME ET RÉSIGNATION
Après la défaite cinglante aux législatives anticipées, les partis traditionnels tentent de s'unir pour survivre. Une nouvelle coalition se dessine, rassemblant l'APR, la Ligue Démocratique et d'autres formations historiques. Le défi s'annonce colossal
Le nouveau régime jouit d’une légitimité incontestable matérialisée par ses victoires spectaculaires à la présidentielle de 2024 et aux législatives anticipées qui ont suivi. Depuis, il est difficile pour l’opposition de revenir au-devant de la scène politique. aujourd’hui, elle est obligée de faire un bloc ou de disparaître.
Il faut avoir beaucoup de cran pour affronter le nouveau régime incarné par Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko. Ces derniers jouissent d’une légitimité incontestable avec pratiquement 55% de l’électorat sénégalais.
Aimés par les masses populaires, les leaders Patriotes ont une bonne assise politique sur toute l’étendue du territoire. Et il serait extrêmement difficile que des systèmes de contrepouvoir les décrédibilisent aux yeux de l’opinion. Parce que tout simplement, les gens leur accordent un délai de grâce. Mieux, ils n’ont pas encore commis d’erreurs monumentales, impardonnables.
Tout ceci étant, l’opposition aura du mal à faire vaciller l’actuel régime. La preuve, aux dernières élections législatives, une large coalition de l’opposition a vu le jour avec des partis comme l’APR, et Rewmi. Cette plateforme appelée “bloc des libéraux et démocrates” (BLD) - Takku était composée de 40 membres particulièrement des partis et autres mouvements nés des flancs du Parti démocratiquement sénégalais (PDS). A noter que celui-ci n’y faisait pas partie. La stratégie de l’opposition à l’époque, c’était de créer des blocs d’opposition au gouvernement, d'abord idéologiques et ensuite plus tard de blocs électoraux en direction des élections législatives. C’est ainsi qu'à la veille des élections législatives, la coalition dirigée par le PDS dénommée Wallu a noué une alliance avec BLDTakku. Malgré cela, PASTEF les a battus à plate couture aux législatives anticipées de novembre 2024.
Aujourd’hui, l’opposition essaye encore de former un nouveau bloc pour faire face au pouvoir. Le journal “Les Echos” a annoncé lundi dernier la création prochaine d’un nouveau front de l’opposition réunissant le bloc libéral conduit par l’Alliance pour la République (APR), des partis de gauche dont la Ligue Démocratique (Ld) et le Parti International du Travail(PIT) mais aussi Taxawu Sénégal, le Parti socialiste (PS) et l’Alliance des Forces progrès (AFP). Non sans préciser que le PDS ne fera pas partie de ce front.
FPDR, Mankoo wattu Senegal, FRN : ces coalitions politiques sous Macky Sall
Quoi qu’il en soit, l’opposition est obligée de faire bloc au risque de périr. Surtout que le nouveau régime a démarré la traque des membres de l’ancien régime. Une plateforme politique solide permettrait ainsi de riposter politiquement sur le terrain et d’allumer des contrefeux. Ces derniers consistent à épier de près la gouvernance du régime pour exploiter politiquement la moindre faille. Seul hic, on se demande si tous les membres de cette coalition accepteront de mener la riposte en ce qui concerne la traque lancée par le régime Diomaye.
En tout cas, des organisations de ce genre ne sont pas nouvelles sous les cieux sénégalais. Sous Macky Sall, dès la prise de pouvoir, de nombreuses coalitions politiques avaient vu le jour. On se rappelle le Front Patriotique pour la Défense de la République (FPDR) et plus tard Manko Wattu Sénégal. Cette dernière avait d’ailleurs réussi à imposer dans l’espace public le débat sur le caractère léonin de certains contrats pétroliers et gaziers signés entre le Sénégal et des sociétés étrangères. Dans une lettre ouverte, la plateforme politique avait interpellé à l'époque le président Macky Sall à faire toute la lumière sur l’implication de son frère dans l’affaire de la découverte du pétrole et du gaz. On se rappelle également le Front de résistance nationale (FRN) qui regroupait les grands partis de l'opposition, des mouvements citoyens, et des organisations sociales. Le FRN combattait principalement le parrainage citoyen. Non sans s’attaquer au bilan de Macky Sall en termes de gouvernance.
L’AMNISTIE SOUILLÉE ?
La décision du gouvernement d'accorder une enveloppe de 5 milliards de Fcfa en guise d’assistance financière aux ex détenus et aux autres victimes des manifestations politiques de la période 2021 à 2024 suscite des vagues dans l’espace public
La décision du gouvernement d'accorder une enveloppe de 5 milliards de Fcfa en guise d’assistance financière aux ex détenus et aux autres victimes des manifestations politiques de la période 2021 à 2024 suscite des vagues dans l’espace public. Elle semble souiller la loi d’amnistie souhaitée par Sonko et compagnie.
5 milliards FCFA. C'est l'enveloppe que le gouvernement a décidé de casquer pour apporter une assistance aux 2 172 ex-détenus et aux 79 victimes des manifestations politiques de mars 2021 à février 2024. Ainsi, chaque famille de personne décédée va recevoir 10 millions de FCFA. A cette enveloppe, il sera assorti entre autres mesures de l'admission au statut de pupille de la Nation pour les orphelins mineurs. La famille va avoir accès aux bourses de sécurité familiale, à une couverture sanitaire universelle, une carte d’égalité des chances. Une allocation de 500 000 francs sera aussi accordée pour les ex-détenus. Cette batterie de mesures entérinées par le Gouvernement par le biais de la ministre des Solidarités intervient après une controverse sur une somme de 108 millions de Fcfa qui a été accordée à d’“ex-détenus politiques” qui réclamaient un processus d'indemnisation inclusif, transparent et équitable. Cette assistance accordée aux victimes suscite une levée de boucliers. « Dans un État de droit, toute indemnisation découle de l'existence d'un responsable et d'une victime dûment identifiés par une décision de Justice», a constaté l'ancien ministre d'Etat sous Abdoulaye Wade, Babacar Gaye qui se demande : «Par quelle gymnastique, en l'absence de décision judiciaire à laquelle une telle mesure doit être adossée, l'Etat devrait-il verser aux militants de Pastef autant d'argent tiré des deniers publics ?».
Dans le même registre, le magistrat démissionnaire, Ibrahima Hamidou Dème, s'inquiète de son côté d'une “patrimonialisation de l’Etat”. Il constate que le clientélisme tant décrié ces dernières années, persiste de plus belle avec la gouvernance Pastef. L’Etat de droit, selon lui, c’est avant tout la soumission de l’Etat à la loi. Or, fait remarquer Ibrahima Hamidou Dème, aucune loi, aucune jurisprudence ni même aucune logique ne peut justifier que des personnes poursuivies par la justice bénéficient de la qualité de victimes et soient indemnisées sans décision judiciaire
Dans le même ordre d'idées, Me Moussa Diop dénonce une procédure en porte-à-faux avec les règles de bonne gouvernance. “La bonne gouvernance dans la Rupture voudrait qu'une indemnisation des victimes avec des deniers publics soit faite par voie judiciaire et non politique. Ce qui se fait est en porte-à-faux avec ce pourquoi nous nous battions. Allons-y directement vers l'abrogation promise de la loi d'amnistie avec une Assemblée nationale mécanique et sans fuite en avant pour identifier les véritables victimes qui ne se limitent pas à des militants du Pastef”, a-t-il noté.
QUID DE LA REVISION PARTIELLE ANNONCEE DE LA LOI SUR L’AMNISTIE ?
Du côté du pouvoir, le député Amadou Ba, membre de la mouvance présidentielle Pastef, a fait une précision. Selon le juriste, les familles endeuillées, les blessés et les ex détenus vont recevoir une assistance et non une indemnisation. Cette indemnisation viendra, dit-il, avec le règlement définitif de la loi d’amnistie
Dans un post, l'ancienne Première ministre de Macky Sall devenue alliée du Pastef a partagé son avis tranché sur la question. D'après Aminata Touré, aucune indemnité ne sera jamais suffisante pour effacer la douleur d’une mère qui a perdu son enfant. À l'en croire, l’Etat ne fait que reconnaître cette peine par une compensation financière symbolique. Elle a enfin demandé à ce que “les responsables de ces tueries soient traduits en Justice”
«J'invite l'Etat à revoir sa méthode”, a déclaré, hier, Boubacar Seye, membre du collectif des victimes des émeutes politiques, sur le micro de nos confrères de la chaîne 7tv. Il faut dire que le dossier des émeutes politiques de mars 2021 à mars 2024 fera tache. Et sa gestion par les nouvelles autorités sera scrutée de près. Car, le parti au pouvoir Pastef alors dans l'opposition, en apportant ses soins aux manifestants, avait de facto, revendiqué leur appartenance dans sa formation politique. Toutefois avec son arrivée au pouvoir, la formation des “Patriotes” semble être prise dans leur propre jeu politique.
Donc, le soubassement du dossier est éminemment politique. C'est pourquoi, le président du Pastef, Ousmane Sonko, s'était engagé à rendre justice aux victimes et aux détenus. Outre l'assistance apportée aux manifestants, il avait, en ce sens, décidé d’abroger la loi sur l’amnistie votée en mars 2024 couvrant les faits liés aux violentes manifestations politiques dans la période de mars 2021 à février 2024. Mais, lors de sa déclaration de politique générale, le 27 décembre 2024, à l’Assemblée nationale, le patriote en chef du Pastef avait varié sur sa position. Il avait fait état d'un projet de loi rapportant la loi d'amnistie. D'ailleurs, lors de la séance devant les députés, il était obligé de s'expliquer sur l'utilisation du verbe rapporter plutôt qu'abroger. Sonko a estimé qu'elle découle de la volonté d'extirper de la loi, ce qui ne doit pas en faire partie.
Toujours est-il que la méthode du gouvernement risque de souiller la procédure. Puisqu’en décidant d'accorder une réparation aux victimes et ex détenus avant même que la justice ne se prononce sur les faits pour lesquels ils ont été poursuivis, le Pouvoir s'est emmêlé les pinceaux.
DES DÉPUTÉS DANS LE CHAMP DU ZIRCON
Une délégation de députés des régions de Ziguinchor et de Sédhiou s’est rendue à Abéné ce lundi, afin d’évaluer les conditions d’exploitation du zircon.
Une délégation de députés des régions de Ziguinchor et de Sédhiou s’est rendue à Abéné ce lundi, afin d’évaluer les conditions d’exploitation du zircon. Cette visite de terrain, qui s’inscrit dans le cadre de l’évaluation des politiques publiques, a permis aux parlementaires de recueillir des informations sur les impacts de cette activité minière sur les populations locales.
Le député de Ziguinchor, Bakary Diédhiou, a rappelé que l’article 25 de la Constitution stipule que les ressources naturelles appartiennent au peuple. « Au-delà du vote des lois et de l’évaluation des politiques gouvernementales, notre mission inclut également le contrôle de la gestion des ressources publiques. Nous sommes ici pour nous enquérir des conditions d’exploitation du zircon et voir ce que les populations en tirent comme bénéfices », a-t-il déclaré.
Accompagné de ses collègues députés Ousmane Sonko, Chérif Ameth Dicko, Oulimata Sidibé et Jacqueline Sagna, Bakary Diédhiou a également souligné l’importance des consultations publiques avant toute exploitation. « Nous sommes heureux de constater que des audiences publiques ont été organisées et que la majorité des habitants s’est prononcée en faveur de l’exploitation du zircon », a-t-il ajouté.
L’entreprise G-Sand, titulaire de la licence d’exploitation, a déjà initié certaines actions en faveur des communautés locales. En guise de contribution à leur bien-être, elle a récemment offert une ambulance médicalisée ainsi que 200 lampadaires solaires aux habitants d’Abéné.
Cette visite a été marquée par la participation du maire de Kafountine, David Diatta, ainsi que des populations riveraines, qui ont exprimé leurs attentes et préoccupations concernant l’exploitation minière et son impact sur leur cadre de vie.
Les députés ont promis de poursuivre leur travail de suivi afin de s’assurer que les retombées économiques de l’exploitation du zircon profitent équitablement aux populations locales et que les engagements en matière de développement durable soient respectés.
LE RÉQUISITOIRE D'AMADOU SALL
"Personne ne l'a consulté, pas même les députés qui ont voté la levée de l'immunité de Farba Ngom", dénonce l'avocat à propos du rapport de la Centif. Des irrégularités qui, selon lui, établissent le caractère politique de l'affaire
(SenePlus) - Dans un entretien accordé à Jeune Afrique, El Hadj Amadou Sall, ancien ministre de la Justice sous la présidence d'Abdoulaye Wade, dresse un tableau préoccupant de la situation judiciaire au Sénégal. L'avocat, qui défend aujourd'hui plusieurs responsables politiques proches de l'ancien président Macky Sall, s'inquiète d'une dérive autoritaire du nouveau pouvoir.
Au cœur de ses préoccupations, l'affaire Farba Ngom cristallise les tensions. Ce député proche de l'ex-président Macky Sall a vu son immunité parlementaire levée le 24 janvier par l'Assemblée nationale, avec 130 voix sur 165. Une procédure que Me Sall qualifie de "véritable cabale" et d'"inadmissible instrumentalisation politique des institutions judiciaire et parlementaire pour liquider un adversaire politique."
L'avocat rappelle les propos tenus par l'actuel Premier ministre Ousmane Sonko durant la campagne électorale : "Il a publiquement et ouvertement menacé Farba Ngom, en affirmant qu'il fera tout ce qui est en son pouvoir pour qu'il soit définitivement inéligible", relate Me Sall à Jeune Afrique. Une promesse qui, selon lui, trouve aujourd'hui sa concrétisation.
Les irrégularités de procédure relevées par l'ancien garde des Sceaux sont nombreuses. Il pointe notamment l'absence du fameux rapport de la Centif (Cellule nationale de traitement des informations financières) sur lequel reposerait l'accusation de blanchiment de 125 milliards de F CFA. "Personne ne l'a consulté, pas même les députés qui ont voté la levée de l'immunité de Farba Ngom", dénonce-t-il auprès du magazine panafricain.
Le climat politique semble particulièrement tendu. Me Sall, qui dirige le Collectif des avocats républicains, dénonce des "interdictions systématiques de sortie du territoire" frappant les responsables de l'ancienne administration. Des mesures qu'il qualifie d'"administratives, donc illégales puisqu'elles n'ont jamais été ordonnées par une autorité judiciaire", précise-t-il à JA.
Sa critique est particulièrement acerbe envers les nouvelles autorités : "Lorsqu'elles étaient dans l'opposition, elles maîtrisaient l'art de l'invective, de l'outrage, des excès et de la violence, tant verbale que physique. Aujourd'hui, aucune critique n'est permise", déclare-t-il au magazine. Plus grave encore selon lui : "Elles cherchent à réduire au silence tous ceux qui parlent un langage différent en les mettant au cachot. C'est devenu un substitut au débat d'idées."
Quant au Pool judiciaire financier (PJF), récemment mis en place et qui revendique le traitement de 91 dossiers, l'ancien ministre reste sceptique. Pour lui, l'efficacité de la lutte contre la corruption ne peut être garantie que "lorsque l'autorité politique n'intervient pas pour diriger les actions répressives contre des opposants et lorsque les juges exercent leur devoir en toute liberté et dans la totale indépendance." Dans le cas contraire, prévient-il dans les colonnes de Jeune Afrique, "l'instrumentalisation de la justice creusera la tombe des valeurs républicaines."
LES PARENTS PAUVRES
Souvent présentées comme les mauvais et les méchants, les hommes de main de politiciens sans foi ni loi, les forces de défense et de sécurité prennent de plus en plus la parole et laissent paraitre leur galère et leur amertume
Souvent présentées comme les mauvais et les méchants, les hommes de main de politiciens sans foi ni loi, les forces de défense et de sécurité prennent de plus en plus la parole et laissent paraitre leur galère et leur amertume.
Elles ont eu le rôle le plus ingrat. Risquant leurs vies de jour comme de nuit, exposant leurs familles pour, à l'arrivée, ne récolter que mépris et injures, indexées d'être les complices des pourfendeurs de la démocratie. Elles, ce sont les forces de défense et de sécurité, celles-là qui ont été en première ligne durant toute la crise qui a secoué le pays, entre 2021 et 2024. À la faveur de l'émission de la RFM dénommée ‘’FDS’’ (Focus sur la défense et la sécurité), l'un de ses plus grands chefs, le commissaire divisionnaire de classe exceptionnelle Masserigne Faye, a brisé le silence, pour revenir sur les sacrifices énormes consentis durant ces périodes troubles. “Beaucoup critiquent la police et les FDS en général sans les connaitre. Si on n'avait pas fait ce qu'on a fait, le Sénégal serait aujourd'hui à terre. On ne peut pas tout dire sur la place publique. Même pour vous accorder cet entretien, il m'a fallu l'autorisation du directeur général. Ce que je peux vous assurer, c'est que si on n'avait pas cette posture, le Sénégal serait aujourd'hui comme le Mali, comme la RDC”, témoigne avec des trémolos dans la voix celui qui a commandé le groupe opérationnel de Dakar, de 2020 à 2024.
Aujourd'hui, c'est eux que l'on présente comme les méchants de l'histoire. Ceux qui ne méritent pas le pardon de la République, qui doivent rendre compte de leurs actes contre ce que l'on appelle pompeusement “le peuple”. Dans cette catégorie, on retrouve pourtant des insulteurs publics notoires qui n'ont rien à envier à Amath Suzanne Camara envoyé en prison - à juste raison - sous le régime du président Bassirou Diomaye Faye, de présumés pilleurs et pyromanes de biens privés comme publics ou de gens qui ont été accusés de les financer. Eux ont droit non seulement au pardon, mais aussi à la “réparation” et aux honneurs de la République. Les plus chanceux sont devenus des députés ou nommés à des postes de responsabilité ; la grande masse aura droit à une indemnisation. L'État ayant déjà annoncé autour de cinq milliards F CFA pour les indemniser ainsi que des financements (voir encadré).
“Si les FDS n'avaient pas fait ce qu'ils ont fait, le pays serait aujourd'hui à terre”
Si ce n'était que les victimes, ceux qui ont injustement été arrêtés et torturés, cela aurait pu se comprendre. Mais sur quelle base on va s'appuyer pour déterminer les victimes, alors même qu'aucun tribunal ne s'est prononcé sur leur culpabilité ou non ? Est-ce que tous ceux qui ont été arrêtés dans le cadre de ces événements sont d’innocentes victimes d'arrestations arbitraires ? Quid de toutes ces personnes dont les biens ont été détruits durant la crise, de ceux qui ont failli ôter la vie à des éléments des forces de défense et de sécurité qui ne faisaient que défendre la République ?
Autant de questions qui viennent mettre un bémol dans cette initiative du gouvernement qui a tendance à considérer tout détenu arrêté dans le cadre des manifestations comme une victime. A contrario, ceux qui les ont envoyés en prison -magistrats et FDS - sont des complices. Qui, dans ces conditions, accepterait, la prochaine fois que des situations similaires se présenteront, de défendre l'État ? Qu'adviendrait-il si, dans quelques années, les mêmes jeunes, mécontents de la gestion des autorités, descendaient à nouveau en masse dans la rue pour réclamer la chute du régime actuel ?
En vérité, il y a eu certes pas mal de dérives du côté des forces de défense et de sécurité. Mais il y en a également eu du côté des manifestants. Des policiers et des gendarmes ont failli y laisser leurs vies. D'autres ont exposé leurs familles, pour que la République reste debout. Et le témoignage du commissaire Masserigne Faye en lève une partie du voile sur les risques énormes qui guettaient ce pays.
Selon lui, le jour où on a brûlé des infrastructures à l'université Cheikh Anta Diop, des gens étaient sortis pour aller mettre le feu à la Daf (Direction de l'automatisation des fichiers) et à la DGE (Direction générale des Élections). “Ils sont venus jusqu'à la rue 3. Mes éléments m'ont appelé pour me dire qu'il y a une foule importante et leur capacité ne leur permettrait pas de tenir 30 minutes. Il faut du renfort”, a-t-il rapporté.
La notion de victime et de coupable galvaudée
Tout de suite, il s'est déployé avec les renforts et a vu une foule immense et déterminée. “Je me suis dit que si on les attaque de face, on n'en sortirait pas. J'ai demandé à mon lieutenant de gérer cette position, je vais faire le tour pour qu'on les ceinture. Je les ai pris par derrière, du côté de marché Gueule tapée. Il y a eu deux fronts ; une attaque par-devant et une autre par-derrière. Ils ont paniqué et ont pris les rues transversales pour sortir de la zone. On les a chassés jusque vers la dibiterie Le Mboté, mais ils avaient mis le feu partout. J'ai dû prendre des bouteilles d'eau exposées à la devanture d'une boutique pour éteindre le feu qui menaçait la DGE et la Daf. D'ailleurs, j'y suis retourné plus tard pour présenter mes excuses au boutiquier. J'ai voulu lui donner un peu d'argent, mais il ne l'a pas pris”. La Daf et la DGE ont ainsi été sauvées. Des manifestants arrêtés. L'État a pu continuer la mise en œuvre de son calendrier pour l'organisation des élections.
Aujourd'hui, les manifestants sont honorés. Les policiers et les gendarmes voués aux gémonies. Comment vivent-ils de telles critiques ? Le commissaire Faye rétorque : “Les critiques ne peuvent manquer quand on est devant. Mais nous, on agit par devoir. Ce qu'on a fait, si on ne l'avait pas fait, le Sénégal serait comme le Mali, comme le Congo. Il faut que les Sénégalais soient conscients que notre plus grande richesse, c'est la paix. Ne bradons pas cette richesse pour des futilités. Ce qui nous unit est beaucoup plus fort. Les gens doivent comprendre que les forces de police sont apolitiques, qu'ils se gardent de les inviter dans la chose politique”, renchérit-il, tout en soulignant qu'il était prêt au sacrifice suprême pour la défense de la République. “Je le disais souvent aux hommes. S'il faut qu'une personne meure pour que le Sénégal reste, que ça soit moi. Tenons la baraque, ne laissons pas ce pays sombrer”, rapporte l'ancien chef de la Brigade d'intervention polyvalente (Bip), celui qui a mené de main de maitre l'arrestation d’Hissène Habré à Dakar.
Cela dit, des éléments des FDS ont aussi été accusés de tortures, de violence inouïe et injustifiée sur des manifestants, sans parler des nombreux morts qu'il faudra élucider par des enquêtes indépendantes.
Mais l'un des grands griefs portés contre les FDS, c'est de n'avoir rien fait contre les gros bras qui les accompagnaient sur le terrain. D'ailleurs, à l'époque, cela avait soulevé un vrai malaise au sein des forces de défense et de sécurité. Certains officiers étant contre l'implication de nervis dans la gestion des manifestations.
Le recours aux nervis : la tache noire
Fortement critiqué pour le rôle qu'il a eu à jouer durant les manifestations politiques, Masserigne Faye est pourtant très respecté dans le système des Nations Unies, pour le rôle décisif qu'il a eu à jouer dans le maintien de l'ordre dans des zones chaudes comme Kidal, Gao et Tombouctou au Mali, mais aussi au Nord-Kivu, en République démocratique du Congo où il commandait plusieurs forces. Il est réputé comme un homme profondément croyant. Sa plus grande satisfaction, c'est d'avoir su préserver ses hommes durant la crise. Il en rend grâce au bon Dieu. “Quand on a trois mille hommes à commander, ce n'est pas évident. Tous les jours, je me levais à l'aube pour prier Dieu de garder sains et saufs les éléments. Ma grande satisfaction, c'est de n'avoir enregistré aucune perte en vie humaine. Nous avons eu peur pour deux éléments qui ont été roués de pierres, mais grâce à Dieu, il y a eu plus de peur que de mal”.
Aux jeunes générations des FDS qui ont tendance à recourir aux médias et surtout aux activistes pour vilipender l'image de la police ou de la gendarmerie, il demande d'utiliser les canaux internes pour faire passer leurs messages. Ce qu'il a eu à faire, c'est plus par patriotisme, a-t-il tenu à expliquer. “J'aurais pu choisir de rester aux Nations Unies où on me payait six fois ce que je gagne au Sénégal, où on me payait 60 000 euros par an, rien que pour l'éducation de mes enfants. D'autres ont fait des sacrifices bien plus importants. C'est facile de critiquer les gens sans les connaitre, s'est-il défendu. C'est d'autant plus facile que ceux qui sont attaqués de toutes parts ne peuvent répondre aux attaques et critiques. Pour vous accorder cet entretien, il a fallu l'autorisation du DG”.
Qui va honorer les policiers et les gendarmes qui ont permis au Sénégal de ne pas sombrer dans le chaos ?
En 43 ans de police, le commissaire Masserigne, qui est au seuil de sa carrière (il devait partir à la retraite, mais avait bénéficié d'une prolongation qui va bientôt arriver à terme) jouit d'un grand respect auprès de ses pairs. Il a aussi beaucoup contribué à la réputation des forces sénégalaises au sein des missions de la paix au Mali et au Congo, notamment en y faisant intégrer les forces d'élite sénégalaises du GIGN. Les attaques sont loin de l'ébranler. “Quand on est animé de bonne foi et de droiture, on ne peut avoir peur. Comme on dit : le feu est ennemi de l'encens. Mais le fait qu'il le brûle le fait sentir encore plus, au bonheur de tout le monde. Quand on raconte des inepties et des contrevérités sur toi, cela ne peut vous affecter. C'est juste qu'on est devant et quand on est devant, forcément, on est exposé aux critiques. Les gens vont inventer des choses pour te démoraliser, parce qu'ils savent que c'est toi qui les empêches de tourner en rond. C'est pourquoi un chef ne doit pas avoir peur des critiques. Celui qui rechigne de faire ce qu'il a à faire de peur d'être critiqué ne mérite pas d'être chef. Pour ma part, rien ne peut m'ébranler. Je n'ai peur que de Dieu”, souligne l'ancien commandant du groupe opérationnel de Dakar.
INDEMNISATION DES VICTIMES, BABACAR GAYE DÉNONCE UNE MESURE INJUSTIFIÉE
L’ancien député remet en cause la légitimité et la base juridique du plan d’indemnisation des victimes et ex-détenus des violences politiques de 2021-2024. Il critique un manque de transparence.
L’ancien député Babacar Gaye s’attaque à la récente annonce du gouvernement concernant l’indemnisation des ex-détenus et des victimes des violences politiques ayant secoué le Sénégal entre 2021 et 2024. Dans un post sur les réseaux sociaux, il remet en question la légitimité et la base juridique de ces mesures, dénonçant un manque de transparence et d’équité.
Le ministre de la Famille et des Solidarités, Maïmouna Dièye, a récemment dévoilé un plan d’indemnisation financé à hauteur de 5 milliards de francs CFA, alors que, selon Babacar Gaye, l’État est déjà dans une situation financière critique. Parmi les mesures annoncées :
-10 millions de francs CFA pour chaque famille endeuillée
Statut de pupilles de la Nation pour les orphelins mineurs
Bourses de Sécurité familiale et Couverture Sanitaire Universelle
Accès aux fonds de la DER/FJ, au Fonds national de Crédit pour les Femmes et au Fonds national de Promotion de l’Entrepreneuriat Féminin
500 000 francs CFA pour chaque ex-détenu libéré dans le cadre de la loi d’amnistie
Un manque de base juridique ?
Babacar Gaye s’interroge sur la légalité de cette indemnisation en l’absence de décisions judiciaires identifiant clairement des victimes et des responsables. Selon lui, dans un État de droit, une telle allocation de fonds publics devrait être encadrée par des jugements établissant des responsabilités précises.
Il soulève également une question cruciale : en cas d’abrogation de la loi d’amnistie, les bénéficiaires de ces indemnités devraient-ils rembourser les sommes perçues ?
Quid des forces de l’ordre et des entreprises impactées ?
L’ex-parlementaire dénonce aussi l’oubli des forces de sécurité, notamment les policiers, gendarmes et magistrats, qui ont été pris à partie, insultés et menacés lors des violences, mais qui ont continué à assurer la stabilité du pays. Il estime que l’État devrait également prévoir une compensation pour ces agents.
Enfin, Babacar Gaye pointe du doigt le coût des dégâts matériels subis par les infrastructures publiques et privées, citant notamment SOTRAC, BRT et TER, qui ont été la cible de saccages. Il interpelle l’État sur sa responsabilité dans la réparation de ces pertes.
Un « État Pastef » qui s’auto-condamne ?
Pour Babacar Gaye, cette politique d’indemnisation revient à un aveu de culpabilité de la part du gouvernement. Il estime que l’exécutif doit des explications aux citoyens, qui s’interrogent sur la gestion des finances publiques et sur l’équité de cette mesure.